N° 3030 - Proposition de loi de M. Christian Jacob visant à supprimer les freins au développement des entreprises posés depuis 2012



N° 3030

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2015.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer les freins au développement des entreprises posés depuis 2012,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Christian JACOB et les membres du groupe Les Républicains,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis maintenant trois ans, le Gouvernement ne cesse de prendre des mesures dangereuses pour les entreprises. Cette politique absurde est particulièrement préoccupante, alors que la France est aujourd’hui dans une situation de décrochage économique.

Les mesures anti-entreprises mises en œuvre depuis l’arrivée de François Hollande ont eu un impact désastreux sur l’emploi : en trente-six mois de mandat socialiste, il y a eu trente-et-un mois de hausse du chômage. Pour les seuls chômeurs de catégorie A, les sans-emplois stricts, on est passé, en métropole, de 2,8 millions à 3,5 millions, soit une progression de 647 000. Si l’on y ajoute les chômeurs de catégories B et C, qui ont une activité réduite, on atteint 5,3 millions de demandeurs d’emplois, une hausse de plus d’un million en trois ans ! Les vaines incantations de François Hollande en matière d’inversion de la courbe du chômage lui ont fait perdre toute crédibilité parallèlement à l’échec terrible de sa politique.

Le niveau des défaillances d’entreprises n’a d’ailleurs jamais été aussi élevé qu’actuellement (+ 7,6 % au 1er trimestre 2015), notamment pour les petites et moyennes entreprises. Un niveau historique, avec à la clé plus de 66 000 emplois menacés.

Le piteux état de nos finances publiques est un autre élément de décrochage de notre pays. La réduction du déficit budgétaire de l’État, amorcée depuis 2010, s’est ainsi interrompue l’année dernière avec un déficit de l’État qui dérape de plus de 10 milliards d’euros. La dépense publique, quant à elle, représente 57,5 % du produit intérieur brut, un record européen ! Le niveau de notre dette est lui aussi tristement historique puisque celle-ci s’établit à 97,5 % du produit intérieur brut, soit près de 2 089 milliards d’euros.

Depuis la première loi de finances rectificative de l’été 2012, 55 mesures de hausses d’impôts ou de créations de taxes ont été décidées par le Gouvernement socialiste. Le constat est accablant pour les entreprises : en cumulé depuis 2012, la majorité a ponctionné plus de 9 milliards d’euros sur leur capacité de financement.

Le choix du Gouvernement d’alourdir les impôts sur les entreprises dans un contexte de concurrence fiscale internationale est totalement irresponsable et déconnecté des réalités économiques. La France est ainsi devenue l’un des pays européens où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés (44,9 % du produit intérieur brut fin 2014). Cette triste réalité met en péril la survie de nos entreprises et l’attractivité de notre pays pour les investisseurs étrangers, sources d’emplois sur notre territoire.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que le Gouvernement ne cesse d’envoyer des messages contradictoires aux entrepreneurs, d’un côté, sur l’accompagnement des entreprises, et de l’autre, sur le matraquage sans précédent dont elles sont victimes depuis 3 ans. Tout cela crée un climat d’incertitude et d’instabilité très préjudiciable à l’emploi et à la volonté d’investir des entreprises. En effet, pour embaucher ou pour investir, les acteurs économiques ont besoin d’une visibilité forte.

Malheureusement l’article 40 de la Constitution interdisant toute création ou aggravation d’une charge publique, les évènements fiscaux ayant impacté directement les entreprises ne peuvent faire l’objet d’une initiative parlementaire.

C’est pourquoi l’objet de la présente proposition de loi est donc d’adopter, pour commencer, dès maintenant, des mesures d’urgence visant à lever les freins qui pèsent sur l’activité économique de nos entreprises. Ces mesures visent à alléger les contraintes des chefs d’entreprises et à favoriser un climat économique propice à une réelle reprise.

Depuis 2012, le Gouvernement a en effet multiplié les mesures, commettant sans cesse les mêmes erreurs : complexité, manque d’anticipation, difficulté d’application opérationnelle.

À peine applicables par les entreprises, les dispositifs sont modifiés, superposés, remplacés. Le compte de prévention de la pénibilité, créé par « la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites », est un exemple de ces dispositifs ayant fait l’objet de nombreux remaniements. Il a été dans un premier temps inapplicable pour les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises en raison des charges administratives qu’il créait. Après que les entreprises ont investi des moyens importants pour le mettre en place, le Gouvernement prévoit maintenant de le modifier. La simplification n’aura jamais été autant source de complexités pour les entreprises ! Les mesures de simplification demeurent des mesures a minima, qui mettent de côté les véritables débats. Les critères de la pénibilité restent trop nombreux et trop difficiles à apprécier, générant un risque de contentieux pour les entreprises.

Pour recréer les conditions de la croissance, il faut alléger les charges administratives pesant sur les entreprises. En effet, chaque charge administrative supplémentaire a un impact économique et pèse sur la croissance des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. À titre d’exemple, le coût du compte pénibilité s’élève à près de 2,5 milliards d’euros en 2030 et la majoration des contributions patronales d’assurance-chômage, introduite le 1er juillet 2013, a coûté 49,87 millions d’euros aux entreprises en 2014. L’impact des charges administratives, créées par le Gouvernement depuis 2012, s’évalue également en termes d’emplois. Nul doute, en effet, du rôle dissuasif joué sur l’embauche par ces mesures. C’est le cas notamment du seuil de vingt-quatre heures hebdomadaires pour les contrats à temps partiel, adopté en méconnaissance des réalités auxquelles font face les entreprises. En obligeant les entreprises à recruter pour des contrats à temps partiel de vingt-quatre heures hebdomadaires minimum, pour des postes nécessitant quelques heures seulement, le Gouvernement a incité les entreprises non pas à embaucher mais à recourir à la sous-traitance. La France est ainsi le seul pays au monde où l’on ne peut pas travailler moins de vingt-quatre heures et difficilement plus de trente-cinq heures !

Si le Gouvernement a échoué dans sa volonté de créer un « choc de simplification », il a aussi échoué dans son ambition de provoquer « un choc de confiance ». La création d’une obligation de recherche d’un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement ou encore la création d’un droit d’information pour les salariés ont participé à renforcer, par des d’intentions, la suspicion à l’égard des chefs d’entreprises. Ces contraintes administratives supplémentaires ont à la fois alourdi les processus de reprise d’une entreprise et instauré un climat de méfiance généralisée. Loin d’encourager les dirigeants d’entreprises et les investisseurs à créer de l’activité et de l’emploi, ces lois ont contribué à les décourager. La baisse des investissements étrangers de 77 % en France en 2013 est un signe de l’impact négatif de ces mesures sur l’attractivité de la France.

Il faut stopper l’instabilité juridique qui naît de la superposition et la multiplication des normes. Il faut aussi diminuer les contraintes en accordant plus de liberté et de confiance aux entreprises.

Enfin, la croissance de demain se prépare en formant les jeunes aujourd’hui. Il est donc nécessaire de renforcer leur employabilité en mettant l’entreprise au cœur de leur formation. L’entreprise a besoin des jeunes et les jeunes de l’entreprise. Ne pas agir dans ce sens, c’est abandonner les jeunes et priver les entreprises de nos meilleurs talents. Cette proposition de loi propose, à l’inverse de la politique d’assistanat mise en place par le Gouvernement, de favoriser l’accès des jeunes au monde de l’entreprise en assouplissant les règles encadrant les stages et en levant les obstacles au développement de l’apprentissage.

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Cette proposition de loi présente deux chapitres, l’un visant à alléger les contraintes qui pèsent sur les entreprises, l’autre à faciliter l’emploi des jeunes.

• L’article 1er supprime le compte de prévention de la pénibilité et rétablit la fiche d’exposition à des travaux pénibles, issue de la loi portant réforme des retraites de 2010. En effet, la mise en œuvre du compte pénibilité représente non seulement une contrainte pour les entreprises mais est également difficile à financer : le dispositif devrait coûter près de 2,5 milliards d’euros en 2030 pour un rendement bien inférieur des deux nouvelles cotisations employeurs à la même date (800 millions d’euros).

• L’article 2 supprime la durée minimale du temps de travail de 24 heures, instaurée par la loi de sécurisation de l’emploi de 2013. Cette mesure a ajouté une contrainte aux entreprises dans l’aménagement du temps de travail, et cela sans prendre en compte leurs besoins. Loin de créer de l’emploi, elle incite les entreprises à ne pas embaucher.

• Les articles 3 et 4 visent à supprimer les mesures adoptées dans la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle (article 3) et dans la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (article 4).

La loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », a créé, pour les entreprises de plus de mille salariés, une obligation de recherche d’un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement, à la charge du chef d’entreprise.

Cette loi visait à mettre en œuvre une promesse de campagne de François Hollande en 2012, notamment face aux salariés de Florange. Force est de constater d’une part que les engagements pris devant les salariés de Florange n’ont pas été tenus, et d’autre part que les dispositions adoptées par la loi du 29 mars 2014 n’empêcheront pas les usines de fermer et, pire, auront un effet contre-productif.

En parallèle, la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a repris, pour les petites et moyennes entreprises, les obligations en matière d’information des salariés « lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce veut le céder » (article 19) ou « lorsque le propriétaire d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions veut les céder » (article 20).

S’il est légitime que les salariés ne découvrent pas, dans la presse, du jour au lendemain, que leur entreprise est cédée à un tiers, les nouvelles obligations sont mal ficelées et emportent des conséquences négatives. D’ailleurs, preuve en est, lors de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le Gouvernement a assoupli l’information des salariés pour les petites et moyennes entreprises en limitant son champ d’application aux seules ventes, et non plus à l’ensemble des transferts de propriété.

Ces mesures complexifieront d’avantage les processus de reprise d’une entreprise. En outre, elles risquent de faire peur aux salariés, aux clients, aux investisseurs qui préféreront attendre plutôt que de continuer à soutenir l’activité de l’entreprise.

• L’article 5 supprime la majoration de la part patronale à la contribution d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée de courte durée.

Depuis le 1er juillet 2013, la contribution d’assurance chômage à la charge des employeurs est majorée pour certains contrats à durée déterminée. Cette nouvelle taxation varie en fonction de la durée du contrat à durée déterminée et du motif de son recours (la part patronale pour les contrats à durée déterminée passe de 4 % à 7 % pour les contrats à durée déterminée inférieurs ou égaux à un mois, ou à 5,5 % pour les contrats à durée déterminée de un à trois mois).

Cette majoration, issue de l’accord national interprofessionnel, a été permise par l’inscription dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi du principe de modulation des contributions patronales d’assurance chômage.

Si le principe d’une modulation des cotisations d’assurance chômage est légitime (pour faire intégrer aux employeurs le coût social et financier de leur décision en matière de contrat de travail), les modalités retenues sont critiquables. En effet, seul un type particulier de contrats est ciblé (les contrats à durée déterminée) sans que cela recouvre nécessairement des situations dans lesquelles les salariés concernés consomment leurs droits à indemnisation chômage.

Cette majoration des contributions patronales d’assurance-chômage a coûté 49,87 millions d’euros aux entreprises en 2014. Accabler les entreprises dans le contexte actuel semble largement déraisonnable d’autant plus que l’objectif visé, à savoir une incitation à l’embauche en contrat en durée indéterminée par la taxation des contrats à durée déterminée de courte durée, n’est pas atteint. En 2014, la hausse de l’emploi en contrats à durée déterminée se poursuit, avec 15,7 millions de déclarations d’embauche en contrats à durée déterminée de moins d’un mois.²

• L’article 6 supprime les restrictions, créées par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, au financement de l’apprentissage. La loi du 5 mars 2014 a en effet restreint le nombre d’établissements éligibles au barème de la taxe d’apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d’établissements pouvant y prétendre. Cette modification législative a exclu du financement les écoles et campus créés à l’initiative d’entreprises (soit 1 400 établissements d’enseignement privés formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs), dont des établissements à destination des jeunes décrocheurs du système scolaire. Il s’agit ainsi de lever les freins au financement de l’apprentissage par les entreprises et de venir en aide à une filière d’excellence, en véritable recul depuis 2012 (60 000 apprentis en moins).

• L’article 7 supprime le plafonnement du nombre de stagiaires dans les entreprises, tel que prévu dans le cadre de la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. En effet, la fixation de quotas de stagiaires dans les entreprises prive certains jeunes de la possibilité de se former au sein des entreprises et donc d’accéder plus facilement à l’emploi.

PROPOSITION DE LOI

CHAPITRE I

Allégement des contraintes qui pèsent sur les entreprises

Article 1er

Les chapitres Ier et II du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail sont abrogés.

Article 2

I. – Les articles L. 3123-14-1 à L. 3123-14-5 du même code sont abrogés.

II. – Au début du premier alinéa de l’article L. 3123-25 du code du travail, les mots : « Une convention ou un accord de branche étendu » sont remplacés par les mots : « Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche ».

III. – Le III de l’article 20 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale est abrogé.

Article 3

I. – Le même code est ainsi modifié :

1° La section 4 bis du chapitre III du titre III du livre II de la première partie est abrogée.

2° Le 4° de l’article L. 1233-57-2 est abrogé.

3° Au premier alinéa de l’article L. 1233-57-3, les mots : « , le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 » sont supprimés.

II. – Les cessions de fonds de commerce ou de parts sociales, actions ou valeurs mobilières intervenues dans les cas prévus par les dispositions mentionnées au I avant la publication de la présente loi ne peuvent être annulées sur le fondement de ces dispositions.

Article 4

I. – Les sections 3 et 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et le chapitre X du titre III du livre II du code de commerce sont abrogés.

II. – L’article 98 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est abrogé.

III. – Les cessions de fonds de commerce ou de parts sociales, actions ou valeurs mobilières intervenues dans les cas prévus par les dispositions mentionnées au I avant la publication de la présente loi ne peuvent être annulées sur le fondement de ces dispositions.

Article 5

Le deuxième alinéa de l’article L. 5422–12 du code du travail est abrogé.

CHAPITRE II

Mesures facilitant l’emploi des jeunes

Article 6

L’article L. 6241-9 du même code est ainsi modifié :

1° Le 2° est complété par les mots : « , ainsi que les autres établissements privés soumis à une évaluation périodique définie par décret » ;

2° Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Les établissements privés relevant de l’enseignement supérieur soumis à une évaluation périodique définie par décret ; ».

Article 7

L’article L. 124–8 du code de l’éducation est abrogé.

Article 8

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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