N° 1047 - Rapport de M. Jean-Yves Le Bouillonnec sur le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique (n°845)



N° 1047

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 mai 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n° 845), relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique,

PAR M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC,

Député.

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LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES AU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS 5

INTRODUCTION 7

I. – LE STATUT DU « PARQUET À LA FRANÇAISE » : ENTRE ORGANISATION HIÉRARCHIQUE ET INDÉPENDANCE 8

A. UN PARQUET QUI OBÉIT À UNE ORGANISATION HIÉRARCHIQUE 8

B. UN PARQUET QUI A VU SES MISSIONS PROGRESSIVEMENT S’ÉLARGIR 10

C. UN PARQUET À L’INDÉPENDANCE GARANTIE PAR LA CONSTITUTION… 15

D. … MAIS MISE EN QUESTION AU REGARD DU DROIT EUROPÉEN 17

II. – UN PROJET DE LOI S’INSCRIVANT DANS UNE RÉFORME PLUS GLOBALE DU STATUT DU PARQUET CONCILIANT EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES ET CONVENTIONNELLES 19

A. PROHIBER LES INSTRUCTIONS INDIVIDUELLES ET DONNER AUX PARQUETS LE PLEIN EXERCICE DE L’ACTION PUBLIQUE 20

1. La clarification des attributions respectives du ministre de la Justice et des magistrats du ministère public 20

2. La prohibition des instructions individuelles du garde des Sceaux 21

3. La nécessaire « remontée de l’information » pour une conduite efficace et adaptée de la politique pénale 22

4. Une réforme qui s’inscrit dans le cadre des recommandations formulées par le Conseil de l’Europe 23

B. RÉFORMER LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE AFIN DE RENFORCER LES GARANTIES STATUTAIRES DES MAGISTRATS DU MINISTÈRE PUBLIC 24

1. Un Conseil supérieur de la magistrature au rôle renforcé dans les nominations des magistrats du parquet… 24

2. Un Conseil supérieur de la magistrature érigé en réel conseil de discipline des magistrats du parquet 24

C. VERS UNE RÉFORME PLUS LARGE DE LA PROCÉDURE PÉNALE ET DE L’ORDONNANCE STATUTAIRE DU 22 DÉCEMBRE 1958 ? 25

D. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION 26

1. Assurer l’information annuelle du Parlement et des magistrats sur l’application de la politique pénale 26

2. Garantir la publicité des instructions générales de politique pénale adressées par le garde des Sceaux 27

3. Consacrer les principes d’indépendance et d’impartialité dans l’exercice de l’action publique par les parquets 27

CONTRIBUTION DE M. PATRICK DEVEDJIAN, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI 31

AUDITION DE MME CHRISTIANE TAUBIRA, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, ET DISCUSSION GÉNÉRALE 33

EXAMEN DES ARTICLES 49

Article 1er (article 30 du code de procédure pénale) : Attributions du ministre de la Justice dans la conduite de la politique pénale déterminée par le Gouvernement 49

Article 1er bis (nouveau) (article 31 du code de procédure pénale) : Principes d’indépendance et d’impartialité dans l’exercice de l’action publique 58

Article 2 (article 35 du code de procédure pénale) : Attributions des procureurs généraux en matière de politique pénale 60

Article 3 (articles 39-1 et 39-2 [nouveau] du code de procédure pénale) : Attributions des procureurs de la République en matière de politique pénale 67

Article 4 : Champ d’application territoriale de la présente loi 72

Titre du projet de loi 72

TABLEAU COMPARATIF 73

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 77

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 81

PERSONNES RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR LORS DE SES DÉPLACEMENTS 83

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
AU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS

Au cours de séance du mardi 21 mai 2013, la commission des Lois a adopté le projet de loi (n° 845) relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique, en apportant à ce dernier les principales modifications suivantes :

—  À l’article 1er, la Commission a, sur l’initiative du rapporteur, organisé l’information annuelle du Parlement – sous la forme d’une déclaration du ministre de la Justice, pouvant être suivie d’un débat – sur l’application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement ainsi que sur la mise en œuvre des instructions générales adressées à cette fin par le garde des Sceaux aux magistrats du ministère public.

—  Sur l’initiative du rapporteur, la Commission a également consacré, à l’article 1er, le principe de la publicité de ces instructions générales de politique pénale.

—  Toujours sur proposition du rapporteur, la Commission a prolongé l’interdiction de toute instruction individuelle du garde des Sceaux par le rappel, au sein d’un nouvel article 1er bis, des principes d’indépendance et d’impartialité, dans l’exercice de l’action publique et l’application de la loi par les magistrats du ministère public.

—  À l’article 2, la Commission a adopté un amendement du rapporteur, précisant que les fonctions, qui incombent aux procureurs généraux, en matière d’animation et de coordination de l’action des procureurs de la République, au sein d’un même ressort de cour d’appel, s’exercent tant dans le domaine de la prévention que de la répression des infractions à la loi pénale.

—  Par cohérence avec l’information annuelle du Parlement au niveau national, la Commission a adopté, aux articles 2 et 3, deux amendements du rapporteur, organisant au niveau local l’information annuelle – sous la forme d’un débat en assemblée générale à partir du rapport de politique pénale établi respectivement par le procureur général et le procureur de la République – de l’ensemble des magistrats du siège et du parquet de la cour d’appel et du tribunal de grande instance sur l’application, dans leur ressort, de la politique pénale.

—  Sur l’initiative du rapporteur, la Commission a précisé, à ces mêmes articles 2 et 3, la périodicité annuelle du rapport que le procureur général et le procureur de la République doivent respectivement établir sur l’activité et la gestion de leur(s) parquet(s).

—  La Commission a enfin, sur proposition du rapporteur, précisé l’intitulé du projet de loi, afin de mieux rendre compte de son objet, qui est de redéfinir les attributions respectives du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public, en restituant au premier la conduite et l’animation de la politique pénale, conformément à l’article 20 de la Constitution, et en confiant aux seconds la pleine et entière mise en œuvre de l’action publique.

MESDAMES, MESSIEURS,

« L’indépendance, ce n’est pas une concession ou un privilège qu’il faudrait accorder aux magistrats, c’est une exigence qu’il faut garantir aux justiciables pour qu’ils aient la certitude que les juges ne se déterminent qu’en fonction de la loi ». Dans ce discours sur le thème de la justice, prononcé le 6 février 2012 au théâtre Dejazet, le président de la République, alors candidat à l’élection présidentielle, a résumé en ces termes toute l’ambition de la politique judiciaire et notamment pénale que le Gouvernement entend mener.

C’est dans le cadre de cette politique, destinée en particulier à réaffirmer avec force et détermination l’indépendance que les justiciables sont en droit d’attendre de la justice, que la commission des Lois est aujourd’hui saisie d’un projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2013.

Le présent projet de loi a pour objet, comme le préconisait déjà en juillet 1997 la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, alors premier président de la Cour de cassation, « d’éliminer tout soupçon qui affecte l’indépendance de la justice tout entière du fait de la subordination statutaire des magistrats du parquet au garde des Sceaux » (1).

La poursuite de cet objectif passe, en premier lieu, par une clarification des rapports entre la chancellerie et les magistrats du ministère public. À cette fin, le projet de réforme qui vous est soumis prohibe désormais toute instruction individuelle du ministre de la Justice aux magistrats du parquet, « afin de ne pas laisser la place au soupçon de pressions partisanes qui mine la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire » (2).

Cette prohibition, destinée à mettre fin aux ingérences de l’exécutif dans le déroulement des procédures judiciaires et notamment pénales, est complétée, en second lieu, par le projet de loi constitutionnelle, déposé le 14 mars dernier et portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (3) (n° 815). En effet, l’indépendance des magistrats du ministère public exige également qu’il leur soit offert de nouvelles garanties statutaires, s’agissant tant de leur mode de nomination que de leur régime disciplinaire.

Afin de préparer l’examen du présent projet de loi, votre rapporteur a procédé à de nombreuses auditions (4) et s’est rendu à la Cour de cassation ainsi qu’au tribunal de grande instance et à la cour d’appel de Paris, pour rencontrer les membres du parquet de ces trois juridictions (5) et échanger avec eux sur le projet de réforme qui vous est aujourd’hui soumis.

*

* *

I. – LE STATUT DU « PARQUET À LA FRANÇAISE » :
ENTRE ORGANISATION HIÉRARCHIQUE ET INDÉPENDANCE

Dans la conception française, le ministère public, auquel il revient, aux termes de l’article 31 du code de procédure pénale, d’exercer l’action publique et de requérir l’application de la loi, est confié à des magistrats spécialisés, placés sous l’autorité du ministre de la Justice.

L’organisation du ministère public obéit, en France, à une organisation hiérarchisée, l’ensemble des magistrats du parquet, à l’exception du parquet général près la Cour de cassation, étant unis par un lien hiérarchique, au sommet duquel se trouve le garde des Sceaux, membre du gouvernement, représentant le pouvoir exécutif.

Consacrant le principe de cette subordination hiérarchique des magistrats du parquet, l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature statutaire dispose que « les magistrats du Parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la Justice. À l’audience leur parole est libre ».

Sur la base de ce lien hiérarchique qui régit aujourd’hui l’organisation du parquet, l’article 30 du code de procédure pénale définit et limite les conditions dans lesquelles s’exerce l’autorité du ministre de la Justice. Chargé de conduire la politique d’action publique déterminée par le Gouvernement et de veiller à la cohérence de son application sur le territoire de la République, le garde des Sceaux peut adresser, à cette fin, aux magistrats du ministère public des instructions générales d’action publique ou des instructions particulières aux fins de poursuites ou de réquisitions dans le cadre d’une affaire pénale individuelle.

Cette organisation hiérarchique du ministère public, ainsi placée sous l’autorité du garde des Sceaux, a été précisée et confortée par le Conseil constitutionnel. Appelé à statuer sur la conformité de l’article 30 précité aux articles 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et 66 de la Constitution ainsi qu’au principe de la séparation des pouvoirs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, a considéré « qu’en vertu de l’article 20 de la Constitution le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, notamment dans le domaine de l’action publique ; que l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, place les magistrats du parquet sous l’autorité du ministre de la Justice ; que l’article 30 nouveau du code de procédure pénale, qui définit et limite les conditions dans lesquelles s’exerce cette autorité, ne méconnaît ni la conception française de la séparation des pouvoirs, ni le principe selon lequel l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ».

Sous l’autorité du garde des Sceaux, le ministère public comprend ainsi, au niveau de chaque cour d’appel, un parquet général composé du procureur général entouré d’avocats généraux et de substituts généraux et, au niveau de chaque tribunal de grande instance, un parquet composé du procureur de la République assisté de procureurs adjoints et de substituts.

Alors que l’article 37 du code de procédure pénale dispose que « le procureur général a autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d’appel », les articles 35 et 36 de ce même code définissent les attributions du procureur général à l’égard des procureurs de la République.

Dans cette perspective, l’article 35 confie au procureur général la mission de veiller à l’application de la loi pénale dans toute l’étendue du ressort de la cour d’appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort. À cette fin, il lui revient d’animer et de coordonner l’action des procureurs de la République ainsi que la conduite de la politique d’action publique par les parquets de son ressort. Comme le précise la circulaire du 14 mai 2004 (6), « ces dispositions clarifient le rôle du procureur général en affirmant sa mission d’animation et de coordination de l’action des procureurs de la République ».

L’article 36 du code de procédure pénale prévoit, pour sa part, que le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes.

S’agissant enfin du procureur de la République, celui-ci, aux termes de l’article L. 212-6 du code de l’organisation judiciaire consacrant le principe de l’indivisibilité au fondement de l’organisation du parquet, représente, en personne ou par ses substituts, le ministère public près le tribunal de grande instance.

De manière générale, il appartient au procureur de la République de donner des directives d’action publique qui doivent s’inscrire dans le cadre des orientations de politique pénale du garde des Sceaux, et le cas échéant du procureur général, tout en tenant compte des spécificités locales.

Les attributions du procureur de la République sont plus précisément définies par dix-sept articles, réunis au sein de la section III du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale. En application de l’article 40 de ce même code, le procureur de la République reçoit les plaintes et dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il détient, dans cette perspective, le pouvoir d’ordonner une enquête préliminaire concernant tout fait qui parvient à sa connaissance.

Ainsi définie par le code de procédure pénale, l’action du procureur de la République repose sur l’opportunité des poursuites, principe qui laisse au magistrat du parquet le soin d’apprécier au cas par cas l’opportunité de mettre en mouvement l’action publique.

Ce principe de l’opportunité des poursuites, parce qu’il permet aux magistrats du parquet d’opérer des choix et de fixer des priorités dans la conduite de l’action publique, justifie que le garde des Sceaux soit placé au sommet de la hiérarchie du ministère public, en tant que garant de la cohérence de l’application de la loi pénale sur l’ensemble du territoire et, par conséquent, du respect de l’égalité des citoyens devant la loi.

Seul dépositaire du pouvoir légal d’appréciation de l’opportunité des poursuites, le procureur de la République est aujourd’hui devenu un acteur majeur de la justice pénale, tant au sein qu’à l’extérieur de l’institution judiciaire.

En effet, si le procureur de la République joue un rôle déterminant dans la mise en œuvre de l’action publique, dont l’article 31 du code de procédure pénale (7) prévoit qu’il assure seul l’exercice, ce rôle ne rend qu’imparfaitement compte de l’ensemble des missions – tant de poursuites que juridictionnelles – désormais dévolues au parquet.

Afin de répondre aux attentes légitimes des justiciables que ce soit en matière de sécurité, d’effectivité de la réponse pénale et de rapidité des poursuites, le législateur a confié à cet effet aux magistrats du ministère public de nouveaux pouvoirs dans de nombreux domaines.

À la fois ordonnateurs et contrôleurs des investigations judiciaires aux termes de l’article 41 du code de procédure pénale (8), les magistrats du parquet ont vu leur rôle s’accroître en matière de direction et de contrôle des enquêtes. Dans cette perspective, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a doté le parquet de nouveaux pouvoirs d’enquête – comme en matière d’écoutes téléphoniques au stade de l’enquête préliminaire (9) –, renforçant ainsi son rôle d’interlocuteur principal des services de police et des unités de gendarmerie.

Cette même loi du 9 mars 2004 fait désormais obligation au procureur de la République, d’une part, d’aviser systématiquement les victimes de ses décisions de classement sans suite, y compris lorsque l’auteur n’a pas été identifié (10), et, d’autre part, de motiver ces classements sans suite. Cette exigence de motivation a également été renforcée par l’ouverture d’un recours contre les décisions de classement devant le procureur général (11).

Dans le même esprit, la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 a posé le principe du contrôle du procureur de la République sur la garde à vue (12), étant précisé qu’il revient à ce magistrat d’apprécier si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure de police judiciaire sont nécessaires à l’enquête et proportionnés à la gravité des faits. Il est également indiqué que ce magistrat assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue et qu’il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté.

Maîtres de l’orientation des procédures, les magistrats du parquet ont vu s’élargir, dans le même temps, leurs champs d’intervention avec la création de nouvelles modalités d’exercice des poursuites et de traitement des procédures. La réponse pénale laissait traditionnellement la place, dans une logique binaire, à deux décisions d’orientation de la part du ministère public : d’une part, la saisine du tribunal par citation directe ou du juge d’instruction par réquisitoire introductif et, d’autre part, le classement sans suite.

Or, au cours de ces trente dernières années, les modalités de poursuites et de traitement des procédures se sont considérablement diversifiées, au point que M. Christian Raysséguier, premier avocat général à la Cour de cassation et membre du Conseil supérieur de la magistrature, a estimé que « l’art de poursuivre est désormais une véritable ingénierie obéissant tout à la fois à une logique de traitement des flux, c’est-à-dire d’arbitrage entre les différentes voies selon leur niveau d’encombrement, et d’adaptation fine de la réponse pénale à la personnalité de l’auteur, au préjudice de la victime et à l’intensité du trouble social causé par l’infraction » (13).

Au nombre de ces nouvelles modalités de poursuites, figurent, en premier lieu, les alternatives aux poursuites (14), lesquelles comprennent le rappel à la loi, la composition pénale (15) ou bien encore la médiation pénale (16). De nouvelles modalités d’orientation des procédures pénales par les parquets sont également apparues, avec le développement de l’ordonnance pénale délictuelle (17), la convocation par officier de police judiciaire (18), la convocation par procès-verbal (19), la comparution immédiate (20) ainsi que la mise en place, en 2004, de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (21).

Ces nouvelles modalités de poursuites, lesquelles ont connu un très large développement en raison de la rapidité et de la simplicité qu’elles offrent dans le traitement – notamment en temps réel – des procédures, relèvent pour la plupart d’entre elles de la seule responsabilité du parquet, contrairement à la citation directe ou à la saisine du juge d’instruction, ces voies étant également ouvertes à la partie civile. En prenant une place majeure dans l’activité de poursuites, ces nouvelles modalités de traitement des procédures ont sensiblement accru le rôle des magistrats du parquet dans l’activité pénale des juridictions : ils traitent désormais directement près d’une affaire sur deux, sans qu’il y ait intervention d’un juge du siège (22).

Les magistrats du ministère public ont également vu renforcer leur implication dans nombre de domaines, tout particulièrement en matière d’exécution des peines. Garant de la légalité des mesures attentatoires à la liberté, les magistrats du parquet sont, en effet, amenés à exercer un contrôle accru sur l’exécution des peines, l’article 707-1 du code de procédure pénale (23) confiant expressément cette mission au ministère public. Une réforme majeure est récemment intervenue en ce domaine : la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI II » a, en effet, renforcé les obligations incombant au parquet dans la mise à jour des fichiers d’antécédents judiciaires. Au titre de son action en matière d’exécution des peines, les magistrats du ministère public sont également appelés à siéger au sein de diverses instances, telles que la commission d’exécution des peines, laquelle se réunit suivant sa formation tous les trois ou six mois, la commission locale sur les détenus particulièrement signalés (24) ou bien encore le conseil d’évaluation des établissements pénitentiaires, conseil qui se réunit une fois par an ((25).

Cette évolution n’épargne pas l’application des peines, matière dans laquelle la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 a également confié aux magistrats du ministère public de nouvelles attributions. Afin de limiter le recours à l’emprisonnement, à chaque fois qu’une solution alternative est possible, la loi pénitentiaire a posé le principe selon lequel, sauf en cas de récidive, l’emprisonnement ferme ne doit désormais intervenir qu’en dernier recours, lorsque la gravité de l’infraction et la personnalité du condamné rendent toute autre mesure inenvisageable ((26).

Cette loi a ainsi étendu les possibilités pour le tribunal correctionnel d’aménager ab initio les peines d’emprisonnement en prononçant une semi-liberté, un placement extérieur, un placement sous surveillance électronique ou un fractionnement de la peine. Elle a également étendu le champ des aménagements des courtes peines d’emprisonnement aux personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans d’emprisonnement, sauf pour les récidivistes qui continuent de ne pouvoir bénéficier de ce dispositif favorable que lorsqu’ils ont été condamnés à une peine inférieure ou égale à un an.

Dans cette perspective, la loi pénitentiaire a conféré au parquet un rôle central dans le cadre de :

—  la procédure simplifiée d’aménagement de peine (PSAP) ((27) : si le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation est chargé d’élaborer un projet d’aménagement de peine reposant sur un « projet sérieux d’insertion », il revient au procureur de la République de saisir le juge de l’application des peines aux fins d’homologation. Le ministère public joue ainsi un rôle de « filtre » de ces propositions ((28;

—  la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP) : dans les quatre derniers mois de la peine, dès lors qu’aucun aménagement n’a été accordé auparavant, le placement sous surveillance électronique est alors mis en œuvre par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation sous l’autorité du procureur de la République, qui peut fixer les mesures de contrôle ainsi que les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre (29).

Dans le cadre de l’application des peines, le procureur de la République est également amené à participer, tous les six mois, à la conférence régionale sur les aménagements de peine et les alternatives à l’incarcération (30).

Animateur quotidien de la politique pénale, le procureur de la République est enfin devenu l’interlocuteur privilégié des différents acteurs des politiques de sécurité, l’article 39-1 du code de procédure pénale disposant à cet effet qu’« il anime et coordonne dans le ressort du tribunal de grande instance la politique de prévention de la délinquance dans sa composante judiciaire, conformément aux orientations nationales de cette politique déterminées par l’État, telles que précisées par le procureur général ».

Cette responsabilité croissante des magistrats du parquet en matière de prévention de la délinquance a conduit beaucoup d’entre eux à être sollicités pour participer à un nombre important d’instances ou de dispositifs partenariaux, suivant des fréquences variables selon les ressorts et les nécessités du terrain. Au nombre de ces instances et dispositifs, auxquels participe le procureur de la République, figurent notamment les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD) ainsi que les zones de sécurité prioritaires (ZSP).

Les magistrats du parquet sont également impliqués dans la création et l’activité des conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) ainsi que des maisons de justice et du droit (MJD). La participation des magistrats du ministère public à ces différentes instances revêt une importance majeure, car il est indispensable que l’institution judiciaire y soit représentée et que sa parole y soit portée.

Ainsi, l’accroissement progressif des missions – de poursuites comme de jugement – confiées aux magistrats du parquet a profondément transformé les fonctions du ministère public : ses champs d’intervention s’en sont trouvés élargis, ses méthodes de travail profondément modifiées et le poids de ses responsabilités corrélativement alourdi, au point que son rôle et son statut, notamment à l’aune des exigences d’indépendance et d’impartialité posées tant par la Constitution du 4 octobre 1958 que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ont suscité de nombreuses interrogations.

La Constitution du 4 octobre 1958 comporte un titre VIII, intitulé « De l’autorité judiciaire », dont l’indépendance est garantie, aux termes de l’article 64, par le président de la République, lequel est assisté à cette fin par le Conseil supérieur de la magistrature. Est ainsi consacrée dans la lettre même de la Constitution l’indépendance de l’autorité judiciaire, que le Conseil supérieur de la magistrature considère, dans son recueil des obligations déontologiques des magistrats (31), comme étant un « droit constitutionnel ».

Or, à l’aune de la jurisprudence constitutionnelle, il convient de reconnaître que la Constitution garantit aujourd’hui l’indépendance des magistrats du parquet. En effet, dans une décision du 11 août 1993 rendue à propos de la loi portant réforme du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a affirmé, pour la première fois, que « l’autorité judiciaire (…) comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet ». Ainsi reconnus par la jurisprudence constitutionnelle comme étant partie intégrante de l’« autorité judiciaire », les magistrats du ministère public bénéficient par là même de la garantie constitutionnelle de leur indépendance, conformément à la lettre de l’article 64 de la Constitution.

Constamment réaffirmée depuis lors (32), cette jurisprudence du Conseil conduit à reconnaître que l’indépendance des magistrats du ministère public est constitutionnellement protégée. En effet, dans ses conclusions sur l’arrêt Mme Nadège A., le rapporteur public, M. Mattias Guyomar, a rappelé que le principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire impose que « des garanties particulières s’attachent à la qualité de magistrat, sans incidence sur ce point qu’il soit du siège ou du parquet » (33).

Il n’en demeure pas moins que les magistrats du ministère public ne disposent pas des mêmes garanties statutaires que les magistrats du siège. Ainsi, le quatrième alinéa de l’article 64 de la Constitution ne garantit l’inamovibilité que des seuls magistrats du siège, lesquels ne peuvent donc recevoir sans leur consentement une affectation nouvelle, même en avancement. S’il s’agit d’une différence notable de situation entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet, l’indépendance ne saurait pour autant se réduire à la seule garantie d’inamovibilité.

Ainsi, si la plume est serve, la parole du procureur doit rester libre, comme le prévoient expressément les articles 5 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 et 33 du code de procédure pénale (34). La véritable indépendance de ce dernier réside bien dans la possibilité qui doit être la sienne de requérir librement et en toute conscience à l’audience, sans craindre pour sa carrière ou son avancement.

En outre, comme nombre de juristes l’ont souligné, « l’indépendance à l’endroit des magistrats du parquet ne peut s’exprimer aussi pleinement qu’à l’endroit des magistrats du siège en raison du principe de la subordination hiérarchique des membres du ministère public » (35). Si la portée effective de l’indépendance statutaire diffère entre les magistrats du parquet et ceux du siège, il n’en demeure pas moins que les garanties offertes aux premiers tendent progressivement à se rapprocher de celles dont bénéficient les seconds.

Ainsi, alors que le pouvoir disciplinaire est exercé, d’une part, à l’égard des magistrats du siège par le Conseil supérieur de la magistrature, en application de l’article 49 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, et, d’autre part, à l’égard des membres du ministère public par le garde des Sceaux, en application de l’article 48 de cette même ordonnance, le législateur organique a entendu mieux encadrer ce pouvoir disciplinaire à l’égard des seconds, en prévoyant à l’article 59 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994, qu’« aucune sanction contre un magistrat du parquet ne peut être prononcée sans l’avis de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature ».

Au plan constitutionnel, deux évolutions majeures ont également permis de renforcer l’indépendance statutaire des magistrats du parquet. Il s’agit, en premier lieu, de la loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993, laquelle a subordonné de manière inédite la nomination des magistrats du ministère public, à l’exception des procureurs généraux nommés en conseil des ministres, à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 a prolongé, dans un second temps, cette démarche, en étendant la procédure de consultation du Conseil supérieur de la magistrature à la nomination de l’ensemble des membres du parquet, procureur général près la Cour de cassation et procureurs généraux inclus. Votre rapporteur se félicite que votre Commission ait adopté, parallèlement à l’examen du présent projet de loi, le projet de loi constitutionnelle qui entend renforcer le rôle du Conseil supérieur de la magistrature dans les nominations des magistrats du parquet ainsi qu’en matière disciplinaire à l’égard de ces derniers (cf. infra).

L’indépendance des magistrats du ministère public ne peut cependant s’apprécier uniquement à l’aune des seules garanties statutaires. En effet, on en mesure également la portée à l’aune de la protection de la liberté individuelle, mission que les magistrats du parquet tiennent de la lettre même de l’article 66 de la Constitution, lequel dispose que « l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

Cette disposition constitutionnelle suppose l’intervention de l’autorité judiciaire dès lors qu’il est porté atteinte à la liberté individuelle, laquelle peut notamment être mise en cause par une mesure de police judiciaire, comme que la garde à vue (36). Dans sa décision M. Daniel W. et autres du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que si « l’intervention d’un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures, (…) avant la fin de cette période, le déroulement de la garde à vue est placé sous le contrôle du procureur de la République qui peut décider, le cas échéant, de sa prolongation de vingt-quatre heures » (37). Sous réserve de l’intervention d’un magistrat du siège, la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît que les magistrats du parquet en tant qu’autorité judiciaire sont les garants de la protection de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution.

Ainsi, la Constitution garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire, laquelle comprend, aux côtés des magistrats du siège, les magistrats du ministère public, tant sur le plan statutaire que dans le cadre de la protection des libertés individuelles. Cette approche constitutionnelle de l’indépendance, tant statutaire que fonctionnelle, des magistrats du parquet ne recoupe toutefois pas pleinement celle issue de la jurisprudence la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle tend aujourd’hui à remettre en question le rôle et le statut du ministère public à plusieurs égards.

C’est aujourd’hui bien davantage à l’aune de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 que de la Constitution du 4 octobre 1958 que l’indépendance du parquet est actuellement mise en question.

En effet, trois arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme ces dernières années – les arrêts Medvedyev c/ France du 10 juillet 2008 et du 29 mars 2010 et l’arrêt Moulin c/ France du 23 novembre 2010 – ont relancé, tour à tour, le débat sur le rôle, le statut et l’indépendance du « parquet à la française ».

Examinant la situation juridique des membres du ministère public français, la Cour de Strasbourg a estimé, dans son premier arrêt Medvedyev c/ France en date du 10 juillet 2008, que « le procureur de la République n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié ».

Malgré des formulations différentes, la Cour de Strasbourg a retenu, dans son second arrêt Medvedyev c/ France en date du 29 mars 2010, un raisonnement similaire à celui adopté en première instance : si la Grande Chambre n’a pas précisé dans cet arrêt que « le procureur de la République n’est pas une « autorité judiciaire » au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion » en raison de son manque d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif, elle n’en a pas moins affirmé qu’agissant contre le requérant dans la procédure pénale, le procureur de la République ne présentait pas les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties que doit présenter un magistrat.

Cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a ensuite été consacrée et formalisée dans son arrêt Moulin c/ France du 23 novembre 2010, dans lequel la Cour a rappelé que les magistrats du siège sont soumis à un régime différent de celui prévu pour les membres du ministère public, lesquels dépendent tous d’un supérieur hiérarchique commun, le garde des Sceaux, ne sont pas inamovibles et sont placés sous la direction et le contrôle de leur chef hiérarchique au sein du parquet. Même s’ils développent librement les observations orales qu’ils croient convenables au bien de la justice, la Cour a rappelé qu’ils sont tenus de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui leur sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44 du code de procédure pénale.

La Cour en a conclu qu’il résulte de leur statut que les membres du ministère public en France ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif, qui, selon une jurisprudence constante, compte au même titre que l’impartialité parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de « magistrat » au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (38).

Dans ce même arrêt, la Cour de Strasbourg a également précisé que la loi confiait l’exercice de l’action publique au ministère public. Or, les garanties d’indépendance à l’égard des parties excluent notamment que le parquet puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale. Pour ce second motif, elle a estimé qu’un membre du parquet ne remplissait pas les conditions requises pour être qualifié « juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ».

Il résulte de cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme deux enseignements. En premier lieu, une autorité judiciaire au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme correspond à un juge ou à un magistrat habilité par la loi, auquel ne peut être assimilé, pour la Cour de Strasbourg, un magistrat du ministère public français. En second lieu, le magistrat qui intervient en matière de protection de la liberté individuelle doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce dernier critère excluant notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, conditions que le magistrat du parquet ne remplit pas aux yeux de la Cour de Strasbourg.

Cette jurisprudence qui, sans se heurter frontalement à l’approche constitutionnelle de l’indépendance de l’autorité judiciaire, l’interroge dans une large mesure, a été reprise en droit interne par la chambre criminelle de la Cour de cassation. En effet, cette dernière, dans un arrêt rendu le 15 décembre 2010 (39), a estimé que le ministère public, parce qu’il « ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante » ne saurait être, au sens de l’article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » devant lequel « toute personne arrêtée ou détenu doit être aussitôt traduite ».

À la lumière de ces divergences entre les jurisprudences constitutionnelle, conventionnelle et judiciaire, le débat sur le statut du parquet reste largement ouvert, soulevant de multiples questions que le professeur Bertrand Mathieu a ainsi résumé : « Comment permettre au parquet d’être à la fois l’autorité qui engage les poursuites et celle qui garantit la liberté individuelle ? Faut-il redéfinir la notion de parties au procès ? Faut-il retirer aux membres du parquet le rôle de garant des libertés individuelles ? Faut-il dissocier ces deux fonctions ? Dans le cadre de la séparation des pouvoirs peut-on considérer que le parquet, tout en appartenant à l’autorité judiciaire, constitue une « interface » entre le pouvoir politique et le pouvoir juridictionnel ? » (40).

II. – UN PROJET DE LOI S’INSCRIVANT DANS UNE RÉFORME PLUS GLOBALE DU STATUT DU PARQUET CONCILIANT EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES ET CONVENTIONNELLES

Le présent projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique, qui prohibe les instructions individuelles et donne aux parquets le plein exercice de l’action publique, s’inscrit dans le cadre général de la réforme en cours du statut du parquet, destinée à en assurer l’indépendance et l’impartialité dans le respect des exigences tant constitutionnelles que conventionnelles.

Cette réforme s’appuie également sur le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (41), lequel rapproche les garanties statutaires offertes aux magistrats du parquet de celles des magistrats du siège, en prévoyant une nomination sur avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature à l’égard des magistrats du parquet, formation qui statuera désormais comme conseil de discipline (42).

Le présent projet de loi a pour objet de clarifier l’architecture des relations entre le garde des Sceaux et les magistrats du ministère public, en restituant au premier la responsabilité de conduire la politique pénale, conformément à l’article 20 de la Constitution, et en confiant au second le plein exercice de l’action publique.

Dans cette perspective, l’article 1erdu présent texte consacre, à l’article 30 du code de procédure pénale, le rôle du ministre de la Justice dans la conduite de la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Dans le cadre de sa mission, le garde des Sceaux devra veiller, comme cela est actuellement le cas, à la cohérence de l’application de cette politique sur l’ensemble du territoire de la République et pourra adresser, à cette fin, des instructions générales de politique pénale aux magistrats du ministère public.

L’article 2 du présent projet de loi reconnaît, à l’article 35 du code de procédure pénale, aux procureurs généraux un rôle d’animation de l’action des procureurs de la République et de coordination de la mise en œuvre par ceux-ci des instructions générales de politique pénale, adressées par le ministre de la Justice (cf. supra). Les procureurs généraux deviennent ainsi les garants de l’application effective, cohérente et homogène de la politique pénale dans leur ressort : à cet effet, ils se voient confier un pouvoir de déclinaison locale des instructions générales du garde des Sceaux et ce, afin de tenir compte du contexte propre au ressort de la cour d’appel.

L’article 3 du présent projet de loi clarifie, à l’article 39-1 du code de procédure pénale, le rôle des procureurs de la République dans la mise en œuvre territoriale de la politique pénale. Il revient, en effet, à ces derniers de mettre en œuvre, dans leur ressort territorial respectif, la politique pénale définie au niveau national par les instructions générales du ministre de la Justice et adaptée au niveau régional par les procureurs généraux. À l’instar du pouvoir de déclinaison locale reconnu à ces derniers (cf. supra), les procureurs de la République se voient également reconnaître la faculté d’adapter les instructions générales au contexte propre à leur ressort.

En définitive, la lecture croisée des articles 1er à 3 du présent projet de loi permet de prendre la pleine mesure de la clarification de la responsabilité de chaque échelon en matière de conduite de la politique pénale :

—  les instructions générales de politique pénale sont définies par le ministre de la Justice (article 1er) ;

—  puis elles sont précisées et, le cas échéant adaptées, par le procureur général dans le ressort de la cour d’appel (article 2) ;

—  elles sont enfin mises en œuvre, sous réserve d’éventuelles adaptations propres aux circonstances locales, par le procureur de la République dans le ressort du tribunal de grande instance (article 3).

Conformément aux engagements pris par le président de la République lors de la campagne de l’élection présidentielle (43), l’article 1er du présent projet inscrit, à l’article 30 du code de procédure pénale, la prohibition désormais faite au garde des Sceaux d’adresser aux magistrats du ministère public toute forme d’instruction dans des affaires individuelles.

Cette interdiction de toute instruction du ministre de la Justice à l’occasion d’affaires individuelles revêt une valeur symbolique d’autant plus forte qu’elle consacre la volonté du législateur de garantir l’impartialité des décisions des magistrats du parquet et de mettre fin au soupçon – qui trop souvent mine la confiance que les citoyens placent dans l’institution judiciaire – dans le déroulement des procédures judiciaires et notamment pénales.

Cette interdiction, qui sera désormais gravée dans le marbre de la loi, a connu des précédents dans l’histoire de notre justice. En effet, sous la XIIe législature, entre 1997 et 2002, les gardes des Sceaux successives, Mmes Élisabeth Guigou et Marylise Lebranchu, avaient renoncé à la possibilité d’adresser de telles instructions individuelles, de quelque nature qu’elles soient.

Dans le prolongement des recommandations formulées en 1997 par la commission de réflexion sur la justice, laquelle avait proposé d’interdire « toute possibilité pour le garde des Sceaux de donner aux magistrats des instructions, de toute nature, dans des dossiers particuliers » (44), le projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale déposé en 1997 prévoyait la prohibition des instructions individuelles. Après une lecture devant chaque chambre, la discussion parlementaire de cette réforme fut toutefois interrompue en 1999 par le Gouvernement, le Président de la République ayant renoncé à mener à son terme – en saisissant le Congrès – la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, qui tendait à renforcer l’indépendance statutaire du parquet, et qui était considérée par le Gouvernement comme faisant un « tout » avec la réforme du code de procédure pénale.

Dès sa prise de fonction en mai 2012, la nouvelle garde des Sceaux, Mme Christiane Taubira, soucieuse d’assurer l’indépendance de l’institution judiciaire, a décidé non seulement de renouer avec cette pratique, délaissée par les gouvernements successifs entre 2002 et 2012, mais également de l’inscrire expressément dans la loi. Tel est l’objet de l’article 1er du présent projet de loi.

Les articles 2 et 3 du présent projet de loi organisent la « remontée de l’information », d’une part, entre les procureurs généraux et le garde des Sceaux et, d’autre part, entre les procureurs de la République et ces mêmes procureurs généraux, sur la mise en œuvre et la déclinaison locale de la politique pénale définie au niveau national.

Ainsi, aux termes des articles 35 et 39-1 du code de procédure pénale, il reviendra aux procureurs généraux et aux procureurs de la République d’adresser respectivement au ministre de la Justice et aux procureurs généraux, d’une part, un rapport annuel de politique pénale sur l’application de la loi et la mise en œuvre des instructions générales ainsi que, d’autre part, un rapport annuel sur l’activité et la gestion des parquets. Il est toutefois précisé, dans les deux cas, que la transmission de ces rapports s’exercera sans préjudice des rapports particuliers que les procureurs généraux et les procureurs de la République seront amenés à établir soit d’initiative, soit sur demande respective du ministre de la Justice et du procureur général.

Plus qu’elles n’innovent, ces dispositions tendent à conforter la pratique existante en matière de remontée d’information, dans le souci de nourrir en particulier la réflexion du garde des Sceaux dans la définition des instructions générales de politique pénale adressées ensuite aux magistrats du ministère public. Comme l’avait souligné à juste titre le rapport de la commission de réflexion sur la justice, « la politique nationale se nourrit des informations venues des parquets et parquets généraux à l’occasion d’affaires particulières et par un rapport annuel » (45).

En effet, la conduite de la politique pénale implique que le garde des Sceaux, qui en assume la responsabilité en application de l’article 20 de la Constitution, reçoive des parquets généraux et des parquets une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice.

Tel est l’objet des rapports annuels et particuliers établis par les procureurs généraux et les procureurs de la République : en organisant la remontée d’information, ces rapports permettent au garde des Sceaux de veiller à une application uniforme de la loi pénale, de garantir l’égalité des citoyens devant la loi et d’inciter à la résolution d’éventuels conflits de compétences.

La réforme proposée par le présent projet de loi s’inscrit pleinement dans le cadre de la recommandation du Conseil de l’Europe, adoptée par le comité des ministres le 6 octobre 2000, sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale.

Cette recommandation invite les États membres, « dans les pays où le ministère public dépend du gouvernement ou se trouve subordonné à celui-ci », à prendre « toutes mesures afin de garantir que la nature et l’étendue des pouvoirs du gouvernement vis-à-vis du ministère public soient précisées par la loi, (…) que le gouvernement exerce ses pouvoirs de manière transparente et conformément aux traités internationaux, au droit interne et aux principes généraux du droit, (…) que toute instruction à caractère général émanant du gouvernement revête une forme écrite et soit publiée selon les modalités appropriées et (…) que les instructions individuelles de non poursuite soient, en principe, prohibées ».

Afin de « favoriser l’équité, la cohérence et l’efficacité de l’action du ministère public », cette recommandation confie aux États membres le soin de « veiller à privilégier une organisation hiérarchique sans que toutefois cette organisation entraîne la constitution de structures bureaucratiques, inefficaces ou paralysantes, (…) à définir des lignes directrices générales relatives à la mise en œuvre de la politique pénale et (…) à arrêter des principes et des critères généraux servant de référence aux décisions dans les affaires individuelles afin d’éviter tout arbitraire dans le processus de prise de décisions ».

À la lumière de ces exigences posées à l’institution d’un véritable parquet au sens de l’État de droit, il convient de reconnaître que l’action du « parquet à la française », telle qu’elle est envisagée par le présent projet de loi – suppression des instructions individuelles, conduite de la politique pénale par la voie d’instructions générales, clarification des attributions respectives du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public –, « est en phase avec ce socle que l’on peut considérer comme consensuel au niveau européen, et qui tient compte à la fois des points de convergence entre les différents ministères publics et de la diversité des systèmes juridiques », étant précisé que la Cour européenne des droits de l’homme « s’attache à respecter cette diversité et ne promeut pas de modèle unique de procédure et, a fortiori, de modèle de ministère public » (46).

Adopté en conseil des ministres le 13 mars 2013, le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature vise à en renforcer l’autorité et plus largement à garantir l’indépendance de la justice, afin que les magistrats rendent leurs décisions en toute impartialité et que les citoyens aient la conviction que les décisions prises par la justice ne le sont que dans l’intérêt de la loi et des justiciables.

Dès lors, la nomination des magistrats du siège comme du parquet et les conditions dans lesquelles ils exercent leurs fonctions doivent être entourées de toutes les garanties rendant l’impartialité de la justice insoupçonnable pour les justiciables. Ces garanties reposent dans une très large mesure sur l’intervention du Conseil supérieur de la magistrature, compétent tant en matière de nomination qu’en matière disciplinaire.

Une des innovations contenues par le projet de loi constitutionnelle réside dans le fait que la nomination de l’ensemble des magistrats du parquet, y compris des procureurs généraux, sera désormais subordonnée à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. La nomination sur avis conforme est un élément important du statut garantissant l’indépendance des magistrats et la levée de tout soupçon de nomination pour motif politique.

Par ailleurs, la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet ne se contentera plus d’émettre, à l’égard des magistrats du parquet, un avis sur les propositions de sanctions disciplinaires émises par le garde des Sceaux, mais jouera le rôle de réel conseil de discipline des magistrats du parquet, à l’instar de son homologue compétente à l’égard des magistrats du siège.

En effet, le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats du parquet, qui appartenait jusqu’ici au ministre de la Justice, reviendra désormais au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que le précise le sixième alinéa du nouvel article 65 de la Constitution – « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. » – dont la rédaction est calquée sur celle du cinquième alinéa relatif aux magistrats du siège – « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège ».

Si le présent projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public et le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature vont, sans nul doute, dans le sens d’une plus grande indépendance des magistrats du parquet à l’égard de l’exécutif, la place du ministère public au sein de l’autorité judiciaire suppose, à l’avenir, la mise en place de nouvelles garanties statutaires ainsi que, le cas échéant, une meilleure répartition des rôles entre siège et parquet et ce, dans le cadre d’une réforme d’ensemble de la procédure pénale.

En dépit des avancées majeures qu’ils comportent, certains estiment que ces deux projets de loi pourraient ne répondre qu’en partie aux exigences posées par l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans ses arrêts Medvedyev c/ France et Moulin c/ France (cf. supra). La Cour européenne des droits de l’homme exige, en effet, la réunion de deux conditions, que sont l’indépendance et l’impartialité, cette dernière garantie interdisant au magistrat ayant effectué le contrôle de la mesure privative de liberté de pouvoir agir par la suite contre le requérant. Or, certains juristes estiment que la question de l’impartialité reste posée, dans la mesure où le parquet est « la partie poursuivante, le demandeur à l’action publique » (47).

Dans cette perspective, certains praticiens et universitaires tirent de la jurisprudence de la Cour européenne la conclusion qu’il conviendrait, dans le cadre d’une réforme d’ensemble de la procédure pénale, de mieux distinguer, au regard des principes conventionnels, la fonction de poursuite de la fonction de jugement. Ainsi, lors de son audition par votre rapporteur, Mme Mireille Delmas-Marty a suggéré que l’ensemble des pouvoirs d’enquête soit confié au parquet, sous le contrôle d’un juge du siège. Dans le rapport de la commission « Justice pénale et droits de l’homme », dont elle était la présidente, elle écrivait déjà en 1990 que « le souci de ne pas confondre, entre les mains du juge, des pouvoirs d’investigation et des fonctions juridictionnelles amène à attribuer dans tous les cas au ministère public, partie poursuivante, la conduite des investigations, sous le contrôle du juge du siège » (48).

Une telle réforme conduirait à confier le contrôle de l’enquête à un juge du siège, lequel pourrait aller jusqu’à dessaisir le ministère public en cas de carence de celui-ci. Elle s’inscrirait, en outre, dans le cadre d’une juridictionnalisation accrue de l’enquête, offrant ainsi une place plus grande qu’aujourd’hui au respect du contradictoire et ce, dès le stade de l’enquête préliminaire.

Cette nouvelle répartition des rôles entre parquet et siège et, partant, entre fonctions de poursuites et fonctions de jugement, pourrait être accompagnée au préalable de nouvelles garanties statutaires, destinées à conforter l’indépendance du ministère public. Si le présent projet de loi et la réforme constitutionnelle en cours cherchent à apporter des réponses fortes en ce domaine, d’autres solutions complémentaires restent envisageables, comme reconnaître au Conseil supérieur de la magistrature un pouvoir de proposition pour la nomination des magistrats du parquet.

Tout en maintenant le lien hiérarchique unissant le ministère public au ministre de la Justice (cf. supra), dans la mesure où l’intervention de celui-ci dans la conduite de la politique pénale, notamment par voie d’instructions générales, conditionne, dans un État de droit, l’égalité de traitement des citoyens devant la loi pénale sur toute l’étendue du territoire national, il pourrait être envisagé, dans le prolongement des recommandations formulées dans le rapport précité de la commission « Justice pénale et droits de l’homme », de définir plus précisément les conditions d’application de la liberté de parole reconnue aux magistrats du ministère public ainsi que les limites de leur devoir d’obéissance et de réserve, ce qui nécessiterait que soit modifiée, sur ces différents points, l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Sur l’initiative de votre rapporteur, la Commission a complété l’article 1er du présent projet de loi pour prévoir l’information annuelle du Parlement sur l’application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement ainsi que sur la mise en œuvre des instructions générales adressées à cette fin par le ministre de la Justice aux magistrats du ministère public. Dans cette perspective, il reviendra, chaque année, au garde des Sceaux de publier un rapport de politique pénale et, sur cette base, d’informer le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d’un débat, des conditions de mise en œuvre de la politique pénale déterminée par le Gouvernement et des instructions générales adressées à cette fin.

Par cohérence avec cette information annuelle, au niveau national, du Parlement, votre Commission a adopté deux amendements de votre rapporteur complétant les articles 2 et 3 du présent projet de loi, pour organiser l’information annuelle, au niveau local, de l’ensemble des magistrats de la cour d’appel et du tribunal de grande instance sur l’application, dans leur ressort, de la politique pénale. Dans cette perspective, il reviendra au procureur général et au procureur de la République de communiquer le rapport annuel de politique pénale, qu’ils établissent, respectivement au premier président de la cour d’appel et au président du tribunal de grande instance. Ce rapport fera ensuite l’objet d’un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet au sein de chaque ressort.

Dans un souci de transparence, votre Commission a, sur proposition de votre rapporteur, inscrit à l’article 1er du présent projet de loi, le principe de la publicité des instructions générales de politique pénale, qui sont adressées par le garde des Sceaux aux magistrats du ministère public. Votre rapporteur considère, en effet, que la fin du soupçon, auquel le présent texte entend mettre fin, exige que chaque citoyen puisse avoir connaissance des choix de politique pénale arrêtés par le ministre de la Justice et qui seront désormais débattus, chaque année, au Parlement.

Dans le prolongement de la prohibition de toute instruction individuelle, votre Commission a inséré, dans le présent projet de loi, un nouvel article 1erbis ayant pour objet de rappeler à l’article 31 du code de procédure pénale (49), les principes d’indépendance et d’impartialité dans l’exercice de l’action publique et l’application de la loi par les magistrats du ministère public.

Votre rapporteur n’ignore pas que ces deux principes font aujourd’hui l’objet d’appréciations divergentes entre les jurisprudences constitutionnelle et conventionnelle. Il n’ignore pas davantage que les magistrats du ministère public ne disposent pas des mêmes garanties statutaires que les magistrats du siège (cf. supra) et que l’indépendance des premiers ne peut avoir la même portée que celle reconnue aux seconds, en raison même du principe de subordination hiérarchique des membres du ministère public, qu’il n’est nullement question de remettre en cause à la faveur de la présente réforme, dans la mesure où ce principe hiérarchique conditionne, dans un État de droit, l’égalité des citoyens devant la loi pénale sur l’ensemble du territoire.

Il n’en demeure pas moins que, dans le respect de cette organisation hiérarchique, fruit de notre histoire judiciaire et caractéristique propre au « parquet à la française », il existe, pour reprendre les termes employés par la Cour européenne des droits de l’homme, un intérêt général consistant à « maintenir la confiance des citoyens dans l’indépendance et la neutralité politique des autorités de poursuite d’un État » (50). Telle est l’ambition poursuivie par le rappel, à l’article 31 du code de procédure pénale relatif à l’exercice de l’action publique, des principes d’indépendance et d’impartialité,

Dans cette perspective, votre rapporteur observe que le Conseil constitutionnel a constamment affirmé, à compter de sa décision n° 93-326 DC, que « l’autorité judiciaire qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet ». Or, aux termes de l’article 64 de la Constitution, l’autorité judiciaire est indépendante. Si le parquet fait partie de cette autorité judiciaire, son indépendance doit être assurée et implique des garanties particulières, lesquelles ne doivent pas nécessairement être identiques à celles reconnues aux magistrats du siège. En effet, « l’unité du corps judiciaire n’implique pas une égalité entre les magistrats du siège et du parquet » (51).

En outre, le Conseil constitutionnel a considéré que la subordination hiérarchique du parquet au garde des Sceaux était conforme à cette indépendance constitutionnellement garantie. En effet, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, il a jugé que la faculté reconnue au ministre de la Justice d’adresser des instructions générales ne contredisait « ni la conception française de la séparation des pouvoirs, ni le principe selon lequel l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ».

La spécificité du « parquet à la française » tient enfin à sa dualité fonctionnelle : en tant que juge, le parquet est garant de la protection de la liberté individuelle, en tant qu’autorité de poursuite, il constitue une « partie » au procès. Par une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a jugé que le statut du parquet, comme partie poursuivante, ne remettait pas en cause son impartialité et qu’il était donc conforme à la Constitution. Il a notamment considéré, dans une décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, que le parquet n’est pas une partie au procès comme une autre, « le ministère public n’étant pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou la partie civile ». Il a ainsi accepté, dans le cadre de la procédure pénale, que le déroulement de la garde à vue soit placé sous le contrôle du procureur de la République, lequel peut, le cas échéant, décider de sa prolongation de vingt-quatre heures, l’intervention d’un magistrat du siège étant par la suite requise pour la prolongation de cette mesure au-delà de quarante-huit heures (cf. supra).

Ainsi, « au travers de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel considère que le parquet est une autorité judiciaire indépendante et impartiale apte, sous certaines réserves, à garantir la liberté individuelle et ce, nonobstant les particularités de son statut » (52). Dans le prolongement de cette jurisprudence, votre Commission a souhaité tirer les conséquences de l’exclusion du garde des Sceaux de l’exercice de l’action publique, désormais réservé aux seuls magistrats du ministère public, en rappelant à l’article 31 du code de procédure pénale les principes d’indépendance et d’impartialité, qui s’appliquent, sous certaines réserves, aux magistrats du parquet, membres de l’autorité judiciaire au sens de l’article 64 de la Constitution, dans l’exercice de leur mission.

CONTRIBUTION DE M. PATRICK DEVEDJIAN,
CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi
(nommé en application de l’article 145-7 du Règlement)

Le vrai débat est celui de l’impartialité.

Le texte qui nous occupe a pour objet la suppression des instructions individuelles données par le garde des Sceaux à ses procureurs (art. 30 du code de procédure pénale) prévu par une ordonnance de 1958. C’est un vieux sujet de débat qui a donné lieu à bien des polémiques et bien des hypocrisies, sans que pour autant l’essentiel ne soit jamais réellement traité.

Il s’agit en principe d’assurer aux justiciables que le gouvernement en place ne profite pas de ses pouvoirs pour protéger ses amis. Qui ne saurait donner son accord à une aussi vertueuse intention ?

À propos de cet article 30 du code de procédure pénale, la gauche avait fait adopter le 4 janvier 1993 l’obligation que ces instructions individuelles soient écrites et la droite y avait ajouté le 24 août 1993 qu’elles devaient être versées au dossier et donc communiquées à la défense. On pouvait donc penser la question réglée, d’autant plus que l’étude d’impact jointe au présent projet de loi ne recense qu’une dizaine d’instructions par an et ne relève aucun manquement.

En revanche il est toujours aussi difficile de s’assurer qu’un procureur ami du pouvoir ou ami de l’opposition sera imperméable à une intervention orale. Il est difficile de s’assurer qu’un procureur ne laisse pas prescrire volontairement des infractions, ne préfère pas ouvrir une enquête préliminaire plutôt que faire désigner un juge d’instruction, faire une saisine directe pour ne pas informer davantage…

Qui contrôle cela ? Qui peut le faire ? Les voies de recours et de contrôle sont moins évidentes qu’à l’égard du Siège.

Les relations entre l’Exécutif et le Judiciaire constituent une problématique complexe discutée de manière récurrente depuis plusieurs siècles. Bien entendu la Justice doit être impartiale et l’on a souvent soutenu qu’il fallait pour cela qu’elle soit indépendante. Indépendante de qui et de quoi ? Les esprits simples répondent : indépendante du pouvoir politique. Certes, mais qu’est-ce que le pouvoir politique ? Les mêmes répondent : le pouvoir politique c’est d’abord le Gouvernement. Sans doute, mais c’est aussi bien plus.

En ce qui concerne l’avancement des magistrats, du Siège comme désormais du Parquet, il ne dépend pratiquement plus du gouvernement, mais des commissions d’avancement et du Conseil supérieur de la magistrature, qui sont dominés par les syndicats de magistrats. Pour avancer, il ne faut pas leur déplaire. Il n’y a plus besoin de courage pour résister aux politiques, c’est même le meilleur moyen d’être considéré.

Or, à plusieurs reprises on a pu vérifier que des syndicats de magistrats donnaient des orientations sur la manière de juger, commentaient l’actualité, stigmatisaient certaines catégories de justiciables, voire affirmaient leur hostilité à certaines personnes pouvant devenir des justiciables. Contre cela le Gouvernement ne paraît pas décidé à agir. Saisir le Conseil supérieur de la magistrature d’une dérive syndicale, c’est ne pas voir le conflit d’intérêt avec les syndicalistes qui y siègent !

Le vrai devoir du magistrat c’est de respecter scrupuleusement la loi, dans sa lettre et dans son esprit. Pour le Siège ce n’est pas toujours le cas, sinon nous n’aurions pas tant de jugements réformés ou cassés. Mais convenons qu’avec trois degrés de juridiction le système offre des garanties sérieuses pour le justiciable.

En revanche pour les magistrats du Parquet l’aléa est plus grand. En effet le droit pénal français repose sur le principe d’opportunité des poursuites. Le Parquet a le droit de choisir de ne pas poursuivre. À qui rend-il compte de ses choix ? Devant qui en est-il responsable ?

Quand le Parquet est hiérarchisé jusqu’au garde des Sceaux qui en est le chef naturel et légal, le Gouvernement est responsable devant le Parlement et l’opinion des décisions prises : désormais il ne le sera plus.

Paradoxalement, au moment où le Gouvernement fait ce choix, de fausse vertu et de véritable abandon de responsabilité, il crée un Procureur financier, qui va dépouiller le Parquet de Paris en particulier, comme si le Procureur de la République de Paris lui déplaisait et que le prochain procureur financier pourrait lui être moins indépendant.

En résumé, il me semble que c’est évidemment habile de vouloir faire croire qu’on assure une bonne administration de la Justice, en supprimant une disposition qui en fait n’offre aucun danger, mais on peut se demander si le but n’est pas d’éluder ainsi la véritable question qui se pose et qu’on se refuse à aborder : qui sera désormais responsable des éventuels errements du Parquet ?

AUDITION DE MME CHRISTIANE TAUBIRA, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE,
ET DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mardi 21 mai 2013, la Commission procède à l’audition de Mme Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux, sur le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (n° 815) et sur le présent projet de loi.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vous remercie, madame la garde des Sceaux, d’avoir répondu à notre invitation pour nous présenter le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature et le projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique.

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice. C’est avec plaisir que je réponds à l’invitation de votre Commission, avec laquelle j’ai toujours des échanges très denses, fructueux, même s’ils sont parfois vifs.

Les deux projets de loi que je vous présente aujourd’hui visent à consolider l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, modifiant les articles 64 et 65 de la Constitution, vise à réformer substantiellement la composition et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, afin de renforcer significativement son rôle. Quant au projet de loi ordinaire, qui tend à modifier les articles 30, 35 et 39-1 du code de procédure pénale, relatifs aux attributions du garde des Sceaux et à ses relations avec le parquet, il a pour objectif essentiel de supprimer la possibilité pour le garde des Sceaux d’adresser au parquet des instructions individuelles. Ces projets traduisent l’engagement n° 53 du candidat François Hollande, réaffirmé en janvier 2013 par le président de la République lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation.

La réforme constitutionnelle de 2008 a été mise en œuvre en 2011 et l’on pourrait s’interroger sur l’opportunité de procéder à une nouvelle réforme du CSM. C’est qu’il s’agit, comme je viens de le dire, de conforter les conditions de l’indépendance et de l’impartialité de l’autorité judiciaire, tant au niveau du CSM que des parquets eux-mêmes.

Certes, la réforme de 2008 avait permis des avancées substantielles, notamment en retirant au président de la République et au ministre de la Justice respectivement la présidence et la vice-présidence du CSM, et en ouvrant aux justiciables la faculté de saisir le CSM. Cependant, certaines de ses dispositions tendaient à neutraliser ces avancées, notamment s’agissant des rapports entre l’Exécutif et la magistrature. La loi constitutionnelle de 2008 a ainsi confié aux autorités politiques le soin de désigner six personnalités extérieures, au lieu de quatre auparavant. En outre, l’interprétation de cette réforme par le Conseil constitutionnel a dénié au CSM la faculté de s’autosaisir.

Notre proposition de réécriture de l’article 65 de la Constitution, qui a recueilli l’accord du Conseil d’État, vise à mettre le CSM à l’abri des interventions politiques. Conformément au souhait du président de la République, nous avons proposé une présence majoritaire des magistrats élus dans la composition du Conseil. Cependant les échanges auxquels l’avant-projet a donné lieu ont fait apparaître la préférence des parlementaires pour une composition paritaire entre magistrats et non magistrats, parité qui est par ailleurs conforme aux standards européens, notamment aux recommandations du Conseil de l’Europe. Notre texte prévoit par ailleurs que le président du CSM sera choisi parmi les cinq personnalités qualifiées désignées par le collège.

Le projet de loi constitutionnelle dispose par ailleurs que la formation plénière du CSM réunira effectivement tous les membres du Conseil, alors que, dans l’état actuel du droit, elle ne rassemble pas la totalité des membres des deux formations spécialisées, celle compétente à l’égard des magistrats du siège et celle compétente à l’égard des magistrats du parquet.

Ce texte prévoit, par ailleurs, que le CSM pourra se saisir d’office des questions relatives à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats.

L’indépendance vis-à-vis de l’Exécutif est le maître mot de notre proposition de réforme du CSM. Je n’ai pas à vous rappeler que, jusqu’en 1993, tous les membres du CSM étaient désignés par le pouvoir politique : ce n’est que depuis cette date que les magistrats siégeant au Conseil sont élus par leurs pairs. À partir de la réforme de 2008, les personnalités qualifiées siégeant au CSM sont nommées par les autorités politiques. Nous proposons qu’elles le soient désormais par un collège dont les membres seront désignés au titre de leur fonction : il s’agirait du vice-président du Conseil d’État, du président du Conseil économique, social et environnemental, du Défenseur des droits, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation, du premier président de la Cour des comptes et d’un professeur des universités.

Ce collège serait chargé de dresser une liste de cinq personnes qualifiées – six en cas de parité dans la composition du Conseil – dont la désignation serait soumise à l’avis conforme des commissions des Lois des deux assemblées, la nomination ne pouvant pas avoir lieu si l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le choix d’un vote sur liste bloquée obéit à un souci de cohésion, mais je n’ignore pas que ce point est discuté, certains nous ayant fait part de leur préférence pour un vote sur les candidatures individuelles.

Le CSM comprendrait en outre un avocat, désigné par le Conseil national des barreaux, et un conseiller d’État, élu par le Conseil d’État.

Le projet de loi constitutionnelle vise aussi à renforcer l’impartialité du parquet puisqu’il prévoit que la nomination des magistrats du parquet sera subordonnée à l’avis conforme du CSM et aligne le régime disciplinaire de ces magistrats, qui relèverait désormais du CSM, sur celui des magistrats du siège. Une telle réforme contribuera à l’unité du corps de la magistrature, conformément à la Constitution et à une revendication forte des magistrats.

Le projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique propose, quant à lui, une rédaction de l’article 30 du code de procédure pénale plus conforme aux dispositions de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Celle-ci réservait l’exercice de l’action publique aux seuls magistrats du parquet, alors que la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité confiait au ministre de la Justice la conduite directe de l’action publique. Notre projet restitue au garde des Sceaux la responsabilité d’animer la politique pénale du Gouvernement sur l’ensemble du territoire, conformément à l’article 20 de la Constitution, et au parquet le plein exercice de l’action publique. Cela signifie qu’il revient au ministre de la Justice de définir les priorités de la politique pénale et aux procureurs généraux et aux procureurs de décliner ces orientations générales dans leur ressort.

Je vous renvoie au contenu de la circulaire générale de politique pénale du 19 septembre 2012 indiquant les principes directeurs de la nouvelle politique pénale : l’individualisation des décisions à tous les stades de la procédure, le principe que la réponse pénale doit intervenir dans un temps utile, c’est-à-dire n’être ni trop précipitée ni trop longue, des décisions d’incarcération qui tiennent compte des critères élargis par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le respect des droits de la défense, une attention particulière portée aux victimes d’infraction, attention particulière qui s’est traduite dans le projet de loi de finances pour 2013 par la création d’une centaine de nouveaux bureaux d’aide aux victimes, afin que chaque tribunal de grande instance en soit doté d’ici la fin de cette année. Est également rappelée, dans cette circulaire, la nécessité d’une prise en charge continue et dynamique des mineurs délinquants, à vocation d’abord éducative. Quant aux procureurs de la République, il est fait mention de l’obligation qui est la leur d’informer les officiers de police judiciaire des suites données par les juridictions aux procédures qu’ils ont menées.

Ces nouvelles relations entre la Chancellerie et les magistrats du ministère public sont fondées sur la responsabilité du garde des Sceaux en ce qui concerne la mise en œuvre de la politique pénale sur l’ensemble du territoire. Des directives de politique pénale peuvent également être consacrées à des territoires particuliers, tels que la Corse, Marseille, la Nouvelle-Calédonie ou la Guyane, dont la situation singulière sur le plan pénal appelle des réponses spécifiques. Ainsi, la circulaire du 23 novembre 2012 relative à la politique pénale territoriale pour la Corse recommande au parquet de favoriser la co-saisine des services de police et de gendarmerie.

Les procureurs généraux restent responsables, dans leur ressort, de l’animation et de la coordination de l’action publique, dans le respect des grandes orientations de la politique pénale générale. Les zones de sécurité prioritaires sont l’exemple type de territoires où les procureurs généraux et les procureurs déclinent la politique pénale générale en fonction des profils de délinquance qu’ils rencontrent dans leur ressort.

Les directives du garde des Sceaux peuvent aussi préciser les conditions dans lesquelles la politique pénale s’applique à des thématiques particulières. C’est l’objet de ma circulaire sur la détention d’armes ou de celle consacrée à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. De même, le garde des Sceaux peut diffuser des instructions générales visant à accompagner une réforme législative. J’ai ainsi présenté, dans une circulaire, la loi relative au harcèlement sexuel ou encore celle ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Le projet de loi prévoit par ailleurs les conditions dans lesquelles le parquet informe la Chancellerie de l’application de la loi et de la mise en œuvre des instructions générales. Aux termes de ce texte, les procureurs généraux sont tenus d’adresser, chaque année, au ministre de la Justice un rapport de politique pénale afin de rendre compte, non seulement de la gestion des parquets de leur ressort, mais aussi de la mise en œuvre de la politique pénale. Ce rapport annuel viendra s’ajouter aux rapports particuliers adressés tout le long de l’année à la Chancellerie, et qui l’informent sur l’état des procédures, la conduite locale de l’action publique, et les difficultés d’application de la politique pénale générale. Ces remontées d’information permettent au garde des Sceaux de prendre des mesures adaptées ou de savoir où il faut renforcer les moyens. Ces signalements sont aussi pour vous, parlementaires, une source d’information fort utile, qui vous permet de ne pas dépendre des médias pour connaître l’état des procédures.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Je voudrais d’abord saluer M. Fenech, co-rapporteur d’application pour ce texte, avec lequel j’ai travaillé en bonne intelligence.

La réforme constitutionnelle de 2008 était déjà une avancée incontestable, et les auditions auxquelles nous avons procédé ont confirmé que le fonctionnement de l’actuel CSM, issu de cette réforme, était assez satisfaisant. Ce projet de loi constitutionnelle va cependant permettre de progresser encore, notamment sur deux points : la nécessité d’un avis conforme du CSM pour la nomination des magistrats du parquet ; la diminution de la proportion des non magistrats – je les appellerai les « laïcs » – dans la composition du CSM.

Il est nécessaire de rappeler, à ce stade, que le CSM est un conseil supérieur de la magistrature, et non de la justice : il n’est donc pas question de faire droit à la demande de certains syndicats de magistrats que lui soit transférée la direction des services judiciaires ou l’inspection générale des services judiciaires. L’objectif du texte est simplement de garantir l’indépendance et, par là même, l’impartialité de cet organisme.

Il me semble que l’on peut encore améliorer ce texte, notamment en établissant la parité entre « laïcs » et magistrats dans la composition du CSM. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai de porter le nombre de personnalités qualifiées désignées par le collège ad hoc de cinq à six. Le CSM compterait alors trois collèges : un collège de huit magistrats du parquet, un collège de huit magistrats du siège et un collège de huit non magistrats. Il serait également possible de soumettre la désignation des personnes qualifiées à l’obligation de respecter la parité entre les hommes et les femmes.

Ensuite, nous vous proposerons d’introduire dans le collège des autorités de nomination le président d’une « instance consultative de protection des libertés publiques et de défense des droits de l’homme », cette périphrase désignant en réalité la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Le recours à cette périphrase vise à éviter que l’on nous reproche de constitutionnaliser cette instance. De même, par précaution, le projet de loi constitutionnelle désigne la commission des Lois par la périphrase « commission permanente désignée par la loi », pour le cas où cette commission changerait de nom.

Je vous proposerai aussi de confier au collège des autorités de nomination le soin de désigner, parmi les personnalités nommées par lui, le futur président du CSM.

S’agissant du vote des commissions des Lois sur la désignation des membres « laïcs » du CSM, nous proposerons de substituer au vote bloqué de liste, prévu par le projet de loi, un vote sur chaque nom. En outre, chaque nomination, pour être effective, devrait recueillir un vote positif des trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions. Nous avons conscience du risque de blocage institutionnel que ce mécanisme comporte, ainsi que de celui de ne voir proposer à la nomination que des personnalités sans aspérité afin de prévenir un tel blocage. Seule l’expérience nous instruira sur ce point, mais si le système fonctionne, il pourrait être généralisé à l’ensemble des nominations visées au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Un autre de mes amendements vise à modifier la composition de la formation plénière. La question est d’importance, sachant que le projet ouvre à celle-ci la possibilité de se saisir d’office de toute question relative à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats. Telle qu’elle est prévue par le texte du Gouvernement, cette composition va à l’encontre du principe de parité, puisque sur les vingt-trois membres du CSM, seuls sept ne sont pas magistrats. C’est la raison pour laquelle je vous propose de maintenir le système en vigueur depuis la réforme de 2008, selon lequel la formation plénière ne comprend pas la totalité des magistrats : elle comprendrait alors huit magistrats et huit personnalités qualifiées. La composition paritaire de la formation plénière me semble en effet le meilleur moyen de préserver l’indépendance du CSM et de lui éviter de se transformer en intersyndicale.

Nous proposerons enfin que le CSM puisse être saisi par un magistrat sur une question de déontologie qui le concerne.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur du projet de loi relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique. Cela fait très longtemps que les rapports entre le parquet et le ministère de la Justice suscitent le débat, le dernier en date ayant abouti au projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale, déposé en 1998 sur le bureau de l’Assemblée nationale par la garde des Sceaux de l’époque, Mme Élisabeth Guigou.

La disposition fondamentale du dispositif que l’on nous propose aujourd’hui est la suppression, conformément aux engagements du candidat François Hollande, de la possibilité pour la Chancellerie de donner des instructions individuelles aux magistrats du parquet : c’est l’objet de la nouvelle rédaction qui nous est proposée pour l’article 30 du code de procédure pénale. L’affirmation législative de ce principe vise non seulement à protéger les justiciables et à lutter contre les suspicions de connivence entre les politiques et la justice, mais également à remédier aux colossales difficultés nées de la contradiction entre le principe de subordination hiérarchique du ministère public français et les conventions auxquelles la France est partie. En effet, en vertu de l’article 20 de la Constitution, aux termes duquel le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation, c’est au Gouvernement qu’il revient de conduire la politique pénale, via les magistrats du parquet, qui lui sont hiérarchiquement subordonnés. Ce système original présente l’inconvénient de contrevenir aux principes posés par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui s’est progressivement intégrée au droit positif des États membres.

Tout l’enjeu du texte est donc de concilier le principe selon lequel le Gouvernement conduit la politique de la Nation, que nul n’entend remettre en cause, notamment en matière pénale, avec l’exercice de l’action publique par des magistrats indépendants et impartiaux, bien que hiérarchiquement subordonnés.

Je tiens à souligner que le dispositif législatif qui nous est proposé réaffirme la compétence du ministre de la Justice dans la conduite de la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il le fait plus fortement encore que ne le faisait la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, aux termes duquel « le ministre de la justice conduit la politique d’action publique déterminée par le Gouvernement ». En revanche, le projet de loi ne modifie en rien l’article 31 du code de procédure pénale, aux termes duquel il revient au ministère public d’exercer l’action publique et de requérir l’application de la loi. C’est le respect de ces attributions propres à chacun qui doit présider aux relations entre le ministre de la Justice et le ministère public, selon les modalités que Mme la garde des Sceaux vient de rappeler.

Nous vous proposerons donc d’adopter ce dispositif, après y avoir apporté quelques améliorations.

Nous souhaiterions que les instructions générales de politique pénale soient rendues publiques. Nous voudrions aussi que le Gouvernement informe chaque année le Parlement de la mise en œuvre de sa politique pénale, par une déclaration qui pourrait être suivie d’un débat. Une telle disposition existait déjà dans le projet de loi « Guigou » de 1998.

Nous proposerons également qu’après avoir été adressé au procureur général, le rapport annuel de politique pénale établi par le procureur de la République soit communiqué par celui-ci au président du tribunal de grande instance et fasse l’objet d’un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet. Ce dispositif est requis et décliné au niveau de chaque cour d’appel.

Nous suggérons par ailleurs de modifier le titre du projet de loi en substituant aux mots : « d’action », les mots : « de mise en œuvre de l’action », l’action publique relevant en effet de la compétence exclusive du parquet.

Enfin, afin de conforter encore les conditions de la conciliation entre les enjeux conventionnel et constitutionnel évoqués au début de mon intervention, je proposerai de préciser, à l’article 31 du code de procédure pénale, que le ministère public exerce l’action publique « dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité. » Une telle précision permettrait d’affirmer que les membres du parquet sont des magistrats impartiaux et indépendants, bien que hiérarchiquement subordonnés au garde des Sceaux. Ce texte doit, en lien avec la réforme du CSM, protéger notre pays du risque de sanction de la Cour européenne des droits de l’homme, sans pour autant remettre en cause la spécificité de notre ministère public. Je vous rappelle en effet que la jurisprudence de la Cour européenne dénie au ministère public la qualité d’autorité judiciaire et que la Cour de cassation partage désormais le point de vue de la Cour de Strasbourg.

M. Georges Fenech. Je vous remercie d’abord, madame la garde des Sceaux, pour votre présentation et pour l’esprit d’ouverture dont vous faites preuve en acceptant de faire évoluer votre projet de loi constitutionnelle portant réforme du CSM. Mais cette évolution même nous conduit à poser cette question : tout ça pour ça ?

On se souvient que c’est l’affaire Cahuzac qui a incité le président de la République à précipiter une réforme institutionnelle majeure, au point de remettre en cause la réforme de 2008, qui constituait pourtant une avancée considérable, sans même attendre d’avoir le recul nécessaire pour en évaluer les résultats. La majorité de ceux que nous avons auditionnés a même déploré ce que certains qualifient de « régression démocratique » et la constitution d’un « système oligarchique ». Ces auditions m’ont fait pressentir que la disposition donnant aux magistrats la majorité au sein du CSM ne serait finalement pas adoptée.

Vous confondez, madame, indépendance et autonomie : l’indépendance, ce n’est pas l’irresponsabilité. Ce n’est pas en coupant le CSM de la société que nous parviendrons à rétablir la confiance de nos concitoyens envers l’institution judiciaire. La parité entre magistrats et non magistrats serait un moindre mal, mais cela resterait une régression.

Je crains par ailleurs qu’en confiant à un collège d’autorités de nomination la désignation des personnalités qualifiées, votre projet n’affaiblisse la légitimité des membres du CSM. En effet, quelle haute autorité pourrait être plus légitime que le président de la République ou les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ?

Pour toutes ces raisons, ce texte me semble loin d’être une avancée. Et je crains qu’il ne fasse pousser des cris d’orfraie aux syndicats de magistrats eux-mêmes, s’il ne tient pas finalement l’engagement du président de la République de donner aux magistrats – et donc aux syndicats de magistrats – la majorité au sein du CSM.

Je me demande enfin à quel titre vous maintenez la faculté pour le garde des Sceaux d’assister aux séances du CSM.

M. Jacques Bompard. Si l’intention d’assurer l’indépendance de la justice est louable, ce n’est pas en multipliant les lois qu’on y parviendra, au contraire. Si ce texte met la justice à l’abri de l’Exécutif, il ne la protégera pas des pressions des puissances politiques, ni des coteries, ni des réseaux, des syndicats, des médias, ni du conformisme ambiant, ni des puissances financières, parce que c’est impossible. Pour que le service public de la justice ne puisse pas être soupçonné de partialité, il faudrait que chaque juge soit Dieu. Ce n’est pas en changeant la forme qu’on changera le fond. L’impartialité ne se décrète pas : elle se constate.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. S’agissant de la composition du CSM, je partage largement la position de Dominique Raimbourg : les standards européens imposent simplement la parité, et non pas la prédominance des magistrats.

La nomination des cinq personnalités qualifiées qui auront été désignées par un collège à la composition quelque peu baroque – ce qui n’est pas nécessairement un inconvénient – dépendra de la validation d’une liste bloquée par absence de veto des trois cinquièmes des commissions des Lois des deux assemblées. Ce veto aux trois cinquièmes étant plus difficile à obtenir qu’une approbation dans les mêmes proportions, la liste a peu de chances d’être rejetée.

Si la plupart des membres de ce collège sont en effet indépendants du pouvoir politique, je vous rappelle que le Défenseur des droits, le premier président de la Cour de cassation, le procureur général près la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes sont nommés en Conseil des ministres. Les différentes personnalités composant le collège ont de surcroît moins d’autorité que le président de la République et les présidents des deux assemblées parlementaires. Je ne vois donc pas l’intérêt de la substitution proposée. En outre, en quoi le président du CESE, même s’il est élu par ses pairs, serait-il plus exempt de suspicion que d’autres autorités ?

Par ailleurs, un avis conforme sera requis pour la nomination de tous les membres du parquet, y compris ceux qui sont au sommet de la hiérarchie, alors que certains magistrats du siège, eux, sont nommés sur proposition.

Enfin, je conçois la difficulté qu’il y a à concilier la position des instances européennes sur le statut du parquet et le maintien d’un lien avec la Chancellerie, comme le rappelait M. Le Bouillonnec ; mais l’obligation faite aux procureurs généraux comme aux procureurs de la République d’adapter les instructions générales de politique pénale au contexte de leurs ressorts respectifs ne risque-t-elle pas d’ébrécher l’unité de la loi pénale ? Des explications complémentaires, voire des amendements, me paraissent souhaitables sur ce point.

M. Sébastien Denaja. Je salue la portée des deux textes qui nous sont soumis. Vous étiez déjà la ministre de l’égalité, madame la garde des Sceaux ; vous serez bientôt celle de l’indépendance. En tant que membre de la Délégation aux droits des femmes de notre assemblée, je suis particulièrement sensible à la question de la parité ; or, s’il est une institution inégalitaire sur ce plan, c’est bien l’institution judiciaire, où les femmes sont aussi nombreuses en bas de la hiérarchie que rares en son sommet. Le fait qu’une femme soit à la tête de la Chancellerie ne saurait masquer cette triste réalité.

S’agissant des liens entre la Chancellerie et le parquet, on ne peut que se réjouir de voir consacrée une pratique qui a toujours été celle de la gauche. Cependant, le projet de loi ne répond pas à toutes les attentes des magistrats du parquet, dont la plupart attendent un statut rénové et plus protecteur. Quelles dispositions législatives envisagez-vous pour garantir le respect de l’autonomie de leurs décisions, l’objectivité des critères d’affectation dans les services et d’attribution des dossiers, ainsi que le respect de la liberté de parole à l’audience ?

M. Patrick Devedjian. S’agissant de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, madame la garde des Sceaux, le président de la République s’était engagé à ce que les « clercs » disposent d’un siège de plus que les « laïcs » : la parité que M. le rapporteur veut introduire par amendement ne correspond donc pas à cet engagement.

Le principe de l’opportunité des poursuites est de la plus grande conséquence au regard de l’indépendance du parquet. Quelles sont les voies de recours contre un classement inconsidéré ?

Si un procureur n’applique pas, par simple négligence ou de manière délibérée, les directives de politique pénale, quelles en sont les conséquences et quelle est sa responsabilité ? Quelles sont alors les voies de recours pour le Gouvernement ? Rappelons que l’avortement fut autrefois un crime – passible de la guillotine, à laquelle fut condamnée une femme sous le régime de Vichy –, puis un délit de moins en moins poursuivi, avant d’être tout simplement légalisé et remboursé par la sécurité sociale : ce long chemin est dû, pour une large part, à la politique pénale et à la cessation progressive des poursuites par les parquets.

Comment les citoyens sont-ils protégés de dépendances autres que celles qui peuvent lier les magistrats au pouvoir politique, comme la dépendance aux consignes syndicales ? J’ajoute que l’indépendance et l’impartialité sont deux notions très différentes : on peut être indépendant et partial – cela arrive même très souvent.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je regrette que l’ordre du jour de l’éventuel Congrès du Parlement du mois de juillet prochain ait été amputé de deux textes d’un intérêt tout particulier, qui de surcroît correspondent à des engagements du président de la République. Dans cette Commission comme ailleurs, le précédent exécutif, faut-il le rappeler, s’était vu reprocher de convoquer le Congrès des motifs un peu courts des « pattes arrière », comme disent les chasseurs Mais, peut-être, Mme la garde des Sceaux pourra-t-elle nous donner des informations sur le calendrier d’examen des projets de loi constitutionnelle relatifs à l’inscription du dialogue social dans la Constitution et au statut pénal du chef de l’État ?

La conclusion de M. Raimbourg me semble être l’idée directrice de son analyse : le Conseil supérieur de la magistrature ne saurait s’apparenter à une intersyndicale des magistrats. Même si la représentativité des juges était garantie par leur adhésion obligatoire à une organisation syndicale – ce qui est juridiquement impossible, bien entendu –, il ne serait sans doute pas opportun de livrer les clés du CSM à des organisations qui, compte tenu des modalités de désignation, y assurent leur présence. Une telle hypothèse est encore moins crédible au regard d’un taux de syndicalisation en moyenne inférieur à 10 %, même s’il est sans doute un peu plus élevé chez les magistrats. La sagesse commanderait de faire vivre le système actuel un peu plus longtemps ; mais telle n’est pas, apparemment, la volonté du Gouvernement et du chef de l’État. Cela dit, la proposition du rapporteur est un pis-aller, et je la fais donc mienne.

Néanmoins, en l’absence de voix prépondérante, comment faire émerger une majorité au sein d’une instance dont la composition est paritaire ? Cela risque de créer des blocages institutionnels, que le rapporteur lui-même déclare redouter.

Je partage les craintes de M. Schwartzenberg quant à un affaiblissement de l’autorité du CSM. Le projet, par exemple, ne donne aucune précision sur le profil, les titres et la spécialité du professeur d’université membre du collège de désignation : sans remettre en cause ses compétences scientifiques, bien entendu, on peut craindre que son autorité personnelle ne soit contestée dans ce rôle, ce qui ne serait pas sain pour l’institution.

Comment les sept personnalités mentionnées à l’alinéa 15 de l’article 2 désigneront-elles les cinq personnes qualifiées qui siégeront au CSM ? Disposeront-elles d’une liste ? Devront-elles se prononcer à l’unanimité ou à la majorité qualifiée ?

Enfin, j’attends avec impatience le débat sur les amendements annoncé par M. Le Bouillonnec. Quelle forme prendra l’évaluation des procureurs de la République par les procureurs généraux sur la mise en œuvre des instructions générales, telle qu’elle est prévue à l’article 2 du projet de loi ordinaire ? Comment garantir l’objectivité de cette évaluation ? Je remercie Mme la garde des Sceaux pour les rapports annuels de politique pénale mentionnés aux articles 2 et 3, car ils nous épargnent les traditionnels amendements sur le sujet ; toutefois, aucune présentation au Parlement n’est prévue. Je souhaiterais que ces rapports soient, au mieux, débattus en séance publique ou, à défaut, au sein de notre commission.

M. Alain Tourret.  Est-il bien nécessaire de convoquer le Congrès pour changer, en fin de compte, un membre du CSM ? Cette convocation, concevable au regard de l’ensemble de la réforme constitutionnelle, ne relève-t-elle pas, désormais, de l’acharnement thérapeutique ?

S’agissant des liens entre le parquet et le garde des Sceaux, nous nous étions opposés à la réforme proposée par Mme Guigou ; il avait fallu des transactions complexes pour aboutir à un texte qui ne fut finalement pas voté, puisque le Congrès n’a pas été convoqué. Les radicaux de gauche refusent la République des juges comme l’indépendance des procureurs. Notre architecture judiciaire est en effet fragilisée par la non-reconnaissance de la spécificité du statut du garde des Sceaux : sa désignation devrait être ratifiée par le Parlement, et il devrait échapper aux aléas des remaniements gouvernementaux – je suis d’ailleurs loin d’être le seul à défendre cette idée. Une telle indépendance politique, en le mettant à l’abri des soupçons, lui permettrait d’établir un véritable rapport hiérarchique avec le parquet. Mais ce n’est évidemment pas le sens du texte qui nous est proposé.

Comme l’a par exemple montré l’affaire Clinton aux États-Unis, l’indépendance donne aux procureurs la possibilité d’agir avec férocité et ce, en l’absence de tout contrôle ; elle devient alors synonyme de partialité – d’où mes doutes quant à toute disposition en ce sens. De plus, comme M. Schwartzenberg le soulignait, l’unité de la politique pénale doit être assurée sur l’ensemble du territoire, tâche qui incombe d’ailleurs aux procureurs de la République – dont chacun sait qu’ils détiennent le vrai pouvoir en la matière – bien davantage qu’aux procureurs généraux. En ce sens, l’absence de hiérarchisation entre le parquet et la Chancellerie me semble dangereuse pour la République.

L’État, rappelons-le, est séparé non pas en trois mais en deux pouvoirs, puisque la justice n’est pas un pouvoir ; c’est une autorité. C’est pourquoi les deux textes dont nous discutons ne laissent pas de m’inquiéter. J’approuve les amendements du rapporteur au projet de loi constitutionnelle portant réforme du CSM, mais ceux-ci ne correspondent toutefois pas aux engagements du président de la République. Enfin, gardons-nous de réduire le lien entre les procureurs et le garde des Sceaux aux directives de politique pénale.

M. Paul Molac. La présente réforme va dans le sens de l’indépendance de la justice. À la faculté de Rennes, si je me souviens bien, mes doctes professeurs d’histoire m’enseignaient qu’il existe un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire.

M. Alain Tourret. S’ils le disaient, ils avaient tort ! Cette thèse n’est au demeurant ni celle de Montesquieu ni celle de Locke.

M. Paul Molac. J’ai lu ces auteurs, et l’indépendance de la justice me semble être l’un des fondements de notre droit et de notre démocratie.

Nous avons de surcroît tout intérêt à lever les soupçons de nos concitoyens, qui jugent incestueux les liens entre le pouvoir politique et la justice. La perfection n’est certes pas de ce monde, mais une plus grande clarté sera bénéfique.

Je me félicite également de la présence majoritaire des magistrats au sein du CSM, comme de la place accordée à des personnalités extérieures à l’institution judiciaire.

Par ailleurs, l’un de mes amendements tend à faire valider la liste des membres du CSM par un vote positif à la majorité des trois cinquièmes des deux commissions parlementaires, plutôt que par l’absence de veto, comme c’est le cas dans la rédaction actuelle. Nous avons aussi déposé des amendements sur la question de la parité hommes-femmes et sur les propositions de nomination. En tout état de cause, nous devrions soutenir cette réforme.

La politique judiciaire et l’exercice de la justice sont en effet deux choses très différentes, monsieur Le Bouillonnec.

Enfin, les rapports des procureurs devraient être rendus publics, à tout le moins par le biais de la tenue d’un débat au Parlement.

M. Guy Geoffroy. Je reste perplexe face à certaines dispositions de l’un et l’autre texte.

L’avis conforme du CSM sur la nomination des magistrats du parquet n’appelle pas d’observations particulières de ma part. En revanche, le mode de désignation des non magistrats me semble d’une trop grande complexité au regard de l’objectif, qui était de retirer un peu de légitimité à cette désignation ; de plus, je ne vois pas au nom de quoi le président de la République et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat seraient indignes de ce pouvoir. Je remercie donc notre rapporteur des amendements significatifs qu’il a déposés.

Je n’ai pas présenté d’amendements au projet de loi ordinaire, car je pensais que le rapporteur le ferait : l’article 1er ne laisse pas de m’étonner, non pas sur le fond, que l’on peut approuver, mais sur la forme. Aux « instructions générales » du garde des Sceaux on peut en effet opposer, non des instructions « dans des affaires individuelles », mais plutôt des instructions « particulières ». C’est d’ailleurs parce qu’il s’agissait, selon ses propres termes, d’une « affaire particulière » que le CSM – que vous aviez saisi, madame la garde des Sceaux – a refusé de rendre un avis sur l’affaire dite du « mur des cons ». Je suggère donc à notre rapporteur d’amender le quatrième alinéa de l’article 1er, pour remplacer les mots : « dans des affaires individuelles » par une expression telle que : « dans une affaire de nature particulière » ou : « dans une affaire en particulier ». Un tel amendement correspondrait mieux, à mon avis, à l’esprit du texte, esprit auquel je n’adhère d’ailleurs pas tout à fait car il faut veiller, comme le soulignait M. Tourret, à ce que la quête d’indépendance n’entraîne pas des effets collatéraux contraires à l’objectif poursuivi.

M. François Vannson. Depuis vingt ans que je suis parlementaire, je vois s’empiler les réformes de la justice. N’étant pas un praticien du droit, j’ai cependant acquis la conviction que c’est la compétence des magistrats, leur indépendance et leur imperméabilité aux pressions qui rendent leurs décisions indiscutables – sous réserve, bien entendu, des recours auxquels chaque justiciable a droit.

Je ne doute pas de vos bonnes intentions, madame la garde des Sceaux, mais je crains qu’une simple réforme du CSM ne suffise pas à éviter les dysfonctionnements. J’aborde donc nos débats avec un certain scepticisme, d’autant que le léger déséquilibre entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet m’interpelle un peu.

Mme la garde des Sceaux. Beaucoup de questions portent, en substance, sur la signification de l’indépendance de l’autorité judiciaire – puisque c’est bien une « autorité », comme l’a rappelé M. Tourret –, comme sur le difficile exercice consistant à élaborer des mesures, telles que la nomination des magistrats sur avis conforme du CSM, la composition de cette institution où les représentants de la société civile siégeraient à parité avec les magistrats, son fonctionnement, son droit d’auto-saisine ou le principe constitutionnel de l’unité du corps nonobstant l’ordonnance de 1958, qui place le parquet sous l’autorité du garde des Sceaux.

La deuxième difficulté tient à la définition même de l’indépendance : plusieurs constitutionnalistes ont écrit des articles sur le sujet, pour dire qu’au fond, la dépendance envers le pouvoir politique, qui tire sa légitimité du suffrage universel, était sans doute la moins grave des dépendances. C’est là une question philosophique, sur laquelle je m’étais exprimée en octobre dernier lors du congrès de l’Union syndicale des magistrats. L’indépendance et l’impartialité, de fait, interrogent d’abord les préjugés, les origines et les expériences de chacun. Je propose cependant, à travers la présente réforme, de faire le pari que les magistrats connaissent la grandeur de leur mission ; qu’ils se savent investis d’un pouvoir considérable, celui de décider de la liberté d’autrui ; qu’ils sont vigilants, enfin, sur ce qui pourrait, consciemment ou inconsciemment, affecter leur impartialité.

L’indépendance et l’impartialité sont deux notions distinctes, j’en suis bien d’accord : il est plus facile d’organiser la seconde que la première, qui se heurte par exemple au principe de l’unité du corps, alors même que les magistrats du siège sont inamovibles, contrairement à ceux du parquet qui, pourtant, suivent la même formation, sont recrutés selon les mêmes modalités, prêtent le même serment et sont soumis à la même déontologie. Bref, sans préjuger d’éventuelles exceptions, notre magistrature est d’une grande maturité ; aussi l’avons-nous également associée à la réflexion sur l’indépendance et l’impartialité.

Reste que cette dernière est essentielle, notamment à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas accès aux sphères d’influence ; c’est d’abord pour eux que la magistrature doit échapper à tout soupçon d’inféodation. En dépit de la loi du 9 mars 2004, aux termes de laquelle les instructions doivent être écrites et versées au dossier, le justiciable ordinaire a le sentiment que certaines d’entre elles peuvent être orales : bien que je ne donne aucune instruction, j’ai parfois dû préciser que je ne donnais jamais de coups de téléphone non plus… Le fait que le Parlement et le Gouvernement affirment que toute instruction individuelle, qu’elle soit écrite ou orale, est formellement interdite protègera les magistrats. Une telle mesure peut donc conduire ces derniers à accompagner la réforme, s’agissant notamment des conditions de leur impartialité et de leur indépendance.

Ces deux projets, monsieur Fenech, ne sont en rien liés à l’affaire Cahuzac, à la suite de laquelle le président de la République et le Premier ministre ont annoncé des textes sur la transparence de la vie publique et la création d’un parquet financier à compétence nationale. Le sujet n’a rien à voir avec le CSM, même si le Gouvernement a rappelé à l’occasion de cette affaire, son attachement au respect de l’indépendance de la justice, s’abstenant de toute interférence dans les procédures, conformément à des pratiques que nous entendons inscrire dans la loi.

Le projet de loi, dans sa version actuelle, prévoit que les magistrats redeviennent majoritaires au sein du CSM, mais votre Commission a visiblement une position différente ; la parité, au demeurant, est conforme aux recommandations européennes.

Reste que la présente réforme est différente de celle de 2008. J’entends bien les arguments sur la légitimité des autorités de désignation mais, outre que le président de la République et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat incarnent le pouvoir politique, ils sont, si l’on excepte le cas particulier de la cohabitation, de sensibilité politique proche, voire identique. Le collège, monsieur Schwartzenberg, n’a certes pas la légitimité du suffrage universel, mais il en a d’autres ; certaines des personnalités qui le composent sont nommées en Conseil des ministres, c’est vrai, mais pas au même moment et pas forcément par le même Gouvernement. Au reste, je ne vous cache pas que sa composition a été difficile à déterminer, notamment parce que le nombre de ses membres devait être un peu supérieur à celui des personnalités qu’il aura à désigner… La solution retenue n’est sans doute pas idéale, mais la solution idéale existe-t-elle ? Compte tenu des engagements du président de la République en la matière, il n’y avait pas beaucoup d’autres choix. Celui qui a été retenu n’affaiblira par ailleurs ni la qualité ni la légitimité des membres du CSM, puisque la liste des personnes désignées par le collège fera l’objet d’un avis public des commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La présence du garde des Sceaux aux séances du CSM – non à ses délibérations – se justifie par le fait qu’il doit défendre des candidatures et préparer le décret de nomination.

J’ajoute que pour les nominations aux postes de procureurs généraux, de magistrats du parquet général à la Cour de cassation, d’inspecteurs généraux, d’inspecteurs généraux adjoints des services judiciaires, de procureurs généraux près une cour d’appel et de substituts chargés du secrétariat général d’une juridiction, ma circulaire du 31 juillet 2012 impose la transparence.

Le garde des Sceaux doit effectivement veiller au principe de l’unité de la loi pénale par le biais d’une circulaire, que les procureurs généraux déclinent en fonction des réalités de leur ressort. Les orientations de la politique pénale sont précisément détaillées dans cette circulaire, mais les contentieux varient selon les territoires ; l’écart peut être tel qu’il justifie une circulaire de politique territoriale : c’est le cas en Corse, où la criminalité, complexe, a des ramifications dans d’autres territoires et même à l’étranger.

Monsieur Denaja, nous pourrons reparler de la parité, ainsi que du statut des magistrats du parquet ; cependant, l’alignement de leur régime disciplinaire sur celui des magistrats du siège constitue déjà une avancée substantielle. Quant à la liberté de parole à l’audience, elle est inscrite dans l’ordonnance de 1958. Comme le dit l’adage : « la plume est serve mais la parole est libre ».

Entre 1997 et 2002, monsieur Devedjian, aucune instruction individuelle n’a été adressée aux procureurs : la mesure s’inscrit dans la continuité de pratiques anciennes, auxquelles le projet de loi « Guigou » entendait déjà donner une traduction législative. L’interdiction des instructions individuelles, faut-il le préciser, concerne aussi bien les poursuites que les réquisitions. Il existe par ailleurs des voies de recours auprès du procureur général contre un classement sans suite, que le procureur de la République doit toujours motiver. En tout état de cause, c’est précisément l’absence d’instructions qui peut amener le garde des Sceaux à rédiger plusieurs circulaires, par exemple pour préciser, s’il y a lieu, les orientations de la politique pénale en matière de terrorisme. Je rappelle que le procureur de la République est placé sous l’autorité du procureur général qui, pour le coup, peut lui adresser des instructions individuelles aux fins de poursuites ou de réquisitions.

M. Georges Fenech. Il peut aussi ne pas le faire !

M. Patrick Devedjian. Et le procureur général n’a pas forcément connaissance de tout ce qui se passe dans ses parquets !

Mme la garde des Sceaux. Aux termes de l’ordonnance de 1958, le procureur de la République doit rendre compte de ses décisions au procureur général. Bien entendu, si la situation relève d’une procédure disciplinaire, celle-ci sera ouverte ; et s’il y a une négligence du procureur général, il devra en répondre.

M. Patrick Devedjian. Les procédures disciplinaires prennent du temps !

Mme la garde des Sceaux. Il peut bien entendu y avoir des cas d’exception mais, je le répète, nous faisons le pari de la confiance. Quoi qu’il en soit, votre développement sur la force de la jurisprudence était intéressant.

Je vous ai répondu sur la dépendance, monsieur Poisson. Quant aux autres textes, ils viendront en temps voulu, mais il est vrai que l’inscription à l’ordre du jour parlementaire est un combat de tous les instants, que je mène depuis des mois.

Je suis favorable à la présentation d’un rapport annuel au Parlement par le garde des Sceaux sur l’application de la politique pénale, monsieur Molac, mais pas à celle des rapports établis par les parquets, monsieur Poisson.

Je connais vos positions, monsieur Tourret, mais il faudrait un autre texte pour les prendre en compte, et un tel texte n’est pas à l’ordre du jour.

La Commission en vient à l’examen des articles du présent projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(article 30 du code de procédure pénale)


Attributions du ministre de la Justice dans la conduite
de la politique pénale déterminée par le Gouvernement

Le présent article réécrit, dans son intégralité, l’article 30 du code de procédure pénale, afin de définir les attributions du ministre de la Justice dans la conduite de la politique pénale déterminée par le Gouvernement.

Il présente, à cette fin, un double objet. Il reprend et consacre, en premier lieu, la possibilité pour le ministre de la Justice, dans la conduite de la politique pénale, d’adresser aux magistrats du ministère public des instructions générales. Il supprime, en second lieu, la possibilité aujourd’hui reconnue au garde des Sceaux d’adresser à ces mêmes magistrats des instructions dans les affaires individuelles.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben II », l’article 30 du code de procédure pénale consacre dans la loi le rôle du ministre de la Justice en matière de politique pénale.

Au sein du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale, l’article 30 constitue l’article unique d’un chapitre Ierbis, intitulé « Des attributions du garde des Sceaux, ministre de la Justice » et inséré entre les dispositions relatives à la police judiciaire et celles portant sur le ministère public.

Le premier alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale dispose actuellement que, conduisant la politique d’action publique déterminée par le Gouvernement, le ministre de la Justice veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. Cette disposition prolonge la lettre même de la Constitution, dont l’article 20 prévoit que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Dans la mesure où la politique d’action publique est une composante à part entière de la politique de la Nation, c’est au garde des Sceaux, au nom du Gouvernement, qu’il revient de la conduire, tout en veillant à la cohérence de son application territoriale.

Il convient cependant de rappeler qu’en 2004, le législateur a préféré à la notion de « politique pénale » celle de « politique d’action publique ». Ce choix sémantique est pour partie conforme aux recommandations formulées en juillet 1997 par la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, alors premier président de la Cour de cassation. La commission avait, en effet, recommandé d’introduire dans le code de l’organisation judiciaire cette politique d’action publique, qu’elle avait définie « comme étant la recherche et la définition des conditions dans lesquelles l’application de la loi doit être engagée de manière coordonnée entre plusieurs autorités, compte tenu des circonstances et dans le respect de l’égalité entre les citoyens » (53).

Afin que le garde des Sceaux puisse mener à bien la politique d’action publique déterminée par le Gouvernement, le deuxième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale lui ouvre la faculté d’adresser « aux magistrats du ministère public des instructions générales d’action publique ». La reconnaissance dans le code de procédure pénale des instructions générales, instrument dont le garde des Sceaux disposait d’ores et déjà dans la pratique, avait pour principal objet de tirer les conséquences de l’affirmation législative du rôle du ministre de la Justice dans la conduite de la politique d’action publique. Cette mesure, déjà envisagée, sous la XIIe législature, dans le cadre du projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale (54), avait pour finalité de permettre au garde des Sceaux de mieux assurer la cohérence de la politique d’action publique du Gouvernement, en complétant les outils dont il dispose pour exercer sa mission.

En effet, la cohérence de l’application de la loi pénale sur l’ensemble du territoire de la République passe en particulier par la diffusion par la chancellerie de circulaires générales. Comme le souligne l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi, la consécration des instructions générales dans la loi était conforme à la position exprimée par le Conseil supérieur de la magistrature lequel, dans son rapport d’activité pour 2001, s’était prononcé en faveur du maintien d’une organisation hiérarchique du parquet, considérant que « l’absence de hiérarchie et la dispersion des pratiques professionnelles des magistrats du parquet qui en résulterait, seraient de nature à nuire gravement à l’efficacité de leurs missions et heurteraient le principe d’égalité des citoyens devant la loi. En outre, le gouvernement qui “conduit la politique de la Nation” ne disposerait pas du moyen lui permettant de mettre en œuvre les grandes orientations de la politique pénale » (55).

Enfin, le troisième et dernier alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale distingue, en l’état actuel, les instructions générales des instructions individuelles, que le ministre de la Justice peut adresser aux magistrats du ministère public. Il dispose, à cet effet, que le garde des Sceaux « peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes ».

Jusqu’à la loi précitée du 9 mars 2004, la question des instructions individuelles, seules connues jusqu’alors du code de procédure pénale, ne faisait pas l’objet d’un article dédié au sein d’un chapitre autonome sur les attributions du garde des Sceaux, mais figurait à l’article 36 de ce même code, dans une section consacrée aux attributions du procureur général près la cour d’appel.

Cet article 36 du code de procédure pénale (56) reconnaissait la possibilité pour le ministre de la Justice d’enjoindre par écrit aux procureurs généraux d’engager des poursuites ou de saisir la juridiction des réquisitions qu’il juge opportunes. Plusieurs évolutions législatives sont intervenues, afin d’encadrer ce pouvoir d’intervention du garde des Sceaux dans des affaires individuelles. Ainsi, la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale a exigé que ces instructions soient écrites, avant que la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi précitée du 4 janvier 1993 ne prévoit qu’elles devaient également être versées au dossier de la procédure.

Ainsi précisé et encadré, le pouvoir d’instructions aux fins de poursuites ou de réquisitions écrites du ministre de la Justice a été repris au troisième et dernier alinéa de l’actuel article 30 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (57). Contrairement à la pratique initiée entre 1997 et 2002 (cf. infra) ainsi qu’aux mesures envisagées dans le cadre du projet de loi précité relatif à l’action publique, le législateur n’a pas souhaité revenir, en 2004, sur cette faculté. D’après les informations mentionnées dans l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi, ces instructions écrites et versées au dossier sont de l’ordre d’une dizaine chaque année.

Le présent article réécrit intégralement l’article 30 du code de procédure pénale, afin de :

—  conforter le rôle du garde des Sceaux dans la définition et la conduite de la politique pénale, notamment par la voie d’instructions générales adressées à cette fin aux magistrats du ministère public ;

—  mettre fin, dans le même temps, aux instructions du garde des Sceaux dans les affaires individuelles.

Dans cette perspective, le premier alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale, ainsi réécrit par le présent article, reprend et consacre le rôle du ministre de la Justice dans la conduite de la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Dans le cadre de sa mission, le garde des Sceaux devra veiller, comme cela est actuellement le cas, à la cohérence de l’application de cette politique sur le territoire de la République.

Le principal changement opéré par le présent article au premier alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale réside dans la substitution de la notion de « politique pénale » à celle de « politique d’action publique ». En effet, si la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, avait estimé que le terme de « politique d’action publique » devait « être préféré à “politique pénale”, qui est trop réducteur, car il laisse de côté toute l’activité civile, commerciale et sociale », elle avait, dans le même temps, précisé que c’était bien « dans le code de l’organisation judiciaire qu’il importait d’introduire la notion, quitte à prévoir des renvois et des compléments dans le code de procédure pénale » (58).

Dans sa circulaire de politique pénale, en date du 19 septembre 2012, l’actuelle garde des Sceaux, Mme Christiane Taubira, a également précisé qu’il appartenait au ministre de la Justice de définir, au moyen d’instructions générales et impersonnelles, « la politique publique du ministère, au premier rang de laquelle se trouve la politique pénale » et « aux magistrats du parquet d’exercer l’action publique » (59). En effet, en application de l’article 31 du code de procédure pénale, le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi. La nouvelle rédaction de l’article 30 du code de procédure pénale entend ainsi définir une nouvelle architecture des relations entre le garde des Sceaux et les magistrats du ministère public, en restituant au premier la responsabilité d’animer la politique pénale, conformément à l’article 20 de la Constitution, et en confiant au second le plein exercice de l’action publique.

Dans son introduction, la circulaire précitée du 19 septembre 2012 rappelle que « la définition claire d’orientations de politique pénale est le préalable indispensable à la conduite quotidienne, par tous les magistrats du ministère public, d’une action lisible et harmonisée sur l’ensemble du territoire national » (60).

Dans cette perspective et afin de doter le ministre de la Justice des instruments nécessaires à la conduite de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, le deuxième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale maintient, dans sa nouvelle rédaction, la faculté aujourd’hui reconnue au ministre de la Justice d’adresser aux membres du parquet des instructions générales et impersonnelles.

Comme le précise l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi, la notion d’« instructions générales » recouvre en réalité plusieurs instruments, à savoir « les circulaires générales de politique pénale signées par le ministre de la Justice lui-même, les directives données par le directeur des affaires criminelles et des grâces par délégation du ministre, les commentaires de lois nouvelles ou encore les incitations à coopérer avec d’autres administrations » (61).

Bien qu’il ait fallu attendre 2004 pour que le code de procédure pénale ne les consacre officiellement, ces instructions générales, lesquelles ont toujours existé en pratique (cf. supra), traduisent la mise en œuvre par le ministre de la Justice de la politique pénale et ce, dans le prolongement des dispositions de l’article 20 de la Constitution.

Mises en ligne sur le site intranet de la direction des affaires criminelles et des grâces, ces instructions générales, qui prennent la forme soit de circulaires, soit de dépêches, ont eu tendance à sensiblement augmenter au cours de ces dix dernières années, comme le montre le tableau figurant ci-dessous.

NOMBRE DE DÉPÊCHES ET CIRCULAIRES ADRESSÉES AUX JURIDICTIONS
PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE EN MATIÈRE PÉNALE

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre

53

46

38

53

67

76

62

77

106

111

88

Source : étude d’impact, direction des affaires criminelles et des grâces.

Comme le rappelle la circulaire précitée du 19 septembre 2012, le garde des Sceaux, dans le cadre de la conduite de la politique pénale, peut prendre l’initiative de circulaires ou de dépêches rendues nécessaires par un souci de bonne administration de la justice ou de cohérence de la politique pénale. Ainsi, le ministre de la Justice conserve la faculté d’adresser des instructions générales de politique pénale spécialisées par :

—  domaine : délinquance financière, stupéfiants, environnement, santé publique, mineurs délinquants, lutte contre le terrorisme, exécution des peines, etc. Au nombre de ces instructions générales spécialisées par domaine, figurent par exemple la dépêche du 1er février 2012 relative aux mesures de lutte contre la consommation d’alcool chez les mineurs, la circulaire du 16 février 2012 relative à l’amélioration du traitement judiciaire de l’usage de produits stupéfiants ou bien encore la dépêche du 27 juin 2012 relative aux réponses judiciaires aux actes à caractère raciste ou antisémite ;

—  territoire : zone frontalière, délinquance de quartier, lutte contre les organisations criminelles dans une région déterminée, etc. Deux circulaires de politique pénale d’application territoriale en date du 23 novembre 2012 et à destination de l’agglomération marseillaise et de la Corse sont autant d’exemples d’instructions générales que le garde des Sceaux peut donner à un ou plusieurs procureurs généraux dans un ressort déterminé de cour d’appel ;

—  événement : grandes manifestations, notamment sportives, conflits sociaux, accidents collectifs, etc. On citera notamment la dépêche du 22 août 2012 relative aux courses automobiles clandestines ou bien encore les différentes dépêches adressées aux magistrats du ministère public à l’occasion des G8 et G20.

Le principal changement opéré par le présent article au deuxième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale réside dans la substitution aux termes d’« instructions générales d’action publique » ceux d’« instructions générales ». Ce choix terminologique est cohérent avec la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale, qui entend donner aux parquets le plein exercice de l’action publique et au ministre de la Justice la responsabilité de la conduite de la politique pénale (cf. supra).

La commission de réflexion sur la justice avait souligné, dans son rapport remis au président de la République en juillet 1997, que la politique pénale conduite par le garde des Sceaux avait « pour objet d’inscrire le traitement individuel des contentieux (opportunité des poursuites) dans un cadre d’ensemble visant à une application cohérente de la loi, en fixant des priorités compte tenu des circonstances et en veillant au respect de l’égalité entre les citoyens » (62). Le présent article, en confortant la définition claire d’orientations de politique pénale par voie d’instructions générales, s’inscrit résolument dans cette démarche, la déclinaison au plan local de la politique pénale étant par ailleurs renforcée par les articles 2 et 3 du présent projet de loi (cf. infra).

Dans un souci légitime de transparence, votre Commission a adopté un amendement de votre rapporteur, consacrant le principe de la publicité des instructions générales de politique pénale, qui sont adressées par le garde des Sceaux aux magistrats du ministère public. Votre rapporteur considère, en effet, que la fin du soupçon, auquel le présent texte entend mettre fin, exige que chaque citoyen puisse avoir connaissance des choix de politique pénale arrêtés par le ministre de la Justice et qui seront désormais débattus, chaque année, au Parlement.

En effet, sur l’initiative de votre rapporteur, votre Commission a complété le présent article pour prévoir l’information annuelle du Parlement sur l’application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement ainsi que sur la mise en œuvre des instructions générales adressées à cette fin par le ministre de la Justice aux magistrats du ministère public. Dans cette perspective, il reviendra, chaque année, au garde des Sceaux de publier un rapport de politique pénale et, sur cette base, d’informer le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d’un débat, des conditions de mise en œuvre de la politique pénale déterminée par le Gouvernement et des instructions générales adressées à cette fin.

Dans sa circulaire précitée du 19 septembre 2012, la garde des Sceaux, Mme Christiane Taubira, rappelle que « conformément à l’engagement du président de la République et afin de mettre fin à toute suspicion d’intervention inappropriée du ministre de la Justice ou d’un autre membre de l’exercice de l’action publique, elle n’a pas adressé d’instructions individuelles aux magistrats du parquet depuis sa prise de fonction » (63).

Cette pratique n’est pas sans précédent, puisque sous la XIIe législature, entre 1997 et 2002, les deux ministres de la Justice qui se sont succédé, Mmes Élisabeth Guigou et Marylise Lebranchu, avaient renoncé à la possibilité d’adresser des instructions individuelles, de quelque nature qu’elles soient. Dans le prolongement des recommandations formulées en 1997 par la commission de réflexion sur la justice, laquelle avait proposé d’interdire « toute possibilité pour le garde des Sceaux de donner aux magistrats des instructions, de toute nature, dans des dossiers particuliers » (64), le projet de loi relatif à l’action publique en matière pénale déposé en 1997 prévoyait la prohibition des instructions individuelles. Après une lecture devant chaque chambre, la discussion parlementaire de cette réforme fut toutefois interrompue en 1999 par le Gouvernement en raison du refus du président de la République de mener à son terme – en réunissant le Congrès – la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, qui tendait à renforcer l’indépendance statutaire du parquet, et qui était considérée par le Gouvernement comme faisant un « tout » avec la réforme du code de procédure pénale.

Si, comme le souligne l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi, « il n’est pas résulté de ces cinq années de pratique de difficultés particulières dans la mise en œuvre de la politique pénale » (65), à compter de la XIIIe législature et jusqu’en mai 2012, il a été décidé de mettre un terme à cette pratique pourtant vertueuse, ouvrant ainsi de nouveau la voie au recours aux instructions individuelles. En 2004, dans le cadre de la loi dite « Perben II », le législateur, tout en consacrant l’existence des instructions générales, fera même le choix de maintenir à l’article 30 du code de procédure pénale le pouvoir du garde des Sceaux, auparavant reconnu à l’article 36 de ce même code, de dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et de lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes.

Le rapporteur de l’époque, M. Jean-Luc Warsmann, avait notamment estimé que « les instructions tendant à engager des poursuites et les injonctions de requérir sont parfaitement conciliables avec la transparence et la clarté dès lors qu’elles sont, comme le prévoit la loi, écrites et versées au dossier. Elles constituent le prolongement normal des prérogatives du ministre de la justice, garant de la cohérence de l’application de la loi pénale et sous l’autorité duquel sont placés, en application de l’article 5 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les magistrats du parquet » (66).

En imposant que ces instructions soient écrites et versées au dossier, le législateur avait souhaité encadrer l’exercice de ce droit et rendre plus transparente la conduite de l’action publique. Toutefois, ce cadre juridique méconnaît pour partie la réalité des relations entre le ministre de la Justice et les magistrats du parquet, relations qui empruntent parfois des voies plus informelles que l’écrit. En pareil cas, comme l’avait indiqué la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Pierre Truche, « la confidentialité des rapports entre le garde des Sceaux et le parquet ouvre la voie au soupçon, particulièrement en cas de conflits d’intérêts personnel, financier ou politique ou seulement d’apparence d’un tel conflit entre l’application uniforme de la loi et les pouvoirs de cette personnalité politique qu’est le ministère de la Justice » (67). Forte de ce constat, la commission avait recommandé d’interdire « toute possibilité pour le garde des Sceaux de donner aux magistrats du parquet des instructions, de toute nature, dans les dossiers particuliers » afin d’éliminer radicalement le soupçon (68).

Tel est l’objet du troisième et dernier alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale qui, dans sa rédaction issue du présent article, dispose expressément que le garde des Sceaux « ne peut adresser aux magistrats du ministère public aucune instruction dans des affaires individuelles ». L’interdiction de toute instruction du ministre de la Justice dans les affaires individuelles a une valeur symbolique très forte, puisqu’elle marque la volonté du législateur de garantir l’impartialité des décisions des magistrats du parquet et de lever tout soupçon quant à une éventuelle motivation politique des interventions du ministre de la justice. Elle consacre enfin dans la loi l’interdiction des instructions individuelles à laquelle la garde des Sceaux s’est astreinte en pratique depuis sa prise de fonction en mai 2012.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL 2 du rapporteur.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Sébastien Denaja. Ne court-on pas, avec cet amendement, le risque que l’expression « À cette fin » ajoutée au début du troisième alinéa ne soit interprétée comme « À cette seule fin » ? Ce qui irait à l’encontre de ce qui vient d’être dit sur la possibilité de circulaires qui, bien que générales, ont une cible territoriale.

M. le rapporteur. Non, car la précision que je propose serait introduite au deuxième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale relatif à la compétence du garde des Sceaux.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CL 5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rendre publiques les instructions générales de politique pénale adressées par le garde des Sceaux.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

L’amendement CL 19 de M. Paul Molac est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL 20 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Afin de s’assurer qu’aucune instruction individuelle ne soit faite par l’exécutif, il convient de préciser que ces instructions peuvent être orales ou écrites – courrier, fax, mail. En effet, si le nombre d’instructions écrites versées au dossier est relativement limité – une quarantaine au cours des dix dernières années –, les consignes orales se sont en revanche développées. Plusieurs journaux ont ainsi souligné les interventions de membres du cabinet de différents gardes des Sceaux ou celles de la direction des affaires criminelles et des grâces pour transmettre oralement des consignes aux parquets. Il ne faudrait pas que la suppression d’instructions écrites, mais qui sont versées au dossier, aboutisse à la généralisation d’instructions orales, qui, elles, ne le sont pas.

M. le rapporteur. Avis défavorable : d’une part, il existe, nous l’avons vu, d’autres manières de donner des instructions que par écrit ou oralement ; d’autre part, la spécification « écrite ou orale » altère le caractère impératif de l’interdiction des instructions.

M. Paul Molac.  Je retire l’amendement.

L’amendement CL 20 est retiré.

La Commission examine l’amendement CL 4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement organise l’information annuelle du Parlement sur l’application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, ainsi que sur la mise en œuvre des instructions générales adressées à cette fin par le ministre de la Justice aux magistrats du ministère public.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 1erbis (nouveau)

(article 31 du code de procédure pénale)


Principes d’indépendance et d’impartialité dans l’exercice de l’action publique

Issu d’un amendement de votre rapporteur, adopté par votre Commission, le présent article a pour objet, dans le prolongement de la prohibition de toute instruction individuelle (cf. supra), de rappeler à l’article 31 du code de procédure pénale (69) les principes d’indépendance et d’impartialité dans l’exercice de l’action publique et l’application de la loi par les magistrats du ministère public.

Votre rapporteur n’ignore pas que ces deux principes font aujourd’hui l’objet d’appréciations divergentes entre les jurisprudences constitutionnelle et conventionnelle. Il n’ignore pas davantage que les magistrats du ministère public ne disposent pas des mêmes garanties statutaires que les magistrats du siège (cf. supra) et que l’indépendance des premiers ne peut avoir la même portée que celle reconnue aux seconds, en raison même du principe de subordination hiérarchique des membres du ministère public, qu’il n’est nullement question de remettre en cause à la faveur de la présente réforme, dans la mesure où ce principe hiérarchique conditionne, dans un État de droit, l’égalité des citoyens devant la loi pénale sur l’ensemble du territoire.

Il n’en demeure pas moins que, dans le respect de cette organisation hiérarchique, fruit de notre histoire judiciaire et caractéristique inhérente au « parquet à la française », il existe, pour reprendre les termes employés par la Cour européenne des droits de l’homme, un intérêt général consistant à « maintenir la confiance des citoyens dans l’indépendance et la neutralité politique des autorités de poursuite d’un État » (70). Telle est l’ambition poursuivie par le présent article en rappelant, à l’article 31 du code de procédure pénale relatif à l’exercice de l’action publique, les principes d’indépendance et d’impartialité.

Dans son recueil des obligations déontologiques des magistrats, le Conseil supérieur de la magistrature souligne que « l’indépendance de l’autorité judiciaire est un droit constitutionnel, reconnu aux citoyens comme aux justiciables, qui garantit l’égalité de tous devant la loi par l’accès à une magistrature impartiale » et rappelle que l’impartialité du magistrat, au même titre que l’indépendance, « est un élément essentiel de la confiance du public dans la justice et (…) constitue, pour le magistrat, un devoir absolu, destiné à rendre effectif l’un des principes fondateurs de la République : l’égalité des citoyens devant la loi ».

Dans cette perspective, votre rapporteur observe que le Conseil constitutionnel a constamment affirmé, à compter de sa décision n° 93-326 DC, que « l’autorité judiciaire qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet ». Or, aux termes de l’article 64 de la Constitution, l’autorité judiciaire est indépendante. Si le parquet fait partie de cette autorité judiciaire, son indépendance doit également être assurée et implique des garanties particulières, lesquelles ne doivent pas nécessairement être identiques à celles reconnues aux magistrats du siège, « l’unité du corps judiciaire n’implique pas une égalité entre les magistrats du siège et du parquet » (71).

En outre, le Conseil constitutionnel a considéré que la subordination hiérarchique du parquet au garde des Sceaux était conforme à cette indépendance constitutionnellement garantie. En effet, dans sa décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, il a jugé que la faculté reconnue au ministre de la Justice d’adresser des instructions générales ne contredisait « ni la conception française de la séparation des pouvoirs, ni le principe selon lequel l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ».

Dans le prolongement de cette jurisprudence constitutionnelle, il convient de souligner que, dans le cadre de l’organisation hiérarchique du parquet, les magistrats du ministère public restent libres de développer à l’audience les observations orales qu’ils croient convenables au bien de la justice (72). La véritable indépendance de ces magistrats réside donc également dans la possibilité qui doit être la leur de requérir librement et en toute conscience à l’audience, sans craindre pour leur carrière ou leur avancement.

La spécificité du « parquet à la française » tient enfin à sa dualité fonctionnelle : en tant que juge, le parquet est garant de la protection de la liberté individuelle, en tant qu’autorité de poursuite, il constitue une « partie » au procès. Par une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel a jugé que le statut du parquet, comme partie poursuivante, ne remettait pas en cause son impartialité et qu’il était donc conforme à la Constitution. Il a notamment considéré, dans une décision n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, que le parquet n’est pas une partie au procès comme une autre, « le ministère public n’étant pas dans une situation identique à celle de la personne poursuivie ou la partie civile ». Il a ainsi accepté, dans le cadre de la procédure pénale, que le déroulement de la garde à vue soit placé sous le contrôle du procureur de la République, lequel peut, le cas échéant, décider de sa prolongation de vingt-quatre heures, l’intervention d’un magistrat du siège étant par la suite requise pour la prolongation de cette mesure au-delà de quarante-huit heures (cf. supra).

Ainsi, « au travers de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel considère que le parquet est une autorité judiciaire indépendante et impartiale apte, sous certaines réserves, à garantir la liberté individuelle et ce, nonobstant les particularités de son statut » (73). Dans le prolongement de cette jurisprudence, votre Commission a souhaité rappeler, à l’article 31 du code de procédure pénale relatif à l’exercice de l’action publique que le présent projet de loi entend réserver aux seuls magistrats du ministère public, à l’exclusion donc du garde des Sceaux, ces principes d’indépendance et d’impartialité.

Votre rapporteur voit, dans le rappel législatif de ces principes, le signe d’une première convergence, même relative, entre les approches constitutionnelle et conventionnelle concernant le rôle et le statut du « parquet à la française ».

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 18 du rapporteur portant article additionnel après l’article 1er.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser, à l’article 31 du code de procédure pénale, que c’est « dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité auxquels il est tenu » que le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi. Il s’agit certes d’obligations consubstantielles à la fonction de magistrat du parquet, mais dont il me paraît utile d’introduire la mention, afin de faciliter la vérification de l’action de celui-ci, y compris au titre de l’appréciation déontologique et disciplinaire de son comportement par le Conseil supérieur de la magistrature. Il peut y avoir un défaut d’impartialité à ne pas poursuivre, malgré l’opportunité des poursuites, à raison d’une instruction générale privilégiant tel aspect. Cet amendement peut être considéré comme un signe à l’encontre des polémiques constitutionnelles ou conventionnelles qui pourraient surgir à ce propos.

M. Patrick Devedjian. Ne peut-on opposer à cet amendement l’argument avancé tout à l’heure par le rapporteur sur le risque d’affaiblissement du texte par une telle précision ? En effet, les principes d’indépendance et d’impartialité s’imposent au procureur dans tous les actes de sa fonction.

M. Alain Tourret. La mention de l’impartialité ne soulève aucune difficulté. En revanche, celle de l’indépendance pose le problème de la relation entre le ministère public et le pouvoir politique.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. J’avais, pour ma part, cru comprendre que l’on s’adressait ainsi à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

M. le rapporteur. La confusion entre impartialité et indépendance a été accentuée en 2004 lorsque l’on a confié au garde des Sceaux la conduite de l’action publique. Dans le dispositif que nous redéployons, ce dernier conduit la politique pénale, qu’il fixe par des instructions générales, mais il n’exerce pas l’action publique, qui relève exclusivement de la compétence du parquet, conformément à l’actuelle rédaction de l’article 31 du code de procédure pénale. Ce texte, qui ne fait aucune référence au garde des Sceaux, existait avant que la mention de celui-ci n’apparaisse dans le code de procédure pénale. Dans ces conditions, l’introduction des notions d’indépendance et d’impartialité peut fonder des processus de mise en cause, disciplinaire notamment, du comportement du ministère public.

M. Dominique Raimbourg. La mention du principe d’indépendance ne va-t-elle pas conduire à ce que celle-ci soit regardée comme opposable aux instructions générales de politique pénale ?

Ne risque-t-elle pas d’affaiblir la position des magistrats du siège, dont on ne rappelle ni l’indépendance ni l’impartialité ?

Enfin, cette mention suffit-elle à nous garantir vis-à-vis de la jurisprudence de la CEDH, puisque celle-ci considère que le parquet, autorité poursuivante, est partie au procès, perdant ainsi sa qualité de magistrat ?

M. Sébastien Denaja. Ne peut-on se limiter à rappeler le seul principe d’impartialité, qui me paraît au cœur de l’intention du rapporteur ? Car on est indépendant ou on ne l’est pas, mais on n’a pas à se tenir à une règle qui l’imposerait …

M. Bernard Lesterlin. Je m’étonne également qu’on puisse être tenu à l’indépendance, alors qu’on peut effectivement être tenu à l’impartialité. Je crains donc que cet ajout n’affaiblisse la portée du texte.

M. le rapporteur. L’amendement indique que c’est « dans le respect » des principes d’indépendance et d’impartialité que le ministère public exerce son action. L’indépendance des magistrats résulte d’un ensemble de dispositifs, qui va de l’article 65 de la Constitution à l’ordonnance du 22 décembre 1958, et se relie à l’unité de leur corps, ce qui pose un problème récurrent entre siège et parquet, qu’il faudra bien résoudre un jour … Il en va différemment de l’exercice de l’action publique, dont on rappelle ici l’indépendance, même si elle se situe dans le cadre d’instructions générales de politique pénale.

M. Patrick Devedjian. Le procureur de la République est dépendant de la loi. Il ne peut donc pas se dire indépendant.

Si l’amendement vise à répondre aux observations de la CEDH, rappelons que celles-ci sont de fond et non pas de forme, portant sur la nature même du parquet, en qualité de partie poursuivante. L’affirmation de l’indépendance de celui-ci ne répond donc pas au problème posé.

M. Sébastien Denaja. Un compromis consisterait à supprimer les derniers mots de l’amendement : « auxquels il est tenu ».

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Ne sous-amendons pas à la sauvette !

La Commission adopte l’amendement CL 18.

Article 2

(article 35 du code de procédure pénale)


Attributions des procureurs généraux en matière de politique pénale

Le présent article modifie l’article 35 du code de procédure pénale, afin de clarifier les attributions des procureurs généraux en matière de politique pénale, sous l’angle, d’une part, de la déclinaison locale des orientations nationales définies par le garde des Sceaux et, d’autre part, de l’information de la chancellerie sur l’application de ces orientations par les magistrats du ministère public.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben II », l’article 35 du code de procédure pénale consacre dans la loi le rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale.

Les attributions des procureurs généraux sont plus largement définies par cinq articles, réunis au sein de la section II du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale.

Aux termes de l’article 34 de ce code, les procureurs généraux représentent le ministère public auprès de la cour d’appel et de la cour d’assises instituée au siège de celle-ci.

L’article 36 du code de procédure pénale leur reconnaît le pouvoir d’enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes.

En application de l’article 37 du code de procédure pénale, les procureurs généraux ont autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d’appel, tandis que l’article 38 de ce même code leur confie la surveillance des officiers et agents de la police judiciaire.

Par ailleurs, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 9 mars 2004, l’article 35 du code de procédure pénale a plus spécifiquement trait au rôle des procureurs généraux en matière de politique pénale.

Dans cette perspective, le premier alinéa de l’article 35 fait obligation aux procureurs généraux de veiller à l’application de la loi pénale dans toute l’étendue du ressort de la cour d’appel et au bon fonctionnement des parquets de leur ressort.

Le deuxième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale précise qu’à cette fin, les procureurs généraux animent et coordonnent l’action des procureurs de la République – dont les attributions sont définies par les articles 39 et suivants du code de procédure pénale (cf. infra) – ainsi que la conduite des politiques publiques par les parquets de leur ressort. La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a complété ce deuxième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale, afin de préciser que les fonctions d’animation et de coordination qui incombe aux procureurs généraux auprès du parquet de leur ressort s’exercent tant dans le domaine de la prévention que de la répression de la délinquance.

Le troisième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale organise, pour sa part, la « remontée de l’information » entre les procureurs de la République et les procureurs généraux, lesquels doivent être informés de l’activité pénale des parquets de leur ressort. Dans cette perspective, la loi précitée du 9 mars 2004 a substitué à l’état mensuel des affaires du ressort, que le procureur de la République devait adresser au procureur général, un rapport annuel transmis à ce même procureur général sur l’activité et la gestion du parquet ainsi que sur l’application de la loi. Il est toutefois précisé que cette obligation s’exerce sans préjudice des rapports particuliers que le procureur de la République établit soit d’initiative, soit sur demande du procureur général.

Le quatrième et dernier alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale dispose enfin que les procureurs généraux ont, dans l’exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

S’il ne modifie pas les premier et quatrième alinéas de l’article 35 du code de procédure pénale, le présent article en réécrit intégralement les deuxième et troisième alinéas, en vue de :

—  reconnaître aux procureurs généraux un pouvoir de déclinaison locale des instructions générales de politique pénale définies par le ministre de la Justice ainsi qu’un pouvoir d’évaluation de leur application par les procureurs de la République de leur ressort ;

—  organiser la « remontée de l’information » entre les procureurs généraux et le garde des Sceaux sur la mise en œuvre locale de la politique pénale.

Dans son rapport d’activité pour l’année 2001, le Conseil supérieur de la magistrature avait défendu le principe « d’une politique pénale définie dans ses grandes orientations et ses priorités par le ministre de la justice, déclinée et adaptée au niveau régional et local par les parquets généraux et les parquets » (74).

Toutefois, si le deuxième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale clarifie, dans sa rédaction issue de la loi précitée du 9 mars 2004, le rôle du procureur général, en affirmant sa mission d’animation et de coordination de l’action des procureurs de la République, il ne va pas jusqu’à reconnaître à leur endroit une obligation de décliner localement les orientations de politique pénale données par le garde des Sceaux. Or, comme le rappelle l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi, il est généralement admis dans les faits que, « dans son ressort, le procureur général porte la responsabilité de la mise en œuvre des orientations qui doivent structurer l’exercice de l’action publique par les parquets » (75).

Dans sa circulaire précitée du 19 septembre 2012, la garde des Sceaux, Mme Christiane Taubira, a explicité la portée de ce principe et précisé, à cette fin, que « le procureur général doit procéder à la déclinaison régionale des axes de la politique pénale nationale et donner des orientations, à ce titre, à chaque procureur de la République de son ressort qui les mettra en œuvre au plan local », étant précisé qu’il revient à « ces orientations régionales de prendre en compte les problématiques propres à chaque ressort » (76).

Reprenant et consacrant cette architecture, le présent article substitue à l’actuel deuxième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale un nouvel alinéa, ayant pour objet de reconnaître expressément le rôle des procureurs généraux dans l’animation de l’action des procureurs de la République et de coordination de la mise en œuvre par ceux-ci des instructions générales de politique pénale, lesquelles sont définies par le ministre de la Justice en application du nouvel article 30 du code de procédure pénale (cf. supra). Les procureurs généraux deviennent ainsi les garants de l’application effective, cohérente et homogène de la politique pénale dans leur ressort : à cet effet, ils précisent et, le cas échéant, adaptent les instructions générales du ministre de la Justice au contexte propre au ressort de la cour d’appel.

Or, conformément aux orientations fixées par la circulaire de la garde des Sceaux en date du 19 septembre 2012, une déclinaison cohérente au niveau local des instructions générales de politique pénale implique que les procureurs généraux procèdent à l’évaluation de leur application. À cet effet, le deuxième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du présent article, confie aux procureurs généraux le soin de procéder à l’évaluation de l’application par les procureurs de la République des instructions générales, précisées et, le cas échéant, adaptées par les procureurs généraux au contexte propre au ressort.

Pour mener à bien cette mission d’évaluation, les procureurs généraux disposent en l’état actuel :

—  des outils de suivi statistique, lesquels leur permettent de disposer d’une approche plus fine et de suivre les orientations propres à leur ressort ;

—  des rapports de politique pénale qui leur sont adressés chaque année par les procureurs de la République (cf. infra). À la faveur de ces rapports, les procureurs généraux peuvent solliciter un compte rendu sur l’application des priorités régionales qu’ils ont définies et disposer d’une vision globale de la situation et des préoccupations propres aux différents parquets du ressort de la cour d’appel ;

—  d’un pouvoir d’inspection, en application de l’article R. 312-68 du code de l’organisation judiciaire (77). Les missions d’inspection menées par les procureurs généraux sont autant d’occasion d’enrichir utilement les informations recueillies par ailleurs dans le cadre des rapports annuels de politique pénale.

À l’initiative de votre rapporteur, la Commission a précisé, sur le modèle des dispositions issues de la loi précitée du 5 mars 2007, que les fonctions, qui incombent aux procureurs généraux, en matière d’animation et de coordination de l’action des procureurs de la République, au sein d’un même ressort de cour d’appel, s’exercent tant dans le domaine de la prévention que de la répression des infractions à la loi pénale.

Dans sa circulaire de politique pénale, en date du 19 septembre 2012, la garde des Sceaux, Mme Christiane Taubira, fait obligation aux parquets généraux d’« informer de façon régulière, complète et en temps utile l’administration centrale du ministre de la Justice des procédures les plus significatives en exerçant pleinement leur rôle d’analyse et de synthèse » (78).

Dans le cadre de cette information régulière de la chancellerie par les procureurs généraux, il convient de noter que ces derniers adressent, chaque année depuis 1999, au ministère de la Justice, un rapport de politique pénale, lequel est issu de la synthèse des rapports annuels de politique pénale de chacun des procureurs de la République de leur ressort. Si ces derniers rapports sont aujourd’hui prévus par le troisième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale, les rapports annuels de politique pénale adressés par les procureurs généraux au garde des Sceaux sont, pour leur part, non pas envisagés par la loi, mais simplement demandés par la direction des affaires criminelles et des grâces sur le fondement d’une dépêche du 8 novembre 1999.

Ainsi, chaque année, cette direction d’administration centrale indique aux parquets généraux la trame générale que doivent revêtir ces rapports et précise, à cet effet, les points particuliers devant être analysés et développés. Sur la base des différents rapports annuels transmis par les parquets généraux, la direction des affaires criminelles et des grâces élabore une synthèse, laquelle est ensuite reprise dans le rapport annuel de politique pénale du ministère de la Justice (79).

Consacrant dans la loi cette pratique, le présent article réécrit, dans son intégralité, le troisième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale, pour prévoir que les procureurs généraux adressent au ministre de la Justice, d’une part, un rapport annuel de politique pénale sur l’application de la loi et la mise en œuvre des instructions générales ainsi que, d’autre part, un rapport sur l’activité et la gestion des parquets de leur ressort. Votre Commission a adopté un amendement de votre rapporteur, précisant la périodicité annuelle du rapport que le procureur général établit sur l’activité et la gestion des parquets de son ressort. Il est en outre précisé que la transmission de ces rapports s’exerce sans préjudice des rapports particuliers que les procureurs généraux établissent soit d’initiative, soit sur demande du ministre de la Justice.

Plus qu’elles n’innovent, ces dispositions tendent à conforter une pratique existante, dans le souci de nourrir en particulier la réflexion du garde des Sceaux dans la définition des instructions générales de politique pénale adressées ensuite aux magistrats du ministère public. Comme l’avait souligné à juste titre le rapport de la commission de réflexion sur la justice, « la politique nationale se nourrit des informations venues des parquets et parquets généraux à l’occasion d’affaires particulières et par un rapport annuel » (80).

Par cohérence avec l’information annuelle du Parlement désormais prévue au niveau national (cf. supra), votre Commission, sur l’initiative de votre rapporteur, a complété le présent article par un nouvel alinéa organisant, au niveau de chaque cour d’appel, l’information annuelle de l’ensemble des magistrats du siège et du parquet sur l’application, dans le ressort, de la politique pénale.

À cette fin, il reviendra au procureur général de communiquer au premier président de la cour d’appel le rapport annuel de politique pénale, qu’il établit à l’attention du garde des Sceaux. Ce rapport fera ensuite l’objet d’un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet au sein de chaque ressort de cour d’appel.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 10 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de précision vise à réintroduire la mention de la compétence, déjà établie, du procureur général tant en matière de prévention que de répression de la délinquance.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CL 7 et l’amendement de précision CL 8 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement CL 9 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement ne vaut que pour la cour d’appel, tandis que l’amendement CL 17 que nous examinerons tout à l’heure, concerne le tribunal de grande instance. Leur économie est la même.

Après avoir transmis son rapport annuel de politique pénale au ministre de la Justice, le procureur général doit le communiquer au premier président de la cour d’appel, afin qu’il puisse donner lieu à un débat lors de l’assemblée générale des magistrats, du siège comme du parquet. Il s’agit ainsi de remédier à l’ignorance de cette politique dont se plaignent les magistrats.

M. Georges Fenech. N’est ce pas une atteinte à l’indépendance des magistrats du siège ? Que le rapport du procureur général soit communiqué pour information au premier président de la cour d’appel me semble normal, mais on ne peut contraindre les magistrats du siège et du parquet à débattre, dans une assemblée générale commune, de la politique pénale et de la mise en œuvre des instructions générales du garde des Sceaux. En quoi les juges du siège sont-ils concernés par celles-ci ? Je crains que l’on commette une confusion entre les fonctions du siège et celles du parquet. L’acte de poursuivre est différent de l’acte de juger. Pour garantir son indépendance, un juge du siège ne doit pas se mêler de politique pénale !

M. Patrick Devedjian. J’y vois, moi aussi en effet, une atteinte à l’impartialité et à l’indépendance des magistrats du siège, qui doivent demeurer extérieurs à la politique pénale. L’amendement participe d’une philosophie tendant à considérer que magistrats du siège et magistrats du parquet font, finalement, la même chose. Il est vrai qu’ils peuvent déjà passer d’une fonction à l’autre, ce qui pose d’ailleurs une importante question mais que l’on n’aborde pas ici. Vincent de Moro-Giafferi disait, à propos de la salle d’audience, qu’il fallait imputer à une erreur de menuiserie le fait que le parquet fût à la même hauteur que le siège.

M. Dominique Raimbourg. La politique pénale a d’importantes conséquences sur le travail des magistrats du siège, notamment à travers le nombre d’audiences à ouvrir en fonction de celui des cas poursuivis. La discussion entre siège et parquet a donc forcément lieu. Qu’elle soit organisée de façon générale ne me paraît donc pas porter atteinte à l’indépendance du siège, laquelle se traduit dans les décisions de justice et non dans le fonctionnement des tribunaux ou des cours.

M. Alain Tourret. Le débat prévu par l’amendement pourrait déboucher sur des délibérations qui, par exemple, exprimeraient l’opposition de magistrats du siège à la politique pénale du Gouvernement. Mesurez-vous la portée d’une telle disposition ? Imaginez-vous des cours d’appel décidant de ne pas suivre la politique générale ?

M. Bernard Lesterlin. Une telle proposition relève-t-elle du domaine de la loi ?

M. le rapporteur. Oui, bien que ce soit le code de l’organisation judiciaire qui règlemente le déroulement des assemblées générales. Je précise que rien ne prévoit qu’en plus de l’information et du débat, des délibérations puissent être prises.

J’observe aussi que nos échanges traduisent fidèlement la volonté de dialogue entre siège et parquet.

L’amendement vise le rapport établi par le procureur général et non celui du garde des Sceaux. Est-il si anormal d’envisager qu’il fasse ensuite l’objet d’un débat au sein d’une juridiction, c’est-à-dire entre ceux qui procèdent aux validations de reconnaissance préalable de culpabilité, aux comparutions immédiates, aux recours en appel et ceux qui en furent à l’origine ? En quoi cet échange altérerait-il l’exercice de leurs missions respectives ?

Le débat que je propose permettrait d’éclairer bien des questions concernant la mise en œuvre de la politique pénale en ne les confinant plus au seul cadre des relations entre le parquet et le garde des Sceaux.

Il faudra bien accepter que, dans les années à venir, les citoyens soient associés au fonctionnement de nos juridictions et procèdent à une évaluation. Je suggère donc de franchir une première étape par le dialogue des magistrats qui, de surcroît, appartiennent tous à un corps unique, soumis aux mêmes obligations d’indépendance et d’impartialité dans un cadre garanti par la Constitution.

La Commission adopte l’amendement CL 9.

Puis elle examine l’amendement CL 21 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement, et l’amendement CL 22 à suivre, visent à préciser que les rapports particuliers du procureur général doivent être versés au dossier de la procédure. Cela semble important dès lors que ce projet de loi a pour ambition de mettre fin aux ingérences de l’Exécutif dans le traitement des affaires judiciaires.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il ne faut pas confondre les instructions générales et les instructions spécifiques qui répondent à des problèmes particuliers, concernant un territoire ou la nature des infractions.

M. Paul Molac. Je retire ces amendements.

L’amendement CL 21 est retiré.

La Commission adopte l’article 2 modifié.

Article 3

(articles 39-1 et 39-2 [nouveau] du code de procédure pénale)


Attributions des procureurs de la République en matière de politique pénale

Le présent article réécrit intégralement l’article 39-1 du code de procédure pénale, afin de clarifier les attributions des procureurs de la République dans la mise en œuvre territoriale de la politique pénale, définie au niveau national par le garde des Sceaux et précisée, voire adaptée le cas échéant, au niveau régional par les procureurs généraux.

Les attributions des procureurs de la République sont aujourd’hui définies par dix-sept articles, réunis au sein de la section III du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale.

Le procureur de la République, auquel il revient, aux termes de l’article 31 du code de procédure pénale, d’exercer l’action publique et de requérir l’application de la loi, représente, en application de l’article 39 de ce même code, le ministère public près le tribunal de grande instance ainsi qu’auprès des juridictions du premier degré établies dans son ressort – cour d’assises, tribunal de police et juridiction de proximité. Dans l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République peut requérir directement la force publique et ce, conformément à l’article 42 du code de procédure pénale.

Dans sa rédaction actuelle, issue de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, l’article 39-1 du code de procédure pénale consacre explicitement dans la loi le rôle du ministère public en matière de prévention des infractions à la loi pénale.

Ainsi, le premier alinéa de l’article 39-1 du code de procédure pénale confie au procureur de la République la mission de veiller à la prévention des infractions à la loi pénale, mission qu’il doit exercer dans le cadre de toutes ses attributions, « en matière d’alternative aux poursuites, de mise en mouvement et d’exercice de l’action publique, de direction de la police judiciaire, de contrôle d’identité et d’exécution des peines».

Le deuxième alinéa l’article 39-1 du code de procédure pénale confère au procureur de la République la responsabilité d’animer et de coordonner l’action de prévention de la délinquance dans le ressort du tribunal de grande instance, conformément aux orientations nationales de cette politique déterminées par l’État et précisées par le procureur général.

Le troisième alinéa l’article 39-1 du code de procédure pénale vise enfin à permettre la consultation des procureurs de la République sur les projets de plan de prévention de la délinquance arrêtés par les préfets.

Réécrivant intégralement l’article 39-1 du code de procédure pénale, le présent article en reprend les dispositions actuelles, sans les modifier, pour les faire désormais figurer au sein d’un nouvel article 39-2.

La nouvelle rédaction de l’article 39-1 du code de procédure pénale vise, pour sa part, à clarifier le rôle des procureurs de la République dans la mise en œuvre territoriale de la politique pénale, définie au niveau national par le ministre de la Justice et adaptée régionalement par les procureurs généraux au contexte propre à leur ressort.

Dans cette perspective, le premier alinéa de l’article 39-1 fait obligation aux procureurs de la République de mettre en œuvre, dans leur ressort territorial respectif, la politique pénale définie par les instructions générales du garde des Sceaux et du procureur général. À l’instar du pouvoir de déclinaison locale reconnu à ce dernier par la nouvelle rédaction de l’article 35 du code de procédure pénale (cf. supra), les procureurs de la République se voient reconnaître la possibilité d’adapter ces instructions générales au contexte propre à leur ressort.

Ainsi, la lecture croisée des articles 1er à 3 du présent projet de loi permet de prendre la pleine mesure de la clarification de la responsabilité de chaque échelon en matière de conduite de la politique pénale :

—  les instructions générales de politique pénale sont définies par le ministre de la Justice (article 1er) ;

—  elles sont précisées et, le cas échéant adaptées, par le procureur général dans le ressort de la cour d’appel (article 2) ;

—  elles sont enfin mises en œuvre, sous réserve d’éventuelles adaptations propres aux circonstances locales, par le procureur de la République dans le ressort du tribunal de grande instance (article 3).

Enfin, reprenant les dispositions figurant actuellement au troisième alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale, le deuxième alinéa de l’article 39-1 de ce même code organise la « remontée de l’information » entre les procureurs de la République et les procureurs généraux sur la mise en œuvre locale de la politique pénale. Il prévoit, à cet effet, que les procureurs de la République adressent au procureur général de leur ressort, d’une part, un rapport annuel de politique pénale sur l’application de la loi et la mise en œuvre des instructions générales ainsi que, d’autre part, un rapport sur l’activité et la gestion de leur parquet. Votre Commission a adopté un amendement de votre rapporteur, précisant la périodicité annuelle du rapport que le procureur général établit sur l’activité et la gestion des parquets de son ressort. Il est en outre précisé que la transmission de ces rapports s’exerce sans préjudice des rapports particuliers que les procureurs de la République établissent soit d’initiative, soit sur demande du procureur général.

Les rapports annuels ainsi élaborés par les procureurs de la République sont destinés à permettre au procureur général de préparer le rapport annuel de synthèse sur l’application de la politique pénale, adressé ensuite au garde des Sceaux.

Par cohérence avec l’information annuelle du Parlement au niveau national et des magistrats du siège et du parquet au niveau de chaque cour d’appel (cf. supra), votre Commission, sur l’initiative de votre rapporteur, a complété le présent article par un nouvel alinéa organisant, au niveau de chaque tribunal de grande instance, l’information annuelle de l’ensemble des magistrats du siège et du parquet sur l’application, dans le ressort, de la politique pénale.

À cette fin, il reviendra au procureur de la République de communiquer au président du tribunal de grande instance le rapport annuel de politique pénale, qu’il établit à l’attention du procureur général. Ce rapport fera ensuite l’objet d’un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet au sein de chaque ressort de tribunal de grande instance.

*

* *

La Commission adopte successivement les amendements de coordination CL 14, rédactionnel CL 15 et de précision CL 16 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL 17 du rapporteur.

M. le rapporteur. Son objet est identique, pour le tribunal de grande instance, à celui de l’amendement CL 9, relatif à la cour d’appel, qui a été adopté.

La Commission adopte l’amendement.

L’amendement CL 22 de M. Paul Molac est retiré.

La Commission adopte l’article 3 modifié.

Article 4

Champ d’application territoriale de la présente loi

Le présent article précise le champ d’application territorial de la présente loi. L’ensemble des dispositions de celle-ci – à savoir les articles 1er à 3 – est applicable sur l’ensemble du territoire de la République et, par conséquent, également dans les collectivités d’outre-mer régies par un principe de spécialité législative en application de l’article 74 de la Constitution – à savoir les îles Wallis et Futuna, la Polynésie française et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) – ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.

La Commission adopte l’article 4 sans modification

Titre du projet de loi

À l’initiative de votre rapporteur, votre Commission a précisé l’intitulé du projet de loi, afin de mieux rendre compte de son objet, qui est de redéfinir les attributions respectives du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public, en restituant au premier la conduite et l’animation de la politique pénale, conformément à l’article 20 de la Constitution, et en confiant aux seconds la pleine et entière mise en œuvre de l’action publique.

*

* *

La Commission adopte l’amendement CL 1 du rapporteur.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi (n° 845) relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte du projet de loi

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Texte adopté par la Commission

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Projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique

Projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique

(amendement CL1)

 

Article 1er

Article 1er

Code de procédure pénale

L’article 30 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

Art. 30. – Le ministre de la justice conduit la politique d’action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.

« Art. 30. – Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.

« Art. 30. – (Alinéa sans modification)

A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d’action publique.

« Il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales.

« À cette fin, il …

… générales, qui sont rendues publiques.

(amendements CL2 et CL5)

Il peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes.

« Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. »

(Alinéa sans modification)

   

Chaque année, il publie un rapport sur l'application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement et informe le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d’un débat, des conditions de mise en œuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa.

(amendement CL4)

   

Article 1erbis (nouveau)

Art. 31. – Le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi.

 

Au début de l’article 31 du même code, sont ajoutés les mots : «  Dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité auxquels il est tenu, ».

(amendement CL18)

 

Article 2

Article 2

Art. 35. – Le procureur général veille à l’application de la loi pénale dans toute l’étendue du ressort de la cour d’appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort.

Les deuxième et troisième alinéas de l’article 35 du même code sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

(Alinéa sans modification)

A cette fin, il anime et coordonne l’action des procureurs de République, en ce qui concerne tant la prévention que la répression des infractions à la loi pénale, ainsi que la conduite de la politique d’action publique par les parquets de son ressort.

« Il anime et coordonne l’action des procureurs de la République. Il précise et, le cas échéant, adapte les instructions générales du ministre de la justice au contexte propre au ressort. Il procède à l’évaluation de leur application par les procureurs de la République.

… République, en ce qui concerne tant la prévention que la répression des infractions à la loi pénale. Il précise …

(amendement CL10)

Sans préjudice des rapports particuliers qu’il établit soit d’initiative, soit sur demande du procureur général, le procureur de la République adresse à ce dernier un rapport annuel sur l’activité et la gestion de son parquet ainsi que sur l’application de la loi.

« Outre les rapports particuliers qu’il établit, soit d’initiative, soit sur demande du ministre de la justice, le procureur général adresse à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l’application de la loi et la mise en œuvre des instructions générales ainsi qu’un rapport sur l’activité et la gestion des parquets de son ressort. »

… loi et des instructions générales ainsi qu’un rapport annuel sur …

(amendements CL7 et CL8)

Le procureur général a, dans l’exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

 

Après avoir été adressé au ministre de la justice en application du troisième alinéa, le rapport annuel de politique pénale établi par le procureur général est communiqué par celui-ci au premier président de la cour d’appel et fait l'objet d'un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet.

(amendement CL9)

 

Article 3

Article 3

 

L’article 39-1 du même code devient l’article 39-2 et l’article 39-1 est ainsi rétabli :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 39-1. – Le procureur de la République met en œuvre dans son ressort la politique pénale définie par les instructions générales du ministre de la justice et du procureur général, en tenant compte du contexte propre au ressort.

« Art. 39-1. – 

… justice, précisées et, le cas échéant, adaptées par le procureur …

(amendement CL14)

 

« Outre les rapports particuliers qu’il établit, soit d’initiative, soit sur demande du procureur général, le procureur de la République adresse à ce dernier un rapport annuel de politique pénale sur l’application de la loi et la mise en œuvre des instructions générales ainsi qu’un rapport sur l’activité et la gestion de son parquet. »

… loi et des instructions générales ainsi qu’un rapport annuel sur …

(amendements CL15 et CL16)

   

Après avoir été adressé au procureur général en application du deuxième alinéa, le rapport annuel de politique pénale établi par le procureur de la République est communiqué par celui-ci au président du tribunal de grande instance et fait l'objet d'un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet.

(amendement CL17)

 

Article 4

Article 4

 

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

(Sans modification)

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

TITRE

Substituer aux mots : « d’action », les mots : « de mise en œuvre de l’action ».

Amendement CL2 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article premier

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 3 :

« À cette fin, il ... (le reste sans changement) ».

Amendement CL4 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article premier

Après l’alinéa 4, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, il publie un rapport sur l'application de la politique pénale déterminée par le Gouvernement et informe le Parlement, par une déclaration pouvant être suivie d’un débat, des conditions de mise en œuvre de cette politique et des instructions générales adressées en application du deuxième alinéa. »

Amendement CL5 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article premier

Compléter l’alinéa 3 par les mots :

« , qui sont rendues publiques. »

Amendement CL7 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 2

À l’alinéa 3, supprimer les mots : « la mise en œuvre ».

Amendement CL8 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 2

À l’alinéa 3, après la seconde occurrence du mot : « rapport », insérer le mot : « annuel ».

Amendement CL9 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 2

Après l’alinéa 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après avoir été adressé au ministre de la justice en application du deuxième alinéa, le rapport annuel de politique pénale établi par le procureur général est communiqué par celui-ci au premier président de la cour d’appel et fait l'objet d'un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet. »

Amendement CL10 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 2

Compléter la première phrase de l’alinéa 2 par les mots : « , en ce qui concerne tant la prévention que la répression des infractions à la loi pénale ».

Amendement CL14 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 3

À l’alinéa 2, substituer aux mots : « et du », les mots : « , précisées et, le cas échéant, adaptées par le ».

Amendement CL15 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 3

À l’alinéa 3, supprimer les mots : « la mise en œuvre ».

Amendement CL16 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 3

À l’alinéa 3, après la deuxième occurrence du mot : « rapport », insérer le mot : « annuel ».

Amendement CL17 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Article 3

Après l’alinéa 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après avoir été adressé au procureur général en application du deuxième alinéa, le rapport annuel de politique pénale établi par le procureur de la République est communiqué par celui-ci au président du tribunal de grande instance et fait l'objet d'un débat lors de la plus prochaine assemblée générale des magistrats du siège et du parquet. »

Amendement CL18 présenté par M. Le Bouillonnec, rapporteur

Après l'article premier, insérer l'article suivant:

Le début de l’article 31 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Dans le respect des principes d’indépendance et d’impartialité auxquels il est tenu, ...(le reste sans changement) ».

Amendement CL19 présenté par M. Molac et M. Coronado

Article premier

Au début de l’alinéa 4, insérer les mots suivants :

« Sous peine de nullité, ».

Amendement CL20 présenté par M. Molac et M. Coronado

Article premier

À l’alinéa 4, après les mots :

« aucune instruction »,

insérer les mots :

« , écrite ou orale, »

Amendement CL21 présenté par M. Molac et M. Coronado

Article 2

Compléter l’article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout rapport particulier doit être versé au dossier de la procédure. »

Amendement CL22 présenté par M. Molac et M. Coronado

Article 3

Compléter l’article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout rapport particulier doit être versé au dossier de la procédure. »

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

• Commission nationale consultative des droits de l’homme

—   Mme Christine LAZERGES, présidente ;

—   M. Pierre LYON-CAEN, avocat général honoraire de la Cour de cassation.

• Conférence nationale des procureurs de la République

—  M. Robert GELLI, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre.

• Conférence nationale des procureurs généraux

—  M. Dominique LE BRAS, procureur général près la cour d’appel de Rouen ;

—  M. Philippe LEMAIRE, procureur général près la cour d’appel d’Amiens.

• Personnalités qualifiées

—   Mme Mireille DELMAS-MARTY, professeure honoraire au Collège de France et membre de l’Institut ;

—   M. Dominique ROUSSEAU, professeur de droit constitutionnel à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

• Représentants de la profession d’avocat

—   Me Philippe CHAUDON, avocat, président de la commission « Libertés et droits de l’homme » du Conseil nationale des barreaux ;

—   Me Philippe JOYEUX, avocat, ancien bâtonnier du barreau de Nantes, membre de la Conférence des bâtonniers ;

—   Me Marie-Alix CANU-BERNARD, avocate, membre du Conseil de l’Ordre de Paris.

• FO Magistrats

—  M. Emmanuel POINAS, secrétaire général ;

—  Mme Béatrice BRUGÈRE, secrétaire générale adjointe.

• Union syndicale des magistrats

—  M. Olivier JANSON, secrétaire national ;

—  Mme Véronique Léger, secrétaire nationale.

• Syndicat de la magistrature

—  Mme Sophie COMBES, secrétaire nationale ;

—  M. Xavier GADRAT, secrétaire national.

PERSONNES RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR
LORS DE SES DÉPLACEMENTS

• Cour de cassation

—  M. Jean-Claude MARIN, procureur général.

• Cour d’appel de Paris

—  M. François FALLETTI, procureur général.

• Tribunal de grande instance de Paris

—  M. François MOLINS, procureur de la République

© Assemblée nationale

1 () Rapport de la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, au président de la République, juillet 1997, p. 30.

2 () Cf. exposé des motifs du projet de loi (n° 845) relatif aux attributions du garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d’action publique.

3 () Projet de loi constitutionnelle (n° 845) portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 14 mars 2013.

4 () La liste des personnes entendues par le rapporteur figure en annexe.

5 () La liste des magistrats du parquet rencontrés par votre rapporteur figure en annexe.

6 () Circulaire Crim. 2004-04-E8 du 14 mai 2004, Présentation des dispositions de procédure pénale immédiatement applicables de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, Bulletin officiel, ministère de la Justice, 2004, n° 94.

7 () Article 31 du code de procédure pénale : « Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi. »

8 () Trois premiers alinéas de l’article 41 du code de procédure pénale :

« Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale.

« À cette fin, il dirige l’activité des officiers et agents de la police judiciaire dans le ressort de son tribunal.

« Le procureur de la République contrôle les mesures de garde à vue. Il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu’il l’estime nécessaire et au moins une fois par an ; il tient à cet effet un registre répertoriant le nombre et la fréquence des contrôles effectués dans ces différents locaux. Il adresse au procureur général un rapport concernant les mesures de garde à vue et l’état des locaux de garde à vue de son ressort ; ce rapport est transmis au garde des Sceaux. Le garde des Sceaux rend compte de l’ensemble des informations ainsi recueillies dans un rapport annuel qui est rendu public ».

9 () Article 77-1-2 du code de procédure pénale.

10 () Article 40-2 du code de procédure pénale.

11 () Article 40-3 du code de procédure pénale.

12 () Article 62-5 du code de procédure pénale.

13 () Christian Raysséguier, « Le « Parquet à la française » : tensions et apaisements », Constitutions, 2011, p. 281.

14 () Article 41 du code de procédure pénale.

15 () Article 41-2 du code de procédure pénale.

16 () Idem.

17 () Article 495 du code de procédure pénale.

18 () Article 390-1 du code de procédure pénale.

19 () Article 397-6 du code de procédure pénale.

20 () Article 395 et s. du code de procédure pénale.

21 () Article 495-7 du code de procédure pénale.

22 () En 2010, la direction des affaires criminelles et des grâces a dénombré :

–  45,6 % de poursuites engagées (sur les procédures « poursuivables »), auxquels s’ajoutent 5,2 % de compositions pénales, soit 50,8 % de procédures dans lesquelles un juge du siège intervient ;

–  37,6 % d’alternatives aux poursuites, auxquels s’ajoutent 11,6 % de classements sans suite, soit 49,2 % de procédures dans le cadre desquelles le procureur de la République intervient seul.

23 () Premier alinéa de l’article 707-1 du code de procédure pénale.

24 (

(25 ) Articles D. 234 et s. du code de procédure pénale.

(26 ) Article 132-24 du code pénal.

(27 ) Cette procédure concerne les personnes condamnées soit à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est égal ou inférieur à 2 ans ; soit à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à 5 ans et dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à 2 ans.

(28 ) Article 723-30 du code de procédure pénale.

29 () Article 723-28 du code de procédure pénale.

30 () Article D. 48-5-1 du code de procédure pénale.

31 () Conseil supérieur de la magistrature, Recueil des obligations déontologiques des magistrats, Dalloz, p. 1.

32 () Dans le prolongement de la décision du 11 août 1993, cf. par exemple, CC, décision n° 97-389 DC, 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives à l’immigration, considérant n° 61 et CC, décision n° 2010-80 QPC, 17 décembre 2010, M. Michel F., considérant n° 11.

33 () Mattias Guyomar, Conclusions sur CE, sect., 1er octobre 2010, Mme Nadège A., Gazette du Palais, 21 octobre 2010, n° 294, p. 16.

34 () Article 33 du code de procédure pénale : le ministère public « est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44. Il développe librement les observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice ».

35 () Marc Antoine Granger, Le parquet, une autorité judiciaire indépendante ?, VIIIe Congrès national de Nancy, 2011, Association française de droit constitutionnel, Nancy, p. 11.

36 () Conseil constitutionnel, décision n° 93-326 DC, 11 août 1993, Loi modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale, considérant n° 3.

37 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-14/22 QPC, 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres, considérant n° 26.

38 () Article 5 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaire (…). »

39 () Cass. Crim., 15 décembre 2010, n° 10-83.674.

40 () Bertrand Mathieu et Michel Verpeaux, Le statut constitutionnel du parquet, Dalloz, 2012, p. 109.

41 () Projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, n° 815, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 14 mars 2013.

42 () Rapport (n° 1050) de M. Dominique Raimbourg sur le projet de loi constitutionnelle (n° 815) portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

43 () Engagement n° 53 de M. François Hollande, alors candidat à la présidence de la République : « Je garantirai l’indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature. J’interdirai les interventions du gouvernement dans les dossiers individuels. Je remettrai à plat la procédure pénale pour la rendre efficace dans le respect des principes fondamentaux de l’Etat de droit. L’accès à la justice de proximité pour tous les litiges portant sur des aspects essentiels de la vie quotidienne des Français sera facilité. Les peines prononcées seront toutes effectivement exécutées et les prisons seront conformes à nos principes de dignité ».

44 () Rapport de la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, au président de la République, juillet 1997, p. 34.

45 () Op. cit., p. 85.

46 () Op. cit., p. 281.

47 () Évelyne Bonis-Garçon et Olivier Décima, « Le parquet et les sirènes de l’indépendance, À propos du projet de loi du 27 mars 2013 et du projet de loi constitutionnelle du 14 mars 2013 », La semaine juridique, édition générale, n° 17, 22 avril 2013, p. 806.

48 () Rapport de la commission « Justice pénale et droits de l’homme », présidée par Mme Mireille Delmas-Marty, La mise en état des affaires pénales, juin 1990.

49 () Article 31 du code de procédure pénale : « Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi ».

50 () CEDH, gr. ch., 12 février 2008, Guja c/ Moldova, § 90.

51 () Op. cit., p. 95.

52 () Op. cit., p. 97.

53 () Rapport de la commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, au président de la République, juillet 1997, p. 30.

54 () L’examen de ce projet de loi, déposé le 3 juin 1998 sur le bureau de l’Assemblée nationale, avait été interrompu du fait de l’ajournement, en janvier 2000, de la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature.

55 () Conseil supérieur de la magistrature, rapport d’activité pour 2001, p. 43.

56 () Aux termes de l’article 36 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 mars 2004 dite « Perben II », le garde des Sceaux pouvait enjoindre au procureur général, « par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. Les instructions du ministre de la justice sont toujours écrites ».

57 () Ce même pouvoir existe entre les procureurs généraux et les procureurs de la République, avec les mêmes limites, en vertu du nouvel article 36 issu de la loi précitée du 9 mars 2004.

58 () Op. cit., p. 28-29.

59 () Circulaire de politique pénale de Mme la garde des Sceaux, CRIM 2012-16/E-19.09.2012, p. 3.

60 () Ibid.

61 () Étude d’impact, p. 8.

62 () Op. cit., p. 23.

63 () Op. cit., p. 3.

64 () Op. cit., p. 34.

65 () Étude d’impact, p. 13.

66 () Rapport fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale (n° 856, tome I) sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, par M. Jean-Luc Warsmann, et enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mai 2003, p. 81.

67 () Op. cit., p. 33.

68 () Ibid.

69 () Article 31 du code de procédure pénale : « Le ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi ».

70 () CEDH, gr. ch., 12 février 2008, Guja c/ Moldova, § 90.

71 () Op. cit., p. 95.

72 () Article 33 du code de procédure pénale.

73 () Op. cit., p. 97.

74 () Op. cit., p. 43.

75 () Op. cit., p. 5.

76 () Op. cit., p. 5.

77 () Article R. 312-68 de code de l’organisation judiciaire : « Le premier président de la cour d’appel et le procureur général près cette cour procèdent à l’inspection des juridictions de leur ressort. Ils s’assurent, chacun en ce qui le concerne, de la bonne administration des services judiciaires et de l’expédition normale des affaires. Ils rendent compte chaque année au garde des sceaux, ministre de la justice, des constatations qu’ils ont faites ».

78 () Op. cit., p. 4.

79 () Le premier rapport annuel de politique pénale a été publié en avril 2000 et portait sur l’année 1999.

80 () Op. cit., p. 85.