N° 78 - Avis de Mme Martine Faure sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n°71)



N° 78

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juillet 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances rectificative pour 2012,

PAR Mme Martine FAURE,

Députée.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 71

INTRODUCTION 5

I.- LA SITUATION DÉGRADÉE DE L’ÉCOLE QU’ACCENTUERA L’EXÉCUTION DU BUDGET 2012… 7

A. UNE ÉDUCATION NATIONALE AFFAIBLIE PAR LES COUPES BUDGÉTAIRES 7

1. Une approche purement budgétaire de la réduction des emplois 7

2. Des effets durement ressentis sur le terrain et atteignant cette année un point critique 9

B. UN SYSTÈME ÉDUCATIF DONT LES RÉSULTATS SE DÉGRADENT DEPUIS DIX ANS 11

1. Des élèves aux acquis fragiles de plus en plus nombreux 11

2. Des dispositifs de soutien aux élèves en difficulté parfois « bricolés » et partiellement efficaces 12

II.- …JUSTIFIE L’ADOPTION DE MESURES D’URGENCE POUR LA RENTRÉE PRÉALABLES À UNE REFONDATION DU SYSTÈME SCOLAIRE 15

A. DES CRÉATIONS DE POSTES PRIVILÉGIANT DE MANIÈRE OPPORTUNE LE PRIMAIRE 15

1. 1 000 emplois de professeur des écoles en plus 15

2. 16 000 personnels éducatifs en plus pour améliorer le climat scolaire 20

B. DES MESURES POUVANT ÊTRE QUALIFIÉES DE « CORRECTIVES » 21

1. Une année de stage facilitée pour les lauréats des concours 21

2. Une allocation de rentrée scolaire augmentée de 25 % 23

3. Un dispositif coûteux de prise en charge des frais de scolarité à l’étranger supprimé 24

C. UN PREMIER EFFORT QUI DEVRA ÊTRE AMPLIFIÉ PAR LA FUTURE LOI D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION 25

1. Un texte devant traduire dans la durée l’engagement présidentiel de créer 60 000 emplois à l’Éducation nationale 25

2. Un texte devant agir sur les deux leviers essentiels de changement que sont les rythmes scolaires et la formation initiale des enseignants 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II.- EXAMEN DES ARTICLES 43

TITRE II AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2012 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS 43

Article 23 : Plafonds des autorisations d’emplois de l’État 43

TITRE III DISPOSITIONS PERMANENTES 45

Article 24 : Rétablissement du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % dans le secteur des livres 45

Article 30 : Suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger 45

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 49

INTRODUCTION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de se saisir pour avis du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012, déposé le 4 juillet dernier à l’Assemblée nationale.

Traduisant les priorités du nouveau gouvernement, ce « collectif » prévoit en effet l’ouverture de 89,5 millions d’euros de crédits supplémentaires sur la mission « Enseignement scolaire » pour financer les mesures d’urgence pour la rentrée 2012.

Selon le ministre de l’éducation nationale, M. Vincent Peillon, et la ministre déléguée, chargée de la réussite éducative, Mme George Pau-Langevin, ces mesures visent à « atténuer les plus graves tensions constatées  sur le terrain » qui résultent des suppressions massives de postes décidées ces dernières années (1) – plus de 70 000, au total, dont 14 000 au titre de la loi de finances initiale pour 2012.

En s’efforçant de parer au plus urgent, ce collectif donne aussi une première traduction à l’engagement présidentiel de faire de l’école « la priorité de l’action publique pour le quinquennat » (2). Dans son discours sur l’école et la nation du 9 février 2012, M. François Hollande avait alors souligné, avec force, la nécessité d’une « refondation » de l’école – « première promesse de la République » –, cette ambition devant être portée par une loi d’orientation et de programmation dont la préparation donne lieu à une large concertation engagée le 5 juillet dernier.

Le Premier ministre a d’ailleurs affirmé, de manière solennelle, lors de la Déclaration de politique générale du 3 juillet dernier, la volonté du Gouvernement de proposer « un nouveau contrat éducatif », dont l’objectif est de « faire reculer massivement au cours de la législature le nombre de jeunes qui sortent, chaque année, du système scolaire sans aucune qualification ». 

Le présent rapport pour avis a donc pour objet de rappeler, brièvement, le contexte de crise que connaît l’Éducation nationale, puis de présenter les mesures d’urgence que celui-ci impose d’adopter pour la rentrée 2012.

*

* *

Par ailleurs, la rapporteure pour avis se félicite que soit tenu l’engagement pris par le Président de la République de rétablir le taux de 5,5 % de TVA dans le secteur des livres. La loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 avait procédé à un relèvement à 7 % de ce taux, en dépit des risques qu’il faisait peser sur l’ensemble de la filière du livre et notamment sur le réseau des libraires indépendants.

En effet, le secteur des librairies indépendantes connait depuis plusieurs années d’importantes difficultés, dans un contexte de concurrence accrue avec les librairies en ligne : leur résultat avant impôt excède rarement 0,1 % à 0,2 % de leur chiffre d’affaires. Le relèvement du taux de TVA faisait peser une menace supplémentaire sur ces résultats et compromettait la survie des librairies les plus fragiles.

De manière plus générale, cette mesure prenait le contrepied de l’ambitieuse politique du livre que notre pays a su développer dans un consensus général, depuis la loi sur le prix unique du livre de 1981 jusqu’à la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique, et qui a donné des résultats exemplaires tant s’agissant de la diversité éditoriale que de la densité du maillage culturel territorial.

L’article 24 du présent projet de loi rétablit donc un taux de TVA à 5,5 %, cette mesure devant prendre effet à compter du 1er janvier 2013, afin de laisser à la filière le temps d’adaptation nécessaire à ses spécificités. Elle s’applique aussi bien au livre imprimé qu’au livre numérique.

Les présentes dispositions témoignent de la volonté du nouveau Gouvernement de défendre le secteur du livre ce qui, dans le contexte de la mise en demeure adressée par la Commission européenne contestant l’application d’un taux de TVA à taux réduit au livre numérique, augure bien de la détermination dont les autorités françaises devront faire preuve pour défendre le livre, qu’il soit imprimé ou numérique, en tant qu’œuvre de l’esprit irréductible à un simple bien de consommation ou à une simple prestation de services.

I.- LA SITUATION DÉGRADÉE DE L’ÉCOLE QU’ACCENTUERA L’EXÉCUTION DU BUDGET 2012…

Le non-remplacement d’un fonctionnaire de l’État sur deux partant à la retraite ou règle du « un sur deux » a transformé l’Éducation nationale, le principal employeur public, en variable d’ajustement budgétaire, sans que soit engagée, au préalable, une réflexion sur les moyens permettant de lutter plus efficacement contre l’échec scolaire.

Les lois de finances successives ont ainsi affaibli le système éducatif, la rentrée scolaire 2012 cristallisant, à cet égard, les inquiétudes des personnels et des familles. Ce contexte budgétaire tendu a, de plus, affecté une école qui, depuis une décennie environ, connaît une véritable crise de ses résultats, laquelle s’aggrave d’année en année.

 Initiée par le budget 2008, la politique de réduction des effectifs a été appliquée à l’Éducation nationale de manière purement mécanique, sans être corrélée à une stratégie éducative. La Cour des comptes avait pourtant souligné, dès 2009, les dangers qui s’attachent à une « une approche principalement budgétaire de la gestion des ressources humaines de l’État » : dans ces conditions, en effet, l’ajustement du nombre des personnels aux missions « ne s’opère pas avant tout au regard d’une analyse des besoins correspondant aux missions – qui souvent reste à faire –, mais en fonction, presque exclusivement, de considérations démographiques et de contraintes macro-économiques » (4). Ainsi, faute d’avoir fait cette analyse et d’avoir défini, par ce biais, une politique éducative plus efficace, les coupes budgétaires ne pouvaient améliorer la qualité du service public de l’éducation – au contraire !

 Sur le plan quantitatif, la règle du « un sur deux » s’est traduite, à l’Éducation nationale, par des suppressions d’emplois massives : au total, celle-ci aura perdu, ainsi que l’illustre le tableau ci-dessous, 70 600 postes, dont 68 000 postes d’enseignants si la loi de finances initiale pour 2012 n’est pas rectifiée. Pour l’année en cours, en effet, le schéma d’emplois du projet annuel de performances de la mission « Enseignement scolaire » prévoit la suppression, à la rentrée, de 14 000 emplois, dont 5 700 dans le primaire.

Suppressions d’emplois à l’Éducation nationale 2008-2012

 

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

Cumul

Enseign. du 1er degré public

+ 30

6 000

7 000

8 967
(3 367 * nettes)

5 700

27 637

Enseign. du 2nd degré public

8 830

6 500

7 000

4 800

6 550

33 680

Enseign. privé
(1er et 2nd degrés)

1 400

1 000

1 400

1 633

1 350

6 683

Fonctions de soutien

1 000

-

600

600

400

2 600

Total
(hors enseignement agricole)

11 200

13 500

16 000

15 900

14 000

70 600

* En comptant la résorption des emplois dits en « surnombre »

Source : rapport d’information n° 601 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice (19 juin 2012).

 Cette réduction drastique des moyens en personnels de l’Éducation nationale a en outre « impacté » un système éducatif dont les taux d’encadrement pédagogique ne figurent pas, contrairement à une idée reçue, parmi les plus élevés des pays développés.

Certes, le ministère de l’éducation nationale n’a eu cesse, sous le précédent quinquennat, de mettre en avant le fait que les suppressions de postes, dans l’enseignement public, n’avaient pas remis en cause, en raison de l’évolution de la démographie des élèves, ces taux. Ainsi, dans le primaire, celui-ci était, en 2007, de 18,20 élèves par enseignant et, en 2012 (5), de 18,60 élèves par enseignant (et de respectivement 11,48 et 12,09 dans le secondaire). Mais il s’agit là, bien entendu, de moyennes nationales qui, sur le terrain, au regard des attentes des familles concernant la continuité et la qualité de l’offre éducative, ne veulent strictement rien dire…

En outre, si l’on tient, malgré tout, à raisonner à partir de chiffres globaux, force est de constater que la France se situe, s’agissant de la taille des classes du primaire et du collège (dans l’enseignement public), en dessous de la moyenne de l’OCDE, ainsi que de celle des pays européens membres de cette organisation. Dans le premier degré, la France arrive loin derrière les nombreux pays où les élèves ne sont pas plus de vingt par classe : Autriche, Danemark, Estonie, Fédération de Russie, Finlande, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Mexique, Pologne, République slovaque, République tchèque, Slovénie et Suisse (6).

Taille moyenne des classes, selon le type d’établissement et le niveau d’enseignement (2009)

Calculs fondés sur le nombre d’élèves et le nombre de classes

 

Enseignement primaire public

Premier cycle de l’enseignement secondaire public (filière générale)

France

22,6

24,3

Moyenne OCDE

21,4

23,5

Moyenne UE à 21

20,0

21,9

Source : OCDE, Regards sur l’éducation, édition 2011.

 Enfin, ces « coupes sombres » ont été effectuées alors même que le ministère de l’éducation nationale mettait en place de nombreux dispositifs de prise en charge de la difficulté scolaire : aide personnalisée dans le primaire, accompagnement éducatif dans le primaire et au collège, accompagnement personnalisé au lycée, etc. Cette politique ambitieuse de « personnalisation » de l’enseignement n’a donc pu que se heurter à la « mise sous tension » de l’école résultant de la suppression des postes.

Une illustration de cette contradiction – insurmontable – entre l’objectif affiché et la logique budgétaire à l’œuvre est donnée par le sort réservé aux seuls personnels spécifiquement formés pour prendre en charge des élèves rencontrant des difficultés lourdes d’apprentissage – les enseignants des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ou RASED. Une part importante d’entre eux ont été ainsi « sédentarisés » dans les écoles, ce qui permet de supprimer les postes « hors la classe » correspondants, tout en rendant impossible la prise en charge, dans le cadre du réseau, des élèves de plusieurs écoles.

Compte tenu des besoins d’accompagnement des élèves en difficulté, la politique restrictive menée par le précédent Gouvernement traduisait une forme d’aveuglement à l’égard du principal enjeu éducatif de notre pays.

L’Éducation nationale aura été d’autant plus affaiblie par les derniers budgets que les rectorats ont utilisé, pour la préparation des projets de loi de finances pour 2011 et 2012, des « leviers d’efficience » susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement pédagogique des élèves, en particulier des plus jeunes d’entre eux.

En effet, à partir de mai 2010, le ministère de l’éducation nationale a suggéré aux rectorats l’usage d’un ensemble de leviers d’économies en effectifs, ainsi résumés par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre Assemblée (7) :

Les « leviers d’efficience » utilisés par les rectorats

– augmentation de la taille des classes dans le 1er degré ;

– réduction du besoin de remplacement dans le 1er degré ;

– baisse de la scolarisation des enfants âgés de deux ans ;

– sédentarisation des enseignants « hors la classe » ;

– intervenants extérieurs en langue vivante et assistants étrangers dans le premier degré ;

– évolution de la taille des classes au collège ;

– évolution du réseau des établissements ;

– réduction du volume des décharges dans le 2nd degré ;

– optimisation du remplacement dans le 2nd degré ;

– lycée d’enseignement général et technologique : rationalisation de l’offre scolaire ;

– lycée professionnel : rationalisation de la carte des formations ;

– itinéraires de découverte : état des lieux ;

– renforcement de l’efficience des emplois administratifs dans les services déconcentrés et dans les EPLE (établissements publics locaux d’enseignement).

En ce qui concerne les effets concrets de ces mesures, la rapporteure pour avis partage le jugement formulé, dans un récent rapport, par sa collègue sénatrice, Mme Brigitte Gonthier-Maurin : les suppressions de postes qui en découlent ont « attaqué la substance de l’offre éducative » (8).

S’agissant, en particulier, du premier degré, Mme Gonthier-Maurin cite les observations de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), pour qui la taille des classes est demeurée le levier le plus massivement employé, beaucoup d’inspecteurs d’académie ayant augmenté les seuils « y compris en milieu rural et y compris dans les écoles de l’éducation prioritaire qui ne sont pas sanctuarisées mais traitées comme les autres ». En outre, toujours selon l’inspection générale, de grandes tensions devraient perdurer « dans les départements démographiquement dynamiques et ayant un taux d’encadrement faible, pour l’essentiel situés en banlieue parisienne et en Rhône-Alpes ». Or, ainsi que le souligne, avec justesse, Mme Gonthier-Maurin, « aucune de ces orientations ne saurait être interprétée comme favorable aux apprentissages des élèves, notamment des plus faibles et des plus modestes ».

Les 14 000 suppressions de postes décidées au titre du budget 2012 pourraient donc placer le système scolaire dans une situation critique. Les précisions apportées par le ministère de l’éducation nationale à la rapporteure pour avis confirment cette hypothèse :

– dans le premier degré, les 5 700 emplois supprimés devaient, selon le précédent ministre de l’éducation nationale, être pris exclusivement « hors la classe » – ce qui a été effectivement le cas pour 1 949 emplois des RASED (9). En réalité, un solde net de 715 classes ont été supprimées pour une démographie en légère hausse de 2 490 élèves, ce qui conduit à une dégradation du taux d’encadrement, tandis que le remplacement a été, une nouvelle fois, sacrifié, avec la suppression nette de 761 emplois ;

– dans le second degré, caractérisé par un contexte de baisse d’effectifs d’élèves (- 9 725), le schéma d’emplois s’établit à 6 550 emplois, dont 1 000 concernent les stages en responsabilité des étudiants en master préparant les concours, moins nombreux que prévus. Sur les 5 600 emplois supprimés en académie, 5 046 emplois ont été supprimés en réduisant les heures d’enseignement, soit du fait de la baisse des effectifs (d’où un nombre de classes en diminution, notamment en lycée professionnel), soit par un resserrement des ratios d’encadrement, dans le cas des collèges et lycées. Au total, 618 emplois ont été retirés des collèges, 1 052 des lycées et 3 376 des lycées professionnels.

Dans de telles conditions, si le budget 2012 n’était pas rectifié, de nombreux enseignants et parents d’élèves pourraient être tentés de croire que l’Éducation nationale est laissée à l’abandon – et ce alors que le bilan de l’école se dégrade.

Les résultats des élèves français, en particulier ceux des plus faibles d’entre eux, tels que mesurés par les évaluations nationales et internationales, connaissent, depuis une dizaine d’années, une chute inquiétante.

 Les évaluations nationales

Le cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon (CEDRE), mis en place par le ministère de l’éducation nationale, permet de suivre, de manière fiable, les évolutions des acquis des élèves au regard des objectifs fixés par les programmes entre deux vagues d’enquêtes réalisées à six ans d’intervalle. Ainsi, dans le primaire, les performances des élèves de CM2 dans la « maîtrise du langage et de la langue française » sont globalement stables entre 2003 et 2009, mais préoccupantes, 40 % des élèves ayant des acquis insuffisants ou fragiles. Au niveau du collège, la tendance est très négative en ce qui concerne les « compétences générales » (prélever l’information, l’organiser, la synthétiser ou l’exploiter de manière complexe) : en fin de 3ème, la population des élèves les plus faibles a, sur la même période, augmenté de près de 20 % (passant de 15 % à 17,9 %) alors que celle des élèves les plus forts a baissé de près de 30 % (passant de 10 % à 7,1 %. Pire encore, dans le secteur de l’éducation prioritaire, la proportion de collégiens dans les niveaux de performances les plus faibles a augmenté de 7,7 points entre les deux cycles d’évaluation, passant de 24,9 % en 2003 à 32,6 % en 2009 (10).

 Les évaluations internationales

Depuis 2000, tous les trois ans, sous l’égide de l’OCDE, l’évaluation internationale PISA (Program for International Student Assessment) mesure et compare les compétences des élèves de quinze ans dans trois domaines : la compréhension de l’écrit, la culture mathématique et la culture scientifique.

Les résultats de la dernière enquête, celle de 2009, sont mauvais à plus d’un titre, la tendance étant clairement à la baisse. En effet, la France se situe au-dessous de la moyenne pour la compréhension de l’écrit, chutant de 9 points et 6 places depuis 2000, passant ainsi de la 12ème à la 18ème place, tandis qu’elle perd, en mathématiques, 14 points depuis 2003, passant de 13ème à la 16ème place (et se maintient, en sciences, à la 21ème place). Surtout, cette enquête met en évidence la forte proportion d’élèves en situation d’échec scolaire, dont les effectifs s’accroissent d’année en année. En ce qui concerne la compréhension de l’écrit, près de 20 % des élèves français sont classés sous le niveau 2, sur une échelle qui en comprend 5, cette proportion d’élèves faibles ayant augmenté de près de 5 points depuis 2000 (de 15,2 % à 19,8 %), ce qui considérable(11).

Lors du précédent quinquennat, de nombreux dispositifs de prise en charge des élèves en difficulté ont été mis en place. Selon le ministère de l’éducation nationale, les effectifs concernés sont loin d’être négligeables :

– instituée à l’occasion de la réforme de l’école primaire de 2008, l’aide personnalisée de deux heures bénéficie, chaque semaine, aux élèves rencontrant des difficultés en français et en mathématiques. Plus d’un million d’élèves, soit près de 20 % de l’effectif total, en bénéficient chaque année ;

– destinée aux « orphelins de 16 heures », l’accompagnement éducatif, étendu progressivement, à partir de la rentrée 2007, aux écoles élémentaires publiques de l’éducation prioritaire, puis aux collèges publics, permet aux élèves volontaires de bénéficier, deux heures par jour et quatre jours par semaine, d’une aide aux devoirs et aux leçons ou d’activité sportives, culturelles, artistiques et de langues vivantes. En 2010-2011, le nombre d’écoliers de l’éducation prioritaire et de collégiens bénéficiaires était respectivement égal à 165 059 et 780 264 ;

– pour mémoire, la loi du 23 avril 2005 sur l’école (dite loi « Fillon ») a institué des programmes personnalisés de réussite éducative qui ont bénéficié, en 2009-2010, au primaire, à 12,65 % des élèves de l’éducation prioritaire et à 6,13 % des élèves hors éducation prioritaire. Au collège, ces chiffres s’élevaient, respectivement, à 9,42 % et 5,64 %.

Or force est de constater que ces dispositifs peinent à former une petite éclaircie dans le panorama assombri que présente l’école. En effet, ils n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité, faute de temps sans doute, mais aussi pour des raisons tant quantitatives que qualitatives, le contexte budgétaire ayant, de surcroît, freiné leur « montée en puissance ».

Sur le plan quantitatif, ainsi que le souligne le rapport, unanimement salué, de la Cour des comptes sur L’Éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves, il n’est « guère cohérent de disperser sur tout le territoire de multiples dispositifs d’accompagnement personnalisé, sans évaluation préalable des besoins, au lieu de concentrer les moyens financiers sur les établissements les plus en difficulté ». Il en résulte un « décalage entre certains effets d’affichage et la réalité effective des mesures : ainsi, la proportion de collégiens bénéficiant de PPRE est trois fois inférieure à la proportion de sorties du système scolaire sans diplôme, ni qualification ; (…) seul un élève sur quatre relevant de l’éducation prioritaire peut bénéficier de mesures d’accompagnement éducatif, alors que ce dispositif devrait être prioritairement développé dans ce secteur » (12).

La portée limitée de ces dispositifs tient parfois à leur « bricolage », leur existence reposant sur les heures supplémentaires effectuées par les enseignants. Cette « facilité », aujourd’hui utilisée de façon massive (13), permet en effet, ainsi que l’observe la Cour dans son rapport sur l’exécution du budget en 2011 , de « lancer de nouveaux dispositifs éducatifs sans créer de postes ou modifier les obligations réglementaires de service des enseignants (accompagnement éducatif au collège, par exemple) » (14).

Sur le plan qualitatif, ces dispositifs souffrent d’indéniables faiblesses, comme par exemple l’absence de travail réel sur les mécanismes d’apprentissage
– on reste ainsi dans le périmètre du cours, mais à un rythme différent – ou la médiocrité du « ciblage » des aides, récemment mises en évidence par les inspections générales. Sur ce dernier point, les destinataires des aides ne sont pas en effet toujours ceux qui en ont le plus besoin : « dans les écoles, les élèves les plus faibles sont parfois exclus parce que les enseignants préfèrent concentrer les moyens sur la difficulté légère ou moyenne considérant qu’ils ne peuvent «réparer» la très grande difficulté ; dans les collèges, malgré l’affichage, certains ne semblent pas, en pratique, donner clairement la priorité aux élèves les plus faibles, notamment en 6ème et en 5ème. À tous les niveaux, les problèmes de la difficulté lourde, installée parfois depuis des années, restent le plus souvent sans solution » 
(15).

II.- …JUSTIFIE L’ADOPTION DE MESURES D’URGENCE
POUR LA RENTRÉE PRÉALABLES À UNE REFONDATION DU SYSTÈME SCOLAIRE

Dès le 30 mai 2012, les ministres en charge de l’éducation nationale, prenant acte de la situation extrêmement tendue à laquelle sont confrontés les personnels, ont annoncé plusieurs mesures d’urgence pour la rentrée 2012, destinées à remédier aux difficultés les plus criantes.

Financées par le présent projet de loi de finances rectificative pour 2012, ces mesures relèvent d’un « collectif » qui peut « rectifier », non changer en profondeur, la loi de finances initiale pour 2012. Elles ne reflètent pas moins un effort très significatif en direction de l’Éducation nationale, à hauteur de 89,5 millions d’euros de crédits supplémentaires, et traduisent l’engagement des plus hautes autorités de l’État pour une refondation de l’école. Elles adressent ainsi un signal fort aux personnels et aux familles, en « amorçant » le plan de recrutement qui doit être adossé à la future loi d’orientation et de programmation.

Les créations de postes d’enseignants prévues par le collectif privilégient, comme il se doit, le premier degré.

 Un encadrement renforcé pour « l’école première » 

Institution de référence de notre culture républicaine, l’école primaire est, incontestablement, l’école première, dans laquelle tout se joue, les débuts de la scolarité étant essentiels pour la réussite des élèves. Or, parmi toutes ses consœurs, l’école élémentaire française est, selon les données de l’OCDE, l’une des moins « favorisées ». En 2008, à ce niveau d’enseignement, la dépense pour un élève était, en équivalents-dollars, égale à 6 270 dollars, se situant en dessous de la moyenne de l’OCDE (7 150) et nettement en deçà de pays comme les États-Unis (9 980), la Suède (9 080), le Royaume-Uni (8 760), le Japon (7 490) et la Finlande (7 090). La France est, de fait, parmi les grands pays développés, l’un de ceux où l’écart entre le coût de l’enseignement primaire et celui de l’enseignement secondaire (10 230 dollars à ce niveau contre 8 970 pour la moyenne de l’OCDE) est le plus élevé (16).

Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport thématique consacré à la réussite des élèves, « il est inexplicable que la France soit un des pays de l’OCDE où l’école primaire reçoit le moins de financements publics par rapport au lycée, alors que c’est précisément à ce niveau qu’il convient de commencer à lutter contre les carences scolaires les plus graves » (17). Cet arbitrage « à contresens » prive en effet notre pays du principal des investissements d’avenir, la dépense d’éducation étant plus efficace en début de scolarité. C’est la raison pour laquelle la Cour, à l’occasion de ce travail, préconisait « d’accroître la part des financements allouée à l’école primaire, en privilégiant le traitement de la difficulté scolaire ».

Aussi la rapporteure pour avis se félicite de ce que le présent projet de loi de finances rectificative fasse du renforcement de l’encadrement dans le primaire une priorité, avec la création, dès cette rentrée, de 1 000 nouveaux emplois de professeurs des écoles dans l’enseignement public.

Effectué sur la base des listes complémentaires du concours (CRPE) de la session 2012 – afin que la qualité des nouveaux enseignants soit incontestable –, ce recrutement sera financé par des ouvertures de crédits d’un montant de 17,376 millions d’euros en crédits de paiement.

Dans leur Lettre à tous les personnels de l’éducation nationale, les ministres en charge de l’éducation nationale précisent que ces emplois « seront mobilisés pour améliorer l’accueil des élèves, favoriser leur réussite, en particulier dans les écoles de l’éducation prioritaire et dans les zones rurales isolées. Ils permettront de conforter le potentiel de remplacement et de renforcer les dispositifs d’aide aux élèves en difficulté, notamment les Rased ».

Ainsi, la définition d’un objectif commun, l’amélioration de l’accueil et de la réussite des élèves, n’exclut pas la fixation de priorités géographiques, les zones rurales fragiles en faisant partie. En outre, ni les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ni le potentiel de remplacement – l’enseignement public étant confronté à une insuffisance des viviers (18) –, ne sont oubliés.

Quant à la répartition académique de ces emplois supplémentaires, elle a été faite sur la base des critères suivants, rendus publics par le ministère de l’éducation nationale le 20 juin dernier : le niveau d’encadrement de chaque académie et la variation attendue des effectifs d’élèves ; la difficulté sociale et scolaire ; enfin, la ruralité, de façon à aider les académies dont les territoires ruraux ont été mis en difficulté par la fermeture de classes.

De manière plus précise, le ministère de l’éducation nationale indique que les 1 000 emplois ont été utilisés par les académies pour :

– ouvrir des classes (ou éviter les fermetures de classe initialement prévues). 669,5 emplois ont été ainsi consacrés à améliorer l’accueil des élèves, dont 271,5 dans les zones rurales et 165,5 dans les écoles en éducation prioritaire.

– améliorer le remplacement (181,5 emplois) ;

– renforcer les dispositifs à destination des élèves en difficulté (124,5 emplois dont 97 au titre des RASED) ;

– couvrir des actions diverses (24,5 emplois).

Selon le ministère de l’éducation nationale, les critères de répartition des emplois entre les académies se retrouvent dans l’utilisation des emplois :

– le critère de la ruralité a joué pour plus d’1/4 dans l’utilisation des moyens (271,5 emplois consacrés à l’ouverture de classes en zone rurale). On retrouve ce critère dans de nombreuses académies, mais plus particulièrement Caen (17 emplois sur les 20 attribués), Clermont-Ferrand (17 sur 25), Limoges (7 sur 10), Poitiers (26 sur 35) et dans une moindre mesure Toulouse (25,5 sur 50) et Grenoble (26 sur 35) ;

– le critère de la difficulté scolaire et sociale a concerné plus d’1/4 des moyens (290 emplois utilisés pour ouvrir des classes dans les écoles de l’éducation prioritaire et renforcer les RASED). On le retrouve plus particulièrement Aix-Marseille (38,5 emplois sur les 65 attribués), Lille (13 sur 30), Orléans-Tours (17 sur 40), La Réunion (10 sur 15), Versailles (57 sur 100) et Mayotte (10 sur 10) ;

– le critère du niveau d’encadrement a joué pour près de la moitié des emplois (438,5). On retrouve toutes les académies qui avaient été identifiées comme très mal encadrées et pour lesquels l’effort a été le plus significatif : Aix-Marseille (25,5 emplois sur les 65 attribués), Bordeaux (36 sur 65), Créteil (54 sur 80), Grenoble (32 sur 65), Lyon (36 sur 65), Nantes (25 sur 50), Rennes (43 sur 65) et Versailles (39 sur 100).

Répartition par académie des 1 000 postes de professeurs des écoles
supplémentaires à la rentrée scolaire 2012

Aix-Marseille

65

Martinique

5

Amiens

25

Montpellier

35

Besançon

10

Nancy-Metz

10

Bordeaux

65

Nantes

50

Caen

20

Nice

15

Clermont-Ferrand

25

Orléans-Tours

40

Corse

5

Paris

15

Créteil

80

Poitiers

35

Dijon

20

Reims

15

Grenoble

65

Rennes

65

Guadeloupe

5

Réunion

15

Guyane

15

Rouen

20

Lille

30

Strasbourg

15

Limoges

10

Toulouse

50

Lyon

65

Versailles

100

Total

 

990

 

Emplois réservés pour Mayotte

10

 

 Des moyens débloqués pour le secondaire « malgré tout »

Le 26 juin dernier, le ministre de l’éducation nationale et la ministre déléguée, chargée de la réussite éducative, ont annoncé que les mesures destinées au primaire seraient complétées par de nouveaux moyens débloqués en direction du second degré.

Les crédits supplémentaires ouverts par le présent projet de loi de finances rectificative doivent ainsi permettre le recrutement, à la rentrée 2012, de 50 professeurs pour l’enseignement technique agricole, 760 000 euros étant budgétés à cet effet. Cette mesure apparaît particulièrement opportune au regard des observations formulées en 2010, puis rappelées en 2011, par notre collègue Yves Censi, alors rapporteur spécial des crédits de l’enseignement scolaire, pour lequel « l’application mathématique de la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite n’était pas adaptée à des effectifs d’enseignants peu nombreux et remplissant des missions tout à fait spécifiques » (19). On rappellera que le schéma d’emplois 2012 de ce programme budgétaire s’établit à - 280 emplois.

En outre, 100 conseillers principaux d’éducation seront recrutés, par le recours à la liste complémentaire du concours de la session 2012, une mesure qui vise à corriger le rapport négatif, constaté depuis plusieurs années, entre les entrées et les sorties du corps. On rappellera que ces personnels, chargés de veiller au bon déroulement de la vie scolaire, jouent un rôle de premier plan dans le quotidien des établissements.

Enfin, 280 professeurs certifiés, ces postes n’étant pas budgétés, car ils ne correspondent pas à des nouveaux emplois mais à des besoins non couverts, seront recrutés dans les disciplines fondamentales, se répartissant ainsi : 70 en anglais, 60 en lettres, 90 en mathématiques et 60 en éducation physique et sportive. Il s’agit, par le déblocage de ces moyens de délivrer un message positif aux étudiants sur la politique de recrutement du quinquennat, ce qui est essentiel pour relancer l’attractivité des concours (20).

Ce déblocage de moyens constitue une forme d’exploit au regard de l’effondrement du nombre de candidats se présentant aux concours qui a suivi la réforme des modalités de recrutement de 2010.

On rappellera en effet qu’en 2011, le taux de présence au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) est passé, d’une session à l’autre, de 65,9 % à 51,6 % (68,7 % à 45,9 % pour les mathématiques, 67,5 % à 52 % pour les lettres modernes et 69,2 % à 53,1 % pour l’anglais). On constate, certes, un redressement du nombre de présents à la session 2012 des contours externes du CAPES, mais il ne s’est agi que d’un frémissement (+2,5 % pour l’ensemble par rapport à la session 2011, mais seulement + 12,89 % pour les mathématiques et + 0,30 % pour l’anglais… et – 9,19 % pour les lettres modernes).

Ce contexte « déficitaire » rendait difficile, si ce n’est impossible, la constitution d’une liste complémentaire au CAPES pour assurer le recrutement des professeurs certifiés de lettres, anglais et mathématiques (l’anglais n’a que 1 113 admissibles pour 790 postes proposés, les lettres 917 admissibles pour 733 postes et les mathématiques 1 177 admissibles pour 950 postes). C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale a suggéré aux trois jurys d’agrégation de la session 2012 l’adoption de listes complémentaires, ce qui permet de proposer aux candidats concernés d’être nommés, de plein droit, professeurs certifiés stagiaires, conformément à l’article 23 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés. L’état des admissibles a ainsi permis de fixer le niveau des listes complémentaires à 70 pour l’anglais (288 admissibles à l’agrégation sur 128 postes), 60 pour les lettres (203 admissibles pour 90 postes) et 90 pour les mathématiques (571 admissibles pour 308 postes) (21).

Aux côtés des 100 conseillers principaux d’éducation supplémentaires, 16 000 contractuels seront recrutés sur des fonctions d’accompagnement, afin de créer, dans les établissements, un climat favorable aux apprentissages.

Ces personnels non enseignants forment ce qu’Antoine Prost, le grand historien de l’éducation, appelle le « tissu conjonctif » des établissements, lequel est indispensable à leur sérénité et à leur sécurité.

Sont donc prévus :

– le recrutement de 2 000 assistants d’éducation (pour un coût de 16,8 millions d’euros en 2012 et 50,4 millions d’euros en 2012). On rappellera que ces personnels, recrutés et rémunérés par les établissements du second degré, exercent des fonctions de surveillance, dans les écoles comme dans les collèges et les lycées. S’y ajoutent 500 assistants chargés de la prévention et de la sécurité, cette mission devant, selon la Lettre à tous les personnels de l’éducation nationale, s’effectuer en « complément du travail effectué par les équipes mobiles de sécurité » (EMS), dont l’existence est ainsi confortée (22). Destinés à être implantés en priorité dans les établissements les plus exposés aux violences et aux incivilités, ces nouveaux personnels recevront une formation et entreront en fonction dans les établissements d’ici la fin de l’année 2012. Le coût de cette mesure est de 4,2 millions d’euros en 2012 et 12,6 millions d’euros en 2013 ;

– le recrutement de 1 500 auxiliaires de vie scolaire chargés de l’accompagnement individuel des élèves handicapés (AVSI), pour un coût de 11,2 millions d’euros en 2012 et de 33,5 millions d’euros en 2013, afin de faire face à la hausse du nombre d’enfants handicapés dans les établissements scolaires.

À la fin mars 2012, dans les différentes académies, 78 671 élèves avaient obtenu une prescription d’une maison départementale des personnes handicapées (MDPH), avec un accompagnement individuel dont le coût représente 28 831 équivalents temps plein. Or, les besoins non couverts sont estimés à 1 381 équivalents temps plein, soit environ 5 % du total, cette situation ne devant pas s’améliorer en raison de l’augmentation continue du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés (on estime que les prescriptions MDPH à la rentrée 2012 équivaudraient à 30 289 équivalents temps plein).

En ce qui concerne la formation de ces personnels, sujet capital s’il en est, la Lettre à tous les personnels de l’éducation nationale prend soin de préciser que tous les AVS-i doivent recevoir une formation dès leur prise de fonction, celle-ci devant être menée avec les grandes associations œuvrant dans le champ du handicap, sur la base d’un référentiel d’activité et d’un cahier des charges rénové.

– le recrutement de 12 000 contrats uniques d’insertion. Depuis le 1er janvier 2010, les emplois de vie scolaire, qui se répartissent entre l’accompagnement des élèves handicapés, l’assistance administrative aux directeurs d’école et la vie scolaire dans les établissements publics locaux d’enseignement, sont recrutés sur des contrats uniques d’insertion, lesquels sont des contrats aidés, cofinancés par les ministères chargés de l’éducation nationale et de l’emploi et conclus pour une durée minimale de 6 mois (renouvelables dans la limite d’une durée de 24 mois).

Au total, 54,178 millions d’euros en crédits de paiement sont proposés pour financer le recrutement de l’ensemble des personnels contractuels et des conseillers principaux d’éducation.

Le nouveau système de formation des enseignants, qui en 2010 a remplacé celui centré sur les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), constitue un véritable gâchis, mis en lumière par l’Assemblée nationale et la Cour des comptes (23).

Portant le niveau de recrutement des professeurs au niveau du diplôme du master (bac + 5), cette réforme a été avant tout dictée par des considérations budgétaires : la suppression de l’année de formation en alternance pendant laquelle les enseignants stagiaires étaient initiés, en IUFM et pendant les deux tiers de leur service, à la pratique de l’enseignement et l’affectation directe des lauréats des concours en classe a en effet permis d’économiser 14 000 postes en 2010.

Le nouveau « modèle » de formation et de recrutement se caractérise par :

– une initiation à la pratique professionnelle pendant les deux années de master se limitant au maximum à 12 semaines de stages non obligatoires ;

– un concours dont les épreuves sont déconnectées de la formation reçue ;

– une année d’entrée dans le métier difficile et mal organisée. En effet, les enseignants stagiaires peuvent être, malgré leur manque de préparation professionnelle et en dépit des orientations fixées par le ministère, affectés sur des postes « exposés », tandis qu’ils bénéficient d’une formation complémentaire ou continuée, qui alourdit leur charge de travail.

Observations de la Cour des comptes sur l’année de stage
des lauréats des concours (février 2012)

En ce qui concerne les affectations, la Cour observe que, dans le premier degré, « le pourcentage des enseignants en éducation prioritaire a été plus élevé que celui des titulaires dans les académies d’Aix-Marseille, d’Amiens, de Besançon, de Caen, de la Guyane, de la Martinique et de Montpellier ». Dans le second degré, « la très grande majorité des enseignants stagiaires a parfois dû prendre des classes ou des créneaux horaires dont ne voulaient pas les autres professeurs ».

Par ailleurs, certains professeurs ont effectué des heures supplémentaires, contrairement à ce que prévoyait une circulaire du ministère de l’éducation nationale du 25 février 2010 (35 % des stagiaires d’une académie de l’Est de la France ont ainsi été confrontés à une telle situation). De même, contrairement à cette circulaire, certains stagiaires ont été affectés sur plusieurs établissements à la fois, le phénomène d’affectation multiple ayant ainsi concerné 22,3 % des stagiaires à Paris, 18,9 % à Grenoble ou 16,5 % à Lyon, tandis que d’autres stagiaires, dans le second degré, ont été affectés sur plus de deux niveaux d’enseignements (cas de 41 % des enseignants en anglais, de 28 % des enseignants en mathématiques et de 24 % des enseignants en histoire-géographie dans une académie de l’Est par exemple).

Le volume horaire de la « formation continuée » a été fixé par la circulaire du 25 février 2010 à un tiers de leurs obligations réglementaires de service. Le ministère a choisi d’intégrer ce temps de formation en plus des obligations de service, attribuant ainsi aux stagiaires une charge horaire supérieure d’un tiers par rapport au temps de travail d’un titulaire, ce qui « maximisait le gain budgétaire de la réforme, mais rendait plus complexe la gestion des emplois du temps des enseignants », cette solution étant, de surcroît, « très exigeante pour de nouveaux enseignants, dans la mesure où, lors de leur première année de carrière, ils ne disposent d’aucune séquence de cours préparée ».

Or six académies seulement ont été en mesure d’accorder aux stagiaires des décharges ou des allègements de service pendant toute l’année scolaire, d’autres académies ayant fait le choix de formations groupées de durée variable. Ces choix de décharges de services différents ont placé les enseignants stagiaires « dans des situations inégales en termes de temps de travail annuel et d’obligations de service ».

Pour répondre au manque de formation pratique des enseignants débutants et faciliter ainsi leur entrée dans le métier, avant la refonte du système de formation qui s’appuiera, en grande partie, sur la future loi d’orientation et de programmation, le ministre de l’éducation nationale et la ministre déléguée, chargée de la réussite éducative, ont annoncé, le 26 juin dernier, des mesures d’aménagement de service et des formations spécifiques destinées aux stagiaires nouvellement recrutés en septembre 2012 :

– dans le premier degré public, le service des 6 000 professeurs des écoles concernés sera aménagé de façon à leur permettre d’être accompagnés par un enseignant expérimenté au cours des six premières semaines de l’année scolaire. Cette organisation implique donc la présence de professeurs remplaçants jusqu’aux vacances de Toussaint pour que tous les élèves continuent à avoir cours, ce qui devrait être rendu possible par la mobilisation du potentiel de remplacement, moins utilisé pendant cette période qu’à l’approche de l’hiver, et de « surnombres » dont la résorption ne se réalise qu’en fin d’année civile avec les divers départs constatés ;

– dans le second degré public, une décharge de service de trois heures hebdomadaires sera accordée aux 9 000 (environ) enseignants concernés (8 600 postes aux concours externes et à la troisième voie et 1 850 postes aux concours internes desquels il faut déduire les lauréats déjà titulaires enseignants ou ayant déjà une expérience forte de l’enseignement), afin d’organiser une journée de formation par semaine pendant toute leur première année d’exercice (36 journées de formation leur étant ainsi offertes). 16,376 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour le financement de cette mesure, le coût des décharges étant évalué à environ 1 500 équivalents temps plein.

Pour l’enseignement privé des premier et second degrés (respectivement 1 000 et 1 100 enseignants concernés), il est prévu de consacrer 3,468 millions d’euros en crédits de paiement à la mobilisation de maîtres délégués remplaçant les professeurs des écoles nouvellement recrutés pendant leur formation et à la mise en place d’une décharge de formation pour les professeurs de lycée et collège néo-titulaires (le coût de cette dernière mesure est évalué à 128 équivalents temps plein, tandis que l’absence de titulaires remplaçants dans le premier degré nécessite la création de 98 équivalents temps plein contractuels) (24).

Afin d’alléger le poids financier de la rentrée pour les familles, l’allocation de rentrée scolaire sera revalorisée de 25 %, cette mesure devant être financée par la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.

Faisant l’objet d’un versement unique, cette prestation est attribuée sous condition de ressource pour chaque enfant à charge de moins de 18 ans et de plus de 6 ans. Depuis septembre 2008, le montant de l’allocation est majoré, d’une part, lorsque l’enfant atteint ses 11 ans, et, d’autre part, lorsque enfant atteint ses 15 ans au cours de l’année civile de la rentrée scolaire.

L’allocation perçue sera donc portée à 356,20 euros pour un enfant de 6 à 10 ans (contre 284,97 euros en 2011), à 375,85 euros pour un enfant de 11 à 14 ans (300,06 euros en 2011) et à 388,87 euros pour un enfant de 15 à 18 ans (311,11 euros en 2011).

La prise en charge par l’État des « droits d’écolage » des élèves français scolarisés dans les établissements du réseau de l’Agence de l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) ou PEC a été engagée en 2007, conformément aux engagements du précédent Président de la République. Mise en place à la rentrée scolaire 2007, elle a d’abord concerné les élèves scolarisés en classe de terminale, puis ceux des classes de première à la rentrée 2008 et, enfin, ceux des classes de seconde à la rentrée 2009 (25).

Attribuée sans conditions de ressources, cette aide a suscité de nombreux débats…et rapports, à commencer par celui de notre collègue Hervé Féron qui, dès 2009, l’avait jugée « inéquitable et dangereuse » (26). Elle a rapidement fait l’objet de mesures de régulation : la loi de finances initiale pour 2009 a ainsi prévu que son extension aux autres cycles scolaires serait précédée d’une étude d’impact. Sur la base des recommandations contenues dans le rapport remis en novembre 2010 au Président de la République par Mmes Geneviève Colot et Sophie Joissains, un amendement sénatorial, repris à l’article 141 de la loi de finances initiale pour 2011, a posé le principe d’un plafond de cette prise en charge. À cet effet, un décret adopté en mai 2011 fixe l’année de référence du plafonnement à 2007/2008.

Le coût de cette mesure est très vite apparu comme étant difficilement maîtrisable : alors que 66 millions d’euros incluant les frais de bourse, ont été inscrits au titre de cette action en 2008, les crédits demandés pour l’année 2012 s’élevaient à 125,5 millions d’euros. Au vu de cette progression exponentielle, la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de notre Commission des finances avait, dès 2010, demandé sa suspension, ce dispositif étant de surcroît « porteur de risques et d’effets collatéraux qui en ternissent le bilan » :

– risque de se voir opposer les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement entre les ressortissants communautaires au motif qu’il est destiné aux seuls français expatriés ;

– risque « d’éviction » des élèves locaux, ce qui nuirait au rayonnement de la langue et de la culture françaises ;

– enfin, effet d’aubaine potentiel auprès des entreprises, le bénéfice de la gratuité étant subordonné à la condition que l’employeur ne prenne pas en charge les frais de scolarité (27).

Traduisant l’engagement pris pendant la campagne électorale de revoir ce dispositif, l’article 30 du présent projet de loi de finances rectificative prévoit de supprimer la prise en charge des frais de scolarité des enfants scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, cette mesure devant s’appliquer dès la rentrée 2012.

L’impact de cette mesure sur les familles les moins aisées devrait être atténué par le fait que ces dernières disposent d’un second dispositif – les bourses scolaires sur critères sociaux – auquel elles continueront d’être éligibles. Par ailleurs, il est prévu d’utiliser une partie de l’économie engendrée pour financer des mesures d’accompagnement exceptionnelles de certains élèves.

Les nouveaux moyens prévus pour la rentrée 2012 ne font qu’« amorcer » ceux qui seront adossés à la future loi d’orientation et de programmation. Promis par M. François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, dans son discours sur l’école du 9 février 2012, ce texte « portant refondation de l’École » (28) doit inscrire la politique éducative de l’État dans la durée, en faisant de celle-ci la priorité de l’action publique.

Outre le fait qu’il devrait donner corps à l’engagement présidentiel de créer 60 000 postes à l’Éducation nationale, ce texte devrait agir sur les deux leviers essentiels de changement que sont les rythmes scolaires et la formation des enseignants. Son élaboration sera précédée d’une concertation, jugée « sans précédent » par l’historien de l’éducation Claude Lelièvre(29), sur quatre thèmes de travail, qui a été ouverte en Sorbonne le 5 juillet 2012, en présence du Premier ministre, et s’achèvera début octobre 2012, par la présentation d’un rapport dont la rédaction est confiée à un comité de pilotage.

Dans son discours du 9 février 2012 sur l’école et la nation, le futur Président de la république proposait « un plan de recrutement de 60 000 personnels de l’école sur cinq ans (12 000 par an) », un engagement qui a été confirmé par le Premier ministre lors de la Déclaration de politique générale du Gouvernement du 3 juillet 2012.

Cet engagement doit être tenu, car il est illusoire de croire – et de laisser croire – que le système scolaire pourrait améliorer ses résultats sans que lui soient attribués les moyens lui permettant de mieux accompagner les élèves pour qui celui-ci ne « fonctionne » pas. L’effort exceptionnel que la Nation s’apprête à fournir en faveur de l’école devrait être cependant conforté par une allocation des moyens d’enseignement qui tienne compte de la diversité des situations scolaires et par une redéfinition des missions des enseignants, l’organisation de leur travail devant être corrélée plus étroitement à la réussite des élèves.

La refondation de l’école ne pourra avoir lieu sans une réforme des rythmes scolaires et du système de formation des enseignants.

 Les rythmes scolaires

La réforme des rythmes scolaires, le précédent Gouvernement l’ayant « éclipsée » par son attentisme, malgré la mise en place d’une Conférence nationale sur le sujet, doit avoir lieu (30).

À bien des égards, les rythmes scolaires français constituent une exception au sein des pays développés, une singularité qu’a accentuée la mise en place, en 2008, de la semaine de quatre jours dans le primaire et qu’a mise en évidence le rapport de la mission d’information de notre Commission des affaires culturelles et de l’éducation « Quels rythmes pour l’École ? » (31).

La dépense considérable d’énergie et d’attention que représentent, au regard des comparaisons internationales, les longues journées des écoliers, des collégiens et des lycéens français ne permet pourtant pas d’améliorer les performances de notre système éducatif. Or, ainsi que l’a fort justement remarqué la Cour des comptes, « il n’est pas explicable que le ministère de l’éducation nationale n’ait pas tiré la conclusion du constat selon lequel les pays qui obtiennent les meilleurs résultats au sein de l’OCDE sont aussi ceux où il y a le moins d’heures de cours : le système scolaire ne cesse de multiplier les options, au lieu d’organiser prioritairement le traitement de la difficulté scolaire, ce que font les pays les plus performants » (32).

Dans ces conditions, il faut se réjouir que la réforme des rythmes scolaires, attendue depuis trente ans, ait été promise en ces termes par M. François Hollande dans son discours sur l’école et la nation du 9 février 2012 : « les rythmes scolaires seront réformés, en allongeant le temps sur l’année et en diminuant les surcharges journalières, sans diminuer bien sûr le temps passé à l’école ».

En effet, loin d’être un paramètre technique, ces rythmes constituent l’une des clefs de toute organisation scolaire efficace. Une meilleure répartition des temps de l’élève entre la classe, l’aide aux devoirs ou les « études surveillées », le travail en petits groupes et les activités culturelles et sportives pourrait ainsi contribuer à sa réussite et à son épanouissement.

Pour se faire, cette réforme exigera, en définitive, beaucoup de courage, car elle demandera, de la part de tous – enseignants, parents, collectivités publiques et acteurs économiques –, des efforts.

 La formation des enseignants

Le « système » actuel de formation de formation, qui ne voit son existence prorogée que sous la contrainte de la nécessité, doit être entièrement revu (33). Quelques indications ont d’ores et déjà été données sur ce sujet essentiel, en particulier l’annonce de la mise en place, par la prochaine loi d’orientation et de programmation, d’« écoles supérieures du professorat et de l’éducation ».

Couplée au rétablissement de l’année de stage en alternance, promise par le futur Président de la République lors de son discours du 9 février 2012, cette mesure devrait, selon la Lettre à tous les personnels de l’éducation nationale, favoriser les échanges entre la théorie et la pratique, entre la recherche pédagogique et l’exercice dans les classes, ainsi qu’entre les niveaux de formation, car tous les professeurs, de maternelle comme de lycée, partageraient des temps de formation communs.

Ces orientations, qui rejoignent les préconisations les plus récentes du Haut conseil de l’éducation en matière de formation des maîtres (34), devraient permettre aux futurs professeurs de conjuguer deux savoir-faire – « faire cours » et « faire classe » – et améliorer ainsi la qualité de l’enseignement devant des publics d’élèves hétérogènes.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 71) lors de sa séance du mercredi 11 juillet 2012.

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président Patrick Bloche. Notre ordre du jour appelle l’examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui revêt la plus grande importance pour la prochaine rentrée scolaire grâce aux créations d’emplois qu’il prévoit.

Compte tenu des compétences de notre Commission, cet avis porte sur les articles 23, 24 et 30 du projet.

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis. Mes chers collègues, c’est avec un grand plaisir que je vous présente ce « collectif budgétaire » dont notre Commission s’est saisie pour avis. C’est une heureuse initiative dont je tiens à remercier notre président.

Ainsi qu’il vous l’a indiqué, mon propos et mon rapport seront centrés sur les mesures d’urgence pour la rentrée scolaire, que le projet de loi de finances rectificative permet de financer.

Ce qui nous est proposé est sans précédent : à quelques semaines d’une rentrée scolaire, l’occasion est donnée au Parlement de signaler à l’opinion publique que l’école redevient la priorité de l’action publique. Certes, un collectif ne peut que rectifier le budget initial, non le changer en profondeur. Cette étape est cependant très importante, car elle amorce la refondation de l’école annoncée par le Président de la République, François Hollande, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault et le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon.

Quelques éléments de contexte : de 2008 à 2012, l’éducation nationale aura été la victime d’une politique purement quantitative de réduction des postes : plus de 70 000 suppressions au total ! En effet, cette stratégie n’a jamais été corrélée à une politique éducative ou à une quelconque analyse des besoins d’accompagnement des élèves.

Ainsi, quelle contradiction y avait-il entre, d’une part, cette approche mécanique, comptable, aveugle et, d’autre part, la volonté sans cesse renouvelée d’individualiser l’enseignement, mise en avant par le précédent gouvernement ! Certes, ont été mis en place une aide personnalisée à l’école, un accompagnement éducatif au collège et un accompagnement personnalisé au lycée. Mais dans le même temps, année après année, l’offre éducative a été attaquée dans sa substance, ce qui ne pouvait que nuire à sa qualité et à sa continuité. Le sort réservé aux personnels formés pour prendre en charge les élèves rencontrant des grandes difficultés, dans le cadre des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, illustre une telle contradiction.

En 2010, nous avons connu le budget de la « mastérisation » du recrutement, formule magique pour le ministre de l’époque, Xavier Darcos. Ce fut l’occasion de lancer une belle opération de communication sur le relèvement de la qualification universitaire des professeurs, mais aussi, et peut-être surtout, d’économiser 14 000 postes.

À partir de 2010, nous avons connu les fameux « leviers d’efficience », à l’usage des rectorats, et qui, pour l’essentiel, consistaient à augmenter la taille des classes dans les écoles primaires, dans les collèges comme dans les lycées.

Au final, l’école a été mise sous tension et en est arrivée à un point critique. Je rappelle en effet que 14 000 postes ont été supprimés sur 2012. Dans le primaire, cela s’est traduit par la suppression de 715 classes. Dans le secondaire, 5 046 emplois ont été supprimés en réduisant les heures d’enseignement, soit sur la base de la baisse des effectifs, soit par une diminution des taux d’encadrement.

Représentant 89,5 millions d’euros de crédits supplémentaires, les mesures d’urgence contenues dans le projet de loi de finances rectificative arrivent donc à point nommé pour corriger une trajectoire néfaste et enclencher une dynamique, celle de la refondation de l’école.

Elles se traduisent par de nouveaux moyens en personnels qui ont pour but d’atténuer les effets les plus graves des tensions constatées sur le terrain.

C’est ainsi que 1 000 professeurs des écoles supplémentaires dans l’enseignement public vont être recrutés, 17,3 millions d’euros étant budgétés à cet effet. La répartition de ces emplois permettra d’ouvrir des classes ou d’éviter les fermetures de classes initialement prévues. 271,5 emplois seront ainsi consacrés à améliorer l’accueil des élèves dans les zones rurales et 165,5 à l’accueil dans les écoles de l’éducation prioritaire. Ni le remplacement, avec 181,5 emplois, ni les RASED, avec 97 emplois, ne sont oubliés.

Seront également recrutés 50 professeurs pour l’enseignement technique agricole, qui avait lui aussi été dépecé au cours de ces dix dernières années, …

M. Guénhael Huet. Dépecé ? Le terme est peut-être un peu fort.

Mme la rapporteure pour avis. …760 000 euros étant budgétés à cet effet.

De même seront recrutés 100 conseillers principaux d’éducation – CPE – et 16 000 personnels éducatifs contractuels pour améliorer la sérénité et la sécurité des établissements. Seront ainsi recrutés 2 000 assistants d’éducation, 500 assistants chargés de la prévention et de la sécurité, en complément du travail effectué par les équipes mobiles de sécurité, 1 500 auxiliaires de vie scolaire chargés de l’accompagnement individuel des élèves handicapés – AVSI – et 12 000 contrats uniques d’insertion, ces contrats aidés ayant remplacé, en 2010, les emplois de vie scolaire. Au total, un peu plus de 54 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour financer le recrutement de ces personnels.

S’y ajoute le recrutement de 280 professeurs certifiés, qui ne correspond pas à de nouveaux emplois, mais à des besoins non couverts. Ces professeurs certifiés seront recrutés dans des disciplines fondamentales et sur la base d’une procédure garantissant aux familles la qualité de leurs compétences académiques.

Le collectif comprend aussi des mesures de nature très diverse, mais que je qualifierai de « correctives ».

En premier lieu, des mesures d’aménagement de service sont budgétées pour faciliter l’entrée dans le métier des professeurs directement affectés en académie à l’issue des concours, soit 13,6 millions d’euros pour l’enseignement secondaire public, afin d’accorder une décharge de trois heures aux professeurs du secondaire – ce qui correspond à 36 journées de formation au cours de leur première année d’exercice – et 3,4 millions d’euros pour l’enseignement privé des premier et second degrés. Dans le premier degré public, 6 000 professeurs des écoles bénéficieront de l’accompagnement d’un enseignant qualifié les six premières semaines, jusqu’à la rentrée de Toussaint, ce qui nécessitera la présence de maîtres remplaçants.

Ces mesures doivent être saluées car elles mettront fin au « bizutage » insupportable qui était réservé aux professeurs de lycée et de collège nouvellement recrutés depuis 2010 : ceux-ci bénéficiaient jusqu’alors d’une formation complémentaire en plus de leurs obligations réglementaires de service, ce qui alourdissait leur charge de travail alors qu’ils ne disposent pas de séquences de cours préparées.

Autre mesure corrective : la suppression de la prise en charge – PEC – des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger. Il s’agit de mettre en œuvre un engagement du Président de la République, cette « mesure de gratuité » ayant suscité d’innombrables rapports, à commencer par celui de notre collègue Hervé Féron, qui pourra nous en parler tout à l’heure.

Enfin, une troisième mesure, très importante pour les familles : l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire – ARS. Cette augmentation n’est pas négligeable : plus de 70 euros pour un enfant de seize à dix-huit ans, l’ARS passant ainsi de 310 à plus de 380 euros.

Avant de conclure, je dirai quelques mots rapides sur le rétablissement du taux de 5,5 % de la TVA dans le secteur des livres, ce dont je me félicite. Cette bouffée d’oxygène confortera la politique du livre que notre Assemblée a relancée – je pense aux initiatives de M. Hervé Gaymard – ces dernières années.

Je conclurai en adressant tous mes vœux de succès à la grande concertation ouverte le 5 juillet dernier sur la refondation de l’école. Le plan exceptionnel de recrutement annoncé par le Président de la République doit en effet s’accompagner de contreparties devant permettre au système scolaire de prendre enfin en main les 20 % d’élèves les plus en difficulté.

Pour cela, il faudra repenser la formation des enseignants, sujet auquel nous nous sommes intéressés au cours des cinq dernières années, et réformer les rythmes scolaires, question qui nous a mobilisés une année durant. C’est un grand pari, mais il faut que notre école renoue avec le progrès et l’espérance.

Pour toutes ces raisons, je donnerai un avis favorable à l’adoption des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2012 qui nous ont été soumis, et je vous demande d’en faire autant.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. Mes chers collègues, au nom du groupe SRC, je veux saluer ce plan d’urgence pour la rentrée 2012 : il est dans la droite ligne des engagements pris par François Hollande, qui mettent fin à la casse du service public de l’éducation nationale à laquelle nous assistons depuis des années. Avec ces mesures, le Gouvernement signe l’arrêt des suppressions massives de postes, véritable saignée qui a considérablement affecté et affaibli le grand service public de l’enseignement.

Renaud Dutreil, ancien ministre de la fonction publique et de la réforme de l’État l’annonçait haut et fort le 20 octobre 2007 à la fondation Concorde, dans le cadre de la conférence sur la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques – RGPP : c’était à l’éducation nationale de porter l’effort principal de réduction des effectifs de la fonction publique. Ce qui fut dit fut fait : 79 400 postes furent supprimés au cours du dernier quinquennat !

Cette déstructuration du service public de l’éducation nationale nous amène aujourd’hui à un triste constat : nous avons le plus mauvais taux d’encadrement des pays de l’OCDE, s’agissant de l’école primaire. La politique de matraquage qui a été menée ces cinq dernières années a touché les plus faibles et les plus démunis. En atteste la diminution de près de 50 % des effectifs des enseignants des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.

De la même manière, la scolarisation des enfants de deux ans, si importante pour les milieux économiquement, socialement et culturellement défavorisés, dans les territoires en grande difficulté que nous connaissons tous, s’est trouvée divisée par plus de trois depuis 1980 ! Aujourd’hui, elle ne concerne que 10 % des enfants de cette classe d’âge.

Nous ne le dirons jamais assez : un euro économisé dans l’éducation de notre jeunesse n’est pas un bon euro !

Aujourd’hui, la justice sociale, la justice fiscale et la jeunesse sont à nouveau au cœur de l’action gouvernementale. Cette première étape est fondamentale pour redonner confiance à des enseignants bien souvent découragés par une politique brutale, injuste, qui a creusé les inégalités.

Vous le savez, monsieur le président, mes chers collègues, l’attente est énorme. Les orientations de la Lettre du ministre à tous personnels de l’éducation nationale, ainsi que les mesures qui viennent d’être rapportées dans le projet de loi de finances rectificative, se traduisent par l’injection, en urgence, de 89 millions d’euros pour la rentrée de septembre : 1 000 postes dans le premier degré, 1 500 auxiliaires de vie pour accompagner les élèves en situation de handicap, 2 000 assistants d’éducation. Toutes ces mesures constituent la première pierre de la refondation de notre école, de notre service public de l’enseignement. Comme le rappelait fort justement M. le président de l’Assemblée nationale lors de son discours d’investiture, le service public de l’enseignement constitue le patrimoine de ceux qui n’ont rien.

M. Frédéric Reiss. L’éducation a toujours été une priorité pour notre pays – conformément à l’article L. 111-1 du code de l’éducation. Et quoi que puissent déclarer certains, ce fut une réalité sous le quinquennat de Jacques Chirac comme sous celui de Nicolas Sarkozy.

Aujourd’hui, vous parlez de plan d’urgence et de casse, alors que nous savons tous que nos enseignants font, sur le terrain, un travail extraordinaire et qu’il s’agit de leur faire confiance. Certes, la France se situe dans une position moyenne tant sur le plan des résultats que des coûts de son système scolaire. Mais pas au point de dire que nous sommes les derniers de la classe au niveau de l’OCDE !

Le défi actuel de l’enseignement scolaire n’est plus de faire face à l’accroissement des élèves : cette tendance a pris fin dans les années quatre-vingt-dix. Ainsi, pendant l’année scolaire 1989-1990, nous comptions 800 000 enseignants pour 12 800 000 élèves, et pendant l’année scolaire 2011-2012, 833 000 enseignants pour 12 300 000 élèves, soit 33 000 enseignants de plus pour 500 000 élèves de moins !

Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit la création d’environ 6 000 postes dès la rentrée prochaine – 1 000 dans le primaire, 355 dans le secondaire, 1 500 auxiliaires de vie, 2 000 assistants d’éducation, des agents de prévention et de sécurité… mais le groupe UMP estime que le budget de l’éducation doit, comme tous les autres, contribuer à la maîtrise des dépenses publiques. Et c’est ce que nous avons toujours fait.

Aujourd’hui, les socialistes n’ont pas de mots assez durs pour condamner la RGPP et le non remplacement d’un poste de fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Mais le premier budget de l’État ne pouvait s’exonérer des efforts imposés par la situation économique nationale, dans un contexte de crise internationale. C’est cela, le courage politique !

Le Président Hollande nous annonce que le nombre global de fonctionnaires n’augmentera pas. Mais personne ne nous a dit où seront supprimés les postes qui permettront d’en créer d’autres dans l’éducation nationale, puisque l’on raisonne à moyens constants. Va-t-on « matraquer » le ministère de la santé, les sous-préfectures, l’armée, Pôle emploi ? Nous n’en savons rien.

Vous nous proposez aujourd’hui de concrétiser une promesse électorale démagogique qui consiste à créer, à terme, 60 000 postes dans l’éducation nationale. Mais comment ? Procéderez-vous par redéploiements ? Il y a de quoi être perplexe. Le ministre délégué au budget n’a-t-il d’ailleurs pas déclaré qu’on ne créerait pas de postes supplémentaires dans la fonction publique d’État parce que la France n’en avait tout simplement pas les moyens ? Mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

Notre conviction est que les problèmes de l’école ne sont pas liés aux moyens qui lui sont alloués, mais à l’utilisation et à la répartition de ces moyens. Depuis la loi Fillon de 2005, priorité a été donnée à la maîtrise des enseignements fondamentaux dès le primaire. Je pense que cette politique porte aujourd’hui ses fruits. De même, nous avons développé les aides personnalisés, qui, j’en suis persuadé, ont donné de bons résultats. Mais aucune évaluation n’a été faite et l’on préfère polémiquer à propos des RASED. Mais, là encore, nous aurons l’occasion d’en reparler.

Nous sommes persuadés que l’école primaire est la clef de voûte de notre système éducatif, parce qu’elle est le lieu de l’acquisition des enseignements fondamentaux, qu’elle conditionne la suite des apprentissages et l’insertion dans la société.

Bien d’autres problèmes se posent, que mes collègues aborderont tout à l’heure. Mais vous comprendrez d’ores et déjà que nous ayons déposé un amendement de suppression de l’article 23, qui est relatif aux plafonds des autorisations des emplois de l’État. Comme dans un autre domaine que vous avez évoqué rapidement, à savoir le taux réduit de TVA dans le secteur du livre, nous nous interrogeons sur l’avenir des recettes de l’État. En revanche, nous ne pouvons que regretter la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, car il y va de l’avenir de ces établissements, ainsi que de la francophonie.

Mme Marie-George Buffet. Je voudrais à mon tour saluer ces mesures d’urgence, qui tranchent avec la conception de la priorité à l’éducation en vigueur sous le quinquennat précédent : celle-ci se traduisait concrètement par la suppression de 70 000 postes, la casse de la formation et une dévalorisation du rôle des enseignants. Je ne suis pas près d’oublier la déclaration de M. Darcos selon laquelle on n’avait pas besoin d’une formation de cinq ans pour changer les couches en maternelle. Quelle méconnaissance de la pédagogie en classe maternelle et de l’importance de la scolarisation dès l’âge de trois ans !

Certes, ces mesures d’urgence ne sauraient se substituer à la nécessaire refondation du système scolaire, qui suppose notamment plus de moyens en personnels. Ainsi les quatre-vingts postes supplémentaires attribués à l’académie de Créteil ne sauraient suffire à compenser les nombreuses suppressions de postes et le démantèlement d’une partie des réseaux RASED qui ont frappé la Seine-Saint-Denis. Le courage politique, mes chers collègues, c’est de trouver les moyens pour que tous nos enfants connaissent l’école de la réussite. Il faudra aussi travailler sur les questions de formation des enseignants et relancer la recherche pédagogique, délaissée ces dernières années.

Je me félicite d’ores et déjà du recrutement de 12 000 contrats uniques d’insertion, notamment pour ces hommes et ces femmes dont le contrat n’avait pas été renouvelé, en dépit du dévouement et de la compétence dont ils ont fait preuve. Il faut en finir avec la précarité dans l’éducation nationale, en accueillant dans la fonction publique des hommes et des femmes qui font partie intégrante des équipes éducatives.

Grâce enfin à l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, toutes les familles pourront acheter à leurs enfants les fournitures nécessaires à de bonnes études.

Pour ces raisons, le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine émet un avis favorable à l’adoption des articles 23, 24 et 30 du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

M. Rudy Salles. Au nom du groupe UDI, je peux reprendre à mon compte tout ce qui a été dit par notre collègue Reiss. Je me contenterai donc d’une remarque de forme. Les déclarations de notre rapporteure sont quelque peu hors de propos : la campagne est finie, madame Faure ; vous n’êtes pas devant une réunion de militants socialistes, mais devant la Commission. On se croirait en 1981, quand certains prétendaient que la France était passée de l’ombre à la lumière. Il n’y a pas d’un côté ceux qui aiment l’école, et de l’autre ceux qui la cassent. Des propos aussi inacceptables ne laissent rien augurer de bon pour la suite de nos travaux, et j’espère, monsieur le président, que notre Commission pourra travailler dans un autre climat.

M. le président. Chaque commissaire est libre de dire ce qu’il veut, le président de la Commission n’a pas à se prononcer sur le fond des interventions.

M. Thierry Braillard. On ne peut pas nier les attaques dont l’école de la République a fait l’objet ces dernières années. Contestez-vous qu’en décembre 2007, le Président de la République nous expliquait que l’instituteur ne pourrait jamais remplacer le curé ou le pasteur ? Nous croyons, nous, au rôle de l’instituteur et à la nécessité de le renforcer.

Mme la rapporteure n’a fait que constater la suppression de 70 000 postes dans l’éducation nationale du fait de la RGPP, politique de réduction aveugle des effectifs que les radicaux ont toujours critiqué. Cette réduction drastique des emplois a nui à l’accueil en maternelle et fait baisser le niveau de l’école primaire. Les dommages causés par cette politique ont été aggravés par la suppression de la carte scolaire et la réduction du nombre de postes RASED, pourtant indispensables. En conséquence le groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste ne peut que saluer la création de postes supplémentaires de professeurs des écoles et autres personnels éducatifs ainsi que l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire. C’est la raison pour laquelle le groupe RRDP soutient ce projet de loi de finances rectificative pour 2012.

M. Michel Ménard. Je vous félicite, madame Faure, pour avoir réussi à produire un si bon rapport, alors que vous venez d’être désignée par notre commission : quel exploit !

Nous savons tous que les conditions de scolarisation se sont fortement dégradées : nous avons tous en tête des exemples de fermetures de classes alors que le nombre d’élèves augmentait.

Ces 1 000 postes créés en urgence sont destinés à parer aux situations les plus tendues, mais nous savons que la rentrée 2012, préparée par la majorité sortante, aura lieu dans des conditions difficiles. Ce n’est qu’en 2013 que nous verrons un début d’amélioration, et j’espère que nous aurons adopté d’ici là une loi d’orientation et de programmation.

Je conclurai mon propos par deux remarques. Je suis surpris, chers collègues de l’opposition, de vous entendre déplorer cet effort budgétaire de 89,5 millions d’euros tout en vous opposant à la suppression de la prise en charge sans conditions de ressources des frais de scolarité des enfants français scolarisés à l’étranger.

Par ailleurs, monsieur Salles, on donne une plus grande preuve d’amour à l’éducation nationale quand on l’embrasse que quand on lui colle une claque, comme vous l’avez fait régulièrement ces dernières années !

M. Benoist Apparu. Des propos tout en nuance de notre rapporteure et de nos collègues socialistes, j’ai retenu les accusations de « casse », de « saignée », ou la caractérisation de la RGPP comme politique « purement quantitative », « aveugle », « mécanique ». J’espère que vous caractériserez de la même façon le budget de la culture, qui va être soumis à la règle, non plus du « un sur deux », mais du « deux sur trois ». On sait en effet que la fin de l’application du « un sur deux » dans l’éducation nationale sera compensée par le non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois dans l’ensemble des autres ministères.

J’ai trouvé pour le moins curieuse, voire spécieuse, la façon dont votre rapport présente la situation. Vous y faites état de l’évolution du nombre d’enseignants dans le primaire sans indiquer l’évolution du taux d’encadrement pédagogique. Or c’est le nombre d’élèves par classe qui importe, et, de ce point de vue, il n’y pas eu de dégradation depuis dix ans.

De la même façon, vous indiquez que dans notre école primaire, ce taux se situe très largement en dessous de la moyenne de l’OCDE, en omettant de préciser que tous degrés d’enseignement confondus, notre pays se situe dans la moyenne, et qu’il est très largement au-dessus si on ne retient que le taux d’encadrement en lycée.

Enfin, vous vous fondez sur l’enquête PISA pour 2009 pour corréler la qualité du système éducatif français au nombre d’élèves par classe. Or cette enquête étudie des cohortes scolaires constituées avant 2007, et qui n’ont donc pas subi la réduction du nombre d’enseignants que vous incriminez. La corrélation que vous établissez dans votre rapport n’est donc pas vérifiée.

M. Pascal Deguilhem. Dois-je rappeler à mes collègues de l’opposition les doutes qu’ils exprimaient eux-mêmes à propos de la refonte de la formation des enseignants, notamment à l’occasion de l’examen du rapport Grosperrin ? Cette réforme était d’autant plus contestable qu’elle intervenait dans les pires conditions, après trois ans de réduction drastique du nombre des enseignants, et elle était d’ailleurs contestée par l’ensemble des personnels, les recteurs et des inspecteurs d’académie.

À l’inverse, les propositions contenues dans ce projet de loi de finances rectificative – mesures d’accompagnement des enseignants nouvellement recrutés, décharges horaires des tuteurs – vont dans le bon sens, et préludent aux mesures nécessaires d’ores et déjà annoncées. Vous avez eu le tort de faire dépendre la réforme de la formation des enseignants de mesures quantitatives : c’était le pire choix possible. En effet, des moyens suffisants sont la condition sine qua non pour que notre école puisse garantir à chaque élève la possibilité de disposer des enseignants les mieux formés.

Nous reviendrons aussi sur le prérecrutement des enseignants, afin d’assurer la mixité sociale de ce corps, si nécessaire à l’égalité républicaine.

M. Guénhaël Huet. Je voudrais à mon tour déplorer le ton parfois outrancier de notre rapporteure et de certains de nos collègues de la majorité, qui fait douter de l’existence d’un véritable projet : quel besoin sinon de consacrer vos premières interventions à dénigrer tout ce qui a été fait pendant cinq ans ? Il serait beaucoup plus constructif de nous présenter ce que vous souhaitez faire.

Je m’étonne par ailleurs, madame la rapporteure, que votre travail soit marqué du caractère strictement comptable que vous reprochez à la politique de l’ancienne majorité : il n’y a quasiment que des chiffres dans votre rapport. On aurait aimé connaître votre vision de l’école et du rôle que vous lui assignez ; on aurait aimé que vous nous parliez de la surcharge des programmes, ou que vous nous expliquiez pourquoi les résultats de notre système scolaire ne sont pas à la hauteur des moyens considérables que la France consacre depuis vingt ans à l’éducation nationale. Quand on sait que 15 à 20 % des élèves sortent du CM2 sans savoir lire et écrire correctement, on aurait aimé connaître vos propositions pour lutter contre l’illettrisme.

Voilà les sujets de fond qu’il serait préférable d’aborder, plutôt que de se perdre dans des polémiques stériles et des chiffres égrenés comme autant de perles. L’école est un sujet trop important pour limiter ainsi son discours à des chiffres. Ceux qui, comme moi, attendent de cette commission de la prospective, de l’ambition, des objectifs politiques au vrai sens du terme, restent un peu sur leur faim ce matin. Le temps de la campagne est fini : nous devons consacrer les prochaines années à rendre l’école meilleure pour les élèves, car c’est pour eux qu’est fait le service public de l’éducation, et non pour les enseignants.

M. Hervé Féron. Je voudrais d’abord apaiser les craintes de notre collègue quant à l’avenir de l’enseignement français à l’étranger et de la francophonie en général : c’est au contraire la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, promesse du candidat Sarkozy en 2007, qui a mis à mal tout le système d’enseignement français à l’étranger, et nous avons fait de nombreuses propositions pour le restaurer.

En ce qui concerne l’éducation nationale, il n’y a pas photo. Les dernières années ont vu les inégalités scolaires augmenter, comme cela a été prouvé par une enquête PISA ; l’effort de financement global de l’éducation a baissé d’un point de PIB entre 2000 et 2009 ; 154 000 postes ont été supprimés dans l’éducation entre 2000 et 2011 ; selon l’OCDE, la rémunération des enseignants français a connu une dégradation relative par rapport à leurs collègues européens.

Je constate l’état de misère scolaire de ma circonscription : en cinq ans, deux écoles ont fermé, quatorze postes ont été supprimés en école primaire ; pour seize écoles primaires, elle ne compte plus que quatre maîtres G de RASED
– c’est-à-dire des enseignants rééducateurs – dont trois doivent disparaître en septembre.

Nous nous réjouissons aujourd’hui que le Gouvernement envoie le signal d’une véritable volonté de redonner à l’école de la République les moyens et l’ambition que les enfants de France méritent.

M. Patrick Hetzel. Je déplore, tant le caractère uniquement à charge de ce rapport que la méthode consistant à débattre d’un document qui vient seulement d’être mise en distribution. C’est d’autant plus gênant que ce rapport est truffé d’erreurs.

Au chapitre de la charge, vous attaquez d’une façon extrêmement manichéenne la mastérisation, en passant totalement sous silence l’élévation du niveau de formation des enseignants auquel elle a contribué. Autre élément surprenant, vous présentez comme une mesure nouvelle l’accompagnement des nouveaux professeurs des écoles par un enseignant expérimenté, alors que ce dispositif est précisément lié à la mastérisation.

Vous persistez en revanche dans l’erreur méthodologique qui consiste à sortir les nouveaux enseignants de la classe, alors que la solution réside dans la pratique accompagnée et le tutorat, comme prévu dans le cadre de la mastérisation.

M. Mathieu Hanotin. Ce que nous reprochons à la RGPP, monsieur Apparu, c’est l’application aveugle de la règle comptable du « un sur deux », le coup de rabot uniforme quel que soit le ministère.

M. Benoist Apparu. Le non-remplacement de deux fonctionnaires sur trois sera aussi systématique.

M. Mathieu Hanotin. Non : il y aura un traitement individualisé ministère par ministère, car faire des choix, c’est l’enjeu de la politique.

Comment pouvez-vous nier par ailleurs la baisse du taux d’encadrement ? Sachant que le nombre d’élèves connaît une hausse continue depuis 2004 et que 70 000 postes d’enseignants ont été supprimés depuis 2007, il ne faut pas être grand clerc pour conclure à une baisse du taux d’encadrement.

Quant à la différenciation entre le lycée, d’une part, l’école primaire et le collège, d’autre part, elle est tout à fait légitime, puisque c’est au stade de l’école primaire et du collège que notre école exclue massivement : il est scandaleux de concentrer l’investissement au bénéfice des élèves qui sont déjà dans le wagon de la réussite. Dans le cas de mon département, la Seine-Saint-Denis, je me félicite des annonces ministérielles, mais il faut savoir que les 23 postes qui seront créés dans le primaire ne suffiront pas à atteindre les seuils d’éducation prioritaire. Cette mesure d’urgence est un signal positif envoyé à la communauté éducative, mais il faudra aller plus loin. Ce n’est pas en faisant des économies qu’on refondera l’école : pour cela, il faudra s’interroger sur ce qui ne fonctionne pas dans notre système scolaire, y créer de nouveaux métiers et y consacrer plus de moyens.

M. Jean-Jacques Vlody. Ce projet de loi de finances rectificative est excellent, d’autant qu’il s’inscrit dans un contexte budgétaire très contraint. La réorientation des moyens financiers de l’État au bénéfice de l’éducation nationale traduit une différence idéologique fondamentale entre notre projet politique et le vôtre, messieurs de l’opposition : l’école n’est pas votre priorité, comme le prouve la politique qui a été suivie ces cinq dernières années.

J’entends un collègue de l’opposition déplorer le taux d’illettrisme à l’issue de l’école primaire, mais qui a été au pouvoir ces dix dernières années ? Jugez notre programme dans dix ans.

Ce n’est pas à moi, élu d’un territoire extrêmement défavorisé où la transition démographique n’est pas terminée, que vous allez faire croire que vous avez fait un effort pour l’éducation : alors que La Réunion comptera 200 000 habitants supplémentaires d’ici à 2020, et 10 000 élèves supplémentaires par an, elle a perdu 150 postes par an au cours des quatre dernières années.

Aujourd’hui, la nouvelle majorité, le Gouvernement et le Président de la République replacent l’école au centre de leurs priorités. Laissez-nous faire notre travail.

M. Marcel Rogemont. Je me réjouis pour ma part que ce projet de loi de finances rectificative s’intéresse au domaine de la culture, en restituant au spectacle vivant les crédits qui avaient fait l’objet d’un gel et en rétablissant la TVA sur le livre à 5,5 %. Le groupe socialiste s’est battu en son temps, aux côtés d’Hervé Gaymard, contre l’application de la loi de modernisation économique (LME) aux libraires – le paiement à 45 jours imposé par celle-ci conduisait en effet à tuer les librairies de nos communes. Il a eu gain de cause. De même avons-nous obtenu que la TVA sur le livre numérique soit alignée sur celle du livre papier. Je tenais à le rappeler, à l’heure où la Commission européenne semble, de manière quelque peu surprenante, affirmer que la distribution d’un livre sous forme numérique serait une prestation. Il y a là des combats à mener, et c’est pourquoi il est important que le projet de loi de finances rectificative mette cette question sur le devant de la scène. Le livre et le cinéma n’ont-ils pas toujours été au cœur de l’exception culturelle française ?

Mme la rapporteure pour avis. Permettez-moi de dire à nos collègues de l’opposition que mes propos n’avaient rien d’insultant : je me suis bornée à des constats. Je peux comprendre que vous soyez irrités par leur teneur négative, mais dois-je rappeler que l’OCDE, l’Institut Montaigne, la Cour des comptes, dans son rapport de 2010 sur la réussite scolaire, et les services du ministère eux-mêmes
– lorsqu’ils avaient le droit de donner des chiffres – ont tous fait état d’une dégradation de notre système scolaire ?

Nous poursuivrons sans doute la bataille des chiffres, monsieur Reiss, mais force est de constater que nous avons encore trop de classes de maternelle à 33, 34 ou 35 élèves, et trop de classes de CP qui comptent 29, 30 ou 31 élèves – ce qui ne favorise pas la réussite. Le courage politique, nous l’aurons autant que vous, pourvu que vous nous en laissiez le temps. Il ne s’agissait cependant ce matin que de donner un avis sur le projet de loi de finances rectificative, et non d’aborder, monsieur Huet, la refondation de l’école : nous le ferons tout à l’heure avec le ministre.

M. Guénhaël Huet. Cela ne vous interdisait pas de l’évoquer.

Mme la rapporteure pour avis. Sans doute n’avez-vous pas écouté : j’en ai parlé.

Je remercie Marie-George Buffet d’avoir rappelé que de nouveaux moyens étaient nécessaires. 97 postes, c’est évidemment insuffisant pour la Seine Saint-Denis, mais de même que pour l’allocation de rentrée scolaire, nous ne faisons pour l’instant que rectifier à la marge.

Rudy Salles a parlé de hors sujet, de propos inacceptables, de climat détestable. Qu’il me soit permis d’observer que la réponse de M. Apparu n’était pas vraiment aimable – pour ne pas dire bien plus outrancière que le ton que j’ai moi-même employé.

Je remercie M. Braillard d’avoir rappelé que pour l’ancien Président de la République, l’instituteur n’était pas l’équivalent du curé ou du pasteur : il était surtout méprisé.

Michel Ménard a évoqué les fermetures de classes qui sont programmées alors même que nous avons des classes à 35 élèves.

La prise en charge des frais de scolarité des élèves scolarisés à l’étranger (PEC) constitue une autre injustice flagrante à laquelle il convient de mettre fin.

Sans revenir sur le ton de ses propos, qu’il me soit permis de faire observer à Benoist Apparu que les chiffres de l’enquête PISA de 2009 résultent bien de la politique conduite entre 2002 et 2007. Et ne nous dites pas que le constat que nous faisons en 2012 ne doit rien à votre politique !

Je remercie Pascal Deguilhem d’avoir rappelé que la réduction massive des postes liée à la mastérisation a été opérée au plus mauvais moment.

J’ai déjà répondu à M. Huet. J’ajouterai simplement que la modération dans les propos n’a pas toujours été de mise sous la précédente législature, loin s’en faut.

Nous connaissons bien, en particulier dans les territoires ruraux et les banlieues, la misère scolaire dont a parlé Hervé Féron.

Vous ne pouvez parler de rapport à charge, monsieur Hetzel. Je l’ai dit, il ne s’agit que d’un constat. Je comprends que celui-ci vous touche particulièrement, mais vous ne pouvez nier les suppressions de postes induites par les fameux « leviers d’efficience ». De même, vous savez que la « masterisation » a abouti à supprimer la formation professionnelle initiale. Nous n’avons jamais été opposés à l’élévation du niveau de nos professeurs, mais s’il s’agit de remplacer la formation initiale par la « masterisation », nous disons non, et encore non !

Quant au compagnonnage, vous savez fort bien qu’il n’a pas été correctement mis en œuvre : certains compagnons étaient basés à plus de 100 kilomètres du jeune qu’ils devaient accompagner !

Je remercie Mathieu Hanotin d’avoir dénoncé à nouveau la règle comptable aveugle du « un sur deux », qui porte une part de responsabilité dans la situation actuelle.

Jean-Jacques Vlody a évoqué la différence fondamentale qui existe entre notre projet et celui de l’ancienne majorité. Le nôtre replace l’enfant au centre du débat tout en redonnant sa mission au professeur, alors que vous, mesdames, messieurs de l’opposition, vous n’avez songé qu’à compter. Il est vrai que supprimer des postes, supprimer les RASED, supprimer une demi-journée de classe, puis la formation initiale, mais aussi continue des maîtres est autrement plus facile que de créer et chercher des moyens !

Je remercie enfin Marcel Rogemont d’avoir salué le retour à la TVA à 5,5 % sur le livre.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE II

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2012 –
PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS

Article 23

Plafonds des autorisations d’emplois de l’État

La Commission est saisie de plusieurs amendements identiques de suppression de l’article 1 AC à 23 AC, déposés respectivement par M. Benoist Apparu, M. Xavier Breton, M. Bernard Brochand, M. Jean-François Copé, M. Gérald Darmanin, M. Bernard Debré, Mme Sophie Dion, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Annie Genevard, M. Jean-Pierre Giran, Mme Claude Greff, M. Michel Herbillon, M. Patrick Hetzel, M. Guénhaël Huet, M. Christian Kert, M. Dominique Le Mèner, M. François de Mazières, Mme Dominique Nachury, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, Mme Claudine Schmid, M. Claude Sturni et Mme Michèle Tabarot.

M. Frédéric Reiss. Nous souhaitons supprimer cet article, car nous pensons sincèrement que la question posée n’est pas celle des moyens, mais de leur juste répartition. Sous la précédente législature, nous avons souhaité nous inspirer de la réforme des universités, qui a octroyé à celles-ci davantage d’autonomie en contrepartie de leur évaluation. Nous entendions donc donner davantage d’autonomie aux chefs d’établissement, qui sont mieux à même de connaître les besoins. Nous sommes par ailleurs convaincus que la situation de nos finances publiques ne permettra pas de créer 60 000 postes supplémentaires, à moins d’accepter une paupérisation des enseignants. Pour notre part, nous avons consacré un milliard d’euros entre 2007 et 2012 à la revalorisation de leurs salaires – revalorisation des débuts de la carrière et heures supplémentaires.

Mme la rapporteure pour avis. En l’absence de rectification, nous aurons 715 suppressions de classes dans le primaire, alors même que les effectifs progressent. Dois-je rappeler que nous avons déjà 761 emplois en moins pour le dispositif de remplacement ? Actuellement, un maître de CP en arrêt maladie n’est pas remplacé. C’est tout de même navrant pour les enfants qui en sont victimes ! Les 1 000 nouveaux emplois de professeur des écoles seront mis au service des élèves au début de leur scolarité. En primaire, les enfants ont en effet besoin d’un accompagnement beaucoup plus précis, surtout à l’heure où l’on supprime des postes d’enseignant spécialisé. Nous ne pouvons plus tolérer des classes de CP à 28, 29, 30 ou 31 élèves !

De même, la décharge de service de trois heures des enseignants du secondaire permettra de remettre de l’ordre et de la sérénité dans le système de recrutement des enseignants, qui a été totalement désorganisé.

Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à ces amendements.

M. Yves Durand. Les Français ont voté pour un homme, mais aussi pour un projet, dans lequel figurait clairement – et honnêtement – la création de 60 000 postes sur cinq ans dans l’éducation nationale. Je ne doute pas que nos collègues de l’opposition soient profondément démocrates. Ils auront donc à cœur, tout en formulant de légitimes remarques, de laisser la majorité appliquer le mandat qu’elle a reçu du peuple.

M. Benoist Apparu. Ce que vous avez fait en 2007 !

M. Yves Durand. Ce n’est certes pas une surprise que la nouvelle majorité s’attelle dès la rentrée 2012 à mettre en œuvre ce pour quoi elle a été élue.

Deux arguments justifient ce collectif budgétaire déposé en urgence. Il s’agit d’abord de la priorité donnée à l’école primaire, clé de voûte de notre système éducatif pour reprendre les termes de notre collègue Reiss. Or tous les observateurs, y compris l’Institut Montaigne – qui ne passe pas pour gauchiste – le disent : c’est dans le primaire que le taux d’encadrement est aujourd’hui le plus faible. C’est pourtant dans le primaire et à la maternelle que tout se joue, et c’est pourquoi il est nécessaire de « mettre le paquet » sur le primaire avec ces 1 000 postes.

S’agissant des enseignants, il est vrai que les débuts de carrière ont été revalorisés. Mais le manque d’attractivité dramatique du métier d’enseignant, que nous constatons à travers l’assèchement du nombre des candidats aux concours, est en grande partie dû à la difficulté du métier, qui trouve elle-même son origine dans la suppression – dans les faits – de toute formation professionnelle des enseignants. Il faudra donc y revenir.

Certes, et nous le savons, tout n’est pas question de moyens. C’est pour cela qu’est lancée une grande concertation sur la refondation de l’école, dont le ministre nous parlera tout à l’heure. Mais avant de refonder, il fallait réparer : tel est l’objet de ce collectif. Voilà pourquoi je souhaite qu’il soit adopté et que nous repoussions ces amendements.

La Commission rejette les amendements identiques 1 AC à 23 AC.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23.

TITRE III

DISPOSITIONS PERMANENTES

I.- MESURES FISCALES NON RATTACHÉES

Article 24

Rétablissement du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
à 5,5 % dans le secteur des livres

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24.

II.- AUTRES MESURES

Article 30

Suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger

La Commission est saisie de l’amendement 24 AC de M. Gérald Darmanin et Mme Claudine Schmid.

M. Gérald Darmanin. Cet amendement vise à supprimer l’article 24. Contrairement à ce que semble penser l’un de nos collègues, il ne saurait y avoir deux catégories de Français – ceux qui vivent sur le territoire métropolitain ou outre-mer et les Français de l’étranger. Tout d’abord, ces derniers ne sont pas nécessairement appelés à passer toute leur vie à l’étranger – ce qui les contraint souvent, que ce soit pour des raisons professionnelles ou privées, à scolariser leurs enfants dans des écoles françaises. Ensuite, il faut rappeler que cette prise en charge des frais de scolarité (PEC) peut constituer un lien avec la culture française, notamment pour les nombreuses familles mixtes qui hésitent entre école française et établissements du pays de résidence. Elle est aussi un atout économique. Les PME aussi envoient leurs cadres ou leurs employés à l’étranger, monsieur Féron ; les expatriés ne sont pas tous richissimes, et il y a aussi des problèmes sociaux chez les Français de l’étranger. La PEC simplifie donc la vie des familles, mais aussi celle des entreprises, notamment des petites entreprises.

La PEC n’a pas nui au financement des bourses : jamais il n’y a eu autant de bourses que depuis sa création. Supprimer la PEC au bénéfice exclusif des bourses ne ferait donc que renforcer la bureaucratie.

D’autre part, si quelques abus auxquels il faut évidemment remédier ont pu être constatés, la PEC n’a pas tari le financement des frais de scolarité par les grandes entreprises.

Il ne s’agit en fait que d’un problème budgétaire. Vous ne saviez pas comment financer vos mesures : vous avez trouvé là un moyen commode de le faire, au détriment de la culture, de l’éducation et du rayonnement de la France.

Mme Claudine Schmid. J’ajoute qu’il n’est pas exact de parler de gratuité, puisque la PEC a été plafonnée au taux de 2007, année de sa mise en place. Sa suppression revêt du reste un caractère arbitraire : des télégrammes diplomatiques ont été adressés aux consulats la veille du discours de politique générale du Premier ministre, pour indiquer que la mesure était prise. Mais le plus grave est ailleurs : s’est-on vraiment soucié des élèves ? Certains parents, qui ne pourront pas payer, doivent aujourd’hui chercher une autre orientation pour leurs enfants à la rentrée. Nous parlons ici de futurs élèves de terminale !

Enfin, cette suppression aboutit à déséquilibrer le budget des écoles. Les frais de scolarité ont été votés en assemblée générale, sur la base d’un nombre connu d’élèves – qui va diminuer.

Je conclurai en évoquant l’égalité républicaine : les Français de l’étranger ne sont pas des exilés fiscaux.

Mme la rapporteure pour avis. Les élèves qui devraient quitter leur lycée ont la possibilité de solliciter une bourse.

Mme Claudine Schmid. Seulement à certaines conditions. Il suffit d’avoir hérité d’une propriété en France pour ne pas y avoir droit.

Mme la rapporteure pour avis. Par ailleurs, une partie de l’économie ainsi réalisée sera utilisée pour financer des mesures d’accompagnement exceptionnelles au bénéfice de certains élèves en difficulté.

Par conséquent, je ne juge pas utile de revenir sur le coût exponentiel de la PEC, et donne un avis défavorable à cet amendement.

M. Hervé Féron. C’est précisément parce que nombre de Français à l’étranger ne sont pas riches que l’absence de conditionnement aux ressources de la PEC pose problème. Cette mesure, qui répondait à une promesse de Nicolas Sarkozy, a constitué un effet d’aubaine pour les entreprises, dont certaines avaient créé des établissements ou participaient de façon importante au financement des frais de scolarité des enfants de leurs salariés.

La PEC n’est pas conditionnée au niveau de ressources. En outre, elle bénéficie à des familles qui ne payent pas toujours d’impôts en France. On se souvient de l’exemple de ce couple résidant à Londres qui percevait 2 millions d’euros par an et s’est vu offrir cette prise en charge gratuite. Celle-ci a immédiatement nourri des effets pervers. Son financement ayant abouti de fait à un appauvrissement de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), les établissements homologués ont dû trouver d’autres ressources. L’existence de la PEC les a conduits à augmenter les frais d’écolage, puisque la PEC ne concernait que les classes de terminale, première et seconde, d’où une augmentation importante du recours aux bourses.

Mais l’enseignement français à l’étranger s’adresse aussi aux enfants étrangers, qui représentent 60 % des enfants scolarisés dans nos établissements sur l’ensemble de la planète. Je rappelle à cet égard que parmi les missions de l’établissement public AEFE figurent la formation des élites étrangères et la coopération éducative, toutes deux mises à mal aujourd’hui.

L’AEFE a donc été appauvrie. Sa gestion est à flux tendus. Elle s’est vu transférer en 2008 par l’État une quinzaine d’établissements en mauvais état, qu’elle n’a pas les moyens d’entretenir. En 2009, le coût de la PEC était évalué à 20 millions d’euros par classe d’âge, soit 60 millions d’euros par an. Si elle avait été étendue comme prévu à toutes les classes d’âge, son coût aurait atteint 713 millions d’euros par an à partir de 2018.

C’est pourquoi le projet de loi de finances rectificative propose de la supprimer et d’appliquer les propositions formulées en 2010 par la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de notre Assemblée, à savoir redonner des moyens de fonctionnement à l’AEFE et restaurer des moyens pour l’attribution de bourses conditionnées aux revenus, en instituant de façon différenciée, selon un barème établi par pays de résidence, un plafond quant aux droits d’écolage.

La Commission rejette l’amendement, puis donne un avis favorable à l’adoption de l’article 30.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption sans modification de l’ensemble des dispositions du projet de loi de finances rectificative dont elle est saisie.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1 AC présenté par M. Benoist Apparu

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