N° 1923 - Rapport d'information de Mme Marie-Noëlle Battistel déposé par la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la proposition de loi (n° 1856) relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant




N
° 
1923

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 mai 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES, SUR la proposition de loi (n° 1856) relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant,

PAR

Mme Marie-Noëlle BATTISTEL,

Députée

——

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Catherine Coutelle, présidente ; Mme Conchita Lacuey, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidents ; Mme Édith Gueugneau ; Mme Cécile Untermaier, secrétaires ; Mme Marie-Noëlle Battistel ; Mme Huguette Bello ; M. Jean-Louis Borloo ; Mme Brigitte Bourguignon ; Mme Marie-George Buffet ; Mme Pascale Crozon ; M. Sébastien Denaja ; Mme Sophie Dessus ; Mme Marianne Dubois ; Mme Virginie Duby-Muller ; Mme Martine Faure ; M. Guy Geoffroy ; Mme Claude Greff ; Mme Françoise Guégot ; Mme Valérie Lacroute ; Mme Sonia Lagarde ; M. Serge Letchimy ; Mme Geneviève Levy ; Mme Martine Lignières-Cassou ; M. Jacques Moignard ; Mme Dominique Nachury ; Mme Ségolène Neuville ; Mme Maud Olivier ; Mme Bérengère Poletti ; Mme Barbara Pompili ; Mme Josette Pons ; Mme Catherine Quéré ; Mme Barbara Romagnan ; M. Philippe Vitel.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE PROPOSITION DE LOI QUI POURRAIT ÊTRE AMÉLIORÉE AFIN DE MIEUX AFFIRMER LES DEVOIRS PARENTAUX ET DE RÉÉQUILIBRER CERTAINES DISPOSITIONS 9

A. UN TEXTE AYANT POUR OBJECTIF D’ADAPTER LE DROIT CIVIL AUX NOUVELLES CONFIGURATIONS FAMILIALES 9

1. Parents séparés et familles recomposées 9

a. Des réalités à prendre en compte 9

b. Des angles morts dans la connaissance du phénomène, qu’il conviendrait de combler rapidement 14

2. Une proposition d’évolution des règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale par les parents séparés 16

a. Le dispositif civil actuel concernant l’exercice conjoint de l’autorité parentale 16

b. Les principales modifications prévues par la proposition de loi 17

B. DES ADAPTATIONS NÉCESSAIRES DANS UN OBJECTIF D’ÉQUILIBRE DES DROITS ET DES DEVOIRS ET POUR MIEUX TENIR COMPTE DE CERTAINES SITUATIONS FAMILIALES 20

1. Mieux encadrer certains dispositifs pour prévenir des situations abusives et rééquilibrer des mesures concernant les parents séparés 20

a. Adapter les dispositions sur les actes importants et limiter l’impact de la double résidence sur le plan fiscal et des prestations (articles 4 et 7) 20

b. Concernant l’amende civile et l’infraction au titre de non représentation d’enfant (articles 5 et 8) 24

2. Pour affirmer plus clairement l’intérêt et les droits de l’enfant s’agissant notamment des temps d’accueil (droits de visite) 26

a. En précisant l’objet de l’exercice conjoint de l’autorité parentale (article 3) 26

b. En veillant à ce que le parent qui ne se présente pas aux périodes convenues pour le temps d’accueil de l’enfant soit aussi sanctionné 27

3. Veiller au respect des obligations familiales sur le plan matériel et prendre en compte les situations d’abandon et de violence économique 28

a. En prévoyant expressément la possibilité de prononcer une suspension provisoire de l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille 30

b. En renforçant la protection contre les impayés alimentaires 31

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI DOIT ÊTRE COMPLÉTÉE POUR PROTÉGER LES FEMMES ET LES ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES 35

A. LA MÉDIATION FAMILIALE : UN DISPOSITIF INTÉRESSANT MAIS QUI APPARAÎT INADAPTÉ EN CAS DE VIOLENCES CONJUGALES 35

1. La médiation familiale : quel état des lieux ? 35

a. Définition et recours 35

b. Les expérimentations en cours 36

2. La médiation familiale demain : quelles perspectives ? 37

a. Les nouvelles dispositions de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant … 37

b. … devront exclure les situations de violences 38

B. DES EXEMPTIONS À PRÉVOIR DANS DIFFÉRENTS ARTICLES DU TEXTE, POUR LES CAS DE VIOLENCES 40

1. Des articles problématiques en cas de violences conjugales 40

2. Des exceptions à la coparentalité ? 41

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 43

I. COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION (MARDI 29 ET MERCREDI 30 AVRIL 2014) 43

II. EXAMEN DU RAPPORT (MARDI 6 MAI 2014) 85

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 93

ANNEXES 97

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION ET PAR LA RAPPORTEURE 99

ANNEXE N°2 : DISPOSITIONS ACTUELLES DU CODE CIVIL RELATIVES À L’EXERCICE DE L’AUTORITÉ PARENTALE 101

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (n° 1856), enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2014, comporte vingt articles relatifs à l’exercice conjoint de l’autorité parentale, aux droits et aux devoirs des tiers qui concourent à l’éducation de l’enfant, à la médiation familiale ainsi qu’à la prise en compte de la parole de l’enfant.

Selon l’exposé des motifs de ce texte, présenté par M. Bruno Le Roux, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Erwann Binet, Mme Barbara Pompili, M. François de Rugy, Mme Véronique Massonneau et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) et apparentés, il s’agit ainsi d’« adapter le droit de la famille [aux] nouvelles configurations familiales » et d’apporter des « réponses pragmatiques et les outils juridiques pour garantir l’intérêt de l’enfant dans les situations du quotidien, comme en cas d’accident de la vie ».

Sensible aux inquiétudes exprimées par plusieurs associations regrettant que ce texte n’aborde pas certains aspects de la problématique considérée, en particulier la question des violences faites aux femmes, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a demandé (1) à la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République à être saisie de la proposition de loi, le 17 avril dernier (2).

Cette saisine s’inscrit, au demeurant, dans la continuité des travaux antérieurs de la Délégation sur la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, d’ailleurs issue d’une initiative du groupe socialiste à l’Assemblée nationale (3) (rapport d’information de juin 2001 de Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure de la Délégation), mais aussi de plusieurs rapports d’information sur le divorce.

Les travaux de la Délégation, qui entendait mieux appréhender la situation actuelle et la portée de la proposition de loi concernant les mères séparées de leur conjoint, se sont concentrés sur les chapitres premier et troisième de ce texte, relatifs respectivement à l’exercice conjoint de l’autorité parentale et à la médiation familiale.

Il s’agissait en particulier de mettre en conformité la présente proposition de loi avec la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, avec le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu’avec la Convention d’Istanbul (convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique).

Dans les délais particulièrement brefs impartis pour l’examen de ce texte, la Délégation a tout d’abord souhaité entendre la Secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, Mme Laurence Rossignol, le mardi 29 avril 2014.

Deux tables rondes (4) ont également été organisées, le mercredi 30 avril dernier, avec des magistrats et des avocates ainsi qu’avec des représentantes de plusieurs associations : SOS Les Mamans, Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), collectif Abandon de famille – Tolérance zéro et Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF).

Votre rapporteure et la présidente de la Délégation ont par ailleurs entendu des responsables de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) ainsi que M. Patric Jean, cinéaste et réalisateur de La domination masculine.

Ces travaux ont notamment fait ressortir la nécessité de mieux prendre en compte certaines situations, par exemple lorsque le père est absent ou défaillant –en n’exerçant plus ses responsabilités parentales telles que le versement de la pension alimentaire, le droit de visite et d’hébergement, etc. Les parents ont des droits, mais ils ont également des responsabilités à l’égard de leur enfant, que ce soit en termes financiers ou de présence, et ces devoirs être remplis.

A également été dénoncée la faible prise en compte de violences, qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques.

On sait que ces violences sont massives et que la séparation, loin de mettre un terme aux violences conjugales est une situation qui peut les exacerber. Dans les cas où l’exercice d’autorité parentale est vecteur de violences, l’enfant témoin, exposé, risque de plus d’être culpabilisé par cette situation.

Enfin, des dispositions prévues laissent entrevoir des avancées positives pour une plus grande implication de chacun des deux parents. Aujourd’hui,  ce sont majoritairement les femmes qui s’arrêtent de travailler totalement ou partiellement pour s’occuper des enfants. Favoriser l’égal partage des tâches domestiques et éducatives est essentiel pour construire l’égalité femmes-hommes, notamment dans la sphère professionnelle.

Au terme de ces travaux, la Délégation a adopté le présent rapport, au cours de sa réunion du mardi 6 mai 2014, ainsi qu’une série de recommandations, qui visent, d’une part, à rééquilibrer certaines dispositions de la proposition de loi et à renforcer les devoirs des parents à l’égard des enfants (I) et, d’autre part, à mieux protéger les femmes et enfants victimes de violences (II).

I. UNE PROPOSITION DE LOI QUI POURRAIT ÊTRE AMÉLIORÉE AFIN DE MIEUX AFFIRMER LES DEVOIRS PARENTAUX ET DE RÉÉQUILIBRER CERTAINES DISPOSITIONS

Comme l’a souligné récemment le ministère chargé de la famille (5), si « les objectifs de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant sont partagés par de nombreuses associations », ils « pourront être encore précisés et améliorés au cours du débat parlementaire ». Dans cet esprit, la Délégation formule plusieurs recommandations afin tout d’abord de rééquilibrer certaines dispositions de ce texte, qui vise à adapter le droit civil aux nouvelles configurations familiales.

Surtout, si le débat public a pu se focaliser sur les droits respectifs des parents séparés, suite notamment aux revendications portées par certains pères, il importe d’affirmer plus clairement les devoirs des parents à l’égard de l’enfant, mais aussi de rééquilibrer certaines dispositions de la proposition de loi. Cet équilibre est d’ailleurs le fondement même de l’autorité parentale, définie par le code civil (article 371-1) comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ».

A. UN TEXTE AYANT POUR OBJECTIF D’ADAPTER LE DROIT CIVIL AUX NOUVELLES CONFIGURATIONS FAMILIALES

1. Parents séparés et familles recomposées

a. Des réalités à prendre en compte

● Le risque pour un enfant de connaître la séparation de ses parents s’est accru avec la fragilisation des unions. L’Institut national des études démographiques (INED) estime ainsi à 145 000 par an le nombre total de ruptures de couples avec enfant(s) mineurs, avec une incertitude de plus ou moins 20 000 (6), soit :

– 75 000 divorces avec enfants par an, avec un nombre annuel d’enfants concernés estimé à 132 000 (1,76 enfant par couple divorcé avec enfants) ;

– environ 70 000 ruptures de couples non mariés (concubins et partenaires d’un PACS) ou de séparations de fait de couples mariés.

Au-delà de l’augmentation du nombre des divorces et des séparations (en 2012, près de 130 000 divorces ont été prononcés et plus de 27 000 Pacs ont été dissous à la suite d’une séparation), on observe également la progression des familles recomposées.

Ainsi, selon une étude récente de l’Insee (7)1,5 million d’enfants, soit plus d’un enfant sur dix, vivent dans 720 000 familles recomposées, c’est-à-dire dans une famille où les enfants ne sont pas tous ceux du couple actuel. 940 000 d’entre eux vivent avec un parent et un beau parent. Au total, un quart des enfants en famille ne vit pas avec ses deux parents selon cette même étude, et parmi eux, 86 % vivent avec leur mère, contre 14 % avec leur père.

9 % DES FAMILLES AVEC ENFANT(S) MINEUR SONT DES FAMILES RECOMPOSÉES

     
 

Effectifs

Répartition

Nombre moyen d'enfants

Couples avec enfants

6 190 000

79,7

2,0

Dont familles traditionnelles

5 470 000

70,4

1,9

Dont familles recomposées

720 000

9,3

2,3

avec enfant(s) de l'union actuelle

380 000

4,9

2,8

sans enfant(s) de l'union actuelle

340 000

4,4

1,7

Familles monoparentales

1 580 000

20,3

1,7

Total

7 770 000

100,0

1,9

Champ : familles avec au moins un enfant de moins de 18 ans. Il n'y a pas de limite d'âge pour les frères et sœurs.

 

Source : Insee, enquête Famille et logements 2011.

 

● Au-delà des évolutions sociologiques de la famille, l’exposé des motifs de la proposition de loi souligne qu’en dépit de la consécration, par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, du principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, « certains parents ne peuvent plus exercer cette autorité et participer effectivement à l’éducation de leur enfant. Selon l’INED, près d’un enfant de parents séparés sur cinq ne voit ainsi jamais son père ».

Il convient toutefois de revenir sur ce dernier point, dans la mesure où cette présentation, sans plus de précisions complémentaires, pourrait laisser penser que les pères sont tous « victimes » de la séparation, alors qu’en réalité, comme l’a notamment souligné M. Edouard Durand, magistrat formateur à l’École nationale de la magistrature, ainsi que certaines associations (8) :

– l’absence des pères dans la vie de l’enfant semble le plus souvent le fait du père lui-même ; à cet égard, il est à noter que lorsque celui-ci « refait sa vie » (remise en couple et, parfois, arrivée d’un nouvel enfant), la distension du lien avec l’enfant est alors plus forte, selon la même enquête de l’INED (9)  : ainsi, 14 % des enfants ne voient jamais leur père s’il vit seul, contre 24 % s’il vit en couple et a eu un enfant dans le cadre de cette nouvelle union, comme l’a notamment souligné l’association Abandon de famille ;

– surtout, dans la majorité des cas, les modalités de vie de l’enfant sont prononcées avec l’accord du père, comme le fait clairement apparaître une enquête récente de la Chancellerie.

Le ministère de la justice a en effet initié en 2012 une étude sur la résidence des enfants dont les parents sont séparés, qui visait à mettre en parallèle les demandes des parents avec la décision du juge (10). L’analyse des décisions révèle que dans 80 % des situations, les parents sont d’accord sur la résidence de l’enfant et dans 10 % en désaccord. Dans les 10 % des situations restantes, l’un des deux parents n’a pas exprimé de demande (il s’agit du père pour 83 % des enfants concernés). Il en ressort également que près de 93 % des demandes des pères sont satisfaites, et 96 % de celles des mères (cf. l’encadré ci-après).

18,8 % des pères demandent la garde alternée, et 17,3 % l’obtiennent. 15,3 % demandent la résidence exclusive chez eux, et 12,4 % l’obtiennent. Le juge fixe plus de 2 fois plus de résidence chez le père dans les situations de de désaccord (24 %) que dans les situations d’accord (10 %).

Il est également à noter que la garde alternée a significativement progressé depuis plusieurs années. Toutes procédures confondues, selon les statistiques du répertoire général civil (11), la part d’enfants mineurs pour lesquels une résidence alternée a été prononcée est passée de 9,9 % en 2004 (soit 14 076 décisions sur 142 179 décisions) à 16,4 % en 2012 (soit 26 964 décisions sur 164 147 décisions)

La répartition de la résidence des enfants selon les demandes des parties et la décision du juge : les résultats d’une enquête récente du ministère de la justice (novembre 2013)

L’analyse des décisions révèle que dans 80% des situations les parents sont en accord sur la résidence des enfants, et dans 10 % en désaccord. Dans les 10 % des situations restants, l’un des deux parents n’a pas exprimé de demande. En matière de résidence des enfants de parents séparés, la structure globale des décisions prises par les juges reflète principalement le choix établi par les parents en accord :

– 71 % de résidence chez la mère ;

– 17 % de résidence alternée ;

– 12 % de résidence chez le père.

Les décisions des juges répondent très majoritairement aux demandes faites par chacun des deux parents : 96% des demandes des mères sont satisfaites ; 93% des demandes des pères sont satisfaites.

Lorsque les parents sont d’accord, ils demandent pour 71 % des enfants, une résidence chez la mère, pour 10 % une résidence chez le père et pour 19% une résidence alternée. Les juges homologuent dans la quasi-totalité de situation les demandes des parents (99,8%).

Lorsque les parents sont en désaccord, pour 52 % des enfants, le père demande la résidence chez lui, la mère chez elle, pour 35% des enfants, le père demande une résidence alternée, la mère une résidence chez elle et pour 6% des enfants, le père demande une résidence chez lui, alors que la mère demande une résidence alternée. Lorsque chacun des parents demande la résidence chez lui, le juge prononce la résidence chez la mère pour 62 % des enfants, chez le père pour 36% d’entre eux. Lorsque le père demande une résidence alternée et la mère une résidence chez elle, le juge prononce une résidence alternée pour 25% des enfants et la résidence chez la mère pour 75% d’entre eux. Lorsque la mère demande une résidence alternée et le père une résidence chez lui35, le juge prononce une résidence alternée pour 40% des enfants, une résidence chez le père pour 60 %.

Au total, dans les situations de désaccord, les juges fixent à l’égard des enfants leur résidence: pour 63 % d’entre eux chez la mère (pour 71% en cas d’accord) ; pour 24% d’entre eux chez le père (pour 10 % en cas d’accord) ; pour 12% : la résidence alternée (pour 19% en cas d’accord). S’agissant des conditions d’organisation des différents modes de résidence fixés en cas de désaccord, l’étude laisse apparaître que les juges tendent à les assouplir. Dès lors que le juge fixe une résidence habituelle chez un parent, il fixe plus fréquemment un droit de visite et d’hébergement élargi qu’en cas d’accord.

Lorsqu’un des deux parents n’a pas exprimé de demande, l’étude laisse apparaître que pour 16 % des enfants la mère n’exprime pas de demande tandis que le père n’exprime pas demande pour 83% des enfants.

Source : Rapport sur les réflexions du groupe de travail sur la coparentalité, « Comment assurer le respect de la coparentalité entre parents séparés », Direction des affaires civiles et du sceau (DACS) et direction générale de la cohésion sociale (DGCS), janvier 2014.

En tout état de cause, lorsque certains parents – pères ou mères – ne souhaitent pas s’investir pleinement dans leurs responsabilités parentales, il ne s’agit pas alors de droits confisqués mais de devoirs non exercés.

Par ailleurs, il est à noter, comme l’ont regretté certains membres du groupe de travail précité sur la coparentalité, dont la Fédération nationale Solidarité Femmes, que cette étude réalisée par la Chancellerie ne contient cependant aucun volet sur la prise en compte des violences conjugales.

● Au-delà, dans le cadre d’une réflexion générale sur les séparations et l’exercice de l’autorité parentale après celles-ci, il convient également de prendre en compte les inégalités femmes-hommes dans l’analyse, et en particulier les éléments suivants.

Les ruptures entraînent le plus souvent une diminution du niveau de vie de l’un ou des deux parents (cf. encadré ci-après).

Les ruptures entraînent le plus souvent une diminution du niveau de vie du ou des deux parents : un point souligné récemment par le Haut conseil de la famille (avril 2014)

Décès ou séparation, la rupture conjugale conduit le plus souvent à un appauvrissement des personnes concernées, conséquence notamment de l’obligation d’avoir deux logements (pour les séparations) et de la perte des économies d’échelle liées à la cohabitation. Comme une partie de ces ménages a des revenu professionnels limités et des charges significatives résultant de la séparation (ou du décès), nombre d’entre eux vivent très modestement, voire sont au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire qu’ils ont – tous revenus et prestations sociales et fiscales compris – moins de 977 euros par unité de consommation pour vivre. Ainsi près d’un tiers des familles monoparentales sont pauvres.

Et cet appauvrissement est souvent durable puisque la durée de l’isolement de ces parents est parfois longue : quatre ans après la rupture, moins de la moitié des pères et seulement 28 % des mères ont constitué un nouveau couple -qui sera pérenne ou pas. Il est donc logique que ces ménages bénéficient de prestations sociales et fiscales qui réduisent cette pauvreté.

Source : rapport du Haut conseil de la famille sur les ruptures familiales (18 avril 2014)

En particulier, les familles monoparentales (soit une mère et son ou ses enfants, dans 85 % des cas) sont souvent dans des situations de précarité. Ainsi, plus d’une mère élevant seule ses enfants sur quatre éprouve fréquemment le sentiment qu’elle ne va pas s’en sortir (Ipsos, 2012), une sur deux dit ne pas arriver à boucler son budget sans être à découvert, et un peu plus d’une mère seule sur trois vit sous le seuil de pauvreté (Insee).

Par ailleurs, ce sont aujourd’hui majoritairement les femmes qui s'arrêtent de travailler, totalement ou partiellement, pour s'occuper des enfants : 97 % des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité (CLCA) sont des femmes, ce qui n’est pas sans impact sur l’égalité femmes-hommes dans la sphère professionnelle et, au-delà, sur l’autonomie des femmes, avec donc des vulnérabilités plus grandes révélées au moment des séparations.

Plus généralement, l’inégale répartition du travail parental au sein du couple prépare mal les pères et les mères à l’exercice de l’autorité parentale conjointe en cas de désunion : ainsi, le temps quotidien consacré par les femmes aux tâches domestiques, et aux soins des enfants en particulier, est encore près de deux fois supérieur à celui des hommes selon l’Insee (12).

C’est aussi pourquoi des mesures visant à promouvoir une plus grande implication des pères dès la petite enfance – ce à quoi contribuera par exemple la réforme du congé parental, mais aussi des actions en milieu de travail et pour déconstruire certains stéréotypes sexués – pourrait permettre également d’apaiser ou de rééquilibrer certaines situations par rapport à l’enfant au moment des ruptures.

Outre l’inégale prise en charge des devoirs parentaux, il importe d’expliciter la manière dont doivent être prises en compte les situations de violences, qui doivent être entendues au sens large, conformément aux dispositions prévues par la convention d’Istanbul (13), dont le Parlement a autorisé récemment la ratification. Par ailleurs, en cas de violences conjugales, protéger la mère, c’est protéger l’enfant : les enfants, témoins, exposés, sont aussi victimes.

b. Des angles morts dans la connaissance du phénomène, qu’il conviendrait de combler rapidement

Une révision de la législation concernant la coparentalité et les droits et obligations afférents supposerait de pouvoir s’appuyer sur d’autres éléments de constat et d’analyse sur les pratiques actuelles, mais votre rapporteure constate l’existence de « zones d’ombre » préoccupantes sur plusieurs points.

Tout d’abord, le collectif Abandon de famille – Tolérance Zéro, dont des représentantes ont été entendues par la Délégation, a jugé « impératif (…) que de réelles études soient menées concernant non seulement les motifs de [la] rupture du lien père-enfant, mais aussi qu’une enquête approfondie sur le nombre et les raisons de non-représentations d’enfants soit menée (14)  ».

Selon l’association, ce seraient entre 25 à 27 000 plaintes pour non présentation d’enfant qui seraient déposées, mais, selon les témoignages qu’elle a pu recueillir, il semblerait qu’ « un grand nombre de plaintes soient déposées sans que le parent plaignant se soit réellement déplacé, ou encore que la plainte soit déposée abusivement afin de faire valoir un « conflit simple » face à une accusation d’abandon de famille et de non-paiement de la pension alimentaire ».

Par ailleurs, on manque encore de données s’agissant de l’exécution des décisions de justice et les défaillances dans le paiement de la contribution à l’éducation et à l’entretien de l’enfant (pension alimentaire). Le Haut conseil de la famille a d’ailleurs souligné récemment combien cette situation est choquante et, au-delà de cette question particulière, a préconisé de développer les enquêtes et les évaluations sur plusieurs points, présentés ci-après.

Organiser un programme pluriannuel d’enquêtes et d’études pour éclaircir les zones d’ombre qui subsistent : les préconisations du Haut conseil de la famille (avril 2014)

Après la « crise » : des zones d’ombre...

Si le contenu des décisions de justice et la situation des parents au moment de la séparation sont assez bien étudiées, il y a peu d’information disponible sur la façon dont les familles s’organisent concrètement (temps d’accueil de l’enfant par chacun des parents, versement de la pension alimentaire et répartition des dépenses liées à l’enfant...) et sur les évolutions qui peuvent intervenir, liées aux changements dans les situations financières, personnelles ou familiales des uns ou des autres. L’âge moyen de l’enfant au moment du divorce ou de la séparation de ses parents étant d’environ neuf ans, c’est pendant une douzaine d’années en moyenne que les deux ex-conjoints ou compagnons doivent donc trouver un modus vivendi pour élever au mieux conjointement leur enfant jusqu’à ce qu’il soit financièrement autonome.

En particulier, nous disposons de peu d’information sur l’exécution des décisions de justice, notamment sur le paiement intégral et à bonne date des pensions alimentaires – la dernière étude sur ce point étant trop ancienne (1985) pour servir de référence. Ces zones d’ombre sur la période « post-rupture » – notamment sur le paiement des pensions alimentaires, l’exercice du droit de visite et d’hébergement et le respect de l’autorité parentale conjointe- empêchent d’avoir une vision claire de la situation et donc de formuler des propositions d’amélioration pertinentes. Il semble en particulier prématuré, comme on l’a dit plus haut, examiner s’il faut envisager de mettre en place une agence pour les pensions alimentaires, comme cela existe par exemple au Royaume-Uni, en Australie, en Suède ou au Canada.

De façon assez étonnante, la focalisation sur le moment de « crise » se retrouve d’ailleurs dans les débats sur la fixation de la pension alimentaire: on observe une certaine « crispation » autour du calcul initial du montant de la pension alimentaire et un relatif désintérêt –signe d’un accommodement ou de la crainte de relancer une procédure conflictuelle? – pour les possibilités de révision, qui peuvent apparaitre au fil des changements qui interviennent dans les vies professionnelles et personnelles des ex-conjoints ou concubins. En témoigne l’absence de débat sur la mise en place d’un système de révision régulière et systématique, qui n’existe d’ailleurs en Europe qu’au Royaume-Uni, et la faiblesse numérique des demandes de révision des pensions alimentaires, du moins tel que nous pouvons le supposer d’après les données disponibles.

Nécessité d’un programme d’enquêtes et d’études conséquent sur les ruptures conjugales, leurs conséquences et les dynamiques de vie des personnes concernées

Faute de données suffisantes sur certains aspects, le HCF a ouvert certaines pistes de réflexion sans toujours pouvoir aboutir à des conclusions fermes. Afin d’éclairer l’action publique pour soutenir les familles en ruptures familiales, ruptures qui concernent plusieurs millions de personnes et impactent sensiblement et de façon durable leurs conditions de vie, il semble impératif d’élaborer au plus vite un programme d’études et de recherche.

Ce programme devrait développer au moins les quatre axes suivants :

– mesurer de façon régulière les trajectoires individuelles de mises en couples, ruptures d’unions, remises en couple et leurs conséquences, y compris pour les formes non officielles d’unions ;

– disposer de davantage d’information sur le coût des enfants de parents séparés et la façon dont les dépenses sont réparties entre les parents, en mesurant notamment les dépenses liées aux enfants qui ne vivent pas à titre principal dans le ménage ;

– développer une approche longitudinale de l’après-divorce ou l’après-séparation, à la fois pour évaluer l’exécution des décisions de justice pour les couples qui y ont eu recours et pour décrire la façon dont l’ensemble des parents (y compris ceux qui ne passent pas devant le juge) s’organisent après leur séparation (temps d’accueil de l’enfant par chacun de ses parents ; prise en charge des dépenses liées à l’enfant) et la dynamique de cette organisation au fil des années ;

– développer des travaux de comparaisons internationales sur les pensions alimentaires.

Le Gouvernement pourrait confier à un expert du domaine social la présidence d’un groupe de travail rassemblant statisticiens et chercheurs spécialistes de ces thématiques. Il aurait pour mission de finaliser un programme de recherche (enquêtes, études quantitatives et qualitatives, intervenants, calendrier, financement) et rendrait compte de ses travaux devant le Conseil national de l’information statistique et le HCF fin 2014.

Source : avis du Haut conseil de la famille sur les ruptures familiales (avril 2014)

Avant d’examiner les propositions de modification du cadre juridique de la coparentalité prévues par la proposition de loi, votre rapporteure entend souligner ici la nécessité de remédier rapidement aux lacunes ainsi identifiées pour éclairer l’action publique dans ce domaine.

Recommandation n° 1 : engager un programme pluriannuel d’études et prévoir le dépôt d’un rapport au Parlement d’ici 2015 sur la période « post séparation » et les conséquences des ruptures conjugales, en particulier sur : le paiement des pensions alimentaires ; l’exercice du droit de visite et d’hébergement ; le respect des temps de résidence chez chacun des parents ; les motifs de rupture du lien père-enfant ; le nombre et les raisons de la non représentation des enfants ; le coût et la prise en charge des dépenses liées à l’enfant dans les couples séparés.

2. Une proposition d’évolution des règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale par les parents séparés

a. Le dispositif civil actuel concernant l’exercice conjoint de l’autorité parentale

Les règles relatives à l’autorité parentale actuellement applicables sont principalement issues de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, qui a notamment étendu et promu le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, plus communément dénommé coparentalité.

L’autorité parentale est définie comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents de celui-ci jusqu’à sa majorité ou son émancipation pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne (article 371-1 du code civil).

Le code civil fait en outre de l’exercice en commun de l’autorité parentale un principe général : l’article 372 du code civil dispose ainsi que « les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».

Ce principe perdure en cas de séparation des parents, qui est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice parentale (article 373-2 du code civil). Ce même article dispose que chaque parent doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.

Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant (15).

L’exercice conjoint de l’autorité parentale implique donc une égalité des droits des parents à l’égard de l’enfant. Tout acte de l’autorité parentale requiert en principe l’accord des parents qui exercent en commun cette autorité, que l’acte soit important ou usuel, étant observé que pour ces derniers, afin de faciliter la vie quotidienne des parents, l’article 372-2 du code civil pose une présomption d’accord entre les parents, à l’égard des tiers de bonne foi (par exemple, un professionnel de santé en cas d’intervention chirurgicale bénigne).

Il est à noter que le code civil ne comporte aucune définition de l’exercice de l’autorité parentale et plus particulièrement de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. De même, aucune disposition ne définit les actes usuels et les actes importants, ces notions ayant donc été précisées par la jurisprudence.

En cas de séparation entre les parents, la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE) prend la forme d’une pension alimentaire versée par l’un des parents à l’autre. Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par une convention homologuée (16) ou, à défaut, par le juge, en application de l’article 373-2-2 du code civil.

b. Les principales modifications prévues par la proposition de loi

Le chapitre premier de la proposition de loi vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents, « afin que l’enfant puisse conserver, malgré cette séparation, des relations équilibrées et régulières avec chacun de ses parents », l’exposé des motifs soulignant également que « certains parents ne peuvent plus exercer cette autorité et participer effectivement à l’éducation de leur enfant ».

Pour remédier à ces difficultés, il est notamment proposé de préciser la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et de clarifier la notion d’acte important, pour lequel un accord exprès de chacun des parents est requis. Les règles relatives à la résidence de l’enfant, en cas de séparation des parents, sont également réformées (cf. infra).

Pour renforcer l’exécution des décisions des juges aux affaires familiales (JAF) statuant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sanctionner plus efficacement le non-respect par un parent « des prérogatives de l’autre parent », un mécanisme d’amende civile est mis en place et le délit de non-représentation d’enfant est « contraventionnalisé » lors de la première infraction (sur l’objectif de ces dispositions, cf. infra).

Le livret de famille, qui est actuellement mentionné dans le code civil sans qu’un article ne lui soit dédié, se voit par ailleurs consacré ; il devra comporter une présentation des droits et des devoirs des parents.

Le deuxième chapitre de la proposition de loi vise à reconnaître la place croissante prise par les tiers, les beaux-parents en particulier, dans l’éducation et la vie quotidienne des enfants, avec lesquels ils peuvent nouer des liens affectifs étroits et durables. Son objet n’est pas d’instituer un « statut du beau-parent », mais d’offrir aux familles une « palette » d’instruments souples et évolutifs, en vue de permettre aux beaux-parents d’exercer en droit les responsabilités qu’ils assument déjà en fait, dans l’intérêt de l’enfant.

La proposition de loi étend la présomption d’accord de l’autre parent prévue pour les actes usuels à l’égard des tiers de bonne foi (cf. supra) aux actes qu’un parent a autorisé un tiers à accomplir.

Elle crée également un « mandat d’éducation quotidienne », qui, quand les parents sont d’accord, permet à un beau-parent d’accomplir les actes usuels à l’égard de l’enfant et de bénéficier d’un document qui en atteste. Il est également proposé de clarifier la distinction entre la délégation et le partage de l’exercice de l’autorité parentale. Quand les parents sont d’accord, le partage sera facilité (17) et prendra la forme d’une convention homologuée par le juge.

Le troisième chapitre a pour objet de définir la médiation familiale. Il prévoit la lecture par l’officier d’état civil, le jour du mariage, d’une nouvelle disposition relative à la médiation familiale, et vise également à inciter plus fortement les parties à se tourner vers la médiation familiale, « dispositif qui a fait la preuve de son efficacité dans la résolution ou la pacification des conflits familiaux mais auquel il est encore très insuffisamment fait recours », selon l’exposé des motifs de la proposition de loi.

Ces dispositions suscitent cependant plusieurs réserves, en particulier en cas de violences conjugales (cf. infra, dans la seconde partie du présent rapport).

Enfin, le quatrième chapitre vise à mieux prendre en compte la parole de l’enfant dans le cadre de toute procédure le concernant. L’article 19 de la proposition de loi prévoit ainsi de compléter le code civil pour préciser que « le mineur est entendu d’une manière adaptée à son degré de maturité ».

Lors de son audition par la Délégation (18) , la secrétaire d’Etat chargée de la Familles, des personnes âgées et de l’autonomie auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, Mme Laurence Rossignol, a salué plusieurs « avancées positives » réalisées par la proposition de loi, s’agissant notamment de la double résidence.

En particulier, et dans le prolongement des réflexions du groupe de travail sur la coparentalité et du Haut conseil de la famille (19), il est bienvenu de revoir la terminologie, dans la mesure où les termes de droit de « visite » et « d’hébergement » peuvent heurter des pères et, de fait, traduisent mal l’égalité en droit entre les parents lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale – des termes que la Secrétaire d’État a d’ailleurs jugés inappropriés, voire poussiéreux, et en tout état de cause, pas à la hauteur des enjeux. Par ailleurs, du point de vue de l’égalité femmes-hommes, votre rapporteure ne peut que se féliciter du principe d’égalité de droits et de devoirs des parents à l’égard de l’enfant énoncé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi.

Cependant, indépendamment de ces objectifs louables et des avancées prévues par ce texte sur plusieurs points, il conviendrait d’y apporter plusieurs améliorations, s’agissant tout d’abord du chapitre premier relatif à l’exercice conjoint de l’autorité parentale.

B. DES ADAPTATIONS NÉCESSAIRES DANS UN OBJECTIF D’ÉQUILIBRE DES DROITS ET DES DEVOIRS ET POUR MIEUX TENIR COMPTE DE CERTAINES SITUATIONS FAMILIALES

Si la proposition de loi comporte des avancées positives, plusieurs personnes entendues par la Délégation ont cependant regretté qu’elle ne prenne pas suffisamment en compte certaines situations familiales.

C’est particulièrement le cas des violences conjugales (voir infra, au II du présent rapport), mais aussi des situations de délaissement parental, lorsque l’un des parents est absent ou défaillant. Il en va de même lorsque les tensions entre les parents sont tellement aiguës qu’elles rendent particulièrement complexe la prise de décision en commun concernant l’enfant, voire risquent de conduire à l’utilisation abusive de procédures, en vue d’une condamnation à une amende civile prévue par l’article 5 ou des poursuites pour non-représentation d’enfant (qu’il est proposé de « contraventionnaliser » pour la première infraction) - le non-paiement de la pension alimentaire pouvant également être utilisé comme un moyen de pression, voire de rétorsion dans ce type de situations conflictuelles. Des inquiétudes se sont également exprimées concernant l’impact de ce texte sur le parent chez qui l’enfant réside majoritairement (la mère le plus souvent), par exemple sur le plan fiscal et des prestations familiales.

Votre rapporteure propose dès lors d’apporter plusieurs améliorations à la présente proposition de loi, dans un objectif d’équilibre des droits et des devoirs et pour mieux répondre à certaines situations :

– d’une part, en encadrant mieux certains dispositifs (1), afin notamment de prévenir le risque de pratiques abusives et de rééquilibrer certaines dispositions concernant les droits respectifs des parents séparés ;

– d’autre part, et surtout, de mieux affirmer les devoirs des parents à l’égard de l’enfant, qui impliquent en particulier l’exercice du droit de visite (2), mais aussi, sur le plan matériel, le versement de la pension alimentaire (3).

1. Mieux encadrer certains dispositifs pour prévenir des situations abusives et rééquilibrer des mesures concernant les parents séparés

a. Adapter les dispositions sur les actes importants et limiter l’impact de la double résidence sur le plan fiscal et des prestations (articles 4 et 7)

● La définition des actes usuels et des actes importants, dont le changement de résidence de l’enfant (article 4)

L’article 4 de la proposition de loi prévoit que tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère usuel ou important, requiert l’accord des parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale, en rappelant ainsi le droit existant (qui fait parfois l’objet d’interprétations erronées quant à la possibilité de s’exonérer de l’accord de l’autre parent pour des actes usuels).

Il est également précisé que cet accord doit être exprès pour les actes importants, au sens d’ « acte qui rompt avec le passé et engage l’avenir de l’enfant ou qui touche à ses droits fondamentaux », en reprenant ainsi une définition issue de la jurisprudence. Le changement de résidence de l’enfant, dès lors qu’il modifie les modalités d’accueil de l’enfant par l’autre parent, ainsi que le changement d’établissement scolaire sont expressément qualifiés d’actes importants, qui nécessitent donc l’accord exprès de l’autre parent. Une seule exception à ce principe est prévue : lorsque l’un des parents a été condamné pour un délit sur l’autre parent.

Il convient à cet égard de rappeler qu’en l’état actuel du droit, tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d’exercice de l'autorité parentale, doit faire l’objet d'une information préalable et en temps utile de l’autre parent (article 373-2 du code civil). En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales (JAF) qui statue selon ce qu’exige l'intérêt de l'enfant.

En pratique, il apparaît cependant que lorsque l’enfant déménage, le JAF statue après le déménagement, selon le rapport du groupe de travail sur la coparentalité, et que le parent qui « subit » le déménagement peut avoir des difficultés ou être dans l’impossibilité d’exercer ses droits et maintenir des relations avec l’enfant. Cette situation est particulièrement dénoncée lorsqu’il s’agit d’un déplacement entre la métropole et l’outre-mer.

Cependant, outre la nécessité d’élargir le champ de ces dispositions afin de mieux protéger les femmes victimes de violences et leurs enfants, au-delà des seuls faits ayant fait l’objet d’une condamnation pénale (cf. infra, au II du présent rapport), cet article a suscité un certain nombre d’interrogations au cours des travaux de la Délégation.

Tout d’abord, le déménagement du parent qui réside avec l’enfant peut être dicté par la volonté de s’éloigner d’un conjoint violent, mais aussi, comme l’ont fait valoir plusieurs membres du groupe de travail sur la coparentalité, par d’autres motifs légitimes (professionnels ou familiaux). Par ailleurs, sur le plan économique, la séparation peut entraîner un appauvrissement de l’un des parents, qui se trouve alors dans l’obligation de déménager.

Certaines personnes auditionnées ont cependant estimé que cet article de la proposition de loi contrevient aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui prévoit (article 13) que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat ». Par ailleurs, ce principe général peut-il s’appliquer à l’ensemble des situations familiales ? Dans quelle mesure présente-t-il le risque de donner pouvoir à l’un des parents de bloquer l’autre, dans certaines situations particulièrement conflictuelles, voire d’exercer un moyen de pression sur la mère en particulier ?

S’agissant d’autre part des dispositions relatives au changement d’établissement scolaire (qualifié d’acte important et qui devra donc requérir l’accord exprès des deux parents), la secrétaire d’Etat chargée de la famille a fait état, lors de son audition par la Délégation, d’un amendement en cours de préparation visant à prévenir les risques de déscolarisation et répondre aux cas où les parents seraient en désaccord sur l’établissement que doit fréquenter l’enfant.

Enfin, plus généralement, de quelle façon les dispositions relatives aux actes importants seront-elles appliquées lorsque l’un des parents est absent ou en cas d’urgence ?

Enfin, si cet article de la proposition de loi prévoit que tout acte de l’autorité parentale (usuel ou important) requiert l’accord de chacun « lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale » (exercice conjoint de l’autorité parentale par les deux parents), M. Eduard Durand, magistrat formateur à l’ENM, a suggéré nécessaire, a minima, d’élargir parallèlement le recours à l’exercice exclusif de l’autorité parentale par un seul parent (20).

Par ailleurs, les personnes auditionnées ont fait part de leurs craintes que la nécessité d’obtenir un accord pour tout acte usuel soit utilisée de manière abusive comme un moyen de bloquer, voire harcèle le parent qui accueille majoritairement l’enfant.

Recommandation n° 2 : à l’article 4, pour les actes usuels, assouplir la rédaction proposée qui prévoit l’accord des deux parents.

● L’impact des dispositions relatives à la double résidence de l’enfant (article 7) sur le plan fiscal et des prestations familiales

Le code civil ne privilégie aucun des parents dans le cadre de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Il distingue seulement celui chez qui la résidence de l’enfant est fixée de celui qui bénéficie de droits de visite et d’hébergement (DVH), étant rappelé que les deux parents peuvent avoir la résidence de l’enfant fixée à leur domicile en alternance.

Ainsi, lorsque le juge statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, il fixe la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents parent ou au domicile de l’un des deux (article 373-2-9). Pour désigner les modalités de maintien des liens avec les parents, ce même article évoque « les modalités du droit de visite de l’autre parent ». Dans la section consacrée à l’exercice de l’autorité parentale, seul l’article 373-2-1 du code civil fait mention des « droits de visite et d’hébergement ».

L’article 7 de la proposition de loi prévoit de réformer les règles relatives à la résidence de l’enfant en cas de séparation des parents. Désormais, la résidence sera fixée au domicile de chacun des parents, sauf circonstances exceptionnelles, selon les modalités déterminées d’un commun accord entre les parents ou à défaut par le juge.

Il est ainsi mis fin au choix binaire devant être opéré entre la résidence alternée ou la résidence au domicile d’un seul des parents qui cristallise trop souvent leur opposition et constitue une source de conflits. Toute l’attention pourra ainsi se concentrer sur la mise en place de l’aménagement pratique des différents temps d’accueil chez chacun des parents.

Il convient de souligner à cet égard le décalage entre l’exposé des motifs de la proposition de loi et le dispositif prévu par son article 7. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser penser l’exposé des motifs, qui indique que « l’alternance des temps de résidence sera le principe », il ne s’agit pas d’instaurer une garde alternée systématique.

Le principe de « double résidence » de l’enfant au domicile de chacun des parents a pour effet de faire disparaître la notion de « droit d’hébergement », tandis que le recours au simple « droit de visite » sera limité et ne s’appliquera plus qu’à titre exceptionnel lorsqu’il sera matériellement impossible de fixer la résidence de l’enfant chez l’un des parents. Votre rapporteure se félicite de cette modification de la terminologie résultant de la réforme proposée, dans la mesure où les termes actuels reflètent mal l’égalité de droits et de devoirs des parents à l’égard de l’enfant et pouvaient être mal vécus par le parent concerné.

Plusieurs personnes auditionnées ont toutefois fait part de leurs inquiétudes quant à l’impact de la « double résidence » sur le plan fiscal et des prestations sociales. Le collectif Abandon de famille – Tolérance zéro a ainsi jugé essentiel que le parent ayant la charge matérielle principale (soit la mère le plus souvent) ne soit pas lésé davantage par une répartition aléatoire des acquis sociaux et fiscaux entre les deux parents. L’association SOS Les Mamans a également fait part de ses réserves sur ce dispositif en ce qu’il risquerait de conduire à « un appauvrissement programmé des femmes (21) ». De même, dans un article récent sur la proposition de loi (22), M. Jean Patric, réalisateur, s’est ému de ce que « le père même partiellement ou totalement disparu bénéficiera des acquis fiscaux et sociaux comme la mère qui a les enfants à sa charge. Les masculinistes se félicitent déjà de cette mesure … ».

Par souci d’équité, il convient donc de veiller à ce que les prestations sociales (allocations familiales) et les avantages fiscaux puissent être attribués au parent ayant la charge matérielle principale de l’enfant.

Recommandation n° 3 : veiller à ce que les prestations sociales et avantages fiscaux puissent rester attribués au parent ayant la charge matérielle principale de l’enfant, en clarifiant en ce sens l’article 7 de la proposition de loi.

b. Concernant l’amende civile et l’infraction au titre de non représentation d’enfant (articles 5 et 8)

● L’article 5 de la proposition de loi prévoit la création d’un mécanisme d’amende civile afin de sanctionner le parent qui fait délibérément obstacle de manière grave « ou » renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale définies par l’article 372-1 du code civil (tel qu’inséré par l’article 4 de la proposition de loi et qui précise que tout acte de l’autorité parentale requiert l’accord de chacun des parents), « en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives ».

L’amende pourra également s’appliquer lorsqu’un parent ne respecte pas une décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale (par exemple, une décision du JAF sur les modalités de résidence de l’enfant). Son montant, qui ne pourra excéder 10 000 euros, sera proportionné à la gravité de l’atteinte aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et aux facultés contributives du parent.

Pour prévenir le risque de pratiques abusives, votre rapporteure propose de préciser que l’amende civile ne pourra être prononcée que lorsque le parent fait délibérément obstacle de façon grave « et » renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale prévues à l’article 372-1.

Il conviendrait également de supprimer les dispositions faisant référence au droit d’un parent « d’exercer ses prérogatives » à l’égard de l’enfant. En effet, comme l’ont fait observer à juste titre plusieurs associations, l’autorité parentale n’est pas une prérogative du parent, mais un devoir dû à l’enfant afin de protéger l’ensemble de ses droits.

Par ailleurs, et pour éviter autant que possible de recourir à cette sanction civile, il pourrait être nécessaire de prévoir en amont la possibilité pour un parent de s’opposer à une décision contestée par une saisine du JAF si nécessaire en référé. Cela permettrait de favoriser la recherche de solutions allant dans l’intérêt de l’enfant plutôt qu’une démarche punitive cristallisant davantage les tensions et conflits familiaux.

Plus généralement, il serait souhaitable, comme l’a récemment préconisé le Haut conseil de la famille (rapport précité d’avril 2014), de développer des interventions préventives, de renforcer la visibilité des services existants et de mettre à disposition des familles des informations sur l’autorité parentale (dont les principes ne sont pas toujours bien connus par les couples séparés), les modalités d’accueil des enfants après la séparation, la pension alimentaire ou encore les prestations sociales et familiales. Par exemple, il serait utile de développer une information publique (site en ligne) pour les parents qui se séparent, sous une forme la plus simple et pédagogique possible pour favoriser l’adhésion des parents, à l’instar de ce qui existe par exemple au Canada et au Royaume-Uni.

Votre rapporteure avait proposé de mieux encadrer le dispositif d’amende civile prévu par l’article 5 et prévenir, autant que possible, le recours à celle-ci :

– en la limitant aux cas dans lesquels il est fait obstacle de façon grave « et » renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ;

– en supprimant les mots « en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives » ;

– en prévoyant la possibilité pour un parent séparé de contester une décision devant un juge aux affaires familiales en référé si nécessaire ;

– en développant une information publique (site en ligne) pour les parents qui se séparent.

Au terme d’un débat sur cette recommandation, la Délégation a souhaité préconiser la suppression de l’article 5 de la proposition de loi.

Recommandation n° 4 : supprimer l’article 5 de la proposition de loi relatif au dispositif d’amende civile.

● L’article 8 a pour objet de transformer le délit de non-représentation d’enfant en contravention de la quatrième classe lors de la première infraction afin qu’il soit plus efficacement réprimé, l’exposé des motifs soulignant que le taux de classement sans suite est aujourd’hui très élevé pour ce délit. Selon le groupe de travail sur la parentalité, le nombre de condamnations du chef de non-représentation d’enfants et non-représentation d’enfants aggravée oscille ainsi entre 800 et 900 condamnations annuelles depuis 2008.

De façon générale, votre rapporteure partage l’objectif d’amélioration de l’efficacité de la justice statuant sur l’autorité parentale. S’agissant du dispositif prévu par cet article, elle estime toutefois que cette sanction peut être injustifiée dans certaines situations.

En effet, lorsque le parent est défaillant au sens où il n’assume plus ses obligations familiales, en particulier si un père ne fait plus usage de son droit de visite depuis un certain temps ou de façon très irrégulière, il n’y a pas de raison que des poursuites pénales soient engagées contre la mère d’un enfant, qui se serait par exemple absentée un week-end donné avec son enfant, sans plus attendre que son ancien conjoint se présente le jour prévu pour l’exercice du DVH.

Recommandation n° 5 : prévoir que l’infraction au titre de la non-représentation de l’enfant ne peut être constituée lorsque le parent déposant plainte n’a pas respecté ses obligations en matière d’exercice du droit de visite ou du devoir d’accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, en modifiant en ce sens l’article 8 de la proposition de loi.

Au-delà de la nécessité de mieux encadrer certains dispositifs, pour éviter notamment des pratiques abusives, ce dernier point soulève aussi, plus largement, la question des devoirs des parents à l’égard des enfants, s’agissant en particulier de l’exercice du droit de visite (désormais temps d’accueil), mais aussi du versement de la pension alimentaire.

2. Pour affirmer plus clairement l’intérêt et les droits de l’enfant s’agissant notamment des temps d’accueil (droits de visite)

a. En précisant l’objet de l’exercice conjoint de l’autorité parentale (article 3)

Selon le principe général posé par l’article 372 du code civil, les parents exercent en commun l’autorité parentale. L’article 3 de la proposition de loi vise à compléter ces dispositions afin de préciser qu’ils doivent s’informer réciproquement de l’organisation de la vie de l’enfant et prendre ensemble les décisions qui le concernent. Il s’agit ainsi d’expliciter la signification concrète de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, qui implique une égalité des droits des parents à l’égard de l’enfant, aucun d’entre eux ne pouvant agir seul.

Certaines associations ont néanmoins fait observer que la prise de décision en commun est impossible lorsque l’un des parents est absent ou défaillant, en jugeant nécessaire de libérer le parent investi dans l’exercice de l’autorité parentale de l’obligation de se retourner vers un parent absent, et donc de lui permettre d’agir seul en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ce sens, le collectif Abandon de famille a par exemple proposé de suspendre l’exercice de l’autorité parentale par le père ou la mère qui n’est plus investi dans l’éducation ou n’assure plus l’entretien de l’enfant depuis plus de deux mois.

De ce point de vue, l’introduction dans la loi de dispositions prévoyant explicitement la possibilité de suspendre l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille (non-paiement de la pension alimentaire), comme le propose votre rapporteure (cf. infra), aura également pour effet de limiter la portée de cet article relatif à la prise de décision en commun entre les parents concernant l’enfant, dans la mesure où, dans de telles situations, et si le parent ne s’est pas acquitté de ses obligations familiales pendant au moins six mois, le parent investi serait donc seul à exercer l’autorité parentale, à titre provisoire.

Votre rapporteure propose par ailleurs d’amender cet article afin de placer les droits de l’enfant au centre de l’exercice de l’autorité parentale, et renforcer ainsi le fondement de la proposition de loi. Ainsi, il pourrait être précisé que « l’exercice de l’autorité parentale a pour objet de garantir les droits et l’intérêt de l’enfant », comme l’ont proposé les associations Abandon de famille et SOS Les mamans.

Plus généralement, il s’agit, autant que possible, de centrer les dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale par les parents séparés sur les droits de l’enfant, plutôt que sur les droits, voire les « prérogatives », des parents. Une association a ainsi proposé de reformuler des dispositions sur le droit de visite afin de faire mieux apparaître que ces droits sont attachés à la personne de l’enfant, et non au parent, ce qui impliquerait notamment de modifier la rédaction de l’article 6 de la proposition de loi (relatif au « droit de visite » dans le seul cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale par l’un des parents).

Recommandation n° 6 : préciser dans le code civil que l’exercice de l’autorité parentale a pour objet de garantir les droits et l’intérêt de l’enfant, en complétant en ce sens l’article 372 du code civil (article 3 de la proposition de loi).

a. En veillant à ce que le parent qui ne se présente pas aux périodes convenues pour le temps d’accueil de l’enfant soit aussi sanctionné

L’amende civile évoquée plus haut pourra être prononcée en cas de violation par un parent d’une décision fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale, par exemple sur les modalités de résidence de l’enfant s’il ne présente pas l’enfant aux périodes déterminées.

Lors de son audition par la Délégation, la Secrétaire d’Etat chargée de la famille, Mme Laurence Rossignol, a souligné combien il est important que les sanctions prévues par la proposition de loi soient « symétriques » et puissent s’appliquer aux deux parents, en saluant la mesure « opportune » constituée par le dispositif d’amende civile prévu par l’article 5 de la proposition de loi.

Par « effet de miroir » avec l’amende pour non présentation d’enfant prévue à l’article 8, il convient ainsi de veiller à ce que celle-ci puisse également être prononcée lorsqu’un parent ne prend pas son enfant aux périodes convenues pour le temps d’accueil de l’enfant (actuellement, droit de visite et d’hébergement). En effet, il ne s’agit pas seulement d’un droit, mais aussi d’un devoir pour le parent séparé que de maintenir des relations personnelles avec son enfant.

Au demeurant, tant le code civil (23) que la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, dans son article 9 (24), reconnaissent le droit de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses parents.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 mentionne parmi les faits constitutifs « la violation d’une décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ». Néanmoins, si besoin était, il serait possible, pour plus de clarté, de prévoir expressément ce point dans la loi.

La Délégation s’étant prononcée en faveur de la suppression de l’article 5 de la proposition de la loi, la rédaction de la recommandation ci-après a été modifiée en conséquence, en supprimant la référence à l’article 5.

Recommandation n° 7 : sanctionner le parent qui n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus.

Au-delà de la question de la résidence et des droits de visites – désormais « temps d’accueil », exceptés pour les cas dans lesquels l’un des parents exerce seul l’autorité parentale –, il est nécessaire d’engager une réflexion sur l’ensemble des devoirs parentaux liés à l’enfant, s’agissant en particulier du versement de la pension alimentaire.

3. Veiller au respect des obligations familiales sur le plan matériel et prendre en compte les situations d’abandon et de violence économique

Aux termes de l’article 372-1 du code civil, chacun des parents est tenu de contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Après une séparation, cette contribution (CEEE, dont les principales caractéristiques sont présentées dans l’encadré ci-après) prend la forme d’une pension alimentaire, qui peut représenter une source importante de revenu pour les familles monoparentales (le plus souvent des mères seules), qui sont particulièrement exposées au risque de précarité, comme cela a été souligné précédemment.

La contribution à l’éducation et à l’entretien de l’enfant (CEEE)

- Dispositions prévues par le code civil

« Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent ainsi que des besoins de l’enfant » (article 371-2). Ces critères sont normalement les seuls qui doivent rentrer en ligne de compte. En particulier, le versement d’une CEEE ne vise ni à égaliser les niveaux de vie des parents, ni à maintenir le niveau de vie de l’enfant.

« En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié » (article 373-2-2). L’obligation des parents de nourrir, entretenir et élever leurs enfants perdure ainsi après leur séparation dès lors que l’enfant a été reconnu. Les principes de la CEEE s’appliquent de la même façon quelle que soit l’origine de la séparation des parents (divorces, dissolution du Pacs ou fin d’union libre). L’obligation d’entretien est assurée en nature par le parent chez qui l’enfant réside à titre principal ; l’autre parent remplit son obligation sous la forme d’une pension versée au parent « gardien » (ou d’une contribution en nature).

« Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut par le juge » (article 373-2-2). Les parents peuvent s’organiser librement et passer par le juge pour homologation ou pour qu’il tranche leur différend. Le juge aux affaires familiales part des demandes des parents : il valide en général le montant décidé par les parents s’ils sont d’accord et décide la plupart du temps d’un montant qui se situe dans les limites des demandes des parents en cas de désaccord. Un barème indicatif a été introduit en avril 2010 en vue de faciliter les accords entre les parents pour fixer le montant de la pension alimentaire.

- Principales données et statistiques sur la pension alimentaire

Les litiges concernant le montant de la contribution aux frais d’éducation et d’entretien des enfants constituent un contentieux de masse (plus de 150 000 décisions rendues en 2008), qui mobilise une partie importante des moyens de la justice aux affaires familiales

Sur un échantillon représentatif de 2 300 divorces prononcés en 2003, les parents étaient d’accord sur le montant de la CEEE dans 85 % des cas. Concernant les parents non mariés qui décident de passer par le juge, il reste un peu plus souvent des désaccords sur la pension alimentaire en fin de procédure que pour les parents qui divorcent (41% des cas, contre 10 % en 2007). Il ressort de données collectées en juin 2012 que le désaccord sur la CEEE est systématique lorsque les parents divergent déjà sur la fixation de la résidence des enfants.

En 2012, une CEEE est fixée pour sept enfants sur dix. Lorsque la pension n’est pas nulle, elle doit être versée par le père dans la grande majorité des cas (97 %). En juin 2012, le montant moyen de l’ensemble des CEEE fixées dans le cadre des décisions sur la résidence des enfants est de 170 € par mois et par enfant. La moitié des CEEE non nulles sont comprises entre 100 et 200 € par enfant.

D’après les calculs de l’INSEE à partir de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux 2011, les CEEE reçues représentent 14% du revenu disponible des mères « hébergeantes » (qui déclarent recevoir des pensions alimentaires) lorsqu’elles vivent seules, et 6 % lorsqu’elles sont en couple. Une étude de la DREES sur les données de 2001 faisait déjà apparaître les pensions alimentaires comme une source importante de revenu pour les familles monoparentales (18 % du revenu initial pour le tiers de ces familles ayant déclaré des pensions alimentaires).

Sources : Haut conseil de la famille (2014), ministère de la justice, Insee et Drees.

Or, de nombreux pères se désengagent encore de leur responsabilité envers leurs enfants, en ne payant pas, ou en payant seulement partiellement, la pension alimentaire ; il est d’ailleurs impératif d’actualiser les données disponibles concernant l’ampleur des impayés, comme cela a été souligné précédemment (recommandation n° 1).

En tout état de cause, plusieurs personnes entendues par la Délégation et par votre rapporteure ont regretté également que ces questions d’impayés de pension et de « violence économique » ne soient pas évoquées par la présente proposition de loi. Votre rapporteure propose deux séries de mesures sur ce point.

a. En prévoyant expressément la possibilité de prononcer une suspension provisoire de l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille

L’article 227-3 du code pénal dispose, dans son premier alinéa, que le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de « verser au profit d'un enfant mineur, d’un descendant (…) une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil, en demeurant plus de deux mois sans s'acquitter intégralement de cette obligation », est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Dans son second alinéa, le même article prévoit que ces infractions sont assimilées à des abandons de famille « pour l’application du 3° de l’article 373 du code civil », qui prévoyait initialement une peine complémentaire à travers la suspension de l’exercice de l’autorité parentale. Dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, cet article du code civil prévoyait en effet que : « Perd l’exercice de l'autorité parentale ou en est provisoirement privé celui des père et mère qui se trouve dans l'un des cas suivants : (…) 3° S’il a été condamné sous l’un des divers chefs de l'abandon de famille, tant qu'il n'a pas recommencé à assumer ses obligations pendant une durée de six mois au moins ».

Or ces dispositions ont été supprimées par la loi du 4 mars 2002, et sans que la rédaction de l’article 227-3 du code pénal relatif à l’abandon de famille n’ait été modifiée en conséquence. Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l’article 373 du code civil prévoit que le père ou la mère qui est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son incapacité, de son absence ou de tout autre cause est privé de l’exercice de l’autorité parentale. Les motifs de privation de l’exercice de l’autorité parentale étaient ainsi plus nombreux avant 2002, et incluaient en particulier la condamnation sous l’un des divers chefs de l’abandon de famille.

Il conviendrait donc de rétablir des dispositions en ce sens. Provisoirement, et par exemple, tant que le père n’a pas recommencé à assumer ses obligations familiales pendant au moins six mois, la mère serait donc la seule à exercer l’autorité parentale.

À cet égard, M. Edouard Durand, magistrat formateur à l’ENM, a d’ailleurs proposé, lors de son audition, de prévoir dans le code civil la possibilité pour le juge de priver de l’exercice de la responsabilité parentale le parent qui ne remplit pas son obligation d’entretien, d’aliments ou de versement de la pension alimentaire.

Il s’agit ainsi de responsabiliser les parents et contribuer à prévenir autant que possible les impayés de pensions, mais aussi d’éviter des situations où le père s’abstient de payer sa pension alimentaire pendant des mois, voire des années, mais s’oppose systématiquement à toute décision de son ex-conjointe concernant l’enfant. Dans ce cas, il n’apparaît pas excessif, là encore dans un objectif d’équilibre entre droits et devoirs, que le parent qui s’est investi dans l’éducation de son enfant, et doit en assumer seul la charge sur le plan matériel, ne soit pas bloqué dans toutes les décisions de la vie courante par un parent défaillant.

Recommandation n° 8 : prévoir expressément dans le code civil la possibilité de suspendre provisoirement l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille (non-paiement caractérisé de la pension alimentaire), de non exercice du droit de visite ou de non accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, de façon renouvelée, et tant que le parent n’aurait pas recommencé à assumer ses obligations familiales pendant au moins six mois.

b. En renforçant la protection contre les impayés alimentaires

Pour mieux protéger les mères et leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires, votre rapporteure propose :

– d’une part, d’élargir le champ de l’amende civile prévue par l’article 5 au non-paiement d’une pension alimentaire ; à cet égard, il est à noter que les dispositions actuelles du code pénal relatives à l’abandon de famille (cf. supra) impliquent de pouvoir établir l’absence délibérée de versement de la pension pendant au moins deux mois consécutifs, ce qui exclut donc d’engager des poursuites pénales en cas d’impayés fréquents, mais de façon perlée ;

– d’autre part, et dans le sens évoqué par la secrétaire d’Etat chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, lors de son audition par la Délégation, de veiller à ce que le parent bénéficiaire de la pension alimentaire (le plus souvent la mère) soit le créancier prioritaire par rapport à l’amende civile prévue par l’article 5, qui devrait être versée, le cas échéant, par son ex-conjoint au Trésor public.

Le collectif Abandon de famille s’est par ailleurs dit favorable à un ajout à l’article 227-3 du code pénal précité, pour préciser que le défaut de paiement est présumé volontaire, sauf preuve contraire, et que « l’insolvabilité qui résulte de l’inconduite habituelle ou manque de diligence, ne sera en aucun cas un motif d’excuse valable pour le débiteur ».

Si la charge de la preuve en droit pénal repose sur le principe de la présomption d’innocence et incombe dès lors à la partie poursuivante, il pourrait être envisagé de préciser clairement que même en cas d’insolvabilité organisée (lorsqu’une personne organise volontairement son insolvabilité, par exemple en faisant en sorte que l’intégralité des biens lui appartenant soit mise au nom de sa mère pour ne rien avoir à verser à son épouse et à ses enfants), le débiteur n’est pas dispensé de verser une pension alimentaire, comme cela a été clairement été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt récent (1ère chambre civile, 5 mars 2014).

Enfin, dans le cas d’un parent qui n’exerce pas son droit de visite, en ne respectant pas la répartition des temps d’accueil prévue par la décision du juge aux affaires familiales ou une convention homologuée (par exemple, au lieu d’un week-end sur deux, un père qui ne prendrait son enfant que très épisodiquement), il serait légitime de revoir le montant de la pension alimentaire fixée initialement, dans la mesure où, en plus du préjudice moral subi par ces « enfants à la fenêtre » qui attendent leur parent qui ne vient pas, cela se traduit également par une charge financière accrue pour l’autre parent, qu’il serait juste de compenser par une augmentation de la pension.

Votre rapporteure avait dès lors proposé de renforcer la protection des mères et de leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires :

– en élargissant le champ de lamende civile prévue par l’article 5 de la proposition de loi au non-paiement de pension alimentaire ;

– en veillant à ce que le paiement au trésor public par un parent de l’amende civile prévu par l’article 5 de la proposition de loi ne soit pas prioritaire par rapport à celui de la pension alimentaire à son ex-conjoint ;

– en rappelant que l’insolvabilité organisée ne saurait dispenser un parent du versement de la pension alimentaire.

La Délégation s’étant prononcée en faveur de la suppression de l’article 5 de la proposition de loi, la rédaction de cette recommandation a été modifiée conséquence.

Recommandation n° 9 : renforcer la protection des mères et de leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires en rappelant que l’insolvabilité organisée ne saurait dispenser un parent du versement de la pension alimentaire.

Il conviendrait par ailleurs d’augmenter la pension alimentaire pour le parent qui n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus, de prévoir l’indexation de la pension sur les salaires, et non sur les prix, et d’introduire des dispositions concernant le paiement de la pension par virement.

Recommandation n° 10 : augmenter la pension alimentaire pour le parent qui ne remplit pas son droit de visite ou n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus.

Recommandation n° 11 : prévoir l’indexation de la pension alimentaire sur les salaires et non sur les prix.

Recommandation n° 12 : introduire des dispositions concernant le paiement de la pension alimentaire par virement.

Il s’agit là d’une atteinte aux droits de l’enfant, mais aussi de comportements de « violence économique », telle que définie par la Convention d’Istanbul dont le Parlement vient d’autoriser la ratification, et qu’il convient de réprimer plus efficacement.

Les violences à l’égard des femmes : la définition posée par la Convention d’Istanbul

« Le terme « violence à l’égard des femmes » doit être compris comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée »

Cela doit conduire, plus largement, à envisager l’ensemble des voies et moyens susceptibles de mieux protéger les femmes de toutes formes de violences, ce qui implique de compléter sur plusieurs points la présente proposition de loi.

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI DOIT ÊTRE COMPLÉTÉE POUR PROTÉGER LES FEMMES ET LES ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES

A. LA MÉDIATION FAMILIALE : UN DISPOSITIF INTÉRESSANT MAIS QUI APPARAÎT INADAPTÉ EN CAS DE VIOLENCES CONJUGALES

1. La médiation familiale : quel état des lieux ?

a. Définition et recours

Le rapport sur les réflexions du groupe de travail sur la coparentalité publié en janvier 2014 propose une définition de la médiation familiale.

La médiation est un processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné avec leur accord par le juge saisi du litige. La médiation familiale a été institutionnalisée par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, le législateur la considérant comme une réponse particulièrement adaptée au traitement du conflit familial. En effet, la médiation permet aux parents d’exercer leur coparentalité dans le dialogue en cherchant des solutions respectant l’intérêt de chacun et particulièrement celui des enfants.

La médiation repose sur trois principes déontologiques : la confidentialité des échanges, la neutralité et l’impartialité du médiateur.

Il existe deux possibilités de recours à ce dispositif.

La médiation familiale est dite « conventionnelle » lorsque ce sont les personnes qui la sollicitent. Elles peuvent se rendre directement et spontanément auprès d'un médiateur familial. Elles peuvent également avoir été conseillées par un professionnel (travailleur social, médecin, juriste, avocat, magistrat...).

La médiation familiale dite judiciaire recouvre deux types de situations :

– la médiation familiale ordonnée par le juge aux affaires familiales, avec l’accord des parties, dans le cadre d’un jugement ou d’une ordonnance (article 1071 du code de procédure civile).

– l'injonction : le juge aux affaires familiales a également la possibilité en matière d’exercice de l’autorité parentale (article 373-2-10 du code civil) et de divorce (article 255 du code civil) d’enjoindre aux personnes de rencontrer un médiateur familial qui les informera, au cours d’une réunion gratuite, des conditions et du déroulement de la médiation familiale.

Selon le rapport du Conseil économique, social et environnemental sur la famille, déjà cité, aujourd’hui les 2/3 des demandes de médiation sont conventionnelles et 1/3 sont judiciaires.

La médiation familiale peut aussi s’avérer utile pour régler d’éventuels conflits entre les parents et les grands- parents. Si le ou les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale font obstacle au maintien des liens entre les grands-parents et leurs petits-enfants, le juge aux affaires familiales peut, si tel est l’intérêt des enfants, mettre en place un droit de visite et d’hébergement. Le nombre de grands-parents faisant appel à la justice reste stable : 2500 en 1996 et 2600 en 2003  (25.)

La majorité des médiations familiales a un impact positif. Elle débouche sur un accord dans 48 % des cas et permet une amélioration significative dans 16% des situations. Elle n’intervient que dans 4% des divorces (26).

En 2012, 33 932 personnes ont bénéficié d’une médiation. Au niveau national, la médiation familiale est organisée autour d’un protocole dont les signataires sont le ministère de la Famille, le ministère de la Justice, la CNAF, la CCMSA. 13 455 mesures de médiation ont été prises en 2012 pour un coût total de 25,3 millions d’euros dont 14,1 millions pris en charge par la CNAF et 0,68 million par la CCMSA. Les collectivités locales peuvent intervenir dans ce dispositif.

Mais force est de constater que l’offre de médiation familiale est mal répartie entre les départements et au sein même de ces derniers. La médiation souffre également d’un financement insuffisant et dispersé.

b. Les expérimentations en cours

Le ministère de la justice a lancé deux expérimentations dans le champ de la médiation familiale sur la période 2013-2014.

Le premier dispositif, prévu par le décret n° 2010-1395 du 12 novembre 2010, pris pour l’application de l’article 373-2-10 du code civil, consiste en un système de « double convocation » dans lequel les parties sont convoquées devant un médiateur familial, antérieurement à l’audience devant le juge aux affaires familiales (JAF), suite à la requête qui a été déposée. L’obligation des parties de se rendre à cet entretien d’information préalable avec le médiateur se concrétise par la remise d’une attestation de présence au couple.

Le second dispositif, prévu par l’article 15 de la loi n° 2011-1862 du 13  décembre 2011 consiste à instaurer une tentative de médiation familiale obligatoire, sous peine d’irrecevabilité, pour les demandes tendant à modifier des dispositions sur l’autorité parentale et la pension alimentaire contenues dans une décision de justice déjà rendue entre les parents.

Deux arrêtés de la garde des sceaux du 31 mai 2013 ont désigné les tribunaux de grande instance d’Arras et de Bordeaux comme lieux de ces expérimentations. Un rapport d’évaluation sur ces deux dispositifs devra être déposé avant le 31 décembre 2014.

Il a été constaté que la médiation familiale souffrait d’un défaut de visibilité et qu’une information sur ce dispositif devait être encouragée. La CNAF a mené une étude transversale sur les motifs de non recours. Les motifs évoqués sont, outre une méconnaissance de ce dispositif, une confusion ou un amalgame entre médiation familiale et thérapie de couple, et la nécessité de l’accord des deux parents qui freine le recours de certaines familles à ce dispositif.

Elle indique travailler, dans le cadre du conseil national du soutien à la parentalité, à une stratégie de communication nationale qui passera notamment par la mise en place d’une offre Internet dédiée à la parentalité, permettant ainsi aux familles de s’informer sur l’offre locale et mettant à disposition des acteurs locaux et des professionnels un centre national de ressources.

2. La médiation familiale demain : quelles perspectives ?

a. Les nouvelles dispositions de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant …

Le chapitre III de la proposition de loi relatif au développement de la médiation familiale, après avoir défini celle-ci, prévoit plusieurs mécanismes visant à inciter les parties à y recourir.

Le I de l’article 16 insère dans la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, qui comporte déjà un chapitre relatif à la médiation, trois nouveaux articles. Le premier rappelle que les époux et les parents ont la possibilité de recourir à la médiation en cas de conflits familiaux.

Un second est consacré à la définition de la médiation familiale : « La médiation familiale, qui a pour finalité d’apaiser le conflit et de préserver les relations au sein de la famille, est un processus structuré et confidentiel de résolution amiable des différends familiaux. Avec l’aide du médiateur familial, tiers qualifié, impartial et indépendant, les personnes tentent de parvenir à une solution mutuellement acceptable, qui tient compte de l’intérêt de l’une et de l’autre et de celui de leurs enfants éventuels et qui peut prendre la forme d’accords susceptibles d’être homologués par le juge ».

Et le troisième nouvel article fixe le régime juridique applicable à la médiation familiale.

Le II de l’article 16 prévoit la lecture du premier de ces trois nouveaux articles par l’officier d’état civil le jour du mariage.

L’article 17 donne au juge aux affaires familiales (JAF), dans le cadre de la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale, la possibilité d’enjoindre aux parents de participer à des séances de médiation familiale.

L’article 18 donne une compétence identique au JAF dans le cadre des instances portant sur les modifications à apporter à une convention homologuée ou à des décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale. Cela signifie que désormais, après la séparation, la médiation familiale deviendrait systématique, pour tout couple souhaitant revoir son jugement de divorce ou sa convention parentale (temps d’accueil, pension alimentaire …). Ces mesures impliqueront de développer fortement l’embauche et la formation de médiateurs.

a. … devront exclure les situations de violences

Si la médiation familiale peut être l’occasion de rétablir le dialogue entre les parents et de régler ou d’apaiser des conflits dans une situation « normale » de tension, il est impératif de garder à l’esprit qu’elle ne saurait en aucun cas s’appliquer aux situations de violences ou d’emprise.

M. Edouard Durand, magistrat formateur à l’École nationale de la magistrature (ENM), a insisté devant la Délégation sur la distinction à opérer entre le conflit qui met en présence des partenaires égaux susceptibles de résoudre leurs oppositions par le langage, et la violence qui exprime des rapports de domination et où l’un des partenaires vit dans la peur, excluant la possibilité d’un dialogue constructif.

La Délégation aux droits des femmes, dans son rapport d’information sur le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, actuellement en cours de discussion au Parlement, a consacré de longs développements à la problématique des violences faites aux femmes. Il convient ici de rappeler que la dernière enquête en France sur les violences, dénommée ENVEFF, remonte à l’année 2000 et qu’elle indiquait que 10% des femmes étaient victimes de violences dans le couple. Tous les deux jours, une femme meurt sous les coups de son mari, de son compagnon ou de son ex mari ou compagnon. On estime donc qu’environ 1,3 million de femmes vivent quotidiennement dans la violence, certaines subissant des violences cumulées, à la fois physiques, sexuelles et économiques. Le coût des violences a été estimé à 2,5 milliards d’euros par an.

Les enfants sont, eux aussi, les victimes au quotidien de ces violences conjugales

En 2012, 174 personnes sont décédées, victimes de leur partenaire ou ex-partenaire de vie, 9 enfants mineurs ont été tués par leur père en même temps que leur mère. 20 enfants ont été témoins des scènes de crime (qu’ils aient été présents au moment des faits ou qu’ils aient découvert les corps).

On sait par ailleurs que beaucoup de victimes terrorisées ne portent pas plainte contre leur agresseur et qu’en conséquence, de nombreuses violences passent inaperçues et ne sont pas détectées.

Le projet de loi cité plus haut sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dans le droit fil des dispositions de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes, a d’ailleurs prévu dans son article 8 de restreindre l’usage de la médiation pénale aux seuls cas où la victime en fait expressément la demande. Il s’agissait, dans le cadre pénal, de s’assurer que cette mesure de médiation ne saurait s’appliquer dans les situations de violences et d’emprise où les rapports entre partenaires sont inégaux. Il ne faudrait pas que la volonté de développer la médiation familiale dans le cadre civil ne vienne en contradiction avec cette préoccupation.

La loi du 9 juillet 2010 sur les violences et le projet de loi en cours d’examen sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans son volet violences ont ainsi leur cohérence, qui doit être préservée.

L’article 16 de la proposition de loi pourrait donc être précisé en indiquant que la médiation familiale ne peut être imposée en cas de violences dans le couple ou lorsqu’elle a pour conséquence d’augmenter les délais de procédure et s’apparente à une manœuvre dilatoire.

Suivant la même logique, il serait utile de prévoir que les médiateurs familiaux soient formés à la détection des violences intrafamiliales et des phénomènes d’emprise, toujours difficiles à repérer.

Les articles 17 et 18 prévoient la possibilité d’imposer une médiation familiale, si l’un des parents ou les deux s’y opposent.

Or, la médiation doit être considérée comme un outil et non comme un objectif. Les dispositions actuelles (article 373-2-10 du code civil : médiation subordonnée à l’accord des deux parents ou injonction de rencontrer un médiateur) sont suffisantes. En cas de violences conjugales, imposer une médiation serait constitutif d’une violence en soi.

Recommandation n° 13 : compléter le chapitre III en spécifiant que la médiation familiale est exclue en cas de violences ou lorsqu’elle a pour conséquence d’allonger inconsidérément les délais de la procédure en cours.

Recommandation n° 14 : prévoir dans la formation dispensée aux médiateurs familiaux un enseignement sur la détection des violences intrafamiliales et des phénomènes d’emprise.

A. DES EXEMPTIONS À PRÉVOIR DANS DIFFÉRENTS ARTICLES DU TEXTE, POUR LES CAS DE VIOLENCES

1. Des articles problématiques en cas de violences conjugales

La Délégation aux droits des femmes est bien consciente que la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant n’a pas pour objet les violences mais il convient néanmoins de ne pas marginaliser cette problématique dans sa lecture. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé la secrétaire d’État en charge de la Famille, Mme Laurence Rossignol, lors de son audition devant la Délégation le 29 avril.

De ce point de vue, l’article 4 de la proposition de loi soulève certaines questions.

L’alinéa 2 prévoit que l’accord des deux parents est requis pour les actes usuels ou importants. L’application d’une telle disposition ne pose pas de problème particulier dans un couple qui fonctionne « normalement », où le dialogue est possible. Mais dans un couple où la mère subit des violences, tout est prétexte pour alimenter cette violence, à commencer par l’éducation des enfants.

Dans ces conditions, dès lors que les actes usuels supposent un dialogue, il est inenvisageable qu’un tel dialogue puisse exister au sein de couples où la femme subit des violences conjugales. On peut donc craindre que l’article 4 n’ait pour effet d’encourager ces violences et de conforter l’emprise du père. Loin d’aider à la solution du conflit, il risque, bien au contraire, d’être un facteur aggravant de la situation déjà précaire des mères victimes de leur partenaire.

L’alinéa 4 de l’article 4 appelle par ailleurs de grandes réserves.. En prévoyant que l’accord du parent condamné pour violences sur l’autre parent n’est pas exigé en cas de déménagement de l’enfant, il ne tient pas compte du fait que les condamnations interviennent souvent tardivement. Il faut aussi prendre en considération les cas où il n’y a pas eu de condamnation mais où il a été prononcé par exemple une alternative aux poursuites. Il faudrait donc prévoir, au minimum, une exemption de l’accord requis pour changer de résidence ou l’établissement scolaire de l’enfant en cas de violences, a minima, en cas de délivrance d’une ordonnance de protection.

Par ailleurs, la question du déménagement est centrale en cas de violences conjugales, car il s’agit alors de protéger la mère mais aussi son/ses enfants.

Ces remarques sont aussi valables concernant l’article 7 de la proposition de loi sur la double résidence. De même, l’alinéa 4 est trop restrictif. Il conviendrait de remplacer l’expression « à titre exceptionnel » par la mention « en cas de violences, le juge peut fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un des parents ».

Quant à l’article 8, qui contraventionnalise la non représentation d’enfants dans un souci de plus grande efficacité, il pose problème en cas de violences. On peut aussi penser qu’une simple contravention certes plus efficace, met à mal la cohérence de l’échelle des peines, s’agissant d’une infraction grave.

Recommandation n° 15 : prévoir aux articles 4, 7 et 8 relatifs à l’exercice de l’autorité parentale, au domicile de l’enfant et au droit de visite, une exemption d’application pour les situations de violences intrafamiliales.

2. Des exceptions à la coparentalité ?

En vérité, la coparentalité s’avère dangereuse dans les situations de violences conjugales. Or cette proposition de loi ne prend pas en compte les situations nombreuses dans lesquelles la coparentalité ne peut être envisagée : l’absence, les violences conjugales, la maltraitance des enfants. Son modèle unique est le couple qui s’entend et peut dialoguer. Ainsi que l’ont rappelé lors de leurs auditions Mme Ernestine Ronai et M. Édouard Durand, il convient donc de penser des exceptions à la coparentalité en cas de violences conjugales.

Karine Sadlier, dans ses travaux présentés par Mme Ronai devant la Délégation, a mis en avant le concept de « parentalité parallèle ». Celui-ci imagine une approche différente : lorsque l’un des parents accueille l’enfant pendant une certaine période, il exerce seul l’autorité parentale. Chacun des deux parents a donc un temps de responsabilité (et d’autorité) séparé. C’est une réflexion intéressante qui permet d’intégrer la dangerosité du père violent envers la mère.

En l’état actuel de la proposition de loi, les dispositions proposées supposeraient que soit élargi le recours à l’exercice exclusif de l’autorité parentale (article 373-2-1 du code civil).

Or, la jurisprudence est très restrictive dans l’attribution à un seul des deux parents de l’exercice exclusif de l’autorité parentale, même en cas de désintérêt ou en cas de violences conjugales.

L’exercice de l’autorité parentale n’est pas un droit mais un « droit-fonction », c’est-à-dire une prérogative subordonnée à l’intérêt de l’enfant, ainsi que l’a rappelé M. Édouard Durand. L’exercice exclusif de l’autorité parentale est l’une des traductions juridiques de la parentalité parallèle. Actuellement, le seul critère d’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale est l’intérêt de l’enfant trop rarement évalué au regard des violences dont il est victime en tant que témoin exposé aux violences conjugales. Il faudrait envisager d’ajouter le critère des violences conjugales.

Recommandation n° 16 : élargir les critères d’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale aux situations de violences conjugales.

Recommandation n° 17 : encadrer le droit de visite et d’hébergement ou temps d’accueil en lieu de rencontre médiatisé ou avec un accompagnant lorsque l’un des parents porte plainte pour violence sur enfant ou en cas de signalement.

Recommandation n° 18 : valoriser et développer les espaces de rencontre médiatisés pour que le maintien des relations parents-enfants se fasse sans danger dans les cas de violence.

Dans un rapport de force et de domination, c’est la loi et la précision du jugement qui sont protecteurs. « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui affranchit (27)».

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

I. COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION (MARDI 29 ET MERCREDI 30 AVRIL 2014)

Audition de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, le mardi 29 avril 2014. 44

Audition, sous forme de table ronde, de M. Edouard Durand, magistrat formateur à l’École nationale de la magistrature, de Mme Nadège Bossard, juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance du Mans, de Mme Nathalie Tomasini et de Mme Janine Bonaggiunta, avocates, le mercredi 30 avril 2014 52

Audition, sous forme de table ronde, de représentantes de l’association SOS les Mamans, de la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), du Collectif Abandon de famille-Tolérance Zéro et du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), le mercredi 30 avril 2014. 73

Audition de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé

Compte rendu de l’audition du mardi 29 avril 2014

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci, madame la secrétaire d’État, d’avoir accepté de venir nous parler de cette proposition de loi issue du groupe socialiste, qui devrait être débattue le 19 mai prochain en séance publique. Si la Délégation s’est emparée du sujet, c’est parce que plusieurs associations féministes nous ont alertés sur le fait que la question des violences n’y était pas suffisamment évoquée. Ne risque-t-on pas, dans le cadre des séparations, de perdre le bénéfice de la loi du 9 juillet 2010, qui commençait tout juste à être mieux appliquée par les tribunaux ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, mesdames les députées, vous avez souhaité m’entendre sur cette proposition de loi, et je m’en réjouis. Ce texte, centré sur l’intérêt de l’enfant, permet des avancées positives pour les familles, de plus en plus souvent confrontées à des séparations. Faire en sorte que l’intérêt de l’enfant motive bien les décisions prises en matière d’autorité parentale en cas de séparation, relève en effet de notre responsabilité collective.

Je salue Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure de la Commission des Lois, et Mme Marie-Noëlle Battistel, qui vient d’être nommée rapporteure de la Délégation.

Parmi les éléments centraux du texte, je tiens à dire un mot de la notion de « double résidence », qui consacre le fait qu’un enfant est chez lui au domicile de chacun de ses deux parents. L’expression actuelle de « droit de visite et d’hébergement » (DVH) est inappropriée, poussiéreuse et ne correspond pas à la manière dont les parents souhaitent aujourd’hui continuer d’exercer l’autorité parentale. Une telle expression n’est pas à la hauteur des enjeux. Il s’agit en effet pour nous – et c’est dans cet esprit que j’aborde cette proposition de loi – de veiller à maintenir le lien entre l’enfant et chacun de ses parents. L’introduction de cette notion de double résidence contribuera, nous l’espérons, à responsabiliser ceux-ci. Aucun ne se contentera d’héberger un enfant, et chacun devra lui offrir un véritable foyer.

La proposition de loi contient bien d’autres points positifs, comme la facilitation de la vie des tiers qui entourent la vie de l’enfant. Mais pour que nos échanges soient utiles, je me focaliserai sur les dispositions de ce texte que je souhaiterais voir améliorer.

En premier lieu, je connais l’inquiétude des associations féministes qui se mobilisent contre les violences faites aux femmes. Certes, les violences ne sont pas l’objet de ce texte, mais il faut veiller que celui-ci n’ait pas comme effet secondaire de marginaliser la question des violences. Vous connaissez mes convictions : je ne permettrai pas qu’un texte destiné à aider les parents aboutisse à créer des difficultés supplémentaires pour les femmes en général, et pour les femmes victimes de violences et leurs enfants en particulier. Je suis donc ouverte à toute proposition garantissant les droits des femmes confrontées à des situations de violence.

En deuxième lieu, je suis attachée à l’équilibre du texte. Si l’on crée de nouvelles sanctions pour l’un des parents, postérieurement à la séparation, il faut que ces sanctions soient symétriques et s’appliquent aux deux parents. C’est ainsi que l’amende civile créée par l’article 5 sanctionnera aussi bien le parent qui fait obstacle à l’exercice conjoint de l’autorité parentale que celui qui ne respecte pas les décisions concernant le temps d’accueil de l’enfant. Aussi bien la non représentation d’enfant que le fait de ne pas exercer le DVH seront sanctionnés.

Je crois que c’est Marie-Anne Chapdelaine qui utilise l’expression d’« enfants à la fenêtre » pour désigner ceux qui, week-end après week-end, attendent derrière la fenêtre le parent qui doit venir les chercher. Cette situation sera sanctionnée au même titre que la non-représentation d’enfant, car venir chercher son enfant un week-end sur deux, ou à tout autre rythme décidé par le juge, n’est pas une faculté donnée au parent, mais un devoir qui lui incombe. Il le doit à son enfant, mais aussi à l’autre parent, dont la vie ne doit pas dépendre de la façon dont il exerce ou non, à son gré, le droit de visite et d’hébergement. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’amendement de Mme Marie-Anne Chapdelaine, qui fait obstacle à l’engagement de condamnation pénale à l’encontre d’un parent qui, après avoir constaté des semaines durant que l’autre parent n’est pas venu chercher son enfant, ne le représente pas. C’est un amendement que nous avons envisagé et travaillé ensemble.

L’article 5 doit s’appliquer également au parent qui ne s’acquitte pas de sa pension alimentaire. J’y suis favorable dans la mesure où je suis ouverte à toute mesure permettant de mieux recouvrer les pensions alimentaires, et parce que je pense que l’amende civile peut y concourir par son effet dissuasif. Pour autant, nous devrons nous assurer que le paiement de cette amende au Trésor Public ne sera pas prioritaire par rapport au paiement de la pension alimentaire. Imaginons qu’une mère ne touche pas la pension alimentaire qui lui est due. Le père encourt une amende civile. La pire des situations serait que la créance de l’État soit prioritaire sur celle de la mère. Or c’est bien ce qui risque de se passer. Nous nous sommes donc rapprochés du ministère de l’économie et des finances pour faire en sorte que la mère demeure la créancière prioritaire, avant le Trésor Public.

En troisième lieu, je n’ignore pas que la notion de double résidence, à laquelle je suis favorable sur le principe, soulève certaines questions.

Je précise donc que cette double résidence, qui se traduira par le fait que l’enfant aura les deux adresses sur ses papiers d’identité, n’est en aucun cas une voie déguisée vers la résidence alternée. Ce n’est rien d’autre que l’affirmation que l’enfant est chez lui au domicile de ses deux parents.

Dans le dispositif prévu par la proposition de loi, il y a toujours : d’un côté, un parent qui assume la résidence principale, majoritaire, l’autre parent bénéficiant d’un DVH ; et de l’autre, la résidence alternée, paritaire.

Cela ressemblera à la situation actuelle, à part que l’enfant aura la double résidence. Le parent qui a la résidence majoritaire restera bénéficiaire des dispositifs fiscaux et sociaux tels que les prestations familiales. Mes services sont en train d’y travailler, et il n’est pas exclu que le Gouvernement soit conduit à proposer un amendement pour s’assurer que la double résidence ne se traduira pas par un partage des prestations.

Enfin, je suis moi aussi préoccupée par la disposition de l’article 4 qui rend nécessaire l’accord exprès de l’autre parent pour changer l’enfant d’établissement scolaire ou de domicile – dans la mesure où ce déménagement aurait un impact sur les modalités de l’accueil de l’enfant par cet autre parent. À la lecture de cet article, on pense immédiatement aux mères qui ont la garde des enfants, qui déménagent et emmènent leurs enfants loin du père qui se trouve empêché d’exercer son DVH. Mais on peut aussi penser au parent qui n’a pas la garde de l’enfant, et qui peut lui aussi décider de déménager. Continuera-t-il à exercer son DVH ? En outre, qui paiera les transports quand l’enfant sera en âge de voyager seul ? Selon moi, toutes ces questions devront être traitées de façon symétrique.

Dans l’état actuel du texte, l’accord de l’autre parent devra être recueilli et toute remise en cause des modalités d’accueil de l’enfant sera passible d’une sanction si l’accord n’a pas été donné. Nous restons, je vous l’accorde, dans des équilibres subtils. Il ne faudrait pas, pour autant, donner à l’un des parents le pouvoir de bloquer indûment la vie de l’autre. Mais n’oublions pas tout de même qu’en cas de désaccord, il reviendra au juge de trancher dans l’intérêt de l’enfant.

Je n’ai pas évoqué les questions d’école. Mais peut-être en parlerons-nous à l’occasion des questions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci, madame la secrétaire d’État.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. D’une manière générale, les critiques qui ont été adressées à cette proposition portent sur le fait que cette dernière se préoccuperait davantage du droit des parents que de l’intérêt de l’enfant. C’est ce qui ressort de nombreuses auditions que nous avons menées.

À la fin de votre propos, madame la secrétaire d’État, vous avez mentionné la question scolaire. Je ne vois pas bien comment, avec ce texte, on pourra se prémunir des risques de déscolarisation en cas de désaccord, entre les parents, sur le choix de l’établissement. Par ailleurs, comment fera-t-on si l’un des deux parents, victime de violences, ne souhaite pas que son adresse soit communiquée ? Les directeurs ou les enseignants sont souvent confrontés au problème. Il conviendrait de clarifier cette situation.

Vous avez ensuite évoqué la question de la répartition des avantages fiscaux, notamment en cas de double domiciliation. Cette question n’est pas mentionnée et il nous faudra être vigilants.

Enfin, dans l’ensemble, les personnes que nous avons auditionnées nous ont demandé de spécifier, à chacun des articles, que la mesure envisagée ne pourra s’appliquer en cas de violences dans le couple.

Mme Maud Olivier. Je ferai deux suggestions.

Madame la secrétaire d’État, vous avez déjà répondu à propos des violences. Malheureusement, le texte ne vise que les violences avérées. Or beaucoup de femmes ne portent pas plainte et préfèrent quitter le domicile avec les enfants. La violence n’est donc pas avérée. Je crois que, dans de tels cas, le recours au juge aux affaires familiales (JAF) devrait être la priorité. Lorsque la femme s’estime victime de violences, il faudrait qu’elle puisse faire appel au JAF beaucoup plus facilement, sans passer forcément par un commissariat. Je ne sais pas si c’est possible. Quoi qu’il en soit, si l’on s’en tient aux violences avérées, on passera à côté de la réalité vécue par ces femmes.

Vous avez répondu sur la non-représentation d’enfant. Mais il arrive aussi que l’autre parent ne vienne pas chercher l’enfant. Je pense que, de la même façon, il faut faire constater ce manquement, et ce dès la deuxième fois qu’il se produit. Selon moi, nous devons être très rigoureux.

Mme la présidente Catherine Coutelle. La dernière phrase de l’article 4 est ainsi rédigée : « Toutefois, l’accord de l’autre parent n’est pas requis lorsque celui-ci a été condamné comme auteur, coauteur, complice d’un crime ou délit sur la personne du parent qui souhaite changer la résidence ou l’établissement scolaire de l’enfant. » Nous souhaitons que cela s’applique dès l’ordonnance de protection, et peut-être même dès le dépôt de plainte. Nous y réfléchissons.

Mais cela ne concerne que la violence exercée sur le parent. Or l’enfant peut lui aussi subir des violences. Et si la mère a des soupçons de tentatives d’inceste ou d’attouchements, elle doit avoir la possibilité de protéger l’enfant. Voilà pourquoi je pense que l’on pourrait indiquer dans le texte que l’accord de l’autre parent n’est pas requis en cas de violences sur la personne du parent ou de l’enfant.

Mme la secrétaire d’État. Je répondrai d’abord à Mme la rapporteure sur un éventuel risque de déscolarisation. Le ministère de l’éducation nationale propose un amendement selon lequel le parent qui demande l’inscription dans un établissement scolaire est présumé avoir reçu l’accord de l’autre parent. Ainsi, l’établissement scolariserait provisoirement l’enfant ; si l’accord de l’autre parent n’avait pas été recueilli, ou en cas de désaccord, l’autre parent saisirait le juge aux affaires familiales. Cette présomption d’accord évitera toute déscolarisation. Dans la pratique, nous visons là, notamment, l’inscription d’un enfant dans un établissement religieux sans l’accord de l’un des deux parents.

Je répondrai à Mme Maud Olivier à propos des violences avérées. Nous envisageons de faire en sorte que la restriction mentionnée à la fin de l’article 4 s’applique dès l’ordonnance de protection, voire dès la main courante. Mais il n’est pas question de porter atteinte à la présomption d’innocence. D’abord, ce serait inconstitutionnel. Ensuite, il ne suffit que la femme victime de violences dénonce celles-ci au JAF pour que cela emporte des conséquences. Il faut tout de même un début de constatation. Il sera très facile de se baser sur l’ordonnance de protection, puisqu’on se situe dans le droit fil de la loi de 2010 ; pour ce qui est de la main courante, ce sera plus difficile. Il faudra de toute façon veiller, dans tous les cas de figure, à ne pas multiplier les manœuvres conflictuelles et abusives.

Quant aux violences exercées à l’encontre des enfants, elles ne sont en effet pas mentionnées à l’article 4. Cela dit, les violences avérées à l’encontre des enfants modifient l’exercice commun de l’autorité parentale – ce qui nous fait sortir du champ d’application de cet article.

Mme Maud Oliver est intervenue à propos de l’article 5. Je lui répondrai, intuitivement, qu’il ne suffit pas de deux manquements pour que l’on puisse parler de non-représentation et pour mettre en mouvement une amende civile. Celle-ci ne sera prononcée que lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave et renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Il faut donc une intention durable du parent de priver l’autre du droit d’enfant. Nous sommes conscients que certaines vies sont « cabossées ». Des parents peuvent fléchir sans que cela doive entraîner de lourdes procédures. Mais nous réfléchissons à la question.

Mme Maud Olivier. L’adverbe « délibérément » prête à interprétation. On pourrait peut-être au moins constater que le manquement se renouvelle, sans considérer pour autant que le parent concerné a agi de manière délibérée.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et pour les magistrats, dans l’expression « de façon grave et renouvelée », l’adjectif « grave » pose problème. Selon eux, ce n’est pas clair.

Mme Claude Greff. Je trouve cette proposition de loi fort intéressante, et je me permets d’intervenir ici avant de le faire dans l’hémicycle. J’ai beaucoup aimé les deux parties du titre : « autorité parentale » et « intérêt de l’enfant ». J’ai entendu par ailleurs Mme la secrétaire d’État parler « d’équilibres subtils ». Il faut dire qu’aujourd’hui, majoritairement, les divorces se passent mal et qu’il est bien compliqué de demander à deux parents de bien s’entendre.

Il conviendrait d’améliorer la protection des victimes confrontées à certaines violences. Je considère d’ailleurs, pour ma part, que le fait de ne pas verser de pension alimentaire, même une fois, est une violence pour la femme qui ne sera plus en mesure d’assumer l’éducation de son enfant, voire lui assurer le strict minimum. N’oublions pas que, bien souvent, ce sont essentiellement les mères qui élèvent les enfants, et que celles-ci se trouvent souvent dans des situations très précaires.

J’observe que les femmes devront encore prouver les violences, physiques ou psychologiques, dont elles sont victimes. Et pour elles, ce sera encore le parcours du combattant. Il en sera de même pour prouver, devant le juge, les violences ou les attouchements subis par les enfants, et obtenir que l’autorité parentale soit retirée au parent maltraitant.

J’espère malgré tout que ce texte apportera satisfaction et protègera l’enfant, parce que c’est l’intérêt de l’enfant qui prime.

Je terminerai sur la résidence majoritaire dont a parlé Mme la secrétaire d’État, en corrélation avec le versement des prestations au parent auquel cette résidence majoritaire aura été attribuée. Que faire, en cas de conflit ? Qui décidera de la résidence majoritaire ? Est-ce que ce sera, une fois de plus, le juge ? Les situations familiales évoluent et obligent celui-ci à s’adapter. Cela m’inquiète. Sincèrement – et là je m’adresse à Mme la rapporteure – j’aurais aimé que cette proposition de loi soit plus précise pour soulager un peu les juges dont le travail devient d’autant plus compliqué que les séparations sont presque toujours très conflictuelles. Cela se passe rarement bien entre les parents et pour les enfants – c’est d’ailleurs pourquoi nous devons faire ce genre de proposition de loi. Et même si celle-ci permet déjà des avancées, j’aurais aimé que nous allions encore plus loin.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je voudrais vous donner les chiffres fournis par le ministère de la justice : dans 80 % des cas, les parents sont d’accord sur la résidence ; et dans 10 % des cas, ils sont en désaccord. On nous a dit ce matin que lorsqu’il y avait désaccord, c’est fréquemment parce qu’il y avait eu des violences. L’enfant devient alors l’enjeu des conflits, et il souffre doublement : on le met en position de choisir entre ses parents, ou de se rendre compte que les violences recommencent contre la mère à l’occasion des décisions qui le concernent. C’est un véritable souci. Comme on peut le constater, nous ne faisons pas la loi pour ce qui se passe bien.

Mme Claude Greff. On a le droit de croire à ces chiffres, mais on a aussi le droit, en tant que parlementaires, de constater que nous sommes souvent sollicités parce que cela se passe mal – y compris avec le juge, même si nous n’avons pas le droit d’intervenir….

Mme la rapporteure. Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas que le développement de la médiation familiale exacerbera les conflits, dans la mesure où les deux parents seront obligés de se rencontrer ? Je vise les situations de violence dans le couple.

Mme la présidente Catherine Coutelle. On peut lire, au deuxième paragraphe de la page 3 de l’exposé des motifs : « Avec la médiation notamment, la proposition offre des solutions pour permettre la résolution des conflits dans toutes les situations que les familles peuvent connaître : conflits parentaux, divorces, séparations, recompositions familiales… » J’aimerais que l’on ajoute : « sauf en cas de violences ». D’une part, la médiation n’a aucun effet en cas de violences. D’autre part, nous l’avons retirée de la loi de 2010, à l’issue d’un combat difficile, y compris avec les magistrats. Or, dans sa rédaction actuelle, cette proposition va dans le sens inverse. Cela me met en colère ! Je le dis et je le dirai aux auteurs du texte dans l’hémicycle : on ne peut pas envoyer des messages aussi contradictoires à quelques semaines d’intervalle.

Si l’on en croit l’exposé des motifs, la médiation permettrait de régler tous les conflits et différends familiaux. Mais les violences de l’un des parents contre l’autre parent ne rentrent pas dans cette catégorie. Je m’inquiète donc à l’idée que l’on puisse imposer une médiation en cas de violences. Va-t-on former les médiateurs aux violences ? Ceux-ci seront-ils capables de détecter que les conjoints qu’ils tentent de rapprocher sont concernés, à un titre ou à un autre, par ces violences ?

Mme la secrétaire d’État. S’agissant de la médiation, le texte précise que le juge « peut enjoindre » et non pas que le juge « enjoindra ». Ce dernier a donc toute latitude d’apprécier si la situation pourra être débloquée par une médiation. N’oubliez pas qu’un passage devant le JAF ne dure en moyenne que dix-huit minutes et que, dans ces conditions, la médiation peut avoir son utilité.

Des expérimentations en matière de médiation ont été menées à Arras et à Bordeaux. Elles permettent de juger de l’utilité de la procédure et des bénéfices que les parents peuvent en attendre. Sur la base de ces expériences, j’accueillerai volontiers deux amendements précisant que le juge ne peut pas enjoindre de médiation quand il y a eu violence, et quand la médiation ne peut pas avoir lieu dans des délais raisonnables. Il ne faudrait pas que la médiation retarde la procédure.

Madame Greff, je corrobore les chiffres donnés par Mme la présidente : dans 80 % des cas, les parents sont d’accord sur la résidence. Sauf que, dans 30 à 40 % de ces cas, les parents reviennent ensuite pour réformer la convention. Ce n’est pas forcément fait de manière violente, les parents pouvant mettre en place des arrangements différents, qu’ils souhaitent faire acter dans la convention.

Vous avez dit ensuite que la plupart des divorces se passaient mal et que cette proposition de loi était destinée à régler des situations de conflit. Non : cette proposition de loi crée également des droits nouveaux et des dispositions applicables à des situations hors de tout conflit.

Mme Claude Greff. Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit que pour les situations qui se passaient mal, je trouvais que nous n’allions pas suffisamment loin, qu’il s’agisse de l’intérêt de l’enfant ou de celui des conjoints.

Mme la secrétaire d’État. Je voulais mettre le projecteur sur ce qui, dans cette proposition de loi, n’est pas lié au conflit. Cette proposition de loi permet de moderniser le droit de la famille, s’agissant, en particulier, de l’exercice de l’autorité parentale, de la résidence, ou du mandat permettant aux deux parents, dans un acte commun, sous seing privé, de désigner un tiers pour effectuer un certain nombre d’actes de la vie courante. Nous sommes là dans des situations plutôt harmonieuses.

Vous trouvez, madame Greff, que le texte ne va pas assez loin. Mais en matière de lutte contre les violences, nous disposons déjà d’un socle juridique solide, avec la loi de 2010. Les problèmes que nous rencontrons ne résident pas tant dans la loi que dans sa mise en œuvre. Et comme les problèmes ne viennent pas de la loi, la solution n’est pas dans la loi. Nous n’avons d’ailleurs pas connaissance de propositions d’amendements visant à améliorer cette loi.

Sur la médiation, il est prévu à l’article 17 que le juge peut enjoindre aux parents de prendre part à des séances de médiation familiale.  Je pense que l’on pourrait se contenter d’une ou deux séances, et que si au bout de ces deux séances, on se rend compte que la médiation ne fonctionne pas, mieux vaut ne pas insister. La médiation ne peut pas être une alternative à la décision du juge, ni même une manœuvre dilatoire.

Mme Claude Greff. Vous ne m’avez pas apporté de précisions sur la résidence majoritaire ou principale.

Mme la secrétaire d’État. En fait, la proposition de loi ne change rien à l’état actuel du droit. Il pourra toujours y avoir une résidence principale, et un parent chez lequel l’enfant passe moins de temps. L’organisation de la répartition du temps de l’enfant entre ses deux parents sera toujours dans la convention organisant l’autorité parentale. Rien n’est changé, si ce n’est que l’enfant a les deux résidences. Nous entendons veiller à ce que cela n’ait pas de conséquences, à la fois dans le domaine fiscal et dans celui des prestations sociales.

Mme Barbara Romagnan. Je voudrais revenir sur la question de la médiation, sur laquelle je suis moi aussi très réservée. Pour ma part, je pense qu’il vaut toujours mieux discuter. Mais il y a des situations où l’un des parents – le plus généralement la mère – est dans la peur et sous l’emprise de l’autre parent. Maintenant, est-il indispensable de parler de la médiation ? Ce n’est pas parce qu’on n’en parlerait pas que ce serait interdit. Rien n’empêcherait le juge de la proposer. Pourquoi faudrait-il absolument la mentionner ?

Mme Claude Greff. J’aurais aimé que cette proposition loi prenne en compte ce que j’appellerais « le temps d’attente » d’un couple qui se sépare. Je m’explique : le mari reçoit les prestations familiales, mais la femme est obligée de quitter le domicile conjugal avec les enfants, et le divorce n’est pas prononcé. La mère vit seule avec les enfants mais les prestations familiales continuent d’être versées au père, jusqu’à la décision du juge du divorce. Mais cette femme va devoir assumer la charge de ses enfants. Comment faire en sorte que la CAF puisse verser, avant même le prononcé du divorce, les prestations familiales au parent qui assume la charge des enfants ?

Mme la rapporteure. Madame la secrétaire d’État, notre intention n’est pas d’améliorer le texte sur les violences, qui était très bien fait, mais simplement de le rappeler chaque fois que c’est nécessaire.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et c’est absolument nécessaire. Madame Chapdelaine, au cours des auditions de ce matin, nous avons été alertés sur le fait que cette proposition donnait des signaux qui vont à l’encontre de la loi sur les violences faites aux femmes. C’est ainsi que son exposé des motifs précise que la médiation familiale offre des solutions pour permettre la résolution des conflits dans toutes les situations que les familles peuvent connaître. Or c’est faux : la médiation familiale n’a pas à être mise en place en cas de violences.

L’exposé des motifs envoie un signal qui va à l’encontre de notre loi relative aux violences. Voilà pourquoi, nous souhaitons, qu’à chaque fois que la situation l’exige, on précise : « sauf en cas de violences ». Voilà pourquoi nous soutiendrons des amendements en ce sens. Je précise que nous avons été alertés sur ce point par la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF).

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Si nous ne l’avons pas rappelé, c’est parce que cela figure déjà dans la loi. Ce sont des dispositions générales, que le juge est tenu d’appliquer.

J’entends bien que la Délégation aux droits des femmes insistera sur ce point. J’imagine que la Chancellerie manifestera sa désapprobation. Mais cela ne me dérange pas que l’on rappelle la loi. Nous avons d’ailleurs proposé de le faire ce matin, s’agissant de deux amendements en discussion.

Mme la secrétaire d’État. Je répondrai à Mme Barbara Romagnan que pour que le juge puisse enjoindre une médiation, il faut que le code le prévoie. Cela signifie qu’on lui fait confiance pour évaluer l’intérêt de la médiation et le nombre de séances nécessaires.

Sur les violences, j’ai fait le même travail que celui que vous avez fait à la Délégation. Nous insisterons, à l’article 4, sur l’ordonnance de protection.

Ensuite, j’ai dit que j’étais très favorable à ce que l’on rappelle – aux articles 16 et 17 – que la médiation ne peut être enjointe en cas de violences à l’égard d’un des deux parents. Peut-être faudra-t-il le rappeler à d’autres endroits du texte.

Enfin, je comprends Mme la rapporteure Chapdelaine, qui a fait remarquer que les dispositions générales relatives à la lutte contre les violences s’appliquaient en tout état de cause. En même temps, je suis consciente de l’importance de l’enjeu de la lutte contre les violences, de la difficulté que nos sociétés ont à les éradiquer, et donc du fait qu’il ne faut jamais laisser passer une occasion de rappeler ces dispositions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci, madame la secrétaire d’État. Nous comptons sur votre détermination.

Audition, sous forme de table ronde, de M. Édouard Durand, magistrat formateur à l’École nationale de la magistrature, de Mme Nadège Bossard, juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance du Mans, de Mme Nathalie Tomasini et de Mme Janine Bonaggiunta, avocates.

Compte rendu de l’audition du mercredi 30 avril 2014

Mme la présidente Catherine Coutelle. Suite au report du projet de loi sur la famille, M. Erwann Binet et Mme Marie-Anne Chapdelaine ont rédigé cette proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant qui, malheureusement, ne dit rien sur les violences dans le couple. Au surplus, l’exposé des motifs – que nous ne pouvons pas modifier – comporte des phrases qui me désolent.

Mme Ernestine Ronai, coordinatrice nationale « violences faites aux femmes » de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) nous a fait part de son inquiétude sur cette proposition de loi et son exposé des motifs qui, comme elle nous l’a expliqué, risquent de donner un coup de frein à la loi relative aux violences dont l’application par les magistrats commence à donner de bons résultats.

Aussi la Délégation souhaite-t-elle amender cette proposition de loi pour qu’il soit tenu compte des violences dans le couple, s’agissant notamment de la médiation familiale. Je vous propose donc, mesdames, monsieur, de nous faire part de vos observations sur l’économie générale de ce texte, puis de nous proposer éventuellement des améliorations.

Mme Nadège Bossard, juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance du Mans. Aux termes de la proposition de loi, le juge peut enjoindre les parents de prendre part à des séances de médiation familiale. Il faut faire confiance au juge qui, d’ores et déjà, en tenant compte des cas de violences ou d’emprise d’un des parents sur l’autre, ne propose pas toujours la médiation. Ce texte développe la médiation, et j’y suis favorable, mais sans abroger les dispositions actuelles, notamment sur l’ordonnance de protection. Il est donc possible de conjuguer l’ensemble de ces dispositifs.

D’ores et déjà, le juge a la possibilité d’enjoindre aux personnes de suivre une séance d’information sur la médiation, entretien au cours duquel la médiation peut commencer. Les nouvelles dispositions prévoyant que le juge peut imposer des séances permettront le développement de la médiation familiale, alors que les résultats sont actuellement limités sur l’injonction et la médiation familiale que le juge peut ordonner après les débats. En effet, la difficulté est que le délai de convocation étant de deux à six mois selon les juridictions, le conflit peut s’envenimer entre-temps, d’où l’intérêt de faire commencer la médiation le plus tôt possible dans le processus judiciaire, c’est-à-dire dès notre saisine.

C’est ainsi que nous développons au Mans la pratique d’une médiation entre la saisine et la date d’audience, c’est-à-dire pendant le délai de convocation – ce qui a déjà été initié avec le principe de la double convocation. Pour notre part, nous ne convoquons pas systématiquement les personnes : le juge analyse d’abord la requête, puis sélectionne les dossiers qu’il envoie en médiation en fonction de la nature du litige. Par conséquent, si des éléments de violences apparaissent dans la requête, nous n’envoyons pas les personnes en médiation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. À ce stade – entre la saisine et la convocation –, êtes-vous saisis d’une demande de divorce ?

Mme Nadège Bossard. La médiation que nous développons concerne les procédures hors et après divorce, c’est-à-dire les requêtes modificatives après un jugement de divorce, et les requêtes déposées par des parents non mariés qui nous saisissent très rapidement après leur séparation, lesquelles concernent souvent de très jeunes enfants.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pour une procédure de divorce, à quel moment la médiation a-t-elle lieu ? Est-il vrai que des juges aux affaires familiales peuvent instruire un divorce en ignorant l’existence de violences ?

Mme Nadège Bossard. Oui, mais dans la mesure où il y a une ordonnance de protection…

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le savez-vous si une ordonnance de protection a été prise ?

Mme Nadège Bossard. On le saura, car les mesures mentionnées sur l’ordonnance de protection sont prises pour une durée de quatre mois, et la femme doit déposer une requête en divorce. En fait, tout dépend des juridictions et de leur organisation ; je suis dans une juridiction de taille moyenne, donc nous le savons.

Lors de l’audience de tentative de conciliation, l’intérêt de l’enfant est pris en compte : les mesures relatives à l’enfant sont débattues, et l’avocat de la victime de violences conjugales indique l’impact de celles-ci au regard de la situation de l’enfant. Nous traitons donc ces violences sur le plan des mesures relatives à l’enfant.

Mme Maud Olivier. On parle de faits avérés, pour lesquels une ordonnance de protection est prise. Or dans la plupart des cas, une simple main courante a été déposée. Comment savoir au moment de la médiation si une main courante a été déposée et, ainsi, éviter la médiation ?

Mme Nathalie Tomasini, avocate. Au stade de la requête en divorce, le magistrat n’a pas connaissance de l’existence des violences. C’est au moment des débats que l’avocat de la femme violentée met en exergue l’existence de violences pour protéger les enfants. En effet, on ne peut pas évoquer les griefs entre les époux au premier stade du divorce.

Au moment de l’audience de non-conciliation, l’avocat prend donc la décision de porter à la connaissance du magistrat l’existence de violences pour lui permettre de statuer au mieux sur la résidence et le droit de visite et d’hébergement des enfants (DVH). C’est uniquement dans ce cas de figure que le magistrat est alerté par les avocats de l’existence des violences. Ceux-ci se fondent sur l’article 373-2-11 du code civil qui précise les critères sur lesquels s’appuie le magistrat pour fixer la résidence et le droit de visite et d’hébergement, à savoir l’âge de l’enfant, la pratique antérieure des parents, l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs, ainsi que les pressions ou violences exercées par l’un des parents sur l’autre. Or cette proposition de loi évacue totalement l’existence de ces critères, si bien que la règle sera la garde alternée, quel que soit le problème !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Non. Il y a une différence entre l’exposé des motifs, qui prévoit la garde alternée, et la rédaction du code civil telle que proposée par l’article 7 de la proposition de loi qui ne prévoit pas la garde alternée obligatoire. C’est toute la difficulté : nous aimerions amender l’exposé des motifs, mais nous ne le pouvons pas.

M. Édouard Durand, magistrat formateur à l’École nationale de la magistrature. Madame la présidente, vous me permettrez de ne pas partager votre satisfaction toute relative sur la question de la résidence alternée. De façon plus générale, je serai sans doute dans un positionnement assez différent de celui de ma collègue. Je suis en effet extrêmement inquiet de cette proposition de loi.

Il faut avoir conscience que cette proposition de loi remet en cause toute la cohérence du dispositif que vous avez vous-mêmes créé depuis la loi du 9 juillet 2010  relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, votée après les travaux menés au sein de l’Assemblée nationale dans le cadre de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes .

Quant à l’exposé des motifs, il est un instrument juridique, et pas seulement le développement d’un point de vue de personnalités. Pour prendre un exemple très emblématique, en tout cas très cher à mon cœur, je fais étudier aux auditeurs de justice à l’École nationale de la magistrature l’exposé des motifs de l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante comme fondant la doctrine française sur la justice pénale des enfants. C’est un texte qui fonde une doctrine, et il en sera de même de cette proposition de loi dont l’exposé des motifs, dans ses ambiguïtés et dans ses affirmations, est extrêmement net sur la volonté de saper la cohérence du dispositif que vous avez porté au sein de cette Délégation.

Je ferai quelques développements généraux, avant d’aborder les articles.

Dans l’ensemble et dans le détail, ce texte est extrêmement dangereux. En tant que juge des enfants, j’affirme qu’il est dangereux pour les enfants et qu’il sera extrêmement compliqué pour les praticiens et pour vous-mêmes comme représentants de la société de promouvoir une lutte cohérente contre les violences conjugales. En effet, on ne peut pas dire tout et son contraire en même temps ! On ne peut pas dans une session de formation sur les affaires familiales, par exemple, défendre en même temps une chose et son contraire ! Sinon, on rend les acteurs fous, on ne permet plus de penser.

À mon sens, ce texte manie très bien les ambiguïtés, et d’abord sur la résidence, que vous venez d’évoquer. Dire expressément dans l’exposé des motifs que la résidence alternée doit être prioritaire, comme l’ont fait de façon récurrente des propositions de loi depuis plusieurs années, puis dans le texte de loi que la notion de résidence habituelle n’existe même plus, c’est entretenir une confusion très volontaire ! Je suis très fier de la fonction que j’exerce, je fais une immense confiance aux magistrats, mais ils se retrouveront en grande difficulté s’ils doivent appliquer une loi incohérente. Ensuite, les dispositions sur la médiation et sur l’autorité parentale et l’exercice de l’autorité parentale sont, s’agissant des violences conjugales, extrêmement dangereuses. En outre, les dispositions sur les actes usuels et non usuels vont mettre les familles en grande difficulté.

Ce texte est conçu sur un modèle unique : le modèle des couples qui s’entendent. J’ignore si c’est volontaire ou involontaire, mais il prend comme modèle de situation familiale les familles qui n’ont pas besoin d’une norme puisqu’il y a du respect. Comme juge des enfants, je suis un ardent militant de la coparentalité, je sais combien il est essentiel pour un enfant que ses deux parents s’entendent et qu’ils puissent pour lui prendre ensemble des décisions. Cependant, il y a des situations dans lesquelles la coparentalité n’est pas possible.

Si la coparentalité est un principe, ce principe n’a de sens que si nous lui réservons des exceptions. Or ce texte balaie cela d’un revers de main. Une tendance assez récente guide toute la pensée sur le droit de la famille, avec l’idée d’une coparentalité paradoxalement entendue depuis la loi de 2002 comme la restauration du droit du père suite à la loi du 4 juin 1970. Or ce qui est fragile dans le droit de la famille, ce sont la place de l’enfant et la place de la mère.

Comme le disait le doyen Jean Carbonnier, la coparentalité est la nostalgie de l’indissolubilité du mariage. Mme Ernestine Ronai vous a sans doute parlé de la notion de « parentalité parallèle » et du risque lié à la séparation prématurée du conjugal et du parental. L’idéologie qui gouverne le droit de la famille est celle-ci : votre vie de couple s’est mal passée, mais vous devez rester parent ensemble. Cela n’est vrai que dans un certain nombre de situations, et tout n’est pas conflit dans la famille. Un conflit met en présence deux personnes qui sont à égalité et capables de faire valoir leur point de vue par le langage et, éventuellement, par la médiation. Les deux situations qui ne sont pas de l’ordre du conflit sont l’absence et les violences conjugales.

Ce texte, dans son exposé des motifs, se fonde sur le constat de l’absence des pères auprès des enfants entendus comme victimes de la séparation. Cela me paraît paradoxal et déresponsabilisant. En effet, comme juge des enfants, je sais que les pères sont très peu présents dans la vie des familles et que cela est une décision de leur part. Comme le montre d’ailleurs l’étude réalisée récemment par la chancellerie sur les décisions des juges aux affaires familiales, la quasi-totalité des décisions rendues par les juges aux affaires familiales (JAF) le sont avec l’accord des pères, c’est-à-dire qu’elles correspondent à leur demande. Je le dis clairement : des lobbies minoritaires sont en train de créer pour les pères eux-mêmes une injonction paradoxale, un modèle du bon père qui demande la résidence alternée, alors qu’elle ne correspond pas à la demande des familles. Cela va produire, à mon sens, une situation très dangereuse en conduisant les familles dans un infra droit, un droit en deçà de la décision du juge aux affaires familiales.

Cette question est liée au statut des beaux-parents, qui est nécessaire, point de vue que je soutiens depuis plusieurs années. L’exposé des motifs de la proposition de loi cite l’étude de l’INED ; certes, la relation père-enfant se dégrade en cas de séparation, mais l’étude « Désunion et paternité » d’octobre 2012 du Centre d’analyse stratégique montre que, y compris pendant la vie commune, l’investissement des pères à l’égard des enfants reste en retrait dans la sphère familiale ! D’où le besoin de recourir aux belles-mères et aux grands-mères.

Par ailleurs, il me semble assez problématique que cette proposition de loi traduise ce que j’appelle une conception procédurale des relations familiales.

En premier lieu, nous sommes en présence d’une double injonction paradoxale : l’injonction de s’entendre et l’injonction de recourir à un moyen pour s’entendre qui est la médiation familiale. Je trouve paradoxal que la loi se donne les moyens de prohiber la médiation pénale dans les situations de violences conjugales, tout en encourageant la médiation familiale, laquelle me paraît plus inappropriée encore que la médiation pénale aux violences conjugales. En effet, si la médiation pénale est une violence institutionnelle à l’égard de victimes, elle a le mérite de se centrer sur l’infraction de violences conjugales. La médiation familiale, elle, a pour objet la parentalité. Elle évacue de ce fait la question des violences comme fait significatif et central. En ce sens, elle est plus inadaptée.

En second lieu, et c’est une conviction profonde que j’exprime, la référence à l’intérêt de l’enfant est entendue dans une appréciation exclusivement subjective, c’est-à-dire que l’intérêt de l’enfant est un outil procédural pour justifier la décision que le juge estime la meilleure. En l’état du droit, c’est ainsi que l’on conçoit l’intérêt de l’enfant : un juge estimera que l’intérêt de l’enfant est de résider chez son père et d’aller chez sa mère un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires ; et un autre estimera que l’intérêt de ce même enfant est la résidence alternée.

Comme juge des enfants, je pense que l’intérêt de l’enfant est autre chose, qu’il doit être objectivé. L’intérêt de l’enfant est la prise en compte de ses besoins fondamentaux, identiques pour tous les enfants selon le développement de leur personnalité et leur âge : le besoin de sécurité, le besoin de stabilité. On ne peut pas fonder un droit sur une conception subjective de l’intérêt de l’enfant. Cette ambiguïté figure dès le deuxième paragraphe de l’exposé des motifs : « Le droit de la famille doit s’adapter à ces nouvelles configurations familiales, dans l’intérêt de l’enfant qui est la pierre angulaire de la présente proposition de loi ». Je vous dis le fond de ma pensée : ce texte signifie que l’intérêt de l’enfant doit s’adapter à ces nouvelles configurations familiales. Il eût fallu écrire : « Le droit de la famille doit s’adapter à l’intérêt de l’enfant entendu comme la prise en compte de ses besoins fondamentaux ». Vous avez compris toute la dangerosité de ce texte de loi.

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’exposé des motifs contient cette autre phrase très dangereuse : « Avec la médiation notamment, la proposition de loi offre des solutions pour permettre la résolution des conflits dans toutes les situations que les familles peuvent connaître : conflits parentaux, divorces, séparations, recompositions familiales... » Nous pensons, nous, que les violences ne sont pas des conflits.

Mme Janine Bonagguinta, avocate. Dans les violences conjugales, la situation est extrêmement déséquilibrée, avec une femme faible victime et un homme qui est souvent un bourreau, pour ne pas dire un monstre. Par conséquent, la médiation est impossible dans ces cas-là. Elle est souvent proposée et acceptée par nos clientes, mais elle se solde par un échec, si bien que les femmes se sentent encore plus victimes, n’étant pas reconnues dans leurs souffrances devant le médiateur qui a tendance à estimer qu’elles en font trop…

Mme Nadège Bossard. À mon sens, la loi doit être rédigée dans l’intérêt général, et non uniquement sous le prisme des violences. Elles existent, nous en tenons compte, mais elles ne sont pas la norme.

La norme, c’est la femme émancipée ou la femme qui veut s’émanciper des contraintes familiales en demandant que le père de ses enfants se rende disponible pour eux comme elle le fait elle-même. La tendance actuelle est la coparentalité, qui permet l’équilibre entre l’homme et la femme dans la vie familiale et dans la société dans l’intérêt l’enfant.

M. Édouard Durand. Ma collègue a raison de faire cette précision, mais les violences conjugales étaient au cœur de la mission parlementaire sur les violences faites aux femmes et de la loi du 9 juillet 2010 ; elles le sont également dans le projet de loi sur l’égalité femmes-hommes, en cours d’examen par le Parlement. Les violences conjugales représentent au moins 30 % de l’activité d’un juge des enfants : 30 % des enfants délinquants sont des enfants victimes de violences conjugales ; 30 % des dossiers d’assistance éducative d’un juge des enfants sont des dossiers de violences conjugales. Il faut pouvoir, dans l’intérêt général, prendre en compte ce fait – ce que vous avez parfaitement réussi à faire jusqu’à aujourd’hui en traitant les violences conjugales dans l’ensemble du droit de la famille.

La tendance actuelle est de ramener les violences conjugales à une forme de conflit. Intellectuellement, tout le monde est d’accord pour dire que les violences conjugales sont différentes d’un conflit, mais dans la pratique, on a tendance à faire de la médiation, à demander aux parents de s’entendre. C’est le problème de cette proposition de loi.

S’agissant de l’autorité parentale et de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, les auteurs de ce texte ont estimé devoir préciser la distinction entre les actes usuels et les actes non usuels. Jusqu’à aujourd’hui, le droit civil ayant entretenu sur l’exercice conjoint de l’autorité parentale une certaine forme d’ambiguïté, avec la présomption d’accord à l’égard des tiers de bonne foi, la société s’est accommodée du fait qu’un parent peut faire seul les actes usuels. Ce n’est pas exactement ce que dit l’exercice conjoint de l’autorité parentale.

Les articles 3 et 4 de cette proposition de loi précisent que tout acte de l’autorité parentale, quel qu’il soit, doit être pris par les deux parents ensemble. Cela était vrai avant, mais cette précision est dangereuse. En effet, elle dit expressément que le parent avec lequel vit l’enfant doit prendre son téléphone et demander l’accord, l’autorisation de l’autre parent pour tout : un goûter d’anniversaire, un rendez-vous chez le dentiste, un changement d’horaire… Pour un auteur de violences conjugales, pour un parent qui veut perpétuer l’emprise sur l’autre parent et sur l’enfant, cette disposition est un trésor, elle est un argument juridique pour maintenir son emprise sur la famille.

Historiquement, nous nous sommes mis dans une situation difficile. La loi du 22 juillet 1987, dite « Malhuret », a aboli la conjonction entre la garde de l’enfant et l’exercice de l’autorité parentale. À juste titre, et je le comprends. Mais depuis cette date nous estimons que la séparation des parents – le code civil le dit expressément – est sans incidence sur l’exercice de l’autorité parentale. Cela est très bien, mais n’est possible que si l’on s’entend sur une sorte de malentendu selon lequel certains actes peuvent être accomplis par un seul parent. Ou alors il faut que la loi soit extrêmement volontariste, claire, sur un pendant de cet exercice conjoint de l’autorité parentale absolutiste qui est le développement de l’exercice exclusif de l’autorité parentale, c’est-à-dire qu’un seul des deux parents exerce l’autorité parentale. Cela est extrêmement résiduel dans nos décisions.

L’exercice de l’autorité parentale est une arme pour un parent qui veut nuire à l’autre, spécialement dans les situations de violences conjugales : c’est un droit de veto. Sur les violences conjugales, vous avez auditionné un très grand nombre de psychologues et de pédopsychiatres. Comme ils vous l’ont certainement expliqué, il suffit que l’un des parents refuse que son enfant aille voir un pédopsychiatre pour que le praticien engage sa responsabilité professionnelle s’il maintient les soins. Cette proposition de loi va encore plus loin en ce sens.

La loi actuelle dit que si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge aux affaires familiales peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents. Il faudrait, au minimum, accentuer ce mouvement.

Mme Nadège Bossard. La loi permet au juge de prononcer l’exercice exclusif de l’autorité parentale lorsque l’intérêt de l’enfant le commande. Nous sommes amenés à le faire dans des situations de violences conjugales.

Mme Janine Bonaggiunta. Madame le juge, nous n’obtenons jamais l’autorité parentale exclusive, sauf dans un cas exceptionnel qui est l’incarcération du père pour violences ! Dans les autres cas, quand nous osons demander l’autorité parentale exclusive, le juge nous rétorque : « Maître, c’est un problème de couple, n’en rajoutez pas ».

Dans cette proposition de loi, « l’accord exprès » nous pose problème : nous ne comprenons pas ce que cela signifie – doit-il être écrit, faut-il passer devant un juge ?... Sans compter que cette disposition conduira à d’énormes blocages. Il faudra l’accord exprès de l’autre conjoint pour déménager, après un mariage ou en cas de changement professionnel, par exemple ! En ce sens, cette proposition de loi traduit une limitation de la liberté d’aller et venir.

Je rejoins totalement M. le juge des enfants : l’intérêt de l’enfant est totalement oublié. Selon moi, seuls les spécialistes qui examinent l’enfant peuvent déterminer l’intérêt de ce dernier. Au demeurant, il s’agit d’un contentieux extrêmement compliqué, qui nécessiterait à mon sens la présence de magistrats spécialisés.

Mme Nathalie Tomasini. Je suis également d’accord avec M. le juge des enfants : l’accent est mis sur le principe de l’égalité des droits entre les parents, au détriment de l’intérêt de l’enfant. Après l’introduction de l’autorité parentale conjointe et du sacro-saint principe de coparentalité, cette proposition de loi va plus loin, en faisant de l’exceptionnel la norme, et en oubliant l’intérêt de l’enfant. L’exceptionnel, c’est une séparation où les conjoints sont matures et respectueux. Cela peut être aussi un couple où la fonction purement maternelle n’existe pas car il y a deux pères. Le mariage pour tous a été voté et, en lisant entre les lignes, on ne trouve nulle part ni la notion de père, ni la notion de mère.

Comment feront les femmes qui souhaitent allaiter leur enfant jusqu’à dix-huit mois si la résidence alternée devient la norme ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. La résidence alternée ne sera pas la norme.

Mme Nathalie Tomasini. Tel est pourtant l’esprit de cette proposition de loi, comme l’a souligné M. le juge des enfants.

Certes, il existe un lobby des pères, mais il y a aussi une spécificité maternelle, une fonction maternelle. Comme l’a indiqué le garde des sceaux en 2007, l’intérêt du très jeune enfant doit être pris en compte également. Ce n’est pas ce que fait ce texte.

Ensuite, je voudrais revenir sur l’adjectif « usuel », en mettant de côté les violences conjugales. En effet, même en cas de conflit, très peu de couples se séparent en bonne intelligence. En exigeant l’accord de chacun des protagonistes pour tous les actes de la vie courante, usuels ou importants, cette proposition de loi entraînera des blocages épouvantables.

Au surplus, et ma consœur a raison, on ne sait pas ce que signifie « exprès ». Aura-t-on besoin d’un écrit ou pas ? Et dans l’hypothèse où il n’y aura pas d’accord, quelles seront les sanctions ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Avec une telle disposition, une femme qui souhaite déménager ne pourra pas le faire si le père n’est pas d’accord.

M. Édouard Durand. Cela s’appelle l’emprise.

Mme Nathalie Tomasini. Effectivement, si le conjoint est dans le conflit, et a fortiori violent et manipulateur, la femme ne pourra pas déménager à la suite d’une promotion professionnelle, par exemple.

Enfin, aux termes de cette proposition de loi, le juge pourra enjoindre les époux à suivre une médiation familiale. Actuellement, certaines de nos clientes, auxquelles le magistrat a enjoint de suivre une médiation familiale, se sont rendues au premier rendez-vous pour dire que cela n’était pas possible en raison des violences qu’elles subissent, et lorsque nous sommes revenues devant le magistrat, celui-ci les a critiquées au motif qu’elles n’avaient pas joué le jeu ! Cette disposition traduit une vraie volonté, elle affirme que la médiation familiale est la bonne solution. Mais c’est faux ! Ce n’est pas comme cela qu’il faut procéder, d’autant plus que la politique pénale en matière de violences conjugales proscrit la médiation pénale ! Il serait donc totalement incohérent d’enjoindre la médiation familiale au niveau civil !

Mme la présidente Catherine Coutelle. S’agissant de l’article 4, nous envisageons de l’amender en ajoutant que l’accord de l’autre parent n’est pas requis lorsqu’il a été condamné, ou dès l’ordonnance de protection ou son dépôt, ou dès la plainte.

M. Édouard Durand. Madame la présidente, je salue votre détermination, mais c’est l’économie du texte qui pose problème, c’est la succession des alinéas à laquelle il est procédé de façon extrêmement cohérente !

La rédaction de l’article 4 est extrêmement cohérente dans le souci de gommer les problèmes. La manière d’évoquer les violences conjugales dans ce texte est dangereuse à plusieurs titres. En effet, on ne réserve les violences conjugales comme exception que dans deux cas particuliers : le changement de résidence et le changement d’établissement scolaire.

Or si le législateur estime que, en cas de violences conjugales, il n’est pas possible de recueillir l’accord des deux parents pour le changement de résidence et le changement d’établissement scolaire, il n’est pas possible non plus de l’imposer pour le judo ou la clarinette. C’est la question de l’exercice exclusif de l’autorité parentale ou de l’autorisation de faire seul les actes usuels accordée au parent chez qui l’enfant réside.

C’est pourquoi la partie sur la résidence – qu’on ne sait plus comment appeler – est cohérente avec le reste.

L’autre point que je voudrais souligner de façon très nette est que la référence à la condamnation est un piège. Je salue votre volonté d’essayer de dépasser ce piège, mais cela n’est pas possible en laissant les choses en l’état. Certes, amender l’article en ajoutant l’ordonnance de protection est une idée intéressante, mais, et vous l’avez rappelé tout à l’heure, les violences conjugales sont des problèmes très fréquents et très graves, or les statistiques officielles du ministère sont, je crois, d’une plainte pour dix faits !

Mme Nathalie Tomasini. Et il est très difficile d’obtenir l’ordonnance de protection.

M. Édouard Durand. Par conséquent, il ne faut pas lier la qualification des violences conjugales à une décision pénale, cela est extrêmement dangereux. Tout magistrat a reçu pour mandat de qualifier juridiquement les faits dont il est saisi, et il n’est pas possible de réserver à un autre cette fonction. Je m’explique.

Comme juge des enfants en assistance éducative, je suis chargé de qualifier le danger au sens de l’article 375 du code civil. Dans le cadre d’une audience, je reçois le père et la mère, assistés de leur avocat respectif, et l’enfant. Après avoir laissé parler les parties, je constate qu’il s’agit d’un dossier de violences conjugales. J’évoque les violences conjugales, mais l’avocate du père m’interrompt pour dire : « Monsieur le juge, nous sortons de chez le juge aux affaires familiales, qui a rejeté la demande de la mère du référé expulsion du conjoint violent » (dispositif existant avant l’ordonnance de protection aux termes de l’ancien article 220-1 du code civil). Je lui réponds alors : « Pardon, moi aussi, je suis juge, et chargé de qualifier le danger, or les violences conjugales sont une cause du danger et je les prends en compte ».

Deuxième exemple, et je pense que je ne serai pas contredit par les autres juges des enfants de France : il nous arrive de maintenir une mesure de placement d’un enfant pour le protéger, alors que l’un ou les deux parents ont obtenu au pénal une relaxe, un non-lieu ou un acquittement pour des faits de maltraitance sur l’enfant. En clair, le dossier pénal n’a pas permis d’aboutir à la condamnation de l’auteur de l’agression sur l’enfant, mais le juge des enfants et les services de protection excluent que l’enfant soit remis à ses parents. Vous connaissez le genre de dossier dont je parle. Les violences conjugales sont des problèmes de même nature !

Mme Janine Bonaggiunta. Vous avez parfaitement raison, monsieur le juge : ce n’est pas parce qu’une ordonnance de protection est refusée qu’il n’y a pas de violences conjugales. Une ordonnance de protection n’est pas accordée facilement : il faut une plainte et un certificat médical récents. Or, une femme victime ne va pas systématiquement déposer plainte dans les 48 heures ni voir son médecin au plus vite. Et bien souvent, sans cette ordonnance de protection, nous n’obtenons pas les mesures visant à protéger les femmes et les enfants.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la juge, la fin du dernier alinéa de l’article 4 est ainsi rédigée : « Toutefois, l’accord de l’autre parent n’est pas requis lorsque celui-ci a été condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit sur la personne du parent qui souhaite changer la résidence ou l’établissement scolaire de l’enfant ». Nous souhaiterions que ne soit pas non plus requis l’accord de l’autre parent qui a été condamné comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou d’un délit sur la personne de l’enfant.

Cela m’amène à cette question : d’ores et déjà, retirez-vous ou suspendez-vous l’autorité parentale  de celui qui a été condamné pour actes criminels ou délictueux sur la personne de son conjoint ?

Mme Nadège Bossard. Pas systématiquement. Le juge ne se saisit pas lui-même, il est saisi par la victime.

Mme Nathalie Tomasini. L’autorité parentale exclusive n’est pas automatiquement accordée.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mais en tant que juge aux affaires familiales, avez-vous le droit de suspendre l’autorité parentale ?

Mme Nadège Bossard. Si la filiation de l’enfant est établie dans l’année de sa naissance, ou pour un enfant né dans le cadre du mariage, le principe est l’exercice conjoint de l’autorité parentale. A contrario, si le père reconnaît son enfant plus d’un an après sa naissance, le principe est l’exercice exclusif. Mais le juge peut attribuer l’exercice exclusif de l’autorité parentale quand l’intérêt de l’enfant le justifie.

Mme la présidente Catherine Coutelle. De sa propre initiative ?

Mme Nadège Bossard. Non, il faut que l’un des parents le demande, au cours d’une audience.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je pensais qu’il était possible de suspendre l’autorité parentale lorsque l’on constatait qu’un enfant était en danger, sans qu’il soit nécessaire que l’un des parents le demande.

Mme Nadège Bossard. Non.

Mme Nathalie Tomasini. Il y a souvent des navettes entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales. Si le juge des enfants est saisi, que l’enfant est en danger et qu’une décision est rendue dans ce sens, la mère ou le père qui veut protéger l’enfant reviendra devant le juge aux affaires familiales pour demander l’autorité parentale exclusive.

Mme Janine Bonaggiunta. Le juge des enfants n’est pas compétent pour statuer sur l’autorité parentale exclusive.

M. Édouard Durand. Comme ma collègue l’a dit très justement, le débat judiciaire devant le juge aux affaires familiales est un procès civil. Le procès civil étant l’affaire des parties, le juge ne doit traiter que de ce qui lui est demandé. Reste que l’article 373-2-8 du code civil prévoit que le juge aux affaires familiales peut être saisi par le procureur de la République. C’est le cas pour l’ordonnance de protection.

Mme la présidente Catherine Coutelle On nous l’a d’ailleurs reproché.

M. Édouard Durand. Mais c’est une grande avancée, de nature à modifier les pratiques.

Habituellement, si le juge aux affaires familiales perçoit une situation dangereuse pour l’enfant, il transmet au procureur de la République, qui saisira le juge des enfants et de l’assistance éducative. Il me semblerait indispensable, dans le cas qui nous intéresse ici, de permettre au procureur de la République d’intervenir dans la procédure devant le juge aux affaires familiales.

Je peux tout à fait admettre qu’une mère victime de violences conjugales se dise que, pour pouvoir partir, elle devra accepter la résidence alternée et l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Or il me paraît légitime que le procureur de la République puisse, au nom de la société, demander qu’il n’y ait ni résidence alternée, ni exercice conjoint de l’autorité parentale.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il faut que le procureur soit saisi …

M. Édouard Durand. Il peut être informé par le juge aux affaires familiales ou parce qu’il y a une affaire pénale en cours.

Mme la présidente Catherine Coutelle. On a l’impression qu’il ne l’est pas.

M. Édouard Durand. Sur le plan pénal, c’est une question de délais.

Je tiens toutefois à attirer votre attention sur le dernier alinéa de l’article 4, qui envisage la condamnation de l’autre parent pour violences conjugales. Mais que se passera-t-il en cas de mesures alternatives aux poursuites pénales, par exemple si le procureur de la République s’est contenté de faire un rappel à la loi en raison de violences conjugales ? Le rappel à la loi n’étant pas une condamnation, le dernier alinéa ne s’appliquera pas. C’est très pensé ….

Mme Nadège Bossard. Dans les faits, les femmes victimes de violences sont contraintes de quitter le domicile et, parfois, de laisser leurs enfants. Mais par la suite, au cours de l’audience de l’ordonnance de protection, elles peuvent se battre et demander que les enfants reviennent avec elles. Certes, je suis consciente que le phénomène d’emprise peut jouer, mais cette audience n’en reste pas moins un moment assez fort, où elles peuvent s’exprimer.

Mme Janine Bonaggiunta. Madame la juge, on répond fréquemment à la mère que si son conjoint était aussi dangereux qu’elle le dit, elle ne lui aurait jamais laissé ses enfants. Dans la pratique, nous nous heurtons à des difficultés. Il faudrait que les choses soient bien structurées au niveau des dispositions de la proposition de loi. Sinon, ce sera le flou le plus total.

Mme Nathalie Tomasini. L’alinéa 2 de l’article 4 parle de « tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère usuel ou important». Ne pourrait-on pas supprimer les actes de caractère « usuel » ?

Mme Janine Bonaggiunta. On pourrait s’en tenir aux actes importants.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le changement de résidence et d’établissement scolaire sont considérés comme importants.

Mme Janine Bonaggiunta. Jusqu’à présent, le changement de résidence donnait lieu à une information. Ensuite, nous étions saisis des conséquences que cela pouvait avoir sur l’enfant, au regard de son intérêt …

Mme Nadège Bossard. Cela reviendra devant nous, de toute façon.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il faut reconnaître que parfois, le père ou la mère déménage loin pour embêter l’autre parent. Cela complique bien évidemment les relations entre les enfants et l’autre parent – le plus souvent le père – qui ne les voit quasiment plus. Cette disposition vise à limiter de tels cas et à amener les parents à se mettre au moins d’accord sur la distance. Mais il faut dire qu’aujourd’hui, la majorité des demandes de séparation viennent des femmes. C’est la fin de l’emprise patriarcale et du chef de famille. Celui-ci le vit mal, ce qui est compréhensible. D’où cette disposition qui, pour régler les problèmes de déménagements intempestifs, impose l’accord des deux parents.

Mme Nathalie Tomasini. Par ailleurs, si l’un des parents part très loin, la garde alternée n’est plus possible. Mais l’autre parent pourra ne pas donner son accord. Il y a une cohérence : tous les articles sont liés les uns aux autres de manière très subtile, pour faire le jeu de ce que l’on a dénoncé tout à l’heure.

M. Édouard Durand. Toujours à propos de l’article 4, je tiens à faire remarquer que le rapport de la Chancellerie sur la coparentalité révèle que certains membres et associations qui étaient intervenus dans le groupe de travail souhaitaient que les violences conjugales ne soient pas prises en compte pour décider des modalités d’exercice de l’autorité parentale, en estimant qu’il  n’y a pas de raison de prendre les violences conjugales comme fait significatif pour statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ou sur la résidence alternée. La proposition de loi est la traduction juridique de cette volonté.

Mme Nathalie Tomasini. Nous en avions parlé lorsque nous nous étions rencontrés lors d’un colloque, monsieur le juge. Alors, pourquoi ne pas créer un titre spécifique « violences conjugales » ? Si on doit écarter celles-ci du droit classique de la famille, il faut des textes spécifiques « violences conjugales », tout comme des juges formés, spécialisés pour traiter ce contentieux particulier.

Mme la présidente Catherine Coutelle. On avait écarté la création de juridictions spécialisées.

Mme Nathalie Tomasini. On ne voulait pas marginaliser ces femmes qui le sont déjà. Mais cela marche très bien dans d’autres pays.

Mme la présidente Catherine Coutelle. On nous a répondu qu’il existait la loi « violences ».

Mme Nathalie Tomasini. Je suppose que vous faites référence à la loi de 2010 ? Mais c’est une loi spécifique à la violence psychologique, du moins très centrée autour de la violence psychologique – indépendamment des dispositions relatives à l’ordonnance de protection.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous en avons déjà fait un premier bilan, et Monique Orphé, ici présente, a contribué à la compléter dans le cadre du projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes ; c’est assez rare pour être noté. Mais je tiens à vous préciser que la loi « violences » ne porte pas que sur les violences psychologiques.

Cela dit, la création du délit de violences psychologiques a fait l’objet de beaucoup de réticences de la part des magistrats, parce qu’un tel délit est compliqué à établir et qu’il n’y a pas de jurisprudence …

M. Édouard Durand. Cette loi modifie le code civil. Et cette proposition de loi le modifie aussi…

Mme Nathalie Tomasini. … avec, en arrière-plan, un objectif que je trouve très pernicieux.

M. Édouard Durand. J’en viens à l’amende civile (article 5) et à l’amende pénale (article 8) – que j’examinerai sous un angle particulier. Je cite la proposition de loi : le juge « peut également, lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale prévues à l’article 372-1 en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives, ou lorsqu’un parent ne respecte pas une décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, le condamner, par une décision spécialement motivée, au paiement d’une amende civile … »

Qui voit-on, derrière le parent empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives ? La mère qui ne permet pas au père de dire : je ne suis pas d’accord avec la clarinette, j’exige du judo. Et derrière le parent ne respectant pas une décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ? Ici, le champ est un peu plus large…

Je vous propose de supprimer « en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives ». Bien sûr, je préférerais que l’on supprime tout l’article 5, voire toute la proposition de loi …

Mme Janine Bonaggiunta. Certains articles, notamment ceux qui concernent les beaux-parents, sont acceptables.

M. Édouard Durand. Au minimum, on supprime : « en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives » et on réintroduit un certain équilibre.

Je voudrais faire remarquer que l’imprévisibilité est une forme de violence. Par exemple, c’est le père qui décide s’il va chercher ses enfants à 17 heures 30 ou à 18 heures 30, ou s’il les ramène à 17 heures 30 ou à 18 heures 30. Et au besoin, il fait dire à la mère par les enfants qu’il les ramènera la veille du jour prévu. Je n’invente rien ! Gérer le temps de l’autre est un moyen d’emprise.

Il faut donc lire cette introduction de la loi dans les familles à partir des situations où la loi est écartée. Les violences conjugales constituent le meilleur angle. Si l’intérêt général est respecté, tout est facile. Les familles qui sont dans une entente parfaite et qui sont capables de dialoguer n’auront pas besoin de ce texte. Ce texte doit s’appliquer d’abord aux situations de violences conjugales.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il n’a pas été fait pour.

M. Édouard Durand. La précision « en empêchant l’autre parent d’exercer ses prérogatives » est liée à l’article précédent, qui traite de l’acte usuel ou important. Le parent avec qui l’enfant vit devra demander l’accord de l’autre pour tout, puisque l’autorité parentale est entendue ici exclusivement comme une prérogative et non pas comme un droit-fonction, un devoir subordonné à une finalité, l’intérêt de l’enfant.

Mme Nadège Bossard. Je me disais que ce ne serait pas si simple à mettre en œuvre. Le juge est tenu de prendre des décisions spécialement motivées. Il doit avoir des éléments de preuve. Il est certain que le juge aux affaires familiales se trouvera dans une position autre que celle qu’il connaît …

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous allez infliger des amendes …

Mme Nadège Bossard. C’est un contentieux supplémentaire et je ne sais pas si c’est la meilleure façon d’apaiser la situation. Pour ma part, je suis favorable au dialogue et à la médiation familiale, parce que je pense que la loi est faite d’abord pour la majorité, même s’il faut se préoccuper des situations minoritaires. Dans la majorité des cas, les parents que nous voyons souhaitent l’un et l’autre, et de plus en plus, s’investir auprès de leurs enfants. Voilà pourquoi je pense que le principe de coparentalité répond à la réalité de la situation.

Mme Nathalie Tomasini. Vous nous parlez de parents qui se respectent et qui sont suffisamment coordonnés dans leur organisation pour permettre cet échange dans l’intérêt de l’enfant. Mais c’est d’absolument exceptionnel – indépendamment des cas de violences conjugales.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Avez-vous observé des cas où l’autorité parentale ne peut pas s’exercer, parce que l’un des deux parents ne veut plus voir les enfants, ne vient jamais les chercher, parce que la présentation ne se fait pas à l’heure, etc. ? De quels moyens disposez-vous lorsque ces faits vous sont rapportés ? Comment sanctionner celui qui ne remplit pas ses devoirs de parent ?

Mme Nadège Bossard. Nous sommes souvent saisis d’une demande de suppression du droit de visite et d’hébergement. Mais je suis toujours très prudente avant de supprimer un DVH : il faut savoir pourquoi il ne s’exerce pas, dans quelles conditions, etc.

Quels sont les moyens à notre disposition ? C’est l’enquête sociale, pour aller voir au plus près où en sont les relations et quelles sont les difficultés. Et c’est la médiation familiale.

Parfois, la rupture des relations entre un enfant et son père ou sa mère est liée à un problème de communication ou de compréhension. Le rôle du juge, comme cela a été affirmé dans la loi de 2002, est de veiller à sauvegarder les intérêts de l’enfant et à maintenir des relations avec chacun des parents. C’est ce que nous faisons au quotidien dans notre cabinet. J’essaie donc toujours de rétablir un lien avant même de le supprimer et de réfléchir à une sanction.

Sinon, quelle est la sanction ? C’est de modifier la résidence en la transférant de l’un chez l’autre. Quand les parents sont séparés depuis des années, la rupture de relations ou les difficultés relationnelles ou de communication ne sont pas toujours liées à des situations de violence. Il peut s’agir d’une séparation qui n’est pas ou qui est mal acceptée. Il faut creuser, pour apprécier la nature de la situation. Mais il peut aussi s’agir d’un parent qui, volontairement, fait obstacle à l’autre parent. C’est alors le rôle du juge aux affaires familiales d’aider cet autre parent – souvent le père – à exercer vraiment son rôle et donc, de rejeter la demande concernant le DVH qui lui est faite. Les situations familiales sont plurielles et les séparations sont vécues de façon assez différente, et pas uniquement sous le prisme de la violence conjugale subie par les femmes.

M. Édouard Durand. Je voudrais développer un point de vue un peu différent. Évidemment que tout est possible dans toutes les familles, que d’une manière abstraite, on peut mettre sur le même plan les parents qui s’entendent, ceux qui ne s’entendent pas, qui sont en conflit, dans des situations de violence, ou les parents absents. Mais je vous crois, madame la présidente, mesdames les députées, quand vous dites que les violences conjugales sont un fait très significatif dans les familles, qui ne peut en aucune manière être mis sur le même plan que les situations d’aliénation parentale.

L’aliénation parentale, qui est derrière cette proposition de loi, comme elle était derrière les propositions de loi du 24 octobre 2013 ou derrière l’amendement qui avait été voté au Sénat, est utilisée pour porter les principes qui sont guidés par cette proposition de loi. En tant que juge aux affaires familiales et en tant que juge des enfants, je dois à la vérité de dire que je n’ai connu que très peu de situations de l’ordre de l’aliénation parentale.

Je voudrais par ailleurs attirer votre attention sur le fait qu’il y a deux raisons légitimes pour lesquelles un enfant peut refuser le voir le parent avec lequel il ne vit pas : l’alliance et le détachement. L’alliance est le processus psychique, provisoire et réversible, par lequel l’enfant va supporter le moment de la situation parentale en ayant une relation privilégiée avec l’un de ses parents, en général celui avec lequel il vit et qui est sa figure d’attachement prioritaire, la mère. Le détachement est le processus psychique par lequel l’enfant va s’autoriser à refuser d’être en lien avec un parent maltraitant.

À ce propos, l’Organisation des Nations unies a dépêché en France un rapporteur spécial dans une mission de protection de l’enfance. Il a fait une mention particulière sur les inquiétudes de l’ONU concernant le traitement, par la France, des plaintes déposées par les mères pour les maltraitances subies par leurs enfants chez l’autre parent.

Nous avons tendance à lire de façon inversée ces situations-là. Je participe à des colloques sur les violences conjugales, et je constate qu’il y a toujours un professionnel qui va dire : oui, mais la mère peut essayer de nous manipuler. Dans quelles situations, face à une plainte, à une requête, à une demande, à l’expression d’un désarroi, nous dirions : attention, je suis en train de me faire manipuler ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ernestine Ronai nous a dit que l’on enseignait toujours, dans les écoles de magistrature ou d’avocats, le SAP ou syndrome d’aliénation parental. Est-ce exact ?

M. Édouard Durand. À l’École nationale de la magistrature, nous en parlons, et je me fais fort d’en parler comme nous en parlons aujourd’hui. Avec Mme Ronai, nous en parlons aussi souvent que possible. Bien sûr que dans tout choix de formation, il y a un choix de contenu et de manière d’aborder un problème. Mais il est tout à fait possible que d’autres intervenants évoquent ce prétendu syndrome, qui est un piège. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation a validé il y a quelques mois la décision d’une Cour d’appel transférant la résidence de l’enfant chez le père : l’enfant était victime d’un syndrome d’aliénation parentale repéré dans l’enquête sociale. Depuis quand une assistante sociale ou un juge sont-ils compétents pour diagnostiquer un syndrome ? Vous voyez bien l’ambiguïté, voire le piège de ce genre de concept.

Mme Nathalie Tomasini. Pour diagnostiquer un syndrome, il faut des expertises.

M. Édouard Durand. C’est ce que je voulais dire. Cela relève du domaine médical.

Mme Nathalie Tomasini. Très généralement, de telles décisions s’appuient sur des dires d’experts.

Je ne sais pas si on parle toujours d’aliénation mentale à l’ENM, mais en tout cas, on la plaide souvent. Les femmes se trouvent enfermées dans une double injonction de la société : dénoncer les maltraitances sur leurs enfants, et respecter le sacro-saint principe de coparentalité, c’est-à-dire respecter l’autre parent. À partir du moment où elles dénoncent des attouchements ou des maltraitances de la part de l’autre parent, automatiquement, le spectre de l’aliénation parentale resurgit. C’est catastrophique : on ne peut plus dénoncer un quelconque agissement de l’autre parent sans que la mère ne soit suspectée d’aliénation parentale.

Mme Nadège Bossard. Pas systématiquement …

Mme Nathalie Tomasini. En tout cas, dans le contexte des violences conjugales, c’est notre quotidien.

M. Édouard Durand. L’article 8, qui traite de l’amende prévue par le code de procédure pénale pour non-représentation d’enfant, prévoit de contraventionnaliser la première infraction. Il serait difficile d’être contre, dans une perspective plutôt souple du droit pénal. Mais c’est le texte dans son ensemble qui, là encore, me préoccupe beaucoup.

L’exposé des motifs précise qu’on fera de la non-représentation d’enfant commise la première fois une contravention, à la fois pour augmenter les poursuites et pour se libérer du problème de la preuve. Comme la preuve est très difficile à apporter, les professionnels – spécialement les magistrats – auront moins de scrupules à poursuivre et à condamner pour une contravention plutôt que pour un délit. Je trouve ce raisonnement trompeur et contraire à la démocratie ! Et je note ce paradoxe très surprenant : les parlementaires qui vont demander que l’on fasse d’un délit une contravention pour pouvoir se dégager de l’exigence de la preuve et poursuivre davantage, sont les mêmes qui, en cas de violences conjugales, prôneront le recours à la médiation pénale et familiale.

Comme juge des enfants et juge aux affaires familiales, j’ai pris conscience que les violences conjugales étaient un problème récurrent et très spécifique. Je traite donc ce problème de façon particulière. Mais ceux qui nous disent que les violences conjugales ne font pas échec à l’instauration d’une médiation, qu’elle soit pénale ou familiale, sont les mêmes qui demandent, en cas de non-représentation d’enfant, une contravention dès la première infraction. C’est ahurissant !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Comment cela se passera-t-il ? Il n’y a pas d’enfant, le père arrive avec un gendarme …

M. Édouard Durand. Je ne peux pas préjuger de la jurisprudence pénale.

On nous dit toujours que les violences conjugales sont difficiles à prouver et que si la victime de ces violences n’a pas déposé plainte, on ne peut pas délivrer d’ordonnance de protection. Et cette proposition de loi, s’agissant de l’infraction de non-représentation d’enfant, dit exactement l’inverse : comme il est précisé dans l’exposé des motifs, le problème de la preuve ne doit pas être un obstacle aux poursuites. C’est incroyable !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le parent n’aura qu’à déclarer qu’il n’a pas pu voir son enfant …

Mme Nadège Bossard. Le plaignant sera entendu, tout comme la personne mise en cause et, éventuellement, l’entourage. Il y aura toujours une enquête pénale. La différence, c’est que l’affaire viendra devant la juridiction en charge des contraventions de quatrième classe et non devant le tribunal correctionnel.

M. Édouard Durand. Expliquez-moi cette phrase : « En effet, ce délit fait actuellement fréquemment l’objet d’un classement sans suite, et apparaît rarement sanctionné en raison de la lourdeur de la procédure et des difficultés de preuve. Sa contraventionnalisation permettrait d’accélérer la procédure et de faciliter … l’établissement de la preuve des violations de la décision du juge aux affaires familiales. »

Mme Nadège Bossard. Je pense que c’est une erreur.

M. Édouard Durand. C’est même une atteinte à la démocratie.

Mme Janine Buonaggiunta. On n’a pas besoin de preuve, une seule déclaration suffit...

M. Édouard Durand. Lorsque je forme sur l’ordonnance de protection, les magistrats me rétorquent systématiquement que sans plainte, et donc sans condamnation, on n’a pas « la preuve de la vraisemblance », et que les mains courantes sont insuffisantes. Et aujourd’hui, s’agissant de la non-représentation d’enfant, on nous dit exactement l’inverse : il faut pouvoir s’affranchir de l’exigence de la preuve.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si l’on amendait ce texte, pour avoir un effet miroir, on pourrait condamner le parent qui ne vient pas chercher l’enfant, une fois ou deux, pendant que l’autre attend tout le week-end, et condamner également celui qui ne paie pas la pension alimentaire.

Mme Nathalie Tomasini. Il risque d’être un peu compliqué de recouvrer une amende auprès d’un parent qui, déjà, ne paie pas la pension alimentaire.

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est pour équilibrer ce texte, qui ne va que dans un sens.

M. Édouard Durand. L’article 6 n’appelle pas de remarques particulières, sauf à augmenter le recours à l’exercice exclusif de l’autorité parentale. En revanche, l’article 7, qui modifie l’architecture des familles en cas de séparation, me paraît extrêmement préoccupant.

Mme la présidente Catherine Coutelle. On peut lire dans l’exposé des motifs que « l’alternance des temps de résidence sera le principe ». Mais cela n’apparaît pas dans l’article.

M. Édouard Durand. Ce hiatus entre l’exposé des motifs et le texte lui-même pourrait faire penser qu’il n’y aura pas de résidence alternée prioritaire. Or ce texte sera interprété à la lumière de l’exposé des motifs.

Cet artifice de langage est révélateur. L’intérêt général commanderait de donner aux familles, en cas de conflit, de violences, d’absence de l’un des parents, une loi claire, un « squelette de vie ». Or ce texte fait tout le contraire : c’est une non-loi, une loi qui ne parle pas, qui ne nomme plus, qui ne « spécificie » plus.

On ne parle plus de « résidence habituelle » - tout en sachant que c’est la mère qui s’occupera surtout de l’enfant – sous prétexte que la distinction entre la « résidence habituelle » et le « droit de visite et d’hébergement » serait source de contentieux. Or la récente étude de la Chancellerie a démontré que dans une écrasante majorité des cas, la décision instituant la résidence habituelle et le droit de visite et d’hébergement (DVH), qui est rendue par le JAF, est conforme à la demande des pères eux-mêmes. Cette distinction ne pose donc a priori pas de problème pour les familles. Mais si problème il y a, il faut que la loi nomme. Une loi qui ne nomme plus ne sert à rien. On ne va plus nommer, mais le juge aux affaires familiales pourra le faire en interprétant le texte à la lumière de l’exposé des motifs.

Je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas comme cela que j’appréhende l’intérêt général !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous avons reçus certains mails, de source identique, affirmant que les JAF sont de parti pris : ils auraient tendance à confier la résidence plutôt à la mère qu’au père.

Mme Janine Buonaggiunta. Si la résidence alternée est demandée par le père, elle lui est souvent accordée. Nous nous battons d’ailleurs beaucoup pour qu’un enfant très jeune – de dix-huit mois ou deux ans – ne puisse pas aller chez son père en résidence alternée. C’est très difficile, ne serait-ce que pour des raisons pratiques.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la juge, proposez-vous la résidence alternée pour les très jeunes enfants ?

Mme Nadège Bossard. Je ne suis pas opposée par principe à la résidence alternée, quel que soit l’âge de l’enfant. Il faut juste que ce soit adapté à son âge, à sa situation, etc.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Quand un père demande la résidence alternée pour un enfant de six mois, vous ne vous assurez pas qu’il y a, derrière, par exemple, une grand-mère ?

Mme Nadège Bossard. Mais si la mère travaille, elle devra passer par une assistante maternelle. N’oublions pas que nous sommes dans une société où les femmes sont émancipées. Et puis, l’enfant a également besoin du repère paternel.

Il nous arrive souvent, aujourd’hui, d’être saisis par des mères ou des pères qui se séparent alors que leur enfant est très jeune, et qui s’en voient privés pendant plusieurs mois. Notre rôle est alors de rétablir des liens. Cela est valable dans les deux sens. Un enfant a besoin d’avoir des contacts avec ses deux parents.

Mme Nathalie Tomasini. Une majorité de pédopsychiatres – dont le docteur Bernard Golse, qui est pédopsychiatre et psychanalyste – estiment que la résidence alternée est inappropriée pour les enfants en bas âge. Et puis, madame le juge, que faire lorsque la mère allaite ? On passe au biberon parce que c’est mieux pour le père ?

Mme Nadège Bossard. Je n’ai pas à avoir de position de principe à propos de l’allaitement. Reste que la mère va devoir reprendre son travail, et qu’il lui faudra prendre des dispositions. Nous sommes dans une société moderne, au XXIe siècle !

Mme Nathalie Tomasini. Nous sommes en train de parler de jeunes enfants. Les mères, même lorsqu’elles travaillent, savent s’adapter et prendre en compte l’intérêt de l’enfant. Et elles peuvent considérer que l’allaitement de l’enfant est important. Vous parlez de créer du lien entre les parents ? L’allaitement est un moyen de créer du lien avec la mère.

Mme Janine Bonaggiunta Dans notre cabinet, nous ne traitons que de cas de violences conjugales. Et dans tous les dossiers, tous les pères demandent la garde alternée – sauf dans 2 % des cas. Ils sont en opposition avec la femme qui a osé dénoncer les violences qu’elle subissait, et ils se battent de cette façon. La garde alternée « va » avec les violences conjugales.

Mme Nathalie Tomasini. C’est une mesure de rétorsion.

Mme Janine Bonaggiusta. Leur demande ne correspond pas forcément à un désir profond, si ce n’est d’ennuyer la mère…

Mme Nathalie Tomasini. Certains souhaitent continuer à persécuter la mère au-delà de la séparation, par le biais des enfants, par le biais des demandes de résidence alternée…

Mme Nadège Bossard. …qui ne concerne que 17 %…

M. Édouard Durand. Et c’est pour ces situations résiduelles, marginales, que l’on prétend modifier la loi.

Mme Nathalie Tomasini. Encore une fois, c’est une situation exceptionnelle, et on en fait un principe. Comme le disait M. le juge des enfants, l’esprit de la proposition de loi va dans le sens de la résidence alternée, même si le texte ne le prévoit pas.

Je remarque par ailleurs que cette proposition est intitulée : « Proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant ». La différence des caractères utilisés résume tout ce que l’on vient de dire : l’intérêt de l’enfant y est secondaire.

M. Édouard Durand. Si vous pouviez supprimer cette proposition de loi…

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce serait original, s’agissant de députés de la majorité, signataires d’une proposition de loi de la majorité …

M. Édouard Durand. Vous avez en tout cas toute mon admiration et mon soutien absolu.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vos écrits sont d’une extrême importance et nous nous permettrons de vous citer abondamment lorsque le texte sera discuté dans l’hémicycle.

M. Édouard Durand. J’en viens aux articles 16 à 18 sur la médiation familiale. L’idée d’enjoindre la médiation me paraît absurde et violente. Pourquoi ne pas désigner un médiateur si les parents sont d’accord, ou leur imposer de se renseigner sur la procédure de la médiation ? Mais obliger le père et la mère à participer à une médiation familiale pour évoquer leurs différends me paraît inadapté.

La lecture d’un article relatif à la médiation au moment du mariage, est absurde et grossier. Cela correspond à une conception procédurale des relations familiales. Je ne sais pas ce que vous imagineriez pour vous-même mais pour moi, évoquer la médiation familiale au moment du mariage est un appel au conflit !

Enfin, l’article 19, sur l’audition de l’enfant apporte selon moi une précision utile. Voilà ce qu’il faudrait laisser dans cette proposition de loi !

Je souhaiterais maintenant vous faire quelques propositions.

La première, qui m’est très chère, n’a jamais été prise en compte. Elle consisterait à permettre au juge aux affaires familiales d’imposer le paiement de la pension alimentaire par virement. Il semblerait que les textes le permettent, mais les JAF que j’ai consultés à ce propos considèrent que ce n’est pas possible : le texte prévoit les modalités de la pension, mais pas son mode de paiement – en nature, en argent, etc. Je pense pourtant que ce serait très utile …

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cela éviterait les contacts.

M. Édouard Durand. Cela éviterait aussi ce que l’on voit assez souvent : un parent, tous les mois, qui remet directement et sans enveloppe à son enfant le chèque ou l’argent liquide de la pension !

Mes autres propositions m’ont été inspirées par la proposition de loi déposée le 7 février 2012. Si je n’étais pas d’accord avec son article 1er, qui prônait la substitution, dans le code civil, de la responsabilité parentale à l’autorité parentale, je trouvais intéressants ses deux autres articles : l’article 2 prévoyait que le JAF pouvait priver de l’exercice de l’autorité parentale le parent qui ne remplit pas son obligation d’entretien, d’aliment ou de versement de la pension alimentaire ; l’article 3 prévoyait d’élargir le retrait civil de l’autorité parentale aux délits commis contre l’autre parent (article 378-1). Je propose donc qu’on reprenne ces deux articles. Et de la même façon, je pense qu’il faudrait modifier l’article 378 relatif au retrait pénal de l’autorité parentale.

Mme Nathalie Tomasini. Je voulais faire une observation : nos clientes ne souhaitent pas qu’on leur verse la pension alimentaire par virement. Cela supposerait en effet qu’elles fournissent un relevé d’identité bancaire (RIB). Or, pour des raisons diverses, elles ne veulent pas faire connaître leurs coordonnées bancaires à leur conjoint.

À titre de conclusion, je citerai la réponse qu’a faite, le 3 juillet 2007, devant l’Assemblée nationale, le garde des sceaux à une question écrite :

« La résidence alternée ne saurait être la conséquence d’une revendication purement égalitaire des droits entre le père et la mère, au mépris de l’examen des situations individuelles et de la recherche des solutions les plus adaptées aux besoins spécifiques des mineurs et, en particulier, des très jeunes enfants, et que le seul critère qui doit être retenu est celui de l’intérêt de l’enfant. »

Le ministre constatait qu’à la lumière de la pratique, la garde alternée était tout à fait déconseillée pour les enfants de moins de six ans.

Mme Nadège Bossard. Je considère cette proposition de loi comme positive, dans la mesure où elle développe la médiation familiale, ce qui est une nécessité. En effet, la plupart des personnes que nous recevons en audience sont de jeunes parents qui viennent de se séparer et n’ont pas encore repris le dialogue. Certains ne se disent même pas bonjour ! Engager une médiation familiale dès notre saisine est un moyen de renouer le dialogue. Parfois, la femme est enceinte ou l’enfant est à peine né …

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le contexte est quelque peu conflictuel…

Mme Nadège Bossard. Les situations sont tellement diverses. L’enfant n’est pas toujours un projet de vie raisonné. Néanmoins, si chacun des parents souhaite affirmer son rôle auprès de cet enfant …

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si le projet n’est pas raisonné, je ne vois pas comment ils vont s’investir auprès de l’enfant.

Mme Nadège Bossard. Certaines personnes peuvent être amenées à se séparer au bout d’un an ou deux, sans se trouver pour autant dans une situation de conflit insurmontable. Pour l’enfant, il est important que ses parents puissent au moins se dire bonjour et soient capables de prendre une tasse de café ensemble pour discuter, par exemple, de sa scolarité. La loi nous ayant donné pour mission de maintenir un lien entre les parents et de favoriser l’exercice consensuel de l’autorité parentale, nous pouvons nous appuyer sur la médiation familiale. N’oublions pas que les audiences durent en moyenne un quart d’heure, au maximum une demi-heure. Dans les situations où il n’y a pas de violences conjugales, c’est-à-dire la majorité des cas, les services de médiation peuvent être utiles.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je voudrais savoir comment se passerait la médiation s’il y avait des médiateurs partout …

Mme Janine Bonaggiunta. Madame la présidente, je suis médiatrice conventionnelle et judiciaire, et je peux vous dire que le rôle d’un médiateur est extrêmement effacé. Le médiateur est là pour écouter, il intervient très peu et essaie de faire dialoguer les personnes. Certaines en sont capables, mais d’autres sont figées et alors, mieux vaut aller voir un psychologue qu’un médiateur, car celui-ci n’est pas là pour vous diriger. Il peut conseiller de dire bonjour, mais c’est à peu près tout. Il n’a pas à prendre position, il est en recul par rapport aux époux ou aux concubins qu’il a devant lui. Son rôle est extrêmement secondaire et il ne peut pas dénouer des situations qui, sans relever de violences conjugales, sont tout de même conflictuelles.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cette proposition de loi sera examinée le 19 mai par l’Assemblée en séance publique. Je pense qu’elle comporte des aspects positifs. La médiation familiale, entre autres, peut représenter une amélioration. En effet, les parents sont souvent désarmés – d’où l’intérêt de l’école de la parentalité, des rencontres de la parentalité, des conférences et des formations organisées par les caisses d’allocations familiales, etc.

Mais je viens de relire le rapport que le Haut conseil à la famille a publié en avril 2014 sur les ruptures familiales, et je m’interroge : est-ce des parents qui ne sont ni mariés, ni pacsés ou liés par aucun contrat qui se présentent devant le juge pour établir une convention ?

Mme Janine Bonaggiunta. Oui, bien sûr. Ils n’y sont pas obligés, mais ils le font de plus en plus souvent parce qu’il leur faut un cadre légal.

Mme Nadège Bossard. Une des raisons pour laquelle nous souhaitons développer la médiation familiale est que le premier réflexe du parent qui se sépare est de saisir le juge avant même d’essayer de trouver un accord avec l’autre parent.

Mme Nathalie Tomasini. Je rappelle qu’une décision judiciaire peut prévoir les modalités de résidence et d’exercice du droit de visite et d’hébergement de l’autre conjoint, mais qu’il est toujours précisé que celles-ci s’entendent « sauf meilleur accord entre les parties ».

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ainsi, rien n’oblige des parents qui ne sont ni mariés, ni pacsés, qui n’ont pas passé de contrat, et qui se séparent, à passer par le juge ?

Mme Nathalie Tomasini. Non, mais c’est un réflexe, dans l’intérêt des enfants.

M. Édouard Durand. Je pensais à Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et l’esclave, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui affranchit. » Et pour cela, madame la présidente, mesdames les députés, je vous fais totalement confiance.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie.

Audition, sous forme de table ronde, de représentantes de l’association SOS les Mamans, de la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), du Collectif Abandon de famille-Tolérance Zéro et du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF).

Compte rendu de l’audition du mercredi 30 avril 2014

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous recevons aujourd’hui, pour évoquer la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, des représentantes de l’association SOS les Mamans, de la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), du Collectif Abandon de famille-Tolérance zéro et du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF). La rapporteure de notre délégation sur ce texte est Mme Marie-Noëlle Battistel.

La Délégation aux droits des femmes s’est emparée tardivement de cette proposition de loi, préparée durant les cinq semaines d’interruption des travaux de l’Assemblée nationale liées aux élections municipales. Fait inhabituel, elle a été cosignée par tous les membres du groupe SRC sans leur avoir été présentée. Si nous l’assumons, nous sommes en train de nous apercevoir, au fil des auditions, que ce texte, qui nous a été présenté comme sans problème, soulève en fait de nombreuses questions.

Les associations que nous recevons cet après-midi ont déjà été entendues par les rapporteurs du texte, qui a été renvoyé à la commission des Lois. Dans un premier temps, il avait pu sembler que la Délégation aux droits des femmes n’avait pas nécessairement à prendre position, le texte ayant vocation à traiter de problèmes de couple et de parentalité. Nous avons changé d’avis en constatant qu’il n’abordait absolument pas le problème des violences conjugales, comme s’il ne devait concerner que des couples qui s’entendent pour régler leurs problèmes à l’amiable. Plus grave, il constitue – comme l’a souligné Mme Ernestine Ronai, coordinatrice nationale des violences faites aux femmes  de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) – un fâcheux signal pour la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, qui commence tout juste à porter ses fruits. À cet égard, l’exposé des motifs – que nous ne pouvons pas amender – n’est pas acceptable.

La proposition de loi doit être discutée en séance publique le 19 mai.

Mme Maud Olivier. Les contraintes d’organisation du débat parlementaire font malheureusement que nous avons été mis devant le fait accompli. Par bonheur, vous avez été auditionnées par les rapporteurs du texte, Mme Marie-Anne Chapdelaine et M. Erwann Binet. De son côté, la Délégation aux droits des femmes a décidé de s’en emparer. Nous avons auditionné hier Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, qui avait déjà été alertée sur un certain nombre de points litigieux. Certes, le texte n’est pas définitif, mais tous les amendements que nous aimerions lui apporter ne pourront pas être adoptés. Pour notre part, nous sommes très sensibles à la cause que vous défendez. Nous venons d’entendre des magistrats – parmi lesquels M. Édouard Durand, auteur de l’ouvrage Violences conjugales et parentalité : protéger la mère, c’est protéger l’enfant – et des avocats, et nous allons essayer de porter vos revendications.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous ne disposons malheureusement que d’une heure. Je vous invite donc à nous laisser – si vous le souhaitez – des contributions écrites qui pourront être prises en compte pour notre rapport, et à privilégier dans vos interventions les points sur lesquels vous avez le sentiment d’avoir été insuffisamment entendues par les rapporteurs.

Mme Christine Passagne, conseillère technique au Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF). Le CNIDFF est favorable à la substance même de cette proposition de loi, qui prône l’égalité entre les pères et les mères.

En revanche, il a relevé d’emblée l’absence de garde-fous en ce qui concerne les violences au sein du couple, à l’exclusion de l’article 4, qui traite du changement de résidence et prévoit une exception à l’obligation d’accord de l’autre parent lorsque ce dernier a été condamné pour des faits de violence à l’encontre de celui qui déménage. Cette exception est insuffisante : elle ne devrait pas se limiter à l’article 4. Les rapporteurs du texte estiment qu’il n’est pas possible de prévoir une exception pour chaque dispositif, mais qu’un « chapeau » général d’exception en cas de violence pourrait à la rigueur être envisagé.

Quel que soit le cas de figure, la rédaction retenue pour l’article 4 – qui dispose que « l’accord de l’autre parent n’est pas requis lorsque celui-ci a été condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit sur la personne du parent qui souhaite changer la résidence ou l’établissement scolaire de l’enfant » – n’est pas satisfaisante, en particulier s’agissant du changement de résidence, qui se fait généralement dans l’urgence, face à un danger. Les mots « a été condamné » pourraient être compris comme faisant référence à une condamnation définitive, sachant que celle-ci peut intervenir des années après les faits. Mieux vaudrait les remplacer par les mots « lorsqu’une ordonnance de protection a déjà été prononcée ».

Il est difficile de trouver une terminologie précise sur laquelle fonder cette exclusion. Nous pourrions introduire les notions de danger, de violence constatée par les services de police ou par un certificat médical, sachant qu’il ne faut pas être exhaustif si l’on veut pouvoir prendre tous les cas en compte. Pourquoi ne pas reprendre la notion de danger qui a été retenue pour l’ordonnance de protection ? La nécessité de prévoir une exception en cas de violences pour tous les dispositifs du texte trouve son fondement dans le fait que ces violences risquent d’être réitérées. La notion de danger nous semble importante, de même que la notion de temporalité entre la commission des violences et la décision de justice. Des violences ont pu être commises longtemps auparavant et ne pas se reproduire, mais le seul fait de se retrouver à nouveau devant la justice peut faire renaître un climat de violence. La notion de danger de réitération des violences est donc fondamentale.

L’autre constat que nous faisons est que la proposition de loi est contraire aux dispositions de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite convention d’Istanbul, qui devrait entrer en vigueur cet été, et notamment à son article 31, qui prévoit que « les parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, lors de la détermination des droits de garde et de visite concernant les enfants, les incidents de violence couverts par le champ d’application de la présente convention soient pris en compte ». Or le texte ne le fait pas.

Pour les rapporteurs, le texte entend traiter exclusivement de l’autorité parentale et de l’intérêt de l’enfant, le sujet des violences étant déjà traité par le droit en vigueur. En somme, nous a dit Mme Chapdelaine, vous nous demandez de combler les failles de la législation actuelle sur les violences. Cette législation est en effet insatisfaisante en ce qui concerne la protection des femmes, lui avons-nous répondu. Mais j’irais plus loin : la proposition de loi a un effet négatif sur la législation actuelle. Je pense en particulier aux articles 3 et suivants, relatifs à la fixation de la résidence de l’enfant. Le changement, qui apparaît comme sémantique, pourrait être interprété – surtout à la lecture de l’exposé des motifs – dans un sens défavorable aux enfants.

Je terminerai sur l’audition de l’enfant. Nous sommes plutôt favorables à l’article 19, qui prévoit que « le mineur est entendu d’une manière adaptée à son degré de maturité ». En revanche, nous attirons votre attention sur le danger que représente le syndrome d’aliénation parentale, qui vient d’être reconnu par la Cour de cassation. Il est bon que l’enfant soit entendu ; mais si l’on considère que ses propos peuvent être manipulés par l’autre parent, cela risque d’avoir un effet pervers.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Peut-être faudrait-il prévoir un article pour contrer cette jurisprudence.

Mme Christine Passagne. Tout en sachant que ce syndrome n’est pas reconnu par la communauté scientifique.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mais l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes, que la Cour de cassation a confirmé, s’appuyait sur les conclusions de l’enquête sociale.

Mme Stephanie Lamy, co-fondatrice du Collectif Abandon de famille-Tolérance zéro. En Australie, une requérante a obtenu l’annulation d’un jugement qui se fondait sur un « diagnostic » de syndrome d’aliénation parentale. Le professionnel de santé qui en avait été à l’origine a même été sanctionné.

Mme Christine Passagne. Il est à noter que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) se réfère depuis plusieurs années au syndrome d’aliénation parentale.

Mme Stephanie Lamy. Le Collectif Abandon de famille-Tolérance zéro rassemble quelques papas, mais surtout des mamans, qui ont été abandonnés – que ce soit matériellement ou affectivement – avec des enfants.

Très franchement, l’exposé des motifs du texte nous a fait sourire. Il cite l’étude de l'Institut national d'études démographiques (INED), selon laquelle près d’un enfant de parents séparés sur cinq ne verrait jamais son père, et l’on semble imputer à la résidence le fait que les pères n’aient plus de lien avec l’enfant. Or l’examen des données brutes de cette étude montre que ce n’est pas la résidence qui est en cause, mais bien le mode de vie de ces pères : 14 % d’entre eux ne voient jamais leur enfant lorsqu’ils vivent seuls ; ils sont 24 % s’ils vivent en couple et ont un enfant dans le cadre de cette nouvelle union.

L’exposé des motifs reprend une terminologie que nous entendons depuis bientôt dix-huit mois : les « prérogatives » des parents. Nous tenons à rappeler que le maintien de la relation avec ses deux parents est un droit de l’enfant – c’est en tout cas ce que dit le code civil. Or le droit de visite et d’hébergement (DVH) semble de plus en plus compris comme un droit des parents – ce qui change tout. Il est temps de remettre les pendules à l’heure !

Nous avons aussi examiné cette proposition de loi sous l’angle économique. De ce point de vue, il apparaît que fixer la résidence de l’enfant au domicile des deux parents implique un partage des acquis sociaux et fiscaux.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous travaillons sur ce point avec Mme Rossignol. Il serait possible de faire référence à la résidence où habite régulièrement l’enfant.

Mme Stephanie Lamy. Nous tenons à insister sur ce point, d’autant que dans les familles que représente notre Collectif, l’autre parent n’est généralement plus là.

Nous considérons nous aussi que le texte ne prend pas en compte toutes les violences couvertes par le champ d’application de la convention d’Istanbul, notamment les violences économiques reconnues dans son article 3. Malheureusement, il n’existe pas de loi traitant des violences économiques en France, alors qu’il s’agit d’un point majeur. Ces violences peuvent survenir pendant la vie de couple, au moment de la séparation et après celle-ci. Je ne pense pas seulement aux pensions alimentaires, mais aussi aux refus de dissoudre le patrimoine ou aux tentatives de minorer sa valeur : autant de mécanismes destructeurs, qui mériteraient d’être mieux connus et sur lesquels n’existe aucune étude.

L’autre violence constatée est l’abandon d’un parent. Il n’est bien sûr pas question de toucher à la filiation, mais il nous semble nécessaire de rappeler dans les textes une disposition qui figure à l’article 373 du code civil…

Mme Delphine Boué, représentante du Collectif Abandon de famille-Tolérance zéro. Je vous en donne lecture : « Est privé de l’exercice de l’autorité parentale le père ou la mère qui est hors d’état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause ». Elle n’est jamais appliquée.

Mme Stéphanie Lamy. De nombreux jugements se refusent à priver de l’autorité parentale des pères pourtant absents depuis des années.

Mme Delphine Boué. À ma connaissance, je suis la seule à avoir obtenu ce retrait de l’exercice de l’autorité parentale. Le père de mes enfants est parti vivre à des milliers de kilomètres ; le juge a considéré qu’il était contraire à leur intérêt de maintenir une autorité parentale dans ces conditions et que cela constituerait une entrave pour moi, qui les élevais seule. Il s’est appuyé pour cela sur l’article 373 du code civil. En revanche, il a maintenu un DVH à l’international d’un mois complet – pour des enfants qui ne reconnaissaient pas leur père dans la rue, et sans aucune adaptation. Je me suis ainsi retrouvée dans la situation où mes enfants pouvaient partir un mois au Maroc, sans que personne ne soit en mesure d’exercer l’autorité parentale sur eux sur le territoire marocain. Je n’avais pas le choix : il fallait que je les accompagne. Leur père a refusé, au motif que le jugement ne le stipulait pas. Son objectif n’étant pas de voir ses enfants, mais plutôt de m’attirer des ennuis, le projet n’a pas eu de suite. Mais que se serait-il passé s’il avait fallu que je lui envoie les enfants ?

Mme Stephanie Lamy. Nous tenons à votre disposition une copie de ce jugement. C’est un bon jugement pour ce qui concerne la suppression de l’autorité parentale.

Toujours au sujet de l’exercice de l’autorité parentale, nous notons qu’en ce qui concerne les adoptions, le rapport de Mme Irène Théry sur la filiation, les origines et la parentalité opère une distinction entre le fait d’être titulaire de l’autorité parentale et l’exercice de cette autorité. N’est-ce pas une piste qui pourrait être explorée pour les cas de violence ou d’abandon ? Pour nous, on ne peut exercer l’autorité parentale lorsque l’on est violent, absent, et que l’on ne contribue pas à l’entretien du ménage. De ce point de vue, exiger la signature des deux parents pour le changement d’établissement apparaît plutôt incongru. Je pense à cette maman qui avait retrouvé du travail en province, à la campagne. Le père, qui ne payait pas la pension alimentaire, a refusé qu’elle inscrive les enfants à la cantine. Elle n’a donc pas pu reprendre un travail.

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est hélas fréquent.

Mme Stephanie Lamy. Avant toute décision, il nous semble urgent de mener des études sur les non-représentations d’enfant. Beaucoup de témoignages font état de fausses plaintes déposées pour contrer une plainte en abandon de famille. Nous avons également connaissance de nombreux cas de pères qui ne viennent pas chercher l’enfant, mais portent quand même plainte.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et ces plaintes sont recueillies ?

Mme Delphine Boué. J’ai moi-même été convoquée à la gendarmerie six heures après le dépôt de la plainte de mon ex-conjoint pour non-représentation d’enfant, alors qu’il ne bénéficiait pas d’un DVH à ce moment-là. Lui-même n’a été convoqué que neuf mois après le dépôt de ma plainte pour abandon de famille !

Mme Stephanie Lamy. Nous souhaitons un renforcement du droit en vigueur en ce qui concerne l’abandon de famille, afin de revenir au texte de 1994, qui était beaucoup plus clair. Je m’en suis entretenue avec le cabinet de Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui s’est montré plutôt ouvert à cette demande. De même, nous souhaitons voir aborder la question du harcèlement économique. Certaines mamans sont soumises à des pressions sexuelles pour le versement de la pension alimentaire – oui, le droit de cuissage existe encore en France ! Pourtant, la contribution – je dis bien la contribution, et non la pension – alimentaire est aussi un devoir parental.

Mme Nicole Crépeau, vice-présidente de la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF). Nous tenons à rappeler que nous défendons les droits des femmes et des hommes, et que nous luttons pour une réelle égalité dans la famille et les droits parentaux. Père et mère doivent être égaux dans leurs responsabilités et leurs compétences parentales, dans leurs droits comme dans leurs devoirs. J’insiste sur ce point, car la proposition de loi parle davantage des premiers que des seconds.

En outre, elle ne prend pas en compte les situations de violence, qui ne sont évoquées qu’une seule fois, à l’article 4. Pour nous, elle accroît le risque en renforçant la notion de surveillance ou de contrôle du parent qui ne vit pas avec l’enfant au quotidien. Elle aggrave les sanctions en cas de non-représentation d’enfant. De fait, elle ne permet pas à la mère de s’éloigner pour se soustraire aux violences.

Nous nous interrogeons sur l’opportunité de cette proposition de loi, alors que la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale parlait d’autorité parentale conjointe, de garde alternée et de médiation familiale. Qui sont donc les pères qui demandent cette loi, sachant que dans 80 % des cas de séparation, les parents se sont mis d’accord ?

Ainsi que cela a été dit, le texte ne fait même pas référence à la loi de 2010. Il est en contradiction avec le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui vient d’être voté. S’il y a autant de différence entre le parent qui a la garde, le plus souvent la mère, et le père, c’est bien parce que nous vivons dans une société où les inégalités perdurent dans la vie quotidienne.

Nous ne pouvons donc accepter cette proposition de loi qui nie l’existence de violences et la réalité de certaines situations.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Lorsque vous avez été auditionnées par les rapporteurs, leur avez-vous précisé quelles dispositions vous souhaitiez voir introduire dans le texte ? Avez-vous eu le sentiment d’être entendues ?

Mme Françoise Brié, vice-présidente de la FNSF. Nous sommes en train de finaliser un texte que nous leur adresserons ainsi qu’à votre délégation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le délai est court, puisque le texte doit être discuté dans l’hémicycle le 19 mai.

Mme Françoise Brié. Nous avons cru comprendre que la possibilité pour une femme de se domicilier chez une personne morale, qui figurait dans le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, avait été supprimée par le Sénat. Tous les garde-fous ont donc été levés.

Mme Maud Olivier. Elle sera rétablie par l’Assemblée nationale.

Mme Françoise Brié. Non seulement la loi ne protège pas les femmes, mais depuis quelque temps, nous constatons que des femmes se voient condamnées pour s’être éloignées géographiquement alors qu’elles étaient en grand danger, et que la résidence des enfants est confiée à l’agresseur. L’application de la loi était déjà limitée ; avec cette proposition de loi, nous nous retrouvons avec un permis de harceler.

Nous avons participé au groupe de travail interministériel sur la coparentalité, qui s’est réuni à plusieurs reprises en 2013 sous l’égide des ministères de la famille et de la justice. Nous vous donnerons notre position sur les différents points qui ont été évoqués dans ce cadre.

Il est important que la convention d’Istanbul figure en introduction ou en « chapeau » dans le texte, pour rappeler les grands principes, en particulier le fait que la violence à l’encontre du parent fiable ou de l’enfant lui-même doit toujours peser dans les décisions relatives à l’exercice des droits parentaux, et que l’exercice du droit de visite ou de résidence ne doit à aucun moment compromettre la sécurité des victimes et celle de leurs enfants.

En ce qui concerne l’article 3, nous ne sommes pas favorables à une définition de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, dans la mesure où il existe déjà une jurisprudence dans ce domaine.

Pourquoi ne pas introduire une définition de la violence conjugale dans le code civil, afin que les juges puissent s’en saisir ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cela ne vous paraît pas clair ?

Maître Isabelle Steyer, avocate de la FNSF. Non. Cette définition de la violence conjugale n’existe pas de fait dans le code civil. En matière pénale, elle n’existe que dans la mesure où elle peut conduire à une condamnation pénale, et non à une incapacité de travail temporaire (ITT) ; elle n’est pas définie comme la violence conjugale qui conduit à ruiner la santé de la femme et sa liberté. C’est précisément parce qu’il n’existe pas de définition que l’on tente de « lisser » la violence conjugale en passant par cette proposition de loi sur l’autorité parentale, qui donne à penser qu’il ne s’agit pas de violence conjugale, mais de conflit parental.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Notre attention avait-elle été attirée sur cette nécessité de définir la violence conjugale au moment du débat sur la loi de 2010 ?

Maître Isabelle Steyer. Je l’avais fait. Je vais vous redire pourquoi cette définition est nécessaire en matière civile, et non en matière pénale. En matière civile, le demandeur et le défendeur ont le même pouvoir probatoire, alors qu’en matière pénale, la charge de la preuve est renversée. La victime doit donc prouver ce qui lui arrive, tandis que l’auteur est présumé innocent et peut donc se présenter comme victime de fausses allégations de la part de cette première. En outre, les magistrats qui ont à connaître de cas de violences conjugales sont encore très peu formés en ce domaine ; par conséquent, il n’existe pas de définition intellectuelle qui soit partagée par tous sur ce qu’est la violence conjugale. Il est donc important que le code civil soit clarifié sur ce point.

Cette proposition de loi vient vider de son sens la loi de 2010. Faut-il rappeler qu’en matière de violences conjugales, rien ne fonctionne normalement, que tous les schémas de pensée et d’agissement sont inversés ? Les hommes utilisent les principes généraux, que ce texte renforce, pour ne plus protéger les femmes, et les magistrats font prévaloir le principe général, puisque nous ne sommes pas dans l’exception. Les mères qui quittent le domicile en urgence, avec les preuves qui sont les leurs en matière de violences conjugales, perdent aujourd’hui systématiquement la garde des enfants, y compris de bébés, quand bien même elles ont bénéficié d’une ordonnance de protection trois mois auparavant – c’est la tendance actuelle. Elles ne sont pas suffisamment protégées par l’ordonnance de protection, n’ayant à peu près jamais droit à la protection de leur adresse, puisqu’il y a des enfants. Elles sont donc encore poursuivies ; et lorsqu’elles partent un peu plus loin, elles perdent la garde de leurs enfants. La loi de 2010 n’est donc pas assez efficace, puisque seuls deux ou trois articles visent la violence conjugale et que celle-ci n’est pas définie. Elle intègre la violence psychologique, en matière pénale, où les preuves sont très difficiles à apporter. Lorsque la femme allègue de violences physiques, l’homme répond qu’il est victime de violences psychologiques – et on le croit, puisqu’il est reçu bien avant elle lorsqu’il va déposer plainte pour non-représentation d’enfant.

Mme Stéphanie Lamy. Intégrons donc la violence économique dans les textes.

Maître Isabelle Steyer. Je vous rejoins : il faut intégrer la violence économique dans la définition de la violence conjugale. En effet, c’est par la multiplication des procédures, l’organisation de l’insolvabilité, ou encore en l’empêchant d’accéder aux comptes, que l’on parvient à ruiner l’autre partie, à la mettre à la rue, bref à la réduire à néant pour récupérer la garde des enfants. La législation et la jurisprudence ne font donc que reproduire ce qui se passe à l’intérieur des couples. Cette proposition de loi va donner à l’agresseur, par le biais de l’autorité parentale – qui est le chemin de croix des victimes de violences conjugales, puisqu’elles devront demander l’autorisation pour tout, ce qui est aussi une atteinte à leur liberté –, un instrument légal pour saisir le magistrat pour un oui ou pour un non. Avec le pouvoir économique dont il dispose le plus souvent, il lui suffira d’un peu de savoir-faire pour ruiner une femme victime de violences.

Mme Françoise Brié. En fait, il faudrait introduire dans chaque article une exception de principe pour les cas de violence conjugale.

Maître Isabelle Steyer. Ou une exception générale selon laquelle le principe ne peut s’appliquer à ces cas.

Reste à prouver que l’on se trouve dans une situation de violence conjugale. Certainement pas en exigeant une condamnation, puisque seule une femme concernée sur dix porte plainte, et que très peu de ces plaintes débouchent sur une condamnation.

Mme Christine Passagne. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la rédaction de l’article 4 n’est pas satisfaisante à cet égard.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous allons demander à ce qu’elle soit modifiée en faisant plutôt référence à l’ordonnance de protection.

Mme Christine Passagne. Il y a des juridictions qui n’en prononcent aucune.

Maître Isabelle Steyer. J’attire votre attention sur le fait que la référence à l’ordonnance de protection pourrait avoir un effet pervers en donnant à penser que les femmes qui ne sont pas titulaires d’une telle ordonnance ne sont pas victimes.

Mme Françoise Brié. Retenons plutôt le dépôt de plainte, les témoignages, les certificats médicaux, bref toutes les preuves qui peuvent être utilisées à l’appui d’une demande d’ordonnance de protection.

Mme Stéphanie Lamy. Dans un rapport qui vient d’être publié, le Haut Conseil de la famille préconise la création d’une juridiction spécialisée pour ces affaires.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Cette éventualité avait déjà été débattue en 2010. Je sais que cela existe en Espagne, mais nous n’avions pas voulu y donner suite à l’époque. Il faut dire que les juridictions spécialisées ont mauvaise presse en France.

Mme Nicole Crépeau. Qu’il y ait au moins des juges spécialisés ou formés.

Mme Françoise Brié. La FNSF est tout à fait d’accord pour donner la parole à l’enfant et pour contrer la jurisprudence de la Cour de cassation sur le syndrome d’aliénation parentale. Mais nous sommes favorables à ce qu’un avocat soit désigné pour porter la parole de l’enfant, afin d’éviter de confronter celui-ci à un conflit de loyauté.

Mme Carole Lapanouse, présidente de l’association SOS les Mamans. À nos yeux, cette proposition de loi va fragiliser davantage les parents protecteurs, qui sont surtout des femmes puisque la pédocriminalité est masculine à 97 %, que 600 000 femmes sont chaque année touchées par les violences conjugales et 200 000 par les violences sexuelles.

Il nous paraît moins important de légiférer sur les conventions, qui s’appliquent déjà dans la majorité des cas, que sur les conflits, a fortiori lorsqu’il s’agit de conflits avec allégations de violence.

Nous rejoignons évidemment le CNIDFF au sujet du syndrome d’autorité parentale et avons obtenu de Mmes Taubira et Vallaud-Belkacem la promesse que la question serait étudiée.

Nous sommes également d’accord avec la FNSF, notamment lorsqu’elle dénonce le durcissement des pénalités applicables en cas d’éloignement géographique, sachant qu’une femme qui se voit aujourd’hui proposer par Pôle emploi un emploi à cinquante kilomètres de chez elle est déjà dans l’obligation de le refuser.

Il est essentiel de savoir ce que recouvre une non-représentation d’enfant et dans quelles proportions ces non-représentations peuvent être la conséquence d’allégations de violence.

Nous nous interrogeons également sur la double domiciliation : ne risque-t-on pas au final d’aboutir à une garde alternée par défaut ? Dès 2002, la Société française de psychiatrie et les associations de défense des droits des femmes avaient alerté M. Perben sur les résidences alternées imposées sans garde-fou. Cela fait douze ans, et rien n’a changé. La proposition de loi précise qu’un déménagement ou un changement d’école sont des actes importants. Pourquoi dès lors ne requerraient-ils pas la double signature ?

Le témoignage de Barbara que vous allez entendre illustrera mon propos. Cette maman, parent protecteur, dont la fille a subi des attouchements signalés par la crèche car il n’était même plus possible de lui mettre une couche, se retrouve en situation de non-représentation d’enfant, et la proposition de loi va aggraver la contravention qu’elle encourt et les risques d’emprisonnement qui pèsent sur elle. De surcroît, on lui impose la garde alternée alors que son enfant a fait l’objet de deux autres signalements par des professionnels.

Mme Françoise Brié. On considère souvent qu’il s’agit d’allégations mensongères. Une mère qui affirme que son enfant est victime de tels faits est d’emblée discréditée.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mais, en l’occurrence, le signalement a été fait par la crèche…

Mme Delphine Boué. Les professionnels sont également mis en cause. Je suis orthophoniste, et nous avons des ordres très clairs de nos syndicats nous enjoignant de ne plus délivrer d’attestation dans les situations de divorce.

Barbara, maman victime, de l’association SOS les Mamans. Les directeurs d’école appliquent les mêmes consignes.

Pour en revenir à mon cas, j’ai porté plainte pour violence à quatre reprises contre le père de ma fille, mais, malgré neuf jours d’ITT, aucune de ces plaintes n’a été retenue contre lui. Ma fille, aujourd’hui âgée de quatre ans et demi, a fait l’objet d’un signalement de la part de la crèche, puis de la part d’un médecin, pour suspicion d’abus sexuel. Elle a été vue par un expert qui, contrairement aux recommandations, ne m’a jamais rencontrée, ni son père. Elle est en résidence alternée car, après deux non-représentations, le père a porté plainte contre moi en correctionnelle. Je me plie donc au jugement, bien que ma fille parte chez son père en hurlant.

Mme Maud Olivier. Votre fille est-elle victime de violences ?

Barbara. Elle se plaint de violences et d’abus sexuels. La crèche a fait un signalement il y a deux ans après avoir constaté des rougeurs. Aujourd’hui, elle peut s’exprimer, mais en vain puisqu’on ne l’écoute pas.

Mme Carole Lapanouse. Barbara ne peut plus aborder ces choses-là avec sa petite fille, car son avocate l’a avertie qu’elle serait accusée, le cas échéant, d’entretenir le conflit avec le père.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mais la protection maternelle et infantile (PMI) n’est-elle pas intervenue ?

Barbara. La PMI ne s’est pas mouillée et n’a pas voulu trancher.

Claire, maman victime, de l’association SOS les Mamans. Je suis dans une situation similaire. Mes enfants de quatre et six ans sont battus par leur père, qui a été condamné à six mois de prison avec sursis pour violences conjugales.

À l’origine, ils voyaient leur père dans un lieu médiatisé. Après un avis favorable du psychologue, convaincu que les réticences de mon fils envers son père n’étaient que la projection de mes propres angoisses, la cour d’appel de Paris a accordé à mon ex-conjoint un droit de visite élargi, autant dire une quasi-garde alternée.

Lorsque mes enfants me disent aujourd’hui que leur père les bat, je leur réponds que je ne peux rien faire, et ce malgré une condamnation pénale, un signalement fait par la crèche pour enlèvement d’enfant, deux signalements faits par l’école et des attestations du pédiatre ayant constaté les coups.

J’ai fait un référé en urgence en novembre. Nous avons été convoqués il y a un mois seulement : le père n’était pas à l’audience ; il était parti à l’étranger avec les enfants.

L’ultime audience, devant le juge des enfants, s’est soldée par un non-lieu, le juge m’ayant expliqué que ce n’était pas parce que mon mari me frappait qu’il frappait aussi mes enfants et que je devais arrêter de jouer les victimes ! Il a estimé se trouver devant une banale situation de conflit parental et a conclu qu’en cas de désaccord persistant entre moi et mon ex-conjoint, il procéderait au placement des enfants.

Le père fait appel de toutes les décisions. J’en ai pour quinze mille euros de frais d’avocat et suis asphyxiée financièrement. D’autant que j’ai pu conserver le domicile conjugal, mais à titre payant, ce qui fait de moi la locataire de mon agresseur.

En lisant la proposition de loi, je suis tombée à la renverse : l’autorité parentale n’est qu’un moyen supplémentaire donné aux agresseurs pour agresser les femmes.

Mme Carole Lapanouse. Il faut arrêter les médiations en cas de violence, elles sont inutiles.

Maître Charlotte Posse, avocate de l’association SOS les Mamans. Je suis avocate bénévole de l’association SOS les Mamans. Nous avons été reçues ce matin par Mme Rossignol et avons évoqué avec elle la question de la preuve, qui n’a rien d’évident lorsqu’il s’agit de jeunes enfants, a fortiori lorsque le juge met en doute l’origine des bleus constatés et qu’il se demande si ce n’est pas la mère qui les aurait intentionnellement provoqués dans le but de faire accuser son conjoint…

Mme Maud Olivier. Vos exemples doivent nous aider à exposer aux auteurs de la proposition de loi que la question est, en l’état, mal posée.

Maître Isabelle Steyer. Le problème est qu’il n’y a pas de lien entre le pénal et le civil, ni entre le juge aux affaires familiales (JAF) et le juge des enfants.

Mme Catherine Coutelle. Ce n’est pas forcément le sentiment de la magistrature.

Maître Charlotte Posse Les violences conjugales sont parfois jugées après l’audience devant le JAF et ne sont donc pas prises en compte par ce dernier, car les deux procédures se déroulent en parallèle, dans des délais différents.

J’en reviens à notre entretien avec Mme Rossignol. Nous avons également soulevé avec elle le fait que cette proposition de loi nous semble instaurer une résidence alternée déguisée. Auparavant, le juge avait à décider entre trois options : droit de visite et hébergement classique, droit de visite élargi ou garde alternée. Comment statuera-t-il désormais en cas de résidence chez les deux parents ? On nous a parlé d’une résidence à 85 % chez la mère et à 15 % chez le père. Mais que se passera-t-il si quelqu’un demande une garde à 28 % ? La proposition de loi n’est pas très claire sur cette question.

Mme Françoise Brié. Les situations de violence ne sont pas que des cas particuliers, elles concernent des millions des personnes. Nos associations sont sans cesse confrontées aux difficultés causées par l’exercice de l’autorité parentale, et cette loi ne va pas nécessairement améliorer les choses.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ne nous le cachons pas, cette loi est une victoire pour certains.

Mme Carole Lapanouse. Mme Rossignol nous a expliqué ce matin que les notions de violence et de double signature étaient compliquées à introduire dans la loi. Mais la contraventionnalisation de la non-représentation de l’enfant lors de la première infraction et l’établissement d’une double domiciliation, avec tous les changements que cela implique, en particulier dans le code des impôts, ne sont-elles pas tout aussi complexes à mettre en œuvre ? Certains discours sont intolérables et pourraient nous conduire, à défaut de monter sur des grues, à mettre le feu.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous vous avons entendues, mesdames, et nous ferons notre possible pour que la violence dont vous nous avez fait part soit prise en compte.

II. EXAMEN DU RAPPORT (MARDI 6 MAI 2014)

La Délégation a examiné le présent rapport d’information, au cours de sa réunion du mardi 6 mai 2014.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Chers collègues, je vous remercie d’être aujourd’hui présents pour examiner le rapport d’information et les recommandations sur la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant.

Quelques mots tout d’abord sur le contexte : pendant l’interruption des travaux de l’Assemblée nationale en mars dernier, une proposition de loi a été préparée à l’initiative du groupe socialiste, en s’appuyant sur des travaux réalisées à la demande de Mme Dominique Bertinotti, alors ministre déléguée chargée de la Famille, dans la perspective d’un projet de loi sur la famille, qui n’a finalement pas été inscrit à l’ordre du jour par le Gouvernement. Ce texte a néanmoins été repris « par morceaux » ; c’est ainsi que la présente proposition de loi porte sur l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant. On peut d’ailleurs observer que les mots « intérêts de l’enfant », contrairement à ceux d’autorité parentale, ne figurent pas en gras dans l’intitulé de ce texte.

Si la Délégation aux droits des femmes n’avait pas initialement envisagé  – peut-être à tort – de se saisir de cette proposition de loi qui concerne le droit de la famille, elle a finalement souhaité engager des travaux en avril sur ce texte, dont Mme Marie-Noëlle Battistel a été désignée rapporteure.

Plusieurs auditions ont été organisées mardi et mercredi derniers. Cela nous a notamment permis d’entendre des responsables de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), qui n’avait pas été auditionnée par les auteurs de la proposition de loi. C’est d’ailleurs la vocation de la Délégation que de compléter et d’enrichir les travaux d’autres commissions.

J’ajoute que des alertes ont été lancées par certaines associations féministes, qui nous ont fortement interpellés sur ce qui leur est apparu comme une contradiction entre la loi du 9 juillet 2010 et la présente proposition de loi qui peut donner l’impression de « gommer » la précédente, en n’évoquant pas la question des violences faites aux femmes. Cela est d’autant plus regrettable que le Sénat, après l’Assemblée nationale, vient d’autoriser la ratification de la convention d’Istanbul, qui impose que toutes les législations soient mises en conformité afin de protéger les femmes et les enfants victimes de violences.

La proposition de loi sera examinée cet après-midi par la commission des Lois, puis en séance publique, le lundi 19 mai. Nous déposerons ultérieurement des amendements et je vous invite, mes chers Collègues, à les diffuser largement et à les faire signer par le plus grand nombre.

Je tiens enfin à saluer le travail réalisé par la rapporteure dans les délais particulièrement resserrés qui nous ont été impartis pour l’examen de ce texte.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avant d’en venir aux recommandations, sur lesquelles nous pourrions concentrer nos débats, je présenterai tout d’abord brièvement les principaux points du rapport.

En premier lieu, il apparaît que la proposition de loi pourrait être améliorée afin de mieux affirmer les devoirs parentaux et de rééquilibrer certaines dispositions.

Le texte proposé a pour objectif d’adapter le droit civil aux nouvelles configurations familiales. La fragilisation des unions, les familles recomposées, l’absence de certains pères dans la vie des enfants ou encore le développement des familles monoparentales imposent en effet une réflexion. L’exercice en commun de l’autorité parentale est un principe général du code civil. Cela implique une égalité des droits des parents à l’égard des enfants. Le chapitre premier de la proposition de loi vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale par les parents séparés.

Si la proposition de loi comporte certaines avancées positives, plusieurs personnes entendues par la Délégation ont regretté qu’elle ne prenne pas en compte certaines situations familiales, par exemple lorsque le père est absent ou défaillant. C’est également le cas dans les situations de violences intrafamiliales.

Le rapport souligne ainsi, dans un deuxième temps, que la proposition de loi doit être complétée pour protéger les femmes et les enfants victimes de violences.

La médiation familiale, instituée par la loi du 4 mars 2002, est apparue au législateur comme une réponse adaptée au traitement des conflits familiaux en visant un traitement amiable des différends avec l’aide d’un tiers impartial. Elle peut avoir un impact positif, mais il importe de distinguer le conflit familial des situations de violences.

La proposition de loi prévoit de développer le recours à la médiation familiale. Or la médiation familiale devrait être exclue dans les situations de violences conjugales et d’emprise. En cohérence avec les dispositions sur la médiation pénale dans le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, la médiation familiale ne doit pas pouvoir s’appliquer dans les cas de violences.

D’une manière générale, la problématique des violences conjugales et intrafamiliales n’est pas évoquée dans la proposition de loi, et c’est là une source d’inquiétudes. La Délégation pourrait dès lors préconiser d’exclure l’application des articles 4, 7 et 8 dans les cas de violences conjugales. Enfin, dans la mesure où la coparentalité s’avère dangereuse dans les situations de violences conjugales, il conviendrait de réfléchir à des exceptions à la coparentalité. En conséquence, les critères d’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale pourraient être élargis aux situations de violences conjugales.

Je vous propose d’examiner à présent les dix-huit recommandations que la Délégation pourrait adopter.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce texte peut apparaître simple, mais les associations féministes nous ont fait part de leurs inquiétudes, et il n’est d’ailleurs pas certain que tout cela soit parfaitement cohérent avec le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui va revenir prochainement en seconde lecture.

Mme Edith Gueugneau. Nous avons également été sensibilisés à ces questions par Mme Ernestine Ronai. Il est toujours très ennuyeux de travailler dans l’urgence et de manquer de recul, en particulier sur ces questions.

Mme Barabara Romagnan. Il est tout de même surprenant d’être appelés à se prononcer sur des textes qui seraient en contradiction avec ce que l’on vient de voter.

Mme la rapporteure. En effet !

La première recommandation vise à engager un programme pluriannuel d’études et prévoir le dépôt d’un rapport au Parlement d’ici 2015 sur la période « post séparation » et les conséquences des ruptures conjugales, en particulier sur  le paiement des pensions alimentaires, l’exercice du droit de visite et d’hébergement, le respect des temps de résidence chez chacun des parents, etc. Des travaux très récents du Haut conseil de la famille ont en effet souligné le manque de connaissances dans ce domaine.

Mme Edith Guegneau. Je partage totalement cette préoccupation. Ce rapport nous permettrait d’avoir une évaluation et des chiffres, comme nous avons d’ailleurs pu le demander à d’autres occasions.

Mme la rapporteure. Cela serait d’autant plus justifié qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact pour cette proposition de loi.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous invite à lire le rapport récent du Haut conseil de la famille sur les ruptures familiales, qui a été publié en avril 2014, et n’a donc pas été pris en compte lors de l’élaboration de la proposition de loi. En tout état de cause, qu’il s’agisse par exemple des non-représentations d’enfant ou du non-paiement de la pension alimentaire, il y a une méconnaissance de ces situations. Il convient donc de combler ces lacunes.

M. Jacques Moignard. Cependant, les départements ne font-il pas chaque année un rapport sur ce type de situations, et notamment sur les pensions alimentaires ou l’exercice du droit de visite ? Le cas échéant, il serait possible de collationner l’ensemble de ces données.

Mme la présidente. Cela supposerait néanmoins d’avoir des statistiques comparables entre départements. En tout état de cause, il serait intéressant de disposer des données concernant un département qui aurait travaillé sur ces questions.

Mme Maud Olivier. Ce serait utile d’avoir des données provenant de différents services. Cela étant, c’est surtout la justice qui pourrait fournir ce type d’informations, plutôt que les départements, dans la mesure où des enquêtes n’ont pas vraiment à être menées sur ces questions dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance.

M. Jacques Moignard. Sauf dans de petits départements, où ce type de travail peut être réalisé en commun ; je vais vérifier ce point.

Mme la rapporteure. Il est vrai qu’il serait intéressant d’avoir des données concernant au moins un département.

La deuxième recommandation vise à assouplir la rédaction proposée à l’article 4 de la proposition de loi, qui prévoit l’accord des deux parents, même pour les actes usuels.

Mme Maud Olivier. Assouplir cette rédaction signifie-t-il retirer la notion d’actes usuels ?

Mme la rapporteure. On pourrait estimer qu’il y a des actes usuels qui impliquent simplement l’information de l’autre parent, et non pas nécessairement l’accord.

Mme la présidente. Pour les actes importants, la proposition de loi prévoit l’accord exprès des deux parents. La question se pose de l’accord également requis pour les actes usuels. Il y a eu des remontées d’associations féministes sur cette question, car dans des situations de violence et de conflits, des parents séparés vont se retrouver de ce fait dans l’obligation de discuter presque quotidiennement d’actes usuels, y compris d’aller au sport, etc. C’est l’un des articles qui nous posent le plus de problèmes.

Mme Maud Olivier. Ne pourrait-on dès lors prévoir l’information pour les actes usuels et l’accord pour les actes importants ?

Mme la rapporteure. Mais à partir de quel moment l’acte usuel devient-ilimportant ?

Mme Edith Gueugneau. C’est vrai que lorsque les parents sont séparés, ils peuvent choisir des écoles différentes pour inscrire leurs enfants. Si les signatures des deux parents sont requises, cela peut apparaître comme de nature à régler les problèmes. Soit les parents parviennent à s’entendre, soit le juge intervient.

Mme la rapporteure. Nous sommes bien là dans le cadre des actes importants.

Mme Barbara Romagnan. En général, je regarde toujours les situations du côté des femmes. Mais il faut reconnaître qu’il y a des cas où les pères ont l’autorité parentale partagée tandis que la garde a été confiée à la mère, et il arrive que ces pères soient réellement soucieux de l’éducation et du bien-être de leurs enfants. Or on ne leur demande pas leur accord, ils ne sont pas associés aux décisions et c’est dommage. Je connais au moins trois situations de ce type. Ce n’est pas représentatif statistiquement et je ne prétends rien démontrer, mais les pères soucieux de leurs enfants existent. Il ne faut pas les mettre à l’écart par principe.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mais savez-vous pour quelles raisons ils ont si peu la garde ? Lorsqu’il y a une convention de divorce, les parents peuvent discuter. D’ailleurs, une très large majorité des parents sont d’accord sur les décisions. Sinon, c’est le juge qui tranche. La difficulté réside dans les cas de blocage.

Mme Barbara Romagnan. Il y a aussi des situations où le père voudrait la garde, mais c’est le plus souvent la mère qui l’obtient. Or les droits doivent être partagés et dans la pratique, les pères peuvent être mis à l’écart et s’en plaignent.

Mme la rapporteure. L’accord des deux parents pourrait n’être requis que pour les actes importants.

Mme Barbara Romagnan. Cela peut être tout de même un peu rude lorsque, déjà un père n’a pas choisi de voir ses enfant seulement un week-end sur deux, de se voir dire en plus que les actes importants qui nécessitent son accord se limitent en fait au changement d’établissement scolaire ou de résidence.

Mme Maud Olivier. Les parents peuvent discuter et se mettre d’accord. Mais s’il y a blocage, le juge intervient.

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est tout de même compliqué d’aller devant le juge pour tout et n’importe quoi ! Toujours est-il que les associations féministes réagissent car à la lecture de l’article 4, on y voit la possibilité d’empêcher le conjoint de déménager. Quant à l’alinéa qui prévoit d’exclure l’accord des deux parents en cas de condamnation d’un des deux parents pour violences, on sait bien que cette condamnation est souvent tardive !

Mme la rapporteure. Lors des auditions, il a été souligné que s’il n’y a pas d’accord des deux parents pour les actes usuels, l’enfant se sent coupable de réactiver le conflit entre ses parents, et c’est pour lui une violence.

Mme Barbara Romagnan. Il est tout à fait légitime de dénoncer les pères qui ne paient pas leur pension alimentaire ou de façon irrégulière. Mais si on veut un peu libérer aussi les femmes de leur fonction maternelle, alors il faut bien reconnaître un peu aux hommes leur rôle de père.

Mme la rapporteure. S’agissant des dispositions de la proposition de loi relatives à la résidence fixée chez les deux parents, il convient de veiller à ce que les prestations sociales et les avantages fiscaux restent attribués au parent ayant la charge matérielle principale de l’enfant (recommandation n° 3). La secrétaire d’Etat a d’ailleurs évoqué cette question.

La recommandation n° 4 vise à mieux encadrer le dispositif d’amende civile prévu par l’article 5 de la proposition de loi et prévenir le recours à celle-ci, en la limitant aux cas d’obstacles graves « et » renouvelés aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et en supprimant les dispositions relatives aux « prérogatives » de l’autre parent. Dans ce sens, il est également prévu, en amont, la possibilité pour un parent séparé de contester une décision devant le juge aux affaires familiales en référé si nécessaire, et enfin de développer une information publique sur ces questions.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Sur l’article 5 et cette amende civile, nous n’avons pas très bien compris comment cela se passerait concrètement. Le père ira-t-il chercher un policier pour faire constater la non-représentation d’enfant ? Qui va faire le constat ?

Mme Maud Olivier. Et cela s’appliquera-t-il également en cas de non-paiement de la pension alimentaire ?

Mme la rapporteure. Ce mécanisme d’amende sanctionne les manquements aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale à hauteur maximale de 10 000 euros.

Je précise par ailleurs que la recommandation n° 9 vise à renforcer la protection des mères et de leurs enfants contre les impayés de pension alimentaire, en élargissant le champ de l’amende civile prévue par l’article 5 au non-paiement de la pension, en veillant à ce que le paiement au Trésor public ne soit pas prioritaire par rapport à celui de la pension par l’ex-conjoint, et en rappelant que l’insolvabilité organisée ne saurait dispenser un parent du versement de la pension alimentaire.

M. Jacques Moignard. Une amende de plus en somme ! L’amende civile ne va pas discipliner les parents pour la présentation de l’enfant. C’est malvenu !

Mme Maud Olivier. Nous pouvons proposer la suppression de l’amende. Au reste, les auditions que nous avons menées n’ont pas permis de faire apparaître clairement l’intérêt que présenterait cette amende.

M. Jacques Moignard. Ce n’est pas parce que l’on va taxer les parents qu’ils vont faire mieux. Ce qui est efficace, c’est de modifier par exemple les conditions de visite. Déjà que les amendes pour stationnement ne marchent pas…

Mme Barbara Romagnan. Je me demande si cela ne va pas en plus peser sur des personnes qui n’ont pas forcément de hauts revenus.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En principe, on tient compte des facultés contributives des parents et donc des revenus. Mais qui fixe le montant de l’amende ? On n’arrivera pas avec un carnet à souche ! Peut-être devrait-on souligner dans le rapport que cet article semble poser plus de questions qu’il n’en résout. Comment pourrait-on dire cela et quelle recommandation adopter ?

M. Jacques Moignard. L’idée de départ est mauvaise.

Mme la présidente Catherine Coutelle. En tout état de cause, soit on préconise la suppression de l’article 5, soit on essaye de l’améliorer.

Mme Maud Olivier. Quand la mère constate des violences commises sur l’enfant et qu’elle refuse de représenter l’enfant, elle aurait en plus une amende, c’est choquant !

Mme Barbara Romagnan. Je ne suis pas convaincue par l’amende.

Mme Maud Olivier. Cette amende ne peut qu’aggraver les relations entre les deux parents et je ne vois pas bien où est l’intérêt de l’enfant dans tout cela. 

Mme la présidente Catherine Coutelle. Peut-être pourrions souligner dans le rapport que Délégation a estimé que cet article pose plus de problèmes qu’il n’en résout, tout en gardant la recommandation présentée par la rapporteure ?

Mme la rapporteure. Mais dans ce cas, ne faudrait-il pas supprimer la recommandation par cohérence ? Je précise par ailleurs que dans l’éventualité où la recommandation sur la suppression de l’article 5 serait adoptée, la recommandation n° 9, pour ce qui concerne l’élargissement du champ de l’amende prévue par l’article 5 au non-paiement de la pension alimentaire, deviendrait sans objet.

Mme Edith Gueugneau. Il s’agit là de questions très complexes.

Après un débat sur la recommandation n° 4, la Délégation se prononce en faveur de la suppression de l’article 5 de la proposition de loi.

Mme la rapporteure.  La cinquième recommandation vise à prévoir que l’infraction au titre de la non-représentation de l’enfant ne peut être constituée lorsque le parent déposant plainte n’a pas respecté ses obligations en matière d’exercice du droit de visite ou du devoir d’accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus : elle propose de modifier en ce sens l’article 8 de la proposition de loi.

Mme Maud Olivier. Est-il prévu une exception en cas de violences ?

Mme la rapporteure. La recommandation n° 15  prévoit en ce sens d’introduire, aux articles 4, 7 et 8 relatifs à l’exercice de l’autorité parentale, au domicile de l’enfant et au droit de visite, une exemption d’application pour les situations de violences intrafamiliales.

Il est par ailleurs proposé de préciser dans le code civil que l’exercice de l’autorité parentale a pour objet de garantir les droits et l’intérêt de l’enfant. S’agissant de la recommandation n° 7, il s’agit de sanctionner le parent qui n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus. Mais il faut la modifier car il y est fait référence à l’article 5 de la proposition de loi, pour la suppression duquel la Délégation vient de se prononcer.

Mme Maud Olivier. Cela étant, sanctionner n’implique pas nécessairement une contravention. Il peut s’agir, par exemple, d’une limitation du droit de visite. Il conviendrait de travailler plutôt sur ce type de questions.

M. Jacques Moignard. Cela se fait d’ailleurs sur le terrain.

Mme Barbara Romagnan. Il ne s’agit pas, en effet, de « forcer » le parent qui n’assume pas ses responsabilités à voir son enfant.

M. Jacques Moignard. Les situations peuvent évoluer très rapidement dans le temps.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il conviendra dès lors d’enlever la référence à l’article 5 dans la formulation de cette recommandation.

Mme la rapporteure. La huitième recommandation vise à prévoir expressément dans le code civil la possibilité de suspendre provisoirement l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille (non-paiement caractérisé de la pension alimentaire), de non exercice du droit de visite ou de non accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, de façon renouvelée, et tant que le parent n’aurait pas recommencé à assumer ses obligations familiales pendant au moins six mois.

Mme Maud Olivier. Cela n’existe-t-il pas déjà ?

Mme la rapporteure. Il convient en tout état de cause de renforcer la protection des mères et de leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires (recommandations n° 9 à 12), en rappelant tout d’abord que l’insolvabilité organisée ne saurait dispenser un parent du versement de la pension alimentaire. La pension alimentaire devrait par ailleurs être augmentée lorsque le parent débiteur ne remplit pas son droit de visite ou n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus. Il conviendrait également de prévoir l’indexation de la pension alimentaire sur les salaires et non sur les prix Enfin, comme cela a été suggéré au cours de nos travaux, des dispositions pourraient être introduites concernant la possibilité de paiement de la pension alimentaire par virement, étant précisé que certaines réserves ont été exprimées sur ce point compte tenu du risque que la domiciliation bancaire fournisse une indication sur le domicile de l’autre parent.

Mme Maud Olivier. Ne pourrait-on prévoir une domiciliation ailleurs, par exemple auprès d’associations de lutte contre les violences, voire chez des avocats ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il convient en tout état de cause d’éviter que l’argent circule dans les mains de l’enfant pour le donner à la mère.

Mme Edith Gueugneau. Si cela est aujourd’hui interdit, il serait intéressant de prévoir au moins la possibilité d’un paiement de la pension alimentaire par virement bancaire.

Mme la rapporteure. S’agissant du chapitre III de la proposition de loi, il est proposé de le compléter afin de spécifier que la médiation familiale est exclue en cas de violences ou lorsqu’elle a pour conséquence d’allonger inconsidérément les délais de la procédure en cours, et de prévoir dans la formation dispensée aux médiateurs familiaux un enseignement sur la détection des violences et des phénomènes d’emprise (recommandations n°  13 et 14).

Comme cela a été souligné précédemment, il est par ailleurs nécessaire de prévoir aux articles 4, 7 et 8 de la proposition de loi une exemption d’application pour les situations de violences intrafamiliales (recommandation n° 15).

Mme Maud Olivier. Au-delà des violences conjugales, pourrait-on faire référence aux violences intrafamiliales ?

Mme la présidente. En effet. Cela permettrait de viser les femmes et les enfants victimes de violences.

S’agissant par ailleurs du dispositif pénal prévu par l’article 8, relatif à la contravention de quatrième classe, lors de la première infraction au titre de non représentation d’enfant, je rappellerai que pour la prostitution, nous avions prévu une contravention de la cinquième classe, parce que justement cela passait par un jugement. En outre, comme l’a fait observer une personne auditionnée, l’exposé des motifs suggère que l’objectif de ces dispositions est notamment de faciliter l’établissement de la preuve.

Mme la rapporteure. Le rapport préconise enfin d’élargir les critères d’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale aux situations de violences conjugales (recommandation n° 16). Il est également proposé d’encadrer le droit de visite et d’hébergement ou temps d’accueil en un lieu de rencontre médiatisé ou avec un accompagnant, lorsque l’un des parents porte plainte pour violence sur enfant ou en cas de signalement, et, dans le prolongement du projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, de valoriser et développer les espaces de rencontre médiatisés pour que le maintien des relations parents-enfants se fasse sans danger dans les cas de violence (recommandations n° 17 et 18).

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il est aussi important de veiller à la formation des acteurs.

Mme la rapporteure. C’est précisément l’objet de la recommandation n° 14.

Mme Barbara Romagnan. Est-t-il nécessaire de rappeler des dispositions par ailleurs prévues dans d’autres textes ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il peut être nécessaire de donner un signal, en soulignant à nouveau l’importance de dispositions prévues notamment par la loi du 9 juillet 2010, par le projet de loi pour l’égalité femmes-hommes ou encore par la convention d’Istanbul.

*

La Délégation adopte le rapport d’information ainsi que les recommandations présentées ci-après.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

PRENDRE EN COMPTE EN COMPTE CERTAINES SITUATIONS FAMILIALES ET VEILLER A L’EQUILIBRE DES DROITS ET DES DEVOIRS

Recommandation n° 1 : engager un programme pluriannuel d’études et prévoir le dépôt d’un rapport au Parlement d’ici 2015 sur la période « post séparation » et les conséquences des ruptures conjugales, en particulier sur : le paiement des pensions alimentaires ; l’exercice du droit de visite et d’hébergement ; le respect des temps de résidence chez chacun des parents ; les motifs de rupture du lien père-enfant ; le nombre et les raisons de la non représentation des enfants ; le coût et la prise en charge des dépenses liées à l’enfant dans les couples séparés.

Recommandation n° 2 : à l’article 4, pour les actes usuels, assouplir la rédaction proposée qui prévoit l’accord des deux parents.

Recommandation n° 3 : veiller à ce que les prestations sociales et avantages fiscaux puissent rester attribués au parent ayant la charge matérielle principale de l’enfant, en clarifiant en ce sens l’article 7 de la proposition de loi.

Recommandation n° 4 : supprimer l’article 5 de la proposition de loi relatif au dispositif d’amende civile.

Recommandation n° 5 : prévoir que l’infraction au titre de la non-représentation de l’enfant ne peut être constituée lorsque le parent déposant plainte n’a pas respecté ses obligations en matière d’exercice du droit de visite ou du devoir d’accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, en modifiant en ce sens l’article 8 de la proposition de loi.

Recommandation n° 6 : préciser dans le code civil que l’exercice de l’autorité parentale a pour objet de garantir les droits et l’intérêt de l’enfant, en complétant en ce sens l’article 372 du code civil (article 3 de la proposition de loi).

Recommandation n° 7 : sanctionner le parent qui n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus.

Recommandation n° 8 : prévoir expressément dans le code civil la possibilité de suspendre provisoirement l’exercice de l’autorité parentale en cas d’abandon de famille (non-paiement caractérisé de la pension alimentaire), de non exercice du droit de visite ou de non accueil de l’enfant pendant les temps de résidence convenus, de façon renouvelée, et tant que le parent n’aurait pas recommencé à assumer ses obligations familiales pendant au moins six mois.

Endiguer les violences économiques et les risques de précarité

Recommandation n° 9 : renforcer la protection des mères et de leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires en rappelant que l’insolvabilité organisée ne saurait dispenser un parent du versement de la pension alimentaire.

Recommandation n° 10 : augmenter la pension alimentaire pour le parent qui ne remplit pas son droit de visite ou n’accueille pas son enfant pendant les temps de résidence convenus.

Recommandation n° 11 : prévoir l’indexation de la pension alimentaire sur les salaires et non sur les prix.

Recommandation n° 12 : introduire des dispositions concernant le paiement de la pension alimentaire par virement.

PROTÉGER LES FEMMES ET LES ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES

Recommandation n° 13 : compléter le chapitre III en spécifiant que la médiation familiale est exclue en cas de violences ou lorsqu’elle a pour conséquence d’allonger inconsidérément les délais de la procédure en cours.

Recommandation n° 14 : prévoir dans la formation dispensée aux médiateurs familiaux un enseignement sur la détection des violences intrafamiliales et des phénomènes d’emprise.

Recommandation n° 15 : prévoir aux articles 4, 7 et 8 relatifs à l’exercice de l’autorité parentale, au domicile de l’enfant et au droit de visite, une exemption d’application pour les situations de violences intrafamiliales.

Recommandation n° 16 : élargir les critères d’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale aux situations de violences conjugales.

Recommandation n° 17 : encadrer le droit de visite et d’hébergement ou temps d’accueil en lieu de rencontre médiatisé ou avec un accompagnant lorsque l’un des parents porte plainte pour violence sur enfant ou en cas de signalement.

Recommandation n° 18 : valoriser et développer les espaces de rencontre médiatisés pour que le maintien des relations parents-enfants se fasse sans danger dans les cas de violence.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION ET PAR LA RAPPORTEURE

I. – Personnes entendues par la rapporteure

Mardi 29 avril 2014 :

– Mme Ernestine Ronai, coordinatrice nationale « Violences faites aux femmes » de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), co-présidente de la commission « Violences de genre » ;

– Mme Elisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la MIPROF ;

– M. Jean Patric, cinéaste.

II. – Personnes entendues par la Délégation

Mardi 29 avril 2014 :

– Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat, chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé

Mercredi 30 avril 2014 (audition sous forme de table ronde) :

– M. Edouard Durand, magistrat formateur à l’École nationale de la magistrature (ENM) ;

– Mme Nadège Bossard, juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance du Mans ;

– Mme Nathalie Tomasini, avocate ;

– Mme Janine Bonaggiunta, avocate.

Mercredi 30 avril 2014 (audition sous forme de table ronde) :

– Mme Carole Lapanouse, présidente de l’association SOS Les Mamans, accompagnée de deux femmes victimes ;

– Mmes Nicole Crépeau, François Brié et Isabelle Steyer, de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) ;

– Mme Stephanie Lamy, du collectif Abandon de Famille – Tolérance Zéro ;

– Mme Christine Passage, du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF).

ANNEXE N°2 :
DISPOSITIONS ACTUELLES DU CODE CIVIL RELATIVES À L’EXERCICE DE L’AUTORITÉ PARENTALE

Sont présentés ci-après les articles de la section 1 (« De l’exercice parentale ») du chapitre Ier (« De l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ») du titre IV du livre premier du code civil.

Principes généraux

Article 372

Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale.

Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant.

L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales.

Article 372-2

A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant.

Article 373

Est privé de l’exercice de l'autorité parentale le père ou la mère qui est hors d'état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause.

Article 373-1

Si l'un des père et mère décède ou se trouve privé de l'exercice de l'autorité parentale, l’autre exerce seul cette autorité.

De l'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés

Article 373-2

La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale.

Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent.

Tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

Article 373-2-1

Si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents.

L'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves.

Lorsque, conformément à l'intérêt de l'enfant, la continuité et l'effectivité des liens de l'enfant avec le parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité parentale l'exigent, le juge aux affaires familiales peut organiser le droit de visite dans un espace de rencontre désigné à cet effet.

Lorsque l'intérêt de l'enfant le commande ou lorsque la remise directe de l'enfant à l'autre parent présente un danger pour l'un d'eux, le juge en organise les modalités pour qu'elle présente toutes les garanties nécessaires. Il peut prévoir qu'elle s'effectue dans un espace de rencontre qu'il désigne, ou avec l'assistance d'un tiers de confiance ou du représentant d'une personne morale qualifiée.

Le parent qui n'a pas l'exercice de l'autorité parentale conserve le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant. Il doit être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. Il doit respecter l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 371-2.

Article 373-2-2

En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié.

Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l'article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.

Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant.

Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation.

Article 373-2-3

Lorsque la consistance des biens du débiteur s'y prête, la pension alimentaire peut être remplacée, en tout ou partie, sous les modalités et garanties prévues par la convention homologuée ou par le juge, par le versement d'une somme d'argent entre les mains d'un organisme accrédité chargé d'accorder en contrepartie à l'enfant une rente indexée, l'abandon de biens en usufruit ou l'affectation de biens productifs de revenus.

Article 373-2-4

L'attribution d'un complément, notamment sous forme de pension alimentaire, peut, s'il y a lieu, être demandée ultérieurement.

Article 373-2-5

Le parent qui assume à titre principal la charge d'un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins peut demander à l'autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation. Le juge peut décider ou les parents convenir que cette contribution sera versée en tout ou partie entre les mains de l'enfant.

De l'intervention du juge aux affaires familiales

Article 373-2-6

Le juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.

Le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents.

Il peut notamment ordonner l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l'autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.

Article 373-2-7

Les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d'exercice de l'autorité parentale et fixent la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

Le juge homologue la convention sauf s'il constate qu'elle ne préserve pas suffisamment l'intérêt de l'enfant ou que le consentement des parents n'a pas été donné librement.

Article 373-2-8

Le juge peut également être saisi par l'un des parents ou le ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non, à l'effet de statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

Article 373-2-9

En application des deux articles précédents, la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux.

A la demande de l'un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l'enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux.

Lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent. Ce droit de visite, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, peut être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.

Lorsque l'intérêt de l'enfant le commande ou lorsque la remise directe de l'enfant à l'autre parent présente un danger pour l'un d'eux, le juge en organise les modalités pour qu'elle présente toutes les garanties nécessaires. Il peut prévoir qu'elle s'effectue dans un espace de rencontre qu'il désigne, ou avec l'assistance d'un tiers de confiance ou du représentant d'une personne morale qualifiée.

Article 373-2-10

En cas de désaccord, le juge s'efforce de concilier les parties.

A l'effet de faciliter la recherche par les parents d'un exercice consensuel de l'autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder.

Il peut leur enjoindre de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de cette mesure.

Article 373-2-11

Lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération :

1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure ;

2° Les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 ;

3° L'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre ;

4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant ;

5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l'article 373-2-12 ;

6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.

Article 373-2-12

Avant toute décision fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et du droit de visite ou confiant les enfants à un tiers, le juge peut donner mission à toute personne qualifiée d'effectuer une enquête sociale. Celle-ci a pour but de recueillir des renseignements sur la situation de la famille et les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants.

Si l'un des parents conteste les conclusions de l'enquête sociale, une contre-enquête peut à sa demande être ordonnée.

L'enquête sociale ne peut être utilisée dans le débat sur la cause du divorce.

Article 373-2-13

Les dispositions contenues dans la convention homologuée ainsi que les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d'un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Paragraphe 4 : De l'intervention des tiers

Article 373-3

La séparation des parents ne fait pas obstacle à la dévolution prévue à l'article 373-1, lors même que celui des père et mère qui demeure en état d'exercer l'autorité parentale aurait été privé de l'exercice de certains des attributs de cette autorité par l'effet du jugement prononcé contre lui.

Le juge peut, à titre exceptionnel et si l'intérêt de l'enfant l'exige, notamment lorsqu'un des parents est privé de l'exercice de l'autorité parentale, décider de confier l'enfant à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté. Il est saisi et statue conformément aux articles 373-2-8 et 373-2-11.

Dans des circonstances exceptionnelles, le juge aux affaires familiales qui statue sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale après séparation des parents peut décider, du vivant même des parents, qu'en cas de décès de celui d'entre eux qui exerce cette autorité, l'enfant n'est pas confié au survivant. Il peut, dans ce cas, désigner la personne à laquelle l'enfant est provisoirement confié.

Article 373-4

Lorsque l'enfant a été confié à un tiers, l'autorité parentale continue d'être exercée par les père et mère ; toutefois, la personne à qui l'enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation.

Le juge aux affaires familiales, en confiant l'enfant à titre provisoire à un tiers, peut décider qu'il devra requérir l'ouverture d'une tutelle.

Article 373-5

S'il ne reste plus ni père ni mère en état d'exercer l'autorité parentale, il y aura lieu à l'ouverture d'une tutelle ainsi qu'il est dit à l'article 390 ci-dessous.

Article 374-1

Le tribunal qui statue sur l'établissement d'une filiation peut décider de confier provisoirement l'enfant à un tiers qui sera chargé de requérir l'organisation de la tutelle.

Article 374-2

Dans tous les cas prévus au présent titre, la tutelle peut être ouverte lors même qu'il n'y aurait pas de biens à administrer.

Elle est alors organisée selon les règles prévues au titre X.

1 () Conformément aux dispositions prévues par l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

2 () Par courrier adressé à la présidente de la Délégation, Mme Catherine Coutelle, par le président de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, M. Jean-Jacques Urvoas.

3 () Proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault, M. Marc Dolez et les membres du groupe socialiste et apparentés relative à l’autorité parentale (2001).

4 () Voir la liste des personnes auditionnées par la Délégation et par la rapporteure en annexe n° 1.

5 () Communiqué du 29 avril 2014, « Élaboration et mise en œuvre des politiques en faveur des familles : rencontre avec les mouvements, associations et interlocuteurs institutionnels » par la secrétaire d’État chargée de la famille.

6 () Les évolutions contemporaines de la famille et leurs conséquences en termes de politiques publiques, rapport présenté par M. Bernard Capdeville, Conseil économique, social et environnemental (CESE), octobre 2013.

7 () « Un enfant sur dix vit dans une famille recomposée », Aude Lapinte, division des études démographiques de l’Insee, Insee Premières, n° 1470, octobre 2013.

8 () Contribution écrite et audition du mercredi 30 avril 2014.

9 () « Quand la séparation des parents s’accompagne de la rupture du lien entre le père et l’enfant », Arnaud Régnier-Loiller, Population et sociétés, n° 500, INED, mai 2013.

10 () L’étude a porté sur 6 402 décisions (procédures de divorce et hors divorce, à l’exclusion des décisions provisoires), concernant 9 399 enfants, rendues entre le 4 et le 15 juin 2012.

11 () Source : SDSE, exploitation du RGC-TGI, rapport du groupe de travail sur la coparentalité (janvier 2014).

12 () Enquête emploi du temps 2010-2011, Insee Résultats, juin 2012.

13 () Aux termes de l’article 3 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul),« le terme “violence à l’égard des femmes” doit être compris comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ».

14 () Contribution écrite adressée par l’association.

15 () Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE), aux termes de l’article 373-2 du même code.

16 () En application de l’article 373-2-7 du code civil, les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales (JAF) afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (CEEE, soit la pension alimentaire).

17 () L’article 14 de la proposition de loi réforme la procédure de partage de l’exercice de l’autorité parentale. Ce partage pourra désormais être effectué par la voie d’une convention soumise à l’homologation du juge aux affaires familiales. La condition liée à l’existence de circonstances exceptionnelles, trop restrictive, est supprimée. L’homologation judiciaire sera encadrée, le juge devant s’assurer que la convention est conforme à l’intérêt de l’enfant et que le consentement du ou des parents a été donné librement. L’accord des deux parents est requis en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale. En cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale, l’avis de l’autre parent devra être recueilli. L’article 11 assouplit la possibilité pour le juge de confier, à titre exceptionnel et si l’intérêt de l’enfant l’exige, l’enfant à un tiers. Le juge pourra ainsi mieux tenir compte des situations dans lesquelles un tiers – partageant ou ayant partagé la vie d’un des parents – est présent dans la vie quotidienne de l’enfant. Cet article étend également la possibilité pour le juge de confier, dans des circonstances exceptionnelles, l’enfant, si son intérêt le commande à un tiers et non au parent survivant en cas de décès de l’un des parents, même en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale. Dans certains cas, une telle mesure est nécessaire pour garantir la stabilité de l’enfant, selon l’exposé des motifs de la proposition de loi.

18 () Voir le compte rendu de l’audition du mardi 29 avril 2014 en annexe au présent rapport.

19 () Dans le rapport précité (avril 2014), le HCF souligne en effet qu’ « Il serait aussi utile de revoir le vocabulaire utilisé, qui reflète mal l’égalité de droit entre les deux parents (“ droit de visite et d’hébergement”) ou peut être perçu comme vexatoire (“ condamner” à verser une pension alimentaire). »

20 () Voir le compte rendu de la table ronde du mercredi 30 avril 2014 en annexe au présent rapport.

21 () Communiqué de presse de l’association SOS Les Mamans, avril 2014.

22 () « Une nouvelle proposition de loi d’inspiration masculiniste », site internet de l’auteur, avril 2014.

23 () Aux termes de l’article 372-2 du code civil, la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale, et « chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant ».

24 () La Convention internationale relative aux droits de l’enfant a été signée par la France le 26 janvier 1990. Le Parlement, par une loi du 2 juillet 1990, en a autorisé la ratification qui est intervenue le 7 août 1990. Aux termes de l’article 9 de la convention,« les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ».

25 () Données sociales, la société française édition 2006.

26 () Évaluation de la politique de soutien à la parentalité Igas février 2013.

27 () Henri Lacordaire, Conférence de Notre Dame de Paris, tome III, 52ème Conférence.


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