N° 147 - Avis de Mme Françoise Dumas sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, portant création des emplois d'avenir (n°146)



N° 147

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 septembre 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI portant création des emplois d’avenir,

(procédure accélérée)

PAR Mme Françoise DUMAS,

Députée.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 146, 148.

INTRODUCTION 5

I.- UNE RÉFORME DE LA MASTÉRISATION AYANT ENTRAÎNÉ LA DÉPRÉDATION DE LA FORMATION ET DU RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS 7

A. UNE RÉFORME DÉCONNECTÉE DE L’OBJECTIF DE LA RÉUSSITE DE TOUS LES ÉLÈVES… 7

1. Un bon principe : la hausse du niveau de qualification des professeurs 7

2. Une réforme à visée budgétaire aux conséquences préjudiciables 8

B. … AYANT PROVOQUÉ UNE CRISE DU RECRUTEMENT ET PRÉSENTANT UN RISQUE D’ÉVICTION DES ÉTUDIANTS MODESTES 10

1. Une diminution généralisée du nombre de candidats aux concours enseignants 10

a) Un effondrement jusqu’en 2012 10

b) Une amélioration récente liée aux mesures du collectif budgétaire et au plan quinquennal de recrutement annoncé par l’exécutif 11

2. Un risque d’éviction des étudiants boursiers allant à l’encontre de notre tradition républicaine 12

II.- UN DISPOSITIF ADOSSÉ AUX EMPLOIS D’AVENIR POUR PRÉSERVER LE RÔLE SOCIAL DU CONCOURS ET L’ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D’ENSEIGNANT 15

A. DES « EMPLOIS D’AVENIR PROFESSEUR » POUR REDONNER À CE MÉTIER SON RÔLE DE PROMOTION RÉPUBLICAINE 15

1. Un dispositif plus ciblé et généreux que les bourses de mastérisation mises en place en 2009 15

2. Un cadre juridique permettant une professionnalisation progressive 18

3. Une forme de pré-recrutement devant concerner 18 000 étudiants boursiers d’ici 2015 21

B. UN PREMIER PILIER DE LA REFONDATION DE LA FORMATION INITIALE DES ENSEIGNANTS DEVANT ÊTRE COMPLÉTÉ 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 25

II.- EXAMEN DE L’ARTICLE 35

TITRE IER : EMPLOIS D’AVENIR 35

Article 2 : Emplois d’avenir professeur 35

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 41

INTRODUCTION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de se saisir pour avis de l’article 2 du projet de loi portant création des emplois d’avenir, adopté en Conseil des ministres le 29 août dernier.

Cet article vise, en effet, à créer un dispositif spécifique – les « emplois d’avenir professeur » – destiné à accompagner les jeunes qui, souhaitant poursuivre des études pour devenir enseignant, ne peuvent le faire, faute de moyens.

Il s’agit, par ce biais, de mettre en place le premier pilier – celui d’une forme de pré-recrutement – d’un système de formation initiale et de prise de fonctions des maîtres entièrement rénové. Conformément aux engagements des plus hautes autorités de l’État, celui-ci reposera sur le rétablissement de l’année de stage, supprimée en 2010, et la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Dans l’attente de ces mesures, le gouvernement a souhaité tirer parti de l’examen, au cours de la présente session extraordinaire, d’un projet de loi visant à encourager l’emploi des jeunes non diplômés pour tenter de remédier, le plus rapidement possible, aux conséquences sociales de la réforme dite de la mastérisation décidée en 2008.

Ce pragmatisme, qui n’exclut pas l’ambition – le dispositif proposé devant concerner 18 000 étudiants boursiers d’ici 2015, dont 6 000 en 2013 –, doit être salué : le présent projet de loi permettra de restaurer le rôle, essentiel, des concours enseignants en matière de promotion républicaine.

Le présent rapport pour avis se propose donc, après avoir brièvement présenté la crise du recrutement entraînée par la récente réforme des modalités de formation des enseignants, d’analyser le dispositif des emplois d’avenir professeur.

I.- UNE RÉFORME DE LA MASTÉRISATION AYANT ENTRAÎNÉ LA DÉPRÉDATION DE LA FORMATION ET DU RECRUTEMENT DES ENSEIGNANTS

Sous le précédent quinquennat, l’Éducation nationale aura été la victime d’une politique massive de réduction de ses emplois qui, comme chacun peut le constater sur le terrain, a conduit à remettre en cause la qualité et la continuité de l’offre éducative.

L’un des instruments de cette politique restrictive aura été le sacrifice du modèle de formation initiale et de recrutement des professeurs mis en place en 1991 et centré sur les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

Ce choix a eu, en 2011 surtout, des effets désastreux sur le nombre de candidats inscrits aux concours de recrutement des professeurs du premier et du second degré, tandis que l’allongement la durée des études requises pour s’y présenter a créé un risque réel d’éviction en défaveur des étudiants issus des milieux les plus modestes.

Partant d’un bon principe – l’élévation du niveau de qualification universitaire des enseignants, de la licence au master –, la réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants, dite de la mastérisation, constitue un véritable « gâchis » pour reprendre le jugement formulé par notre collègue Martine Faure à l’occasion du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012 (1). Il est vrai aussi que la mise en place du nouveau dispositif obéissait à des considérations budgétaires qui ont lourdement pesé sur la qualité de la formation professionnelle initiale des futurs enseignants et du processus d’entrée dans le métier.

Adoptée le 2 juillet 2008 en Conseil des ministres, la réforme de la mastérisation a été mise en œuvre à compter la rentrée scolaire 2010. Comme le relève la Cour des comptes dans son dernier rapport public annuel, celle-ci permet à la France de rejoindre « le nombre croissant de pays membres de l’OCDE qui imposent un niveau de diplôme équivalent au master pour exercer dans l’enseignement secondaire (Allemagne, Espagne, Suisse, Suède) et celui, plus restreint, des pays qui, comme la Finlande, l’exigent également pour enseigner dans le premier degré » (2).

En outre, la mastérisation répond à l’élévation du niveau général d’études de la population – il est en effet souhaitable qu’au regard de son rôle, le professeur fasse partie des membres les plus qualifiés de la Cité – et reconnaît, de manière encore plus affirmée, la dignité et la complexité du métier d’enseignant.

Par ailleurs, cette réforme permet d’adosser la formation des enseignants à la recherche. On peut en effet supposer qu’en se confrontant à la production d’un mémoire, lequel est exigé pour l’obtention de tout master, les futurs enseignants pourront engager un travail de réflexion sur leur pratique professionnelle et développer ainsi leur capacité à analyser les situations d’enseignement et valider leurs hypothèses concernant les méthodes pédagogiques.

Pourtant, la réforme de la mastérisation reste, sur plusieurs points essentiels, éminemment critiquable, ses dysfonctionnements ayant été mis en lumière par un rapport d’information émanant des rangs de la précédente majorité parlementaire (3), puis par la Cour des comptes.

Loin d’être purement vertueuse, la mastérisation avait également une visée budgétaire : la suppression, en 2010, de l’année de formation en alternance pendant laquelle les enseignants stagiaires étaient initiés, en IUFM et pendant les deux tiers de leur service, à la pratique de l’enseignement a en effet permis d’économiser 9 567 équivalents temps plein travaillé dans le plafond d’emplois du ministère de l’éducation nationale.

Cette mesure a eu trois conséquences immédiates :

– les universités ont été appelées à mettre en place, au-delà de leurs masters disciplinaires habituels, des masters professionnels spécialisés, dont l’objet est de préparer les étudiants aux concours de l’enseignement ;

– au lieu d’effectuer une année de formation en alternance, les lauréats des concours de recrutement sont désormais affectés immédiatement en école ou en établissement scolaire, avec une obligation de service à temps complet ;

– la formation des enseignants est assurée pour partie sous forme de formation initiale avant les concours – théoriquement du moins, car les stages proposés en première et en deuxième année de master « Enseignement » ne sont pas obligatoires et ne représentent au maximum que 12 semaines – et pour partie sous forme de « formation continuée » après les concours, pendant la première année de fonction des enseignants stagiaires.

Ce nouveau contexte a eu quatre effets pervers :

1° la réforme ayant été conduite à marche forcée – un trait caractéristique de l’action publique sous le précédent quinquennat –, les universités ont dû bâtir, dans l’urgence, une offre de formation qui, selon le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes, ne garantit pas à chaque nouveau maître qu’il puisse maîtriser l’enseignement dans des classes hétérogènes ;

2° ainsi que le souligne le rapport parlementaire précité, le concours, resté essentiellement académique, est déconnecté du diplôme, à un double titre : d’une part, aucune épreuve ne valorise les stages effectués par les étudiants ; d’autre part, le calendrier des épreuves se « télescope » avec celui de la deuxième année du master. Les candidats pouvant ainsi être tentés de se détourner du volet professionnel de la formation pour privilégier le « bachotage », le nouveau dispositif entraîne une « sous-professionnalisation des futurs enseignants » pour reprendre le jugement de M. Claude Thélot ;

3° les conditions d’entrée dans le métier sont difficiles, voire, dans certains cas, presque impossibles, les enseignants stagiaires, insuffisamment préparés à la pratique professionnelle, ayant une charge horaire d’un tiers supérieure aux titulaires en raison du fait qu’ils doivent effectuer une formation complémentaire en plus de leurs obligations réglementaires de service. À cet égard, le collectif budgétaire adopté cet été par la nouvelle majorité a permis « de corriger le tir », en octroyant notamment, à partir de la rentrée 2012, une décharge hebdomadaire de trois heures aux enseignants stagiaires du second degré.

Selon la Cour des comptes, cette réforme s’est traduite par des « dysfonctionnements structurels, notamment avec les orientations stratégiques de l’enseignement scolaire », lesquelles sont fixées par le législateur et visent à favoriser, avant toute chose, la réussite de tous les élèves. Ainsi, à titre d’illustration, les objectifs fixés par le code de l’éducation devraient normalement se traduire par une formation particulièrement renforcée en matière de gestion de l’hétérogénéité des niveaux des élèves au sein des classes. Or, selon les circulaires du précédent ministre de l’éducation nationale, cette formation ne représentait, en 2010-2011, que neuf heures pour les enseignants du second degré et entre six et dix-huit heures pour les professeurs des écoles (4;

4° enfin, cette réforme a conduit, ce qui extrêmement préoccupant, à une évolution défavorable du vivier des candidats désireux d’embrasser le métier d’enseignant. C’est sur ce point que la rapporteure pour avis tient à insister, en pointant du doigt le risque d’éviction des étudiants modestes résultant de la mastérisation.

La réforme de la mastérisation a eu un impact sur la phase « amont » du recrutement des enseignants : lors de ses deux premières années de mise en œuvre, le nombre de candidats inscrits aux concours a en effet diminué de façon spectaculaire. Par ailleurs, la vocation d’« ascenseur social » de ces derniers a été compromise.

Conjuguée à la réduction des postes mis au concours par le précédent gouvernement, la mastérisation et son cortège d’ombres, en particulier les conditions déplorables d’entrée dans le métier qui en résultaient, du moins jusqu’à l’adoption des mesures correctives du collectif budgétaire, a eu un impact quantitatif très important, rappelé en ces termes par l’étude d’impact du présent projet de loi, soit « une diminution de moitié du nombre d’inscrits aux concours de professeur des écoles entre 2008 et 2012 et une diminution de 40 % des inscrits au CAPES sur la même période ». En conséquence, « s’agissant du premier degré, le nombre de présents au concours de professeur des écoles était proche de deux présents par poste offert dans les académies de Créteil, Guyane, Versailles. En ce qui concerne le second degré, 706 postes offerts au CAPES n’ont pu être pourvus, trois disciplines (mathématiques, lettres et anglais) concentrant l’essentiel de la difficulté ».

Le tableau ci-dessous permet de retracer l’évolution des inscrits aux concours pour les sessions 2008 à 2012. La session 2011 constitue, à cet égard, une « année noire », avec une baisse, forte et généralisée, du nombre des inscrits : – 46 % pour les concours externes du 1er degré et – 24 % pour les concours externes du 2nd degré. En outre, en lettres, mathématiques et anglais, tous les postes offerts n’ont pu être pourvus dans ces disciplines. Or, il s’agit de la première session pour laquelle on constate un tel déficit !

Pour la session 2012, on constate que le nombre d’inscrits et de présents connaît une légère hausse : pour les inscrits, + 4 % aux concours externes du 1er degré et + 6 % aux concours externes du 2nd degré et pour les présents, + 7,5 % au concours externe du 1er degré et + 7 % aux concours externes du 2nd degré.

Inscrits aux concours externes des 1er et 2nd degrés
Sessions 2008 à 2012

   

2008

2009

2010

2011

2012

CRPE

Externe

80 777

73 371

66 461

35 646

37 161

Externe spécial

596

560

571

295

323

3e concours

8 978

6 710

6 892

5 822

3 941

Total CRPE

90 351

80 641

73 924

41 763

41 425

2nd degré

Agrégation

21 959

19 535

20 131

19 761

21 694

CAPES

40 028

34 497

33 502

24 223

24 136

CAPET

4 591

4 167

4 499

2 984

3 486

CAPLP

15 868

14 681

14 822

9 913

10 483

CPE

9 949

8 930

7 669

3 862

5 187

COP

1 354

1 082

1 388

1 530

1 398

Total 2nd degré

93 749

82 892

82 011

62 273

66 384

Nota : CPRE = concours de recrutement de professeurs des écoles, CAPES = certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, CAPET = certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique, CAPLP = certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel, CPE = conseiller principal d’éducation, COP = conseiller d’orientation-psychologue

Source : ministère de l’éducation nationale, 1er août 2012.

La session 2013 des concours a été marquée par un incontestable renouveau des vocations.

En effet, tous les concours externes du second degré public s’inscrivent à la hausse ou dans une constante, soit, en moyenne, + 7,4 %. S’agissant plus particulièrement de l’agrégation et du CAPES, on relève une hausse très significative du nombre d’inscrits (+ 10,2 % pour ces deux concours soit près de 5 000 inscrits supplémentaires). Cette croissance est d’autant plus positive qu’elle touche les disciplines les plus déficitaires depuis deux sessions : mathématiques (+ 16,1 %), anglais (+ 17,1 %) et lettres (+ 12 %).

De son côté, le nombre d’inscrits au concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) augmente pour sa part de 2,5 %, ce qui constitue la première hausse de la session depuis 2010. 

Cette tendance positive est liée, sans aucun doute, aux mesures décidées ou prévues par l’actuelle majorité, à commencer par celles contenues dans la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

Outre que ce texte a permis le recrutement de 1 000 professeurs des écoles supplémentaires dès la rentrée 2012, adressant ainsi un signal fort aux étudiants jusqu’ici découragés par les choix budgétaires du précédent gouvernement, il a prévu des mesures d’aménagement de service et des formations spécifiques pour les enseignants stagiaires nouvellement recrutés :

– dans le premier degré public, le service des 6 000 professeurs des écoles stagiaires a été aménagé de façon à leur permettre d’être accompagnés par un enseignant expérimenté au cours des six premières semaines de l’année scolaire ;

– dans le second degré public, une décharge de service de trois heures hebdomadaires a été accordée aux 9 000 (environ) enseignants concernés, afin d’organiser une journée de formation par semaine pendant toute leur première année d’exercice (36 journées de formation leur étant ainsi offertes).

À ces mesures s’ajoute l’augmentation importante des ouvertures de postes récemment décidée par le ministre de l’éducation nationale, qui ainsi met fin à la politique de suppression des emplois précédemment menée et contribue au renouveau des vocations.

Les postes ouverts aux concours de la session 2013

Le nombre de postes ouverts aux concours externes enseignants pour 2013 (public et privé) s’établit à 22 100 postes. Ce volume de recrutement permet de remplacer la totalité des départs à la retraite et de mettre un terme à la politique de non-remplacement d’un départ sur deux qui avait marqué la précédente législature.

Le nombre de postes ouverts pour la session 2013 des concours externes publics passe de 13 000 à 20 000, soit une augmentation de 47  % par rapport à la session précédente, qui permet d’assurer le remplacement de l’ensemble des départs à la retraite.

9 000 nouveaux professeurs des écoles seront ainsi recrutés à la session 2013 du concours du premier degré public, contre 5 000 à la session 2012 (+ 80 %).

11 000 postes d’enseignants du second degré public seront en outre mis aux concours externes (agrégation, CAPES, CAPEPS, CEPET, CAPLP, CPE, COP) de la session 2013, contre 8 600 à la session 2012 (+ 28 %).

Source : ministère de l’éducation nationale, 29 août 2012.

Il n’est pas acceptable que, faute de moyens suffisants, de jeunes étudiants se destinant au métier d’enseignant renoncent à leur projet professionnel. Or, en élevant le niveau de recrutement des enseignants à bac + 5, la réforme de la masterisation a entraîné un risque d’éviction aux dépens des étudiants issus des milieux les plus modestes, qui sont moins nombreux à s’engager dans des études longues, faute de pouvoir financer ces dernières.

À cet égard, l’étude d’impact accompagnant le présent projet de loi rappelle qu’ « on estime à 44 % le taux d’étudiants bénéficiaires de bourses inscrits à l’université en cursus Licence en 2011/2012. En cursus Master, ce taux est estimé à 33 %. Ces chiffres semblent indiquer que la poursuite des études après la Licence est moins fréquente pour les étudiants boursiers que pour les autres ».

Ce risque d’éviction a d’ailleurs été reconnu par la précédente majorité parlementaire à l’occasion de l’adoption, fin 2011, du rapport de la mission d’information sur les modalités de formation initiale et de recrutement des enseignants.

Extraits du rapport de la mission parlementaire sur la formation
des enseignants consacrés au risque d’éviction des étudiants modestes
lié à la mastérisation

Une à deux années d’études supplémentaires étant nécessaires, par rapport au système antérieur, pour obtenir le diplôme qui conditionne le recrutement, la réforme de la mastérisation pourrait entraîner ce que plusieurs interlocuteurs de la mission ont appelé une « fermeture » du concours aux milieux modestes.

Ainsi, pour le Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, les « écarts sociaux » entre les enseignants et les élèves, qui tendent à s’accroître, ne ferait que s’accentuer avec l’exigence du master. Ce constat est partagé par le Syndicat des enseignants-UNSA : alors que le concours, a joué, historiquement, un rôle d’ascenseur social, à terme, il pourrait conduire à ne recruter que des « filles de cadres moyens », ce qui ne manquerait de provoquer, dans les établissements, de véritables « chocs culturels ». Sur le terrain, le président de la Conférence des directeurs d’IUFM, M. Gilles Baillat, a d’ores et déjà observé à Créteil, comme dans d’autres académies, que certains étudiants paraissaient découragés par la perspective d’accomplir une année supplémentaire d’études non rémunérée pour se présenter au concours, au vu de la baisse du nombre d’inscriptions en master.

L’annonce de la rupture sociale semble loin d’être infondée, puisque l’accès des couches les moins favorisées aux études et au diplôme de master est aujourd’hui réduit. Les étudiants issus de milieux modestes étant souvent bousiers, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Valérie Pécresse, a rappelé que le pourcentage de boursiers en master n’est que 20 % à 25 %, contre 35 % dans le premier cycle de l’enseignement supérieur. En outre, les enfants de cadres, d’indépendants et d’intermédiaires réussissent trois à quatre fois plus fréquemment que ceux d’ouvriers ou d’employés des études longues en université (master ou doctorat).

Les responsables administratifs des ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sont conscients du risque. En particulier, le directeur général de l’enseignement supérieur, M. Patrick Hetzel, a jugé que l’égalité des chances, en matière de recrutement des enseignants, constitue aujourd’hui un « vrai sujet », qui justifierait l’adoption de nouveaux dispositifs d’aides. De son côté, le directeur général de l’enseignement scolaire, M. Jean-Michel Blanquer, a estimé que l’Éducation nationale devait veiller à ce que le « risque social encouru » n’aille pas à « contresens » de la tradition républicaine d’ascension sociale par le biais du concours.

Source : « Mieux former les enseignants », rapport d’information n° 4033 (XIII° législature) présenté par M. Jacques Grosperrin (7 décembre 2011)

Au total, le nouveau contexte résultant de la mastérisation est susceptible de remettre en cause l’adéquation entre la composition sociologique du corps enseignant et celle de l’ensemble de la société française alors même que celle-ci constitue l’une des clefs de la réussite de notre système scolaire et l’un des symboles de la méritocratie républicaine.

II.- UN DISPOSITIF ADOSSÉ AUX EMPLOIS D’AVENIR POUR PRÉSERVER LE RÖLE SOCIAL DU CONCOURS ET L’ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D’ENSEIGNANT

Afin de prévenir le risque d’éviction des étudiants modestes des concours enseignants, l’article 2 du présent projet de loi prévoit que le dispositif des emplois d’avenir vise également, selon des modalités très spécifiques, baptisées « emplois d’avenir professeur », à accompagner des jeunes qui, souhaitant poursuivre des études pour se destiner aux métiers de l’enseignement, ne peuvent le faire, faute de moyens.

En effet, ces étudiants, qui ont le projet de passer les concours enseignants, pourront, dès la deuxième année de licence, effectuer, dans le cadre de ces emplois, des activités rémunérées et bénéficier de bourses, ces différents revenus étant cumulables.

Les développements qui suivent visent à présenter ce dispositif, qui donnera une forte assise sociale au système de formation et de recrutement des maîtres devant être mis en place l’année prochaine.

La refondation de l’École passe par la redynamisation du recrutement dans l’enseignement – un objectif que le plan quinquennal de 60 000 créations d’emplois dans l’Éducation nationale, sur lequel s’est engagé le Président de la République, devrait permettre d’atteindre.

En outre, ce recrutement doit retrouver sa vocation sociale : sa diversité doit être assurée, afin que le corps enseignant reste à l’image de la Nation. Tel est l’objectif poursuivi par l’article 2 du présent projet de loi consacré à l’emploi d’avenir professeur.

Le dispositif proposé par l’article 2 va beaucoup plus loin que celui des bourses de mastérisation mises en place par le précédent gouvernement.

Détaillées dans l’encadré ci-après, ces aides, d’un montant de 2 000 euros annuels en moyenne, bénéficient à 10 400 étudiants inscrits en deuxième année de master (M2) et sélectionnés sur des considérations de mérite.

Le dispositif des bourses de mastérisation

Le ministère de l’éducation nationale a mis en place un dispositif d’accompagnement social, défini par la circulaire du 5 juin 2009, visant à garantir la démocratisation et renforcer l’attractivité du recrutement des enseignants. Dans ce cadre, 25,82 millions d’euros ont été inscrits au titre de la loi de finances pour 2012 en faveur des étudiants préparant les concours de professeur des écoles et d’enseignant du second degré.

Conditions d’éligibilité

Pour bénéficier du dispositif « Préparation aux concours enseignants », les étudiants doivent réunir les trois conditions suivantes : remplir les critères pour être recruté comme fonctionnaire enseignant ; se destiner au métier d’enseignant ; être inscrit en deuxième année d’un master et suivre une formation permettant de se préparer aux concours de recrutement d’enseignants.

Nature des aides spécifiques attribuées

Outre l’accès à l’ensemble des bourses sur critères sociaux et aides au mérite du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, les étudiants inscrits en 2ème année de Master ont la possibilité de bénéficier de deux catégories d’aides, qui peuvent être cumulées par les mêmes bénéficiaires.

Complément versé aux étudiants attributaires d’une bourse sur critères sociaux (BCS) « échelon  0 »

Ce volet a pour objet de compléter les aides à caractère social déjà accordées par le ministère de l’enseignement supérieur. Les étudiants bénéficiaires d’une BCS échelon 0 reçoivent une aide correspondant à une bourse échelon 1. Cette aide est versée en dix mensualités, selon le même calendrier que celui des BCS, son maintien étant soumis à des conditions d’assiduité identiques, et son montant, pour une bourse de 1er échelon pour l’année universitaire 2011-2012, était de 1 548 euros.

Aide au mérite

Cette aide vise à attirer vers le métier d’enseignant des étudiants dont la réussite en Master 1 a été excellente. 10 400 aides au mérite ont été prévues pour l’année universitaire 2011-2012, d’un montant moyen de 2 030 euros. Parmi celles-ci, 1 120 aides ont été réservées aux étudiants engagés dans un master en alternance.

Le montant de l’aide est le suivant :

– étudiant bénéficiaire d’une BCS (échelon 0 à 6) et ne disposant pas d’une aide au mérite de l’enseignement supérieur : 2 500 euros ;

– étudiant bénéficiaire d’une aide au mérite de l’enseignement supérieur : 700 euros, ce qui porte à 2 500 euros le montant total des aides accordées à cette catégorie d’étudiants ;

– étudiant qui n’est bénéficiaire ni d’une BCS ni d’une aide au mérite de l’enseignement supérieur et dont les revenus de la famille sont inférieurs ou égaux à 60 000 euros : 1 250 euros.

Ce dispositif appelle plusieurs critiques : le montant de la bourse apparaît trop faible et la durée de versement – un an – trop courte pour que l’effet en soit réellement incitatif. De plus, ce dispositif ne prend pas suffisamment en compte les critères sociaux, y compris dans leur dimension territoriale.

À l’inverse, le dispositif des emplois d’avenir professeur se veut socialement plus attractif et ciblé :

– il s’inscrit dans la durée, puisqu’il s’applique dès la deuxième année de licence ou L2 (au lieu de la seule année de M1 pour les bourses de mastérisation), la durée de référence de l’accompagnement de l’étudiant s’établissant donc à trois ans. En effet, seul un accompagnement de longue durée est en mesure d’inciter des jeunes issus de milieux défavorisés à concrétiser leur vocation d’enseignant. En outre, le choix du L2 comme année de « déclenchement » du dispositif peut se comprendre : une entrée précoce dans celui-ci, alors que le projet professionnel de l’étudiant n’est pas définitivement arrêté, serait inefficace. Dans le même temps, pour que son attractivité soit la plus forte possible, cette prise en charge doit intervenir suffisamment tôt dans le cursus. Le présent projet de loi propose donc de réserver l’entrée dans le dispositif aux étudiants inscrits en L2, qui ont pu valider une année d’études supérieures et mesurer ainsi les exigences attachées à la poursuite d’études préparant au métier d’enseignant ;

– il est réservé aux étudiants boursiers et vise en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles (ZUS) ou ayant effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l’enseignement prioritaire.

Par ailleurs, ce dispositif permettra aux étudiants concernés de bénéficier de trois types de revenus :

– la rémunération des heures de service effectuées, dans le cadre du contrat d’avenir professeur, au service de l’Éducation nationale. Financée conjointement par le ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et le ministère de l’éducation nationale, cette rémunération sera de l’ordre de 400 euros par mois ;

– les bourses de service public. Cette nouvelle aide sera allouée à chaque titulaire d’un emploi d’avenir professeur, en échange d’un engagement à préparer un concours de recrutement de personnels enseignants et à s’y présenter. Le montant de la bourse de service public s’élèvera à 2 604 euros par an, soit 217 euros par mois ;

– les bourses sur critères sociaux perçues par les titulaires des emplois d’avenir.

Ces trois revenus étant cumulables, les jeunes concernés devraient bénéficier d’un revenu net « cible » emploi d’avenir d’environ 900 euros en moyenne mensuelle, variant selon l’échelon de bourse du bénéficiaire et selon le mois dans l’année (la bourse sur critères sociaux restant servie dix mois sur douze).

Devant être appliqués sur tout le territoire, à compter du 1er janvier 2013, les dispositions de l’article 2 du présent projet de loi peuvent être ainsi résumées :

 Le public visé : un ciblage social et territorial

Les emplois d’avenir professeur s’adressent à des étudiants titulaires de bourses de l’enseignement supérieur inscrits en deuxième année de licence dans un établissement d’enseignement supérieur, âgés de vingt-cinq ans au plus et se destinant aux métiers du professorat.

Ces étudiants bénéficient d’une « priorité d’accès » aux emplois d’avenir professeur lorsqu’ils effectuent leurs études dans une académie ou dans une discipline connaissant des besoins particuliers de recrutement et qu’ils justifient :

– soit avoir résidé pendant une durée minimale dans une zone urbaine sensible (ZUS) au sens de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ;

– soit avoir effectué pendant une durée minimale une partie de leurs études secondaires dans un établissement situé dans l’une de ces zones ou dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire.

On peut considérer qu’avec de telles conditions, la mesure proposée aura un impact positif sur les quartiers défavorisés.

 Le recrutement : une procédure encadrée

Les bénéficiaires des emplois d’avenir professeur sont recrutés par les établissements publics locaux d’enseignement, après avis d’une commission chargée de vérifier leur aptitude, cette disposition étant destinée à garantir la qualité des profils des étudiants destinés à faire, dans le cadre du dispositif proposé, leurs premiers pas d’enseignants devant des élèves.

Par ailleurs, lorsqu’ils concluent des contrats pour le recrutement de ces emplois, ces établissements bénéficient d’une aide financière et des exonérations déterminées dans les conditions prévues par les articles du code du travail relatifs aux contrats d’accompagnement dans l’emploi. La demande d’aide doit décrire le contenu du poste proposé, son positionnement dans l’organisation de l’établissement d’affectation, ainsi que les compétences dont l’acquisition est visée pendant la période en emploi d’avenir professeur, et mentionner la formation dans laquelle est inscrit le jeune concerné et le ou les concours de recrutement des corps enseignants de l’éducation nationale auxquels il se destine. Enfin, l’aide est accordée pour une durée d’un an, renouvelable chaque année, dans la limite d’une durée totale de trente-six mois, sans pouvoir excéder le terme du contrat de travail.

Enfin, les bénéficiaires des emplois d’avenir professeur pourront exercer leurs fonctions dans le cadre du deuxième alinéa de l’article L. 421-10 du code de l’éducation. Cet alinéa dispose en effet que les personnes recrutées dans le cadre des contrats aidés « peuvent exercer leurs fonctions dans l’établissement qui les a recrutées, dans un ou plusieurs autres établissements ainsi que, compte tenu des besoins, dans une ou plusieurs écoles ». Dans ce dernier cas, les directeurs d’école peuvent, en toute logique, participer à la procédure de recrutement.

 Le cadre d’emploi : un parcours professionnalisant sur trois ans, un temps de travail adapté

L’emploi d’avenir professeur est conclu sous la forme d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi régi par les dispositions pertinentes du code du travail sous réserve des dispositions spécifiques prévues par le présent projet de loi :

– ce contrat est conclu pour une durée d’un an, renouvelable dans la limite d’une durée totale de trente-six mois « en vue d’exercer une activité d’appui éducatif compatible avec la poursuite des études universitaires ou la préparation aux concours du bénéficiaire d’un emploi d’avenir professeur » ;

– le bénéficiaire d’un tel emploi s’engage à poursuivre sa formation dans un établissement d’enseignement supérieur et à se présenter à un des concours de recrutement des corps enseignants de l’éducation nationale.

Le cadre de référence des contrats d’accompagnement dans l’emploi

Le contrat unique d’insertion - contrat d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) constitue la déclinaison, pour le secteur non-marchand, du « contrat unique d’insertion » (CUI). Il a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d’accès à l’emploi. À cette fin, il comporte des actions d’accompagnement professionnel ; en outre, le salarié, dans ce cadre, est accompagné par un tuteur.

Une convention individuelle, ouvrant droit au bénéfice du CUI-CAE et ne pouvant excéder le terme du contrat de travail, fixe les modalités d’orientation et d’accompagnement professionnel de la personne sans emploi recrutée dans le cadre d’un CUI-CAE et prévoit des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l’expérience (VAE) nécessaires à la réalisation de son projet professionnel. 

L’État peut contribuer au financement des actions de formation professionnelle et de VAE prévues dans la convention.

Le contrat de travail, associé à une convention individuelle de CUI-CAE, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. Le CUI-CAE porte sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits et ne peut être conclu pour pourvoir des emplois dans les services de l’État.

Selon le gouvernement, cet engagement sera matérialisé par la signature d’une convention entre l’étudiant, l’employeur et l’établissement d’enseignement supérieur dans lequel le bénéficiaire effectue ses études, et renouvelé chaque année pendant les trois ans que dure le dispositif, en même temps que le contrat.

Bien entendu, en cas de réussite au concours, le contrat prend fin de plein droit, avant son échéance normale, à la date de nomination dans le corps correspondant.

Outre que ces emplois constitueront une ressource nouvelle pour les établissements d’enseignement, qui pourront ainsi développer l’aide aux devoirs et l’accompagnement des élèves en difficulté, ils permettront un parcours de professionnalisation sur trois ans, au cours duquel les étudiants pourront bénéficier d’une entrée réellement progressive dans le métier d’enseignant.

Les missions qui seront confiées aux bénéficiaires ont en effet vocation à évoluer au fur et à mesure de la montée en compétence des étudiants afin que ceux-ci se rapprochent progressivement du métier.

Ainsi, pour les jeunes entrant dans le dispositif, les activités concernées pourront prendre la forme de missions péri-éducatives. Puis, au fur et à mesure du parcours, les fonctions au sein de l’établissement pourront être de plus en plus orientées vers la pédagogie dans la classe. En particulier, selon l’étude d’impact du projet de loi, « les formes de co-enseignement seront progressivement privilégiées, ainsi que toutes les modalités de différenciation pédagogique, prioritairement dans le cadre de la classe en co-intervention avec l’enseignant titulaire ». Celle-ci ajoute que ces « fonctions nécessiteront, notamment pour les étudiants en M1, outre le travail dans la classe, un travail de préparation, seul ou avec un tuteur, destiné à préparer des séquences pédagogiques de pratique accompagnée ».

Une telle progressivité et un tel accompagnement impliquent un tutorat, ainsi que le reconnaît, en ces termes, l’exposé des motifs du présent projet de loi : « au bout de trois ans, les étudiants seront davantage en mesure d’assurer des fonctions pédagogiques, tout en étant accompagnés par un tuteur (ce dernier pourra être issu de l’établissement scolaire dans lequel ils travaillent ou de l’établissement d’enseignement supérieur où ils étudient) ».

En ce qui concerne le temps de travail des bénéficiaires des emplois d’avenir professeur, l’article 2 du présent projet de loi prévoit qu’ils effectuent une durée hebdomadaire de travail inférieure à la durée légale du temps de travail, fixée par contrat dans la limite d’un plafond défini par décret. Par ailleurs, le contrat de travail peut prévoir que la durée hebdomadaire peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat.

Il s’agit, par ces dispositions, d’adapter la durée hebdomadaire du travail de l’étudiant bénéficiaire pour lui assurer les conditions d’un exercice professionnel compatibles avec la poursuite des études. Cette durée pourra être ainsi modulée pour tenir compte à la fois des besoins de l’employeur (périodicité de l’année scolaire) et de ceux du bénéficiaire (examens).

Enfin, ainsi que cela a déjà été précisé, la rémunération versée au titre d’un emploi d’avenir professeur est cumulable avec les bourses de l’enseignement supérieur dont l’intéressé peut par ailleurs bénéficier.

 Les mesures d’application du dispositif

Les conditions d’application de l’article 2 seront déterminées par un décret en Conseil d’État. L’étude d’impact du présent projet loi indique que ce texte réglementaire devra notamment :

– préciser la condition de la qualité de boursier (notamment l’année au titre de laquelle les candidats devront justifier être boursiers) ;

– fixer les éléments de cadrage permettant au ministre chargé de l’éducation de lister, par arrêté, les académies et les disciplines à « besoins particuliers » ;

– préciser l’autorité compétente pour accorder l’aide à la formation et à l’insertion professionnelle ;

– fixer l’engagement contractuel à suivre une formation initiale et à se présenter au concours ;

– fixer les conditions dans lesquelles il peut être mis fin au contrat par l’une ou l’autre des parties.

Par ailleurs, un décret simple devra déterminer le plafond de la durée hebdomadaire de travail, ainsi que la durée minimale de résidence en zone urbaine sensible ou de scolarisation dans un établissement de l’éducation prioritaire des étudiants bénéficiaires, les bourses de service public devant être également créées par la voie réglementaire.

Aux termes des engagements pris par le gouvernement, les emplois d’avenir professeur devraient concerner 6 000 étudiants par an dès 2013. À plein régime, ce dispositif devrait bénéficier, d’ici 2015, à 18 000 étudiants chaque année.

Il représentera un certain coût pour la Nation, mais, ainsi que le note l’étude d’impact du présent projet de loi, son impact sur les finances publiques « sera proportionnel à la montée en charge prévue sur la période 2013 -2015 et ne concernera que la mission interministérielle de l’enseignement scolaire ». En effet, la part du revenu tirée de la bourse sur critères sociaux est déjà financée sur le budget de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » et sera donc sans conséquence sur les finances publiques.

En outre, ce dispositif qui s’apparente à pré-recrutement constitue, incontestablement, un investissement indispensable pour la cohésion de l’École et, au-delà, celle du pays tout entier.

On observera, à cet égard, que, sous le précédent quinquennat, plusieurs rapports préconisant l’adoption de mesures financières fortes en faveur d’un recrutement diversifié des enseignants ont été adoptés. À commencer par celui de la Commission sur la condition enseignante, installée par Xavier Darcos, qui s’est prononcée en ces termes pour la remise en place d’instituts de préparation à l’enseignement secondaire – les IPES – pour les jeunes issus de catégories sociales défavorisées : «  Sans doute conviendrait-il de mettre en place un dispositif spécial de prérecrutement, en se référant aux IPES. Ce prérecrutement, aux modalités exigeantes mais adaptées serait dirigé vers des jeunes de catégories sociales défavorisées, souvent originaires de quartiers difficiles. Ils constitueraient un vivier d’enseignants de diversité sociale accrue, et ils formeraient une population d’enseignants plus stables dans les académies fuies aujourd’hui par les néotitulaires dès qu’ils en ont la possibilité » (5). On rappellera que l’accès aux IPES se faisait par un examen, reposait sur le versement d’une aide substantielle dès la deuxième année d’universitaire, accordait le statut d’élève professeur pendant deux à quatre ans et dispensait ses bénéficiaires de passer le concours. De son côté, la précédente majorité parlementaire a approuvé les préconisations d’un rapport appelant de ses vœux la création de bourses finançant, sur cinq ans, les études de bacheliers méritants issus des quartiers défavorisés et se destinant au professorat (6).

Les emplois d’avenir professeur ne constituent que le premier pilier de la refondation de la formation initiale des enseignants. Cette dernière doit en effet se poursuivre avec la refonte globale du système de formation et de recrutement des maîtres promise le futur Président de la République et dont les contours, parmi d’autres sujets cruciaux, font l’objet de la concertation sur la refondation de l’école lancée le 5 juillet dernier.

Ainsi que l’a souligné notre collègue Martine Faure, «  le « système » actuel de formation de formation, qui ne voit son existence prorogée que sous la contrainte de la nécessité, doit être entièrement revu. Quelques indications ont d’ores et déjà été données sur ce sujet essentiel, en particulier l’annonce de la mise en place, par la prochaine loi d’orientation et de programmation, d’« écoles supérieures du professorat et de l’éducation ». Couplée au rétablissement de l’année de stage en alternance, promise par le futur Président de la République lors de son discours du 9 février 2012, cette mesure devrait, selon la Lettre à tous les personnels de l’éducation nationale, favoriser les échanges entre la théorie et la pratique, entre la recherche pédagogique et l’exercice dans les classes, ainsi qu’entre les niveaux de formation, car tous les professeurs, de maternelle comme de lycée, partageraient des temps de formation communs » (7).

Après l’adoption, l’été dernier, du collectif budgétaire, l’examen du présent projet de loi confirme, s’il en était besoin, que le redressement de notre système éducatif constitue, avec la lutte contre le chômage, la priorité de cette législature.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède à l’examen pour avis du projet de loi portant création des emplois d’avenir au cours de sa séance du 4 septembre 2012.

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, lorsque le ministre chargé des relations avec le Parlement m’a informé que la session extraordinaire débuterait deux semaines plus tôt que prévu, j’ai souhaité, après avoir consulté les membres du Bureau de notre Commission, que celle-ci se saisisse pour avis de l’article 2 du projet de loi portant création des emplois d’avenir, avant que ce texte ne soit examiné par la Commission des affaires sociales saisie au fond, cet après-midi, puis par l’Assemblée en séance publique, sans doute mardi prochain. C’est ainsi, en effet, que nous exercerons les responsabilités qui nous incombent, comme nous l’avons fait en juillet en nous saisissant pour avis du collectif budgétaire qui aura d’importantes conséquences pour le budget de l’éducation nationale, dont la création de 1 000 postes supplémentaires pour la présente rentrée scolaire. Je remercie à nouveau Mme Martine Faure, notre rapporteure pour avis, de l’efficacité dont elle a alors fait preuve.

Voilà qui explique que vous ayez été convoqués à si bref délai, et je vous sais gré d’être venus si nombreux. Je souhaite en votre nom la bienvenue à notre collègue Stéphane Travert, venu de la Commission de la défense. Je remercie enfin chaleureusement Mme Françoise Dumas, rapporteure pour avis, du travail intense qu’elle a fourni en quelques jours seulement.

Mme Françoise Dumas, rapporteure pour avis. Mes chers collègues, c’est avec plaisir que je vous présente le dispositif des « emplois d’avenir professeur » dont notre Commission s’est saisie pour avis – je remercie notre président de cette initiative.

L’article 2 du projet de loi portant création des emplois d’avenir est destiné à accompagner les jeunes qui souhaitent poursuivre des études pour devenir enseignants, mais ne peuvent le faire faute de moyens. Il s’agit du premier pilier – celui du pré-recrutement – d’un système entièrement rénové de formation initiale et de prise de fonction des maîtres, qui reposera, conformément aux engagements du Président de la République, sur le rétablissement de l’année de stage en alternance, supprimée en 2010, et sur la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. En attendant ces mesures, le Gouvernement a souhaité tirer parti de l’examen d’un projet de loi visant à faciliter l’emploi des jeunes non diplômés pour tenter de remédier, le plus rapidement possible, aux conséquences sociales de la réforme dite de la mastérisation.

Les dysfonctionnements structurels de cette réforme ont déjà été analysés par la précédente majorité parlementaire, dans le rapport de la mission d’information sur la formation des enseignants présenté par M. Jacques Grosperrin en décembre 2011, ainsi que par la Cour des comptes dans son dernier rapport public annuel. Je me limiterai donc à évoquer la crise du recrutement qu’elle a provoquée.

Conjuguée à la réduction des postes mis au concours par le précédent Gouvernement, la mastérisation et ses conséquences, notamment les conditions déplorables d’entrée dans le métier qui en résultent, ont entraîné la diminution de moitié du nombre d’inscrits aux concours de professeur des écoles entre 2008 et 2012 et une baisse de 40 % des inscrits au CAPES sur la même période.

On peut espérer qu’à moyen terme, les choix budgétaires du nouveau Gouvernement permettront de redynamiser le recrutement des enseignants ; les inscriptions à la session 2013 ont d’ailleurs témoigné d’un renouveau des vocations. Mais, dans l’intervalle, il nous faut nous préoccuper des effets de la mastérisation sur le vivier de candidats issus de milieux modestes. L’équation est simple : il y a moitié moins d’étudiants en master qu’en licence, les étudiants boursiers sont beaucoup moins nombreux en deuxième cycle universitaire qu’en premier cycle et les enfants de cadres réussissent les études universitaires longues trois à quatre fois plus fréquemment que les enfants d’employés ou d’ouvriers.

Si nous ne faisons rien, dans quelques années, le corps enseignant sera composé de filles de cadres supérieurs qui devront enseigner à des classes de plus en plus hétérogènes. Le risque est grand de voir disparaître l’adéquation entre la composition sociologique du professorat et celle de la nation, adéquation dont le rôle dans la réussite scolaire est pourtant incontestable. En outre, ce que l’on pourrait qualifier de « clôture sociale » du recrutement irait à l’encontre d’une tradition républicaine d’ascension par le mérite dont nous sommes tous fiers – et comptables.

Sous le précédent quinquennat, plusieurs rapports ont d’ailleurs préconisé l’adoption de mesures en faveur d’un recrutement diversifié des enseignants. Ainsi la commission sur la condition enseignante, installée par M. Xavier Darcos, s’est-elle prononcée pour la résurrection des anciens instituts de préparation à l’enseignement secondaire – les IPES – à l’intention des jeunes issus de catégories sociales défavorisées.

Je me réjouis donc que le Gouvernement ait utilisé le véhicule législatif des emplois d’avenir pour instaurer un pré-recrutement qui devrait permettre de préserver le rôle de promotion sociale et républicaine des concours destinés à recruter les enseignants.

Le dispositif proposé est ciblé et rigoureusement encadré. Il bénéficiera aux étudiants boursiers âgés de vingt-cinq ans au plus et visera en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles ou ayant effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l’enseignement prioritaire. Ces jeunes devront s’engager à poursuivre leur formation dans un établissement d’enseignement supérieur et à se présenter à l’un des concours de recrutement des corps enseignants de l’éducation nationale. Cet engagement sera matérialisé par la signature d’une convention entre l’étudiant, l’employeur et l’établissement d’enseignement supérieur dans lequel le bénéficiaire effectue ses études, et sera renouvelé chaque année, en même temps que le contrat d’accompagnement.

Les étudiants concernés pourront être pris en charge pendant trois ans – c’est un point capital à mes yeux. D’une part, en effet, cette durée est assez longue pour inciter les jeunes issus de milieux modestes à concrétiser leur vocation ; c’est une différence notable avec les bourses de mastérisation créées par le précédent Gouvernement, qui n’étaient versées que pendant la première année de master. Voilà pourquoi la prise en charge, sans être précoce, débutera dès la deuxième année de licence, ce qui la rendra attractive pour les jeunes issus de quartiers défavorisés. D’autre part, la préparation à l’entrée dans le métier d’enseignant sera réellement progressive – à l’inverse de la mastérisation, qui implique une affectation directe en école ou en établissement sans véritable formation professionnelle initiale. En trois ans, les étudiants deviendront capables de gestes professionnels de plus en plus complexes. Naturellement, ils ne se verront pas confier des classes, mais, la première année, des tâches péri-éducatives, comme la surveillance, puis, les années suivantes, des tâches pédagogiques en co-intervention.

L’entrée dans le dispositif sera subordonnée à l’avis d’une commission chargée de vérifier l’aptitude des candidats. Cette disposition doit garantir la qualité des profils des étudiants destinés à faire leurs premiers pas d’enseignants devant des élèves.

En cas de réussite au concours, bien entendu, le contrat prendra fin de plein droit, avant son échéance normale, à la date de nomination dans le corps correspondant.

Enfin, les étudiants concernés bénéficieront de trois types de revenus. Premièrement, la rémunération des heures de service effectuées, dans le cadre du contrat d’avenir professeur, au service de l’éducation nationale. Financée conjointement par le ministère du travail et le ministère de l’éducation nationale, elle sera de l’ordre de 400 euros par mois. Ensuite, les bourses de service public, nouvelle aide allouée à chaque titulaire d’un emploi d’avenir professeur, en contrepartie de l’engagement à préparer un concours de recrutement de personnels enseignants et à s’y présenter ; son montant sera de 2 604 euros par an, soit 217 euros par mois. Enfin, les bourses sur critères sociaux perçues par les titulaires des emplois d’avenir. Ces trois sources de revenus étant cumulables, les jeunes concernés – soit 6 000 en 2013, puis 18 000 d’ici à 2015 – devraient bénéficier d’un revenu mensuel moyen de 900 euros environ.

Ce dispositif de pré-recrutement constitue un investissement indispensable à la cohésion de l’école et, au-delà, à celle du pays tout entier. Il pourra être amélioré par certains des amendements déposés, sur lesquels je me prononcerai au moment de leur examen. Je donnerai naturellement un avis favorable à l’adoption de l’article 2 de ce texte fondateur.

M. Yves Durand. Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je salue un rapport qui, rédigé dans un délai très bref, souligne l’ambition de l’article 2 du projet.

Le texte dans son ensemble constitue une première réponse à l’angoissant problème du taux de chômage des jeunes, dont la France détient en Europe le triste record. À ce problème s’ajoutent les difficultés rencontrées par les jeunes issus de milieux modestes qui souhaitent s’engager dans la carrière enseignante, difficultés aggravées par la mastérisation, qui, en portant à cinq ans la durée des études requises, les a rendues inenvisageables pour certaines familles aux faibles revenus. D’une part, l’inégalité des chances face à l’entrée dans l’enseignement est devenue insupportable ; d’autre part, le corps enseignant n’est plus à l’image de la nation, contrairement à ce qu’exige la refondation de l’école républicaine. De quelque quartier qu’ils viennent, quelle que soit leur situation sociale, les jeunes doivent pouvoir entrer dans l’éducation nationale quand ils le veulent et le méritent.

Telle est l’ambition principale – que nous partageons – de cet article : sans préjuger des modes de recrutement que prévoira, pour l’ensemble des jeunes, le futur projet de loi d’orientation et de programmation sur la refondation de l’école, il s’agit d’ouvrir les carrières de l’enseignement à tous, en particulier à ceux qui en étaient tenus écartés par la situation économique et sociale de leur famille.

S’y ajoute un élément nouveau, essentiel, qui s’apparente à un appel à la jeunesse : l’idée d’un contrat que l’État, la nation, la République passe avec les jeunes. « Nous sommes là pour vous aider », leur disons-nous, « nous vous tendons la main par la rémunération, par l’accès à une formation que les précédents gouvernements avaient totalement abandonnée mais, en contrepartie de cet effort consenti par la nation, nous vous demandons de vous engager à passer les concours de recrutement d’enseignants ». Voilà qui implique une conception nouvelle du rapport entre la nation et sa jeunesse, fondée sur la confiance, à l’opposé de ce qui avait cours ces dernières années.

On sait combien nous manquons d’enseignants, combien nous souffrons de la crise du recrutement – mais non d’une crise des vocations, car de nombreux jeunes souhaitent entrer dans l’éducation nationale pour consacrer leur vie à l’enseignement. Pour ces raisons, le groupe SRC émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 du projet de loi.

M. Frédéric Reiss. Mes remerciements vont à notre rapporteure pour avis qui a agi avec célérité, mais le groupe de l’Union pour un mouvement populaire regrette que l’annonce tardive de la date d’ouverture de la session extraordinaire nous ait laissé aussi peu de temps pour étudier les implications de cet article. En ce jour de rentrée scolaire, plusieurs d’entre nous sont en outre retenus dans leurs circonscriptions, ce qui est bien compréhensible.

L’emploi des jeunes est un sujet de préoccupation légitime, mais les solutions proposées aujourd’hui ne sont pas à la mesure de l’enjeu. À l’heure actuelle, la majorité tente par tous les moyens de montrer qu’elle applique le programme du candidat Hollande. Comme bon nombre de mes concitoyens, j’ai été surpris d’entendre le Président de la République reconnaître il y a quelques jours, dans un élan de sincérité, que la France traversait « une crise d’une gravité exceptionnelle, une crise longue » : le président Sarkozy le disait, et depuis fort longtemps, mais le parti socialiste ne l’a jamais admis – il n’est pire sourd, on le sait, que celui qui ne veut pas entendre… On revient aujourd’hui à la raison, et après avoir détricoté la défiscalisation des heures supplémentaires et la TVA anti-délocalisations, le parti majoritaire commence à mesurer la difficulté de la tâche. Mais, depuis que la gauche a pris le pouvoir, bien des dépenses nouvelles ont été décidées sans que l’on sache comment elles seront financées ou compensées – ainsi des créations d’emplois, à budget constant, dans la gendarmerie, la police et l’éducation.

Pour ce qui est du dispositif des emplois d’avenir professeur, je présenterai un amendement de suppression de l’article, car l’identification d’un public cible – les étudiants boursiers, et en priorité ceux d’entre eux qui ont résidé en zone urbaine sensible ou étudié en ZEP – crée une rupture d’égalité au détriment d’autres publics tout aussi méritants. En clair, un jeune qui se destine à l’enseignement mais dont les parents auraient le malheur de gagner un peu trop d’argent pour qu’il puisse prétendre à une bourse serait automatiquement exclu du dispositif. Autrement dit, en prétendant relancer l’ascenseur social par le mérite, vous portez atteinte à notre modèle républicain. Le fonctionnement des IPES était tout autre.

En outre, les enseignements privé et agricole sont écartés du dispositif : seuls les établissements publics pourront bénéficier de l’aide de 75 % accordée par l’État. Voilà qui ressemble fort à une nouvelle revanche prise sur l’enseignement privé, ce qui ne nous surprend pas après la création, votée en juillet, de 1 000 postes supplémentaires dans l’enseignement public, et de 70 seulement dans le privé, au lieu des 200 qui auraient été nécessaires au minimum pour respecter l’équilibre en usage. De deux choses l’une : soit les besoins sont avérés, auquel cas tous les établissements assurant une mission d’enseignement devraient être éligibles, qu’ils soient publics ou privés sous contrat ; soit ils ne le sont pas et il faut trouver un autre moyen de favoriser l’accès des étudiants boursiers aux concours. On sait que, dans certaines disciplines, le nombre de postes offerts au concours est supérieur au nombre de candidats, ce qui complique évidemment l’équation. Le texte mentionnant par ailleurs les seuls établissements publics locaux d’enseignement, on peut s’interroger sur la priorité accordée à l’enseignement primaire réaffirmée sur tous les tons ; nous attendrons de savoir ce que nous réserve sur ce point la grande loi de refondation de l’école.

En outre, aucune sanction n’est prévue dans le cas où l’étudiant ne respecterait pas ses engagements. Le texte passe sous silence l’importante question du recouvrement des aides versées, bourse comprise, lorsque le bénéficiaire abandonne ses études ou refuse de se présenter au concours. Il faut donc équilibrer le dispositif pour éviter des effets d’aubaine.

N’oublions pas que des 105 000 aides éducateurs recrutés sous le gouvernement Jospin au titre des « emplois jeunes », 75 % se sont retrouvés au chômage à l’issue de leur contrat de cinq ans. Un quart d’entre eux seulement ont débuté une carrière d’enseignant ou ont été recrutés par les collectivités locales qui ont pérennisé leur emploi – à leurs frais, bien entendu.

Enfin, présenter un nouveau dispositif de recrutement sans formation clairement définie nous laisse pantois. Nous prendrons position au cours des semaines à venir sur les autres mesures annoncées en matière d’éducation, dont la création des écoles supérieures du professorat.

Mme Barbara Pompili. Au nom du groupe écologiste, je félicite madame la rapporteure pour avis de son efficacité.

La lutte contre la précarité des jeunes est une priorité reconnue par tous. Si l’approche doit être globale, les emplois d’avenir constituent une première réponse dont je salue l’inscription précoce à l’ordre du jour du Parlement. Il s’agit de créer les conditions d’une première expérience professionnelle pour les jeunes peu ou non diplômés et sans emploi. Pour leur proposer un véritable « chemin vers l’emploi durable », selon l’expression de Nadia Bellaoui, présidente de la Conférence permanente des coordinations associatives, il faut intégrer la formation aux conditions prévues au contrat, mieux cibler les secteurs d’activité concernés et favoriser les contrats à plein temps. Enfin, il faut absolument associer davantage au dispositif les entreprises d’insertion et les secteurs de l’économie sociale et solidaire, qui accomplissent un travail considérable auprès des jeunes en difficulté.

On ne peut nier les effets catastrophiques de la mastérisation, conjuguée aux suppressions de postes, sur le recrutement d’enseignants – dont les étudiants issus des milieux les plus modestes ont été évincés – et sur la formation professionnelle. La création des emplois d’avenir professeur peut permettre de soutenir les étudiants les plus en difficulté et de susciter des vocations, ce qui est une bonne chose. Le dispositif nous inspire néanmoins plusieurs réserves.

Tout d’abord, cette mesure ne doit pas se faire au détriment de la réforme globale de la mastérisation, qui demeure impérative : la formation professionnelle doit être réintroduite et la question du pré-recrutement posée. En attendant cette grande réforme, les modalités de déploiement du dispositif suscitent des interrogations : est-il prévu d’aménager les cursus universitaires ? Ne risque-t-on pas de créer un système de formation à deux niveaux – d’un côté, des étudiants peu nombreux qui bénéficieront d’une petite formation professionnelle, de l’autre, une majorité privée de cette expérience ? Quels seront les moyens alloués à l’accueil des étudiants dans les établissements, à leur encadrement ? Qu’en sera-t-il, par exemple, du tutorat ? Il faut également préciser la nature des missions qui seront confiées aux bénéficiaires et qui doivent présenter un intérêt réel, notamment du point de vue pédagogique. Les modalités de recrutement suscitent elles aussi des inquiétudes qu’il convient de dissiper.

La concertation est en cours et un texte d’envergure nous sera très bientôt soumis. Peut-être faudra-t-il alors intégrer ce dispositif à la formation professionnelle et soutenir par un ambitieux système de bourses les étudiants socialement défavorisés.

Mme Marie-George Buffet. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je remercie à mon tour notre rapporteure pour avis. Je ne reviendrai pas sur la situation de la jeunesse, avec son cortège d’échecs scolaires, de chômage, de difficultés pour ceux qui poursuivent leurs études à trouver des stages et des lieux d’apprentissage, mais aussi, pour beaucoup de jeunes, le sentiment que les droits que la République accorde à chaque citoyenne et à chaque citoyen ne leur sont pas destinés. Trop souvent, en effet, on omet de répondre à leurs attentes immédiates au lieu de s’efforcer de rendre dès à présent effectifs leur droit au travail, aux études, au logement, à la santé. Au cours de la précédente législature, nous, député-e-s du groupe GDR, avions déposé une proposition de loi à ce sujet.

Je me réjouis donc que nous ouvrions nos travaux par ce dossier ; c’est un beau symbole. Naturellement, cette seule approche ne suffira pas à tout résoudre : il faudra également se préoccuper de l’emploi en général et de la refonte de l’enseignement. Mais ces débuts sont prometteurs.

L’article premier me semble pouvoir être très sensiblement amélioré. En effet, puisque nous ciblons des jeunes particulièrement touchés par les difficultés sociales et scolaires, nous devons leur garantir l’accès à un emploi stable, un accompagnement et une formation qualifiée plus poussés, et nous efforcer d’éviter tout effet d’aubaine. Ma nature optimiste me pousse par ailleurs à penser, puisque sont mentionnées collectivités territoriales et associations, que le Gouvernement a l’intention d’accroître fortement la dotation globale de fonctionnement des premières et les subventions accordées aux secondes, notamment à celles qui accueillent déjà les volontaires du service civique…

Quant à l’article 2, dont notre Commission s’est saisie, il reconnaît que le recrutement dans l’éducation nationale – qui sera traité de manière globale dans la loi de programmation et d’orientation qui devrait nous être soumise avant la fin de l’année – doit reposer, comme le soutiennent les syndicats, sur le pré-recrutement d’étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement. Il vise en outre à démocratiser l’accès à ces métiers, ce dont on se félicitera. Mais, pour instituer un véritable pré-recrutement, il faut privilégier l’option des contrats de droit public et d’un statut d’élève-professeur offrant à ses bénéficiaires la formation et l’encadrement nécessaires pour réussir les concours ; il faut également s’attaquer aux conditions sociales de la vie étudiante, en particulier au problème du logement, en développant les cités universitaires publiques.

Je crains par ailleurs que le recrutement des jeunes par les seuls établissements ne contribue à les enfermer dans le quartier où ils habitent et où ils ont été scolarisés. La diversification du recrutement et son extension géographique leur permettraient au contraire de découvrir d’autres villes et favoriserait la mixité. J’ai déposé un amendement à ce sujet.

Ces jeunes ne sont pas encore enseignants, mais poursuivent une formation pour le devenir ; afin d’éviter tout effet d’aubaine, ils ne doivent donc pas être autorisés à remplacer un enseignant souffrant, mais exercer d’autres tâches qui restent à définir. Il en va de même de leur temps de travail, dont le texte se borne à indiquer qu’il ne doit pas être supérieur à la durée légale. Un autre de nos amendements vise à en préciser la durée maximale afin de préserver le temps nécessaire à l’étude.

C’est dans un esprit résolument constructif que le groupe GDR propose ces amendements. Nous nous prononcerons sur l’ensemble du texte à l’issue de la discussion des articles, mais nous émettrons un avis favorable à l’adoption de l’article 2.

M. Pascal Deguilhem. Comme l’a souligné M. Yves Durand, la réforme du recrutement et de la formation des enseignants qu’implique la rénovation de l’école ne se limitera pas au dispositif des emplois d’avenir professeur. Que notre collègue Reiss, en particulier, se rassure : celui-ci ne constitue, nous l’avons dit, qu’une forme de pré-recrutement.

Combien d’étudiants issus de milieux défavorisés ou de zones sensibles doivent interrompre des études universitaires, parfois engagées au prix de lourds sacrifices, faute de pouvoir les concilier avec les « petits boulots » insatisfaisants qui leur apportent une indispensable rémunération ? Si rupture d’égalité il y a, et il est légitime de s’en inquiéter, c’est parce que l’on a élevé le recrutement au niveau du master sans prévoir le moindre dispositif pour venir en aide à ces jeunes. Il est donc urgent d’inverser ce processus. C’est ce que tente de faire le texte, sans prétendre panser toutes les blessures dont les jeunes, mais aussi l’école, ont été victimes.

Madame la rapporteure pour avis, le texte indique-t-il assez précisément que la rémunération des bénéficiaires comportera trois parties – les 400 euros dont vous avez parlé, une bourse spécifique et une part variable qui dépendra de l’échelon de la bourse universitaire ? D’autre part, un dispositif de recrutement au niveau académique, au-delà des seuls établissements publics locaux d’enseignement, ne permettrait-il pas d’écarter le risque d’enfermement évoqué par Mme Marie-George Buffet ?

M. Malek Boutih. Ce dernier point est essentiel. De nombreuses zones défavorisées souffrent de leur enclavement. La nouvelle génération d’étudiants qui se prépare à rejoindre, pour y enseigner, l’école de la République, doit bénéficier de la tradition républicaine du mélange et de la confrontation. Ils en tireront profit tout autant que les établissements concernés et leurs élèves.

Mme Annie Genevard. Pour définir le public cible, le texte mentionne les zones urbaines sensibles et les zones d’emploi dans lesquelles le taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans est supérieur à la moyenne nationale. Je suis surprise que les territoires ruraux n’y figurent pas. Si les zones de revitalisation rurale sont potentiellement concernées, pourquoi ne pas le dire ? Là aussi se trouvent des jeunes gens défavorisés, en recherche d’emploi, susceptibles d’être intéressés par le métier d’enseignant. L’équité sociale et territoriale impose qu’ils soient également pris en considération.

Mme la rapporteure pour avis. Nous souhaitons tous que le dispositif soit le plus ouvert possible aux jeunes dont les difficultés sont les plus grandes, notamment ceux des quartiers défavorisés, sur l’ensemble de notre territoire. Je sais d’expérience qu’ils souffrent d’une violente perte de confiance en soi, au point de n’avoir plus l’élan de pousser les portes tant ils se sentent rejetés ou victimes de discriminations. L’article 2 du projet vise à leur donner très vite de nouvelles possibilités, et l’annonce même du projet a eu un impact, comme le montre l’augmentation du nombre des candidats inscrits aux concours de recrutement pour 2013. Nous devons nous employer à ce que tous les jeunes de notre pays reprennent goût au travail et se sentent pleinement concernés par la vie de la nation au lieu que, comme c’est le cas actuellement, beaucoup d’entre eux, bien que diplômés et parfois surdiplômés, ne parviennent pas à s’imposer sur le marché du travail. Il est donc important, sur le plan symbolique, que les travaux de cette session parlementaire commencent par l’examen d’un texte qui contribuera à refonder l’école républicaine tout en combattant certaines formes de rejet. Le projet, qui tient compte à la fois de l’origine territoriale des étudiants et des besoins spécifiques des académies, doit être ardemment défendu.

Le dispositif retenu est fiable puisqu’il vise des publics bien définis sur les plans social et territorial. Quant aux recrutements, ils concerneront aussi bien les écoles primaires que le second degré. La demande d’aide à la formation devra inclure la description des compétences dont l’acquisition est visée. Les jeunes gens seront recrutés par les établissements qui les accueilleront, sur la base de contrats de droit privé, après que leur aptitude aura été vérifiée par une commission dont la composition, définie par décret, comprendra en majorité des personnels de l’académie considérée.

Enfin, je partage le point de vue plusieurs fois exprimé selon lequel ce projet représente le premier pilier d’une politique beaucoup plus large : il nous faudra faire bien davantage pour rénover la formation des maîtres.

EXAMEN DE L’ARTICLE

TITRE IER

EMPLOIS D’AVENIR

Article 2

Emplois d’avenir professeur

La Commission est saisie de l’amendement 1 AC de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Le public cible de ce dispositif doit être redéfini, sous peine de créer une rupture d’égalité avec d’autres étudiants tout aussi méritants. Il faut par ailleurs étendre la possibilité de proposer des emplois d’avenir professeur aux établissements d’enseignement privé et agricole. Enfin, des sanctions doivent être définies pour le cas où l’étudiant bénéficiaire d’un tel contrat ne tiendrait pas ses engagements. En l’état, le dispositif, outre qu’il est inachevé, porte atteinte au principe d’égalité républicaine. C’est pourquoi je propose par cet amendement la suppression de l’article.

Mme la rapporteure pour avis. Je ne partage évidemment pas ce point de vue. Nous défendons un dispositif ciblé car nous savons où se posent, pour l’essentiel, les problèmes « sociaux » de recrutement ; c’est pourquoi nous visons les étudiants boursiers et originaires de certains territoires ; et, selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, des situations différentes peuvent appeler des traitements différenciés. Avis, donc, défavorable.

M. Yves Durand. Je m’étonne de la disproportion entre l’exposé des motifs de l’amendement et la proposition de suppression de l’article qui en découle. Certes, tous les sujets abordés peuvent prêter à discussion. Cependant, comme M. Reiss le sait fort bien, les sanctions sont d’ordre réglementaire ; quant au champ géographique des publics visés, il peut être redéfini lors de la rédaction des décrets d’application. Et l’on voudrait, pour ces seuls motifs, faire fi de l’extraordinaire ambition et de l’appel à la jeunesse que constitue ce texte ? L’amendement relève bien davantage d’un positionnement politique que du souci réel de remédier au chômage des jeunes ; je le regrette.

Mme Annie Genevard. Je regrette tout autant que, dans votre propos liminaire, monsieur Durand, vous ayez décrit la France comme le pays européen champion du chômage des jeunes, ce qui n’est pas démontré, et laissé entendre que le précédent gouvernement n’aurait rien fait pour lutter contre ce fléau.

Mme Martine Martinel. Le texte nous invite à traiter d’un problème capital. Dans ce contexte, l’heure ne me semble pas être à la déploration d’une législature – faut-il le rappeler ? – défunte.

La Commission rejette l’amendement 1 AC.

Elle est ensuite saisie de l’amendement 8 AC de M. Yves Durand.

M. Yves Durand. L’amendement tend à étendre le recrutement sur des emplois d’avenir aux étudiants de licence 3 et de master 1 issus des milieux les plus modestes et des territoires les moins favorisés. Certains de ces jeunes gens pourraient vouloir s’engager dans l’enseignement à ce stade et il serait dommage de les priver de cette possibilité alors que nous manquons d’enseignants. De plus, il y a urgence à amener à l’enseignement le maximum d’étudiants qui en ont la volonté et les capacités.

Mme la rapporteure pour avis. Avis favorable à un amendement que la gravité de la situation commande d’adopter.

La Commission adopte l’amendement 8 AC.

Elle est ensuite saisie de l’amendement 7 AC de M. Yves Durand.

M. Yves Durand. L’amendement vise à ce qu’aucune limite d’âge ne soit opposée aux étudiants handicapés.

Mme la rapporteure pour avis. Avis évidemment favorable.

M. Marcel Rogemont. Ne faudrait-il pas aller plus loin en décidant qu’un certain pourcentage des emplois d’avenir - 6 pour cent par académie, par exemple - sera réservé à des personnes handicapées ?

M. Yves Durand. Le texte fixe un cadre législatif en réaffirmant avec force de grands principes déjà énoncés dans la loi sur le handicap. Je ne suis pas certain qu’il soit opportun de figer le dispositif en instaurant un pourcentage fixe de contrats réservés aux personnes handicapées, mais rien n’interdit une discussion avec le ministre visant à ce que cette question soit précisée par la voie réglementaire.

La Commission adopte l’amendement 7 AC à l’unanimité.

La Commission est saisie de l’amendement 2 AC de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Les recrutements doivent se faire de manière que chacun ait les mêmes chances, et les postes ouverts par ces contrats doivent être répartis sur l’ensemble du territoire. Le respect du principe de l’égalité de traitement demande que l’on ne crée pas un nouvel enfermement tel que les jeunes visés par ce dispositif en viennent à enseigner dans les seuls établissements où ils ont eux-mêmes été élèves. Je rappelle la proposition de la FSU à cette fin : elle suggère que les universités diffusent l’appel d’offres lancé par l’éducation nationale et apprécient la recevabilité des candidatures, lesquelles seraient ensuite examinées, validées et classées par une commission composée d’inspecteurs du premier et du second degré, avant l’affectation des lauréats par l’instance académique – et non par un chef d’établissement ou par une commission locale. Je souhaite des assurances à ce sujet.

Mme la rapporteure pour avis. Il faut, bien sûr, assurer l’égalité de traitement mais, pour cela, je pense plus sage de laisser le ministre de l’éducation nationale déterminer par décret en Conseil d’État la composition de la commission chargée de rendre un avis sur le recrutement des étudiants concernés. En effet, il ne s’agit pas de recruter des fonctionnaires – ce qui supposerait l’intervention d’instances paritaires – mais des étudiants, par le biais de contrats de droit privé. En outre, l’amendement ne définit pas assez précisément la procédure proposée pour que l’on sache comment se ferait le pilotage « en lien avec le rectorat ». Il faut faire confiance au ministre, dont on peut penser qu’il prévoira d’associer le recteur et les inspecteurs de l’éducation nationale ou d’académie à la procédure de recrutement.

Mme Barbara Pompili. Sans doute l’amendement ne peut-il être adopté dans sa rédaction actuelle ; il n’empêche que les modalités du recrutement suscitent des inquiétudes largement partagées.

Mme Marie-George Buffet. Le problème tient à la définition d’un dispositif de recrutement spécifique, par des contrats de droit privé, alors que nous serons sous peu appelés à examiner une loi d’orientation et de programmation pour l’école qui instituera vraisemblablement un autre mode de pré-recrutement. La garantie doit donc être apportée que le dispositif que nous examinons ne sera pas source de discriminations supplémentaires. Sur ce point, la réponse du ministre sera déterminante.

M. Yves Durand. Je partage les préoccupations exprimées : les jeunes ne doivent pas se trouver en quelque sorte contraints d’aller démarcher l’établissement avec lequel ils souhaitent contracter. Toutefois, s’il était adopté, l’amendement tel qu’il est rédigé risquerait la censure du Conseil constitutionnel puisqu’il ne s’agit pas de recruter des fonctionnaires. Il pourrait être utile de préciser par voie réglementaire que la commission chargée de vérifier l’aptitude des candidats sera aussi appelée à répartir les emplois d’avenir professeur au sein de chaque académie. Je ne doute pas que cette proposition sera reprise lors de la discussion en séance publique.

Mme Marie-George Buffet. Dans l’attente de ce débat, je retire l’amendement.

L’amendement 2 AC est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement 3 AC de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement tend à garantir le caractère obligatoire de la formation.

Mme la rapporteure pour avis. Avis favorable à l’amendement, qui renforce le texte.

La Commission adopte l’amendement 3 AC.

La Commission est saisie de l’amendement 4 AC de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement tend à préciser les modalités du tutorat et à y associer l’université.

Mme la rapporteure pour avis. L’emploi d’avenir professeur prend la forme d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi, lequel prévoit déjà que tout salarié est accompagné par un tuteur. Par ailleurs, si un enseignant tuteur est prévu pour chaque étudiant, chacun devra être déchargé d’une partie de son service d’enseignement, ce qui consommera une partie des 60 000 emplois qui doivent être créés dans l’enseignement ; or, nous sommes tous d’accord pour dire que ces créations de postes doivent privilégier les moyens d’enseignement dans le primaire.

Mme Barbara Pompili. Je ne mésestime pas le problème des moyens, mais l’on ne pourrait se satisfaire que les jeunes gens recrutés grâce à ce dispositif se trouvent ensuite dans les établissements sans encadrement. Le tutorat est indispensable – et pourquoi les tuteurs ne seraient-ils pas issus des universités ? C’est une bonne idée, et je soutiens l’amendement.

M. Yves Durand. Si le tutorat est d’évidence nécessaire, je considère que, dans le cadre d’une formation professionnelle, le tuteur doit être issu de l’enseignement auquel le jeune recruté est appelé à se former. Je suis, pour cette raison, opposé à l’amendement.

M. le président Patrick Bloche. Chacun s’accorde donc à reconnaître la nécessité du tutorat mais les avis divergent sur le point de savoir si ses modalités doivent être décrites de manière aussi précise que le fait l’amendement. Je ne doute pas que le débat sur ce point se prolongera en séance publique.

Mme Marie-George Buffet. Dans cette attente, je retire l’amendement.

L’amendement 4 AC est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement 5 AC de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’amendement tend à préciser le rôle des étudiants recrutés dans le cadre de ce dispositif. La FSU est très soucieuse d’éviter que l’on ne constitue par ce biais un vivier dans lequel on puisera à bon compte pour remplacer les enseignants absents.

Mme la rapporteure pour avis. La définition des missions devant être confiées aux étudiants ne relève pas du domaine de la loi. D’autre part, chacun voudra bien convenir que, compte tenu des engagements qu’il a pris et de ses convictions politiques, le ministre de l’éducation nationale n’a aucunement l’intention de développer l’emploi précaire dans l’enseignement. L’étude d’impact du projet de loi sur la nature des tâches qui pourraient être confiées aux étudiants bénéficiant d’un emploi d’avenir professeur les définit comme il suit : après la première année, qui sera centrée sur les tâches péri-éducatives, « les formes de co-enseignement seront progressivement privilégiées, ainsi que toutes les modalités de différenciation pédagogique, prioritairement dans le cadre de la classe en co-intervention avec l’enseignant titulaire. Ces fonctions nécessiteront, notamment pour les étudiants en master 1, outre le travail dans la classe, un travail de préparation, seul ou avec un tuteur, destiné à préparer des séquences pédagogiques de pratique accompagnée ».

Nous demanderons au Gouvernement de confirmer cette orientation. Dans l’intervalle, avis défavorable.

Mme Annie Genevard. Je n’approuve ni l’esprit ni la lettre de l’amendement. Il faut faire confiance aux chefs d’établissement et leur allouer un minimum d’autonomie dans l’attribution des tâches aux emplois d’avenir professeur ; pourquoi ce qui vaut pour des enseignements techniques ne vaudrait-il pas pour l’enseignement général ? D’autre part, il a été répété au cours de ce débat qu’il faut faire confiance aux jeunes ; quelle plus belle marque de confiance que de les mettre face à une classe, après que le chef d’établissement a apprécié leur aptitude, pour remplacer de manière temporaire un enseignant absent ? Pourquoi devrait-on se priver de recourir à un jeune qui a fait ses preuves en laissant des élèves sans enseignant ?

M. Yves Durand. Toute la question est de savoir quelle doit être la part de professionnalisation dans la formation des enseignants. Il n’est pas aberrant d’imaginer qu’un jeune en master 2, puisqu’il va passer un concours de recrutement d’enseignant, se trouve devant une classe. Cependant, il n’a pas vocation à se substituer à un enseignant remplaçant. Je comprends la préoccupation de la FSU et des autres syndicats à ce sujet mais, dans sa rédaction actuelle, l’amendement interdirait l’apport que représente le contact, encadré, avec une classe et donc, en réalité, le tutorat en master 2. Je demande donc à Mme Buffet de le retirer pour ne pas obérer la réflexion sur la professionnalisation de la formation des enseignants.

Mme Marie-George Buffet. Si l’on en est à penser, madame Genevard, que le chef d’établissement peut décider si tel étudiant ou tel autre peut prendre une classe en charge, à quoi bon maintenir les concours ? Si c’est ce à quoi doit mener l’autonomie des établissements, c’est très inquiétant pour la qualité de l’éducation nationale.

Je retire l’amendement, que je présenterai, dans une nouvelle rédaction, lors de la discussion en séance publique.

L’amendement 5 AC est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement 6 AC de Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. L’article définit de manière très floue la durée hebdomadaire maximale de travail à laquelle seront astreints les bénéficiaires d’un emploi d’avenir professeur. Parce que les jeunes gens doivent pouvoir étudier dans les meilleures conditions, l’amendement propose d’introduire une durée plafond.

Mme la rapporteure pour avis. L’article prévoit que les étudiants considérés effectuent une durée hebdomadaire de travail inférieure à la durée légale du temps de travail, fixée par contrat dans la limite d’un plafond défini par décret. Il prévoit aussi que l’emploi d’avenir est conclu en vue d’exercer une activité d’appui éducatif compatible avec la poursuite d’études ou la préparation aux concours. Le temps de travail de ces étudiants sera donc encadré par la loi, le pouvoir réglementaire et le contrat, ce qui explique mes réserves sur cet amendement.

M. Frédéric Reiss. Mme Buffet fait état, à juste titre, du flou qui entoure la durée hebdomadaire maximale de travail attendu de ces étudiants ; or, le même flou prévaut qu’il s’agisse de la formation, du tutorat, des modalités de recrutement… Il est très généreux de vouloir offrir des emplois à des étudiants et de chercher à susciter des vocations pour l’enseignement mais le texte laisse un sérieux sentiment d’inachevé, qui suscite un réel malaise au sein même de la majorité – laquelle comprend certainement pourquoi j’avais demandé la suppression de l’article.

M. Yves Durand. Bien que réservé, comme Mme la rapporteure pour avis, à propos de cet amendement, ne serait-ce que parce que le temps de travail varie selon qu’il s’agit d’établissements primaires ou secondaires, je suis cependant favorable à son adoption ; il appartiendra ensuite à la Commission des affaires sociales, saisie au fond, de trancher.

M. le président Patrick Bloche. Souhaitez-vous, madame la rapporteure, préciser votre avis ?

Mme la rapporteure pour avis. Je demeure partagée, mais prête à donner un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement 6 AC.

Elle donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la commission des affaires culturelles et de l’éducation émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 du projet de loi n° 146.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1 AC présenté par M. Frédéric Reiss

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement n° 2 AC présenté par Mme Marie-George Buffet

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 12 :

« Art. L. 5134-119. – Les bénéficiaires des emplois d’avenir professeur sont recrutés par les établissements publics locaux d’enseignement, après avis d’une commission paritaire en lien avec un pilotage du rectorat de l’académie. Ils peuvent exercer leurs fonctions dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l’article L. 421-10 du code de l’éducation. »

Amendement n° 3 AC présenté par Mme Marie-George Buffet

Article 2

À la dernière phrase de l’alinéa 16, après le mot : « mentionne », insérer le mot : « obligatoirement ».

Amendement n° 4 AC présenté par Mme Marie-George Buffet

Article 2

Compléter l’alinéa 16 par la phrase suivante :

« Les étudiants bénéficient d’un tutorat au sein de l’établissement scolaire dans lequel ils travaillent. »

Amendement n° 5 AC présenté par Mme Marie-George Buffet

Article 2

Compléter l’alinéa 22 par la phrase suivante :

« L’activité exercée ne peut en aucun cas consister en une activité d’enseignement ou de remplacement d’un enseignant ».

Amendement n° 6 AC présenté par Mme Marie-George Buffet

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 23 :

« Art. L. 5134-124. – Le bénéficiaire d’un emploi d’avenir professeur effectue une durée hebdomadaire de travail adaptée inférieur à la moitié de la durée légale du temps de travail. »

Amendement n° 7 AC présenté par M. Yves Durand et les commissaires membres du groupe SRC

Article 2

Compléter l’alinéa 7 par la phrase suivante :

« , le critère d’âge ne s’applique pas aux étudiants atteint d’un handicap reconnu par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. ».

Amendement n° 8 AC présenté par M. Yves Durand et les commissaires membres du groupe SRC

Article 2

A la première phrase de l’alinéa 7, après les mots : « inscrits », insérer les mots : « au moins », et après les mots : « en deuxième année de licence », insérer les mots : « et au plus en Master 1 ».

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