N° 241 - Rapport de M. Dominique Tian sur la proposition de loi de M. Christian Jacob et plusieurs de ses collègues relative à l'aide médicale d'Etat (145)



N° 241

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 octobre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l’aide médicale de l’État (n° 145),

PAR M. Dominique Tian,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 145

A. LA NÉCESSITÉ DU MAINTIEN D’UN RÉGIME DE PROTECTION SPÉCIFIQUE TEL QUE L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT 5

B. CEPENDANT, FACE AU FORT DYNAMISME DES DÉPENSES, L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT DOIT ÊTRE RÉGULÉE ET MIEUX CONTRÔLÉE 8

C. SON BÉNÉFICE DOIT ÉGALEMENT OBÉIR À DES PRINCIPES D’ÉQUITÉ 9

D. LE BÉNÉFICE DE L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT DOIT ENFIN ÊTRE MIEUX CONTRÔLÉ 12

II.- DES EFFORTS MIS À MAL PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DU 16 AOÛT 2012 15

A. LES MESURES MISES EN œUVRE POUR RÉGULER LES DÉPENSES D’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT ONT PORTÉ LEURS FRUITS 15

B. LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DU 16 AOÛT 2012 : UNE RÉFORME AUX EFFETS DÉLÉTÈRES 17

C. LES MESURES PROPOSÉES PAR LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI 18

1. Un guichet unique pour l’aide médicale de l'État, afin d’améliorer les contrôles 18

2. Le rétablissement de l’agrément préalable pour les soins hospitaliers et son élargissement aux soins de ville 18

3. La participation minimale aux soins des bénéficiaires de l’aide médicale de l'État 18

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 19

II.- EXAMEN DES ARTICLES 25

Article 1er(Art. L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles) : Rétablissement du guichet unique pour les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État 25

Article 2 (Art. L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles) : Rétablissement de l’agrément préalable en cas de soins hospitaliers coûteux 27

Article 3 (Art. L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles) : Paiement des franchises médicales par les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État 28

TABLEAU COMPARATIF 33

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 37

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 43

L’aide médicale de l’État (AME) est destinée à permettre l’accès aux soins de personnes qui ne sont pas juridiquement en position de bénéficier de la couverture maladie de base ou de la protection au titre de la couverture maladie universelle (CMU).

La mise en place de ce dispositif spécifique d’accès aux soins est le fruit d’une évolution historique qu’il n’est pas inutile de rappeler.

Pour mémoire, il existait à l’origine, en 1953, un dispositif unique d’aide médicale gratuite finançant les dépenses liées aux soins délivrés aux personnes non affiliées à l’assurance maladie, qu’elles soient en situation régulière ou non. Ce dispositif a été transféré en 1984 aux départements dans le cadre de la décentralisation et dénommé aide médicale départementale (AMD).

La loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, a introduit une condition de régularité de séjour pour bénéficier de l’assurance maladie, ce qui a automatiquement placé les personnes sans-papiers sous le régime de l’aide médicale départementale.

La loi du 27 juillet 1999 créant la couverture maladie universelle (CMU) a maintenu cette différenciation, en n’étendant pas ce nouveau droit à l’ensemble des bénéficiaires de l’aide médicale départementale. Le législateur a donc, de manière complémentaire, créé un dispositif spécifique financé sur crédits budgétaires pour prendre en charge les soins des étrangers en situation irrégulière.

Depuis, le principe d’un double « régime » de protection sociale en fonction de la régularité de la présence sur le territoire des personnes concernées n’a été remis en cause par aucun Gouvernement.

Ainsi l’aide médicale de l’État concerne aujourd’hui :

– les étrangers résidant en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois, mais qui ne remplissent pas la condition de régularité de séjour et dont les ressources ne dépassent pas le seuil d’admission à la CMU complémentaire, soit aujourd’hui 661,17 euros mensuels pour une personne seule et 991,83 euros pour deux personnes (1). Il faut noter qu’en vertu de la Convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990, les mineurs ne sont soumis à aucune condition de résidence.

– les personnes ne résidant pas habituellement en métropole ou dans les départements d’outre-mer, mais admises individuellement par décision ministérielle à titre humanitaire lorsque leur état de santé le justifie ; elles ne sont pas soumises à condition de ressources ;

– les personnes gardées à vue sur le territoire français, qu’elles résident ou non en France, si leur état de santé le justifie ; elles ne sont pas soumises à condition de ressources.

Les frais couverts au titre de l’AME sont définis par référence aux prestations de l’assurance maladie. Les bénéficiaires sont dispensés de l’avance des frais et de la participation forfaitaire fixée à un euro par acte ou consultation. De même, ils ne sont pas redevables de la franchise médicale forfaitaire s’appliquant aux médicaments, aux actes des auxiliaires médicaux et aux transports sanitaires. La prise en charge s’effectue dans la limite des tarifs de responsabilité des organismes d’assurance maladie. Enfin, les prestations couvertes par l’AME obéissent à des conditions particulières (2).

Votre rapporteur estime qu’il est nécessaire de maintenir un régime spécifique d’accès aux soins, sous conditions, pour les personnes en situation irrégulière.

Le bénéfice de l’AME obéit en effet à des impératifs évidents de santé publique et à un certain « pragmatisme médico-économique ».

Par ailleurs, votre rapporteur reprend à son compte la position des rapporteurs du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’aide médicale de l’État, MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue (3), qui estiment que « compte tenu de la population concernée, très spécifique, une fusion du dispositif dans celui de la CMU, qui aurait peut-être un sens du point de vue de la politique de santé publique, serait inopportune. Le régime de l’AME semble adapté aux caractéristiques de cette population, peut limiter certains excès grâce à ses conditions d’accès et enfin permet de maintenir une distinction administrative et symbolique entre les personnes en situation irrégulière et les étrangers disposant d’un titre de séjour ».

Il ne s’agit donc pas de remettre en cause l’AME dans ses fondements.

Les prestations couvertes par l’aide médicale de l’État

1o Panier de soins pris en charge, totalement ou partiellement, au titre de l’AME :

– les frais de médecine générale et spéciale ;

– les frais de soins et de prothèses dentaires ;

– les frais pharmaceutiques et d’appareils. Sauf exception, la prise en charge des médicaments est subordonnée à l’acceptation d’un médicament générique ;

– les frais d’analyses et d’examens de laboratoire, y compris la couverture des frais relatifs aux actes d’investigation individuels ;

– les frais d’hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d’éducation professionnelle ;

– les frais d’interventions chirurgicales nécessaires pour l’assuré et les membres de sa famille, y compris la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais d’analyses et d’examens de laboratoire ordonnés en vue de prescriptions contraceptives ;

– la couverture des frais de transport de l’assuré ou des ayants droit se trouvant dans l’obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir des examens ;

– la couverture des frais de soins et d’hospitalisation afférents à l’interruption volontaire de grossesse ;

– les frais relatifs aux examens de dépistage effectués au titre des programmes de santé publique prévus par l’article L. 1411-2 du code de la santé publique ;

– les frais relatifs aux vaccinations dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ;

– les frais d’examen médicaux prénuptiaux, prénataux et de la petite enfance ;

– le forfait journalier normalement supporté par les personnes admises dans des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, à l’exception des unités et centres de long séjour.

2o Exclusion de certains frais et dispositions propres aux médicaments

– les frais relatifs aux cures thermales et ceux afférents à l’assistance médicale à la procréation (actes techniques, examens de biologie médicale, médicaments et produits) sont exclus de la prise en charge par l’AME ;

– la prise en charge à 100 % des frais de médicaments est subordonnée à l’acceptation par le bénéficiaire de l’AME des médicaments génériques existants, sauf lorsqu’il s’agit de groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité ; lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ; enfin, si le prescripteur a exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par une mention expresse portée sur la prescription.

Cependant, face au fort dynamisme des dépenses, et aux efforts demandés à l’ensemble de nos concitoyens pour assurer la pérennité de notre protection sociale, il est évident que la légitimité de l’AME implique sa régulation.

L’AME a été mise en place en 2000. Depuis sa création, une progression préoccupante des dépenses et des bénéficiaires s’est fait jour. Le nombre de bénéficiaires majeurs de l’AME s’élevait au 31 décembre 2011 à 172 160, au lieu de 79 361 au 31 décembre 2000. Les dépenses sont passées de 138 millions d’euros en 2000 à 633 millions d’euros en 2011, soit un quasi quadruplement.

Les dépenses au titre de l’AME ont connu dernièrement un fort dynamisme, dont témoigne le tableau ci-dessous. Plus particulièrement, une forte augmentation des dépenses a été enregistrée en 2009 (+ 13,3 %), pour atteindre 540 millions d’euros, et en 2010 (+ 12,3 %), ne pouvant s’expliquer par la seule hausse des bénéficiaires.

Évolution du coût de l’aide médicale de l’État

(en millions d’euros)

 

2006

2007

%

2008

%

2009

%

2010

%

2011

%

2012

%

Total ouverture des crédits

236,5

240,3

1,6

514,5

114,1

872,3

69,5

635,5

– 27,2

592,1

– 6,8

588,0

– 0,7

Dotation LFI

233,5

233,5

0,0

413,0

76,9

490,0

18,6

535,0

9,2

588,0

9,9

588,0

0,0

dont AME droit commun

188,5

188,5

0,0

348,0

84,6

436,0

25,3

481,0

10,3

540,0

12,3

543,0

0,6

dont soins urgents

20,0

20,0

0,0

40,0

100,0

40,0

0,0

40,0

0,0

40,0

0,0

40,0

0,0

dont AME autres

25,0

25,0

0,0

25,0

0,0

14,0

– 44,0

14,0

0,0

8,0

– 42,9

5,0

– 37,5

Reports n-1

0,5

0,0

 

1,3

 

1,3

 

0,0

 

1,6

 

0,0

 

Redéploiements (autres actions du programme)

2,5

6,8

172,8

6,0

– 12,0

2,5

– 58,3

2,5

0,0

2,5

0,0

 

– 100,0

Dotation LFR

0,0

0,0

 

94,2

 

378,5

 

98,0

 

?

     

Consommation effective des crédits

236,5

240,3

1,6

513,1

113,5

871,0

69,8

635,5

– 27,0

592

– 6,8

588

– 0,7

dont AME droit commun

192,5

205,4

6,7

462,3

125,1

824,7

78,4

589,3

– 28,5

550

– 6,8

543

– 1,2

dont soins urgents

20,0

20,0

0,0

40,0

100,0

40,0

0,0

40,0

0,0

40

0,0

40

0,0

dont AME autres

24,0

14,9

– 37,8

10,8

– 27,7

6,4

– 41,0

6,2

– 2,7

3

– 58,7

5

95,6

Dépenses

                         

AME droit commun (CNAMTS)

458,8

469,7

2,4

476,5

1,5

540,1

13,3

580,2

7,4

591

1,8

548

– 7,2

Soins urgents (CNAMTS)

45,3

116,8

158,1

86,9

– 25,6

84,2

– 3,2

76,0

– 9,7

76

0,0

76

0,0

AME autres

24,0

14,9

– 37,8

10,8

– 27,7

6,4

– 41,0

6,2

– 2,7

3

– 59,6

3

0,0

Droit de timbre, à partir du 1er mars 2011

4

 

5

 

Dépenses à la charge de l’État

502,7

504,6

0,4

527,3

4,5

586,5

11,2

626,4

6,8

633,3

1,1

591

– 6,8

Dette annuelle

266,3

264,3

– 0,7

14,2

– 94,6

– 284,5

–2 098,1

– 9,1

– 96,8

38

–513,0

0

– 

Dette cumulée

920,2

264,3

– 71,3

278,5

5,4

– 6,0

– 102,2

– 15,1

151,7

23

–248,9

22

– 1,8

Source : direction de la sécurité sociale

Le maintien du dispositif d’AME ne dispense pas de faire des efforts de gestion et de contrôle, afin de mieux réguler son accès.

Par ailleurs, le bénéfice de l’AME doit obéir à des principes d’équité.

Sur ce point, un certain nombre de critiques sont apparues, qui fustigent la différence de traitement entre les bénéficiaires de l’AME d’un côté, les étrangers en situation régulière et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle, de l’autre, mais surtout les personnes relevant du régime général ne bénéficiant pas de la couverture maladie universelle complémentaire.

Pour mémoire, le bénéficiaire de l’AME a consommé en 2008 1 741 euros de soins, là où le bénéficiaire du régime général a consommé 1 580 euros. Or leurs droits ne sont pas les mêmes, comme en témoigne le tableau ci-dessous, tiré du rapport parlementaire précité sur l’AME.

Comparatif de la prise en charge des dépenses de santé remboursables

Cas d’une personne adulte non enceinte et non atteinte d’ALD, en métropole

 

Bénéficiaire de l’AME
(moins de 634 euros/mois pour un foyer d’une personne)

Assuré CMUc
(moins de 634 euros/mois pour un foyer d’une personne)

Assuré du régime général,
aux ressources de 800 euros,
ne bénéficiant pas d’une aide à la complémentaire
(seuil ressources CMUc majoré de 26 %)
et n’ayant pas souscrit d’assurance complémentaire

Remboursement de base (en % de la dépense hors ticket modérateur)

100 %

À l’exception de la couverture des frais d’hébergement et de traitement des enfants et adolescents handicapés hébergés en centres médico-psycho-pédagogiques.

Hors les actes et produits à SMR insuffisants et les actes, produits et prestations non destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie, décret à publier (dispositions introduites à l’automne 2010).

100 %

100 %

Prise en charge du ticket modérateur

100 %

(décret devant la limiter non publié).

100 %

0 %

Participation forfaitaire de 1 euro et franchises (actes paramédicaux, médicaments et transport)

Non

NB : paiement du droit de timbre (30 euros/an pour chaque bénéficiaire majeur).

Non

Oui

Le montant total de la participation forfaitaire est plafonné à 50 euros par année civile (du 1er janvier au 31 décembre) et par personne.

Plafond annuel des franchises : 50 euros/assuré

Prise en charge du forfait hospitalier journalier

100 %

(décret devant la limiter non publié).

Si le coût dépasse une certaine somme, agrément préalable de la caisse exigé. Décret à paraître.

100 %

0 % (sauf cas particuliers et exonérations).

Participation forfaitaire de 18 euros sur les actes dont le tarif est égal ou supérieur à 91 euros, ou ayant un coefficient égal ou supérieur à 50

Non

Non

Oui (sauf actes et cas particuliers)

Avance de frais

Non

Non

Oui

Pénalités parcours de soins

Non

Oui mais pas appliqué faute de publication d’un décret

Oui

Médicaments génériques encouragés

Oui, prise en charge par l’AME subordonnée à la prise de génériques sauf cas prévus par la loi.

Oui

Oui

Liste des produits et prestations

Oui, sur les tarifs de responsabilité, donc remboursement très limité.

Des arrêtés fixent une liste de dispositifs médicaux à usage individuel (optique, appareils auditifs notamment) ainsi qu’une liste de soins dentaires prothétiques et d’orthopédie dentofaciale. Ces équipements sont intégralement pris en charge dans la limite de tarifs supérieurs à ceux de la sécurité sociale. Les professionnels et les fournisseurs ont obligation de les proposer aux bénéficiaires de la CMU complémentaire en respectant les montants maxima fixés par ces arrêtés.

Taux de remboursement de droit commun sur la base des tarifs opposables.

Compétence du contrôle médical

Oui

Oui

Oui

Remarques

Outre le droit de timbre, ces personnes paient la TVA et les autres impôts indirects, dont le produit ou une partie sont affectés au budget de l’État, finançant l’AME.

Impôts indirects.

Éventuellement CSG et CRDS sur revenus perçus (cependant faible probabilité compte tenu du plafond de ressources).

Impôts indirects.

CRDS, CSG et cotisations sociales salariales sur revenus et salaires perçus.

Source : Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Il apparaît donc clairement qu’il existe une inégalité entre les bénéficiaires de l’AME, pris en charge à 100 %, et les assurés aux revenus modestes du régime général.

Car contrairement à ce qui est parfois prétendu, un étranger en situation irrégulière bénéficiaire de l’AME est mieux pris en charge qu’un travailleur qui paie ses cotisations et qui n’a pas de mutuelle ou n’a pas accès à la CMU complémentaire.

Les bénéficiaires de l’AME sont remboursés à 100 % alors que le travailleur bénéficiaire de la Sécurité sociale n’est pris en charge qu’à 70 % pour ses consultations et entre 15 % et 65 % pour les médicaments les plus répandus. Au ticket modérateur s’ajoutent, en effet, les franchises, le paiement d’un euro forfaitaire par consultation et le forfait hospitalier.

Pour avoir une protection équivalente, le travailleur est obligé de faire partie des bénéficiaires de la CMU complémentaire, ou alors de payer en supplément une cotisation à une assurance maladie complémentaire, d’autant plus chère que sa famille est grande (conjoint et enfants).

À niveau de ressources équivalent (660 euros par mois), le travailleur régulier français ou étranger bénéficiaire de la CMU complémentaire cotise donc malgré cela directement et indirectement (CSG et parts salariales et patronales des cotisations sociales) plus de 2 000 euros par an pour pouvoir bénéficier du même niveau de protection que l’étranger en situation irrégulière qui est pris en charge gratuitement par l’AME.

Si le travailleur régulier français ou étranger a des ressources supérieures à ce seuil de 660 euros mensuels, il devra souscrire à une complémentaire santé.

Un salarié au niveau du seuil de pauvreté déterminé par l’INSEE (environ 950 euros mensuels) paye la CSG, supporte des cotisations sociales (part salariale et patronale) et doit en plus cotiser à une complémentaire santé, avec un tarif moyen d’environ 30 euros par mois et par bénéficiaire pour les contrats de classe D, à savoir les contrats les plus basiques, qui permettent à peine d’avoir une prise en charge équivalente à celle de l’AME ou de la CMU complémentaire, sans remboursement des dépassements d’honoraires en secteur 2, qui sont légalement interdits pour les bénéficiaires de l’AME et de la CMU complémentaire. La France fait sur ce point figure d’exception en Europe. Même l’Espagne, qui avait une réglementation proche de la nôtre, a récemment adopté des mesures prévoyant la participation des personnes de nationalité étrangère aux dépenses de soins.

Enfin, la lutte contre la fraude en matière d’accès à l’AME doit être une priorité, afin d’éviter les abus et prévenir toute forme de tourisme médical.

Or il reste des progrès à faire en la matière.

En effet, selon le rapport annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2012, les contrôles effectifs réalisés en 2011 par 106 caisses primaires d’assurance maladie sur un échantillon de 7,58 % des bénéficiaires de l’AME ont permis de déterminer que 51 % d’entre eux avaient fait de fausses déclarations de ressources.

La lecture attentive du rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGF-IGAS) de décembre 2010 permet de déterminer que ces fraudes sont en augmentation très importante :

– l’IGF et l’IGAS ont ainsi déterminé que, à la caisse primaire de Paris (environ 40 % des titulaires de l’AME en France), si les personnes bénéficiaires de l’AME ne représentent que 4,1 % des personnes gérées, on constate que 12,4 % des fraudeurs détectés sont des titulaires de l’AME ;

– à Paris, en 2008, les plaintes pour fraudes commises par les titulaires de l’AME représentaient 2,9 % de l’ensemble des plaintes déposées par la caisse primaire ; en 2009 ce taux a grimpé à 9,8 % ;

– 16,2 % des plaintes pour trafic de substitut à l’héroïne concernent des fraudeurs à l’AME ;

– 7,3 % des plaintes pour fraudes à l’assurance-maladie autre que trafic de Subutex (par exemple escroqueries, faux et usages de faux, etc.) concernent des fraudeurs à l’AME.

L’IGF et l’IGAS ont au final mis en évidence à Paris, qui représente 40 % de la population AME en France, une surreprésentation des titulaires de l’AME parmi les auteurs de fraudes.

Les enquêtes de police ont aussi clairement démontré que l’AME était utilisée par les réseaux de trafic de médicaments mais aussi de drogue pour alimenter le marché illégal en Subutex (produit de substitution à l’héroïne).

En effet, le bénéficiaire de l’AME n’ayant pas de carte vitale, il lui est facile de « faire la tournée » des pharmaciens et de récupérer gratuitement en grandes quantités (puisqu’il bénéficie du tiers payant et n’a pas à faire l’avance des frais) ce produit stupéfiant qui a une très forte valeur sur le marché.

Les caisses primaires d’assurance maladie sont dans l’impossibilité d’endiguer ce trafic puisque tout se fait via des attestations papier.

Il s’agit d’un exemple frappant des dérives du « panier de soins » généralisé offert par l’AME.

L’ONU a par ailleurs mis en garde la France depuis plusieurs années sur les trafics de substituts aux opiacés.

En mars 2007, le rapport pour 2006 de l’Organe international de contrôle des stupéfiants de l’ONU (OICS) a indiqué que 20 à 25 % du Subutex délivré dans le système français était détourné vers le marché illicite.

En mars 2010, l’ONU, dans le rapport pour 2009 de l’OICS, rappelait une fois encore que l’abus de comprimés de Subutex acheminés clandestinement depuis la France, issus de ce trafic, continuait d’être une source de préoccupation pour les autres pays européens et dans d’autres régions de la planète. L’OICS priait d’ailleurs « instamment » les gouvernements concernés, dont bien évidemment au premier chef la France, de surveiller toutes les étapes du mouvement de ces produits pour prévenir leur détournement.

Le rapport de l’IGF et de l’IGAS de décembre 2010 pointe également l’explosion du trafic de Subutex par le biais de l’AME :

– à Paris, multiplication par 6 entre 2008 et 2009 des affaires de trafic de substitut à l’héroïne par les titulaires de l’AME ;

– à Bobigny, multiplication par 3 du nombre de bénéficiaires de l’AME impliqués dans le trafic de substitut à l’héroïne depuis juin 2009.

Au total, le rapport de l’IGF et de l’IGAS de décembre 2010 recense 82 affaires de trafic de substitut à l’héroïne imputables à la fraude à l’AME pour la seule année 2009 sur Paris et Bobigny.

Il convient donc de resserrer le dispositif pour lutter contre un type de fraude qui, bien que niée aujourd’hui par le Gouvernement, est bien connue des professionnels.

II.- DES EFFORTS MIS À MAL PAR LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DU 16 AOÛT 2012

La forte hausse des dépenses au titre de l’AME a conduit à rechercher des moyens de réaliser des économies, mais également à aligner le régime applicable aux bénéficiaires de l’AME sur celui qui prévaut pour l’ensemble des assurés sociaux. Cependant, les efforts menés ces dernières années ont été mis à mal par la loi de finances rectificative du 16 août 2012.

 En raison du fort dynamisme des dépenses d’AME, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a été diligentée dès février 2003 pour formuler des propositions, en partie reprises par le législateur (4).

En premier lieu, la loi de finances rectificative pour 2003 a subordonné le bénéfice de l’AME à une condition de résidence de plus de trois mois sur le territoire.

Il a par ailleurs été envisagé d’étendre le ticket modérateur aux bénéficiaires de l’aide médicale de l’État : ces dispositions, prévues par la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, n’ont toutefois pas été appliquées en raison des difficultés liées à leur mise en œuvre.

 Le principe de conditionner la prise en charge des frais de santé à l’acceptation par le bénéficiaire de l’AME de se voir délivrer un médicament générique s’est révélé plus praticable. Cette disposition a été adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2008 suite aux préconisations du rapport d’audit de modernisation conjoint mené par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociale (IGAS) sur la gestion de l’aide médicale de l’État, publié en mai 2007 (5).

D’autre part, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a étendu le contrôle médical aux soins prodigués au titre de l’aide médicale de l’État, mais également à la prise en charge des soins urgents.

Enfin, après des études et des expérimentations, l’arrêté du 10 juillet 2009 a fixé un modèle de titre sécurisé d’admission à l’AME ainsi que les mentions obligatoires qu’il comporte. Ce nouveau titre est en papier sécurisé et filigrané sur lequel sont imprimées les données concernant le bénéficiaire et figure une photographie scannée du bénéficiaire âgé de plus de 16 ans. La diffusion du nouveau titre d’admission sécurisé est généralisée depuis la fin de l’année 2010 et s’accompagne d’une remise en mains propres aux bénéficiaires.

 Suite au dérapage des dépenses constaté en 2009, une mission confiée en 2010 aux inspections générales des finances et des affaires sociales (IGF et IGAS) sur l’évolution des dépenses au titre de l’AME (6) ont conduit à la formulation d’un certain nombre de préconisations destinées à limiter leur dynamique. Une partie de ces préconisations ont été mis en œuvre par le Gouvernement de l’époque.

Tout d’abord, la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 a prévu une réforme de la tarification hospitalière, conformément aux recommandations de la mission précitée, qui avait souligné le poids des dépenses hospitalières et identifié la facturation sur la base des tarifs journaliers de prestations (TJP) comme étant l’une des causes de la forme augmentation des dépenses d’AME. Votre rapporteur estime sur ce point que la réforme devrait être accélérée compte tenu des économies qui pourraient être réalisées (160 millions d’euros environ).

La loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a par ailleurs prévu les mesures suivantes :

– la subordination de l’attribution de l’AME à l’acquittement, par chaque bénéficiaire majeur, d’un droit annuel fixé à 30 euros par l’article 968 E du code général des impôts ;

– l’exclusion de certains soins des dépenses prises en charge par l’AME (notamment les actes techniques et examens de biologie médicale spécifiques à l’assistance médicale à la procréation ainsi que les médicaments et produits nécessaires à la réalisation des actes et examens ainsi définis) ;

– une procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers programmés coûteux, c’est-à-dire supérieurs à 15 000 euros ;

– la possibilité pour les caisses primaires de procéder à la récupération des sommes indûment versées au titre de l’AME, dans les mêmes conditions que les assurés (article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles).

Plusieurs dispositions votées dans le cadre de la même loi étaient soumises à la publication d’un décret en Conseil d’État :

– l’exclusion du « panier de soins » remboursable aux bénéficiaires de l’AME de certains frais, lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie : le décret n° 2011-1314 du 17 octobre 2011 a exclu de la prise en charge de l’AME les cures thermales et l’assistance médicale à la procréation ;

– le conditionnement du service des prestations au titre de l’AME à la vérification de la condition de stabilité de la résidence en France : le décret déjà cité a ainsi prévu que celle-ci serait réputée remplie si les conditions fixées à l’article R. 115-6 du code de la sécurité sociale étaient satisfaites, autrement dit si les intéressés ont en France leur foyer permanent (lieu de résidence habituel) ou leur lieu de séjour principal (présence effective de plus de six mois ou 180 jours sur l’année civile ou les douze mois qui précèdent).

Ces diverses mesures, plus particulièrement celles adoptées en 2011, ont porté leurs fruits, dans la mesure où, après la forte croissance constatée en 2009 (+ 13,3 %), la dynamique de l’augmentation des dépenses d’AME a ralenti en 2010 : elle a été de + 7,5 % et serait selon les dernières données de 2 % en 2011. Cependant, ces efforts ont été partiellement annulés par les mesures adoptées en loi de finances rectificative du 16 août 2012.

L’article 29 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est revenu sur les deux mesures adoptées par la loi de finances pour 2011 : la mise en place du droit de timbre de 30 euros et l’agrément préalable pour les soins hospitaliers coûteux. Il a également procédé à la suppression du Fonds national de l’aide médicale de l’État.

La perte de recettes entraînée par la suppression du droit de timbre s’élève à 5,2 millions d’euros en année pleine, et à 2,6 millions d’euros en 2012.

S’y ajoute la moindre économie liée à la suppression de l’agrément préalable pour les soins hospitaliers coûteux, soit 1 million d’euros en année pleine, et 0,5 million d’euros en 2012, correspondant à l’estimation réalisée lors du vote de la mesure.

L’impact financier de ces dispositions est donc non négligeable. Il est en effet évalué à 3,1 millions d’euros de perte de recettes en 2012 et 6,2 millions les années suivantes.

S’y ajoute leur impact moral. En effet, nos concitoyens peinent à comprendre, en temps de difficultés budgétaires, et alors même qu’ils sont mis à contribution pour assurer la pérennité de notre système de protection sociale, que l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME ne soit plus soumis à aucune participation financière depuis le 4 juillet dernier.

Ainsi, selon un sondage réalisé en septembre 2012 par l’IFOP, 62 % des français désapprouvent la suppression du droit de timbre de 30 euros pour bénéficier de l’AME (7).

Les différents rapports relatifs à l’AME ont montré que la dépense est particulièrement concentrée sur l’hôpital avec de plus quelques gros consommateurs de soins.

Par conséquent, l’article 2 de la présente proposition de loi prévoit le rétablissement de l’agrément préalable pour les soins hospitaliers, supprimé en août dernier, hors soins d’urgence et soins délivrés aux mineurs et aux femmes enceintes. Par ailleurs, il procède à son extension aux soins de ville non urgents, comme cela était prévu jusqu’en 2003.

La demande d’agrément sera effectuée par le bénéficiaire de l’AME au moyen d’un formulaire conforme à un modèle fixé par arrêté. L’agrément sera accordé dès lors que le bénéficiaire des soins réunit les conditions de stabilité de résidence et de ressources. Cependant, le silence gardé par l’autorité compétente, en l’occurrence le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie, au terme des quinze jours suivant la réception de la demande d’agrément vaut accord.

Enfin, il est prévu, à l’article 3, de soumettre, par mesure d’équité, les bénéficiaires de l’AME aux franchises, acquittées par la majorité des assurés sociaux, bénéficiaires de la couverture maladie universelle compris.

Cette participation serait limitée, puisqu’elle ne peut dépasser 50 euros par an. De plus, elle n’a pas de conséquences négatives sur l’accès aux soins de premier recours, ni à l’hospitalisation, dans la mesure où elle ne s’applique qu’aux soins délivrés par des auxiliaires médicaux, aux dépenses de médicaments et aux transports sanitaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine, sur le rapport de M. Dominique Tian, la présente proposition de loi au cours de sa séance du 2 octobre 2012.

À l’issue de l’exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le rapporteur, on pourrait difficilement vous reprocher de manquer de constance dans vos propositions.

M. Christophe Sirugue. C’est à croire qu’il existe peu de dossiers importants dont il faudrait s’occuper aujourd’hui : le premier texte que l’UMP souhaite inscrire à l’ordre du jour qui lui est réservé est une proposition de loi relative à l’AME, moins de deux mois après qu’un débat s’est tenu sur ce sujet à l’Assemblée nationale. Cela tourne à l’obsession.

Toutes ces questions ont pourtant déjà fait l’objet d’un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances dont la qualité est reconnue par tous, ainsi que d’un rapport que j’ai réalisé avec Claude Goasguen et dont les conclusions n’ont pas fait l’objet de critiques, même de la part de l’ancienne majorité. Ces travaux montrent que l’accroissement des dépenses liées à l’AME, s’il est réel, ne s’explique ni par une explosion du nombre d’ayants droit ni par la fraude. Si le nombre de bénéficiaires a augmenté en 2009, c’est parce que les mesures prises alors par le gouvernement ont eu pour conséquence d’accroître le nombre de déboutés du droit d’asile et donc de personnes en situation irrégulière. L’autre raison est que les hôpitaux ont recherché plus activement les droits à une couverture maladie des patients hospitalisés, en particulier des bénéficiaires de l’AME. Or ils facturent leurs soins sur la base d’un tarif spécifique, beaucoup plus élevé que la tarification à l’activité. C’est sur ces points qu’il aurait fallu travailler.

Non seulement les mesures contenues dans cette proposition de loi sont accusatoires et stigmatisantes, mais elles sont inutiles.

Vous souhaitez à nouveau faire de la caisse primaire d’assurance maladie le seul dépositaire de la demande d’AME. Mais c’est justement à la demande des caisses elles-mêmes que nous avons décidé d’autoriser les centres communaux d’action sociale et les associations à participer au montage administratif des dossiers : leur expérience du public concerné représente en effet un atout.

Quant à l’agrément préalable, lorsqu’il était en vigueur, ce dispositif s’était avéré extrêmement compliqué et coûteux à mettre en place, alors que son efficacité est douteuse.

J’en viens à la franchise médicale. Pourquoi proposer que chacun cotise de la même façon alors même que vous avez appelé à ne pas faire de confusion entre étrangers irréguliers et bénéficiaires de la CMU ? Avec une telle mesure, l’UMP promeut un système universel de protection de santé, mais à géométrie variable.

Quelles que soient les raisons de l’augmentation des coûts de l’AME, aucun des trois articles de cette proposition de loi ne saurait y remédier. Mais nous avons bien compris qu’entraînés dans une surenchère populiste, votre objectif était surtout de tenir un discours agréable à l’oreille de certaines personnes peu au fait des réalités.

Mais cette proposition n’est pas seulement inutile, elle est aussi dangereuse. Plus nombreuses, en effet, seront les dispositions destinées à limiter le recours à l’AME, plus la santé des personnes les plus fragiles sera atteinte, plus tard elles se présenteront à l’hôpital et plus cher coûteront les soins. En effet, une pathologie qui n’a pas été identifiée à temps a des conséquences beaucoup plus graves et nécessite des soins plus onéreux. L’effet sera donc l’inverse de celui recherché. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas soutenir ce texte.

Mme Isabelle Le Callennec. Les députés du groupe UMP ont été très étonnés de trouver, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012, une disposition visant à abroger les mesures justes, équilibrées et respectueuses du principe d’égalité que l’ancienne majorité avait adoptées pendant la législature précédente : droit annuel forfaitaire de 30 euros, procédure d’agrément préalable pour les opérations dépassant la somme non négligeable de 15 000 euros, guichet unique, alignement de la tarification des soins hospitaliers pour les bénéficiaires de l’aide sur celle applicable aux autres assurés sociaux.

Comme vous, nous avons la volonté de faire reculer dans le pays le racisme et la xénophobie, et de faciliter l’intégration des étrangers en situation régulière. Or les dispositions adoptées en juillet et sur lesquelles cette proposition de loi se propose de revenir ont l’effet inverse. La réaction des citoyens, dans nos circonscriptions – et dans les vôtres aussi, j’imagine –, a été l’étonnement : comment justifier une différence de traitement aussi manifeste entre des Français, des étrangers en situation régulière et des étrangers en situation irrégulière ? La décision que vous avez prise est justement de nature à opposer les Français les uns contre les autres, à renforcer la xénophobie, le rejet de l’autre et les égoïsmes. La proposition de loi que nous examinons a donc pour but de réparer cette erreur.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est en revenant sur ce sujet - notamment sur ce fameux droit de 30 euros – que vous relancez le débat et contribuez à monter certains Français – pas tous, heureusement – contre les personnes dites en situation irrégulière qui ont besoin de soins.

Mme Véronique Massonneau. Le groupe écologiste est bien évidemment opposé à cette proposition de loi, d’autant qu’il s’était félicité de l’adoption de l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2012, visant à faciliter l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME en supprimant le droit de timbre de 30 euros. L’objectif de ce dernier n’était pas de créer une nouvelle recette de 5 millions d’euros, comme vous avez voulu le faire croire en l’instaurant à la fin de 2010, mais de bien de réduire le nombre de bénéficiaires.

Votre spécialité est de présenter certaines mesurettes administratives comme des dispositions justifiées par l’exigence de bonne gestion, alors que l’intention qui préside à leur mise en place est tout autre. Cette proposition de loi ne déroge pas à la règle : sous couvert d’encadrer l’AME, le rétablissement du guichet unique, de l’accord préalable et de la franchise n’ont pour but que de rendre plus difficile l’accès à l’aide et dissuader les personnes malades d’y avoir recours. Or les conséquences humaines et sociales seraient très graves : outre la situation personnelle des bénéficiaires, c’est la santé publique qui est en jeu.

L’article 1er de la proposition va à l’encontre des recommandations du rapport de Claude Goasguen – pourtant de votre groupe – et de Christophe Sirugue, rapport qui soulignait l’importance du rôle joué par les associations dans l’accompagnement des demandeurs, en pleine coopération avec les caisses primaires.

L’article 2 aurait pour conséquence de retarder la prise en charge médicale des bénéficiaires.

Quant à l’article 3, en instituant de nouveaux frais, il défavoriserait les plus démunis. L’exposé des motifs parle de « mesure d’équité », mais l’équité ne saurait être recherchée au détriment de la justice sociale.

Un de vos arguments récurrents est que la France est le seul pays à proposer une telle aide. Nous devrions justement en être fiers. L’AME est un dispositif de justice sociale, de solidarité et de santé publique ; elle doit le rester.

M. le rapporteur. Il est inutile de rechercher la polémique. Mais j’aimerais que vous réfléchissiez à ce qu’implique le fait de mieux traiter un étranger entré illégalement sur le territoire national qu’un étranger en situation régulière.

M. Christophe Sirugue. Ils n’ont pas les mêmes droits !

M. le rapporteur. Bien sûr que si, et vous le savez parfaitement.

M. Christophe Sirugue. Consultez notre rapport, il procède à une étude comparée !

M. le rapporteur. Nous y reviendrons. Les droits sont les mêmes, tous les spécialistes le disent. À ce sujet, vous persistez dans l’erreur.

De même, vous semblez trouver normal que les hôpitaux surfacturent sciemment les soins délivrés aux bénéficiaires de l’AME.

M. Christophe Sirugue. Je n’ai jamais dit cela !

M. le rapporteur. Si, puisque vous demandez la suppression de l’article 2, lequel cherche à mettre fin à une pratique qui coûte à la sécurité sociale 10 ou 12 millions d’euros à Paris et 7 à 8 millions à Marseille. Tous les rapports le prouvent : le tarif appliqué profite à l’hôpital.

M. Christophe Sirugue. Les malades sont-ils responsables de la surfacturation ?

M. le rapporteur. Vous l’avez dit vous-même, monsieur Sirugue : les hôpitaux ont compris comment faire porter sur la sécurité sociale le maximum des dépenses. Ils le font au détriment des contribuables et des assurés sociaux, à hauteur de 160 millions d’euros. Votre attitude ne sert pas la volonté du Gouvernement de réduire le déficit de la sécurité sociale. Il sera bien obligé, un jour ou l’autre, de se saisir de cette question, car il est anormal qu’un hôpital facture plus cher les mêmes soins selon qu’ils sont délivrés à une personne entrée irrégulièrement sur le sol national ou à un citoyen français. Si vous acceptez de tels passe-droits, pour ne pas dire de telles « magouilles », vous devrez en porter la responsabilité. On ne peut pas prétendre ignorer de tels faits. Il existe même des filières destinées à faire bénéficier de la procréation médicalement assistée à des étrangers en situation irrégulière.

M. Christophe Sirugue. Prouvez-le !

M. le rapporteur. Cela figure dans le rapport de l’IGAS. De même, certains sont envoyés en cure thermale : ce système est un formidable aspirateur à touristes médicaux.

M. Gérard Sébaoun. Ces propos sont scandaleux ! Nous parlons de santé !

M. le rapporteur. Ce n’est pourtant pas un hasard si l’Espagne et tous les autres pays européens qui étaient dotés d’un dispositif similaire ont fini par le supprimer. La France est le seul pays à le conserver, et vous en paierez les conséquences économiques et politiques.

Vous poussez même l’absurdité jusqu’à ouvrir aux centres communaux d’action sociale et aux associations la possibilité d’instruire les dossiers, alors que pour tous les citoyens français, l’institution compétente est la caisse primaire d’assurance maladie. C’est une grave erreur. Une association milite pour une cause, elle ne saurait ouvrir des droits à la sécurité sociale. C’est la porte ouverte à la fraude, à l’amateurisme et au copinage.

M. Gérard Sébaoun. Il ne s’agit pas d’ouvrir des droits, mais de permettre l’accès aux soins !

M. le rapporteur. Mais quels soins ? Et vous, en tant que médecin, soignez-vous gratuitement les bénéficiaires de l’AME, ou facturez-vous le prix de la consultation à la sécurité sociale ?

Il faut voir la réalité en face : tout cela coûte très cher aux assurés sociaux. Le coût de l’AME est devenu insupportable pour la collectivité. On ne peut pas accepter une progression annuelle des dépenses de l’ordre de 13 ou 14 % sans se poser certaines questions de bon sens ni faire preuve de courage.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je tiens à rappeler une vérité toute simple : il existe un lien de subordination entre le malade et le médecin. Si des cures thermales ou l’assistance médicale à la procréation ont vraiment été prescrites, la responsabilité en incombe à ce dernier.

M. Christian Hutin. Tout à l’heure, le professeur Ameisen s’étonnait qu’il existe des positions préétablies dans le débat politique – contrairement, selon lui, à ce qui se passe dans les débats d’ordre éthique. Et Jean Leonetti s’interrogeait : y a-t-il une éthique de droite ou de gauche, une éthique française ? De fait, nous sommes le seul pays à être doté d’un dispositif tel que l’AME, et nous pouvons en être fiers. Ce débat est donc proche d’un débat éthique : il renvoie à une tradition républicaine d’accueil. Les associations qui assistent les étrangers en situation irrégulière sont d’ailleurs souvent des associations confessionnelles, ce qui n’est sans doute pas un hasard. Je note en outre que les députés du groupe UMP sont peu nombreux à défendre la proposition de loi : tous ne ressentent donc probablement pas les choses de la même manière.

Nous parlons de médecine. En tant que médecin, et pour répondre à votre question, il m’arrive de soigner gratuitement – et secrètement – des personnes en situation irrégulière. Je regrette d’ailleurs de ne plus pouvoir leur faire bénéficier des échantillons de médicaments proposés par les laboratoires – mais c’est un autre débat.

Enfin, même en raisonnant de façon purement égoïste, c’est-à-dire en s’en tenant à des préoccupations d’ordre budgétaire, il est absurde de penser que l’application d’une telle proposition de loi pourrait nous faire économiser de l’argent. C’est l’inverse ! D’un point de vue médical, c’est une évidence. Nous sommes déjà confrontés à des cas de rougeole ou de tuberculose alors que les médecins n’en avaient pas vus depuis longtemps. Et je ne parle pas des conséquences dramatiques que l’application de ce texte aurait en matière de chirurgie.

M. Jean-Philippe Nilor. Le groupe GDR, confirmant la position qu’il avait prise lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative, ne peut qu’être défavorable à cette proposition de loi, dont l’intention véritable est d’empêcher l’accès aux soins des personnes les plus vulnérables et les plus démunies, ou en tout cas de retarder cet accès. Or une telle politique aurait des conséquences sociales, mais aussi financières : le coût serait beaucoup plus élevé.

Quant à la surfacturation pratiquée par les hôpitaux, si elle existe, elle devrait faire l’objet de sanctions. En tout état de cause, les bénéficiaires de l’AME n’en sont pas responsables et n’en tirent aucun profit. Appliquons donc la loi.

Pour ma part, voir M. Johnny Hallyday bénéficier, sans verser le moindre centime, d’un transport par hélicoptère entre la Guadeloupe et la Martinique afin d’être hospitalisé me choque beaucoup plus que la délivrance à des malheureux de soins indispensables non seulement à leur propre santé, mais aussi à celle de leur entourage. Une prise en charge suffisamment précoce est en effet bénéfique pour la société tout entière, pas seulement pour le malade lui-même.

M. Christian Paul. Nous ne vous ferons pas le plaisir d’un long débat. Cette proposition de loi – d’autant plus choquante qu’elle émane d’un président de groupe, Christian Jacob –, vous fait porter une lourde responsabilité. Cette discussion que vous nous imposez, fondée sur des faits isolés, souvent erronés et généralement travestis, n’obéit qu’à un seul objectif populiste et électoraliste : créer des divisions dans notre pays, et ce n’est pas à l’honneur de votre groupe de commencer ainsi cette session. Le groupe SRC votera contre cette proposition de loi, tant en commission que dans l’hémicycle.

M. le rapporteur. Je rappelle que la réforme de la tarification des soins hospitaliers, que le gouvernement socialiste a commis la grave erreur d’annuler en juillet 2012, était l’une des préconisations de votre collègue Christophe Sirugue, co-auteur du rapport sur l’évaluation de l’AME. Il s’agit d’une mesure de bon sens qui permettait de faire économiser jusqu’à 160 millions d’euros à la sécurité sociale, et qu’il faut absolument rétablir tant le système de tarification actuel est néfaste pour les finances publiques. En vertu de quelle logique un Français devrait-il être davantage facturé, pour les mêmes soins, qu’un étranger en situation irrégulière ?

Je ne connais pas le cas sanitaire de M. Johnny Hallyday, mais cette proposition de loi ne changera rien à l’accès aux urgences et aux soins au titre de l’AME. Elle ne vise que les soins non urgents, dits aussi soins de complaisance ou de confort, comme la procréation médicalement assistée, qui peut coûter jusqu’à 6 000 euros. La possibilité d’en bénéficier gratuitement en France fait prospérer les filières clandestines. Il serait temps de vous poser des questions sur cet état de fait, car les électeurs vous demanderont des comptes.

Cette proposition de loi n’est pas inhumaine, et ne remet pas en cause la santé publique ; elle représente des mesures de bon sens et d’économie auxquelles vous devriez tous souscrire sous peine de voir ce problème revenir au centuple dans deux ou trois ans, quand le coût de l’AME s’élèvera à un, voire à 1,2 milliard d’euros. La France étant le seul pays d’Europe à garder ce système, l’effet d’aubaine est malheureusement évident.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(Art. L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles)


Rétablissement du guichet unique pour les bénéficiaires
de l’aide médicale de l’État

L’article 1er de la présente proposition de loi vise à rétablir le principe du guichet unique pour le dépôt des dossiers de demande d’aide médicale de l’État.

Jusqu’en 2011, l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles prévoyait la possibilité pour les centres communaux d’action sociale (CCAS), les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), les services sanitaires et sociaux du département de résidence du futur bénéficiaire ou les associations à but non lucratif agréées d’être dépositaires des demandes d’aide médicale de l’État.

La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a, dans un souci de rationalisation administrative et de lutte contre la fraude, supprimé cette possibilité.

Le rapport de M. Thierry Mariani sur ce projet de loi rappelait qu’au regard de l’accroissement considérable du coût de l’AME, il était essentiel de « limiter la fraude et de faciliter les contrôles ».

Ces dossiers étaient donc obligatoirement constitués par les caisses primaires d’assurance maladie, qui ont par ailleurs charge de les instruire.

La loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est revenue sur cette disposition en réintroduisant la possibilité pour les CCAS, les CIAS et les associations agréées de constituer les dossiers d’AME.

Le présent article revient sur la suppression du guichet unique, en prévoyant que la « demande d’aide médicale de l’État est déposée auprès de l’organisme d’assurance maladie du lieu de résidence de l’intéressé ».

L’objectif est d’éviter que certaines personnes ne présentent plusieurs dossiers d’AME dans des endroits différents. En effet, l’absence de guichet unique peut entraîner des « doubles comptes ».

Cela permettrait également d’améliorer et de rendre plus fiables les statistiques sur les demandes d’AME.

*

La Commission examine l’amendement AS 1 de M. Christophe Sirugue portant suppression de l’article 1er.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le rapporteur. Très rapidement défendu ! Je suis défavorable à cet amendement.

M. Bernard Accoyer. C’est le texte de la Commission qui sera ensuite débattu dans l’hémicycle, donc ne pas défendre ici un amendement aussi important constitue une dévalorisation du travail en commission auquel nous avons tous voulu donner plus de poids.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Accoyer, vous êtes arrivé au cours du débat, et tous les arguments ont déjà été largement exposés par la majorité. Lors d’une récente réunion, il vous est même arrivé de ne faire qu’entrer et sortir. Vous n’avez donc pas de leçons à donner en matière de respect de la Commission, et en tant qu’ancien président de l’Assemblée, vous le savez mieux que quiconque.

M. Christian Paul. Je souhaite qu’il soit inscrit au compte rendu de la Commission que M. Accoyer est arrivé après quarante-cinq minutes de débat sur cette proposition de loi, au stade de l’examen des amendements, et qu’il n’a par conséquent ni pu participer au débat, ni entendu la grande qualité des arguments que nous avons opposés à ce texte dont nous avons dit à plusieurs reprises, monsieur Accoyer, qu’il n’honorait pas votre groupe.

M. le rapporteur. Monsieur Sirugue, vous écrivez dans l’exposé des motifs de votre amendement que « la création d’un guichet unique traduit une volonté de restreindre l’accès aux bénéficiaires ». Vous affirmez donc que lorsqu’on passe par une caisse primaire d’assurance maladie, on n’a pas la garantie d’obtenir l’accès aux soins, autrement dit que la sécurité sociale ne remplit pas son rôle – c’est un jugement assez sévère sur cette institution, qui sera apprécié comme il se doit par les assistantes sociales des caisses. Or, dans le dispositif légal, soit on a droit à l’AME, soit on n’y a pas droit, et la possibilité pour les associations et centres communaux et intercommunaux d’action sociale d’intervenir dans la constitution des dossiers ne signifie pas qu’ils puissent octroyer des droits que la loi ne prévoit pas.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le rapporteur, l’audition que Claude Goasguen et moi-même avions effectuée à la caisse primaire de Nanterre nous a permis de constater que le fait de n’avoir que les caisses comme porte d’entrée rendait l’accès à l’AME plus compliqué, surtout dans un contexte de réduction du nombre de leurs antennes sur le territoire – fruit de la politique du précédent gouvernement. Or, un service prévu par les lois de la République doit être le plus accessible possible. C’est pourquoi nous avons prévu la possibilité de constituer les dossiers auprès des centres d’action sociale ou par le biais des associations, sachant que seuls les services des caisses – et vous entretenez volontairement la confusion sur ce point – peuvent ensuite procéder à leur instruction.

La Commission adopte l’amendement AS 1.

En conséquence, l’article 1er est supprimé, et l’amendement rédactionnel AS 4 du rapporteur devient sans objet.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rassure M. Accoyer qui s’inquiétait de l’importance du travail en commission : même si la Commission rejette ce texte, c’est la proposition de loi initiale qui sera examinée dans l’hémicycle, et il sera possible à chacun de s’exprimer aussi longuement qu’il le souhaite.

Article 2

(Art. L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles)


Rétablissement de l’agrément préalable en cas de soins hospitaliers coûteux

L’article 2 de la présente proposition de loi vise à rétablir l’agrément préalable en cas de soins hospitaliers coûteux, pour les bénéficiaires de l’AME, et à l’étendre aux soins de ville.

Il propose de compléter l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles par un alinéa subordonnant le bénéfice des soins hospitaliers et de médecine de ville à l’agrément préalable du représentant de l’État dans le département, ou, sur délégation, du directeur de la caisse primaire d’assurance maladie.

L’agrément préalable est accordé dès lors que les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies :

– résider de manière ininterrompue depuis plus de trois mois sur le territoire français ;

– disposer de revenus inférieurs à 661,17 euros par mois pour une personne seule et 991,83 euros pour deux personnes ;

– que les soins aient un caractère fondé et indispensable.

Les soins délivrés aux mineurs, aux femmes enceintes, dans un cadre de prévention et de prophylaxie et les soins inopinés délivrés dans les hôpitaux ne sont pas concernés par cette demande d’agrément préalable.

Pour les soins hospitaliers, l’agrément ne s’appliquerait qu’à partir d’un seuil égal à 15 000 euros, comme cela avait été prévu par la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

La procédure serait la même que celle prévue auparavant : la demande serait effectuée par le bénéficiaire de l’AME au moyen d’un formulaire conforme à un modèle fixé par arrêté. L’agrément serait accordé dès lors que le bénéficiaire des soins réunit les conditions de stabilité de résidence et de ressources. Cependant, le silence gardé par l’autorité compétente au terme des quinze jours suivant la réception de la demande d’agrément vaudrait accord.

*

La Commission examine l’amendement AS 2 de M. Christophe Sirugue portant suppression de l’article 2.

M. Christophe Sirugue. Les arguments que j’ai développés tout à l’heure dans mon propos portaient sur chacun des trois articles et justifiaient, entre autres, la suppression de cet article 2.

M. le rapporteur. Supprimer l’accord préalable de la sécurité sociale pour des soins particulièrement coûteux, et qui ne relèvent pas de l’urgence, revient à autoriser le tourisme médical. C’est aberrant. Lorsqu’un étranger en situation irrégulière affirme avoir besoin de soins non urgents coûtant plus de 15 000 euros, il serait logique et normal que la sécurité sociale soit informée et puisse donner, ou ne pas donner, un accord préalable.

M. Christophe Sirugue. Que ne l’avez-vous fait ! ce dispositif a été tellement compliqué à mettre en place qu’il n’a jamais fonctionné.

M. le rapporteur. Bien sûr que ce dispositif a été difficile à mettre en place ; mais les économies que nous avons réalisées ne sont pas négligeables.

La Commission adopte l’amendement AS 2.

En conséquence, l’article 2 est supprimé, et l’amendement rédactionnel AS 5 du rapporteur devient sans objet.

Article 3

(Art. L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles)


Paiement des franchises médicales
par les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État

L’article 3 soumet les bénéficiaires de l’AME au paiement de la franchise qu’acquittent les assurés sociaux du régime obligatoire et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU).

Pour mémoire, le III de l’article L. 322-2 du code de la sécurité sociale dispose que certains assurés sociaux s’acquittent d’une franchise pour les frais relatifs à certains produits et prestations de santé.

Ces produits et prestations sont les suivants :

– les médicaments mentionnés aux articles L. 5111-2 (spécialités pharmaceutiques), L. 5121-1 (préparation magistrale, préparation hospitalière, préparation officinale, produit officinal divisé, spécialité générique, groupe générique, médicament immunologique, médicament radio pharmaceutique, générateur, trousse, précurseur, médicament homéopathique, préparation de thérapie génique, préparation de thérapie cellulaire xénogénique, médicament biologique, médicament biologique similaire, médicament à base de plantes) et L. 5126-4 du code de la santé publique (médicaments vendus par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé), à l’exception de ceux délivrés au cours d’une hospitalisation ;

– les actes effectués par un auxiliaire médical soit en ville, soit dans un établissement ou un centre de santé, à l’exclusion des actes pratiqués au cours d’une hospitalisation ;

– les transports effectués en véhicule sanitaire terrestre ou en taxi, à l’exception des transports d’urgence.

La franchise est déduite des remboursements effectués par la caisse primaire d’assurance maladie et s’élève à 0,50 euro par boîte de médicaments ou acte médical et à 2 euros par transport sanitaire. Elle est plafonnée annuellement à 50 euros.

Les bénéficiaires de l’AME ne sont actuellement pas soumis à cette franchise, ce qui apparaît inéquitable.

L’article 3 de la présente proposition de loi insère donc dans l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles un nouvel alinéa qui soumet les bénéficiaires de l’AME au paiement des franchises.

Il exclut de son champ d’application les mineurs et les cas mentionnés aux 1° à 4°, 10°, 11°, 15° et 16° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale. Il s’agit des cas suivants :

– lorsque, à l’occasion d’une hospitalisation ou au cours d’une période de temps déterminée, la dépense demeurant à la charge de l’intéressé dépasse un certain montant ;

– lorsque l’état du bénéficiaire justifie la fourniture d’un appareil appartenant à une catégorie déterminée par ledit décret, pour les frais d’acquisition de l’appareil ;

– lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d’une des affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé ;

– lorsque le bénéficiaire est reconnu atteint par le service du contrôle médical soit d’une affection grave caractérisée ne figurant pas sur la liste mentionnée ci-dessus, soit de plusieurs affections entraînant un état pathologique invalidant et que cette ou ces affections nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ;

– lorsque l’assuré se trouve dans une situation clinique déterminée sur la base de recommandations de la Haute Autorité de santé et justifiant des actes et examens médicaux ou biologiques de suivi de son état, pour ces actes et examens, dans des conditions et pour une durée définies par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé ;

– pour l’hospitalisation des nouveau-nés lorsqu’elle se produit pendant une période fixée par décret en Conseil d’État, ainsi que pour tous les soins qui leur sont dispensés en établissement de santé, jusqu’à un âge fixé par décret en Conseil d’État ;

– pour les soins consécutifs aux sévices subis par les mineurs victimes d’actes prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 (agressions sexuelles) et 227-22 à 227-27 (mise en péril des mineurs) du code pénal ;

– dans le cadre des programmes mentionnés au 6° de l’article L. 321-1, (programmes de santé destinés à éviter l’apparition, le développement ou l’aggravation de maladies ou incapacités) pour les frais d’examens de dépistage et les frais liés aux consultations de prévention destinées aux mineurs et à une unique consultation de prévention pour les personnes de plus de 70 ans.

*

La Commission examine l’amendement AS 3 de M. Christophe Sirugue portant suppression de l’article 3.

M. Christophe Sirugue. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le rapporteur. Il s’agit de traiter les étrangers entrés légalement sur le territoire national de la même manière que ceux qui y sont entrés illégalement, souvent par le biais de filières organisées. Ce débat ne devrait même pas avoir lieu, tant il s’agit de simple respect de l’égalité entre êtres humains. Il me paraît inconcevable que l’on traite mieux ceux qui entrent illégalement sur le territoire national que ceux qui en demandent l’autorisation.

M. Christophe Sirugue. Comme je l’ai déjà indiqué, si l’on veut traiter tout le monde de la même manière, alors il faut supprimer l’AME et généraliser l’accès à la CMU. Car, comme le montrent les tableaux présents dans les deux rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et dans celui que j’ai réalisé avec Claude Goasguen, la CMU donne des droits plus étendus que l’AME. Nous souhaitons que cet article soit supprimé.

M. Jean-Philippe Nilor. En se focalisant sur la distinction entre étrangers en situation régulière et étrangers en situation irrégulière, le rapporteur omet le fait que beaucoup de personnes aujourd’hui en situation régulière sont entrées en France illégalement et ont été régularisées par la suite. Il est vrai qu’à cause de la politique du précédent gouvernement, qui a durci les conditions d’accès à la régularisation, certaines d’entre elles n’ont pas eu, ou n’ont pas encore cette chance. C’est donc précisément à cause de votre politique d’exclusion que ces personnes se retrouvent dans des situations d’extrême précarité. Par ailleurs, vous parlez de logique, mais j’ai du mal à comprendre la vôtre : vous êtes à la fois contre l’avortement et contre la procréation médicalement assistée ; il faudrait savoir si vous êtes pour la vie ou non.

M. le rapporteur. Je ne suis pas contre la procréation médicalement assistée ; je pense simplement que quand une personne entrée illégalement sur le territoire national demande de bénéficier de cette prestation très coûteuse, le contribuable français peut se poser la question de savoir si elle n’est pas venue dans ce seul but. La France est le seul pays où l’on pratique gratuitement de tels actes pour le monde entier : à vous – et aux électeurs – d’en mesurer les conséquences.

Par ailleurs, M. Sirugue, si l’on va jusqu’au bout de votre raisonnement, il faudra prévoir un amendement du groupe socialiste au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale supprimant la franchise médicale pour tous les assurés sociaux. Car si cette franchise est inacceptable pour les étrangers en situation irrégulière, elle l’est aussi pour les Français qui pourtant continuent à payer.

La Commission adopte l’amendement AS 3.

En conséquence, l’article 3 est supprimé, et l’amendement rédactionnel AS 6 du rapporteur n’a plus d’objet.

Après l’article 3

La Commission examine l’amendement AS 7 du rapporteur, portant article additionnel après l’article 3.

M. le rapporteur. L’amendement concerne la réforme de la tarification des soins hospitaliers. La règle générale est celle de la tarification à la pathologie, ou T2A, où une prestation hospitalière donnée est facturée d’une façon homogène, dans le privé comme dans le public, en vertu du principe de convergence. Cette règle permet de savoir quel est le prix de revient exact d’une opération dans différents hôpitaux et cliniques, et nous estimons que si elle s’applique aux soins des citoyens français, elle doit également s’appliquer à ceux des étrangers. Je vous propose donc d’ajouter cet article additionnel qui permettra enfin d’en savoir un peu plus sur la façon dont sont tarifés les soins accordés aux étrangers entrés illégalement sur le territoire national.

M. Christophe Sirugue. Ces facturations étaient auparavant portées au titre de créances irrécouvrables ; les hôpitaux les ont ensuite basculées sur d’autres postes, dont l’AME pour les personnes qui relevaient de ce dispositif. Elles ne constituent donc pas une nouveauté dans les budgets : elles y figuraient déjà et ont simplement été affectées sur des lignes différentes.

Nous sommes tous conscients de la nécessité d’aller vers une tarification plus adaptée. Mme la ministre de la santé a annoncé la tenue d’un débat sur ce thème, et nous estimons que c’est dans ce cadre qu’il faudra évaluer la place de l’AME. Nous ne pouvons pas soutenir cet amendement qui nous paraît ici déplacé, mais le sujet mérite que l’on y revienne.

M. le rapporteur. Vous avez raison d’indiquer que l’on facture enfin les prestations pratiquées à l’hôpital. Si la loi oblige tant les hôpitaux que les cliniques à produire une facture, seules les cliniques le faisaient systématiquement – sinon elles n’étaient pas payées –, l’inorganisation de l’hôpital public faisant que l’on pouvait souvent en sortir sans facture, au mépris de la loi. Ces factures sont d’ailleurs également importantes pour le patient, qui a le droit de savoir quels soins lui ont été prodigués, dans quelles conditions et à quel prix. La Cour des comptes note un progrès important dans la facturation des prestations réalisées à l’hôpital, ce qui est très positif.

Sans vouloir lancer une polémique – mais c’est vous, monsieur Sirugue, qui avez abordé ce point –, si l’on devait parler de la dette des pays étrangers envers l’État français, il serait question non de millions mais de dizaines de millions d’euros consacrés aux soins qui ont été prodigués en France à leurs ressortissants et dont la facture n’est pas réglée. Je ne veux pas nommer ces pays, mais il s’agit de sommes considérables.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Dans les excès qui nous emportent tous, vous avez eu des propos exagérés et injustes vis-à-vis de l’hôpital. Vous parliez des assistantes sociales des caisses primaires, mais les personnels de l’hôpital apprécieront, à n’en pas douter, la manière dont vous les traitez.

M. le rapporteur. Tous les directeurs d’hôpitaux savent parfaitement de quoi je parle !

La Commission rejette l’amendement AS 7.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tous les articles ayant été rejetés par la Commission, c’est le texte de la proposition de loi initiale qui sera examiné en séance publique le 11 octobre 2012.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF (8)

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Travaux de la Commission

___

 

Proposition de loi relative à l’aide médicale d’État

 

Code de l’action sociale et des familles

Article 1er

Article 1er

 

Les six premiers alinéas de l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

Supprimé

Amendement AS 1

     

Article L. 252-1. – La demande d’aide médicale de l’État peut être déposée auprès :

« La demande d’aide médicale d’État est déposée auprès de l’organisme d’assurance maladie du lieu de résidence de l’intéressé. Cet organisme en assure l’instruction par délégation de l’État. »

 
     

1° D’un organisme d’assurance maladie ;

   
     

2° D’un centre communal ou intercommunal d’action sociale du lieu de résidence de l’intéressé ;

   
     

3° Des services sanitaires et sociaux du département de résidence ;

   
     

4° Des associations ou organismes à but non lucratif agréés à cet effet par décision du représentant de l’État dans le département.

   
     

L’organisme auprès duquel la demande a été déposée établit un dossier conforme au modèle fixé par arrêté du ministre chargé de l’action sociale et le transmet, dans un délai de huit jours, à la caisse d’assurance maladie qui en assure l’instruction par délégation de l’État.

   
     

Toutefois, les demandes présentées par les personnes pouvant bénéficier de l’aide médicale en application du deuxième alinéa de l’article L. 251-1 sont instruites par les services de l’État.

   
     
 

Article 2

Article 2

 

L’article L. 251-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Supprimé

   

Amendement AS 2

Article L. 251-2. – La prise en charge, assortie de la dispense d’avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne :

   
     

1° Les frais définis aux 1° et 2° de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale. Toutefois, ces frais peuvent être exclus de la prise en charge, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, et à l’exclusion des mineurs, pour les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important ou lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie ;

   
     

2° Les frais définis aux 4° et 6° du même article L. 321-1 ;

   
     

3° Les frais définis à l’article L. 331-2 du même code ;

   
     

4° Le forfait journalier institué par l’article L. 174-4 du même code pour les mineurs et, pour les autres bénéficiaires, dans les conditions fixées au septième alinéa du présent article.

   
     

Sauf lorsque les frais sont engagés au profit d’un mineur ou dans l’un des cas mentionnés aux 1° à 4°, 10°,11°,15° et 16° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, une participation des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État est fixée dans les conditions énoncées à l’article L. 322-2 et à la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code.

   
     

Les dépenses restant à la charge du bénéficiaire en application du présent article sont limitées dans des conditions fixées par décret.

   
     

La prise en charge mentionnée au premier alinéa est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l’acceptation par les personnes mentionnées à l’article L. 251-1 d’un médicament générique, sauf :

   
     

1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;

   
     

2° Lorsqu’il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;

   
     

3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique.

   
     
 

« Sauf pour les soins délivrés aux mineurs, aux femmes enceintes, dans un cadre de prévention et de prophylaxie, et pour les soins inopinés délivrés dans les hôpitaux, la prise en charge mentionnée au premier alinéa est subordonnée, pour les soins en médecine de ville, à l’agrément préalable de l’autorité ou organisme mentionné à l’article L. 252-3*. Cet agrément est accordé dès lors que la condition de stabilité de la résidence mentionnée à l’article L. 252-3* est respectée, que la condition de ressources mentionnée à l’article L. 251-1* est remplie et que les soins revêtent un caractère fondé et indispensable. La procédure de demande d’agrément est fixée par décret en Conseil d’État. »

 
     
 

Article 3

Article 3

Cf. supra

Après le sixième alinéa de l’article L. 251-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Supprimé

Amendement AS 3

     
 

« Sauf lorsque les frais sont engagés au profit d’un mineur ou dans les cas mentionnés aux 1° à 4°, 10°, 11°, 15°, et 16° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale*, les bénéficiaires de l’AME s’acquittent de la franchise prévue au III de l’article L. 322-2 du même code*.  »

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de l’action sociale et des familles

Art. L. 251-1.Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l'article L. 861-1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens de l'article L. 161-14 et des 1° à 3° de l'article L. 313-3 de ce code, à l'aide médicale de l'État.

En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l'état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l'action sociale, bénéficier de l'aide médicale de l'État dans les conditions prévues par l'article L. 252-1. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées à l'article L. 251-2 peut être partielle.

De même, toute personne gardée à vue sur le territoire français, qu'elle réside ou non en France, peut, si son état de santé le justifie, bénéficier de l'aide médicale de l'État, dans des conditions définies par décret.

Art. L. 252-3.L'admission à l'aide médicale de l'État des personnes relevant du premier alinéa de l'article L. 251-1 est prononcée, dans des conditions définies par décret, par le représentant de l'État dans le département, qui peut déléguer ce pouvoir au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés.

Cette admission est accordée pour une période d'un an. Toutefois le service des prestations est conditionné au respect de la stabilité de la résidence en France, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Les organismes mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale peuvent obtenir le remboursement des prestations qu'ils ont versées à tort. En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite.

Code de la sécurité sociale

Art. L. 322-2. – I. – La participation de l'assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations prévues aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 321-1 peut être proportionnelle auxdits tarifs ou être fixée à une somme forfaitaire. Elle peut varier selon les catégories de prestations, les conditions dans lesquelles sont dispensés les soins, les conditions d'hébergement, la nature de l'établissement où les soins sont donnés. La participation de l'assuré peut être réduite en fonction de l'âge ou de la situation de famille du bénéficiaire des prestations.

La participation est fixée dans des limites et des conditions fixées par décret en Conseil d'État, par décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, après avis de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire. Le ministre chargé de la santé peut s'opposer à cette décision pour des motifs de santé publique. La décision du ministre est motivée. Le décret en Conseil d'État précise notamment le délai dont dispose l'Union nationale des caisses d'assurance maladie pour se prononcer et les conditions dans lesquelles le ministre chargé de la sécurité sociale se substitue à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie en cas d'absence de décision de celle-ci, une fois ce délai expiré.

L'application aux spécialités pharmaceutiques mentionnées à l'article L. 162-17 des taux de participation mentionnés à l'alinéa précédent est déterminée par décision de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.

II. – L'assuré acquitte une participation forfaitaire pour chaque acte ou pour chaque consultation pris en charge par l'assurance maladie et réalisé par un médecin, en ville, dans un établissement ou un centre de santé, à l'exclusion des actes ou consultations réalisés au cours d'une hospitalisation. L'assuré acquitte également cette participation pour tout acte de biologie médicale. Cette participation se cumule avec celle mentionnée au I. Son montant est fixé, dans des limites et conditions prévues par décret en Conseil d'État, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie conformément à la procédure fixée au I.

Un décret fixe le nombre maximum de participations forfaitaires supportées par chaque bénéficiaire au titre d'une année civile.

Lorsque plusieurs actes ou consultations sont effectués par un même professionnel de santé au cours d'une même journée, le nombre de participations forfaitaires supportées par le bénéficiaire ne peut être supérieur à un maximum fixé par décret.

Un décret fixe les conditions dans lesquelles, lorsque l'assuré bénéficie de la dispense d'avance des frais, la participation forfaitaire peut être versée directement par l'assuré à la caisse d'assurance maladie ou être récupérée par elle auprès de l'assuré sur les prestations à venir. Il peut être dérogé aux dispositions de l'article L. 133-3.

III. – En sus de la participation mentionnée au premier alinéa du I, une franchise annuelle est laissée à la charge de l'assuré pour les frais relatifs à chaque prestation et produit de santé suivants, pris en charge par l'assurance maladie : 1° Médicaments mentionnés aux articles L. 5111-2, L. 5121-1 et L. 5126-4 du code de la santé publique, à l'exception de ceux délivrés au cours d'une hospitalisation ;

2° Actes effectués par un auxiliaire médical soit en ville, soit dans un établissement ou un centre de santé, à l'exclusion des actes pratiqués au cours d'une hospitalisation ;

3° Transports mentionnés au 2° de l'article L. 321-1 du présent code effectués en véhicule sanitaire terrestre ou en taxi, à l'exception des transports d'urgence.

Le montant de la franchise est forfaitaire. Il peut être distinct selon les produits ou prestations de santé mentionnés aux 1°, 2° et 3° du présent III. La franchise est due dans la limite globale d'un plafond annuel.

Lorsque plusieurs actes mentionnés au 2° sont effectués au cours d'une même journée sur le même patient, le montant total de la franchise supportée par l'intéressé ne peut être supérieur à un maximum. Il en est de même pour les transports mentionnés au 3°.

Lorsque le bénéficiaire des prestations et produits de santé mentionnés aux 1°, 2° et 3° bénéficie de la dispense d'avance de frais, les sommes dues au titre de la franchise peuvent être versées directement par l'assuré à l'organisme d'assurance maladie dont il relève ou peuvent être récupérées par ce dernier auprès de l'assuré sur les prestations de toute nature à venir. Il peut être dérogé à l'article L. 133-3.

Le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport précisant les conditions dans lesquelles les montants correspondant à la franchise instituée par le présent III ont été utilisés.

Un décret fixe les modalités de mise en œuvre du présent III.

Art. L. 322-3. – La participation de l'assuré mentionnée au premier alinéa de l'article L. 322-2 peut être limitée ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, dans les cas suivants : Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

1°) lorsque, à l'occasion d'une hospitalisation ou au cours d'une période de temps déterminée, la dépense demeurant à la charge de l'intéressé dépasse un certain montant ;

2°) lorsque l'état du bénéficiaire justifie la fourniture d'un appareil appartenant à une catégorie déterminée par ledit décret, pour les frais d'acquisition de l'appareil ;

3°) lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d'une des affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité mentionnée à l'article L. 161-37 ;

4°) Lorsque les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies :

a) Le bénéficiaire est reconnu atteint par le service du contrôle médical soit d'une affection grave caractérisée ne figurant pas sur la liste mentionnée ci-dessus, soit de plusieurs affections entraînant un état pathologique invalidant ;

b) Cette ou ces affections nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ;

5°) lorsque l'assuré est titulaire de l'allocation de solidarité aux personnes âgées au titre d'un avantage vieillesse ;

6°) lorsque le bénéficiaire est un enfant ou adolescent handicapé pour les frais couverts au titre du 2° de l'article L. 321-1 ;

7°) lorsque l'assuré est hébergé dans un établissement mentionné à l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ou lorsqu'il bénéficie de soins dispensés par un centre mentionné à l'article L. 355-1-1 du code de la santé publique ;

8°) lorsque l'assuré est hébergé dans une unité ou un centre de long séjour mentionné à l'article L. 174-5 ou à l'article 52-1 de la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 ;

9°) lorsque l'assuré bénéficie de soins paramédicaux dispensés dans le cadre d'une action médico-sociale de maintien à domicile par les institutions mentionnées au 1° de l'article 1er de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;

10°) Lorsque l'assuré ne relève plus du 3° mais se trouve dans une situation clinique déterminée sur la base de recommandations de la Haute Autorité de santé et justifiant des actes et examens médicaux ou biologiques de suivi de son état, pour ces actes et examens, dans des conditions et pour une durée définies par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé ;

11°) Pour l'hospitalisation des nouveau-nés lorsqu'elle se produit pendant une période fixée par décret en Conseil d'État, ainsi que pour tous les soins qui leur sont dispensés en établissement de santé, jusqu'à un âge fixé par décret en Conseil d'État ;

12°) pour les investigations nécessaires au diagnostic de la stérilité et pour le traitement de celle-ci, y compris au moyen de l'insémination artificielle ;

13°) pour les bénéficiaires des dispositions des articles L. 311-10, L. 313-4, L. 341-16 et L. 371-1 en ce qui concerne les frais engagés pour eux-mêmes ;

14°) pour les ayants droit des bénéficiaires des dispositions de l'article L. 371-1 ;

15°) pour les soins consécutifs aux sévices subis par les mineurs victimes d'actes prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal ;

16°) Dans le cadre des programmes mentionnés au 6° de l'article L. 321-1, pour les frais d'examens de dépistage et les frais liés aux consultations de prévention destinées aux mineurs et à une unique consultation de prévention pour les personnes de plus de soixante-dix ans ;

17°) Pour les frais relatifs à l'examen de prévention bucco-dentaire mentionné au 9° de l'article L. 321-1 ;

18°) Pour les donneurs mentionnés à l'article L. 1211-2 du code de la santé publique, en ce qui concerne l'ensemble des frais engagés au titre du prélèvement d'éléments du corps humain et de la collecte de ces produits ;

19° Pour les frais de transport liés aux soins ou traitements dans les centres mentionnés au 3° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et les centres médico-psycho pédagogiques autorisés dans des conditions fixées par voie réglementaire, après accord préalable de l'organisme qui sert les prestations, dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 321-1 et à l'article L. 322-5 du présent code.

La liste mentionnée au 3° du présent article comporte également en annexe les critères médicaux utilisés pour la définition de l'affection et ouvrant droit à la limitation ou à la suppression de la participation de l'assuré.

Sur proposition de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, un décret, pris après avis de la haute autorité mentionnée à l'article L. 161-37, peut réserver la limitation ou la suppression de la participation des assurés en application des 3° et 4° du présent article aux prestations exécutées dans le cadre d'un réseau de santé ou d'un dispositif coordonné de soins.

Art. L. 322-5. – Les frais de transport sont pris en charge sur la base du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l'état du bénéficiaire.

Les frais d'un transport effectué par une entreprise de taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec un organisme local d'assurance maladie. Cette convention, conclue pour une durée au plus égale à cinq ans, conforme à une convention type établie par décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie après avis des organisations professionnelles nationales les plus représentatives du secteur, détermine, pour les prestations de transport par taxi, les tarifs de responsabilité qui ne peuvent excéder les tarifs des courses de taxis résultant de la réglementation des prix applicable à ce secteur et fixe les conditions dans lesquelles l'assuré peut être dispensé de l'avance des frais. Elle peut également prévoir la possibilité de subordonner le conventionnement à une durée d'existence préalable de l'autorisation de stationnement.

Art. L. 322-5-1. – L'assuré est dispensé de l'avance de ses frais pour la part garantie par les régimes obligatoires d'assurance maladie dès lors que le transport est réalisé par une entreprise de transports sanitaires conventionnée.

La participation de l'assuré versée aux prestataires de transports sanitaires est calculée sur la base des tarifs mentionnés aux articles L. 162-14-1 et L. 162-14-2.

Art. L. 322-5-2. – Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les entreprises de transports sanitaires sont définis par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une ou plusieurs organisations syndicales nationales les plus représentatives des ambulanciers et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.

Cette convention détermine notamment :

1° Les obligations respectives des organismes qui servent les prestations d'assurance maladie et des entreprises de transports sanitaires ;

2° Les modalités du contrôle de l'exécution par les entreprises de transports sanitaires des obligations qui découlent pour elles de l'application de la convention ;

3° Les conditions à remplir par les entreprises de transports sanitaires pour être conventionnées ;

4° Le financement des instances nécessaires à la mise en œuvre de la convention et de ses annexes annuelles ;

5° Sans préjudice des compétences du pouvoir réglementaire, les modalités de détermination des sommes dues aux entreprises ;

6° Les conditions de rémunération des entreprises de transports sanitaires pour leur participation à la garde départementale organisée dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 6312-5 du code de la santé publique.

Art. L. 322-5-4. – La convention mentionnée à l'article L. 322-5-2, ses annexes et avenants sont approuvés et s'appliquent aux entreprises de transport sanitaire concernées dans les conditions prévues à l'article L. 162-15.

Pour les entreprises non régies par la convention nationale, les tarifs servant de base au remboursement sont fixés par arrêté interministériel.

Art. L. 322-5-5. – Sur la base de l'analyse nationale de l'évolution des dépenses de transport et sur recommandation du conseil de l'hospitalisation, l'État arrête, chaque année, un taux prévisionnel d'évolution des dépenses de transport remboursées sur l'enveloppe de soins de ville.

Lorsque l'agence régionale de santé, conjointement avec l'organisme local d'assurance maladie, constate que les dépenses de transport occasionnées par les prescriptions des médecins exerçant leur activité au sein d'un établissement de santé ont connu une progression supérieure à ce taux et que ce dépassement résulte de pratiques de prescription non conformes à l'exigence de recours au mode de transport le moins onéreux compatible avec l'état du bénéficiaire telle qu'elle résulte de l'article L. 321-1, elle peut proposer de conclure avec l'établissement de santé et l'organisme local d'assurance maladie un contrat d'amélioration de la qualité et de l'organisation des soins portant sur les transports, d'une durée de trois ans.

Ce contrat est conforme à un contrat-type élaboré selon les modalités définies à l'article L. 1435-4 du code de la santé publique et comporte notamment :

1° Un objectif de réduction du taux d'évolution des dépenses de transport de l'établissement en lien avec le taux d'évolution des dépenses fixé nationalement et actualisé annuellement par avenant ;

2° Un objectif d'amélioration des pratiques hospitalières en termes de prescription de transports.

En cas de refus de l'établissement de conclure ce contrat, l'agence régionale de santé lui enjoint de verser à l'organisme local d'assurance maladie une fraction du montant des dépenses de transport qui lui sont imputables, dans la limite de 10 % de ces dépenses.

Si, à la fin de chacune des trois années de durée du contrat, il est constaté que l'établissement de santé n'a pas respecté l'objectif de réduction du taux d'évolution des dépenses de transport, et après qu'il a été mis en mesure de présenter ses observations, l'agence régionale de santé peut lui enjoindre de verser à l'organisme local d'assurance maladie une fraction du montant des dépenses de transport qui lui sont imputables, dans la limite du dépassement de son objectif.

Si, à la fin de chacune des trois années de durée du contrat, il est constaté que des économies ont été réalisées par rapport à l'objectif, l'agence régionale de santé peut enjoindre à l'organisme local d'assurance maladie de verser à l'établissement de santé une fraction des économies réalisées.

Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par M. Christophe Sirugue et les membres du groupe SRC

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 2 présenté par M. Christophe Sirugue et les membres du groupe SRC

Article 2

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 3 présenté par M. Christophe Sirugue et les membres du groupe SRC

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 4 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article 1er

À la première phrase de l’alinéa 2, substituer à la deuxième occurrence du mot : « d’ », les mots : « de l’ ».

Amendement n° AS 5 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article 2

À la première phrase de l’alinéa 2, supprimer les mots : « , pour les soins en médecine de ville, ».

Amendement n° AS 6 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Article 3

À l’alinéa 2, substituer au mot : « AME », les mots : « aide médicale de l’État ».

Amendement n° AS 7 présenté par M. Dominique Tian, rapporteur

Après l’article 3

Insérer l’article suivant :

I. – Après le premier alinéa de l’article L. 253-2 du code de l’action sociale et des familles, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dépenses de l’aide médicale de l’État sont prises en charge sur la base des tarifs prévus à l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. »

II. – L’article L. 162-22-11-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.

III. – Le III de l’article 50 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est supprimé.

© Assemblée nationale