N° 4153 - Rapport d'information de MM. Jean-Jacques Guillet et François de Rugy déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d'information (n°1951) du 15 mai 2014 sur le paquet "énergie-climat"




N° 4153

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationalele 19 octobre 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n°1951)
du 15 mai 2014 sur le paquet « énergie-climat »

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Jean-Jacques GUILLET et François de RUGY

Députés

——

SOMMAIRE

___

PAGES

SYNTHÈSE 7

INTRODUCTION 21

I. LE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES : UN BILAN EN DEMI-TEINTE 23

A. UNE TRAJECTOIRE EN PARTIE SATISFAISANTE QUI S’INSCRIT DANS UN MARCHÉ EN PROIE À DE FORTES TURBULENCES 23

1. Des objectifs ambitieux et pertinents 23

a. Un relèvement significatif des principales cibles entre 2020 et 2030 23

b. Des feuilles de route multiples, pas toujours cohérentes entre elles 26

2. Des retards importants pour certaines filières renouvelables 28

a. Des situations contrastées en dépit d’un soutien public élevé 29

b. Des énergies souvent bridées par des facteurs structurels 33

i. Un développement insuffisant de l’éolien 33

ii. Un potentiel de biogaz important mais sous-exploité en particulier au regard des besoins de mobilité 34

3. Des financements abondants sauf pour les petits projets 37

4. Des prix de l’électricité et du carbone très défavorables 39

a. Un marché de l’électricité durablement déprimé 39

b. Un signal prix du CO2 inopérant pour la transition énergétique 42

B. UN CADRE DE RÉFÉRENCE QUI SUSCITE DES INTERROGATIONS 43

1. Un nouveau dispositif d’aide qui comporte des incertitudes 43

a. Un « complément de rémunération » en principe plus vertueux car moins déconnecté du marché 43

b. Un mécanisme dont l’efficacité est soumise à condition 48

c. Un régime dérogatoire justifié pour l’éolien terrestre 50

2. Des procédures d’autorisation et de raccordement remaniées mais qui restent longues et coûteuses 51

C. LES AXES DE PROGRÈS À PRIVILÉGIER 57

1. Mieux piloter la production, la demande et le stockage 57

2. Améliorer les interconnexions et les réseaux de transport et de distribution 59

3. Soutenir les technologies innovantes 62

4. Relever le prix du CO2 64

II. L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LE LOGEMENT : UN CADRE D’ACTION DÉSORMAIS COMPLET 66

A. UN DÉFI DE TAILLE : LA RÉNOVATION DU PARC ANCIEN 66

1. Un secteur qui comporte de nombreuses « passoires thermiques » et qui se heurte à la fragmentation des acteurs de la rénovation 67

2. Un effort d’investissement considérable 69

a. Des dépenses d’efficacité énergétique et une « valeur verte » des logements en progression 70

b. Des travaux de rénovation souvent inefficients et qui dépendent de la conjoncture et des revenus des ménages 71

3. L’approche pragmatique de la rénovation promue par la loi de transition énergétique 75

a. Un droit qui combine incitation et obligation 75

b. Des opérations en copropriété facilitées 78

B. UNE PALETTE D’INSTRUMENTS ENRICHIE ET SIMPLIFIÉE 79

1. Une réglementation thermique efficace qu’il convient de renforcer avec prudence 79

a. Une obligation qui contribue à réguler la « pointe électrique » 79

b. Un nouveau référentiel attendu pour 2018 qui est déjà très discuté 81

2. Une politique de professionnalisation de la filière bien engagée mais qu’il faut amplifier 82

3. Des réseaux de conseil et d’accompagnement de plus en plus étoffés et qui doivent s’adapter à la diversité des territoires 84

a. Des « guichets uniques » au mandat limité 84

b. Des structures qui doivent être enracinées localement et confortées financièrement 86

4. Des outils fiscaux et financiers plus accessibles depuis 2015 87

a. Un crédit d’impôt transition énergétique (CITE) enfin stabilisé 87

i. Un dispositif victime du « stop and go » en matière de dépense fiscale 88

ii. Une volonté de simplification assumée depuis 2015 qui est critiquée 89

b. Un éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) ciblé sur des publics prioritaires 91

i. Un dispositif moins sujet aux effets d’aubaine 91

ii. Un rythme de distribution trop lent 92

c. Une complémentarité recherchée avec la lutte contre la précarité énergétique 92

i. Un cumul éco-PTZ-subventions désormais possible 92

ii. Un opérateur dont les ressources restent fragiles : l’Agence nationale de l’habitat 94

C. LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES FINANCEMENTS INNOVANTS ET D’ENCLENCHER DE NOUVELLES DYNAMIQUES 95

1. Recourir au tiers-financement 95

2. Actionner de nouveaux leviers 96

EXAMEN PAR LE COMITÉ 97

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 113

SYNTHÈSE

INTRODUCTION

Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a autorisé, le 15 mai 2014, la publication du rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du paquet « énergie-climat » de 2008 en France (1).

Conformément à l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, il convient de présenter le suivi des conclusions des deux rapporteurs. Compte tenu de l’ampleur du champ d’investigation couvert par le rapport de 2014, le CEC a souhaité que ce nouveau travail soit centré sur deux domaines clefs de la lutte contre le réchauffement climatique : le développement des énergies renouvelables et celui de l’efficacité énergétique.

Le cadre de référence des politiques publiques concernées a beaucoup évolué, avec l’adoption d’un nouveau « paquet » européen, en octobre 2014, et celle de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. De nouveaux objectifs quantitatifs ont été ainsi fixés et les outils permettant de les réaliser ont été modifiés ou complétés.

Le soutien aux énergies renouvelable connaît une inflexion importante qui se traduit, pour les nouvelles installations, par l’introduction de mécanismes liés au marché. Cette évolution suscite, chez les professionnels et les opérateurs, des interrogations, au moment où l’intégration des énergies renouvelables dans le système électrique pose, avec de plus en plus d’acuité, la question de l’adaptation technique et économique des réseaux.

Les mesures de réduction de la consommation d’énergie font l’objet de changements moins profonds, mais qui demeurent significatifs. En raison de leur grande diversité, les rapporteurs ont choisi de ne traiter que les dispositifs qui concernent le secteur du logement, sans doute le plus stratégique pour atteindre une meilleure performance énergétique. La loi du 17 août 2015 a considérablement élargi, à cet égard, la palette des outils qui peuvent être mobilisés par les acteurs publics et les particuliers.

La présente évaluation porte une première appréciation sur ces évolutions et leur degré de pertinence vis-à-vis des trois enjeux identifiés par les rapporteurs comme étant déterminants pour la conduite de politiques efficaces de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique : la stabilisation des dispositifs, leur simplification et la mobilisation conjuguée des investissements publics et privés.

Force est de constater que le premier objectif n’est pas encore atteint, en raison de la modification très récente des « règles du jeu » applicables. Le second, celui de la simplification, a été poursuivi avec détermination et s’est traduit par des avancées significatives. Le troisième a conduit à un effort soutenu en matière d’investissement, qu’il faut poursuivre et même amplifier en raison des nouvelles cibles fixées par les règles européennes et nationales.

Pour établir ce premier bilan, les rapporteurs ont animé six tables rondes sur les principales thématiques du développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique et entendu, dans ce cadre, 38 personnes. Ils ont également reçu sept contributions, ainsi que des réponses détaillées de plusieurs opérateurs et associations et des services du ministère de l’environnement aux questionnaires qui leur ont été adressés (2).

I. LE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES : UN BILAN EN DEMI-TEINTE

Le virage des énergies renouvelables est en cours, comme en témoigne la multiplication récente des mesures et des initiatives qui visent à les développer : publication, le 28 juillet 2016, d’une ordonnance relative à l’autoconsommation d’électricité renouvelable ; lancement, le 24 août 2016, d’un appel d’offres pour la construction et l’exploitation de 3 000 mégawatts (MW) de nouvelles centrales solaires ; rachat par Total, en juillet dernier, de la société Saft, un fabricant français de batteries spécialisé dans le stockage d’électricité, etc. Un chiffre suffit à mettre en évidence la diffusion rapide de ces énergies : leur taux de couverture moyen de la consommation électrique a été de 26 % au 2ème trimestre 2016, contre 19,5 % pour l’ensemble de l’année 2013 (3). Ce mouvement de fond s’appuie sur un nouveau socle, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (« TEPCV »), qui fixe des objectifs ambitieux de développement des filières renouvelables. Cependant, comme celles-ci ne progressent pas au même rythme, leur tableau d’ensemble entremêle les satisfecits et les points d’inquiétude, sur fond de crise du prix de l’électricité et de mise en application d’un nouveau mécanisme de soutien aux producteurs.

A. UNE TRAJECTOIRE EN PARTIE SATISFAISANTE QUI S’INSCRIT DANS UN MARCHÉ EN PROIE À DE FORTES TURBULENCES

La France s’est fixée, depuis la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique (loi « POPE »), des objectifs chiffrés d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Ceux-ci ont été considérablement renforcés par la loi « Grenelle 1 » du 3 août 2009 et la loi « TEPCV » du 17 août 2015 et vont au-delà des cibles retenues par l’Union européenne. La réalisation de ces engagements s’avère, de ce fait, difficile.

1. Des objectifs ambitieux et pertinents

a. Un relèvement significatif des principales cibles entre 2020 et 2030

Des objectifs quantitatifs ambitieux

Au niveau européen, les objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables ont été définis par le paquet « énergie-climat » (PEC) adopté par le Conseil européen du 12 décembre 2008, sous présidence française. Approuvé six ans plus tard par le Conseil européen des 23-24 octobre 2014, le « cadre pour le climat et l’énergie » à l’horizon 2030 s’inscrit dans le prolongement du PEC, en fixant de nouveaux engagements.

Les objectifs quantitatifs assignés à la politique énergétique nationale sont définis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Ils témoignent, comme le montre le tableau ci-dessous, d’un réel volontarisme, la Cour des comptes les ayant qualifiés en 2013 de « très ambitieux » (4). L’an dernier, ce haut niveau d’ambition s’est traduit, avec la loi du 17 août 2015, par un relèvement significatif des cibles à atteindre à l’horizon 2030, que l’étude d’impact accompagnant le projet de loi présente comme un « approfondissement » des objectifs retenus pour 2020 (5).

LES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

OBJECTIFS EUROPÉENS

Paquet énergie-climat (2008)

Cadre pour le climat et l’énergie (2014)

Horizon 2020

20 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’UE

Horizon 2030

Au moins 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’UE

OBJECTIFS NATIONAUX

Loi « POPE » de 2005

Loi « Grenelle 1 » de 2009

Loi «TEPCV » de 2015

Assurer 10 % des besoins énergétiques par les énergies renouvelables en 2010

Porter à 21 % la part de ces énergies dans le mix électrique

Accroître de 50 % la chaleur renouvelable d’ici 2010

• Porter à au moins 23 % en 2020 la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale

• Porter à 32 % en 2030 la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie

Ces énergies doivent représenter 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz.

Des objectifs qui répondent à une double contrainte

La nécessité, pour notre société, de mettre en place, dès à présent, un mix énergétique diversifié et raisonné répond à une double contrainte, qui est liée à la transition énergétique et vise à :

– créer les conditions qui permettent de moins utiliser les énergies fossiles, en développant les sources d’énergies capables de les compléter à court et moyen terme et de les substituer à plus long terme ;

– concevoir un mix énergétique dans le respect de l’urgence climatique, en s’assurant que les émissions de CO2 liées à son utilisation soient durablement réduites.

Des objectifs associés à la réduction de la demande d’énergie

Le cadre de référence européen et national associe au développement des énergies renouvelables un objectif chiffré d’accroissement de l’efficacité énergétique. Au niveau européen, celui-ci a été fixé, par rapport aux projections de consommation d’énergie primaire effectuées en 2007, à 20 % d’efficacité énergétique en plus en 2020 et à au moins 27 % en plus en 2030, ce dernier pourcentage ayant vocation à être porté en 2020 à 30 %. La loi du 17 août 2015 prévoit, quant à elle, une réduction de la consommation énergétique finale, par rapport à 2012, de 20 % en 2030 et de 50 % en 2050.

Le bilan français en la matière est encourageant puisque, selon la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère de l’environnement, après deux décennies de croissance, la consommation finale énergétique de notre pays, corrigée des variations climatiques, a cessé d’augmenter à partir de 2001. Elle a alors atteint un premier palier, autour de 160 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) par an. Puis elle a baissé, à partir de 2009, notamment sous l’effet de la crise économique, pour se situer, en 2014, à 150 Mtep.

Ces évolutions ne font pas que refléter les mutations industrielles ou la conjoncture économique : elles résultent surtout, comme le montre le graphique ci-dessous, des politiques en faveur de l’amélioration de l’efficacité énergétique, qui ont conduit à d’importants volumes d’économies d’énergie, compensant les effets liés à la hausse de la démographie ou du PIB.

DÉCOMPOSITION DE L’ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE FINALE ENTRE 2000 ET 2012

(En millions de tonnes équivalent pétrole – mtep)

Sources : DGEC et projet de programmation pluriannuelle de l’énergie.

En outre, selon les scénarios du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) présenté cet été, la consommation finale d’énergie devrait encore diminuer. Dans le scénario « bas » (le plus ambitieux en réalité), cette consommation d’énergie baisserait de 12,6 % en 2023 par rapport à 2012, soit une variation moyenne annuelle de 1,2 % ; dans le cas du scénario « haut » (le moins disant), elle baisserait de 3,1 %, soit 0,3 % par an. Ce second scénario permettrait certes d’atteindre, au-delà de 2023, l’objectif de réduction de 20 % de la consommation finale d’énergie à l’horizon 2030, mais exigerait, par rapport aux tendances observées, « une mise en œuvre à court, moyen et long terme d’actions ambitieuses pour garder le rythme nécessaire » (6).

LES SCÉNARIOS D’ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION FINALE D’ÉNERGIE

(En Mtep)

Sources : DGEC et projet de programmation pluriannuelle de l’énergie.

b. Des feuilles de route multiples, pas toujours cohérentes entre elles

La planification – tant nationale que locale – du développement des énergies renouvelables repose sur des outils incomplets et contradictoires.

Une programmation nationale tardive et lacunaire

• Un retard important, comblé par un arrêté ministériel « transitoire »

Afin d’atteindre les objectifs définis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, la loi du 17 août 2015 crée un nouvel outil, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Fixée par décret, elle est fondée sur des « scénarios de besoins énergétiques » (article L. 141-2 du même code) et doit comprendre deux volets consacrés à « l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la baisse de la consommation d’énergie primaire » et au « développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération ».

Sa durée est d’au moins cinq ans. Toutefois, pour faciliter l’entrée en vigueur du dispositif, la loi a aménagé celle de la première programmation, en échelonnant son exécution sur deux temps : une première période, entre 2016 et 2018, au cours de laquelle la PPE présente un caractère prescriptif ; une seconde période, entre 2019 et 2023, au cours de laquelle celle-ci se borne à fixer des objectifs, avec des options hautes et basses.

Le décret relatif à la PPE constitue donc l’outil premier du développement des énergies renouvelables. Pourtant, plus d’un an après la promulgation de la loi, il n’a toujours pas été publié. Une synthèse et trois documents détaillés – un volet relatif à l’offre d’énergie et un autre concernant la demande d’énergie jusqu’en 2023, ainsi qu’une stratégie de développement de la mobilité propre –, n’ont été présentés que le 1er juillet 2016, ce qui a conduit deux rapporteurs de la Commission des finances, MM. Marc Goua et Hervé Mariton, à « déplorer le retard pris ou subi dans l’établissement de la première PPE » (7). Ces projets ont été soumis, le 15 septembre 2016, à la consultation du public pour une durée d’un mois.

En attendant la publication de la PPE, le ministère de l’environnement a adopté, le 24 avril 2016, un arrêté relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables, qui modifie l’arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production d’électricité et détermine les cibles à atteindre d’ici 2023 pour la production électrique à partir d’énergies renouvelables en France métropolitaine continentale.

La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a justifié le choix du recours à l’instrument de la PPI – qui a vocation à être abrogé par le décret encadrant la programmation pluriannuelle de l’énergie – en arguant du fait que le processus d’élaboration et d’approbation de ce dernier document prend du temps, d’autant que les travaux préparatoires ont mis en évidence « la difficulté d’aboutir à un consensus sur certaines parties, notamment celle relative à l’énergie nucléaire ». L’adoption d’une nouvelle PPI traduit donc le souhait du ministère de l’environnement de « ne pas pénaliser les énergies renouvelables, en particulier les énergies renouvelables électriques, dont le développement est lié à la possibilité de lancer des appels d’offres reposant sur des objectifs arrêtés par les pouvoirs publics »  (8). La publication de ce document « transitoire » permet ainsi, même si cela semble paradoxal, de donner de la visibilité aux producteurs, aux industriels et aux financeurs et d’accélérer les investissements dans le secteur.

• Une programmation comportant des « angles morts »

Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) présente des lacunes importantes, ce qui était sans doute inévitable pour le premier exercice du genre. Cependant, au-delà du caractère parfois incomplet des éléments fournis, ce document présente une faille importante, à savoir l’absence de vision d’ensemble, synthétique et dynamique, des enjeux de la transition énergétique. L’avis du comité d’experts pour la transition énergétique, mis en place par la loi du 17 août 2015, sur ce document-cadre est, à cet égard, particulièrement sévère : « le projet présenté ne propose aucune consolidation globale, à l’échelle du système énergétique, des différentes orientations listées au fil du document en matière de demande ou d’offre, et a fortiori aucune analyse de la robustesse des décisions engagées face aux incertitudes (…). Les équilibres dynamiques offre/demande, les interactions systémiques entre vecteurs (gaz, électricité, chaleur), les articulations entre les échelles européennes, nationales et locales ne sont que trop rapidement et marginalement évoqués, alors qu’ils constituent des enjeux majeurs de la conduite de la transition énergétique » (9).

Une pléthore d’outils dont l’addition pose question

La multiplication des outils – nationaux et locaux – de planification des énergies renouvelables n’est pas sans poser des problèmes de cohérence et d’articulation. Les producteurs et les collectivités publiques doivent en effet compter avec la programmation pluriannuelle des investissements dans le domaine des énergies renouvelables, la programmation pluriannuelle de l’énergie, les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE), qui permettent à chaque région de fixer des objectifs de développement des énergies renouvelables électriques en fonction de leurs gisements potentiels et englobent deux autres documents – les schémas régionaux éoliens et les schémas régionaux de raccordement aux réseaux des énergies renouvelables (S3REnR) –, et les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), qui détaillent, à l’échelle intercommunale, les mesures de la politique énergétique locale, en cohérence avec les SRCAE (10). Or, pour l’éolien terrestre et le photovoltaïque, le cumul des objectifs régionaux de capacités prévues pour 2020 dépasse de 16 000 MW l’objectif national, ce qui équivaut à une production d’électricité additionnelle de 32 térawattheures… (11).

La coordination des dynamiques régionales et nationales revêt donc, comme le souligne l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), une importance majeure, aussi bien pour la compatibilité des objectifs que pour l’intégration maîtrisée des énergies renouvelables dans les réseaux, dont les besoins et les coûts de renforcement ne doivent pas être surdimensionnés (3).

2. Des retards importants pour certaines filières renouvelables

Le bilan du développement des énergies renouvelables ne peut qu’être nuancé, compte tenu du grand nombre de filières concernées. La France connaît, dans plusieurs secteurs, un certain retard par rapport aux objectifs, alors même que les dépenses supportées par la collectivité pour les atteindre sont importantes.

a. Des situations contrastées en dépit d’un soutien public élevé

Un soutien public conséquent mais déséquilibré

• Les coûts complets du soutien aux énergies renouvelables ont été estimés par la Cour des comptes en 2013. Elle a additionné, dans ce but, les coûts de neuf dispositifs : les charges prévisionnelles de service public de l’électricité, le crédit d’impôt et la TVA à taux réduit pour les travaux dans les logements anciens et les réseaux de chaleur urbains, les dépenses de recherche et développement, les contrats de plan État–région, les appels d’offres pour la construction d’installations exploitant de la biomasse, les aides européennes et celles de l’ADEME. Le total des dépenses supportées par la collectivité dans ce domaine s’élève, d’après la Cour, à 19,5 milliards d’euros depuis 2005 (12).

Cette addition quelque peu hétéroclite ne permet pas de mettre en évidence la caractéristique essentielle de ce soutien, à savoir son caractère déséquilibré au profit de l’électricité renouvelable.

• Jusqu’à récemment, le soutien aux énergies renouvelables électriques transitait par la contribution au service public de l’électricité (CSPE), au titre du financement des charges de service public de l’électricité. Celui–ci compensait en effet les surcoûts supportés par les « acheteurs obligés » d’électricité renouvelable (EDF principalement), résultant des contrats d’achat à prix fixe conclus avec les producteurs. Or cette compensation devrait représenter, à elle seule, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), 67,1 % des charges de service public de l’électricité au titre de l’année 2016, la péréquation tarifaire au profit des parties non continentales du territoire et les tarifs sociaux ne pesant respectivement que 19,5 % et 4,6 % (13). De plus, en valeur, comme le montre le tableau ci-après, ce soutien a fortement cru ces dernières années, puisqu’il s’est élevé à 754 millions d’euros en 2010 et devrait atteindre 5 milliards d’euros en 2016.

COÛT DU SOUTIEN PUBLIC AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES ÉLECTRIQUES CONSTATÉ PAR LA COMMISSION DE RḖGULATION DE L’ḖNERGIE (CRE)

(En M€)

 

Coût constaté

en 2010

Coût constaté

en 2011

Coût constaté

en 2012

Coût constaté

en 2013

Coût constaté

en 2014

Coût constaté

en 2015

Prévisions pour 2016

Électricité renouvelable

754,6

1,464

2 673,4

3 156,1

3 749,1

4 205,8

5 092,8

Dont photovoltaïque

249,8

901,1

1 880,6

2 143,7

2 438,2

2 622,4

2 877,7

Dont éolien

347,2

404,5

555,4

647,5

820,7

1 029,5

1 366,4

Source : d’après la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Les délibérations de la CRE sur les charges constatées de service public de l’électricité détaillent le coût par grande filière renouvelable à partir de 2010.

La loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a réformé ce mécanisme. La CSPE a été ainsi « absorbée » par la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (rebaptisée « contribution au service public de l’électricité »), une quote-part de son produit étant versée au compte d’affectation spéciale transition énergétique, qui a été créé par ce texte et qui finance, au travers d’un programme budgétaire, les dépenses de soutien aux énergies renouvelables. Cette loi de finances a en outre « gelé » le taux de la CSPE à 22,5 euros/MWh pour les années 2016 et 2017. Enfin, elle a budgétisé les charges de service public de l’électricité et du gaz, regroupées et désormais dénommées « charges de service public de l’énergie ». Dans cet ensemble, le soutien aux énergies renouvelables devrait représenter 71 % des charges au titre de 2017 et mobiliser 5,650 milliards d’euros, le dynamisme de cette aide s’expliquant par le développement des filières de production d’électricité renouvelable et, pour moitié environ, par la baisse des prix de marché de gros de l’électricité – une baisse de 1 euro/MWh de ces prix se traduisant par une hausse des surcoûts de l’ordre de 50 millions d’euros (14).

• Le développement des énergies renouvelables thermiques (biomasse, biogaz, pompes à chaleur, etc.) repose principalement sur les aides du fonds chaleur, créé en décembre 2008 et géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Ce fonds finance en effet des projets de production de chaleur, en garantissant un prix inférieur à celui de la chaleur produite à partir d’énergies conventionnelles, tout en appuyant la création ou l’extension de réseaux de chaleur alimentés majoritairement à partir de sources renouvelables.

Doté de 1,2 milliard d’euros sur la période 2009-2014, ce dispositif a permis, depuis son lancement, de soutenir 3 266 opérations d’investissement (15). Il a néanmoins été jugé « sous–dimensionné » par la Cour des comptes en 2013 (16), compte tenu de son efficacité et de son faible coût pour les finances publiques (estimé à 40 €/tep soit 3,4 €/MWh selon les documents annexés au projet de loi de finances pour 2016 (17)).

La réalisation des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) aux horizons 2018 et 2023 dans les domaines de la chaleur renouvelable et de récupération a certes conduit le Gouvernement à doubler les crédits alloués au fonds chaleur sur la période 2015–2017, qui devraient atteindre 420 millions d’euros en 2017. Mais cet effort risque d’être insuffisant au regard des besoins de financement estimés par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), dont les ordres de grandeur sont retracés dans le graphique ci-après. L’atteinte des nouvelles cibles impliquerait, selon la DGEC, de maintenir le doublement du fonds sur toute la période de la PPE.

ESTIMATION DE L’ÉVOLUTION DES BESOINS DE FINANCEMENT DU FONDS CHALEUR

(en M€)

Source : DGEC.

Des trajectoires de développement très différenciées

Il est difficile d’avoir une vision synthétique et homogène de la réalisation des objectifs quantitatifs de développement des énergies renouvelables. Les « relevés » de trajectoire sont établis à partir de cibles différentes, qui varient selon les documents de programmation – quatre d’entre eux étant utilisés dans les rapports publics : la programmation pluriannuelle des investissements de 2009, le plan national d’action en faveur des énergies renouvelables de 2010, la programmation pluriannuelle des investissements de 2016 et, enfin, la future programmation pluriannuelle de l’énergie. Les indicateurs et les échelles de temps employés par le ministère de l’environnement, les opérateurs du marché de l’électricité et les associations de producteurs sont en outre hétérogènes.

• Les points saillants par type d’énergie renouvelable

Dans ce panorama complexe, il convient de distinguer la situation de la chaleur renouvelable de celle de l’électricité renouvelable.

• En ce qui concerne la chaleur renouvelable, les énergies renouvelables thermiques atteignaient en 2012 – dernière année pour laquelle la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) disposait de données complètes –, 96 % de l’objectif, soit un manque de près de 0,5 Mtep, avec une avance constatée pour la filière biogaz, un objectif quasiment atteint pour les filières biomasse solide et pompes à chaleur et un retard pour les filières géothermie et solaire thermique.

Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) s’appuie sur ces résultats pour prévoir une augmentation du rythme de développement de la production de chaleur renouvelable de 50 % d’ici 2023. Cette trajectoire est toutefois menacée par l’évolution à la baisse des prix du gaz, qui pourrait freiner la production de chaleur renouvelable, en dissuadant les investissements dans de nouveaux projets. D’après M. Rémi Chabrillat, le directeur productions et énergies durables à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), ce prix tend même à se rapprocher de celui du bois utilisé par les grandes installations industrielles. Les projets « biomasse » devenant ainsi économiquement moins intéressants, le fonds chaleur soutient, désormais, un nombre d’opérations qui se situe bien en-deçà de sa capacité de financement.

• La situation est plus contrastée pour l’électricité renouvelable, avec certaines filières qui accusent un retard important, comme l’éolien, et d’autres qui sont très en avance, comme le solaire photovoltaïque. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) se montre toutefois optimiste quant au respect des nouveaux objectifs. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) estime en effet qu’une progression linéaire de la production d’électricité renouvelable – qui était de 96 térawattheures (TWh) en 2014 – devrait conduire à une production d’environ 155 TWh en 2023. Or ce volume correspondrait à la cible retenue pour 2023, soit une production comprise entre 150 et 167 TWh par an, « située sur une trajectoire linéaire d’atteinte de l’objectif en cas de consommation stable » (18).

Les indicateurs globaux

• En termes d’objectifs sectoriels, c’est-à-dire de part d’énergies renouvelables dans les secteurs de l’électricité, des transports et du chauffage-refroidissement, la France est en léger retard par rapport à la trajectoire prévue par le plan d’action national en faveur des énergies renouvelables adopté en 2010. En effet, comme le montre le tableau ci-dessous, notre pays dépasse la cible en matière de transport, la rate de peu en matière d’électricité et affiche un retard plus net en matière de chauffage et de refroidissement.

PARTS SECTORIELLES ET GLOBALES D’ÉNERGIE PRODUITE
À PARTIR DE SOURCES RENOUVELABLES

(En %)

 

Objectifs 2014

Prévisions 2014

Chauffage et refroidissement

22 %

18,5 %

Électricité

19 %

18,3 %

Transport

7,6 %

8,3 %

Part totale des énergies renouvelables

16 %

14,5 %

Source : direction générale de l’énergie et du climat.

• En ce qui concerne la part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’énergie, l’objectif 2020 de 23 %, sera, comme l’a constaté l’OCDE (Cf. la figure ci–après), difficile à atteindre : les efforts accomplis depuis 2005 devraient être en effet quasiment triplés entre 2014 et 2020 pour l’électricité renouvelable et quadruplés pour la chaleur renouvelable (19).

Source : OCDE, examen environnemental de la France, juillet 2016.

b. Des énergies souvent bridées par des facteurs structurels

Le développement des énergies renouvelables se heurte souvent à des obstacles sur lesquels la bonne volonté des porteurs de projets et les aides à la production n’ont pas de prise. Les problèmes rencontrés par les filières de l’éolien terrestre et du biogaz sont, à cet égard, éclairants.

i. Un développement insuffisant de l’éolien

Une énergie incontournable qui peine à décoller

Représentant une puissance installée de 10,8 GW, soit environ 8 % de la puissance électrique installée totale, l’éolien terrestre est aujourd’hui l’énergie renouvelable la moins coûteuse, avec l’hydraulique et les centrales solaires au sol. Cette filière devrait donc, pour reprendre les termes du volet « offre d’énergie » du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), constituer « l’un des piliers du développement des énergies renouvelables dans le mix électrique ».

Pourtant, ainsi que l’a précisé le Syndicat des énergies renouvelables, l’objectif pour 2012 prévu par la précédente programmation pluriannuelle des investissements n’a pas été tenu et le rythme de raccordement ne garantit pas la tenue de l’objectif 2020. Si l’on tient compte des objectifs de la nouvelle programmation (15 GW installés en 2018 et 22 GW à 26 GW en 2023), leur réalisation demanderait, selon France énergie éolienne, une accélération du rythme de développement à environ 1,5/1,6 GW installés par an, soit une augmentation de 50 % de celui-ci.

Le retard de la France par rapport à l’Allemagne est, de fait, considérable puisque, chez notre voisin, les parcs de production éolien (45 GW), additionnés à ceux du photovoltaïque (40 GW), dépassent, à eux deux, la capacité du parc nucléaire français (63 GW) (20).

Une filière entravée par son cadre juridique et son faible niveau d’acceptation sociale

La réalisation des objectifs bute – ce constat étant identique à celui établi par les rapporteurs en 2014 – sur des freins de nature structurelle, résumés de la manière suivante par France énergie éolienne (FEE) : le développement des projets dure deux à trois fois plus longtemps que dans d’autres pays européens, en raison du poids et des lenteurs des procédures administratives, des recours systématiques des associations anti-éoliennes, de délais de raccordement non maîtrisés et des contraintes spatiales liées aux activités militaires ou aéronautiques. L’Observatoire Énergies d’entreprises d’EDF a relevé, de son côté, « la réticence régionale différenciée au développement de l’éolien », ainsi qu’un « niveau d’acceptation sociale de l’éolien moindre qu’en Allemagne », qui se traduit par la multiplication des contentieux (21).

La programmation pluriannuelle de l’énergie prend acte de ces difficultés, en soulignant que la filière présente « des enjeux environnementaux et de faisabilité locale importants qui freinent actuellement son développement, et limiteront probablement son accélération à court terme ». Ce document estime, en conséquence, une phrase après avoir fait de l’éolien un « pilier » de la transition énergétique, que l’atteinte des objectifs en matière d’énergies renouvelables nécessite un développement important des autres filières (22).

ii. Un potentiel de biogaz important mais sous-exploité en particulier au regard des besoins de mobilité

Une énergie qui possède de nombreux atouts

Le biogaz est un gaz produit à partir d’un procédé de dégradation de la matière organique animale ou végétale, appelé méthanisation, qui peut être employé de trois manières : pour produire de la chaleur ou de l’électricité en étant brûlé, ce qui donne de la cogénération ; pour être injecté dans les réseaux sous forme de biométhane ; pour être destiné, également sous forme de biométhane, à un usage biocarburant (bioGNV).

Sa mise en valeur permet d’exploiter des ressources locales, de substituer aux importations une énergie produite sur le territoire national et de limiter les rejets de dioxyde de carbone. Or le potentiel de biogaz est très important en France, en raison des ressources agricoles de notre pays. Il a été évalué par l’ADEME à 56 térawattheures (TWh) d’énergie primaire à l’horizon 2030, 90 % du gisement (130 millions de tonnes de matière brute) étant issu du monde agricole (23).

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique en tient compte, en fixant un objectif de 10 % de gaz « vert » dans les réseaux, tout comme la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui prévoit d’atteindre, en 2023, 13,5 TWh pour la cogénération et 6,1 à 8,3 TWh pour le biométhane injecté. De son côté, le ministère de l’agriculture a présenté, en mars 2015, un plan « énergie méthanisation autonomie azote » qui prévoit de développer, à l’horizon 2020, 1 000 méthaniseurs à la ferme, contre 90 fin 2012.

Le biométhane est devenu, de fait, la principale énergie renouvelable à fort potentiel du secteur du gaz. Sa valorisation sous forme de carburant constitue, en outre, selon GRDF, son utilisation la plus intéressante. D’après cet opérateur, produire davantage d’électricité à partir de biogaz n’est pas pertinent, car la France est excédentaire en électricité. En revanche, d’un point de vue environnemental, il est beaucoup plus efficace d’utiliser le biogaz en substitution aux carburants, car cela permet de limiter les rejets de gaz carbonique et de particules (24). Un récent rapport du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, présenté par MM. Jean-Louis Roumégas et Martial Saddier, a d’ailleurs recommandé de réduire la pollution induite par le transport routier de marchandises en développant l’offre de poids-lourds et de véhicules utilitaires roulant au bio-GNV (25).

La valorisation du biogaz en carburant vert permettrait, en outre, de répondre aux besoins de mobilité, tout en diversifiant les sources d’avitaillement des véhicules, et donc de réduire les difficultés qui peuvent être associées au « tout-électrique » que semblent annoncer les constructeurs automobiles et les 7 millions de points de charges devant être accueillis sur le réseau électrique à l’horizon 2030. Dans un tel scénario, en effet, les risques de déséquilibre entre l’offre et la demande d’électricité ne peuvent être négligés. La programmation pluriannuelle de l’énergie estime, à ce sujet, que le développement de la voiture électrique peut constituer une menace pour le système électrique, selon la stratégie adoptée pour la gestion de la charge des véhicules : si ceux-ci sont rechargés uniquement en fonction de leur propre besoin individuel, « des variations brutales de la puissance appelée risquent d’apparaître lorsque plusieurs millions de véhicules électriques se brancheront de manière simultanée, conduisant à un renforcement de la pointe journalière », c’est-à-dire des pics de demande (26).

Malgré ces perspectives favorables, la France accuse un net retard en matière de développement de la méthanisation, avec 82 GWh de biométhane injectés fin 2015, contre 10 TWh pour l’Allemagne (27), principalement en raison de ses méthodes de production.

Une filière peu organisée

La France a fait le choix de mettre en place une filière de production de biométhane qui traite en priorité des déchets et des sous-produits, en particulier les effluents d’élevage, avec pour corollaires une très grande diversité et une certaine impureté des intrants qui alimentent les unités de production, ce qui complexifie le processus de méthanisation. En outre, cette filière repose sur de nombreux acteurs (éleveurs, cultivateurs, industriels, transporteurs) et se distingue du modèle allemand, plus « intégré », qui repose sur des cultures dédiées (notamment de maïs) à la fabrication de la matière première et utilise, de ce fait, des intrants plus homogènes et stables. Or, pour réaliser ses projets, la filière française s’est tournée vers les procédés et les équipements des pays pionniers, comme l’Allemagne, qui se sont avérés peu adaptés aux intrants français, plus fibreux et variés, ce qui explique que 65 % des sites de méthanisation déclarent une rentabilité inférieure aux prévisions, principalement en raison de défaillances matérielles sur le procédé de méthanisation (28). La faible structuration de la filière fragilise, de plus, le montage financier des projets, surtout lorsqu’ils impliquent de petites exploitations agricoles : aussi un dossier de méthanisation sur deux soutenu par BpiFrance connaît-il, selon M. Antoine Boulay, le directeur du suivi des politiques publiques de cet opérateur, une situation financière difficile, qui se traduit par des difficultés de paiement.

Dans son avis sur le projet d’arrêté tarifaire pour les nouvelles installations de méthanisation, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a estimé que la situation économique des méthaniseurs est « très disparate en raison de la multiplicité des technologies et des intrants utilisés et de la diversité des contextes locaux dans lesquels se développent les installations ». La filière se caractérise, dès lors, par « des difficultés d’organisation industrielle, qui ont pesé sur le développement des installations actuellement en service, et qui demeurent non résolues à ce jour » (29).

Les pistes d’évolution envisageables

Les chantiers qui permettraient de structurer la filière ont été identifiés : renforcement et partage des retours d’expérience et des meilleures pratiques au sein des organismes professionnels ; accompagnement de la montée en compétences des acteurs, notamment par la mise en place de chartes de qualité et de formations ; innovation dans les procédés et recours à des solutions qui ne soient pas celles mises en place par nos voisins, etc.

Le directeur général de GRDF, M. Édouard Sauvage, a ajouté, mais cette proposition ne fait pas consensus, que la filière pourrait être davantage soutenue par des mesures fiscales. Les distributeurs de carburants pourraient être ainsi incités à vendre du bioGNV, en intégrant celui-ci dans le mécanisme d’obligation d’incorporation de biocarburants lié à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Le taux de la TGAP étant en effet égal à la différence entre le taux d’incorporation cible et celui réalisé, cette taxe permet de sanctionner le non-respect des objectifs d’incorporation, lesquels ne concernent, aujourd’hui, que l’éthanol pour la filière essence et les esters méthyliques pour la filière gazole.

3. Des financements abondants sauf pour les petits projets

Un secteur attirant les capitaux privés et publics

Les activités de production centralisée (30) d’énergie destinée à être vendue et distribuée par un réseau mobilisent un volume important de capitaux. Au sein de cet ensemble, en 2014, les investissements publics et privés dans le domaine des énergies renouvelables électriques représentaient, selon l’Institute for Climate Economics (I4CE), 63 % des dépenses du secteur en faveur du climat, soit 3,5 milliards d’euros. Ce montant, supérieur à celui constaté en 2013 (200 millions d’euros de plus), semble indiquer que la baisse des dépenses d’investissement, observée depuis 2011 et résultant de l’éclatement de la « bulle » photovoltaïque, est terminée (31).

Par ailleurs, les énergies renouvelables, en ce qui concerne le montant total d’investissements en fonds propres, si l’on intègre l’ensemble des canaux de financement (bourse, business angel, financement participatif, etc.), arrivent, avec 414 millions d’euros engrangés en 2015, en tête des sociétés françaises spécialisées dans les technologies propres (32).

Les capitaux privés abondent pour le financement des projets d’énergie renouvelable. Toutefois, comme l’a souligné M. Denis Clodic, co-lauréat du prix Nobel de la Paix 2007, ce « marché » est relativement étroit en France. En effet, les fonds d’investissement du secteur accueillent très souvent de grandes entreprises, celles du CAC 40. Or celles-ci peuvent avoir une vision biaisée des opérations à soutenir, ce qui, à terme, pourrait peser sur le développement de certaines filières ou technologies.

Les projets d’énergie renouvelable sont également financés par des opérateurs publics, comme la Caisse des dépôts et BpiFrance. La première a investi, depuis 2006, plus de 400 millions d’euros dans des sociétés de projet du secteur (33), en intervenant dans la quasi-totalité des filières, les plus comme les moins matures. Quant à la seconde, elle a accéléré les interventions des structures qui l’ont précédée, portant le total des fonds mobilisés depuis 2011 pour soutenir des producteurs d’énergie renouvelable (1 600 unités) à 5,5 milliards d’euros, dont 4,9 milliards d’euros en crédits d’engagement. Ainsi, pour la seule année 2015, BpiFrance a déboursé 1,2 milliard d’euros en crédits engagements, dont 40 % pour le photovoltaïque et 40 % pour l’éolien.

Enfin, les filières renouvelables bénéficient, de plus en plus, de modes de financement innovants, que les rapporteurs avaient appelés de leurs vœux en 2014.

Le marché des obligations vertes ou green bonds a progressé de manière spectaculaire. Ces obligations constituent désormais la catégorie de nouveaux actifs financiers qui connaît, au niveau mondial, la plus forte croissance, avec des émissions, en 2015, d’une valeur de 48 milliards de dollars (contre 13 milliards de dollars en 2013) (34). La France participe pleinement à cette dynamique, puisque des green bonds ont été émis par des régions (Île-de-France, Provence–Alpes–Côte d’Azur et Nord-Pas-de-Calais), des agences publiques, comme l’Agence française de développement (AFD), et des entreprises, notre pays étant, en 2015, le deuxième pays émetteur de ces obligations, après les États-Unis (35). Afin d’accélérer ce mouvement, le Président de la République a indiqué, le 25 avril 2016, que la puissance publique demandera aux banques publiques (Caisse des dépôts, BPI et AFD) de lancer des obligations vertes, dédiées à des projets d’investissement environnementaux, et qu’elle pourra, sur des échéances très longues, porter elle-même un instrument financier.

Le financement participatif (crowfunding) occupe, quant à lui, une place marginale, alors qu’il peut concerner, selon les technologies employées, jusqu’à 40 % des projets d’énergie renouvelable portés en Allemagne et au Danemark (36). La collecte des plateformes françaises de financement participatif (pour les prêts et les investissements) progresse cependant de manière rapide, puisqu’elle est passée de 152 millions d’euros en 2014 à près de 300 millions d’euros en 2015 (37). Ce mode de financement bénéficie, de surcroît, d’un cadre juridique désormais solide et plus favorable. Une ordonnance du 30 mai 2014 et un décret du 16 septembre 2014 ont en effet institué deux statuts spécifiques – de conseiller en investissements participatifs et d’intermédiaire en financement participatif pour le prêt – qui permettent aux plates-formes respectant la réglementation de bénéficier d’un label. D’autre part, la loi « TEPCV » du 17 août 2015 autorise les sociétés commerciales ou les sociétés d’économie mixte locales, constituées en sociétés de projet pour la production d’énergie renouvelable, à ouvrir une partie de leur capital aux habitants qui résident à proximité du lieu de réalisation du projet, ainsi qu’aux collectivités territoriales compétentes sur le territoire desquelles il se situe.

Un accès segmenté aux financements privés

Les développements qui précèdent pourraient laisser supposer qu’il n’y a aucun problème de financement des filières renouvelables. En réalité, les capitaux privés restent peu accessibles aux porteurs de petits projets, surtout s’ils souhaitent mettre en place une installation complexe, de type industriel, comme une unité de méthanisation. Ces acteurs, qui ne peuvent recourir à la finance dite corporate, via le marché obligataire ou boursier, sont en effet obligés de solliciter des emprunts bancaires. Or les banques sont particulièrement réticentes à investir dans de tels projets, car elles les considèrent comme étant trop risqués. Certaines filières ou installations sont donc les victimes de ce que M. Damien Ricordeau, président fondateur de Finergreen, a appelé un sous-financement bancaire.

Pour contourner cette difficulté, plusieurs pistes ont été évoquées. La première consisterait à s’inspirer du modèle de financement mis en œuvre par la banque d’investissement allemande, la KfW. Celle-ci apporte aux banques allemandes de la dette de long terme à des taux réduits, ce refinancement avantageux leur permettant ensuite d’accorder des prêts préférentiels à tous les acteurs (citoyens, entreprises et collectivités locales) qui souhaitent développer des projets d’énergie renouvelable. Grâce à cet outil, la KfW a cofinancé plus de la moitié des projets d’énergie renouvelable et plus de 80 % des projets éoliens (38). Une autre piste consisterait à faire entrer la Caisse des dépôts ou des collectivités territoriales, par le biais de sociétés d’économie mixte (SEM) dans ce second cas de figure, dans le capital des petits porteurs de projets afin d’alléger leur effort financier. Le représentant de BPI France, M. Antoine Boulay, a souhaité, pour sa part, que de nouveaux outils d’accompagnement de ces projets soient étudiés, comme par exemple la mise en place d’une garantie publique des financements apportés par des fonds propres et de la dette bancaire.

4. Des prix de l’électricité et du carbone très défavorables

Le développement des énergies renouvelables est freiné par deux chocs « exogènes » : la baisse du prix de l’électricité, qui affecte la rentabilité des producteurs, et la faiblesse du prix du dioxyde du carbone (CO2), qui renforce la compétitivité des centrales thermiques à charbon.

a. Un marché de l’électricité durablement déprimé

Les raisons de cette baisse

Les prix de l’électricité sont, depuis plusieurs années, tirés vers le bas. D’après les données de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), au 1er trimestre 2016, les prix de gros sur le marché à court terme ouest–européen (enchère EPEX Spot) ont, comparés au trimestre précédent, chuté de 29 %, à 28,80 €/MWh, et ce malgré une hausse de la consommation. Ce mouvement s’est poursuivi au 2ème trimestre 2016 avec, par rapport au 2ème trimestre 2015, une baisse des prix de 6,7 % à 25,9 €/MWh (39).

Cette diminution des cours est, en outre, durable et concerne notre principal partenaire, l’Allemagne, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

PRIX DE GROS MOYEN DE L’ÉLECTRICITÉ (SEMESTRIEL)
EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE

Source : IDDRI, Working Paper n° 06/2016, p. 12.

La baisse observée s’explique par plusieurs facteurs parmi lesquels :

– le différentiel entre la capacité de production électrique en Europe, qui a augmenté de près de 80 % depuis les années 2000, et la consommation, qui n’a augmenté, elle, que de 7,5 % (40) ;

– les distorsions créées par l’arrivée, sur le marché de l’électricité, d’une production renouvelable subventionnée, qui est vendue à prix fixe, et ce quelle que soit la situation du marché. Les installations renouvelables ont de ce fait, en fonctionnant indépendamment des prix du marché, un impact sur celui-ci, qui peut conduire, comme l’a souligné la Cour des comptes, à la formation ou au maintien de prix négatifs (41) ;

– la baisse généralisée des prix des combustibles fossiles, comme le montre la figure ci-après, en raison de l’arrivée du gaz de schiste américain, de la diminution de la demande mondiale d’énergie, qui résulte d’une croissance moins forte dans certains pays en développement, et du maintien des quotas de production au sein des pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), ce qui favorise la surproduction mondiale (42).

PRIX DE RÉFÉRENCE EUROPÉENS DES COMBUSTIBLES FOSSILES
(CHARBON, GAZ, PÉTROLE)

Source : IDDRI Working Paper n° 06/2016, p. 12.

Les effets de cette baisse

Sur le plan économique, compte tenu de la situation de surproduction sur le marché européen, les prix de l’électricité ont chuté à des niveaux qui sont désormais déconnectés des coûts de production. Le directeur de la stratégie du groupe EDF, M. Marc Bussieras, a estimé, à cet égard, que le fait que le mégawattheure était, en juin 2016, à 30 euros en France et à 25 euros en Allemagne « n’a aucun sens en termes économiques » et qu’il faudrait, au minimum, doubler ce prix pour pouvoir couvrir les investissements, qu’il s’agisse du secteur des énergies renouvelables ou conventionnelles (43).

Sur le plan psychologique, ce contexte tend à remettre en cause la légitimité du soutien accordé aux énergies renouvelables : ce mécanisme paraît fonctionner à « fonds perdus », puisque la rentabilité de long terme des investissements ne semble pas assurée, alors que la facture acquittée par le consommateur augmente, sous l’effet de l’accroissement des charges du service public de l’électricité. À cela s’ajoute le fait, relevé par l’Observatoire Énergies d’entreprises d’EDF, que ce mécanisme peut avoir des « conséquences sociales tout à fait indésirables » : la composante de financement des énergies renouvelables de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) pose en effet des problèmes d’équité car « la facture d’une famille ayant peu de revenus contribue à financer les panneaux solaires que peuvent surtout payer les catégories sociales favorisées » (44).

b. Un signal prix du CO2 inopérant pour la transition énergétique

La baisse du prix des énergies fossiles et la crise économique ont pesé sur le cours de la tonne CO2. Celui-ci a atteint son plus haut niveau en 2008, autour de 30 euros/tonne, puis a fortement chuté par la suite, sans pouvoir jamais se rétablir, d’autant que le marché des quotas d’émission est structurellement excédentaire en Europe. Ainsi, au premier trimestre 2016, le « prix moyen spot du produit EUA » s’est établi à 5,6 euros/tCO2, soit une baisse de 33 % par rapport au quatrième trimestre 2015.

Or, comme l’ont souligné le Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), la faiblesse persistante des prix des quotas et les excédents constatés sur le marché des droits d’émission « ne permettent pas d’envoyer un signal à long terme de nature à orienter les acteurs économiques vers les solutions les moins émettrices de CO2 » (45). Ainsi, comme les coûts de production d’électricité sont, en raison du prix des combustibles, particulièrement faibles pour les centrales au lignite (environ 5 €/MWh) et nettement inférieurs pour les centrales au charbon (25 €/MWh) que pour les centrales au gaz (40 €/MWh), il est plus intéressant, économiquement, de faire appel aux centrales au lignite et au charbon, y compris les plus anciennes, devenues très compétitives.

C’est donc, pour reprendre les propos de M. Marc Bussieras, directeur de la stratégie du groupe EDF, un « signal de quasi-gratuité » du CO2 qui est envoyé aux agents économiques, ce qui ne peut que les inciter à en produire (46), rendant ainsi d’autant plus difficile la construction d’un mix électrique plus équilibré.

B. UN CADRE DE RÉFÉRENCE QUI SUSCITE DES INTERROGATIONS

Les rapporteurs avaient souligné en 2014 le besoin de simplification et de stabilisation des dispositifs de soutien et d’encadrement des filières renouvelables. Les mesures adoptées à cet effet sont récentes. Si elles traduisent d’incontestables progrès, elles suscitent aussi des interrogations.

1. Un nouveau dispositif d’aide qui comporte des incertitudes

Le développement des énergies renouvelables restera, pendant encore de longues années, dépendant d’un soutien accordé par la puissance publique. En effet, beaucoup de projets ne pourraient pas se concrétiser, dans ce domaine, sans de telles aides, pour deux raisons. L’une est historique : les tarifs d’achat des énergies renouvelables pratiqués chez nos voisins étaient généralement plus élevés. L’autre est économique et résulte du contexte créé par des prix de l’énergie fossiles très bas. Une fois reconnue la nécessité de ce soutien, il reste à déterminer si ses modalités, qui viennent d’être réformées, sont optimales.

a. Un « complément de rémunération » en principe plus vertueux car moins déconnecté du marché

Du tarif d’achat au complément de rémunération

Jusqu’au 1er janvier 2016, le soutien aux énergies renouvelables était exclusivement fondé sur un mécanisme d’obligation d’achat dans lequel l’intégralité de la production était rachetée, à prix constant, par « l’acheteur obligé » (EDF principalement, aux côtés des entreprises locales de distribution), sur toute la durée du contrat conclu entre celui–ci et le producteur.

Ce tarif d’achat garanti (TAG) évite ainsi aux producteurs d’être exposés aux fluctuations du marché. Il présente, de ce fait, d’indéniables « vertus » pour les développeurs et la collectivité. En effet, comme il garantit une visibilité et une stabilité sur les revenus de l’installation, les investisseurs sont incités à financer des projets dans les filières renouvelables et à soutenir, de cette façon, la diversification du mix énergétique français.

Ce mécanisme présente toutefois trois inconvénients :

– les coûts de production des énergies renouvelables ayant baissé plus vite que les tarifs, l’obligation d’achat a engendré des rentes importantes, d’autant que ce type de soutien rencontre des difficultés à « suivre » l’évolution des coûts effectifs des différentes filières ;

– ce dispositif est onéreux pour le consommateur, comme en témoigne la hausse de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ;

– enfin, il a, selon l’Observatoire Énergies d’entreprises d’EDF, « aggravé la surcapacité sur le marché de gros de l’électricité, ce qui a fait chuter les prix et fragilisé les producteurs » (47).

À cela s’ajoute le fait que les coûts de production de certaines énergies renouvelables suivent une tendance à la baisse, vraisemblablement appelée à se poursuivre à l’avenir, et se rapprochent des coûts des énergies conventionnelles. Ainsi, les coûts d’investissement et d’exploitation de la filière photovoltaïque ont beaucoup baissé, avec la diminution du prix des modules qui représente, à lui seul, près de la moitié des dépenses d’investissement et devrait atteindre 0,7 euro/Wc en 2016 contre 2 euros en 2011 (48). Pour l’éolien, le coût actualisé de cette énergie, calculé sur la durée de vie des installations, devrait baisser de 26 % dans la filière terrestre et de 35 % dans la filière marine entre 2015 et 2025 (49).

Pour tenir compte de ce contexte, la Commission européenne a adopté, en juin 2014, des lignes directrices sur les aides d’État à l’énergie (50), qui visent, d’une part, à renforcer la concurrence entre producteurs d’énergies renouvelables et, d’autre part, à faire participer ces énergies au marché de l’électricité. Ce texte oblige, dans ce but, les États Membres à recourir à des appels d’offres pour les installations de plus de 1 MW, tout en imposant aux installations de plus de 500 kW de vendre directement leur électricité sur le marché, moyennant le versement d’une prime, le « complément de rémunération ».

Les lignes directrices ont été transposées dans le droit interne par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit deux régimes d’aide, exclusifs l’un de l’autre (Cf. le schéma ci-après) :

– le dispositif de l’obligation d’achat, qui continue de s’appliquer aux « petites installations » (moins de 500 kW ou, pour la cogénération au gaz naturel, moins de 300 kW), ainsi qu’à la filière de l’éolien terrestre ;

– le dispositif du complément de rémunération, qui concerne, lui, toutes les nouvelles installations de plus de 500 kW et devrait donc s’appliquer à plus de 75 % des nouvelles capacités installées. Cette « prime de marché » est financée par le compte d’affectation spéciale transition énergétique par lequel transite la CSPE remaniée par la loi de finances rectificative pour 2015.

Afin de sécuriser les revenus des producteurs, le nouveau mécanisme comprend une « prime de gestion » fixe, destinée à couvrir les coûts de commercialisation sur le marché, et un dispositif d’acheteur en dernier recours, qui doit jouer comme un filet de sécurité, en assurant des recettes minimales. Cette procédure permet en effet de désigner, suite à un appel d’offres, un opérateur qui achète, pendant une durée de trois mois, qui peut être renouvelée, l’électricité produite par les installations qui ne parviennent pas à la vendre, soit par elles-mêmes soit par l’intermédiaire d’un agrégateur. Le versement du complément de rémunération est alors suspendu pendant la durée du contrat d’achat.

REVENUS TYPES D’UNE INSTALLATION D’ÉNERGIE RENOUVELABLE
EN FONCTION DU MÉCANISME DE SOUTIEN

Source : IDDRI. Nota : AO = acheteur obligé. Surcoût = qui résulte de l’obligation et des tarifs d’achat.

Le régime du complément de rémunération a été défini par un décret du 27 mai 2016. Ce complément est calculé comme la différence entre un tarif de référence (tarif d’achat implicite ou Te) et un revenu moyen de marché, établi à partir d’une estimation de la moyenne des prix du marché pour l’ensemble de la production nationale de la filière (« Mo »).

L’exploitant d’une installation est ainsi exposé aux prix de marché, puisque, s’il vend « moins bien » sa production que la référence, le complément de rémunération ne comble pas en totalité l’écart entre le tarif d’achat implicite et les revenus réellement touchés par la vente de l’électricité (Cf. le schéma ci-après). Le producteur est donc, selon le Réseau de transport d’électricité (RTE), incité à adapter sa production à la demande afin de « battre » le revenu moyen de marché pour « gagner » davantage que le tarif d’achat implicite (51).

ILLUSTRATION DU MANQUE À GAGNER POTENTIEL POUR UN PRODUCTEUR
D’ÉNERGIE RENOUVELABLE

Source : Syndicat des énergies renouvelables.

Autre point positif : le dispositif de complément de rémunération incite les producteurs à ne pas produire en période de prix négatifs car l’aide n’est alors plus versée. Toutefois, si les épisodes de prix négatifs deviennent trop fréquents, il est prévu de verser une compensation aux producteurs pour limiter les pertes de revenus. Mais celle-ci n’interviendra qu’au-delà d’un certain nombre d’heures de prix négatifs, correspondant à environ 10 % de la production annuelle, et ne sera versée qu’aux installations qui auront effectivement cessé de produire au cours de ces heures.

Un mécanisme qui pourrait affecter le financement des projets par les banques

L’impact économique du nouveau mécanisme ne fait pas consensus. Le Réseau de transport d’électricité (RTE), qui a réalisé, à la demande de la direction générale de l’énergie et du climat, des analyses visant à quantifier cet impact, considère que les modalités de détermination du complément de rémunération ne conduisent, en pratique, à « aucune variabilité supplémentaire des revenus » par rapport à une situation dans laquelle les producteurs supportent, dans le cadre du tarif d’achat garanti, un risque « volume », lié au fait que leurs revenus varient avec la production (52) .

Pour d’autres acteurs, en revanche, en exposant la production d’énergie renouvelable au marché, le nouveau mécanisme de soutien est, de par sa nature même, « fluctuant » et donc plus risqué que le précédent. En outre, la formule de calcul de la prime variable de marché introduit, selon France énergie éolienne (FEE), de nombreux aléas de rémunération pour les producteurs, en raison du calcul d’un prix de référence annuel plutôt que quotidien, du plafonnement des heures rémunérées et de l’application éventuelle d’un coefficient de dégressivité sur la durée du contrat (53).

Par ailleurs, le transfert de la responsabilité de la commercialisation de l’électricité renouvelable des mains d’opérateurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution) à celles d’un grand nombre de producteurs individuels risque, d’après certains experts, d’augmenter les coûts de transaction, auparavant assumés par les acheteurs obligés (54). Plusieurs interlocuteurs, comme l’Observatoire Énergies d’entreprises d’EDF et la société Neoen, ont néanmoins estimé que la hausse de ces coûts (frais d’accès à la bourse, paiement d’un personnel spécialisé en trading, système informatique adapté, etc.) devrait rester modeste.

Cependant, même minimes, ces incertitudes peuvent affecter la perception de la rentabilité économique des projets, notamment celle des banques – dont l’aversion pour le risque est forte – et conduire à renchérir le coût du financement des nouvelles installations. Or, d’après l’Institut du développement durable et des relations internationales, ce risque de renchérissement concerne surtout « les acteurs de taille modeste (développeurs indépendants, acteurs publics locaux, etc.) qui ne disposent que d’un accès limité aux marchés de capitaux et dépendent essentiellement des emprunts bancaires » (55). France énergie éolienne (FEE) s’est montrée plus pessimiste, en considérant que le nouveau contexte sera plus risqué qu’en contrat d’obligation d’achat et que les conditions de financement seront « nécessairement dégradées » (56). Le représentant de Bpi France, M. Antoine Boulay, a estimé, à titre d’exemple, que le ratio de fonds propres exigé par les banques pour financer ces projets pourrait passer, dans le pire des scénarios, de 20 % à 35 %, voire 40 %, ce qui ne serait pas sans conséquences sur la taille de « l’écosystème » des énergies renouvelables dans notre pays. En Allemagne, la mise en œuvre du nouveau dispositif, en 2014, a incité les banques à augmenter de 10 points les apports de fonds propres exigés : le ratio fonds propres/dette bancaire s’approche désormais de 30/70, contre 20/80 auparavant (57).

La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a estimé, de son côté, que la « soutenabilité bancaire » des projets devrait être assurée par deux dispositions du nouveau régime d’aide : d’une part, la désignation d’un acheteur en dernier recours et, d’autre part, le fait que, pour les installations dont la production est variable, comme l’éolien ou le photovoltaïque, les textes d’application de la loi du 17 août 2015 prévoient, afin de minimiser l’aléa sur ce paramètre, que le prix moyen de marché utilisé pour déterminer le revenu de l’installation pourra être calculé sur une base mensuelle et non annuelle.

Une prime de gestion fixée à un niveau assez bas

La prime de gestion a pour but de couvrir, comme cela a déjà été indiqué, les coûts liés à la commercialisation directe de l’électricité renouvelable sur le marché.

Elle n’est pas explicitement prévue pour les installations soutenues dans le cadre d’un appel d’offres, car son montant sera intégré dans le prix des offres proposées par les porteurs de projets. Pour les installations sous complément de rémunération dites en guichet ouvert (car l’aide est versée sans passer par un appel d’offres), son niveau sera compris entre 1 et 2 euros/MWh selon les filières, ce qui paraît modeste mais correspond, d’après l’analyse de la direction générale de l’énergie et du climat, au renchérissement des coûts induits par la réforme. Ce montant sera, en outre, fixe sur toute la durée du contrat, afin de donner de la visibilité aux acteurs. Il y a lieu de noter, à titre de comparaison, que les choix faits par l’Allemagne sont strictement inverses. Ce pays a en effet mis en place, en 2014, une prime attractive et évolutive afin d’encourager la constitution d’un marché de l’agrégation de l’électricité renouvelable : son montant était au départ, selon France énergie éolienne (FEE), de 12 euros/MWh pour l’éolien et le solaire, avant d’être progressivement réduit à 3 ou 5 euros/MWh, en fonction des installations.

b. Un mécanisme dont l’efficacité est soumise à condition

L’efficacité du mécanisme de complément de rémunération dépendra de nombreux paramètres techniques, qui tiennent au fonctionnement des marchés et à la procédure d’attribution des aides.

Un marché qui doit être à la fois structuré et fluide

Sous le régime du complément de rémunération, les installations de production devront soit vendre elles-mêmes leur électricité sur le marché, soit conclure un contrat avec un agrégateur pour lui confier la valorisation de leur électricité.

La fonction d’agrégateur sera d’autant plus utile que ce dernier pourrait garantir un prix moyen d’achat de l’électricité au producteur. En effet, ainsi que cela a déjà été indiqué, le montant du complément de rémunération peut être insuffisant pour compenser l’écart entre les revenus effectivement perçus par un producteur et la moyenne des prix de marché (« Mo ») qui est estimée pour calculer la prime. Les agrégateurs pourraient donc proposer aux producteurs, afin de combler ce manque à gagner, de racheter leur électricité au prix « Mo ».

En outre, le jeu de la contractualisation entre producteurs et agrégateurs devrait conduire ces derniers à obtenir des informations plus précises sur les prévisions de production, afin d’être en mesure de compenser les moindres revenus issus de la vente de l’électricité sur le marché. Or cette incitation, pour les installations d’électricité renouvelable, à prévoir correctement leur production devrait être, à terme, bénéfique au système électrique dans son ensemble, dans la mesure où ces données pourraient être transmises au Réseau de transport d’électricité (RTE) afin de mieux piloter les flux acheminés (58).

Le rôle des agrégateurs devrait donc se développer, en toute logique, du côté de la demande comme de l’offre d’énergie renouvelable. France énergie éolienne (FEE) a toutefois considéré que l’insuffisante liquidité du marché de gros de l’électricité en France – seul un cinquième de la production est négociée sur le marché journalier ou day-ahead – et son caractère très concentré, du fait de la place prépondérante d’EDF, pourraient rendre difficile l’émergence d’un marché de l’agrégation (59). Le Syndicat des énergies renouvelables a estimé, pour sa part, que le nombre d’entreprises se positionnant sur le marché de l’agrégation pourrait être réduit par deux facteurs : d’une part, la limitation du volume d’électricité renouvelable disponible pour l’agrégation par le fait que l’éolien, comme on le verra plus loin, est exclu du nouveau dispositif de soutien ; d’autre part, la disparition progressive des agrégateurs indépendants, n’appartenant pas à un grand groupe énergétique, en raison des exigences de solidité financière formulées vis-à-vis d’eux par les banques.

L’équilibrage entre l’offre et la demande implique par ailleurs, comme l’a souligné le Réseau de transport d’électricité (RTE), de rémunérer, par le recours aux marchés spot et infra-journalier, des leviers de flexibilité du système électrique. En effet, sans de tels financements, il ne sera pas possible, demain, dans un réseau qui accueillera de manière massive des énergies renouvelables, de s’adapter à des variations rapides de la production en mobilisant ces outils flexibles à une vitesse qui ne sera plus, comme aujourd’hui, de l’ordre de 10 GW/heure mais peut–être de 1 GW/minute (1).

Des appels d’offres à manier avec rigueur et prudence

Avant l’adoption des lignes directrices européennes en matière d’aides à l’énergie, la procédure des appels d’offres était appliquée en France à la plupart des filières renouvelables (solaire photovoltaïque, hydroélectricité, biomasse, éolien offshore et énergie marine). Ses modalités de mise en œuvre ont été critiquées par la Cour des comptes en 2013, qui a relevé le caractère parfois injustifié ou inefficace, en particulier pour obtenir le meilleur prix, des appels d’offres et leur mauvaise articulation avec les tarifs d’achat (60).

Ces scories doivent impérativement être corrigées, car les appels d’offres vont se généraliser sous l’impulsion des lignes directrices, qui n’accordent, en la matière, que quelques dérogations. Cette procédure concernera de fait un grand nombre d’unités : les installations solaires de plus de 100 kWc, les installations de méthanisation de plus de 500 kW, les installations hydrauliques de moins de 4,5 MW et toutes les installations de biomasse et d’éolien en mer.

Ce nouveau cadre devrait permettre, selon le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, de « favoriser la concurrence pour faire baisser les coûts unitaires de production » et de « mieux piloter le rythme de développement des différentes filières, pour contrôler les volumes » (61). Il pourrait être aussi une source de coûts nouveaux, d’après les analyses de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), pour qui la généralisation des appels d’offres pourrait constituer une « barrière infranchissable pour les petits porteurs de projets, qui ne pourront remplir les conditions d’éligibilité et ne peuvent assumer le risque d’investissements échoués ». Or, comme cette évolution pourrait « fortement mettre en péril la diffusion des projets d’énergie renouvelable participatifs et citoyens », le ministère devrait évaluer, de manière régulière, la capacité de ce dispositif d’allocation à préserver la diversité des acteurs sur le marché de l’électricité renouvelable (62).

c. Un régime dérogatoire justifié pour l’éolien terrestre

Par rapport aux nouvelles « règles du jeu », l’éolien terrestre bénéficie d’une double dérogation.

• En premier lieu, le tarif versé dans le cadre de l’obligation d’achat pourra être conservé jusqu’en 2024, car il a été notifié à la Commission européenne en octobre 2013 et validé en mars 2014, avant la publication des nouvelles lignes directrices encadrant les aides d’État en matière d’énergie. Cette décision permet donc de préserver, pour les investisseurs, la lisibilité et la sécurité offertes par le tarif d’achat et de maintenir ainsi l’attractivité économique d’une technologie très intensive en capital, dont le coût de production est étroitement dépendant du coût des fonds investis et de la durée de vie et d’amortissement des projets.

Les atouts – réels – de ce régime d’aide ne rendent pas moins souhaitable une évolution, prudente et concertée, du soutien à la filière. La structure du tarif d’achat paraît en effet inadaptée, comme l’ont montré notamment les travaux de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). La faible différenciation tarifaire en fonction du « productible » (la capacité de production) des installations offre en particulier aux parcs éoliens les mieux situés, qui bénéficient des meilleures conditions de vent (16 au total, soit près de 40 % du panel étudié), un taux de rentabilité interne du capital investi très supérieur au coût moyen du capital de référence (5 % après impôts) utilisé par la CRE pour élaborer ses avis sur les tarifs d’obligation d’achat. Dans certains cas, cette rentabilité après impôts peut être même excessive, car elle dépasse les 10 % (63).

Ces considérations et la dynamique de réforme impulsée par les lignes directrices européennes ont conduit le ministère de l’environnement à indiquer que le dispositif serait garanti, selon le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, « au moins jusqu’au terme de la première période de la PPE (2018) », date à laquelle la CRE remettra un rapport au ministre en charge de l’énergie sur le fonctionnement du dispositif de complément de rémunération (64). Le Gouvernement examinera alors l’opportunité de faire basculer l’éolien terrestre dans le système du complément de rémunération.

• En second lieu, l’éolien terrestre serait exempté, du moins jusqu’en 2018, de la procédure des appels d’offres. Ses installations devraient donc bénéficier d’un soutien « à guichet ouvert » qui s’avère, d’après le Syndicat des énergies renouvelables (SER), efficace car il permet aux développeurs de bien travailler les conditions locales des projets, en les adaptant aux données géographiques et sociales régionales ou communales.

2. Des procédures d’autorisation et de raccordement remaniées mais qui restent longues et coûteuses

L’offre d’énergie renouvelable est victime d’un goulot d’étranglement, qui résulte de la longueur excessive des procédures d’autorisation de construction et de raccordement des installations au réseau électrique. En 2014, les rapporteurs avaient évoqué, à ce sujet, une « complexité administrative paralysante » (65) et appelé à une simplification des dispositifs. Depuis lors, un nombre important de mesures ont été adoptées pour aller dans ce sens, mais il semble qu’en dépit de ces avancées, les producteurs soient encore confrontés à des normes complexes, voire surabondantes.

Un réel effort de simplification qui est récent et qui, selon certains professionnels, reste inachevé

De nombreuses mesures de simplification ont été engagées depuis 2014 et devraient, à court terme, permettre d’accélérer le développement des énergies renouvelables. Elles concernent tout particulièrement la filière éolienne, avec la suppression, par la loi « Brottes » du 15 avril 2013, de certaines contraintes d’implantation (comme les zones de développement de l’éolien et le seuil de cinq mâts pour la construction d’un parc éolien) et la prolongation, par un décret du 5 janvier 2016, des délais de caducité des permis de construire des parcs éoliens terrestres, dans une limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation.

Au-delà du cas particulier de l’éolien, d’autres mesures ont été récemment adoptées afin de faciliter l’implantation des installations d’électricité renouvelable, parmi lesquelles on peut citer :

– le décret du 5 janvier 2016 relatif à la durée de validité des autorisations d’urbanisme, qui permet de proroger plusieurs fois cette durée, jusqu’à dix ans, à compter de la délivrance de la décision concernant les ouvrages de production ;

– le décret du 18 février 2016 relatif à la procédure des appels d’offres, qui permet de simplifier celle–ci (raccourcissement des délais d’instruction, dépôt des dossiers par voie électronique, classement automatisé des offres, etc.) ;

– le relèvement des seuils de puissance des installations, qui dispense la plupart d’entre elles, dès lors qu’elles bénéficient d’un soutien public, de l’autorisation d’exploiter au titre du code de l’énergie.

Par ailleurs, une ordonnance du 20 mars 2014 et un décret du 2 mai 2014 ont encadré l’expérimentation, dans sept régions, d’une autorisation unique en matière d’installations classées pour l’environnement (ICPE), qui concerne les parcs éoliens terrestres et les installations de méthanisation et de production d’électricité ou de biométhane à partir de biogaz. L’article 145 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a étendu cette expérimentation à l’ensemble des régions.

Ce dispositif a permis de regrouper, pour le porteur du projet, dans une même procédure, la majorité des autorisations prévues par les différents codes – autorisation d’exploitation et demande de raccordement au titre du code de l’énergie ; autorisation au titre du régime des installations classées pour l’environnement (ICPE) ; avis des opérateurs radar de Météo France et de la Défense ; permis de construire au titre du code de l’urbanisme ; autorisation de défrichement au titre du code forestier, etc. – autour d’une autorité unique de délivrance, le préfet du département.

Les professionnels entendus par les rapporteurs ont salué ces mesures, tout en soulignant qu’elles n’ont pas permis d’éliminer l’ensemble des dispositions qui freinent le développement des projets d’énergie renouvelable. France énergie éolienne a cité, à titre d’exemple, la limite de hauteur des éoliennes à 150 mètres en bout de pale, qui empêche le déploiement des technologies les plus efficaces et conduit à ce que les équipements installés en France sont loin d’atteindre les dimensions de ceux implantés en Allemagne.

En outre, les premiers retours d’expérience de l’autorisation unique font état d’un bilan mitigé. France énergie éolienne considère, en particulier, que la réglementation ne va pas au bout de la logique de l’autorisation unique, mais s’apparente d’avantage à un « guichet unique » qui conduit au regroupement des procédures dans un seul dossier, sans pour autant les fusionner et réduire leur nombre. Le Syndicat des énergies renouvelables constate, pour sa part, une amélioration des délais d’instruction, mais dans certaines régions seulement, alors que, dans les autres, la durée globale de l’instruction a été significativement allongée par de nombreuses demandes successives de compléments. Aussi cette association juge-t-elle nécessaire de généraliser et d’harmoniser l’organisation en mode « projet » des services instructeurs, autour de l’interlocuteur unique, afin que celui-ci coordonne l’instruction et hiérarchise les demandes de compléments.

Ces associations professionnelles ont souligné a contrario l’intérêt du projet de décret et du projet d’ordonnance, en cours d’adoption, qui doivent pérenniser, à partir de 2017, les autorisations uniques relatives aux ICPE qui sont expérimentées depuis 2014. En effet, ces textes présentent, par rapport au dispositif expérimental, des avancées significatives, en particulier la suppression du permis de construire pour les éoliennes terrestres. Ils comportent toutefois, selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), des dispositions susceptibles d’amoindrir la simplification recherchée telle que la procédure de réclamation, qui peut être initiée à tout moment, y compris après la mise en service de l’installation, et qui permet de demander des prescriptions techniques complémentaires, l’autorité administrative étant tenue de répondre à ce recours par un avis motivé.

Une question difficile : le traitement de l’inflation des contentieux administratifs

Le caractère quasi-systématique des procédures contentieuses engagées par des tiers à l’encontre des projets éoliens et la forte proportion, parmi elles, des situations d’abus de droit conduisent à se poser la question de l’encadrement des recours abusifs, les sanctions financières applicables en la matière ne paraissant pas assez dissuasives (66). L’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) estime en effet que la moitié des projets font l’objet de recours contentieux et que près de 80 % d’entre eux sont rejetés ou déclarés irrecevables par la suite (67).

Le président du groupe de travail sur le permis environnemental unique, M. Jean-Pierre Duport, a demandé, à cet égard, qu’un travail d’analyse juridique soit mené par le ministère de l’environnement pour examiner la question de l’intérêt à agir contre ce permis (68). Les textes relatifs à l’autorisation environnementale unique, qui devraient être publiés d’ici la fin de l’année 2016, sont cependant muets sur le sujet, ce qui a conduit le Syndicat des énergies renouvelables (SER) à regretter que cette réforme n’ait pas permis d’aller plus loin, par exemple en intégrant des dispositions circonscrivant l’intérêt à agir des requérants (69).

La mise en œuvre d’une solution acceptable dans ce domaine suppose, toutefois, de construire un équilibre, très délicat à façonner sur le plan juridique et social, entre la réduction des incertitudes qui pèsent sur les porteurs de projet et la protection du droit que possède toute personne à défendre, devant une juridiction, l’intérêt général ou ses propres intérêts.

Une autre piste de réforme consisterait à réduire les délais globaux de contentieux, en partant du fait que l’utilisation des différentes voies de recours possibles contre chaque décision administrative et des possibilités d’appel peut aboutir, dans certains cas, à des procédures pouvant dépasser dix ans. Le président de France énergie éolienne (FEE), M. Olivier Perot, a proposé, à cet effet, de supprimer un niveau juridictionnel pour le traitement des recours contre les projets éoliens, sur le modèle de la procédure applicable aux énergies marines renouvelables. Un décret du 8 janvier 2016 relatif aux ouvrages énergétiques en mer attribue en effet à la cour administrative d’appel de Nantes la compétence pour connaître, en premier et dernier ressort, des recours dirigés à leur encontre, tout en limitant leur instruction à un délai de douze mois.

Des délais et des coûts de raccordement restant problématiques

Selon France énergie éolienne, les délais et les coûts de la procédure de raccordement se sont fortement accrus ces dernières années, de respectivement + 50 % et + 100 % entre 2007 et 2014 (70).

• En ce qui concerne les délais, la file d’attente de raccordement des installations de production d’électricité renouvelable en France continentale était, au 31 décembre 2015, de 13 747 MW (71). Au 30 juin 2016, elle était encore plus importante (14 187 MW), le volume en attente pour l’éolien expliquant, à lui seul, pourquoi les objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de 2016 ne sont pas atteints (Cf. le graphique ci–après).

À l’inverse, dès lors que l’on additionne le parc installé et celui en attente de raccordement, la cible retenue par la PPI pour 2018 est dépassée (soit un objectif national atteint au 30 juin 2016 à 115 %, contre 87 % en comptant la file d’attente) (72).

Pour limiter ce phénomène de file d’attente, la loi du 17 août 2015 a institué un délai de 18 mois pour le raccordement de toutes les installations de plus de 3 kW (article L. 342-3 du code de l’énergie). Un décret du 1er avril 2016 précise que ce délai court à compter de la date de réception par le gestionnaire de réseau de la convention de raccordement signée par le demandeur.

PUISSANCE INSTALLÉE ET EN FILE D’ATTENTE AU 30 JUIN 2016

Source : RTE, SER, Enedis et ADEeF, septembre 2016.

Les facteurs entrainant un allongement des délais sont variés : suspensions de travaux en raison des recours ; problématiques de création et de renforcement du réseau de distribution pour des sites qui deviennent saturés ; délais de raccordement au réseau de transport des « postes sources », qui permettent d’abaisser la tension et d’accueillir de nouvelles installations renouvelables ; circuits administratifs, etc. Sur ce dernier point, sur les 23 mois de délai moyen observé entre l’acceptation de la proposition technique et financière pour une installation photovoltaïque et la mise en service de l’ouvrage, seuls 20 % sont liés à la phase de travaux, une partie conséquente des délais découlant des procédures administratives (73).

Ces contraintes ont été prises en compte « en aval » par la loi du 17 août 2015, qui prévoit que l’autorité administrative peut accorder des prorogations du délai de raccordement lorsque les causes du retard sont liées à la taille ou à la localisation de l’installation par rapport au réseau, ou, plus généralement, sont imputables à des causes indépendantes de la volonté du gestionnaire de réseau.

En amont, les schémas régionaux de raccordement aux réseaux des énergies renouvelables (S3REnR), conçus sur la base des objectifs des schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE), peuvent contribuer à réduire les délais, en permettant de mieux localiser les installations de production d’énergie renouvelable sur le réseau. Ces schémas donnent en effet aux gestionnaires de réseau la possibilité d’anticiper les infrastructures (comme les postes « source ») à même de pouvoir accueillir les capacités projetées de production.

Le déploiement de ces schémas a été cependant retardé pour des raisons techniques et administratives. Ce n’est qu’en juin 2016 que l’ensemble des 21 S3REnR sont entrés en vigueur (74). La bonne utilisation de ces schémas est, de surcroît, rendue complexe par l’empilement des documents de planification de la politique énergétique nationale et locale. Enedis estime, en particulier, que l’absence de lien fort entre les nouveaux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), qui ont vocation à « absorber » les SRCAE, et la programmation pluriannuelle de l’énergie pourrait affecter la cohérence territoriale de la transition énergétique, ainsi que sa « lisibilité » pour les gestionnaires de réseau – ces derniers étant contraints de prendre en compte des objectifs distincts (75).

L’optimisation des raccordements aux réseaux passe aussi, selon certains organismes, par de nouveaux outils juridiques. Enedis estime notamment que les gestionnaires de réseau gagneraient à être associés à cette procédure, dès l’élaboration des schémas d’objectifs régionaux, pour anticiper les investissements à venir. L’Observatoire Énergies d’entreprises d’EDF propose par ailleurs d’adapter les procédures de raccordement au réseau, en prévoyant des modalités qui permettent « l’écrêtement » de la production face aux contraintes de réseau. Une telle disposition, déjà mise en œuvre en Allemagne, pourrait réduire les délais de raccordement des nouvelles unités, en incitant les gestionnaires de réseaux, qui financeraient l’écrêtement des installations renouvelables les plus sensibles, à accélérer les travaux là où cela fait sens.

• L’augmentation des coûts de raccordement a été continue, notamment en en raison de la suppression, par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (« NOME »), du mécanisme de « réfaction » par lequel le gestionnaire du réseau couvrait une partie des coûts de l’opération.

Cette réfaction tarifaire subsiste pour le raccordement des installations de consommation et consiste à couvrir par le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (TURPE) une partie des coûts de raccordement. La contribution due par l’utilisateur de réseau est, à ce titre, diminuée à hauteur du taux de réfaction appliqué au coût de raccordement (40 %) pour les installations de consommation raccordées en basse ou moyenne tension à un réseau public de distribution d’électricité.

Un projet de loi, présenté le 12 octobre 2016 en conseil des ministres (76), prévoit de rétablir le principe de réfaction tarifaire pour le raccordement des installations de production d’électricité renouvelable. Cette mesure ne fait pourtant pas l’unanimité. Enedis estime en particulier qu’elle pourrait réduire l’incitation à la bonne localisation des moyens de production renouvelable, car les coûts actuels de raccordement, qui sont fonction des capacités d’accueil du réseau et de l’éloignement de l’installation par rapport à celui-ci, incitent les développeurs à choisir des zones disposant de telles capacités et proches du réseau. En outre, la prise en charge, par le gestionnaire de réseau, d’une partie des coûts de raccordement devra être répercutée sur l’ensemble des utilisateurs du réseau via une augmentation du TURPE, tarif auquel les producteurs d’énergies renouvelables ne sont pas exposés (77). La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a estimé, sur ce point, que l’application d’un taux de réfaction de 40 % devrait être compensée par une hausse du tarif de 0,65 %. Elle a par conséquent recommandé que les installations d’électricité renouvelable ne fassent pas l’objet d’une réfaction, d’autant que les tarifs d’achat dont bénéficient ces filières sont conçus pour couvrir les coûts de raccordement moyens applicables au type d’installation visé (78).

C. LES AXES DE PROGRÈS À PRIVILÉGIER

Les rapporteurs avaient souligné, lors de leur précédent travail, la nécessité de développer les technologies susceptibles d’assurer une intégration efficace des énergies renouvelables dans le système électrique, en contournant l’obstacle que constitue leur variabilité. Les travaux menés à l’occasion du présent rapport ont confirmé l’importance de ces orientations, tout en mettant en lumière l’enjeu que constitue le relèvement du prix du carbone.

1. Mieux piloter la production, la demande et le stockage

L’intégration réussie des énergies renouvelables variables dans le système électrique passe par le pilotage de leur production et de leur consommation et par le stockage des excédents de production pour les restituer lors des pics de demande.

Le pilotage de la production et des consommations

• L’« écrêtement » ou « commandabilité » de la production d’électricité renouvelable désigne la capacité à adapter, à la baisse, le niveau de puissance des moyens de production éolienne et photovoltaïque pour répondre aux besoins du système électrique.

Cette capacité est aujourd’hui limitée : en effet, si des solutions techniques sont déjà déployées sur certaines installations, elles ne sont pas accessibles à l’ensemble des acteurs susceptibles d’en tirer profit. Or, selon le Réseau de transport d’électricité (RTE), il peut être plus intéressant, techniquement et économiquement, d’écrêter la production à certaines heures dans l’année où le réseau est en contrainte plutôt que de concevoir un réseau qui permette d’évacuer 100 % de la production. Cette fonction présente, de fait, un double intérêt, car elle contribue, d’une part, à l’équilibre offre-demande et permet, d’autre part, d’éviter un surdimensionnement de l’infrastructure (79). Pour illustrer ce dernier point, RTE cite l’exemple de l’écrêtement de production éolienne qui, même limité à cinquante heures par an, permettrait de reporter ou d’éviter des renforcements du réseau pour un bénéfice très important, de l’ordre de 2,7 k€/MWcommandables par an. Cet opérateur estime, en conséquence, qu’il pourrait procéder à des écrêtements pendant des durées plus importantes, de manière à « pousser jusqu’à son terme la logique de l’arbitrage économique » entre les coûts de renforcement du réseau et la perte de valeur liée à chaque MWh d’énergie écrêtée (80).

• L’intégration maîtrisée des énergies renouvelables variables dans le système électrique implique par ailleurs de mieux piloter les consommations et les usages. Les outils mobilisés à cet effet sont nombreux et ne cessent de se renforcer. Parmi eux, il convient de citer :

– les dispositifs d’effacement (industriel ou diffus), qui consistent, pour un consommateur (qui peut être un particulier ou une entreprise), à renoncer ou à reporter tout ou partie de sa consommation. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit, à cet égard, de renforcer ces mécanismes, en accordant la priorité aux effacements électriques par rapport à la construction de nouveaux moyens de production « de pointe », destinés à faire face aux épisodes de forte demande. La capacité de l’ensemble des formes d’effacement devrait atteindre, dans ce but, 5 GW d’ici 2018 et 6 GW d’ici 2023 ;

– les compteurs intelligents, avec le déploiement du compteur Linky chez les 35 millions d’usagers français qui a commencé en décembre 2015 et s’étendra jusqu’en 2021. Ceux-ci gagneraient, comme l’avaient observé les rapporteurs en 2014, à offrir de nouvelles solutions technologiques, tel le pilotage à distance des usages. L’étude prospective de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sur un mix électrique 100 % renouvelable en 2050 estime que ce pilotage ne pourra pas être obtenu sans la diffusion, d’ici là, d’une « seconde génération de compteur communicant » qui couvre, entre autres, la totalité des ballons d’eau chaude sanitaire au sein d’une journée et l’effacement de 75 % du chauffage électrique résidentiel et tertiaire (81).

L’enjeu central du stockage des énergies renouvelables

La nécessité d’assurer en permanence l’équilibre offre-demande dans un contexte de variabilité de la demande et de la production confère au stockage, selon le Réseau de transport d’électricité, un « statut de solution technique idéale pour le système électrique » (1).

Le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), M. Jean-Louis Bal, a d’ailleurs estimé que la question du stockage – comme celle des réseaux – revêt aujourd’hui un caractère prioritaire, cet enjeu devenant plus important que celui de l’accroissement des capacités de production renouvelable.

Le développement de solutions de stockage adaptées aux divers niveaux de tension et aux différents besoins (adéquation à long terme de l’offre et de la demande, équilibrage journalier, infra-journalier et en temps réel, réduction des besoins de renforcement du réseau, etc.) d’un système électrique plus décentralisé et « volatile », car ouvert à des milliers de producteurs d’énergie renouvelable, suppose, dès lors, de mettre en œuvre des technologies variées.

L’ADEME distingue ainsi trois types de stockage (82) :

– un stockage dit de court terme, infra-journalier, assuré par des batteries et qui utilise le parc automobile électrique. La stratégie de développement de la mobilité propre incluse dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe, en la matière, un objectif de 1,9 million de véhicules électriques et de 2,5 millions de véhicules hybrides rechargeables en 2030 ;

– un stockage infra-hebdomadaire (32 heures de durée de décharge), assuré par des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). La PPE prévoit de mettre en œuvre, d’ici 2023, des projets de stockage sous cette forme, afin de développer, par rapport aux 4,3 GW de STEP disponibles aujourd’hui, 1 à 2 GW de capacités supplémentaires à l’horizon 2030 ;

– un stockage inter-saisonnier réalisé par l’intermédiaires de filières power-to-gas et gas-to-power, dont les technologies ne pourraient être disponibles qu’à l’horizon 2030. Le power-to-gas permet en particulier la conversion d’électricité en gaz, en transformant l’électricité renouvelable en dihydrogène par électrolyse de l’eau, celui-ci pouvant être ensuite injecté dans le réseau de gaz en l’état ou après conversion en méthane en l’associant à du CO2 par un procédé de « méthanation ». GRDF estime que ces solutions permettront, à terme, d’écrêter les pointes électriques, grâce au stockage de l’électricité renouvelable excédentaire sous forme de biogaz, celui-ci pouvant être, ensuite, restitué au réseau sous forme d’électricité (83).

2. Améliorer les interconnexions et les réseaux de transport et de distribution

L’intégration des énergies renouvelables variables dans le système électrique implique de développer les interconnexions régionales et nationales et de renforcer les réseaux de transport et de distribution.

Développer les interconnexions

Le développement des interconnexions permet de compenser ou de « foisonner » la production renouvelable, c’est-à-dire de réduire les fluctuations des installations de production électrique qui dépendent du vent et du soleil, en les injectant sur des réseaux interconnectés. Ainsi, au niveau national, comme la France dispose de plusieurs régimes de vents « décorrélés », les productions des grandes régions peuvent se compenser entre elles grâce aux réseaux de transport. Cet effet de foisonnement est, bien entendu, encore plus important à l’échelle européenne : dans cette hypothèse, la variabilité de la production éolienne et photovoltaïque pourrait être, d’après l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), divisée par trois (84).

Renforcer les réseaux électriques

Le raccordement des installations renouvelables au réseau dépend de la capacité d’accueil de celui–ci. Or, ainsi que l’a souligné France Stratégie, en Europe, « le développement des énergies renouvelables a été plus rapide que celui des réseaux électriques », ce qui a augmenté les problèmes de variabilité et affaibli la sécurité d’approvisionnement (85).

Le renforcement des réseaux est devenu d’autant plus indispensable que dans certaines régions, le réseau haute, voire moyenne tension peut être saturé. Pour y remédier, les opérateurs ont lancé, dans ce domaine, des programmes d’investissements considérables. Le niveau d’investissement qu’Enedis consacre à la qualité et à la modernisation du réseau a ainsi doublé depuis 2008, passant de 472 millions d’euros à 970 millions d’euros en 2015 (Cf. le graphique ci–après). Au sein de cette enveloppe, près de 200 millions d’euros sont affectés aux seules énergies renouvelables, notamment pour leur raccordement. Le Réseau de transport d’électricité prévoit par ailleurs d’investir 1,2 milliard d’euros dans l’accueil des énergies renouvelables sur la période 2017–2020, dont environ 300 millions d’euros pour la création et le renforcement d’ouvrages.

Cette politique doit déboucher sur le déploiement, à grande échelle, des réseaux intelligents ou smart grids, cette phase devant succéder, comme le prévoit le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), aux démonstrateurs pilote. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a lancé cinq appels à manifestations d’intérêt sur ces réseaux, qui ont permis le financement de 17 démonstrateurs mettant en œuvre différentes dimensions des smart grids, comme le stockage, le pilotage dynamique de la puissance ou de la tension, l’effacement, etc. Afin d’envisager leur développement anticipé dès l’horizon 2017-2020, un appel à projets a été lancé le 15 avril 2016 dans le cadre de l’initiative Nouvelle France Industrielle et trois opérations ont été retenues (FLEXGRID en Provence-Alpes-Côte d’Azur, SMILE en Bretagne et Pays-de-la-Loire et YOU & GRID, un dossier déposé par la métropole de Lille).

EFFORT ANNUEL D’INVESTISSEMENT D’ENEDIS

(En M€)

Source : réponses d’Enedis au questionnaire des rapporteurs.

Le réseau du gaz devrait être également mobilisé pour accueillir les surplus de production d’électricité renouvelable, via leur transformation en hydrogène. Le système gazier pourrait en effet, grâce au power-to-gas, limiter les investissements dans des infrastructures électriques en devenant une batterie. Cette complémentarité entre le gaz et l’électricité devrait être assurée, selon le directeur général de GRDF, M. Édouard Sauvage, par des smart grids multi-énergies, qui permettent de piloter, avec flexibilité, la complémentarité entre les réseaux gaz et électricité.

Le renforcement des réseaux passe aussi par l’optimisation de leur gestion. Les capacités d’échange et de traitement, en temps réel ou quasi réel, des données sur l’état des réseaux devraient donc être améliorées, ce qui aurait aussi pour effet de réduire les délais de raccordement des énergies renouvelables.

Les grands opérateurs se sont engagés dans cette voie, à commencer par Enedis qui déploie, grâce à une approche Big Data, des outils de calcul permettant d’anticiper l’état du réseau aux différentes échéances de temps et ainsi de maximiser l’énergie injectée par les installations renouvelables. Cette société développe également, sur le réseau haute tension, des dispositifs d’échanges d’informations d’exploitation en temps réel entre le producteur et le gestionnaire de réseau, par le biais de boîtiers de communication au travers desquels les données transitent dans les deux sens.

3. Soutenir les technologies innovantes

Les rapporteurs avaient appelé en 2014 à poursuivre l’effort de recherche pour lever les verrous technologiques dans le domaine de la transition énergétique. Cette priorité reste d’actualité, mais le soutien à l’innovation devrait dépasser le domaine de la recherche sur les procédés pour appuyer la mise en place de technologies « vertueuses » pour le système électrique et la chaleur renouvelable.

Conforter le financement des innovations sur les réseaux

Les démonstrateurs de smart grids bénéficient du soutien des programmes d’investissements d’avenir (PIA 1 et PIA 2). Ces financements sont toutefois, comme l’ensemble des actions des PIA finançant la transition énergétique, fragilisés par des redéploiements de crédits substantiels et par la lenteur des procédures d’engagement et de décaissement.

Le rapport présenté sur ce sujet par Mmes Eva Sas et Sophie Rohfritsch en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la Commission de finances en apporte la démonstration : les crédits votés en loi de finances rectificative pour 2010 pour l’action « systèmes électriques intelligents » du PIA 1 s’élevaient à 234 millions d’euros mais ont été réduits, en raison des redéploiements de crédits, à une enveloppe de 149 millions d’euros au deuxième trimestre 2016, soit un écart de – 36,3 %. Les montants décaissés ne s’élevaient qu’à 38,2 millions d’euros au premier trimestre 2016, soit 16,3 % du montant des crédits initiaux. Les rapporteures de la MEC ont donc proposé de consacrer une part suffisante du PIA 3 à la transition écologique pour compenser les effets de ces redéploiements et de « flécher » une action du programme sur le déploiement de nouvelles infrastructures, comme par exemple le « vecteur hydrogène-énergie » issu de la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau (86).

Accorder un soutien spécifique aux technologies « vertueuses »

Certains experts regrettent que la réforme des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables n’ait pas été accompagnée par la mise en place d’incitations spécifiques au déploiement des technologies les plus utiles pour l’équilibre du système électrique. Sans un tel soutien, ces outils « vertueux » risquent en effet, selon l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), de ne pas pouvoir se développer en nombre suffisant. Il peut s’agir, selon les exemples cités par cet organisme, des éoliennes « surtoilées », qui fonctionnent avec des vents plus faibles et dont la production est plus stable, ou des dispositifs d’écrêtement des installations produisant de l’électricité renouvelable, c’est–à–dire des technologies qui limitent la variabilité des énergies renouvelables et les besoins de renforcement du réseau (87). Une autre piste à explorer réside dans la simplification des procédures de « repowering », qui permettent d’augmenter la puissance d’une installation éolienne existante. Cette solution a pour mérite de ne pas créer de nouveaux sites, mais de faire évoluer des technologies qui, pour certaines, sont datées et de permettre ainsi une multiplication par deux ou trois de la capacité de production d’un même site.

Plusieurs organisations entendues par les rapporteurs ont estimé que de telles aides pouvaient être utiles. Pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER), un système de soutien adapté ou a minima une rémunération des « services rendus » au système électrique par les technologies « vertueuses » serait nécessaire pour qu’elles puissent se développer. Le rôle d’équilibrage joué par le stockage pourrait être ainsi reconnu, notamment par le biais, selon l’exemple cité par le SER, d’une adaptation du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). En effet, à l’heure actuelle, un « stockeur » paie deux fois ce tarif : lorsqu’il soutire de l’énergie pour la mettre en réserve, au titre de la composante « consommateur » du TURPE, et lorsqu’il injecte de l’énergie sur ce réseau, au titre de la composante « injection ». France énergie éolienne suggère de mettre en place un soutien spécifique au stockage pour permettre l’essor des solutions les plus efficaces et une atteinte plus rapide de leur maturité (88). De même, pour GRDF, la filière hydrogène et notamment le power-to-gas devraient, pour se développer au-delà des démonstrateurs, s’appuyer sur des aides spécifiques (89).

L’instauration de tels mécanismes suppose cependant de faire des choix difficiles. Le « service rendu » par telle ou telle technologie pourrait être certes rémunéré par les tarifs d’achats des énergies renouvelables ou des exemptions de taxes, mais ces solutions pourraient se révéler, si elles étaient mal dimensionnées, coûteuses pour la collectivité. Une voie alternative consisterait à octroyer – à condition que le droit européen en matière d’aides d’État le permette – des subventions aux technologies « vertueuses », mais elle obligerait la puissance publique à redéployer, dans le cadre de finances publiques contraintes, des crédits budgétaires. Le choix des vecteurs à soutenir supposerait, en outre, de mettre en place des critères de sélection irréprochables, qui permettent de cibler les solutions techniques ayant démontré leur potentiel et leur impact économique.

Redéployer les aides du fonds chaleur de l’ADEME

Le doublement du fonds chaleur de l’ADEME constitue l’occasion de renforcer le soutien apporté aux filières de la biomasse et du biogaz. Une indexation des aides aux installations utilisant le bois-énergie sur l’évolution du prix du gaz, permettant leur révision en cas de forte chute de ce prix entre le calcul de la subvention et la mise en service de l’unité de production, permettrait ainsi de préserver la compétitivité de la biomasse. Les projets « biogaz », y compris ceux qui visent à l’injecter dans le réseau de distribution, pourraient être par ailleurs davantage financés par le fonds, mettant ainsi fin au déséquilibre constaté dans la répartition des aides au détriment de ce type d’énergie. L’ADEME a en effet calculé que le coût du soutien au biogaz n’était que de 22,9 euros/tonne équivalent pétrole (€/tep), contre 521 €/tep pour le solaire. Le biogaz n’a mobilisé, de surcroît, que 0,6 % des aides sur les opérations d’investissement de la période 2009-2015 (90). Enfin, les travaux de raccordement à un réseau de chaleur « vertueux », alimenté majoritairement par des énergies renouvelables, devraient aussi bénéficier des subventions du fonds chaleur, comme le suggère une étude réalisée pour le Plan bâtiment durable (91).

4. Relever le prix du CO2

La plupart des personnes entendues par les rapporteurs ont insisté sur le fait que le développement des énergies renouvelables ne pourra pas être assuré à long terme tant que le prix du CO2 restera faible. Pour certaines d’entre elles, il serait même possible de se passer des mécanismes de soutien aux producteurs, dès lors que le prix des énergies fossiles intégrera leurs externalités « négatives ».

Il convient par conséquent de relever le prix du carbone pour sécuriser les investissements dans les technologies peu émettrices de CO2. RTE et l’ADEME ont estimé, à cet égard, qu’avec un prix du quota de carbone fixé à 100 euros la tonne, les installations de production d’électricité renouvelable pourraient afficher un coût de production compétitif par rapport aux installations thermiques (92).

L’article 1er de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique s’inscrit dans cette perspective, en fixant comme objectif de parvenir à une valeur de 56 euros par tonne de carbone en 2020 et de 100 euros par tonne en 2030. La contribution climat énergie instaurée par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 en est le principal outil, la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 visant une valeur de la tonne de carbone de 30,5 euros en 2017, soit + 8,5 €/tonne par rapport à 2016, 39 euros en 2018 et 47,5 euros en 2019.

Ces montants ne concernent cependant pas les entreprises de production d’énergie, qui sont soumises au mécanisme européen d’échange des droits d’émission (ETS). Il conviendrait donc, dans un souci d’équité, de rapprocher les montants aujourd’hui trop faibles de la tonne de CO2 sur ce marché des perspectives esquissées par la contribution climat-énergie.

Le Président de la République a par ailleurs annoncé, le 22 avril 2016, qu’un dispositif complémentaire serait mis en place cette année, afin de fixer un prix–plancher du carbone qui privilégiera, pour le secteur électrique, l’utilisation du gaz par rapport au charbon. Cette initiative vise à conforter les démarches entreprises au niveau européen par la ministre de l’environnement, Mme Ségolène Royal, pour mettre en place un « corridor de prix » sur le marché communautaire du carbone. En parallèle, il convient de signaler que le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit, dans cette optique, la fermeture des deux dernières unités de production d’électricité au charbon en France.

Il y a lieu de noter le Royaume–uni a d’ores et déjà institué un prix plancher du carbone en 2013, au moyen d’une taxe différentielle qui est payée par les centrales du secteur électrique lorsque le prix du CO2 sur le marché européen est inférieur à une certaine valeur. Cette mesure a certes permis de diminuer les émissions nationales, mais comme cette réduction s’est faite à quota européen inchangé, le mécanisme a eu aussi pour effet de diminuer la valeur du CO2 sur le système communautaire d’échange des droits d’émission et de favoriser les émissions des autres pays européens. C’est la raison pour laquelle MM. Marc Goua et Hervé Mariton ont estimé qu’il serait préférable que la mesure établissant un prix–plancher du carbone soit mise en place au niveau européen, afin d’éviter d’éventuelles « fuites carbones » au sein même de l’Union européenne (93).

II. L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LE LOGEMENT : UN CADRE D’ACTION DÉSORMAIS COMPLET

Le logement constitue un secteur stratégique pour le développement de l’efficacité énergétique. Cet objectif a conduit l’État à mobiliser, avec l’appui des collectivités territoriales, tout le spectre des interventions publiques possibles : obligations réglementaires, aides fiscales, mesures d’accompagnement des acteurs (ménages, professionnels, etc.), subventions, prêts, etc. Lors de leur précédent travail, les rapporteurs avaient, face à la complexité de cet ensemble, mis en avant un besoin de stabilité et de simplification. De nouvelles mesures ont été cependant adoptées, sur le fondement de la loi du 17 août 2015. Elles ont encore enrichi la palette des instruments, en accordant une large place à l’incitation. En elles-mêmes, ces nouvelles « briques » ne sont pas critiquables dès lors que les ménages qui s’engagent dans une démarche de rénovation thermique ne sont pas livrés à eux-mêmes dans le maquis des aides et des normes, mais orientés et épaulés. Le volet fiscal de cette politique a, lui, fait l’objet d’un réel effort de simplification, qui vise à rendre plus accessibles les deux aides sur lesquelles les rapporteurs ont ciblé leurs travaux : le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE) et le prêt « rénovation » à taux zéro (éco-PTZ).

A. UN DÉFI DE TAILLE : LA RÉNOVATION DU PARC ANCIEN

Le bâtiment occupe, dans la demande finale d’énergie, la première place. À lui seul, le secteur résidentiel, avec ses 35 millions de logements, représente 30 % de la consommation finale d’énergie. Or, chaque année, la construction de logements neufs, plus performants sur le plan énergétique, ne modifie que très marginalement l’ensemble du parc : 1 % en 2013, avec 420 000 « équivalents logements » réalisés (94).

La problématique de l’efficacité énergétique de l’habitat se concentre, de fait, sur le parc existant : selon le Conseil général de l’environnement et du développement durable, 75 % des logements qui seront habités en 2050 sont déjà construits ; dès lors, « l’enjeu le plus important n’est pas le neuf mais la rénovation ». Pourtant, selon cette inspection générale, dans l’habitat ancien, « seule une minorité de propriétaires réalise des travaux d’efficacité thermique, souvent de manière partielle (double vitrage, isolation…) compte tenu des coûts très élevés de la rénovation complète des bâtiments » (95).

1. Un secteur qui comporte de nombreuses « passoires thermiques » et qui se heurte à la fragmentation des acteurs de la rénovation

Un champ de rénovation considérable qui constitue aussi un défi social

Plus de 60 % des logements existants en 2012 ont été construits avant la première réglementation thermique (RT), qui a été instaurée après le choc pétrolier de 1974 pour réduire la consommation énergétique des bâtiments. En outre, selon l’enquête Phébus réalisée en 2013 par le ministère de l’environnement, qui classe (de A à G) les résidences principales métropolitaines en fonction d’une « étiquette » établie par le diagnostic de performance énergétique (DPE), plus de la moitié d’entre elles (53,6 %) avaient, en 2012, une performance moyenne (entre D et E), tandis que près d’un tiers des logements, classés F ou G, avaient une performance médiocre (96). Ces derniers peuvent être qualifiés, comme l’a fait l’UFC-Que choisir, de « passoires thermiques » (97).

Compte tenu du faible renouvellement du parc, la RT n’a contribué à améliorer la performance énergétique des logements que très tardivement. Comme le montre le graphique ci–dessous, c’est seulement à partir de 2001 qu’un peu moins de la moitié des logements construits ont été notés dans les catégories performantes B ou C, contre moins de 10 % avant 1975. Inversement, près de trois quarts des logements construits avant 1948 sont notés E, F ou G.

RḖPARTITION DES ḖTIQUETTES « ḖNERGIE » EN 2012
SELON LA DATE DE CONSTRUCTION DU LOGEMENT

(En %)

Source : Commissariat général au développement durable, juillet 2014.

Les travaux de l’Institut négaWatt confirment que les logements prioritaires en matière de rénovation ont été construits avant la première RT, en précisant que le « noyau dur » est constitué de plus de 8 millions de maisons en résidence principale. En effet, le chauffage de ces maisons individuelles, qui occupent 21 % des surfaces de l’ensemble du parc bâti, engloutirait, à lui seul, 10 % des consommations d’énergie du bâtiment, de l’industrie et des transports (98).

La « masse » que représentent les habitations énergivores d’avant 1974 fait d’ailleurs craindre à l’inspection générale du ministère de l’environnement une « amplification des situations de vulnérabilité énergétique pour les ménages dont la facture de chauffage s’alourdit fortement, ou qui se restreignent en sous chauffant » : une part non négligeable de la population serait ainsi concernée, de l’ordre de 10 à 11 % des ménages, selon les critères utilisés (99).

L’enquête Phébus révèle par ailleurs que les locataires du secteur privé résident dans des résidences disposant de « mauvaises étiquettes ». Ainsi, un peu plus d’un quart de ces locataires occupent des logements classés G, contre seulement 10 % des propriétaires. La proportion de classes énergétiques performantes (A, B ou C) des locations du secteur privé est en outre inférieure de moitié à celle constatée pour les propriétaires et les locataires du parc social. Or les logements en location, qui représentent 42 % du parc, sont les moins susceptibles d’être rénovés, tant par les bailleurs – qui ne paient pas les factures d’énergie du bien loué –, que par les locataires, qui n’ont pas la garantie de bénéficier dans la durée de cet investissement et à qui, juridiquement, les travaux les plus lourds mais aussi les plus efficients n’incombent pas.

RḖPARTITION DES ḖTIQUETTES « ḖNERGIE » EN 2012
SELON LE STATUT D’OCCUPATION

(En %)

Source : Commissariat général au développement durable, juillet 2014.

Un secteur de la rénovation très éclaté

La rénovation énergétique d’un parc de logements ancien et souvent peu performant constitue un défi de taille pour les professionnels du bâtiment. Certes, ceux-ci se mobilisent autour de l’objectif d’efficacité énergétique, ainsi qu’en témoigne le nombre de salariés qui ont bénéficié, ces dernières années, d’actions de formation dans ce domaine. Leur montée en compétences énergétiques se heurte toutefois à un obstacle de taille, la fragmentation du secteur.

Ainsi, sur les 401 000 entreprises du bâtiment, 380 000 ont de un à dix salariés, les petites structures dominant en nombre comme en chiffre d’affaires. En outre, sur les 150 000 actifs qui entrent, chaque année, dans la filière, seul un tiers est issu d’une formation du bâtiment. La filière se caractérise par ailleurs par une forte instabilité de l’emploi (avec un taux de rotation de près de 10 % par an) et un recours important à des intérimaires. Enfin, le niveau de recherche et développement est faible, avec un ratio R&D sur la valeur ajoutée de l’ordre de 0,1 %, très largement inférieur à la moyenne nationale (de l’ordre de 2 %) (100).

Le bâtiment constitue donc, selon l’inspection générale du ministère de l’environnement, un secteur « très diffus et peu qualifié » (101) alors que les nouvelles exigences de performance énergétique et les équipements mis sur le marché imposent de recourir à des gestes de plus en plus techniques et à des « équipes » faisant intervenir des métiers spécialisés (maître d’ouvrage, etc.). Ce secteur comporte en outre, en amont comme en aval, un grand nombre d’acteurs « organisés davantage les uns à côté des autres plutôt que les uns avec les autres », soit environ 7 000 fabricants de produits et d’équipements de construction, 11 300 points de vente dans le négoce professionnel des produits du bâtiment, 12 000 bureaux d’études techniques ou sociétés d’ingénierie et 30 000 architectes indépendants (102). Or cette fragmentation de l’offre de rénovation se conjugue à celle de la demande, qui est éclatée entre locataires et propriétaires et étalée dans le temps, en particulier lorsqu’il s’agit de logements en copropriété.

2. Un effort d’investissement considérable

À elles seules, les dépenses annuelles en faveur de l’efficacité énergétique dans le bâtiment représentent plus de 11 milliards d’euros, les ménages constituant les principaux porteurs de projet de rénovation avec 5,2 milliards d’euros investis (103). Toutefois, ce volume important d’investissements ne conduit pas à réaliser des travaux de rénovation systématiquement performants dans le secteur du logement.

a. Des dépenses d’efficacité énergétique et une « valeur verte » des logements en progression

Selon le document de politique transversale « climat » annexé au projet de loi de finances pour 2016, qui s’appuie sur les travaux de l’Institute for Climate Economics (I4CE), entre 2011 et 2014, les dépenses annuelles d’investissement, en incluant les financements publics et privés, dans le domaine de la rénovation des logements ont augmenté de 10,6 à 11,1 milliards d’euros (104).

Les dépenses de rénovation dans les maisons individuelles ont notamment augmenté sur cette période, passant de 5,8 milliards à 6,1 milliards d’euros, tout comme dans le logement social (de 1,9 à 2,5 milliards d’euros). En outre, les investissements associés à la mise en œuvre de la nouvelle règlementation thermique (RT 2012) dans les constructions neuves ont été estimés à 5,4 milliards d’euros en 2013 et à 5,6 milliards d’euros en 2014. Auparavant, le label « bâtiment de basse consommations » (BBC), antérieur et préparatoire à la RT 2012, avait entraîné, par rapport à la mise en application de la RT 2005, un investissement supplémentaire estimé à 2,7 milliards d’euros en 2011 et à 3,3 milliards d’euros en 2012 (105).

Ces évolutions expliquent le niveau relativement élevé de l’effort moyen d’investissement recommandé pour améliorer la performance énergétique des logements. Le Commissariat général au développement durable (CGDD) l’estime, sur la base de l’enquête Phébus, à 6 967 euros TTC par logement, ce montant impliquant un temps moyen de retour sur investissement de l’ordre de dix ans. Ce montant est bien entendu plus important en maison individuelle (7 695 euros). En outre, les logements construits avant la première réglementation thermique nécessitent des travaux d’un montant équivalent presque au double de ceux construits après (8 473 euros TTC, contre 4 615 euros, pour une même durée d’amortissement) (106).

L’amélioration de l’efficacité énergétique dans les logements entraîne donc des dépenses supplémentaires, mais celles-ci se traduisent par de la « valeur verte », définie par l’ADEME comme « la valeur nette additionnelle d’un bien immobilier dégagée grâce à une meilleure performance environnementale ». La « valeur verte » que représente la plus-value à la revente liée à une meilleure performance énergétique du logement a d’ailleurs été évaluée par une association créée conjointement par le Conseil supérieur du notariat, la Chambre des notaires de Paris et la Caisse des dépôts. Une première étude publiée en 2013 indique ainsi que, pour les maisons avec une étiquette énergie A ou B, le prix de vente est, selon les régions, de 14 à 27 % supérieur au prix de vente d’une maison équivalente comportant l’étiquette énergie D. Une nouvelle enquête, réalisée en 2014, constate un écart de valeur de 5 % en moyenne par lettre du diagnostic de performance énergétique en province, celui-ci étant plus atténué en Île-de-France (107). On peut donc conclure, au vu de ces éléments, comme l’a fait le président du Plan bâtiment durable, M. Philippe Pelletier, que la valeur des biens immobiliers à usage résidentiel sera de plus en plus impactée par leur qualité énergétique.

b. Des travaux de rénovation souvent inefficients et qui dépendent de la conjoncture et des revenus des ménages

Le plan de rénovation énergétique de l’habitat de mars 2013 fixe un objectif de 500 000 logements rénovés par an à l’horizon 2017 qui a été repris par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique (Cf. infra). Cette cible ne paraît pas hors d’atteinte sur un plan purement quantitatif, mais cette perspective encourageante ne doit pas faire oublier que, très souvent, les travaux engagés ne peuvent être qualifiés de performants. Ils sont, de surcroît, corrélés aux revenus des ménages et à la conjoncture économique.

Des rénovations de qualité plutôt faible ou moyenne

La dernière enquête de l’Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement (OPEN) de l’ADEME fait état, pour l’année 2014, de 288 000 rénovations qui peuvent être considérées comme performantes (deux gestes de niveau performant dans deux postes de travaux sur les cinq retenus) ou très performantes (trois gestes de niveau moyen ou performant dans trois postes différents). Si on y ajoute, comme l’a proposé le président du Plan bâtiment durable, M. Philippe Pelletier, les rénovations énergétiques de logements sociaux, estimées à 105 000 en 2014, on arrive à un total de 395 000 rénovations énergétiques, proche de l’objectif national de 500 000 rénovations par an.

Ce résultat ne doit pas faire illusion sur la qualité d’ensemble de l’effort de rénovation consenti chaque année par les ménages, à l’image d’un arbre qui cacherait la « forêt » des rénovations faibles ou moyennes selon la classification établie par l’OPEN. En effet, sur les 3,505 millions rénovations de logements achevées en 2014, tous types de travaux confondus, 1,441 million peuvent être qualifiées de faibles (le geste mené n’a pas ou peu d’impact énergétique) et 1,776 million de « moyennes » (le logement n’a bénéficié que d’un geste de niveau moyen ou performant dans l’un des cinq postes). En outre, alors qu’il faudrait privilégier l’isolation (murs, toiture), surtout dans les maisons individuelles construites avant 1975, l’enquête de l’OPEN montre (Cf. la figure ci-après), d’une part, que le poste de travaux le plus fréquent est celui des fenêtres – pour lequel seul un tiers des actions peut être qualifié de performant – et que, d’autre part, les chantiers concernant les murs, qui occupent la deuxième place, sont ceux qui dénombrent le moins de gestes performants (17 %). Une forte majorité (58 %) de gestes dans les travaux sur les murs ont, de surcroît, un niveau de performance faible : autrement dit, d’après l’ADEME, « les travaux de réaménagement intérieur ou d’entretien des façades ne sont que trop rarement accompagnés par de l’isolation thermique intérieure ou extérieure » (108). Les travaux de toiture ou des combles constituent le seul point positif puisque ce sont eux qui occasionnent le plus grand nombre de gestes performants.

NIVEAU DE PERFORMANCE DES LOGEMENTS
ET DES TRAVAUX DE RḖNOVATION

Source : Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement (OPEN), mai 2016.

Par ailleurs, les rénovations considérées comme « performantes » ou « très performantes » par l’ADEME ne sont pas au niveau de l’objectif, fixé par le Parlement, « bâtiment de basse consommation ». Elles impliquent seulement des bouquets de travaux thermiques qui ne peuvent, en aucun cas, être assimilés aux normes visées par la loi du 17 août 2015. L’Institut négaWatt estime, en conséquence, que, sur les 288 000 opérations de bonne qualité recensées par l’ADEME, les rénovations « performantes », au sens de la loi du 17 août 2015, ne sont que quelques centaines par an… (109)

Ce « score » médiocre résulte, selon cet institut, de la pratique généralisée de la rénovation par étapes qui se révèle « systématiquement sous-efficiente » car, tout en coûtant cher, elle ne permet pas d’obtenir, faute de travaux cohérents et complets, articulés les uns aux autres, l’ensemble des économies d’énergie escomptées (2). Cet organisme est donc partisan d’une politique de rénovation complète, menée en une seule fois et reposant sur un « équilibre de trésorerie » qui permet de transformer les factures de chauffage en remboursements de mensualités de prêts, en optimisant les aides financières et fiscales actuelles. Une telle approche a été expérimentée, avec succès, dans la Drôme, dans le cadre du programme DORéMI (dispositif opérationnel de rénovation énergétique des maisons individuelles). Désormais mis en œuvre dans 17 territoires, ce dispositif, dont plus de la moitié des bénéficiaires sont des ménages modestes selon le directeur de l’Institut négaWatt, M. Vincent Legrand, gagnerait certainement à être développé.

M. Julien Coudert, le coordinateur de la plateforme de la rénovation de la communauté de communes du Crestois et du Pays de Saillans, a avancé un autre argument, de nature sociale, en faveur des rénovations complètes. Une rénovation classique n’est pas de nature, selon cet expert, à faire sortir durablement les ménages modestes ou à faibles revenus, en particulier ceux qui bénéficient des aides de l’Agence nationale pour l’habitat (ANAH), d’une situation de précarité énergétique. Ces aides sont en effet versées si les travaux réalisés améliorent d’au moins 25 % la performance énergétique du logement. Or cette économie d’énergie peut être compensée par la hausse des prix de l’énergie (de l’ordre de 5 % par an ces derniers temps) en cinq ou six ans, ce qui conduira le propriétaire à retrouver, assez vite, un niveau de charge équivalent à celui avant travaux.

Faut-il pour autant, au vu de ces observations, généraliser la pratique des rénovations « complètes » ? Le président du Plan bâtiment durable, M. Philippe Pelletier, a estimé, pour sa part, que la société française n’était pas prête à engager, de manière systématique, des travaux très lourds sur site, surtout lorsque les logements sont occupés par des personnes âgées. La réalisation des objectifs d’efficacité énergétique dans le secteur du logement devrait donc reposer sur la coexistence, dans les territoires, de politiques de rénovation par étape ou « en une seule fois » – cette possibilité de choix étant la plus à même de convaincre les différents publics d’occupants de la nécessité des travaux –, mais aussi s’accompagner d’une garantie de résultats efficiente, sur laquelle les entrepreneurs devraient s’engager.

Des travaux dépendants de la conjoncture économique et des revenus des ménages

Le marché de la rénovation énergétique souffre, selon la Fédération française du bâtiment (FFB), d’un « retard de maturité », dû à la crise économique de 2008. Celle-ci a durement frappé le secteur du bâtiment qui espère retrouver, en 2016 seulement, le volume d’activité de 2008.

Comme le montrent les deux graphiques ci-après, le chiffre d’affaires des travaux ayant un impact énergétique est, après la forte hausse constatée entre 2006 et 2008, orienté à la baisse, tandis que le nombre de logements concernés par des travaux d’entretien reste relativement stable entre 2006 et 2013. Le montant unitaire des chantiers de rénovation énergétique est donc en diminution sur la période.

Cette tendance à la baisse ne peut être confirmée par les résultats, publiés en mai 2016, de la dernière enquête de l’Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement (OPEN), qui concerne l’année 2014 et ne peut être comparée aux précédentes campagnes, en raison de changements intervenus dans le périmètre et la classification des niveaux de rénovation. Cette rupture dans la collecte des données est regrettable car elle ne permet pas de suivre, sur longue durée, l’évolution quantitative et qualitative du marché de la rénovation énergétique.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES ENGAGÉES AU TITRE DE TRAVAUX D’ENTRETIEN
ET D’AMÉLIORATION, DONT DES TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE

(En millions d’euros)

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE LOGEMENTS FAISANT L’OBJET DE TRAVAUX D’ENTRETIEN

(En milliers de logements)

Source : Commission des finances de l’Assemblée nationale (rapport n° 3110 sur le projet de loi de finances pour 2016 présenté par Mme Valérie Rabault, tome III, volume 1, pp. 197-198).

La sensibilité des travaux de rénovation à la conjoncture se double d’une relative élasticité de ces mêmes travaux vis-à-vis des revenus des occupants. Ces travaux sont en effet souvent le fait de ménages appartenant plutôt aux « PCS+ », les professions et catégories socioprofessionnelles supérieures. 38 % d’entre eux déclarent avoir réalisé des travaux de rénovation entre 2012 et 2014, contre 33 % pour l’ensemble des ménages français. De même, 45 % des ménages déclarant avoir effectué des travaux disposent de revenus d’au moins 31 700 euros annuels, contre 33 % pour l’ensemble des ménages français (110).

Le poste « travaux » pèse, de fait, très lourd dans les budgets, ce qui incite les propriétaires à les reporter. Ainsi, 64 % des ménages ayant réalisé des travaux de maîtrise de l’énergie déclarent en avoir encore à faire, mais près d’un sur deux (46 %) repousse ce projet et près d’un sur cinq (18 %) n’a pas l’intention de les faire. Or, dans 54 % des cas, c’est l’impact financier de ces travaux qui en freine la réalisation (111). La loi « ALUR » du 24 mars 2014 a prévu, à cet égard, la constitution de provisions pour travaux incluses dans les charges de copropriétés afin de lever une partie du frein financier au déclenchement des travaux, en particulier ceux de rénovation énergétique.

3. L’approche pragmatique de la rénovation promue par la loi de transition énergétique

Lors de leur précédent travail, les rapporteurs avaient estimé qu’en matière d’efficacité énergétique, le choix entre incitation et obligation devait se faire au cas par cas, pour provoquer de manière efficace les changements de comportement. La loi du 17 août 2015 combine de manière pragmatique ces deux approches au profit du secteur du logement.

a. Un droit qui combine incitation et obligation

Un droit à la fois souple et directif

Certains volets de la loi du 17 août 2015 s’apparentent aux techniques de « droit souple », qui consistent à fixer des objectifs, non assortis de sanctions administratives, pécuniaires ou pénales, en laissant le soin à l’État « de montrer la voie » et d’accompagner le mouvement par divers moyens (112). C’est ainsi que ce texte retient, en matière d’efficacité énergétique du parc existant, trois cibles, qui définissent un calendrier de la rénovation adapté aux défis sociaux et thermiques :

– une cible de court terme avec l’article 3 qui dispose que la France « se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d’ici 2020 » ;

– une cible de moyen terme avec l’article 5 qui précise qu’avant 2025, « tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique ». La référence au 330 KWh par m2 correspond aux étiquettes « énergie » les plus basses (F ou G) et permet de cibler, si l’on tient compte, au sein des bâtiments privés, des seuls logements (hors résidences secondaires), 3,8 millions de maisons et 2,8 millions d’appartements. Cet objectif concerne donc les « passoires thermiques », en particulier le parc des maisons d’avant 1974 qui constitue, comme on l’a vu, le « noyau dur » de la problématique de la rénovation énergétique ;

– une cible de long terme, avec l’article 1er aux termes duquel la politique énergétique nationale a pour objectif de disposer, à l’horizon 2050, d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes. Ce niveau « BBC » devra donc s’appliquer aux bâtiments à usage tertiaire ou de service public pour lesquels la loi prolonge l’obligation de rénovation fixée par la loi « Grenelle 2 » de 2010 par périodes de 10 ans à partir de 2020 et jusqu’en 2050, avec un niveau de performance à atteindre renforcé chaque décennie.

La loi du 17 août 2015 comporte, par ailleurs, trois obligations, dont l’effet de levier sur la décision de rénovation énergétique devrait être important :

– l’article 11 crée un carnet numérique de suivi et d’entretien du logement, qui doit mentionner « l’ensemble des informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement ». Rendu obligatoire pour les toutes constructions neuves dont le permis de construire est déposé à compter du 1er janvier 2017 et pour tous les logements faisant l’objet d’une mutation à compter du 1er janvier 2025, il devrait devenir un outil d’aide à la décision de rénovation ;

– l’article 12 introduit un critère énergétique dans la définition du « logement décent » que le bailleur est tenu de remettre au locataire : ce logement doit non seulement ne pas laisser apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé mais aussi répondre à un critère de « performance énergétique minimale », défini par un décret en Conseil d’État, qui doit fixer un calendrier de mise en œuvre échelonnée. Cette nouvelle règle devrait donc inciter les bailleurs à proposer un parc locatif plus performant ;

– l’article 14 prévoit que, lorsque des travaux importants sont engagés sur un bâtiment, des travaux d’isolation thermique doivent être engagés simultanément. Cette obligation « indirecte » de rénovation est fondée, de manière pragmatique, sur un constat : la propension à engager des travaux d’efficacité énergétique est faible, car il est difficile, pour un propriétaire, de décider de leur réalisation, alors qu’ils pourraient perturber sa vie dans le logement. Il existe, en revanche, des travaux lourds, souvent à caractère impératif, qui permettent d’« embarquer » les chantiers de rénovation, en minimisant leurs coûts et leur impact sur les occupants du logement et en facilitant ainsi leur généralisation : les ravalements, les réfections de toiture et les aménagements de locaux en vue de les rendre habitables. Aussi le maître d’ouvrage a-t-il désormais l’obligation d’y associer des travaux d’efficacité énergétique, sauf si cette perspective est impossible d’un point de vue architectural, économique ou technique. Les retombées environnementales et économiques de cette obligation pourraient être considérables. L’étude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique estime que celle–ci devrait permettre d’économiser, sur la consommation du secteur résidentiel, jusqu’à 1 300 MWhéquivalent pétrole par an et de générer, pour les entreprises, un chiffre d’affaires supplémentaire pouvant aller jusqu’à 950 millions d’euros (113).

Un outil incitatif connexe à conforter : les certificats d’économie d’énergie (CEE)

Créé en 2006, le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE), qui doit mobiliser près de 3 milliards d’euros sur la période 2015-2017 (dont un milliard au profit des ménages les plus modestes), combine à la fois des obligations, pour les fournisseurs d’énergie, et des incitations, au profit des entreprises et des particuliers. Chaque fournisseur d’énergie, appelé « obligé », se voit ainsi attribuer un quota d’économie d’énergie à réaliser par période de trois ans, en fonction de son volume de vente, sous peine d’une pénalité financière. À cette fin, il est encouragé à inciter ses clients à réaliser, principalement à travers des opérations standardisées, des économies d’énergie, matérialisées par les certificats et exprimées dans une unité particulière, le kilowattheure cumac (114). Les certificats peuvent en outre être achetés et revendus sur un marché de gré à gré.

Fin 2015, ce dispositif, qui permet aux particuliers de disposer de conseils ou d’aides au financement des travaux effectués par les énergéticiens, a permis, dans le secteur résidentiel et tertiaire, l’installation, entre autres, de 2,5 millions de fenêtres à vitrage isolant et de 60 millions de m2 d’isolants, qui ont concerné notamment 400 000 logements dont les combles ou les toitures ont été isolées et 160 000 dont les murs ont été isolés (115). L’impact global des CEE sur la consommation énergétique du secteur du logement est cependant difficile à estimer. En effet, les études réalisées ne permettent pas de déterminer, parmi les différents dispositifs d’incitation (dont les outils fiscaux), la part exacte qui revient aux certificats. En outre, l’accès des particuliers à ce dispositif n’est pas aisé, comme le montre le fait que le stock de CEE en attente de traitement représentait, début 2015, plus d’un quart de la valeur totale des certificats déposés, les retards dépassant pour certains dossiers près d’un an et demi (116). Les représentants de la Fédération française du bâtiment (FFB) ont d’ailleurs estimé que le dispositif, qu’ils ont jugé intéressant, « dort » un peu. La quatrième période d’obligations, qui débutera en janvier 2018, devrait donc inciter le ministère de l’environnement à simplifier et à dynamiser les CEE, dont le marché devrait être organisé de telle façon que les valeurs de rachat des certificats permettent de compléter le financement des opérations de rénovation énergétique.

Ce dispositif pourrait être également conforté en étant mieux ciblé. C’est ce que prévoit l’article 30 de la loi du 17 août 2015, qui crée, pour les fournisseurs d’énergie, une obligation d’économies d’énergie au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, en surplus des obligations de la troisième période. Appliquée depuis le 1er janvier 2016, cette obligation est fixée à 150 TWh cumac sur la période 2015-2018, sur la base d’un plafond de revenus aligné sur celui des ménages modestes de l’Agence nationale de l’habitat.

b. Des opérations en copropriété facilitées

Les huit millions de logements en copropriété constituent une part significative du secteur résidentiel, qui peine à se lancer dans la rénovation énergétique, notamment en raison des difficultés inhérentes à son mode de décision.

L’article 14 de loi du 17 août 2015 vise, dans ces conditions, à encourager les rénovations dans les copropriétés, en simplifiant les règles de majorité applicables à certains travaux. Les opérations d’amélioration de l’efficacité énergétique à l’occasion de travaux affectant les parties communes sont donc désormais décidées, en assemblée générale, à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, c’est-à-dire à la majorité des voix des copropriétaires présents et représentés, et non plus la majorité des voix de tous les copropriétaires, cette exigence pouvant être de nature à bloquer le processus décisionnel.

À ce volet juridique de la facilitation des opérations en copropriété, il convient d’ajouter l’aide au redressement des immeubles en difficulté, qui est apportée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et qui s’est élevée, en 2015, à 58,1 millions d’euros (12 % de plus qu’en 2014), auxquels s’ajoutent 1,5 million d’euros spécifiquement consacrés à la rénovation thermique. Cette intervention de l’Agence rend en effet possibles les décisions de rénovation énergétique dans des copropriétés, souvent situées dans des quartiers d’habitat social et qui se caractérisent par des taux d’impayés élevés et une faible maîtrise des charges, par le financement d’actions d’accompagnement des syndicats de copropriétaires (117). Or cette problématique ne cesse de se renforcer : 110 000 copropriétés « fragiles » étaient, en 2013, notées D (sur une échelle qui va de A à D), ce qui représentait près de 1,2 million de logements (15,7 % de l’ensemble du parc), tandis que leur nombre a augmenté de 5,1 % entre 2011 et 2013 (118).

La directrice générale de l’Agence, Mme Blanche Guillemot, a estimé que cette aide devrait être étendue aux copropriétés qui ne sont pas encore dégradées mais dans lesquelles les copropriétaires, beaucoup d’entre eux étant des « précaires », sont dans l’incapacité d’effectuer les investissements nécessaires pour obtenir des économies de charge. Un tel soutien, qui devrait bénéficier aux syndicats de propriétaires comme aux copropriétaires, contribuerait ainsi à solvabiliser des projets de rénovation thermique ambitieux et à les massifier.

B. UNE PALETTE D’INSTRUMENTS ENRICHIE ET SIMPLIFIÉE

Pour produire tous ses effets, la politique d’efficacité énergétique dans le logement doit s’attacher à structurer et à professionnaliser la filière et le marché de la rénovation. Elle doit également accompagner les ménages dans leurs démarches de rénovation et faciliter ainsi leur « passage à l’acte ».

Un grand nombre d’outils ont été adoptés dans ce but. Leur mise en œuvre est parfois trop récente pour en faire un bilan détaillé, mais il est possible de porter une première appréciation sur la pertinence des choix opérés et les dynamiques qui semblent à l’œuvre.

1. Une réglementation thermique efficace qu’il convient de renforcer avec prudence

La réglementation thermique en vigueur, qui est appliquée depuis le 1er janvier 2013, a contribué à la montée en compétences énergétiques du secteur du bâtiment et incité la filière à mettre au point des techniques et des matériaux plus performants. Elle l’a fait en imposant, pour les bâtiments neufs, le niveau « bâtiment basse consommation » ou BBC, soit un niveau de consommation en énergie primaire plafonné à 50 kWhéquivalent pétrole par m2 et par an en moyenne (57,5 dans le collectif), qui correspond à une division par 3 ou 4, selon le type d’énergie utilisée, de la consommation maximale prévue par la précédente réglementation.

a. Une obligation qui contribue à réguler la « pointe électrique »

La RT 2012 a entraîné un surcoût de la construction neuve, qui a fait l’objet de plusieurs études. Pour le Commissariat général au développement durable (CGDD), la différence de coût entre une construction respectant la RT 2005 et une construction respectant le label BBC est estimée à environ 14 % dans l’individuel et à 9 % pour le collectif (119). L’Union des maisons de France évalue, quant à elle, ce surcoût à environ 15 % (120).

Le Plan bâtiment durable estime toutefois que ce surcoût correspond à la première phase de l’application de la nouvelle réglementation thermique et qu’il est maintenant en grande partie absorbé du fait de l’expérience acquise par les constructeurs et aussi de la généralisation des équipements performants sur le marché. En outre, les grands constructeurs indiquent que le surcoût réel lié à la mise de la RT 2012 ne serait que d’environ 4 %, car les chiffres plus élevés du ministère de l’environnement concernent la première génération de constructions « BBC », qui visait à préparer le label et se faisait par des compléments d’équipements et de matériaux ou des choix techniques qui ont été revus depuis (121).

Le « prix à payer » pour la RT 2012 ne paraît donc pas exagéré, surtout au regard des effets positifs de cette réglementation sur la « pointe électrique », c’est-à-dire les pics de consommation d’électricité. La décennie 2000-2010 a été en effet marquée par une augmentation des pics de consommation deux fois plus rapide que celle de la consommation annuelle en énergie (122). Or cette dynamique est liée au développement massif du chauffage électrique depuis les années 1970, celui–ci ayant atteint une part de marché dans la construction supérieure à 70 % entre 2005 et 2009. Il en résulte, pour notre pays, une forte volatilité de la pointe électrique (illustrée par le graphique ci–dessous), qui est dépendante des aléas de température, une situation exceptionnelle en Europe, qui contraste singulièrement avec l’Allemagne où l’électricité ne représente que 5 % du chauffage dans le neuf.

HISTORIQUE DES POINTES DE CONSOMMATION ÉLECTRIQUE ANNUELLES

Source : Bilan prévisionnel 2016 de l’équilibre offre–demande d’électricité en France, RTE.

La RT 2012 a permis d’inverser cette situation, en rééquilibrant les parts de marché de l’électricité et du gaz dans le secteur résidentiel neuf. Ainsi, en 2015, les nouvelles surfaces construites chauffées à l’électricité et au gaz représentaient chacune, selon les données communiquées par GRDF, environ 42 % du total, ce rééquilibrage expliquant pourquoi le rythme d’évolution de la pointe électrique est désormais équivalent à celui de la consommation d’énergie (123).

b. Un nouveau référentiel attendu pour 2018 qui est déjà très discuté

Les travaux préparatoires de la future réglementation thermique ont déjà débuté. Ils sont encadrés par les dispositions de la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 qui prévoient qu’à partir de 2020, pour les constructions nouvelles, le niveau d’émissions de gaz à effet de serre sera pris en compte dans la définition de leur performance énergétique. La loi du 17 août 2015 a avancé leur entrée en vigueur à 2018.

Les représentants du Plan du bâtiment durable et de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) ont estimé que la mise en application anticipée de la nouvelle réglementation thermique laisserait peu de temps à la profession pour faire l’apprentissage des nouveaux procédés. Il pourrait être en outre plus difficile, d’après ces organismes, de tirer, d’ici 2018, tous les enseignements de la diffusion du label « bâtiment bas carbone » qui a été lancé en mars 2016 et qui doit préfigurer les nouvelles normes de construction.

Cependant, si le calendrier d’entrée en vigueur de la prochaine RT nourrit quelques inquiétudes, c’est surtout son contenu qui suscite, chez les experts et les opérateurs, de vifs débats. Pour certains d’entre eux, la future réglementation devrait, contrairement à la RT 2012, donner la priorité à l’énergie électrique pour le chauffage des locaux résidentiels et tertiaires, cette forme d’énergie étant la plus à même de réduire les émissions de CO2. L’Observatoire Énergies d’entreprises d’EDF considère en effet que le chauffage électrique ne devrait plus être pénalisé par rapport au gaz, émetteur de CO2, d’autant qu’avec les smart grids il sera possible de programmer finement les équipements qui consomment de l’électricité (124). Le président de la Fondation Concorde, l’économiste Michel Rousseau, estime, à cet égard, que la future réglementation devrait reconsidérer la place de certains appareils, comme les chauffe-eau électriques à accumulation qui pourraient servir à stocker l’électricité (125). Notons que l’impact de ces équipements sur la pointe électrique est minime, les chauffe-eau étant le plus souvent programmés pour fonctionner en heures creuses. GRDF considère, à l’inverse, qu’une telle réorientation de la réglementation pourrait conduire le système électrique, lors des heures de pointe, soit à faire appel à des centrales thermiques en France, soit à importer davantage d’électricité en provenance des centrales à charbon allemandes (126).

Les équilibres de la nouvelle réglementation devront donc être construits avec la plus grande finesse, afin d’éviter une situation dans laquelle les économies d’énergie gagnées d’un côté se traduiraient, de l’autre, par des externalités environnementales négatives.

2. Une politique de professionnalisation de la filière bien engagée mais qu’il faut amplifier

Une politique de professionnalisation reposant sur trois outils

Les principaux outils d’amélioration des pratiques professionnelles dans le domaine de l’efficacité énergétique sont au nombre de trois. Le premier repose sur un dispositif de labellisation, les deux autres sur des actions de formation.

Créée en 2011, la mention « reconnu garant de l’environnement » (RGE) permet aux particuliers d’identifier les entreprises qui disposent d’une compétence reconnue dans le domaine de l’efficacité énergétique ou des énergies renouvelables. En outre, depuis 2014 et 2015 respectivement, seuls les travaux réalisés par des entreprises et des artisans RGE peuvent bénéficier de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) et du crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE). Ainsi, en mai 2016, environ 62 000 entreprises avaient au moins une qualification RGE, soit, selon la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), près de la moitié des entreprises de rénovation : cette organisation a estimé qu’avec ce ratio de un sur deux, l’« outil de production » est en mesure de satisfaire les objectifs de performance énergétique assignés au secteur du logement.

Le programme de formation aux économies d’énergie dans le bâtiment (FEEbat) associe, depuis 2010, EDF, l’ADEME, l’Association technique énergie environnement (ATEE), la Fédération française du bâtiment, la CAPEB et la Fédération SCOT BTP. Il propose des modules de formations aux économies d’énergie qui bénéficient de conditions financières avantageuses grâce à un apport financier d’EDF. Les rapporteurs avaient appelé, en 2014, à la pérennisation de ce dispositif qui a permis de former, jusqu’en juin 2016, plus de 80 000 salariés et artisans du bâtiment. Il serait donc souhaitable de renouveler, lorsqu’elle prendra fin, la convention quadriennale qui a été signée en avril 2014 entre l’État, l’ADEME, EDF et les associations professionnelles du secteur. Cet instrument a en effet renforcé l’implication d’EDF (à hauteur de 50 millions d’euros maximum) et a permis d’accélérer le rythme de formation, un objectif de 28 000 stagiaires formés par an étant fixé pour la période 2014-2017.

Un dispositif supplémentaire de formation a été lancé en janvier 2015, sous l’impulsion des pouvoirs publics, du Plan bâtiment durable et des fédérations professionnelles : le programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique (PACTE), qui doit durer trois ans. Doté de 30 millions d’euros de financement public, il vise à élaborer des guides de chantier ou de bonnes pratiques et à mettre en œuvre un réseau de plateaux techniques de formation aux gestes et à la pose de produits et de procédés innovants.

Des actions qui restent insuffisantes

Les actions de professionnalisation engagées sont insuffisantes, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif.

Ainsi, la mention RGE de l’entreprise ne garantit pas aux particuliers l’intervention, à leur domicile, d’une personne formée et compétente en matière énergétique. Un tel constat ne constitue pas pour autant une invitation à dispenser une formation RGE aux près de 1,2 million artisans et salariés susceptibles d’être concernés, ce qui serait irréaliste et coûteux. Pour illustrer l’ampleur de la tâche, ne cibler que les entreprises de moins de dix salariés reviendrait déjà à multiplier par 10 environ les formations, ce qui impliquerait de mobiliser 10 milliards d’euros par an. Il serait donc plus judicieux de déployer ce label via un référent RGE par entreprise, ce qui suppose, au préalable, de simplifier les modalités administratives d’obtention de la mention, la constitution du dossier de demande décourageant souvent la moitié des personnes ayant suivi une formation (127).

Les formations de type FeeBAT devraient être par ailleurs développées et enrichies. Selon l’Institut négaWatt, celles–ci ont permis de sensibiliser les artisans aux enjeux thermiques, mais « certainement pas de les rendre capables de mettre en œuvre [des solutions adaptées] dans de bonnes conditions » (128). Les représentants de la Fédération française du bâtiment (FFB) ont souligné, à cet égard, la nécessité de mettre en place, en plus du socle que constitue la formation « rénovation » qui est en cours de modification, des modules de spécialisation, qui permettent de planifier et de prescrire des travaux de long terme ou des rénovations « globales ». Ces formations devraient être, de plus, différenciées en fonction de deux grandes catégories de professionnels : les gérants et les chefs de chantier, d’une part, et les salariés, d’autre part, pour lesquels les dispositifs devraient proposer un apprentissage des « bonnes pratiques » sur des plateaux techniques dédiés.

Enfin, afin de transmettre ces « bonnes pratiques » aux très petites entreprises artisanales, il faudrait promouvoir des formations mutualisées entre ces structures. Le Conseil général de l’environnement et du développement durable propose, dans ce but, d’inciter les organismes de formation à privilégier les actions destinées aux groupes de salariés d’un même territoire et relevant de plusieurs corps d’état complémentaires (129). Pour aller plus loin et promouvoir une offre de rénovation des maisons individuelles « en une seule fois », l’Institut négaWatt préconise le développement de formations-actions, combinant formations en salle et formations sur chantiers réels, afin de constituer des groupements d’artisans dotés d’un pilote, sur le modèle du dispositif DORéMI (130).

3. Des réseaux de conseil et d’accompagnement de plus en plus étoffés et qui doivent s’adapter à la diversité des territoires

Le plan de rénovation énergétique de l’habitat de 2013 visait à faciliter la prise de décision des propriétaires en faveur de la rénovation énergétique par la mise en place d’un guichet unique. Force est constater que celui-ci reste, encore aujourd’hui, une construction inachevée. Il existe pourtant, au niveau local, des dispositifs qui permettent d’apporter, y compris sur le plan financier, un appui « sur mesure » et qui peuvent servir de modèles pour la diffusion de plateformes à compétence quasiment universelle.

a. Des « guichets uniques » au mandat limité

Des structures très nombreuses, cantonnées pour l’instant à un rôle d’information et de conseil

Le « guichet unique » institué au niveau national est constitué d’un numéro azur – appelé par 61 760 ménages en 2015 – et d’un site internet, dont le nombre de visites fluctue de manière erratique, au gré des campagnes de communications réalisées. Ce dispositif dispense aux ménages de premières informations simples et les oriente, en fonction de leur situation géographique et de leurs besoins, vers le point rénovation info Service (PRIS) le plus adapté.

Le réseau des PRIS se compose de 450 structures, réparties sur l’ensemble du territoire, et comprend des directions départementales des territoires (DDT), des agences départementales d’information sur le logement (ADIL) et des espaces info-énergie (EIE), cofinancés par l’ADEME, les conseils régionaux et certains conseils départementaux et collectivités territoriales. 507 000 personnes ont été sensibilisées par les EIE en 2012 et 121 000 ont reçu des conseils individualisés, avec un taux de passage à l’acte de 55 %, ce qui s’est traduit par la réalisation de travaux à hauteur de 520 millions d’euros (131).

Les PRIS ont pour mission de donner aux ménages des informations techniques, financières, fiscales et réglementaires et de conseiller gratuitement et de manière objective le demandeur maître d’ouvrage dans la conception de son projet de rénovation énergétique. Ils semblent jouer leur rôle d’incitation à la rénovation car, si seulement un ménage sur cinq a déjà entendu parler des EIE ou des PRIS, ce ratio passe à un sur quatre pour les ménages qui ont effectué des travaux et même à un sur trois pour ceux qui ont, selon les critères de l’enquête OPEN, réalisé une rénovation performante ou très performante (132).

La loi de transition énergétique du 17 août 2015 leur a donné une existence législative, sous la dénomination de « plateformes territoriales de la rénovation énergétique ». Mises en œuvre à l’échelle d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale, ces structures forment un réseau sur lequel s’appuie le « service public de la performance énergétique de l’habitat » créé par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013. Leur « mandat » a été en outre élargi par rapport à celui des PRIS. En effet, en plus de leur mission « d’accueil, d’information et de conseil du consommateur », ces plateformes peuvent aussi « favoriser la mobilisation des professionnels et du secteur bancaire » et « mettre en place des actions facilitant la montée en compétences des professionnels » (article L. 232-2 du code de l’énergie).

Ce réseau national peut être complété, dans les territoires, par des initiatives locales. Dans le cadre d’appels à manifestation d’intérêt portés par l’ADEME et les conseils régionaux depuis fin 2013, des collectivités territoriales et des associations ont ainsi développé des dispositifs expérimentaux de plateforme – une centaine à ce jour –, dans le but de proposer un accompagnement de type assistance à maîtrise d’ouvrage pour les ménages qui souhaitent s’engager dans un projet de rénovation. D’autres collectivités ont mis en place, sur le modèle des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), des opérations programmées de réhabilitation thermique du bâtiment (OPATB), dans le but de fournir aux propriétaires un diagnostic et un accompagnement au lancement de travaux énergétiques.

Ces différents réseaux forment un ensemble composite de dispositifs et de pratiques, qui peut être un gage de dynamisme dès lors que la diversité des acteurs permet de répondre à celle des besoins des ménages. De ce point de vue, le passage des PRIS, dont le développement a été, d’après le Plan bâtiment durable, excessivement centré autour de l’État et de ses services (133), aux plateformes territoriales devrait permettre de mieux prendre en compte la diversité des situations et des initiatives locales et de mieux articuler les structures entre elles.

Le fait de multiplier des lieux physiques et numériques d’information et de conseil ne suffit pas cependant à satisfaire la demande des particuliers de bénéficier d’un accompagnement personnalisé. C’est en effet la capacité à rendre un tel service qui, couplée à des incitations financières, peut servir d’élément déclencheur pour la rénovation énergétique, surtout pour les ménages modestes.

Des exemples trop rares de guichet quasi « uniques »

Certains dispositifs d’aide la rénovation, beaucoup trop rares, proposent un accompagnement complet – allant du conseil technique à la conception d’une offre de financement ou au versement d’une aide – des ménages qui souhaitent engager des travaux de rénovation. La logique de « guichet unique » fonctionne alors à plein et constitue une incitation forte à passer à l’acte.

Centré sur la lutte contre la précarité énergétique, le programme Habiter mieux de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), dont le volet financier sera présenté plus loin, constitue une référence en matière d’accompagnement. Le versement des aides est en effet précédé d’une phase de conseil et d’expertise, qui repose sur des visites à domicile, particulièrement bien adaptées à la situation de ménages précaires à qui il est exclu de demander de venir chercher de l’assistance à un guichet.

Il faudra veiller à ce que le développement annoncé du programme ne conduise pas à sacrifier sa dimension relationnelle, qui constitue, de toute évidence, l’un de ses principaux atouts. La directrice générale de l’ANAH, Mme Blanche Guillemot, a estimé que les mesures, en cours de déploiement, de simplification des exigences relatives aux pièces justificatives et de numérisation des dossiers « papier » devraient préserver le service rendu aux ménages à faibles revenus.

Cet appui « sur mesure » devrait également bénéficier à des ménages modestes, mais non éligibles aux aides de l’ANAH. Ainsi, le dispositif DORéMI de rénovation des maisons individuelles, qui a été déjà évoqué, propose un accompagnement renforcé des propriétaires, qui englobe non seulement le montage technique du projet mais aussi le financement des travaux. L’aide apportée sur ce second volet est particulièrement appréciée par les ménages concernés, car elle leur permet de bénéficier d’un plan de financement « clef en mains », qui combine l’ensemble des aides disponibles, nationales et locales, fiscales et financières, dont le nombre peut varier, selon les territoires, de dix à quinze.

Une version encore plus sophistiquée de ce dispositif, expérimentée dans la région Grand Est, consiste à proposer une offre unique de financement, dans laquelle les aides « classiques » sont complétées, par une société d’économie mixte créée par la région, qui réalise les montages financiers, par des prêts bonifiés, au profit des personnes jugées non solvables par les banques. Elle pourrait être diffusée plus largement et complétée par un dispositif d’avance sur les aides du plan de financement, au profit des ménages susceptibles d’être mis en difficulté par le décalage entre la réalisation des travaux et le versement du crédit d’impôt qui y est attaché.

b. Des structures qui doivent être enracinées localement et confortées financièrement

L’accompagnement des ménages doit se généraliser, mais celui–ci doit être décliné, dans son contenu et ses modalités, au plus près des territoires et de leurs habitants, en laissant aux collectivités territoriales le soin de développer les outils les plus appropriés.

Autrement dit, il ne saurait y avoir, en la matière, de modèle unique, quand bien même l’État poserait le principe d’un tel accompagnement. Deux grandes catégories de situations pourraient être toutefois distinguées :

– les premières concerneraient les ménages en situation de précarité énergétique, comme ceux qui bénéficient des aides de l’ANAH, pour lesquels il n’y a pas d’autre solution que de leur apporter un accompagnement personnalisé à domicile. Celui-ci pourrait être néanmoins étendu, comme l’a suggéré M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, aux opérations réalisées sur un ensemble immobilier de logements sociaux, pour que l’accompagnement sur site des locataires leur permette de comprendre quels sont les comportements qui doivent se mettre en place dans les logements rénovés ;

– les autres situations, de par leur grande diversité, devraient conduire les collectivités territoriales et les plateformes de rénovation à proposer toute une gamme de solutions d’accompagnement, allant de la simple consultation téléphonique au montage technique des projets et aux visites sur place, y compris après les travaux, pour donner des conseils sur la bonne utilisation du logement. Les actions permettant d’élaborer un plan de financement complet et détaillé des opérations de rénovation thermique devraient également figurer sur ce « menu », en particulier lorsque le profil sociologique des résidents d’un quartier ou d’une zone rurale s’y prête.

Le rôle d’accompagnement que les plateformes de la rénovation sont appelées à jouer rend par ailleurs nécessaire une réflexion sur leur modèle économique, afin d’assurer leur pérennité. Le Plan bâtiment durable a proposé, à cet effet, que les particuliers participent financièrement au fonctionnement de ces structures. La question d’un barème ne manquerait pas, alors, de se poser…

4. Des outils fiscaux et financiers plus accessibles depuis 2015

Les rapporteurs avaient appelé, en 2014, à une stabilisation et à une simplification des dispositifs fiscaux et financiers destinés à accompagner la réalisation de travaux d’efficacité énergétique chez les particuliers. Ces outils étant nombreux et variés (certificats d’économies d’énergie, TVA à taux réduit pour les travaux d’amélioration des locaux d’habitation, etc.), les développements qui suivent sont centrés sur trois mécanismes, qui ont fait l’objet de mesures visant à les rendre plus accessibles : le crédit d’impôt pour la transition énergétique, l’éco-prêt à taux zéro et le programme Habiter mieux de l’Agence nationale pour l’habitat.

a. Un crédit d’impôt transition énergétique (CITE) enfin stabilisé

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), qui a succédé au crédit d’impôt pour le développement durable (CIDD), a été qualifié par la direction générale de l’énergie et de climat (DGEC) d’« outil précieux » pour les politiques d’efficacité énergétique dans le domaine du logement. D’autres interlocuteurs ont estimé, à l’inverse, que ce crédit d’impôt n’a pas de vocation environnementale mais vise plutôt à soutenir la filière du bâtiment. La nature hybride de cet outil, conjuguée à la propension des pouvoirs publics à jouer sur ses critères techniques et financiers pour maîtriser la dépense fiscale, explique pourquoi celui-ci n’a cessé d’être réformé.

i. Un dispositif victime du « stop and go » en matière de dépense fiscale

Un dispositif erratique

Créé par la loi de finances pour 2005, le CIDD, devenu le CITE en 2015, permet aux contribuables, propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale de bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale de leur logement. Sa mise en œuvre a connu trois phases :

– la première a eu pour objectif de valoriser les équipements d’économies d’énergie les plus innovants. La dépense fiscale a alors très fortement augmenté pour atteindre, en 2009, près de 2,9 milliards d’euros ;

– la deuxième phase a été ouverte par les lois de finances pour 2011 et pour 2012, qui ont appliqué des « rabots » successifs pour réduire les taux et restreindre l’assiette du crédit d’impôt, la loi de finances pour 2014 ayant parachevé cette politique de rationalisation de la dépense fiscale. L’avantage fiscal a été en effet subordonné à la réalisation d’un « bouquet de travaux », qui bénéficiait d’un taux de 25 % pour tous les contribuables. Un taux de 15 % était cependant conservé pour les actions réalisées hors « bouquet », mais il ne concernait que les ménages aux revenus modestes ;

– mise en œuvre par la loi de finances pour 2015, la troisième phase rompt avec ces orientations et revient à l’esprit du dispositif d’origine, centré sur l’aide aux équipements individuels. En effet, la condition de réalisation d’un « bouquet de travaux » pour obtenir l’avantage fiscal a été supprimée à compter du 1er septembre 2014. En outre, le taux du crédit d’impôt a été porté à 30 % pour l’ensemble des dépenses, au lieu de 15 % ou 25 % selon les cas auparavant.

Ces aller-retour se sont traduits par une évolution erratique de la dépense fiscale associée au CITE, comme le montre le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE FISCALE ASSOCIÉE AU CITE DEPUIS 2005

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

CITE

(en millions d’euros)

400

985

1 873

2 100

2 763

2 625

2 015

1 110

673

619

874

1 670

Nombre de bénéficiaires

(en millions)

nd

0,992

1,255

1,329

1,559

1,558

1,512

1,269

0,85

0,728

0,660

Montant moyen du crédit d’impôt

(en euros)

nd

993

1 492

1 580

1 772

1 685

1 333

875

792

850

Source : tome II du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances (jusqu’au PLF pour 2017).

Les mesures adoptées dans le cadre des lois de finances pour 2011 et pour 2012 ont ainsi eu un impact à la baisse important. Depuis 2015, en revanche, la dépense fiscale associée au CITE est repartie à la hausse et devrait atteindre, selon les documents budgétaires du projet de loi de finances pour 2017, 1,6 milliard d’euros en 2016.

Un dispositif à l’efficacité contestée

Le CITE est un outil fiscal très critiqué. L’UFC–que choisir estime en particulier que, si ce dispositif coûteux peut être un élément de déclenchement des travaux, il n’est pas, pour autant, un outil de recherche de la performance énergétique. Il conduit en effet à une mauvaise orientation des investissements, en rendant plus accessibles les travaux déjà abordables, comme le changement des ouvertures, alors que l’isolation, essentielle du point de vue de l’efficacité énergétique, reste toujours difficilement accessible aux particuliers.

En outre, selon M. Bruno Deletré, le directeur général du Crédit foncier de France, qui a présidé le groupe de travail sur le logement de l’Institut Montaigne, ce crédit d’impôt, en soutenant une dépense plafonnée à 8 000 euros sur cinq ans pour une personne seule, sans condition de ressources et sans obligation de réaliser un bouquet de travaux, « bénéficie par construction à des ménages capables de financer les travaux éligibles et d’attendre le retour de crédit d’impôt a posteriori ». Ce dispositif se caractérise, par conséquent, par un effet d’aubaine important (134). C’est la raison pour laquelle l’Institut Montaigne a recommandé de restreindre très fortement, voire de supprimer le CITE (135).

Enfin, le dispositif n’incite pas les acteurs de la location à réaliser la rénovation énergétique de leur habitation. Les locataires sont certes éligibles au CITE s’ils effectuent les travaux à leur charge mais cette utilisation est marginale, comme le rappelle l’UFC-Que choisir : seulement 1,4 % des locataires d’une maison individuelle et 0,3 % des locataires d’un appartement ont utilisé le dispositif CIDD en 2010 (136). Il est vrai aussi que les travaux susceptibles d’être engagés, en particulier ceux sur le bâti, concernent surtout les propriétaires, qui ne paient pas la facture d’énergie du bien loué et n’ont donc aucun intérêt à réaliser la rénovation. Le président du Plan bâtiment durable, M. Philippe Pelletier, a estimé, dans ces conditions, que la mise « en mouvement » des bailleurs autour de l’objectif de rénovation énergétique se fera par l’introduction, déjà évoquée, d’un critère énergétique dans la définition de la décence d’un logement.

ii. Une volonté de simplification assumée depuis 2015 qui est critiquée

La réforme opérée par la loi de finances pour 2015 revient à accorder une aide importante pour une seule action de travaux, ce qui devrait rendre le dispositif plus attractif. Elle obéit, de fait, à une double logique, de simplification et de massification, afin de faire du CITE un outil « grand public ».

Le projet de loi de finances pour 2017 s’inscrit dans cette perspective en prévoyant de proroger d’une année la période d’application du CITE, soit jusqu’au 31 décembre 2017, et de supprimer, conformément aux annonces faites le 1er mars 2016, la condition de ressources permettant de bénéficier du cumul du CITE et de l’éco-prêt à taux zéro. Cette dernière mesure doit permettre de diminuer, pour les ménages, l’avance de trésorerie qui résulte du fait que l’aide du crédit d’impôt n’est perçue que l’année suivant la réalisation des travaux. La combinaison de ces deux outils fiscaux devrait, en outre, inciter les particuliers à engager des travaux de rénovation « lourds », donc performants, puisqu’elle permet de cumuler une aide centrée sur l’achat d’équipements et un prêt dont le montant peut aller jusqu’à 30 000 euros.

Pour la direction générale de l’énergie et du climat, cette politique de massification a commencé à produire des résultats dès la fin de l’année 2014. En effet, les données recueillies pour les quatre derniers mois de l’année 2014 font état de la forte augmentation du nombre de ménages ayant eu recours au CITE, avec plus de 500 000 ménages ayant réalisé au moins une action durant cette période, pour une dépense fiscale d’environ 700 millions d’euros. En projetant les résultats du CITE sur une année entière, environ 1,5 million de ménages pourraient avoir recours à ce crédit d’impôt, pour une dépense fiscale de plus de 2 milliards d’euros (137).

L’UFC-Que Choisir a critiqué cette réorientation en estimant qu’un dispositif ciblé sur l’installation de nouveaux équipements ne permettrait pas d’atteindre un « bon » niveau de rénovation. L’aide fiscale devrait donc, selon cette association, reposer sur une obligation non de moyens mais de résultat. Elle serait ainsi fixée en fonction de la performance énergétique réellement atteinte, celle–ci devant être garantie par les professionnels via le recours à des systèmes assurantiels. Une telle conditionnalité risquerait cependant, d’après les représentants de la DGEC et du ministère des finances, de dissuader les ménages de se lancer dans des travaux de rénovation énergétique et d’entraîner, pour les particuliers et l’administration, des coûts de déclaration et contrôle excessifs.

Au vu de ces éléments et surtout des multiples évolutions qu’a connues le crédit d’impôt depuis sa création, il convient, désormais, de le laisser vivre, avant d’établir un bilan, en termes d’efficacité énergétique, de la politique engagée en 2015 et de tirer, le cas échéant, des conclusions en matière fiscale.

Il convient de noter que le décalage d’un an aujourd’hui constaté dans le bénéfice du CITE ne devrait pas être affecté par l’instauration, à compter du 1er janvier 2018, d’un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. En effet, les crédits et réductions d’impôt acquis au titre de l’année N seront versés, comme aujourd’hui, en cours de l’année N+1, à la suite de la déclaration, par le contribuable, de ses revenus perçus lors de l’année N et de la liquidation, par l’administration fiscale, de l’impôt sur le revenu dû au titre de cette même année. Ainsi, les contribuables acquitteront en 2018, via le prélèvement à la source, un montant brut d’impôt dû sur les revenus perçus lors de cette même année et se verront restituer les crédits et réductions d’impôt acquis au titre de l’année 2017, « ce qui, en cas de situation stable, ne modifiera pas, par rapport à la situation actuelle, le montant d’impôt net payé au total sur l’année 2018 » (138).

b. Un éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) ciblé sur des publics prioritaires

Prorogé jusqu’au 31 décembre 2018 par la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, le dispositif de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), qui a été mis en place en 2009, prend la forme d’avances remboursables ne portant pas intérêt, qui sont accordées par les établissements bancaires, ces derniers bénéficiant, en contrepartie, d’un crédit d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu. Il finance jusqu’à 30 000 euros de travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique d’un logement sur une durée de dix ans – ce plafond étant porté à quinze ans pour les travaux les plus lourds – et se décline en trois options, dont la mise en œuvre d’un bouquet de travaux (les deux autres étant l’atteinte d’un niveau de performance minimale pour le logement et la réhabilitation d’un système d’assainissement non collectif).

i. Un dispositif moins sujet aux effets d’aubaine

Parce qu’il peut financer plusieurs travaux et qu’il est destiné aux ménages ne disposant pas d’une trésorerie suffisante, l’éco-PTZ possède, selon M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, un plus fort « effet de levier » que le CITE. Le directeur général du Crédit foncier, M. Bruno Deletré, a confirmé ce point, en considérant que l’efficacité du prêt est liée au fait qu’il « s’adresse exclusivement à des ménages qui ne pourraient pas, sans ce concours de la collectivité, réaliser l’opération » (139).

Cet effet de levier devrait être accru par une disposition incluse dans la loi de finances pour 2016 en vertu de laquelle, à compter du 1er janvier 2016, les bénéficiaires d’un premier prêt peuvent recevoir un éco-prêt complémentaire, dès lors que le plafond global de 30 000 euros est respecté et que les travaux correspondent à au moins une des catégories du bouquet de travaux.

La vocation sociale de l’éco-PTZ résulte également du fait qu’il peut, depuis le 1er janvier 2014, bénéficier aux copropriétés. Réclamée par les syndics, cette aide vise à inciter les copropriétés qui sont réticentes, en raison de leur profil sociologique, à engager des travaux de rénovation coûteux à passer l’acte. Aucun éco-prêt « collectif » n’avait été cependant encore signé, en juin 2016, ce qui s’explique par le fait qu’un seul établissement, le Crédit foncier, ait accepté de le distribuer.

ii. Un rythme de distribution trop lent

Le volume d’éco-prêts distribués reste trop faible. En effet, après avoir connu un bon démarrage en 2009, avec près de 10 000 prêts par mois, le nombre d’éco-PTZ émis par les banques a connu une baisse importante, en passant de 78 484 en 2010 à 40 755 en 2011, puis à 31 196 en 2014. L’année 2015 constitue, à cet égard, une année noire, avec seulement 23 567 prêts distribués.

Pour lever les obstacles à la distribution des éco-PTZ, la loi « TEPCV » du 17 août 2015 a prévu un fonds de garantie pour la rénovation énergétique, chargé de garantir les éco-prêts à taux zéro distribués à des ménages modestes et de contre-garantir les prêts pour la rénovation énergétique des copropriétés, dont les modalités d’intervention ont été précisées par un décret du 11 août 2016.

Il n’est pas certain, cependant, que ce nouvel instrument permette au dispositif de trouver son rythme de croisière.

La faiblesse persistante de l’éco-PTZ s’explique en effet par plusieurs raisons. L’une d’entre elles tient à la complexité initiale du dispositif, qui résultait d’une mauvaise attribution de la responsabilité du contrôle de la qualité du dossier de rénovation. Les banques devaient au départ instruire l’éligibilité technique des travaux, une tâche pour laquelle elles n’avaient pas, de toute évidence, les compétences requises. Le problème a été identifié dès la fin 2011, mais il a fallu attendre la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 pour que cette responsabilité soit transférée aux entreprises, en prévoyant, pour celles dont les devis ne permettent pas de justifier la conformité des travaux aux critères d’exigibilité prévus, le paiement d’une amende égale à 10 % du montant desdits travaux.

D’autres facteurs de blocage, sur lesquels il est plus difficile d’agir, subsistent néanmoins : l’amenuisement de l’avantage du taux zéro en période de faibles taux d’intérêt, la rémunération moyennement attractive du dispositif pour les banques et, enfin, la moindre notoriété de l’éco-PTZ par rapport aux autres outils fiscaux, celui-ci étant connu par 42 % des ménages seulement, contre 46 % pour le CITE et 52 % pour la TVA à taux réduit sur les travaux d’amélioration et d’entretien des locaux à usage d’habitation (140). Il semble donc utile de renforcer la communication sur l’éco–PTZ et les conditions de son cumul avec le CITE.

c. Une complémentarité recherchée avec la lutte contre la précarité énergétique

i. Un cumul éco-PTZ-subventions désormais possible

Les ménages à faibles revenus, propriétaires d’un logement qu’ils occupent ou qu’ils louent, ou les syndicats de copropriétés en difficulté peuvent obtenir de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) des aides destinées à favoriser la rénovation énergétique des logements privés, ces subventions s’inscrivant dans le cadre du programme Habiter mieux, mis en place à partir de 2010. Peuvent donc être accordées pour un propriétaire occupant, à condition que la rénovation permette d’augmenter de 25 % la performance énergétique du logement (141) :

– une aide de lutte contre la précarité énergétique, dont le montant est égal à 35 % du montant des travaux (ou 50 % pour les ménages les plus démunis) dans la limite d’un plafond de travaux égal à 20 000 euros hors taxes (HT) ;

– une prime, représentant 10 % du montant HT des travaux et plafonnée à 1 600 euros pour les ménages de la catégorie « modestes » (ou 2 000 euros pour ceux de la catégorie « très modestes »).

L’efficacité du programme est incontestable, comme l’a montré le bilan présenté par Mme Blanche Guillemot, la directrice générale de l’ANAH. Celui-ci a permis non seulement de rénover, en 2014 comme en 2015, près de 50 000 logements, soit l’objectif assigné, mais aussi de toucher, en termes de public visé, son « cœur de cible » : entre 60 % et 70 % des ménages soutenus déclaraient souffrir du froid avant la réalisation des travaux et un peu moins de la moitié vivaient en-dessous du seuil de pauvreté. En outre, le gain d’énergie réalisé après travaux, comparé au minimum de 25 % exigé par la loi, est en moyenne d’environ 40 % et atteint même 60 à 65 % pour les logements sociaux et les copropriétés.

La loi du 28 décembre 2015 de finances pour 2016 a fait en outre le pari de dynamiser l’éco-PTZ, en liant ce dispositif au programme Habiter mieux. Elle a prévu, à cet effet, que les travaux éligibles au bénéfice du prêt puissent être des travaux faisant l’objet d’une aide de l’ANAH au titre de la lutte contre la précarité énergétique. Les ménages bénéficiaires de ce cumul d’aides étant de surcroît exonérés du respect de la condition d’ancienneté du logement attachée au prêt (construction avant le 1er janvier 1990), cette mesure devrait renforcer la solvabilité des ménages à faible revenu qui hésitent souvent, en raison du coût, à conduire des travaux de rénovation énergétique.

Le ministère des finances souligne l’intérêt de cette disposition en mettant en regard le nombre significatif de logements rénovés grâce aux aides de l’ANAH avec le faible nombre de dossiers d’éco-PTZ : sur les 290 000 prêts octroyés entre 2009 et 2014, moins de 2 % des emprunteurs déclarent avoir eu recours en parallèle aux aides de l’Agence. Il semble dès lors qu’un « recours facilité à une solution de financement à taux nul pour les bénéficiaires de l’ANAH permettrait d’accélérer encore le rythme de rénovations énergétiques du parc privé » (142).

ii. Un opérateur dont les ressources restent fragiles : l’Agence nationale de l’habitat

Le dynamisme et l’efficacité du programme Habiter mieux de lutte contre la précarité énergétique sont menacés par le caractère structurellement fragile des recettes de l’ANAH. Cette tension entre les objectifs et les ressources risque de s’aggraver avec les nouveaux objectifs retenus par le Gouvernement pour 2016 et 2017, respectivement fixés à 70 000 et 100 000 logements rénovés.

Les recettes de l’ANAH sont en effet aussi volatiles que diverses. Depuis 2013, l’agence est financée principalement par le produit de cession de quotas carbone, dans la limite d’un plafond de 550 millions d’euros. Or cette recette est amoindrie par la chute du prix du CO: elle n’était, en 2015, que de 312 millions d’euros. L’agence perçoit également une fraction du produit de la taxe sur les logements vacants (dans la limite d’un plafond de 21 millions d’euros en 2016, contre 61 millions en 2015) et des recettes issues des certificats d’économie énergie, ainsi que des contributions diverses, émanant notamment d’Action Logement et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Enfin, le programme Habiter mieux est financé à hauteur de 20 % par les investissements d’avenir via le Fonds d’aide à la rénovation thermique (FART).

La stabilité de telles ressources est, par définition, difficile à assurer. La mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la Commission des finances a d’ailleurs estimé, l’été dernier, que l’évolution des ressources propres de l’ANAH entre 2015 et 2016 ne lui permettrait pas de financer, sans apport supplémentaire, la hausse d’activité qui résultera de la réalisation des nouveaux objectifs (143).

Certes, pour 2016, le conseil d’administration de l’ANAH a voté, au mois de mars, un budget rectificatif qui prévoit de financer l’objectif de 70 000 logements rénovés par une augmentation de la contribution d’Action Logement, qui passe de 50 à 100 millions d’euros, la convention triennale qui lie cette structure à l’agence ayant prévu le maintien de cette enveloppe pour 2017.

Pour 2017, les ressources affectées à l’agence ne sont pas encore précisément connues puisqu’elles seront discutées à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. L’ANAH a proposé que les crédits du troisième programme d’investissements d’avenir (PIA 3), présenté en juin 2016, puissent bénéficier à de nouveaux dispositifs d’aides destinés, d’une part, à encourager les copropriétés fragiles à engager des travaux de rénovation thermique et, d’autre part, à susciter des projets collectifs de rénovation et d’économies d’énergie à l’échelle d’un quartier, par exemple dans les zones pavillonnaires. Cette demande semble avoir été entendue puisque ces dispositifs devraient s’intégrer dans l’action « territoires d’innovation de grande ambition » du PIA, au sujet de laquelle le document–cadre du programme précise qu’elle a vocation à développer des démonstrateurs de la ville de demain, « en cohérence » avec les projets menés dans le cadre du programme Habiter mieux (144).

Les crédits des investissements d’avenir étant toutefois susceptibles de connaître des mouvements de grande ampleur, il serait préférable d’opter, ainsi que l’ont proposé les rapporteures de la mission d’évaluation et de contrôle de la Commission des finances, Mmes Eva Sas et Sophie Rohfritsch, pour une solution « plus vertueuse en termes de lisibilité et de sincérité budgétaires » et consistant à accroître, à compter de 2017, les ressources propres de l’ANAH à hauteur des financements nécessités par les objectifs de rénovation thermique (145).

C. LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES FINANCEMENTS INNOVANTS ET D’ENCLENCHER DE NOUVELLES DYNAMIQUES

La politique d’efficacité énergétique dans le domaine du logement pourrait être dynamisée en s’appuyant sur de nouveaux outils de financement et en faisant appel à de nouvelles formes d’incitation.

1. Recourir au tiers-financement

La loi « ALUR » du 24 mars 2014 a défini le tiers-financement comme « l’intégration d’une offre technique, portant notamment sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques, à un service comprenant le financement partiel ou total de ladite offre, en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps » (article L. 381-1 du code de la construction et de l’habitation). Celui–ci constitue, de fait, un montage financier original, qui permet de surmonter les difficultés à trouver un financement bancaire. Il est donc particulièrement adapté pour accélérer la réalisation de travaux de rénovation thermique sur les bâtiments anciens.

Afin d’assurer son développement, la loi « TEPCV » du 17 août 2015 a exclu de la liste des organismes interdits d’opérations de crédit les sociétés de tiers-financement dont l’actionnariat est majoritairement formé par les collectivités territoriales ou qui sont rattachées à une collectivité de tutelle. En bénéficiant ainsi d’une dérogation au monopole bancaire, ces collectivités pourront avancer financièrement le coût des travaux aux particuliers, tout en les conseillant dans leur démarche de rénovation, ce qui devrait en faire de véritables « tiers de confiance » en matière de performance énergétique des logements.

La loi du 17 août 2015 a par ailleurs sécurisé le mécanisme du tiers-financement, notamment en prévoyant que les sociétés concernées ne soient autorisées ni à procéder à l’offre au public de titres financiers, ni à collecter des fonds remboursables du public. Ces dispositions devraient être, à l’avenir, pleinement exploitées afin de structurer des sociétés de tiers-financement autour des collectivités territoriales et d’acteurs privés et d’en faire un levier efficace pour atteindre les objectifs de rénovation.

2. Actionner de nouveaux leviers

Deux autres leviers pourraient être utilement actionnés pour inciter à la rénovation énergétique.

Le premier est celui de l’économie de charges dans le parc social. En effet, l’acceptabilité de travaux de rénovation énergétique des logements sociaux repose principalement sur l’économie de charges escomptée de la part des locataires. Or, d’après M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, ce processus, qui est encadré par un décret du 23 novembre 2009, est peu pratiqué, car les bailleurs sociaux rechignent à amputer l’économie de charges réalisée par les locataires du fait des travaux de rénovation. Pour lever cet obstacle, des accords collectifs de location devraient être conclus, afin de permettre aux locataires de contribuer au coût des travaux et de restituer ainsi aux bailleurs une partie des économies de charge.

Le second levier est celui la « valeur verte » des logements, laquelle devrait inciter les ménages propriétaires, qui disposent souvent d’une épargne importante, à réaliser des travaux de rénovation, afin de se prémunir contre la dépréciation de leur patrimoine. Dans ce but, les notaires pourraient recommander à leur clientèle d’adopter une approche patrimoniale de la rénovation énergétique, qui pourrait être valorisée lors de la vente du bien. Les mutations immobilières, qui représentent une masse d’un peu plus de 800 000 transactions par an, ce chiffre devant être comparé avec l’objectif national de 500 000 logements rénovés par an, pourraient ainsi devenir l’élément déclencheur de la rénovation.

Au cours de sa première réunion du 19 octobre 2016, le Comité examine le présent rapport.

M. Régis Juanico, président. Je vous prie d’excuser le président Bartolone qui m’a demandé de le suppléer pour présider notre réunion. Nous examinons ce matin le rapport sur le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Ce rapport s’inscrit dans le cadre du suivi de l’évaluation de la mise en œuvre du paquet « énergie-climat » qui nous avait été présentée en mai 2014. Nos deux rapporteurs sont MM. Jean-Jacques Guillet et François de Rugy. 

M. François de Rugy, rapporteur. Le présent rapport vise à assurer le suivi du précédent. Nous rappelons en avant-propos le cadre de référence du développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Nous avions identifié il y a deux ans les questions les plus déterminantes : la stabilisation des dispositifs, leur simplification et la mobilisation des investissements publics et privés pour lever les verrous technologiques à la transition énergétique.

La France s’est fixée des objectifs incitatifs de développement des énergies renouvelables il y a plus de dix ans, dans la première loi sur l’énergie puis à l’occasion du paquet « énergie-climat ». Il y a eu depuis d’autres évolutions législatives. Ces objectifs sont assez ambitieux – plus ambitieux, même, que ceux de l’Union européenne. S’ils étaient atteints, nous obtiendrions un mix énergétique tout à fait respectueux des engagements fixés en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Mais au rythme actuel, il semble que ces objectifs ne seront pas atteints aux dates prévues. Cela a notamment été établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son bilan environnemental de la France.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Le contexte économique et juridique nous paraît relativement peu propice au développement des énergies renouvelables.

Tout d’abord, le soutien total aux énergies renouvelables – qui agrège différentes dispositifs : la contribution au service public de l’électricité (CSPE), la TVA à taux réduit, les contrats de plan État-régions, etc. – a été évalué par la Cour des comptes à 19,5 milliards d’euros entre 2005 et 2013. Ce soutien est donc important. Mais il paraît déséquilibré au profit des énergies renouvelables électriques et ne cesse de croître. Le soutien à l’électricité via la CSPE renouvelable s’élèvera en 2016 à 5 milliards d’euros, contre 754,6 millions en 2010. La part du photovoltaïque est quant à elle passée de 249 millions à 2,9 milliards d’euros.

Le développement des énergies renouvelables thermiques repose sur le fonds chaleur, qui est sous-dimensionné avec 1,2 milliard d’euros au cours de la période 2009-2014. Ce fonds, géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), n’appuie pas assez une énergie pour laquelle la France dispose d’un potentiel considérable : le biogaz qui n’a reçu que 0,6 % seulement des aides au cours de la période 2009-2015. Ce fonds chaleur ne parvient pas à assurer la compétitivité des projets exploitant la biomasse, elle-même menacée par la chute des prix du gaz.

Le prix du mégawattheure baisse et son niveau – 26 euros au deuxième trimestre 2016 – n’a plus aucun sens économique.

Les outils de programmation du développement des énergies renouvelables sont par ailleurs incomplets. Ainsi, le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie, prévu par la loi de transition énergétique pour la croissance verte, n’est toujours pas publié : il reste pour le moment à l’état de projet.

Enfin, les programmations nationales et locales paraissent incohérentes. On constate par exemple un écart de 16 000 mégawattheures entre les schémas régionaux et l’objectif national pour l’éolien terrestre et le photovoltaïque.

M. Éric Alauzet succède à M. Régis Juanico à la présidence la réunion.

M. François de Rugy, rapporteur. Nous avons identifié plusieurs freins au développement des énergies renouvelables.

Le premier concerne l’organisation des filières. Cela est sans doute plus vrai aujourd’hui dans le cas du biogaz, filière caractérisée par une diversité d’acteurs et une inadaptation des procédés – souvent importés de pays tels que l’Allemagne où l’on n’envisage pas la production de biogaz de la même façon. Dans les autres filières, les acteurs sont mieux structurés.

On se heurte également au problème du raccordement de la production d’énergie renouvelable, dans le domaine de l’électricité mais pas uniquement. Délais et coûts de raccordement entraînent un phénomène de goulot d’étranglement. Pour limiter ce phénomène, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a fixé un délai de dix-huit mois pour le raccordement de toutes les installations de plus de 3 kilowatts de puissance. Un effort de simplification a également été engagé par le Gouvernement, mais certains textes sont encore en attente, notamment l’ordonnance et le décret pérennisant les expérimentations d’autorisations environnementales uniques et supprimant la procédure du permis de construire pour les éoliennes.

L’encadrement des recours abusifs est un thème récurrent qui ne touche pas que les énergies renouvelables. Il convient de trouver le bon équilibre entre la capacité à mener des projets dans des délais raisonnables et le droit de tout citoyen à contester ces projets. La durée des contentieux est parfois liée à l’existence de différentes voies de recours.

L’augmentation des coûts de raccordement s’explique, quant à elle, par la suppression en 2010 du mécanisme de réfaction grâce auquel le gestionnaire de réseau couvrait 40 % de ces coûts. Le Gouvernement prévoit de revenir sur cette suppression, mais ce projet est contesté par la Commission de régulation de l’énergie.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Un nouveau mécanisme d’aide aux producteurs d’énergies renouvelables a été mis en place par la loi du 17 août 2015.

Jusque-là, le système de soutien à la production reposait sur des contrats d’obligation d’achat à prix fixe : il était sécurisant pour les producteurs et les investisseurs mais présentait plusieurs inconvénients. Il avait tout d’abord un effet d’aubaine incontestable mais on pouvait penser que, dès lors qu’il favorisait le développement des énergies renouvelables – photovoltaïque en particulier –, il pouvait être intéressant de le conserver. La Commission européenne a cependant identifié que le mécanisme d’obligation d’achat déformait le marché : de fait, il faisait courir un risque de surcapacité d’énergies renouvelables susceptible de faire baisser les prix.

Le nouveau système qui a été mis en place fait entrer directement les producteurs dans le processus de commercialisation, sans passer par un acheteur obligé – qui était pour l’essentiel EDF –, du moins pour les nouvelles installations de plus de 500 kilowatts qui sont de loin les plus nombreuses. Les producteurs possédant de nouvelles installations de plus de 500 kW et qui vendent leur électricité sur le marché bénéficieront d’un complément de rémunération calculé sur la base d’un prix moyen de marché – hors éolien terrestre pour lequel un système dérogatoire demeure.

Le caractère variable de cette prime et le fait qu’elle ne soit pas versée en heure de prix négatifs incitent les producteurs à adapter leur offre à la situation du marché. C’est l’avantage de ce dispositif. Mais ce dernier induit des aléas de rémunération pour les installations. Il risque de ce fait de renchérir le financement bancaire dans la mesure où les banques sont relativement frileuses – on l’a d’ailleurs vu en Allemagne alors que ce pays a une politique assez performante en matière de développement des énergies renouvelables.

Deux filets de sécurité ont donc été prévus pour les producteurs, et doivent faire leurs preuves : une prime de gestion fixe pour couvrir les frais de commercialisation à la charge des producteurs, prime dont le montant paraît faible ; et un dispositif pour assurer des recettes minimales aux projets : la désignation d’un acheteur en dernier recours dans la mesure où le producteur court toujours le risque de ne pas trouver de véritable acheteur.

Cette politique de soutien ne pourra être efficace que si un marché de l’agrégation suffisamment liquide émerge : les gros producteurs n’ont pas de problème dans la mesure où ils ont eux-mêmes leurs possibilités de trading mais les petits producteurs doivent passer par des agrégateurs qui permettent un accès plus facile au marché. Par ailleurs, les appels d’offres utilisés pour l’allocation des aides devraient permettre de préserver la diversité des producteurs et le prix du carbone devrait être relevé pour assurer la rentabilité de long terme des énergies renouvelables.

M. François de Rugy, rapporteur. S’agissant de l’investissement nécessaire pour lever certains verrous technologiques, nous avons identifié plusieurs défis et efforts à poursuivre, amplifier ou compléter.

Parmi les défis à relever, la question du stockage de l’électricité se pose régulièrement. Plusieurs techniques existent, plus ou moins mobilisables. Le stockage par batterie ne semble pas possible aujourd’hui à grande échelle mais peut être mobilisé parallèlement au développement de la voiture électrique. Encore faut-il que cette solution soit utilisée intelligemment.

On recense parmi les autres solutions technologiques le transfert d’énergie par pompage, qui existe déjà, et la filière Power to gas que certains appellent la « méthanation », et qui consiste en l’injection, dans le réseau de gaz, d’hydrogène ayant été produit à l’aide d’électricité renouvelable. La complémentarité entre la production d’électricité renouvelable et l’hydrogène peut être une solution intéressante pour écrêter la variabilité de la production renouvelable.

Je tiens ici à souligner que la question de la variabilité de la production – terme que je préfère à celui d’intermittence – est aussi vieille que le développement même des énergies renouvelables et qu’il faut tenir compte non seulement de l’écrêtement de la production mais aussi de celui de la consommation – sujet qui nous renvoie aux fameux smart grids (réseaux intelligents).

L’inadéquation entre la production et la consommation est un phénomène qui touche tous les modes de production d’électricité. Même si l’on a une production de base très élevée en France avec le parc nucléaire, il sera toujours difficile d’assurer une bonne adéquation entre offre et demande. Le moyen le plus simple d’assurer cette adéquation est la production thermique d’électricité, mais comme on cherche à réduire cette dernière pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, il faut trouver d’autres technologies.

Eu égard aux efforts d’investissement, le doublement prévu du fonds chaleur d’ici à 2017 devrait permettre de développer la compétitivité des projets de biomasse et de mieux soutenir la filière du biogaz qui peut être utilisée pour produire du gaz mais aussi de l’électricité et dont les effets sont neutres en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons donc évoqué les incitations au développement des technologies qui rendent service au système électrique. Nous tirons sur ce sujet la sonnette d’alarme car une partie de crédits destinés aux smart grids ont été amputés à l’occasion de redéploiements de crédits. C’est un mécanisme budgétaire que l’on connaît sous tous les gouvernements et tous les ans, le ministère des finances ayant toujours tendance à financer des mesures nouvelles par des redéploiements qui ne sont jamais totalement neutres.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Le deuxième volet de notre rapport concerne l’efficacité énergétique dans le logement, défi important sachant qu’il y a au total 35 millions de logements, représentant 30 % de la consommation finale d’électricité. L’essentiel de ces 35 millions de logements a été réalisé avant la première réglementation thermique qui date de 1974 et a une étiquette énergétique médiocre. 53,6 % des logements sont étiquetés D ou E par les diagnostiqueurs et près d’un tiers d’entre eux sont des « passoires thermiques », étiquetées F ou G. Cela est relativement logique dans la mesure où 60 % des logements ont été construits avant la RT de 1974. Il y a donc un effort particulièrement important à faire en ce domaine, effort qui est d’ailleurs en partie réalisé mais qui reste encore insuffisant.

Les logements en location, qui représentent 42 % du parc, disposent souvent de mauvaises étiquettes. Je ne parle pas ici du parc social qui fait l’objet de la part des bailleurs d’une politique de rénovation thermique importante – bien qu’encore imparfaite. Près du quart des locataires du parc privé occupent des logements classés G, contre 10 % seulement des propriétaires. La proportion des étiquettes performantes A, B ou C des locations du secteur privé est largement inférieure – de moitié – à celle constatée pour les propriétaires et les locataires du parc social. Les logements en location sont les moins susceptibles d’être rénovés car les propriétaires bailleurs, ne payant pas les factures d’énergie, n’ont pas la possibilité d’amortir le coût des travaux sur ces factures. Les locataires, éligibles à plusieurs dispositifs d’aide que nous évoquerons plus loin, peuvent faire eux-mêmes les travaux, mais n’y sont guère disposés dans des appartements dont ils ne sont pas propriétaires. On pourrait donc affirmer que la politique d’efficacité énergétique devrait s’appuyer sur une politique d’accession à la propriété, mais ce serait aller un peu loin.

Au total, la fragmentation de la demande de rénovation se conjugue avec une offre de rénovation très éclatée : on recense 380 000 entreprises du bâtiment employant entre un et dix salariés. Seul un tiers des actifs entrant dans la filière est issu d’une formation en bâtiment. De l’avis général, le secteur est diffus et relativement peu qualifié, malgré les efforts accomplis par la profession en ce domaine. En amont et en aval du secteur, on recense un grand nombre d’acteurs organisés les uns à côté des autres plutôt que les uns avec les autres : 7 000 fabricants de produits et d’équipement de construction, 12 000 bureaux d’études ou sociétés d’ingénierie et 30 000 architectes.

M. François de Rugy, rapporteur. J’en viens aux dépenses de rénovation. Il nous paraît important de tordre le cou à l’idée récurrente qu’on ne ferait rien. Il se fait beaucoup de choses en la matière, de façon dispersée peut-être et pas toujours le plus efficacement possible. Lors des auditions que nous avons menées, de nombreux acteurs nous ont dit que l’objectif de 500 000 logements rénovés par an était en train d’être atteint. Cela a représenté en 2014 plus de 11 milliards d’euros d’investissements, ce qui est considérable. L’effort moyen par logement s’élève à près de 7 000 euros – et à 8 500 euros en ce qui concerne les logements les plus anciens.

La tendance est également positive concernant la valorisation des logements en fonction de leur performance énergétique. Il y aura toujours des exceptions ici ou là, liées à des marchés immobiliers particuliers, mais la tendance globale conduit à constater des écarts de valeur assez importants, directement corrélés à la catégorie d’efficacité énergétique dans laquelle les logements se situent. On le constate également sur le marché locatif.

Cela traduit non seulement une prise de conscience mais aussi une réalité. C’est aussi pour les propriétaires qui réalisent des investissements une garantie de retour sur investissement lorsqu’ils revendent leur logement. Cela nourrit a contrario, chez ceux qui ne feraient rien, la crainte de voir leur logement se déprécier sur le marché de la revente. C’est donc une incitation forte à consentir à engager des travaux.

Reste la question de l’efficacité de ces travaux. Les professionnels que nous avons auditionnés ne sont d’ailleurs pas tous d’accord sur ce point. Certains considèrent qu’il faut continuer à promouvoir un bouquet de travaux très diversifié, d’autres, qu’il faut en rester à des opérations simples. En tout état de cause, il ne faudrait pas que cela ne concerne que le seul marché du changement des fenêtres. La performance énergétique d’un logement se mesure quand même à plusieurs critères et doit inclure des travaux divers pour être améliorée.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Les réglementations thermiques successives ont eu des effets extrêmement positifs, en particulier pour les logements neufs. Cette réglementation ayant été relativement efficace, il convient probablement de la renforcer, comme le prévoit la réglementation thermique 2018 en cours de préparation, mais ce, avec énormément de prudence.

Ainsi, la réglementation thermique en vigueur, la RT 2012, a contribué à la montée en compétences énergétiques du secteur du bâtiment et incité la filière à mettre au point des techniques et des matériaux plus performants. Elle l’a fait en imposant pour les bâtiments neufs le niveau « bâtiment de basse consommation » (BBC), soit un niveau de consommation en énergie primaire plafonné à 50 kilowattheures équivalent pétrole par mètre carré par an en moyenne – ce qui correspond à une division par trois ou quatre, selon le type d’énergie utilisé, de la consommation maximale prévue par la précédente réglementation.

La RT 2012 a donc entraîné une augmentation des coûts de construction qui a néanmoins été relativement moins importante qu’on ne pourrait l’imaginer
– entre 4 et 15 % selon les estimations et proche de 4 % pour les grands opérateurs qui ont plus de moyens pour mettre en
œuvre cette réglementation. Aujourd’hui, ce surcoût est en grande partie absorbé par la diffusion d’équipements et de procédés plus performants.

La réglementation thermique a surtout eu un effet positif sur la pointe électrique dont le rythme d’évolution est désormais équivalent à celui de la consommation d’énergie. Alors qu’auparavant, le développement du chauffage électrique, dont la part de marché était supérieure à 70 % dans le neuf entre 2005 et 2009, pouvait menacer la stabilité énergétique du pays par grand froid, en particulier aux heures de pointe, les nouvelles surfaces chauffées au gaz et à l’électricité ont été rééquilibrées : elles étaient de 45 % en 2015 pour chacune des deux énergies.

Une nouvelle réglementation thermique est prévue pour 2018 qui doit prendre en compte cette fois-ci le niveau d’émission des gaz à effet de serre : ce dernier est déjà mesuré mais il sera demain beaucoup plus normé. Cette perspective suscite de vifs débats entre les experts et les opérateurs. Pour certains – souvent experts électriciens –, le chauffage électrique ne devrait plus être pénalisé par la nouvelle réglementation par rapport au gaz, considéré comme émetteur de CO2. Il faut souligner que le biogaz, qu’évoquait à l’instant François de Rugy et qui est appelé à se développer, n’émet pas de CO2, ni de particules d’ailleurs. Pour d’autres experts – le plus souvent gaziers –, cette réorientation pourrait conduire le système électrique à faire appel aux heures de pointe soit à des centrales thermiques soit aux centrales à charbon allemandes, ce qui n’est pas une bonne solution. Il convient donc de trouver un équilibre afin d’éviter que les économies d’énergie qui seraient gagnées d’un côté ne se traduisent de l’autre par des externalités environnementales négatives.

Mme Monique Rabin succède à M. Éric Alauzet à la présidence de la réunion.

M. François de Rugy, rapporteur. J’en viens à l’accompagnement des particuliers et à la professionnalisation dans le domaine de la rénovation et de l’efficacité énergétiques. Les dispositifs d’accompagnement sont assez éclatés, tant en termes d’acteurs que de type d’accompagnement proposé. La loi de transition énergétique a identifié ces dispositifs et a essayé de les regrouper sous l’appellation de plateforme territoriale de la rénovation énergétique. C’est un élément très important permettant de rassurer les propriétaires qui veulent s’engager dans cette rénovation. C’est même un facteur déclencheur de ces travaux pour les ménages les plus modestes qui se disent qu’ils n’arriveront pas à les financer. C’est pour ce type de ménages, qui vivent plus souvent que d’autres dans des passoires énergétiques, qu’il y a le plus de gains à obtenir. Lorsque l’accompagnement personnalisé va du montage du projet jusqu’au plan de financement des travaux, il est très efficace.

Il existe donc plusieurs dispositifs d’accompagnement, dont fait partie les dispositifs de recensement de la Poste. On est cependant encore loin d’une logique du guichet unique. Cette logique un peu la tarte à la crème de toutes les politiques, mais l’on sait qu’elle confèrerait de la visibilité et de l’efficacité à cette politique de rénovation. Le programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) est le seul à être clairement ciblé sur cette démarche, puisqu’il comprend une phase de conseil et de visites à domicile avant le versement d’aides.

Des incertitudes pèsent néanmoins sur les ressources de l’agence. Nous préconisons donc la pérennisation de ces dernières. Je ferai ici une remarque plus personnelle, que j’avais déjà formulée dans notre précédent rapport : pour beaucoup de gens, la seule rénovation énergétique du logement n’est pas une motivation suffisante, même avec la « carotte financière » des économies réalisées par la suite. En revanche, l’amélioration de l’habitat suscite chez eux une motivation bien plus grande. Beaucoup de gens font des travaux dans leur logement sans bénéficier du moindre gain financier à la clef parce qu’ils souhaitent agrémenter leur cadre de vie. Intégrer l’efficacité énergétique dans cette approche me semblerait donc un bon levier. Avant de faire des économies ou de contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique, les occupants d’un logement ont comme principal objectif de vivre mieux et d’avoir un logement plus agréable à vivre. Or, l’efficacité énergétique y contribue : toutes les expériences montrent que lorsqu’on a un logement mieux isolé, il est aussi plus confortable.

Enfin, s’agissant de la professionnalisation de la filière, on se trouve, comme je le disais, face à une multiplicité d’entreprises. Certains dispositifs existent qui méritent selon nous d’être confortés et amplifiés. Il faut s’appuyer sur ce qui existe, à commencer par la labellisation des entreprises du bâtiment, véritable garantie pour les personnes qui font appel à ces entreprises à condition que les labels soient accordés en contrepartie d’une formation des artisans dans une approche pluridisciplinaire. Plutôt que de séparer les corps de métier, mieux vaut que les artisans soient, dans leur formation, habitués à travailler avec leurs collègues d’autres corps de métier.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Les aides fiscales à la rénovation thermique sont aujourd’hui simplifiées mais il importe de les stabiliser. Les deux dispositifs principaux sont désormais cumulables, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE), tout d’abord, a succédé au crédit d’impôt pour le développement durable. Il a connu trois phases depuis 2005. Il a été entaché à un moment donné du soupçon d’exercer un effet d’aubaine, ce qui a conduit le Gouvernement et le Parlement à le modifier. Dans un deuxième temps, il a été décidé de « massifier » le CITE en supprimant la condition de réalisation d’un bouquet de travaux, condition qui présentait l’inconvénient de réduire la capacité des propriétaires à engager ces travaux. Le CITE est donc devenu un outil fiscal grand public en matière de sensibilisation aux enjeux de la rénovation énergétique. Au vu des multiples évolutions qu’a connues le CITE, il paraît prudent de laisser prospérer ce dispositif au cours des prochaines années en le stabilisant avant de l’évaluer et, le cas échéant, de le modifier ou, éventuellement, de l’abandonner. Il présente en effet l’inconvénient de bénéficier, par construction, à des ménages capables de financer a priori les travaux éligibles et de ne pas du tout concerner les locataires. Le CITE ne bénéficie donc pas aux ménages les moins favorisés.

Le dispositif de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) permet, dans une certaine mesure, de répondre à ce problème. Il a un plus fort effet de levier que le CITE puisqu’il s’adresse à des ménages qui ne pourraient pas, sans cette aide, réaliser d’opération de rénovation thermique. Cependant, il faut souligner que le dispositif s’est effondré : entre 2010 et 2015, on est passé de 78 484 à 23 567 prêts, ce, pour plusieurs raisons. D’abord, on a attribué la responsabilité d’attester l’éligibilité des travaux aux banques qui ne sont pas compétentes pour le faire. Ce problème, identifié à la fin de l’année 2011, n’a été corrigé qu’en 2014. Ensuite, il y a amenuisement de l’avantage accordé dans une période où nous connaissons des taux d’intérêt extrêmement faibles. Ces taux n’encouragent pas les propriétaires à solliciter l’éco-PTZ. Enfin, le prêt bénéficie d’une moindre notoriété que les autres aides fiscales – CITE et TVA à taux réduit sur les travaux d’entretien.

Des mesures récentes pourraient le dynamiser : l’autorisation de cumuler le prêt avec les aides de l’ANAH ou avec le CITE – élément nouveau et très encourageant – et la création d’un fonds spécifique chargé de garantir les prêts distribués à des ménages modestes et de contre-garantir les prêts pour la rénovation thermique des copropriétés. Ces dernières sont en effet éligibles à l’éco-PTZ, ce qui répond aux préoccupations de l’ANAH concernant les personnes qui voudraient rénover leur habitat et, simultanément, en assurer la rénovation thermique.

Voilà, madame la présidente, l’économie générale de ce rapport. Cette évaluation, qui vient à la suite du rapport que nous avions fait en 2004, apportera une pierre supplémentaire à un édifice construit au service des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

M. Gérard Menuel. Je tiens tout d’abord à saluer le regard très pragmatique que vous portez dans ce rapport sur les problèmes de terrain.

Le stockage d’électricité sera effectivement un enjeu majeur au cours des vingt prochaines années. Il convient d’accélérer le rythme de l’innovation et de la recherche afin de trouver de vraies solutions. La batterie ne sera une solution que très partielle et d’autres propositions de ce rapport me paraissent très intéressantes. La recherche a évolué, notamment en ce qui concerne les volants d’inertie qui ne permettent pas de stocker mais de réguler les besoins électriques d’une industrie. Ce système est aujourd’hui passé en phase opérationnelle.

Je voudrais insister sur le problème des délais de réalisation. J’ai moi-même été confronté à un délai tellement long – aux recours se sont ajoutés des problèmes de fouilles qui n’en finissaient pas – que j’ai abandonné mon unité de biomasse. J’ai fini par lâcher au bout de cinq ans le projet que j’avais engagé alors qu’il ne faut qu’un an en Allemagne pour monter une unité. Ce que je dis de la biomasse se vérifie d’ailleurs dans les autres secteurs.

Enfin, en matière de logements, la question ne se pose pas de la même manière selon que l’on est en zone tendue ou en zone détendue. Je suis, pour ma part, à Troyes, dans un secteur qui se détend en termes de besoins en logement. Les logements y étant vendus à des prix relativement bas, le coût de la réhabilitation énergétique dépasse aujourd’hui le prix des logements mêmes. Les propriétaires rencontrent des difficultés lorsqu’ils veulent réhabiliter leur logement, ce dernier valant moins cher, une fois réhabilité, que l’investissement réalisé.

M. Jacques Lamblin. Je confirme ce que vient de dire mon collègue, quant aux difficultés qu’on peut avoir à réaliser des projets d’installation
– notamment dans le domaine hydroélectrique. Remettre en service d’anciens moulins est un véritable parcours du combattant, surtout si un projet a le malheur de déplaire a priori à l’administration de contrôle. C’est un aspect auquel il conviendrait de s’intéresser.

L’évolution de la réglementation thermique perturbe considérablement le marché immobilier : les logements anciens non-conformes trouvent aujourd’hui difficilement preneurs sur le marché, alors que nous sommes en pleine crise du logement. La nouvelle évolution de cette réglementation, annoncée pour 2018, signifie aussi que les logements qui étaient conformes en 2012 ne le seront plus demain. Ces évolutions devraient être glissantes de façon à ce que les problèmes posés par la réglementation actuelle pour les logements anciens ne se reportent pas sur les logements construits récemment et susceptibles de ne pas être conformes à la nouvelle norme.

M. Jean-Paul Chanteguet. Ayant auditionné l’ADEME dans le cadre de la mission d’information sur la loi de transition énergétique, je connais les chiffres qui viennent d’être cités en matière de rénovation énergétique des logements. Il serait néanmoins souhaitable de les expertiser car nous sommes à mon avis très loin de l’objectif, fixé par la loi pour 2017, de 500 000 logements rénovés chaque année. Le nombre de logements faisant l’objet d’une véritable rénovation thermique permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la demande d’énergie me semble plus près des 150 000 – 200 000 peut-être. Je regrette d’autant plus que les chiffres de cette agence soient éloignés de la réalité que, même si nous atteignions les 500 000 rénovations énergétiques de qualité par an, il faudrait près de soixante ans pour rénover la totalité du parc de logements
– de l’ordre de 30 à 35 millions en France.

Je voudrais aussi évoquer le développement des énergies renouvelables : en ce qui concerne l’éolien, l’objectif – de 25 000 mégawatts en 2020 dont 19 000 d’éolien terrestre et 6 000 offshore – ne sera malheureusement pas atteint. Nous en sommes loin, compte tenu du rythme actuel. Aujourd’hui, aucun parc éolien offshore n’a vu le jour et il n’y a aucun début de réalisation. Je ne le dis pas pour être désagréable à l’égard de qui que ce soit, mais il faut de temps en temps rappeler cette réalité. Le problème, c’est que nous manquerons de moyens financiers – non pas juridiques ni réglementaires – pour atteindre les objectifs ambitieux qui ont été fixés par la loi de transition énergétique – le principal d’entre eux étant la division par deux de la consommation énergétique d’ici à 2050, ce afin d’atteindre le « facteur 4 ». Malheureusement, encore une fois, nous en sommes loin.

M. Alain Gest. Comme vous l’indiquez dans votre rapport, et comme vient de le rappeler le président Chanteguet, nous sommes loin des objectifs fixés en matière éolienne et l’on se heurte à des problèmes d’acceptabilité des projets d’installation. Il est en effet très difficile de mener une politique contre la volonté de la population. Je le constate clairement au-delà d’un certain seuil, moi qui suis dans un département exemplaire en ce domaine –premier ou deuxième en termes d’implantation d’éoliennes. Cette difficulté à tenir nos engagements est-elle uniforme sur le territoire ? J’ai plutôt le sentiment que certains départements sont exemplaires en la matière tandis que d’autres ont des capacités plus importantes pour freiner ce développement. Avez-vous établi des distinctions entre les territoires ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Je souhaiterais interroger les rapporteurs sur les difficultés d’obtention d’aides financières au démarrage des petits projets de méthanisation des agriculteurs. Non seulement la procédure est lourde, longue et complexe, mais le montage financier n’est pas toujours facile non plus – même si les prévisions de taux de retour sur investissement sont assez intéressantes à moyen terme. En Allemagne, les agriculteurs confortent leurs revenus grâce à la méthanisation. En France, la Banque publique d’investissement (BPI) refusait jusqu’à présent d’intervenir à la fois dans le domaine agricole et en appui aux associations d’économie sociale et solidaire. Or, j’ai cru comprendre qu’il serait demandé à la BPI d’assurer de nouvelles missions, notamment dans ces deux domaines. Avez-vous eu des contacts avec cet organisme ? Son mode d’intervention permettrait-il de favoriser ces projets ?

Mme Monique Rabin, présidente. Certaines de vos propositions pourraient-elles faire l’objet d’amendements au projet de loi de finances ?

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Nous avons effectivement essayé d’adopter un regard pragmatique – et non pas idéologique – en la matière. Je remercie notre collègue Menuel de l’avoir souligné.

Madame Lignières-Cassou, nous avons entendu des représentants de la BPI, sans avoir de contacts directs avec les personnes chargées des dossiers de méthanisation. Je reconnais que le financement des infrastructures de méthanisation pose un gros problème. Nous relevons dans notre rapport la faible structuration de la filière qui fragilise le montage financier des projets surtout lorsqu’ils impliquent des petites exploitations agricoles. Cela rejoint tout à fait votre observation. Un dossier de méthanisation sur deux soutenu par BPI-France connaît ainsi des difficultés de paiement. Nous avons donc intérêt à consolider la filière du bio-méthane qui est extrêmement prometteuse.

Il est incontestable que la réglementation thermique de 2018 déstabilisera le marché immobilier ancien. Peut-on prévoir une évolution glissante ? Peut-être. Il nous est difficile de répondre à la question. Je voudrais néanmoins insister sur la valeur verte du patrimoine bénéficiant d’une rénovation thermique : cette valeur verte joue relativement peu dans certaines régions, mais elle existe tout de même.

Il faudrait effectivement expertiser les chiffres de l’ADEME sur les rénovations performantes. En outre, il est un fait qu’aucun parc éolien offshore n’a vu le jour. Comme nous le soulignons dans ce rapport, autant nous avons enregistré des succès incontestables dans le secteur photovoltaïque – parfois même un peu excessifs pour le marché –, autant la filière éolienne n’est pas suffisamment développée. Les efforts doivent donc être beaucoup plus importants en ce domaine.

M. François de Rugy, rapporteur. Je remercie à mon tour notre collègue Menuel d’avoir salué notre approche pragmatique. Nous pouvons avoir des divergences quant à certains choix liés à la politique énergétique ; cela ne nous a pas empêchés de bien travailler ensemble et d’établir des constats, une analyse des freins à cette politique et des moyens de les lever.

La longueur des délais de réalisation des projets – de méthanisation mais pas seulement – peut mener à des abandons, dans des proportions plus élevées que dans d’autres domaines. Dans le secteur du logement, les projets immobiliers font eux aussi l’objet de recours quasi systématiques dans les zones tendues, qui induisent quasiment deux ans de réalisation supplémentaires. Pour autant, ils font peu l’objet d’abandons purs et simples. De plus, la première des ministres du logement de ce quinquennat a mené une politique de lutte contre les recours abusifs. La même démarche est à l’œuvre en faveur des projets éoliens mais elle a malheureusement pris plus de temps. Enfin, au-delà de l’abandon et du renchérissement du coût, l’insécurité pesant sur les procédures et donc sur la réalisation même des projets crée également des difficultés de financement bancaire.

Notre collègue Menuel soulignait tout à l’heure le fait que les travaux de rénovation thermique finissaient, dans certains endroits, par être plus onéreux que la valeur même des logements concernés. Je crois que l’efficacité énergétique et les travaux d’amélioration des logements ne servent que de révélateur. Notre collègue Lamblin disait que cela perturbait le marché. Mais cela réoriente également ce marché. Il faut le dire car tel est le but de cette politique. L’objectif est aussi d’assainir le marché, certains logements « sous-performants » ayant été mis sur ce marché tels quels. Des personnes ont ainsi cru faire une bonne affaire en achetant peu cher sans voir que ces logements auraient ensuite un coût de fonctionnement très élevé. La diversité des situations selon les territoires, entre zones tendues et détendues en termes d’offre et de demande de logements, est une réalité, transition énergétique ou pas. Cette réalité est très difficile à traiter s’agissant des ménages qui se sont endettés pour accéder à la propriété et dont le logement peut constituer un patrimoine de valeur négative : ce problème est indépendant de la transition énergétique.

Je sais que l’acceptabilité de l’éolien est une des préoccupations d’Alain Gest – ce n’est pas lui faire injure que de le dire. Mais je m’inscris en faux contre l’affirmation selon laquelle il serait difficile de mener une politique contre l’avis majoritaire de la population. Toutes les études d’opinion montrent que le développement de l’éolien est soutenu par une très large majorité de la population. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de contestations localisées liées à l’impact immédiat des installations sur les populations concernées – il en va de même lorsqu’on demande aux gens s’il faut construire plus de logements pour satisfaire à la demande. Mais cela nous ramène à la question des recours.

Ce qu’a dit notre collègue Gest sur les disparités territoriales est vrai. Nous n’avons pas pu évaluer ces dernières, mais elles sont évidentes dans chacune de nos régions. Je peux vous dire que dans les Pays de la Loire, le département de la Sarthe n’a quasiment jamais rien fait en matière de développement de l’éolien terrestre parce que les élus locaux n’en voulaient pas et que le conseil départemental faisait tout pour empêcher les projets de se concrétiser. Cela étant, il y a un schéma régional, le préfet se mobilise et les élus évoluent et voient les retombées des projets.

On parle toujours des habitants qui s’opposent à l’éolien pour des raisons d’intérêt particulier – bien légitimes d’ailleurs –, mais il est des élus qui le soutiennent, au-delà de toute considération politique, pour ses retombées. C’est ainsi dans tous les domaines d’activité : lorsqu’on fait du développement économique local, on cherche aussi à en voir les retombées économiques et fiscales sur son territoire. Enfin, il est des projets éoliens dans lesquels s’impliquent les citoyens – c’est le cas de près de la moitié des projets en Allemagne.

Je reconnais une forme de pessimisme chez le président de la Commission du développement durable. J’ai souvent tendance à dire qu’il faut, pour se motiver, voir le chemin parcouru, au moins autant que le chemin qui reste à parcourir. Dire que cela ne marche pas, qu’il ne s’est jamais rien fait et que tout ce qui a été tenté a échoué n’est guère incitatif. S’agissant de la « vraie rénovation thermique », la réponse est dans la question du président Chanteguet. Certains experts considèrent qu’il n’y a que quelques centaines de vraies rénovations thermiques par an en France parce qu’ils ne prennent en considération que les rénovations donnant lieu à une approche globale permettant de transformer une passoire énergétique en un logement sinon à énergie positive, du moins équivalant à un bâtiment basse consommation (BBC). Mais entre l’idéal et le réel, entre tout et rien, il faut essayer de progresser. C’est pourquoi je ne plaide pas pour qu’on repousse les échéances en matière de réglementation thermique. Il n’est pas vrai de dire que ce qui était valable il y a cinq ans ne l’est plus aujourd’hui. Dès le début, on s’est situé dans une logique progressive. Il ne faut donc pas repousser les étapes sans quoi on ne sera plus dans cette logique. Cela vaut dans bien des domaines de l’action politique : dès lors que l’on fixe les étapes du changement que l’on conduit, il faut les respecter. L’efficacité énergétique tire le marché vers le haut et le cercle vertueux est engagé.

Enfin, je ne suis pas favorable à l’idée de déposer des amendements au projet de loi de finances, car ce n’est pas avant tout une question de fiscalité. Jean-Jacques Guillet l’a bien dit à propos du CITE. En France, on aime beaucoup les crédits d’impôt mais à un moment donné, il faut aussi agir dans le cadre qui a été défini, avec une certaine stabilité, mobiliser les outils existants et pérenniser les financements. Ayant été membre de la Commission des finances pendant cinq ans, je connais la logique. Il ne faut pas mettre fin à un crédit d’impôt au motif qu’il aurait trop de succès. Il ne faut pas se plaindre qu’un dispositif ait du succès mais en pérenniser le financement : cela relève de choix budgétaires, comme dans d’autres domaines de l’action politique. Je ne suis d’ailleurs pas non plus d’accord avec le président Chanteguet lorsqu’il affirme que le problème de la loi de transition énergétique réside dans l’insuffisance des moyens qui lui sont consacrés : ce sont la mobilisation et l’orientation de l’investissement privé vers ce chantier qui comptent.

M. Jacques Lamblin. Je suis d’accord pour dire qu’il faut tirer le marché vers le haut. Ce n’est pas bien grave quand on le fait pour les voitures, en durcissant par exemple les normes d’émissions de CO2, car c’est un bien consommable dont on change au bout de quelques années. Mais, dans le parcours d’un ménage, le logement est la grande affaire d’une vie commune, pour l’immense majorité de nos concitoyens. Beaucoup de ménages s’étant installés il y a une trentaine d’années dans des pavillons de banlieue arrivent aujourd’hui à l’âge de la retraite et, leurs enfants étant partis, souhaitent se replier sur un appartement en milieu plus urbain. Mais cela leur est impossible car l’évolution du marché du logement induite par l’évolution de la réglementation thermique entraîne la dévalorisation de ces pavillons vieux d’une quarantaine d’années. Leur situation est bien pire que celle des logements beaucoup plus anciens qui ont du style et du caractère. C’est un problème que l’on n’a pas du tout évalué lorsqu’on a instauré cette réglementation thermique et que l’on risque encore d’amplifier en durcissant celle-ci dans les années à venir.

M. François de Rugy, rapporteur. Soyons clairs : la réglementation thermique ne s’applique pas à l’ancien. C’est par effet de comparaison que les logements dont vous parlez sont dévalorisés. Peu d’obligations pèsent finalement sur l’ancien en matière thermique alors que, dans le domaine de l’assainissement individuel, qui concerne lui aussi les maisons isolées en milieu rural ou périurbain, les normes sont très contraignantes : une personne souhaitant revendre son logement doit, si elle n’a pas mis aux normes son système d’assainissement, mettre sous séquestre une certaine somme d’argent pour que le nouveau propriétaire puisse le faire. De fait, cela joue aussi sur le prix du logement.

On pourrait imaginer un dispositif comparable pour la rénovation thermique : il serait contraignant mais donnerait une visibilité sur le coût de fonctionnement des logements. Aujourd’hui, le grand public avance dans cette logique, en intégrant le coût de fonctionnement des logements surtout en cas d’achat mais aussi en cas de location. Comme l’a souligné Gérard Menuel, la question est plus difficile à traiter en zone non tendue où de toute façon, rénovation thermique ou pas, le logement perd de sa valeur. La pire des situations est celle des gens qui se sont lancés dans l’accession à la propriété en empruntant, qui doivent vendre leur logement pour une raison familiale ou professionnelle et qui se retrouvent avec un bien qu’ils n’arrivent pas à vendre parce qu’il n’a pas de valeur sur le marché mais qui leur coûte en termes de remboursement d’emprunt. Mais la réglementation thermique ne fait que se greffer sur un problème qui existe de toute façon.

Mme Monique Rabin, présidente. Nous vous remercions, messieurs les rapporteurs.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

– M. Nicolas Riedinger, sous-directeur des statistiques de l’énergie au ministère de l’environnement ;

– M. Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable ;

– Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ;

– M. Vincent Legrand, directeur de l’Institut négaWatt ;

– M. Jean Passini, président de la commission Environnement et construction durable de la Fédération française du bâtiment (FFB) *, et M. Bertrand Hannedouche, chef du service Efficacité énergétique et performances environnementales à la direction des affaires techniques ;

– M. Alain Chouguiat, directeur du pôle affaires économiques, et M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes, de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) * ;

– M. Julien Coudert, animateur–coordinateur de la plateforme de la rénovation de la communauté de communes du Crestois et du Pays de Saillans.

– M. Emmanuel Legrand, directeur des investissements transition énergétique et écologique de la Caisse des dépôts, accompagné de Mme Brigitte Laurent, directrice des relations institutionnelles ;

– M. Antoine Boulay, directeur des relations institutionnelles et du suivi des politiques publiques de BpiFrance, accompagné de M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles ;

– M. Damien Ricordeau, président fondateur de Finergreen ;

– M. Paul-François Croisille, directeur général adjoint de Neoen, et M. Matthieu Le Hello, chargé de mission.

Les rapporteurs ont reçu par ailleurs des contributions d’Enedis (ex–ERDF), du Réseau de transport d’électricité (RTE) *, de l’Union française de l’électricité (UFÉ), de l’Institut négaWatt, de M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, et de M. Bruno Deletré, directeur général du Crédit foncier de France.

1 () Évaluation de la mise en œuvre du paquet énergie-climat européen : 10 clés pour réussir la transition énergétique, rapport d’information n° 1951 présenté par MM. Jean-Jacques Guillet et François de Rugy.

2 () La liste des personnes entendues et des contributions reçues figure en annexe du présent rapport.

3 () Réseau de transport d’électricité (RTE), Syndicat des énergies renouvelables (SER), Enedis et Association des distributeurs d’électricité en France (ADEeF), Panorama de l’électricité renouvelable au 30 juin 2016, septembre 2016, p. 5.

4 () La politique de développement des énergies renouvelables, rapport public thématique, juillet 2013, p. 31.

5 () Étude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique, 29 juillet 2014, p. 6.

6 () Volet relatif à la maîtrise de la demande d’énergie, à la sécurité d’approvisionnement et au développement des infrastructures et de la flexibilité du système électrique de la programmation pluriannuelle de l’énergie, p. 10.

7 () La situation du groupe Électricité de France et de la filière nucléaire, rapport d’information n° 3952, déposé le 13 juillet 2016, p. 26 (Assemblée nationale – XIVe législature).

8 () Réponses de la DGEC au questionnaire des rapporteurs.

9 () Avis du comité d’experts pour la transition énergétique sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, 30 juillet 2016, pp. 3-4.

10 () Les SRCAE seront amenés à être intégrés d’ici 2019 dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), créés par la loi « NOTRe » du 7 août 2015.

11 () Andreas Rüdinger, « Éléments d’analyse pour une stratégie de déploiement et d’intégration des énergies renouvelables électriques en France », IDDRI Working Paper n° 03/16, janvier 2016, p. 13.

12 () La politique de développement des énergies renouvelables, rapport précité, p. 93.

13 () Délibération de la CRE du 15 octobre 2015 portant proposition relative aux charges de service public de l’électricité et à la contribution unitaire pour 2016.

14 () Délibération de la CRE du 13 juillet 2016 relative à l’évaluation des charges de service public pour l’énergie pour 2017.

15 () ADEME, Fonds chaleur bilan 2009–2014. Relance et nouvelle dynamique, mars 2015, p. 4.

16 () La mise en œuvre du paquet énergie–climat, communication annexée au rapport n° 1951 précité de MM. Jean–Jacques Guillet et François de Rugy, p. 90.

17 () Rapport sur les moyens consacrés à la politique énergétique, annexe au projet de loi de finances pour 2016, p. 44.

18 () Volet relatif à l’offre d’énergie de la programmation pluriannuelle de l’énergie, p. 5.

19 () Examen environnementaux de l’OCDE : France 2016, juillet 2016, p. 12.

20 () Réponses de RTE au questionnaire des rapporteurs.

21 () Réponses de l’Observatoire au questionnaire des rapporteurs.

22 () Volet relatif à l’offre d’énergie de la PPE, p. 7.

23 () Estimation des gisements potentiels de substrats utilisables en méthanisation, avril 2013, p. 80.

24 () Réponses de GRDF au questionnaire des rapporteurs.

25 () Garantir le droit à un air sain, rapport d’information n° 3772, 19 mai 2016, p. 134 (Assemblée nationale – XIVe législature).

26 () Volet relatif à la maîtrise de la demande de la programmation pluriannuelle de l’énergie, p. 16.

27 () GRDF et al., Panorama du gaz renouvelable en 2015, avril 2016, p. 13.

28 () Association des agriculteurs méthaniseurs de France, GRDF et al., État des lieux de la filière biogaz en France, novembre 2015, p. 7.

29 () Délibération du 27 juillet 2016 portant avis sur le projet d’arrêté fixant les conditions d’achat pour l’électricité produite par les installations utilisant à titre principal le biogaz, p. 8.

30 () Cette définition ne prend pas en compte les installations à l’échelle d’un bâtiment (panneaux solaires, chaufferies collectives, etc.).

31 () I4CE, Panorama des financements climat en France (édition 2015), novembre 2015, p. 43.

32 () EY et Green Univers, Panorama des cleantech en France 2016, avril 2016, p. 18.

33 () Les sociétés de projet servent de véhicules au financement dit de projet, dans lequel le remboursement des dettes et du capital investi est assuré par la marge générée.

34 () Commissariat général au développement durable, « Les obligations vertes au service de la transition écologique », Théma Essentiel, septembre 2016, p. 1.

35 () Pascal Canfin, Pierre-René Lemas, Gérard Mestrallet et Philippe Zouati, « Faisons de Paris la capitale de la finance verte », Le Monde, 17 juin 2016.

36 () D’après M. Rémi Chabrillat, le directeur « productions » de l’ADEME (table ronde du 13 juillet 2016).

37 () Baromètre 2015 du crowdfunding réalisé par le cabinet de conseil CompinnoV, février 2016.

38 () IDDRI Working Paper n° 03/16 précité, p. 25.

39 () Observatoire des marchés du gaz et de l’électricité de la CRE, données au 31 mars 2016 et au 30 juin 2016, communiqués des 2 juin et 20 septembre 2016.

40 () Selon Mme Hélène Gassin, membre du collège de la Commission de régulation de l’énergie, s’exprimant à la table ronde sur le marché de l’électricité en Europe organisée le 12 juillet 2016 par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et la Commission des affaires européennes (Assemblée nationale – XIVe législature).

41 () Cour des comptes, « L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence : une construction inaboutie » in Rapport public annuel 2015, février 2015, p. 182. Les prix négatifs surviennent sur le marché de gros de l’électricité lorsqu’une production importante d’électricité « non–flexible », qui ne peut être arrêtée ou redémarrée rapidement (cas des énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque), se conjugue à une baisse de la demande.

42 () Cette organisation a conclu, le 28 septembre 2016, pour la première fois depuis la crise de 2008, un accord de limitation de la production.

43 () Table ronde précitée du 12 juillet 2016 sur le marché de l’électricité, organisée par les commissions de l’Assemblée nationale en charge du développement durable et des affaires européennes.

44 () Réponses de l’Observatoire au questionnaire des rapporteurs.

45 () Signal prix du CO2. Analyse de son impact sur le système électrique européen, mars 2016, p. 9.

46 () Table ronde précitée du 12 juillet 2016 sur le marché de l’électricité, organisée par les commissions de l’Assemblée nationale en charge du développement durable et des affaires européennes.

47 () Réponses de l’Observatoire au questionnaire des rapporteurs.

48 () Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine, Le dossier de la CRE, avril 2014.

49 () International Renewable Energy Agency (IRENA), The power to change : solar and wind cost reduction potential to 2025, juin 2016, p. 10.

50 () Communication de la Commission (2014/C 200/01), Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020, Journal officiel de l’Union européenne du 28 juin 2014.

51 () Réponses de RTE au questionnaire des rapporteurs.

52 () Réponses de RTE au questionnaire des rapporteurs.

53 () Réponses de FEE au questionnaire des rapporteurs.

54 () Mathilde Matthieu et Andreas Rüdinger, « Évolution des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables électriques en France : comment concilier les enjeux d’intégration et de déploiement », IDDRI Working Paper n° 02/16, janvier 2016, p. 19.

55 () Idem, p. 21.

56 () Réponses de FEE au questionnaire des rapporteurs.

57 () IDDRI Working Paper n° 03/16 précité, p. 25.

58 () Réponses de RTE au questionnaire des rapporteurs.

59 () Réponses de FEE au questionnaire des rapporteurs.

60 () La politique de développement des énergies renouvelables, rapport précité, pp. 51 à 53.

61 () Volet relatif à l’offre d’énergie de la programmation pluriannuelle de l’énergie, p. 8.

62 () IDDRI Working Paper n° 02/16 précité, p. 24.

63 () CRE, Coûts et rentabilité des énergies renouvelables en France métropolitaine, avril 2014, p. 26.

64 () Volet relatif à l’offre d’énergie du projet de PPE, p. 16.

65 () Rapport d’information n° 1951 précité, p. 81.

66 () L’amende pour recours abusif est de 3 000 euros, au maximum, auxquels peuvent s’ajouter, pour les permis de construire, une indemnité en lien avec le préjudice subi par le porteur de projet.

67 () IDDRI Working Paper n° 03/16 précité, p. 20.

68 () Aller vers une unification des procédures et une fusion des autorisations, rapport transmis à Mme Ségolène Royale, ministre de l’environnement, février 2016, p. 7.

69 () Réponses du SER au questionnaire des rapporteurs.

70 () Réponses de FEE au questionnaire des rapporteurs.

71 () Réseau de transport d’électricité, Syndicat des énergies renouvelables et al., Panorama de l’électricité renouvelable en 2015, janvier 2016, p. 3.

72 () Panorama de l’électricité renouvelable au 30 juin 2016, rapport précité, p. 7.

73 () Réponses de RTE au questionnaire des rapporteurs.

74 () Panorama de l’électricité renouvelable au 30 juin 2016, rapport précité, p. 52.

75 () Réponses d’Enedis au questionnaire des rapporteurs.

76 () Projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

77 () Contribution d’Enedis.

78 () Délibération du 2 juin 2016 portant avis sur le projet d’ordonnance pris en application de l’article 119 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte.

79 () RTE, Valorisation socio–économique des réseaux électriques intelligents. Méthodologie et premiers résultats, juillet 2015, p. 21.

80 () Idem, p. 133. Enedis expérimente, de son côté, une offre de raccordement « alternative » pour faciliter le raccordement des producteurs contre un écrêtement ponctuel de leur puissance.

81 () Vers un mix électrique 100 % renouvelable en 2050, rapport précité, p. 20.

82 () Vers un mix électrique 100 % renouvelable en 2050, rapport précité, pp. 32-33.

83 () Réponses de GRDF au questionnaire des rapporteurs.

84 () IDDRI Working Paper n° 03/2016 précité, p. 14.

85 () Commissariat général à la stratégie et à la prospective, La crise du système électrique européen. Diagnostics et solutions, janvier 2014, p. 32.

86 () Les programmes d’investissements d’avenir (PIA) finançant la transition écologique, rapport d’information n° 3867 déposé le 22 juin 2016, p. 146 et p. 148 (Assemblée nationale – XIVe législature).

87 () IDDRI Working Paper n° 03/2016 précité, p. 17.

88 () Réponses de FEE au questionnaire des rapporteurs.

89 () Réponses de GRDF au questionnaire des rapporteurs.

90 () Fonds chaleur bilan 2009-2014, rapport précité, p. 4.

91 () Pascal Jean, « Des voies de progrès pour le développement des réseaux de chaleur et de froid », étude présentée en mars 2016 au Président du Plan bâtiment durable, p. 31. L’ADEME soutient d’ores et déjà les raccordements dont la longueur cumulée dépasse 200 mètres.

92 () Signal prix du CO2, rapport précité p. 27.

93 () Rapport n° 3952 précité, p. 21.

94 () Commissariat général au développement durable, « Performance thermique des logements neufs : les surcoûts de construction compensés par les économies d’énergie », Le point sur… n° 217, décembre 2015.

95 () CGEDD, Rénovation énergétique dans le parc de logements : contributions et pilotage de la formation professionnelle des artisans du bâtiment, rapport n° 009787-01, décembre 2015, p. 21.

96 () Commissariat général au développement durable (CGDD), « Le parc des logements en France métropolitaine en 2012 : plus de la moitié des résidences principales ont une étiquette énergie D et E », Chiffres & statistiques n° 534, juillet 2014, p. 2.

97 () UFC-Que choisir, Rénovation énergétique des logements. Le crédit d’impôt, une mesure à grands frais qui rate sa cible environnementale, octobre 2015, p. 5.

98 () Réponses de l’Institut au questionnaire des rapporteurs.

99 () Rapport précité du CGEDD, p. 21. Le nombre estimé de ménages en situation de précarité énergétique est d’environ 5,1 millions.

100 () Sources : Fédération française du bâtiment, Le Bâtiment en chiffres 2015, juin 2016, et rapport précité du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

101 () Rapport précité du CGEDD, p. 27.

102 () Sabine Basili et Ingrid Nappi–Choulet, Rénovation énergétique et filière bâtiment, juillet 2014, p. 9.

103 () Panorama des financements climat en France, rapport précité, p. 30 et p. 31.

104 () Lutte contre le changement climatique, rapport précité, p. 127.

105 () Panorama des financements climat en France, rapport précité, pp.31 et 30.

106 () Chiffres & statistiques n° 534, article précité, p. 7.

107 () DINAMIC, La valeur verte des logements d’après les bases notariales BIEN et PERVAL, mars 2015, p. 20.

108 () ADEME, Campagne 2015 de l’OPEN, mai 2016, p. 8.

109 () Réponses de l’Institut au questionnaire des rapporteurs.

110 () Campagne 2015 de l’OPEN, rapport précité, p. 16. Selon l’INSEE, en 2013, le niveau de vie médian de la population s’élevait à 20 000 euros annuels et le revenu disponible annuel médian, qui partage la population des ménages en deux parties égales, était de 29 540 euros.

111 () Campagne 2015 de l’OPEN, p. 20.

112 () Contribution du 26 juillet 2016 de M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable.

113 () Étude d’impact précitée, p. 24.

114 () Le kWh cumac est le kWh d’énergie cumulée et actualisée sur la durée de vie d’un produit ou d’un équipement.

115 () Réponses de la DGEC au questionnaire des rapporteurs.

116 () Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, février 2016, p. 183.

117 () Les aides aux syndicats de copropriétaires ont représenté en 2015 plus de 46 millions d’euros. Le reste est constitué d’aides individuelles aux copropriétaires.

118 () Agence nationale de l’habitat, Rapport d’activité 2015, juillet 2016, p. 31 et pp. 18 et 19.

119 () « Performance thermique des logements neufs : les surcoûts de construction compensés par les économies d’énergie », article précité, p. 3.

120 () Réponses de l’Union française de l’électricité au questionnaire des rapporteurs.

121 () Réponses du Plan bâtiment durable au questionnaire des rapporteurs.

122 () RTE, Bilan prévisionnel de l’équilibre offre–demande d’électricité en France Édition 2016, p. 40.

123 () Réponses de GRDF au questionnaire des rapporteurs.

124 () Réponses de l’Observatoire au questionnaire des rapporteurs.

125 () « CO2 : la folie réglementaire française va encore frapper », Les Échos, jeudi 18 juillet 2016.

126 () Réponses de GRDF au questionnaire des rapporteurs.

127 () Rénovation énergétique dans le parc de logements : contributions et pilotage de la formation professionnelle des artisans du bâtiment, rapport précité du CGEDD, p. 41.

128 () Réponses de l’Institut au questionnaire des rapporteurs.

129 () Rénovation énergétique dans le parc de logements, rapport précité du CGEDD, p. 47.

130 () Institut négaWatt et Réseau action climat France, La transition énergétique du secteur du bâtiment, mai 2014, p. 20.

131 () Rapport précité sur les moyens consacrés à la politique énergétique (annexe au PLF pour 2016), p. 16.

132 () Campagne OPEN 2015, enquête précitée, p. 21.

133 () Réponses du Plan bâtiment durable au questionnaire des rapporteurs.

134 () Contribution de M. Bruno Deletré.

135 () Institut Montaigne, Politique du logement : faire sauter les verrous, juillet 2015, p. 122.

136 () Rénovation énergétique des logements, rapport précité, p. 20.

137 () Réponses de la DGEC au questionnaire des rapporteurs.

138 () Prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, évaluation préalable de l’article 38 du projet de loi de finances pour 2017, p. 257.

139 () Contribution de M. Bruno Deletré.

140 () Campagne OPEN 2015, enquête précitée, p. 23.

141 () ADEME, Le guide des aides financières pour les travaux de rénovation énergétique, juillet 2016, p. 20.

142 () Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2016, p. 240.

143 () Rapport n° 3867 précité, p. 69.

144 () Commissariat général à l’investissement, 3ème programme d’investissements d’avenir, juin 2016, p. 41.

145 () Rapport n° 3867 précité, p. 71.

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


© Assemblée nationale