N° 3194 - Proposition de loi de M. Éric Ciotti relative aux évènements climatiques extrêmes : prévenir leur arrivée et soutenir les collectivités territoriales après leur passage



N° 3194

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2015.

PROPOSITION DE LOI

relative aux évènements climatiques extrêmes : prévenir leur arrivée et soutenir les collectivités territoriales
après leur
passage,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

ÉRIC CIOTTI, Jean LEONETTI, Bernard BROCHAND, Christian ESTROSI, Charles-Ange GINESY, Jean-Claude GUIBAL, Lionnel LUCA, Michèle TABAROT, Marcel BONNOT, Jérôme CHARTIER, Dino CINIERI, Marc-Philippe DAUBRESSE, Dominique DORD, Jean-Pierre GIRAN, Claude GOASGUEN, Philippe GOUJON, Jean-Jacques GUILLET, Georges FENECH, Marc LE FUR, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Josette PONS, Camille de ROCCA SERRA, Claudine SCHMID, Jean-Marie SERMIER, François VANNSON, Philippe VITEL, Arnaud VIALA, Jean-Claude BOUCHET et Damien ABAD,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La multiplication d’évènements climatiques extrêmes particulièrement violents affectant nos territoires a généré des conséquences humaines et matérielles dramatiques dans notre pays. En janvier et février 1990, quatre-vingt et une personnes ont été tuées lors d’une série de tempêtes et de pluies diluviennes dans le nord et l’ouest de la France, les 26 et 27 décembre 1999, la « tempête du siècle » faisait quatre-vingt douze morts, le 28 février 2010, cinquante-trois personnes ont été emportées par la tempête Xynthia, principalement dans l’ouest de la France, le 15 juin 2010 des pluies torrentielles ont eu pour conséquence le décès de vingt-trois personnes pour un coût de près d’un milliard d’euros dans le Var.

Plus récemment, le 3 octobre 2015, le département des Alpes-Maritimes a été violemment frappé à son tour. Le bilan humain, avec vingt personnes décédées, et le bilan matériel sont très lourds : les infrastructures (autoroutes, routes départementales, voies ferrées, etc.), des entreprises et de nombreux bâtiments publics ont été fortement endommagés. Le coût est évalué à près d’un milliard d’euros.

Certains scientifiques estiment que ces évènements pourraient devenir de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses. Il est du devoir du législateur d’en tirer tous tes enseignements afin de définir les mesures nécessaires pour en limiter les conséquences.

La protection des populations doit être placée au-dessus de tout autre enjeu. Son renforcement dépend de la mise en place de plans de prévention assortis de travaux adéquats. Or, trop souvent, la réalisation des études et des travaux nécessaires est ralentie, voire entravée par des contraintes environnementales qui se sont peu à peu agrégées jusqu’à rendre illisibles et impraticables les procédures qu’elles édictent. Cette situation peut aller jusqu’à des blocages préoccupants.

Il apparaît ainsi nécessaire d’adapter le cadre légal afin de concilier les préoccupations environnementales et les impératifs de sécurité. Lorsque des vies sont en jeu, il ne doit plus y avoir de conflit de procédures entre la protection de la faune et de la flore d’une part et la sécurité des habitants d’autre part.

Le code de l’environnement prévoit que les travaux destinés à prévenir un danger grave et présentant un caractère d’urgence peuvent être entrepris sans que soient présentées les demandes d’autorisation ou les déclarations auxquelles ils sont soumis, à condition que le préfet en soit immédiatement informé. L’information doit comprendre :

– la description des désordres rencontrés,

– les caractéristiques des travaux envisagés,

– la justification de la nécessité de réaliser des travaux en urgence.

La référence à « un danger grave et présentant un caractère d’urgence » apparaît trop restrictive et ne permet pas d’englober l’ensemble des aménagements destinés à accroître la sécurité des habitants. Ceux-ci restent soumis, lorsqu’ils sont étudiés puis mis en œuvre, à des procédures environnementales très contraignantes qui ralentissent tant la phase de mise à l’étude que la phase de construction. Aussi, l’article 1er propose-t-il d’élargir le champ de cette procédure d’urgence en prévoyant que celle-ci puisse être mise en œuvre lorsque les travaux engagés ont pour objet la protection des personnes.

Le deuxième objet de la proposition de loi est de favoriser l’entretien régulier des cours d’eau (débroussaillage, enlèvement des embâcles et des débris…) dans le souci de prévenir les inondations. En application de l’article L. 215-14 du code de l’environnement, cet entretien relève de la responsabilité des propriétaires riverains. Or cet entretien peut s’avérer complexe et ces derniers, bien que de bonne foi, ne disposent pas toujours des compétences nécessaires pour y procéder. L’article 2 de la proposition de loi propose donc de permettre aux propriétaires privés de confier l’entretien du cours d’eau aux communes. Le coût des travaux demeurera à leur charge et les communes se feront rembourser les frais engagés par les propriétaires tenus à ces obligations.

Enfin, le dernier objectif de la proposition de loi est de soutenir les collectivités territoriales confrontées à une catastrophe naturelle. En effet, celles-ci doivent alors faire face à des dépenses importantes. Or, trop souvent, les procédures de décisions interministérielles qui permettent de débloquer des fonds d’aide au nom de la solidarité nationale sont trop complexes, longues et peu transparentes.

Aussi, l’article 3 de la proposition de loi propose un dispositif simple, rapide et clair en prévoyant de déduire de la contribution aux quatre fonds de péréquation horizontale la part correspondant au montant des dégâts constatés, pour les communes, intercommunalités et départements qui ont subi des catastrophes naturelles. En effet, ces collectivités ne peuvent subir une double sanction avec une ponction sur leurs recettes fiscales alors même qu’elles doivent faire face à de lourdes dépenses pour réparer les dégâts causés par les intempéries.

Dans le même esprit, l’objectif de l’article 4 est d’éviter aux communes, intercommunalités et départements qui ont subi des catastrophes naturelles de voir leurs ressources issues de la dotation globale de fonctionnement diminuer drastiquement dans une période où de lourdes dépenses doivent être engagées pour réparer les dégâts subis par les intempéries. À cet effet, il est prévu que ces collectivités ne puissent percevoir une dotation globale de fonctionnement d’un montant inférieur à celui perçu l’année précédente.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 211-1 du code de l’environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« III. – Dans les zones géographiques à enjeux pour la sécurité humaine et faisant face à des risques majeurs, sous réserve que ces zones soient délimitées par des procédures administratives au titre d’un plan d’action et de prévention des inondations, plan de prévention contre les risques naturels, plan de prévention contre les risques technologiques, ou tout autre procédure ayant permis la délimitation d’une zone dangereuse, les travaux effectués par les personnes publiques en qualité de maître d’ouvrage destinés à assurer la protection des personnes peuvent être entrepris sans que soient présentées les demandes d’autorisation ou les déclarations auxquelles ils sont soumis. La personne publique qui a la maîtrise d’ouvrage des travaux en informe préalablement le représentant de l’État dans le département, qui prend, dans un délai d’une semaine, un arrêté constatant que les travaux correspondent bien à un impératif de sécurité des populations dans une zone identifiée à risque.

« Cette procédure est également applicable aux études préalables à la réalisation des travaux effectués par une personne publique. »

Article 2

I. – L’article L. 215-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les communes, leurs groupements et les syndicats mixtes ont la faculté d’effectuer ou de faire effectuer, à la demande des propriétaires, les actions de maintien des cours d’eau dans leur profil d’équilibre prescrit en application du présent article. Dans ce cas, le maire ou le président du groupement ou du syndicat compétent émet à l’encontre du propriétaire un titre de perception du montant correspondant aux travaux exécutés. Il est procédé au recouvrement de cette somme au bénéfice de la commune, du groupement ou du syndicat compétent, comme en matière de créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 3

I. – Le A du II de l’article L. 3335-1 du code général des collectivités territoriales est complété par l’alinéa suivant :

« Pour les départements qui ont subi, l’année précédente, des dégâts exceptionnels causés à leurs biens par des évènements climatiques ou géologiques graves et dont l’état de catastrophe naturelle a été reconnu en application du code des assurances, la part correspondant au montant des dégâts constatés est déduite de la contribution prélevée au titre du fonds. »

II. – Le IV de l’article L. 3335-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les départements qui ont subi, l’année précédente, des dégâts exceptionnels causés à leurs biens par des évènements climatiques ou géologiques graves et dont l’état de catastrophe naturelle a été reconnu en application du code des assurances, la part correspondant au montant des dégâts constatés est déduite de la contribution prélevée au titre du fonds. »

III. - Le II de l’article L. 3335-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les départements qui ont subi, l’année précédente, des dégâts exceptionnels causés à leurs biens par des évènements climatiques ou géologiques graves et dont l’état de catastrophe naturelle a été reconnu en application du code des assurances, la part correspondant au montant des dégâts constatés est déduite de la contribution prélevée au titre du fonds. »

IV. – Après le 3°de l’article L. 2336-3 du même code, est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Pour les communes et ensembles intercommunaux qui ont subi, l’année précédente, des dégâts exceptionnels causés à leurs biens par des évènements climatiques ou géologiques graves et dont l’état de catastrophe naturelle a été reconnu en application du code des assurances, la part correspondant au montant des dégâts constatés est déduite de la contribution prélevée au titre du fonds. »

V. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 4

I. – Après l’article L. 1613-1 du même code, il est inséré un article 1613-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1613-2. – Les communes, établissements publics de coopération intercommunale et départements qui ont subi, l’année précédente, des dégâts exceptionnels causés à leurs biens par des évènements climatiques ou géologiques graves et dont l’état de catastrophe naturelle a été reconnu, en application du code des assurances, ne peuvent percevoir une dotation globale de fonctionnement d’un montant inférieur à celui perçu l’année précédente. »

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale