N° 88 - Rapport de M. Jean-Louis Christ sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses Etats membres (n°9)




N
° 88

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 9, autorisant la ratification de l’accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres,

par M. Jean-Louis CHRIST

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

A – L’ÉMERGENCE D’UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS LE DOMAINE DE L’AVIATION CIVILE 7

B – UN LONG PROCESSUS DE NÉGOCIATIONS D’ACCORDS AÉRIENS CIBLÉS 8

1) Les accords de transport aériens déjà conclus 8

2) Un impact difficile à évaluer 8

II – UN ACCORD QUI VA PERMETTRE UNE OUVERTURE TOTALE ET MAÎTRISEE DES DROITS COMMERCIAUX 11

A – DES INTÉRÊTS CONVERGENTS 11

1) Un marché aérien développé et prometteur 11

2) Une approche commune 12

B – UN ACCORD AMBITIEUX 12

1) Dispositions relatives aux dessertes et aux questions d’investissement et de contrôle des compagnies aériennes. 12

2) Autres dispositions significatives 15

a) Sûreté, sécurité et respect des lois de l’autre Partie 15

b) Fiscalité 15

c) Protection des consommateurs 16

d) Loyauté de la concurrence et cadre commercial équitable 16

e) Protection de l’environnement 16

f) Questions d’emploi 17

g) Mécanismes de concertation 17

3) Articulation avec les accords bilatéraux déjà existants 17

C – UN ACCORD EFFICACE ? 18

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE : LES LIBERTÉS DE L’AIR 23

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

Mesdames, Messieurs,

Le 17 décembre 2009, l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, ont conclu un accord aérien global couvrant de nombreux domaines tels que l’accès au marché, la libéralisation de l’investissement, les règles de concurrence et d’aides publiques, l’harmonisation des normes de sûreté et de sécurité ou encore l’environnement.

A terme, ce texte permettra la création d’un véritable espace aérien commun entre l’Europe et le Canada, leurs transporteurs ayant alors une totale liberté pour desservir des liaisons de part et d’autre de l’Atlantique, pour fournir des services à l’intérieur du territoire des Parties mais aussi pour proposer des vols au-delà de cet espace commun.

S’inscrivant pleinement dans le cadre de la politique européenne d’ouverture des transports aériens développée après 2002, cet accord fait preuve d’ambition et répond parfaitement aux aspirations convergentes de l’Europe et du Canada.

I – UN ACCORD QUI S’INSCRIT DANS LE CADRE DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE D’OUVERTURE DES TRANSPORTS AÉRIENS

A – L’émergence d’une politique extérieure de l’Union européenne dans le domaine de l’aviation civile

La convention de Chicago de 1944 (1) confère aux Etats « la souveraineté complète et exclusive de l’espace aérien au-dessus de [leur] territoire » et prévoit, par conséquent, « qu’aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus ou à l'intérieur du territoire d'un Etat contractant, sauf permission spéciale ou toute autre autorisation dudit Etat conformément aux conditions de cette permission ou autorisation »(2).

Cette consécration, par le droit international, de la souveraineté des Etats sur leur espace aérien constitue assurément un obstacle au développement du trafic aérien international. Aussi a-t-elle conduit à la conclusion de nombreux accords internationaux bilatéraux permettant d’accorder des droits d'atterrissage à des compagnies aériennes dans un pays étranger et comportant généralement des dispositions relatives aux destinations desservies, à la fréquence des vols et aux volumes de trafic. Ainsi, s’agissant de la France et du Canada, les relations aériennes entre ces deux pays sont régies par une convention de 1976. Le Canada a également conclu de tels accords avec de nombreux Etats membres de l’Union européenne à l’exception de huit d’entre eux(3).

Toutefois, ce modèle d’accord bilatéral est remis en cause, en Europe, depuis une dizaine d’années. En effet, la multiplication, dans les années 90, d’accords bilatéraux dits de « ciel ouvert » – car élargissant considérablement les possibilités de desserte – entre les Etats-Unis et plusieurs Etats de l’Union européenne a conduit la Commission européenne à saisir la Cour de justice des Communautés européenne(4). La Commission voyait dans ces accords une atteinte aux règles du marché unique car les compagnies aériennes des pays n’ayant pas signé de traité bilatéral souffraient, selon elle, d’un désavantage commercial certain. Par plusieurs arrêts du 5 novembre 2002, la Cour donna raison à la Commission. Elle estima qu'en application du droit communautaire, les compagnies européennes devaient bénéficier d'une égalité de traitement quant à leurs possibilités d'exploiter des liaisons transatlantiques. Dès lors, en indiquant que seule la conclusion d’un accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis permettrait de garantir le respect de la législation communautaire, ces arrêts, favorisèrent l’émergence d’une politique extérieure européenne dans le domaine de l’aviation.

B – Un long processus de négociations d’accords aériens ciblés

1) Les accords de transport aériens déjà conclus

A la suite des arrêts de la Cour de justice, le Conseil de l’Union européenne, dès juin 2003, autorisa la Commission à négocier des accords aériens ciblés, tant avec des Etats de la « politique de voisinage » qu’avec des partenaires clefs comme les Etats-Unis ou le Canada.

Ainsi, outre l’accord objet du présent rapport, ont été signés, depuis 2006, des traités multilatéraux avec les pays des Balkans occidentaux (9 juin 2006), le Maroc (12 décembre 2006), les Etats-Unis (30 avril 2007), la Géorgie (2 décembre 2010), la Jordanie (15 décembre 2010) et, plus récemment, la Moldavie (26 juin 2012).

Il convient de relever que ces accords sont « mixtes », c'est-à-dire qu’ils ne sont pas seulement conclus entre l’Union européenne et des Etats tiers mais qu’ils incluent également les Etats membres. Car les arrêts de la Cour de justice de 2002 n’ont pas reconnu à la Communauté une compétence exclusive en matière de transport aérien international. Certaines matières telles que l’exemption de taxes ou les modalités d’accès et de séjour sur le territoire national demeurent de la compétence exclusive des Etats. En revanche d’autres domaines comme les dispositions tarifaires relatives aux vols intracommunautaires ou les systèmes informatisés de réservation relèvent de la compétence de la Communauté. Dès lors, la jurisprudence de la Cour de justice n'interdit pas aux Etats membres de négocier des accords bilatéraux de transport aérien mais leur portée est grandement restreinte compte tenu de ces compétences communautaires exclusives reconnues dans certains domaines mais aussi de la nécessité d'assurer une égalité de traitement entre les compagnies de tous les Etats européens.

2) Un impact difficile à évaluer

L’impact des accords déjà conclus par l’Union européenne et ses Etats membres avec des pays tiers est difficile à évaluer car aucun de ces textes n’est encore entré en vigueur et, parmi eux, seul l’accord avec les Etats-Unis d'Amérique fait l'objet d'une application provisoire depuis le 30 mars 2008.

L’étude de l’effet de cette application provisoire est d’ailleurs assez décevante. Si les experts s'accordaient sur les effets bénéfiques prévisibles de la libéralisation du ciel transatlantique, notamment en termes d'offres, de prix et de passagers transportés, force est de constater que la progression du trafic sur les liaisons transatlantiques ne s'est pas concrétisée.

Evolution du trafic de passagers entre l'Union européenne et les Etats-Unis

Années

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Passagers

48 119 000

49 108 000

52 131 000

52 705 000

48 440 503

48 526 097

Croissance annuelle

-

2 %

6 %

1 %

– 8 %

0 %