N° 3144 - Proposition de loi de M. Thierry Benoit proposant une nouvelle orientation de notre système de retraites



N° 3144

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2015.

PROPOSITION DE LOI

proposant une nouvelle orientation de notre système
de
retraites,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Thierry BENOIT, Philippe VIGIER, Charles de COURSON, Laurent DEGALLAIX, Yannick FAVENNEC, Philippe FOLLIOT, Jean-Christophe FROMANTIN, Meyer HABIB, Francis HILLMEYER, Jean-Christophe LAGARDE, Maurice LEROY, Bertrand PANCHER, Michel PIRON, Franck REYNIER, Arnaud RICHARD, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Jonas TAHUAITU, Jean-Paul TUAIVA, et Michel ZUMKELLER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 20 janvier 2014, la loi n° 2014-20 « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites » était promulguée. Près de dix-huit mois plus tard, force est de constater que cette loi a échoué dans la réalisation des deux principaux objectifs qu’elle s’était initialement fixés.

Malgré l’ambition affichée et une amélioration temporaire en 2016, l’avenir des pensions de retraite apparaît en effet toujours plus sombre avec un déficit global qui, selon les projections du Conseil d’orientation des retraites, devrait atteindre 11,1 milliards d’euros en 2018, soit un milliard de plus qu’en 2014.

Quant à la « justice » souhaitée par le Gouvernement, elle est restée à géométrie variable. Au-delà des mesures attendues pour mieux prendre en compte la pénibilité au travail, aucune action ambitieuse n’a été engagée pour harmoniser les trente-cinq régimes de retraites existants, sans compter la nécessaire réforme des régimes spéciaux.

Pour notre pays, le chantier d’une réforme globale des retraites représente indéniablement un défi immense. Pour autant, le choix de l’inaction et de l’immobilisme pourrait avoir, même à court terme, un coût économique et social très important et hypothéquer durablement l’avenir des jeunes générations. C’est cette obligation d’agir, ce devoir d’équité et de solidarité, que cette proposition de loi entend réaffirmer. Un appel collectif pour un système de retraite modernisé, plus équitable et plus durable.

Le constat que dresse le Conseil de l’Union européenne dans son programme national de réforme de la France pour 2015, publié le 13 mai 2015, est lui aussi on ne peut plus clair : « Le déficit du système de retraite pourrait continuer à se creuser dans les années à venir et les réformes des retraites menées précédemment ne suffiront pas à le combler. En particulier, le déficit imputable aux régimes des agents de l'État et des salariés des entreprises publiques continue de peser sur le déficit global du système de retraite. De plus, la situation macroéconomique a une grande incidence sur la viabilité du système de retraite, et notamment sur la situation des régimes de retraite complémentaire. Une action décisive doit être engagée pour rétablir la santé financière de ces derniers ».

Le rapport remis en juin 2013 par la Commission pour l’avenir des retraites présidée par M. Yannick MOREAU préconisait déjà un rapprochement entre les régimes de retraites publics et privés. Mais en dépit de cette recommandation de bon sens, le Gouvernement a préféré le choix du statu quo à celui de la responsabilité.

Aujourd’hui, les inégalités entre les différents régimes professionnels en vigueur sont incontestables. Premier exemple, les retraites des fonctionnaires sont toujours calculées en fonction des six derniers mois de salaire tandis que celle des salariés du privé ne prennent en compte que les 25 meilleures années d’activité. À l’inverse, les primes des fonctionnaires ne sont pas prises en compte dans le régime de base. Deuxième exemple, selon les projections du Conseil d’orientation des retraites, la pension moyenne d’un agent public devrait s’élever, en 2050, à 27 000 euros contre un plafonnement à 22 500 euros pour les cadres du secteur privé et 14 152 euros pour les non-cadres.

Complexe, ce système où coexistent près d’une trentaine de régimes généraux est surtout incompréhensible pour une immense majorité de Français. Il demeure aussi en totale contradiction avec le principe d’égalité figurant pourtant au fondement du pacte républicain.

C’est pour essayer d’inverser durablement cette tendance que cette proposition de loi propose d’ouvrir trois chantiers nouveaux : rappeler le principe de solidarité intergénérationnelle, mettre progressivement en extinction les régimes spéciaux et s’orienter vers la création d’un régime universel de retraite par points à horizon de l’année 2020 pour tous les salariés du public et du privé.

• Un système unifié pour plus d’équité

Ce nouveau régime universel apparaîtrait, d’abord, comme un acte politique fort et symbolique, démontrant que la valeur travail est la même selon si l’on travaille dans la fonction publique ou dans le secteur privé. Il permettrait, aussi, de mieux tenir compte des parcours professionnels, de la pénibilité du travail, des modes de vie de moins en moins linéaires et d’élever enfin le niveau global de la retraite des Français.

• Un système rationnalisé pour plus d’efficacité

L’unification des différents régimes de retraites représenterait un gain d’efficacité avec une gestion facilitée en cas d’aléas économiques et une meilleure maîtrise des équilibres financiers. Plus souple, plus flexible, ce système permettrait d’ajuster les pensions en fonction des différents paramètres que sont l’augmentation de l’espérance de vie, l’évolution du produit intérieur brut, des salaires et des cotisations.

Nul doute que ces réformes demanderont du courage et de la volonté. Mais à trop vouloir attendre, on prend le risque de sacrifier l’avenir au présent.

Prendre l’engagement de s’orienter, dès aujourd’hui, vers un système de retraite équitable et équilibré, à l’instar de ce qu’ont déjà entrepris avec courage l’immense majorité des pays européens, tel est l’objet de cette proposition de loi.

L’article 1er propose d’introduire une « règle de confiance » à l’égard de toutes les générations : cette règle protègera le pouvoir d’achat des jeunes générations comme des retraités, et préservera la compétitivité de nos entreprises en limitant le taux de cotisation.

L’article 2 vise à assurer une meilleure application du principe d’égalité, principe fondamental de la République française, au système de retraite. La convergence des cotisations et prestations, par la mise en extinction des régimes spéciaux, est la condition indispensable de la mise en œuvre d’une politique équitable pour tous les Français.

L’article 3 affirme l’engagement de l’État à engager des réformes en vue de la création d’un régime unique de retraite par points à horizon de l’année 2020.

L’article 4 propose que le Conseil d’orientation des retraites fixe un calendrier et précise les modalités de la mise en œuvre d’une réforme systémique du système de retraite aboutissant à la création d’un régime unique de retraite par points.

L’article 5 constitue le gage financier de cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le pilotage à moyen terme du système de retraite par répartition est conduit en conformité avec les objectifs suivants :

1° Un taux de cotisation plafond ;

2° Un taux de remplacement plancher ;

3° Une pension de retraite minimale.

Après négociation avec les partenaires sociaux, un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application des quatre alinéas précédents. Il fixe le taux de cotisation plafond et le taux de remplacement plancher, ainsi que le montant de la pension de retraite minimale auquel tout assuré peut avoir droit. Il détermine enfin l’année à laquelle les objectifs fixés aux 1°, 2° et 3° devront être atteints.

Article 2

L’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles de fonctionnement des dix-huit régimes spéciaux de retraites des salariés du secteur public comme du secteur privé n’appartenant pas au régime général sont progressivement alignées, en matière de cotisations et de prestations, sur celles régissant le régime général des salariés, à l’horizon de l’année 2020 ».

Article 3

Le même article du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin d’assurer la pérennité du système de retraite ainsi que son équité et sa transparence, l’État et les autorités compétentes veillent à assurer une convergence progressive des régimes de retraite en vigueur en vue de la création d’un régime universel de retraite par points à horizon de l’année 2020 ».

Article 4

Après un dialogue avec les représentants des salariés relevant du régime de la fonction publique et aux régimes spéciaux, le Conseil d’orientation des retraites mentionné à l’article L. 114-2 du code de la sécurité sociale produit, avant le 31 juillet 2016, un rapport précisant les modalités de mise en œuvre d’un régime universel de retraite par points à horizon de l’année 2020 et fixe un calendrier adapté à la réalisation de cet objectif.

Article 5

Les charges pour l’État qui résulteront de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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