N° 2733
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 avril 2015.
PROPOSITION DE LOI
visant à rendre obligatoire, pour toute personne condamnée pour des faits de pédopornographie, de pédophilie ou toute autre infraction de nature sexuelle sur mineur, l’interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Pierre LELLOUCHE, Damien ABAD, Élie ABOUD, Bernard ACCOYER, Laurence ARRIBAGÉ, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT TROIN, Patrick BALKANY, Jacques Alain BÉNISTI, Philippe BRIAND, Marcel BONNOT, Gérard CHERPION, Éric CIOTTI, Jean-Michel COUVE, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Daniel FASQUELLE, Yves FOULON, Marie-Louise FORT, Bernard GÉRARD, Charles-Ange GINESY, Jean-Pierre GIRAN, Philippe GOSSELIN, Jean-Jacques GUILLET, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Jacques MYARD, Dominique NACHURY, Jacques PELISSARD, Bernard PERRUT, Josette PONS, Fernand SIRÉ, Thierry SOLÈRE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Philippe VITEL, Isabelle LE CALLENNEC, Jean-Luc REITZER, Alain GEST, Jean-Claude MATHIS, Guy TEISSIER, Valérie PÉCRESSE, Bérengère POLETTI, François SCELLIER, et Éric WOERTH,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il est devenu proprement insupportable que dans notre République, année après année, les violences sexuelles contre les enfants continuent d’être perpétrées dans l’enceinte scolaire, pourtant dédiée à la protection des enfants.
Il est inacceptable que la vie de nombreux enfants soit ruinée par ceux-là mêmes dont la mission est d’assurer leur éducation et leur protection. Ces faits sont d’autant plus insoutenables lorsqu’ils sont commis par des « éducateurs », déjà condamnés par la justice pour des faits de violences sexuelles contre des enfants ou des faits de pédophilie.
C’est hélas pourtant la situation de notre pays en 2015, comme le révèlent de récents scandales portés à la connaissance du public ces dernières semaines.
Malgré les disposions extrêmement précises du code pénal et du code de l’action sociale et des familles, concernant la prévention du risque pédophile, la répression de celui-ci et le suivi des personnes concernées, et malgré d’innombrables circulaires interministérielles ou émanant des ministères de la justice ou de l’éducation nationale depuis plus de quinze ans, censées améliorer l’information des employeurs sur d’éventuelles condamnations pour des atteintes sexuelles concernant les éducateurs, il se trouve encore dans notre pays des professeurs ou des directeurs d’école condamnés par la justice pour des faits de violences sexuelles ou de pédophilie et qui, pourtant, peuvent poursuivre leur carrière au contact quotidien d’enfants ou de mineurs, en continuant bien sûr leurs activités de prédateurs sur des mineurs sans défense.
Au cœur du problème, se situe une faille principale qui est que l’interdiction d’exercer toute profession au contact d’enfants pour des personnes concernées par ce type de crime ou de délit, est considérée aujourd’hui dans notre droit comme une peine complémentaire laissée à la libre appréciation du juge.
Cette interdiction peut être temporaire ou définitive, elle peut ou non être décidée par le juge en complément de sa peine principale (emprisonnement, sursis etc.). Il arrive donc que des éducateurs condamnés par exemple pour la consultation de films pornographiques à caractère pédophile soient laissés en activité ; et il arrive aussi que des condamnations pour ces types de faits ne soient pas communiquées aux institutions qui emploient ces éducateurs, à commencer par l’éducation nationale, malgré de multiples circulaires en ce sens.
De tels dysfonctionnements sont tout simplement inacceptables. Ces violences sexuelles subies par les enfants ont des conséquences indélébiles dans la vie des êtres humains et peuvent entraîner des conséquences tragiques.
La République ne peut pas laisser ces prédateurs sexuels continuer d’exercer des professions au contact des enfants. C’est le but de cette présente proposition de loi que de remédier à ces failles par une disposition simple qui consiste en trois éléments :
1. Rendre obligatoire la peine complémentaire d’interdiction d’exercer pour toute personne condamnée pour crime ou délit sexuel contre les mineurs, et dont l’activité professionnelle les amène à être au contact d’une population de mineurs ;
2. Rendre définitive l’interdiction d’exercer ;
3. L’appréciation du juge conformément au principe d’individualisation de la peine est maintenue, mais elle est soumise à de strictes conditions : le juge devant démontrer par une décision motivée pourquoi à son sens, au vu de la personnalité de l’auteur et des circonstances de l’infraction, le risque pour les enfants aurait disparu ;
4. Faire en sorte que la communication de cette interdiction soit immédiate auprès des organismes employeurs afin qu’elle entraine une révocation elle aussi immédiate de la personne condamnée.
PROPOSITION DE LOI
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article 222-45 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’une infraction, prévue par la section 3 du présent chapitre, est commise sur un mineur, la juridiction de jugement prononce l’interdiction à titre définitif ; elle ne peut y renoncer que par une décision spécialement motivée, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ; » ;
2° Le 6° de l’article 227-29 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque la condamnation est prononcée sur le fondement des articles 227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3, la juridiction de jugement prononce l’interdiction à titre définitif ; elle ne peut y renoncer que par une décision spécialement motivée, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ; ».
En cas de condamnation définitive assortie de la peine complémentaire prévue à la deuxième phrase du 3° de l’article 222-45 et à la deuxième phrase du 6° de l’article 227-29 du code pénal, la décision est notifiée sans délai à l’organisme auprès duquel la personne exerce l’activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.
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