N° 3374
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la sécurité des sites industriels sensibles,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Laurent WAUQUIEZ, Bernard PERRUT, Étienne BLANC, Georges FENECH, Michel TERROT, Philippe MEUNIER, François ROCHEBLOINE, Dominique NACHURY, Sophie DION, Charles de LA VERPILLIÈRE, Paul SALEN, Virginie DUBY-MULLER, Bernard ACCOYER, Philippe VIGIER, Philippe COCHET, Alain MOYNE-BRESSAND, Martial SADDIER, Dino CINIERI, Damien ABAD, Jean-Pierre BARBIER, Xavier BRETON, Dominique DORD, Claude de GANAY, Édouard COURTIAL, Thierry MARIANI, Christophe GUILLOTEAU, Michel TERROT, Marianne DUBOIS, Gérard MENUEL, Jean-Jacques GUILLET, Marie-Jo ZIMMERMANN, Valérie BOYER, Claudine SCHMID, Arlette GROSSKOST, Alain MARLEIX, Pierre LELLOUCHE, Denis JACQUAT, Daniel FASQUELLE, Claude GOASGUEN, Patrick HETZEL, Guillaume LARRIVÉ, François VANNSON, Élie ABOUD, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Pierre DOOR, Michel HERBILLON, Alain MOYNE-BRESSAND, Éric CIOTTI, Lionnel LUCA, Jean-Claude GUIBAL, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Annie GENEVARD, Philippe BRIAND, Éric STRAUMANN, Catherine VAUTRIN, Philippe Armand MARTIN, Yannick MOREAU, Thierry SOLÈRE, Jacques KOSSOWSKI, Guy GEOFFROY, Jean-Luc REITZER, Patrick LABAUNE, Guy TEISSIER, Valérie LACROUTE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Michel HEINRICH, Gilles LURTON, Bernard BROCHAND, Franck MARLIN, Jean-Marie TÉTART, Laurence ARRIBAGÉ, Laurent FURST, François SCELLIER, Camille de ROCCA SERRA, Jean-Claude MATHIS, Alain MARSAUD, Jean-Michel COUVE, Marc LE FUR, Damien MESLOT, Jean-Claude BOUCHET, Michel VOISIN, Jean-Pierre VIGIER et Jacques Alain BÉNISTI,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
À travers ses exactions et ses massacres, le terrorisme islamiste a déclaré la guerre à la France, portant à un degré jamais égalé les risques d’attentats et d’atteinte à la sécurité de nos concitoyens.
Face à l’horreur, il est désormais essentiel de réagir pour empêcher les ennemis de la République d’ôter de nouvelles vies. Les différents attentats survenus depuis le début de l’année 2015 ont apporté dramatiquement la preuve tant de la détermination des terroristes à frapper sur le sol national que de leur capacité à fomenter des actions organisées ainsi que des stratégies de guerre machiavéliques.
La priorité doit désormais être accordée à la protection des Français, ce qui ne saurait survenir à législation constante. L’imminence de la menace terroriste ne concerne pas seulement les grandes métropoles : elle se décline également sur l’ensemble des territoires. À ce titre, la législation sur les sites industriels particulièrement sensibles n’apparaît plus adaptée à l’intensité du péril auquel fait face notre pays. Une attaque d’un site industriel contenant des produits dangereux (substances chimiques ou explosifs) pourrait ainsi causer d’effroyables dégâts parmi la population locale.
Ainsi, au regard du caractère protéiforme de la menace, le renforcement de la lutte contre le terrorisme ne doit pas occulter les risques inhérents aux sites Seveso. Le tragique attentat du 26 juin 2015 à Saint-Quentin-Fallavier (Isère) ne fait que confirmer que tout site industriel sensible est une cible potentielle.
Un site Seveso désigne un site industriel qui contient des risques majeurs dus aux produits dangereux présents sur le site. Cette dénomination des établissements fait suite à la catastrophe de Seveso (1976 en Italie), qui a incité les États européens à se doter d’une politique commune en matière de prévention des risques industriels majeurs, à travers l’adoption de directives éponymes.
Selon le dernier recensement du 31 décembre 2014, il existe 1 171 sites relevant de la directive Seveso en France. Au regard de la législation française, les entreprises peuvent être classées « Seveso » selon les quantités et types de produits dangereux présents sur le site. Il existe ainsi deux seuils différents de dangerosité : « Seveso seuil bas » (risque important – 515 établissements) ou « Seveso seuil haut » (risque majeur – 656 établissements). Dès lors, le nombre très important de ces sites multiplie les risques potentiels d’attaque terroriste contre l’un d’entre eux.
Dans ce contexte, la présente proposition de loi prévoit trois séries de mesures visant à renforcer les exigences de sécurité pesant sur les sites industriels sensibles :
– augmenter les exigences de sécurité des sites industriels sensibles en croisant leurs fichiers avec ceux du ministère de l’intérieur ;
– assouplir la règlementation actuelle relative à l’obligation de transparence publique sur leurs activités imposée aux sites Seveso ;
– permettre aux entreprises d’assurer la sécurité dans l’espace public autour de leur site.
1. Augmenter les exigences de sécurité des sites industriels sensibles en croisant leurs fichiers avec ceux du ministère de l’intérieur
La sécurité des sites Seveso suppose, en raison de son importance vitale, de pouvoir avoir accès à toutes les informations relatives aux personnes qui tentent d’y accéder.
Dès lors, il apparaît impératif de pouvoir croiser, lors de l’accès aux sites classés « Seveso », et sur autorisation du représentant de l’État, leurs fichiers avec les signalements pour radicalisation provenant du ministère de l’intérieur. Ces derniers n’étant pour l’instant pas rendus publics, ils contiennent néanmoins des informations capitales pour la sécurité des sites industriels sensibles.
En revanche, dès lors que l’intégralité du fichier des personnes recherchées n’est pas utile à la sécurisation des sites, et dans un objectif de respect du principe de proportionnalité, il convient de modifier le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 en Conseil d’État, afin d’autoriser les exploitants des sites dits « Seveso » à accéder uniquement aux fichiers des personnes « faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard », mentionnées à l’article 2, alinéa 3, dudit décret.
Ainsi, il n’est pas acceptable qu’une personne fichée pour radicalisation puisse accéder à ces installations, faute d’un partage efficient des informations récoltées par le Ministère de l’Intérieur avec les sites industriels concernés. C’est l’ambition de l’article 1 du présent projet de loi.
2. Assouplir la règlementation actuelle relative à l’obligation de transparence publique sur leurs activités imposée aux sites Seveso
Les fiches relatives à l’accès aux sites dits « Seveso » oblige les entreprises à communiquer, dans un souci de transparence à l’égard des populations voisines, des données particulièrement précises quant à la nature, la quantité, et même la localisation des produits stockés sur leurs sites. La possibilité de retrouver la plupart de ces informations sensibles sur Internet engendre dès lors un risque pour la sûreté de ces sites.
Le cadre juridique en matière de droit à l’information des citoyens est consacré à l’article L. 124-1 du code de l’environnement qui prévoit expressément « le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ». En outre, la directive Seveso II avait élargi considérablement la participation du public dans différentes procédures, telles que l'accessibilité du public aux informations contenues dans les études de dangers ou la mise à disposition du public de l’inventaire des substances dangereuses présentes dans l’établissement. De surcroît, les plans d’urgence externes (Plan Particulier d’Intervention) sont élaborés en consultation avec le public après transmission des informations de l’exploitant aux autorités compétentes.
En outre, une nouvelle version de la directive Seveso dite « Seveso III » a reçu un accord institutionnel européen en mars 2012 et est entrée en vigueur en juin 2015. Depuis le 1er juin 2015, de nouvelles exigences sont applicables aux établissements afin de prévenir et de mieux gérer les accidents majeurs impliquant des produits chimiques dangereux. Dès lors, elle renforce considérablement les obligations d’information du public. Les citoyens ont ainsi un accès direct, via Internet, aux informations relatives aux installations Seveso situées à proximité de leur domicile, aux programmes de prévention des accidents et aux mesures d’urgence pour mieux réagir en cas de nécessité.
Au regard de l’intensité des menaces auxquelles est confronté notre pays, la nécessité d’un droit à l’information du citoyen doit être conjuguée avec l’impératif de sécurité. Sur le modèle s’appliquant déjà au secteur de l’eau, du nucléaire et de la défense, la sureté des sites Seveso justifie une plus grande confidentialité sur leurs activités.
Dans l’objectif de garantir la sécurité des Français, première des libertés et condition de l’exercice des droits individuels, l’article 2 de la présente proposition de loi propose de donner au représentant de l’État dans le département le pouvoir de rejeter une demande de communication ou de ne pas divulguer une information relative à un site Seveso, dès lors que cette communication ou consultation pourrait porter atteinte à la sûreté du site.
3. Permettre aux entreprises d’assurer la sécurité dans l’espace public autour de leur site
Face à une menace imminente, susceptible de frapper à tout moment, tout doit être mis en œuvre pour permettre une meilleure protection des citoyens. L’intensité du risque d’une atteinte chimique place les sites industriels sensibles en lieux à protéger en priorité.
Considérant le niveau atteint par la menace, il convient d’adopter désormais des mesures permettant aux entreprises ou à leurs prestataires d’assurer la sécurité dans l’espace public autour de leur site. Le recours à des entreprises extérieures pour assurer la sécurité extérieure ou intérieure des sites, tel qu’il existe aux États-unis ou en Grande-Bretagne, offre l’avantage d’une efficacité renforcée pour un coût moindre.
C’est dans cet objectif que l’article 3 autorise l’exploitant du site Seveso à faire appel à des prestataires privés exerçant une activité de surveillance et de gardiennage, qui pourront être autorisés dans des conditions définies à effectuer sur la voie publique des missions de surveillance contre des effractions dirigées vers leur site.
PROPOSITION DE LOI
Après l’article L. 515-36 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 515-36-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 515-36-1. – Le représentant de l’État dans le département peut autoriser la communication à l’exploitant des données à caractère personnel enregistrées dans le fichier des personnes recherchées mentionné à l’article 230-19 du code de procédure pénale, pour le besoin exclusif de la sûreté du site. L’exploitant est soumis aux mêmes obligations de confidentialité et de sécurité qui incombent aux sous-traitants mentionnées à l’article 35 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
L’article L. 515-35 du même code est complété par les mots : « ainsi qu’à la sûreté du site ».
Après l’article L. 515-36 du même code est inséré un article L. 515-37 ainsi rédigé :
« Art. L. 515-37. – L’exploitant peut faire appel à des prestataires privés exerçant une activité de surveillance et de gardiennage au sens du 1° de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure. Ils peuvent être autorisés, dans les conditions prévues par l’article L. 613-1 du même code, à exercer sur la voie publique des missions de surveillance contre les effractions du site dont ils ont la garde ».
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