N° 3011 - Proposition de loi de M. Jean-François Mancel tendant à mettre en place une prestation familiale unique et à transférer le financement des allocations familiales de la cotisation patronale à la taxe sur la valeur ajoutée et à la contribution sociale généralisée



N° 3011

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015.

PROPOSITION DE LOI

tendant à mettre en place une prestation familiale unique
et à transférer le financement des allocations familiales
de la cotisation patronale à la taxe sur la valeur ajoutée
et à la contribution sociale généralisée,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-François MANCEL,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs décennies, le développement tentaculaire de l’État-providence français conduit à une complexification croissante du système socio-fiscal. La politique familiale en est un exemple récent, avec la conjonction d’un plafonnement progressif du mécanisme fiscal du quotient familial et la mise sous conditions de ressources des allocations familiales.

Il est temps de rationnaliser la politique familiale en gardant à l’esprit le principal impératif : garantir à chaque enfant le minimum nécessaire. Cette réforme, recentrée sur l’enfant et non plus sur la famille, s’articule autour de l’individu. Elle s’inscrit comme la première étape d’un processus plus global visant à la mise en œuvre d’un revenu universel versé à chaque individu membre de la société.

Aujourd’hui, l’aide financière apportée aux ménages varie selon le nombre d’enfants, leur âge et les ressources des parents. Cette variation, complexe, crée fatalement des disparités. Par exemple, des couples modestes (ayant un revenu net de 2 000 €/mois) avec un seul enfant ne perçoivent que l’allocation annuelle de rentrée scolaire (de 362 € à 396 € par an selon l’âge, soit environ 30 €/mois). Par comparaison, les couples avec un enfant sont aidés à hauteur de 155 €/mois lorsqu’ils sont au revenu de solidarité active (RSA) et de 125 €/mois s’ils ont des revenus élevés (grâce à la réduction d’impôt du quotient familial).

De leur côté, les familles nombreuses (trois enfants ou plus) sont aidées financièrement à hauteur de quelque 200 € par mois, par enfant. Paradoxalement, les familles nombreuses défavorisées sont les moins aidées car elles ne bénéficient ni de l’impact favorable du complément familial pour le troisième enfant, déductible du revenu de solidarité active, donc réservé de fait aux classes intermédiaires, ni du quotient familial qui concerne essentiellement les classes les plus aisées. Ainsi un couple avec trois enfant (de six à dix ans) n’ayant aucun revenu perçoit au final 575 €/mois d’aides pour ses enfants, un couple avec un revenu net de 2 000 €/mois a droit à 683 €/mois et un couple aux revenus élevés bénéficie de 669 €/mois d’allocations et réductions d’impôts.

La « prime au troisième enfant », héritée de la période d’après-guerre, a-t-elle encore un sens ? Aucune étude sérieuse ne prouve qu’elle ait un quelconque effet positif sur la natalité. Par ailleurs, la multiplicité des familles recomposées rend de plus en plus artificielle la notion même de « rang dans la fratrie ». Il serait donc pertinent de remettre en question ce principe, en allouant des aides identiques dès le premier enfant.

A l’inverse, les modifications successives apportées à la politique familiale ont progressivement dénaturé l’objectif même de cette politique, issue du décret-loi du 12 novembre 1938 (Journal officiel du 13 novembre 1938) créant les allocations familiales. D’une politique universelle de transferts horizontaux, basée sur une allocation fonction du nombre d’enfants, versée quel que soit le revenu du foyer avec un taux uniforme, nous sommes aujourd’hui passés à un système redistributif complexe et inégalitaire car prenant en compte le revenu des parents (transferts verticaux) et modifiant les sommes versées pour chaque enfant en fonction de sa position dans la fratrie.

Dans la logique de cohérence, d’efficacité et de simplification indispensable de l’action publique, il est nécessaire à présent de rationaliser le régime d’aide financière apportée aux ménages ayant des enfants. La présente loi vise ainsi à aligner l’allocation familiale au même montant pour chaque enfant quels que soient son rang et les revenus du foyer. Pour que cette mesure puisse être viable financièrement et dans un objectif de clarté de la politique familiale, il convient de supprimer progressivement les autres instruments de redistribution intervenant dans la politique familiale, tels que le calcul du revenu de solidarité active fonction du nombre d’enfant et le quotient familial.

Enfin, il est incohérent que les entreprises financent, à travers une cotisation patronale de 5,25 %, des allocations familiales qui sont versées à l’ensemble des foyers, actifs ou non, dont la contribution comme parents bénéficie à l’ensemble de la société. Afin d’y remédier, la présente loi supprime cette cotisation patronale de 3,45 % et la compense en augmentant de deux points la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux normal et d’un point la cotisation sociale généralisée (CSG), prélèvements plus égalitaires au regard de cette politique. Ainsi, cette loi permet à la fois de clarifier la politique familiale de l’État, mais aussi d’alléger les charges trop importantes des entreprises.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 551-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« Le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul revalorisées au 1er avril de chaque année, conformément à l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l'année considérée, par la commission visée à l'article L. 161-23-1 à 41 % de la base mensuelle prévue pour chacun des enfants à charge.

« La majoration des allocations familiales est fixée à 16 % de la base mensuelle de calcul des prestations familiales. »

Article 2

Au premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « premier ».

Article 3

Au premier alinéa de l’article L. 521-3 du code de la sécurité sociale, les mots : « , à l’exception du plus âgé, » sont supprimés.

Article 4

L’article L. 543-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « dont les ressources ne dépassent pas un plafond variable en fonction du nombre des enfants à charge » sont supprimés ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « , et dont la rémunération n’excède pas le plafond mentionné au 2° de l’article l. 512-3, » sont supprimés ;

3° Le troisième alinéa est supprimé.

Article 5

L’article 194 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 194. – Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes :

«

Situation de famille

Nombre de parts

 

Célibataire, divorcé ou veuf

1

 

Mariés ou pacsés

2

« Lorsque les époux ou pacsés font l'objet d'une imposition séparée en application du 4 de l'article 6, chacun d'eux est considéré comme un célibataire. »

Article 6

Au 2° de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « et du nombre d’enfants à charge » sont supprimés.

Article 7

L’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le mot : «  par », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée à l’article 278 du code général des impôts et par une fraction du produit de la cotisation sociale généralisée mentionnée à l’article L. 136-1. »

2° les deuxième à neuvième alinéas sont supprimés.

Article 8

À l’article 278 du code général des impôts, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 22 % ».

Article 9

L’article  L. 138-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« I. – Le taux des contributions sociales est fixé :

« 1° À 10,5 % pour la contribution sociale mentionnée à l'article L. 136-1 ;

« 2° À 11,2 % pour les contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 ;

« 3° À 9,9 % pour la contribution sociale mentionnée au I de l'article L. 136-7-1.

« II. – Par dérogation au I :

« 1° Sont assujetties à la contribution au taux de 9,2 % les allocations de chômage ainsi que les indemnités et allocations mentionnées au 7° du II de l'article L. 136-2 ;

« 2° Sont assujetties à la contribution au taux de 9,6 % les pensions de retraite et les pensions d'invalidité.

« III. – Par dérogation au I et au II, sont assujettis à la contribution sociale au taux de 6,8 % les revenus visés aux 1° et 2° du III de l'article L. 136-2, perçus par les personnes dont les revenus de l'avant-dernière année sont définis au IV de l'article 1417 du code général des impôts. »


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