N° 3725
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 mai 2016.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à inscrire la « Laïcité » dans la devise de la République
et à prévoir la référence aux racines et à l’histoire chrétiennes
dans la Constitution du 4 octobre 1958,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Éric CIOTTI, Valérie BOYER, Jean-Michel COUVE, Marie-Christine DALLOZ, Marc-Philippe DAUBRESSE, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DOOR, Virginie DUBY-MULLER, Marie-Louise FORT, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Charles-Ange GINESY, Jean-Claude GUIBAL, Jean LEONETTI, Thierry MARIANI, Alain MARSAUD, Alain MOYNE-BRESSAND, Bernard PERRUT, Josette PONS, Paul SALEN, Michel SORDI, Fernand SIRÉ, Dominique TIAN, Michel VOISIN, Philippe VITEL,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’article 1er de notre Constitution dispose que la République française est laïque et qu’elle respecte toutes les croyances. Le principe de laïcité est l’une des clefs de voûte du pacte républicain, qui garantit à tous les citoyens français, quelles que soient leurs convictions religieuses, de vivre ensemble dans la liberté de conscience et la liberté de pratiquer une religion.
Sans le respect du principe de laïcité, il ne peut y avoir, dans notre pays, de cohésion nationale durable.
Cent dix ans après l’adoption de la loi sur la séparation des Églises et de l’État, qui a garanti la paix publique en France, l’espace public est progressivement devenu un lieu d’expression d’appartenances et de pratiques religieuses, devant lesquelles le principe de laïcité n’a eu de cesse de reculer. Certaines revendications ou expressions religieuses se font plus virulentes ; les exigences communautaristes se multiplient. Certains revendiquent un droit à la différence dans l’espace public sur le fondement de principes confessionnels alors même que le modèle français exige des individus de confiner à la sphère privée ce qui relève de leurs croyances religieuses.
À cet égard, l’observatoire de la laïcité a récemment affirmé que la France n’avait jamais eu autant besoin de la laïcité. Dans une exigence première de défense de l’ordre et des principes républicains, il convient donc de répondre à ces nouveaux défis en adaptant le cadre légal applicable.
En prévoyant d’ajouter à la devise française la laïcité, l’article 2 de la proposition de loi constitutionnelle entend rappeler avec force la place fondamentale de ce principe.
Les Français souscrivent à cette démarche : après les attentats de l’année passée, des millions de Français ont fait part de leur profond attachement à la laïcité. Selon un sondage Ifop de février 2015, nos concitoyens considèrent la laïcité comme la valeur la plus importante, devant le suffrage universel.
Mais force est, dans le même temps, de constater la contradiction apparente qui est régulièrement posée entre l’affirmation du principe de laïcité et l’attachement à notre patrimoine culturel et historique, contradiction également présente dans notre jurisprudence administrative. Le principe de laïcité est ainsi fréquemment évoqué au sujet de multiples manifestations traditionnelles, relevant du patrimoine et de l’histoire de France et de ses racines, qu’il conviendrait d’interdire au motif qu’elles contreviendraient, par leur caractère cultuel, au principe de laïcité.
Car, la laïcité ne doit, en effet, pas nous conduire à ignorer qui nous sommes, ni d’où nous venons. Si la France est cultuellement laïque et accorde à chacun une complète liberté de croire et de pratiquer sa religion, s’il le souhaite, elle est également culturellement chrétienne. La France a été culturellement façonnée et imprégnée par son histoire chrétienne qui a forgé les modes de vie, l’organisation sociale, ou encore le calendrier civil ou les fêtes religieuses.
Aussi, importe-t-il, au moment de compléter le cadre juridique applicable et renforcer le principe de laïcité, de veiller à respecter une démarche équilibrée, soucieuse de l’histoire du pays, de ses codes sociaux et de son patrimoine, qui sont également les garants de la cohésion nationale et la paix publiques.
À cet égard, en séparant les Églises de l’État, la loi de 1905 a voulu garantir à chacun une totale liberté de conscience et de culte. Cela n’impliquait pas de renoncer à notre histoire commune, ni de renier le lien qui unit culturellement la France à ses racines chrétiennes. S’il faut défendre à tout prix la laïcité en tant que facteur d’unité, elle ne peut avoir pour corollaire l’effacement de notre culture commune.
Cette réforme de la Constitution doit donc à la fois permettre de clarifier la relation entre la laïcité, comme condition de la cohésion nationale, et les racines chrétiennes de la France, comme expression de l’attachement à la France qui « vient du fond des âges » et « demeure elle-même au long du temps », selon la formule du Général de Gaulle dans ses Mémoires d’espoir.
L’article 1 de la présente proposition de loi constitutionnelle prévoit donc d’inscrire la référence aux racines et à l’histoire chrétiennes dans la Constitution de 1958, afin de graver cette empreinte durable dans le premier article de notre loi fondamentale. Cela autorisera les pouvoirs publics à être d’autant plus intransigeants avec ceux qui s’approprient l’espace public et cherchent à imposer des pratiques cultuelles, qui méprisent autant la laïcité que la société française.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Au début de la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « De tradition chrétienne, elle ».
Le quatrième alinéa de l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 est complété par le mot : « Laïcité».
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