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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juin 2013
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI relatif à la consommation,
PAR M. Razzy HAMMADI et Mme Annick LE LOCH,
Députés.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1015, 1110, 1116 et 1123.
SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION 11
I.— LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR 14
A.— LA MISE À LA PORTÉE DU CONSOMMATEUR DE NOUVEAUX MOYENS JURIDIQUES : L’INTRODUCTION DE L’ACTION DE GROUPE EN DROIT FRANÇAIS 14
B.— L’INSTAURATION D’UNE MEILLEURE INFORMATION DU CONSOMMATEUR 16
II.— LA VOLONTÉ DE DÉVELOPPER L’EFFECTIVITÉ DU DROIT DE LA CONSOMMATION 17
A.— AGIR EN AMONT : ASSURER L’EFFECTIVITÉ DES TEXTES RELATIFS AU DROIT DE LA CONSOMMATION 17
B.— AGIR EN AVAL : ASSURER LE RESPECT DES TEXTES RELATIFS AU DROIT DE LA CONSOMMATION 18
TRAVAUX DE LA COMMISSION 21
I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 21
II.— EXAMEN DES ARTICLES 51
Chapitre Ier : ACTION DE GROUPE 51
Article 1er (chapitre III [nouveau] du Titre II du Livre IV du code de la consommation) : Introduction de l’action de groupe dans le code de la consommation 51
Après l’article 1er 94
Article 2 (article L. 211-15 [nouveau] et L. 532-2 du code de l’organisation judiciaire) : Désignation de tribunaux spécialisés pour traiter des actions de groupe et application dans le temps de la nouvelle réglementation 96
Après l’article 2 99
Chapitre II : AMÉLIORER L’INFORMATION ET RENFORCER LES DROITS CONTRACTUELS DES CONSOMMATEURS 100
Section 1 : Définition du consommateur et informations précontractuelles 100
Avant l’article 3 100
Article 3 (article préliminaire [nouveau] dans le code de la consommation) : Définition du consommateur 105
Après l’article 3 107
Article 4 (articles L. 111-1 à L. 111-5, L. 113-3 et L. 113-3-1 [nouveau] du code de la consommation) : Obligation générale d’information du consommateur 113
Article additionnel après l’article 4 (Article 4 bis [nouveau]) : Rapport relatif à l’éco-participation 141
Après l’article 4 142
Section 2 : Démarchage et vente à distance 154
Article 5 (sections 2 et 3 [nouvelles] du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation) : Réglementation relative à la vente à distance 154
Après l’article 5 183
Section 3 : Garanties 185
Article 6 (article L. 133-3 [nouveau] du code de la consommation) : Contenu des conditions générales de vente applicables aux contrats de consommation 185
Article 7 (articles L. 211-7, L. 211-15, L. 211-16 et L. 211-19 du code de la consommation) : Garanties applicables aux contrats de consommation 187
Article additionnel après l’article 7 (article 7 bis [nouveau]) : Rapport relatif à l’économie circulaire 191
Article additionnel après l’article 7 (article 7 ter [nouveau]) : Activité de labellisation de la Commission informatique et libertés 194
Section 4 : Paiement, livraison et transfert de risque 196
Article 8 (chapitre IV [nouveau] du Titre Ier du livre Ier du code de la consommation) : Paiements supplémentaires 196
Article 9 (article L. 131-1 du code de la consommation) : Sommes versées en avance sur le prix 197
Article 10 (chapitre VIII [nouveau] du Titre III du Livre Ier du code de la consommation) : Effets attachés à la livraison du bien ou à l’exécution du service 199
Section 5 : Autres contrats 202
Avant l’article 11 202
Article 11 (Section 14 [article L. 121-97 nouveau] du chapitre Ier du Titre II du Livre Ier du code de la consommation) : Absence de droit de rétractation dans le cadre des contrats conclus dans les foires et salons 204
Article additionnel après l’article 11 (article 11 bis [nouveau]) (articles L. 121-98 à L. 121-98-5 [nouveaux] du code de la consommation, L. 112-6 du code monétaire et financier et L. 310-2 du code de commerce): Encadrement des ventes d’or et de métaux précieux 208
Article additionnel après l’article 11 (Article 11 ter [nouveau]) (article L. 445-4 du code de l’énergie) : Dispositions relatives aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel 213
Article 12 (article L. 133-4 [nouveau] du code de la consommation) : Possibilité de recourir à une médiation ou à un mode alternatif de règlement des différends 217
Après l’article 12 219
Section 6 : Mesures d’adaptation au droit de l’Union européenne 220
Article 13 (article L. 121-1 du code de la consommation) : Le manque d’information non constitutif d’une pratique commerciale trompeuse 220
Article 14 (article L. 135-1 du code de la consommation) : Aménagement des règles de conflit de lois concernant l’application du droit de la consommation relatif aux clauses abusives 221
Article 15 (article L. 211-18 du code de la consommation) : Aménagement des règles de conflit de lois concernant l’application du droit de la consommation relatif à la vente et à la garantie des biens 223
Section 7 : Dispositions finales 224
Article 16 (articles L. 112-2-1 du code des assurances, L. 123-1, L. 123-3, L. 123-4 et L. 123-5 du code de la consommation, L. 341-12, L. 343-1 et L. 343-2 du code monétaire et financier, L. 221-18 du code de la mutualité et L. 932-15-1 du code de la sécurité sociale) : Dispositions assurant la coordination entre divers codes 224
Article 17 : Date d’entrée en vigueur de certaines dispositions du chapitre II du projet de loi 227
Après l’article 17 227
Article additionnel avant l’article 18 (Article 18 A [nouveau]) (article L. 311-3 du code de la consommation) : Champ d’application du crédit à la consommation 231
Avant l’article 18 232
Article 18 (article L. 311-8-1 du code de la consommation) : Obligation de proposer un crédit amortissable pour les achats de plus de 1 000 € conclus sur le lieu de vente et en vente à distance 236
Après l’article 18 244
Article 19 (article L. 311-16 du code de la consommation) : Suppression d’expressions obsolètes 245
Après l’article 19 246
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 bis [nouveau]) (articles L. 313-14, L. 313-14-1 et L. 313-14-2 du code de la consommation et article 2422 du code civil) : Suppression des hypothèques rechargeables 254
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 ter [nouveau]) (article L. 311-17 du code de la consommation) : Cartes de fidélité associées à un crédit renouvelable 255
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 quater [nouveau]) (article L. 311-36 du code de la consommation) : Harmonisation des délais de rétractation du contrat de crédit affecté et du contrat de vente du produit 256
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 quinquies [nouveau]) (article L. 311-48 du code de la consommation) : Inopposabilité au conjoint ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité du crédit à la consommation excédant un montant fixé par décret 257
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 sexies [nouveau]) (article L. 313-3 du code de la consommation) : Pérennisation du comité de suivi de la réforme de l’usure 259
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 septies [nouveau]) (article L. 313-11 du code de la consommation) : Rémunération du vendeur 261
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 octies [nouveau]) (article L. 312-9-1 [nouveau] du code de la consommation) : Assurance emprunteur 262
Article additionnel après l’article 19 (Article 19 nonies [nouveau]) :Rapport relatif au micro-crédit 264
Section 2 : Assurance 265
Article 20 (article L. 112-10 [nouveau] du code des assurances) : Faculté de renonciation en cas de multi-assurance 265
Après l’article 20 269
Article additionnel après l’article 20 (Article 20 bis [nouveau]) (article L. 113-12 du code des assurances) : Motivation de la résiliation du contrat d’assurance par l’assureur 270
Article 21 (article L. 113-15-2 [nouveau] du code des assurances) : Résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance 272
Après l’article 21 279
Article additionnel après l'article 21 (article 21 bis [nouveau]) (article L. 129-1 [nouveau] du code des assurances) : Assurances collectives de dommages 282
Article additionnel après l'article 21 (article 21 ter [nouveau]) (article L. 211-15-1 [nouveau] du code des assurances) : Liberté de choix du réparateur automobile 283
Article additionnel après l'article 21 (article 21 quater [nouveau]) : Information obligatoire sur la prise en charge des soins courants 285
Article 22 (article L. 194-1 du code des assurances) : Coordination et application dans les îles de Wallis et Futuna 286
Après l’article 22 286
Section 3 : Registre national des crédits aux particuliers 291
Article additionnel après l’article 22 (Article 22 bis [nouveau]) (articles L. 311-9, L. 311-16, L. 313-9, L. 331-11, L. 333-6 à L. 333-23 [nouveaux] du code de la consommation) : Registre national des crédits aux particuliers 291
Article additionnel après l’article 22 (article 22 ter [nouveau]) (article 22-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Interdiction de consultation du registre national des crédits aux particuliers par un bailleur 316
Article additionnel après l’article 22 (Article 22 quater [nouveau]) (articles L. 311-9, L. 311-16, L. 313-9, L. 331-11, L. 333-6, à L. 333-23 [nouveaux] du code de la consommation, article 22-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986) : Coordination 316
Article additionnel après l’article 22 (Article 22 quinquies [nouveau]) (articles L. 334-5 et L. 334-9 du code de la consommation) : Application outre-mer 317
Article additionnel après l’article 22 (Article 22 sexies [nouveau]) (articles L. 333-8 à L. 333-11, l’article L. 333-13 à L. 333-20 du code de la consommation) : Entrée en vigueur 317
Chapitre IV : INDICATIONS GÉOGRAPHIQUES ET PROTECTION DU NOM DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 318
Avant l’article 23 318
Article 23 (articles L. 411-1, L. 411-4, L. 711-4, L. 712-2-1 [nouveau], L. 712-4, L. 713-6, L. 721-1, L. 721-2 à L. 721-9 [nouveaux] et L. 722-1 du code de la propriété intellectuelle) : Protection de la dénomination des collectivités locales et création d’indications géographiques pour les produits non alimentaires 318
Article 24 (article L. 115-16 du code de la consommation) : Renforcement des sanctions pénales en cas de fraude aux appellations d’origine ou indications géographiques 344
Chapitre V : MODERNISATION DES MOYENS DE CONTRÔLE DE L’AUTORITÉ ADMINISTRATIVE CHARGÉE DE LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS ET ADAPTATION DU RÉGIME DE SANCTIONS 346
Section 1 : Renforcement des moyens d’action en matière de protection économique du consommateur 346
Article 25 (articles L. 141-1 du code de la consommation, L. 313-21 du code de l’action sociale et 9 de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs ainsi qu’à diverses pratiques commerciales) : Élargissement du champ de compétence des agents de la DGCCRF, renforcement de la coopération avec la CNIL, faculté de prononcer des sanctions administratives en cas de non-respect des injonctions et faculté de saisir le juge contre un service de communication en ligne 346
Article additionnel après l’article 25 (Article 25 bis [nouveau]) : Rapport sur les effets et la justification des mesures de blocage légales du contenu d’un service de communication au public en ligne 350
Article 26 (article L. 141-1-1 [nouveau] du code de la consommation) : Faculté pour la DGCCRF d’enjoindre un professionnel de la vente à distance de ne plus prendre de paiement à la commande en cas de risque de défaillance 351
Article 27 (article L. 141-2 du code de la consommation) : Communication d’une copie du procès-verbal d’infraction 353
Article 28 (articles L. 141-4, L. 421-2 et L. 421-6 du code de la consommation) : Pouvoirs du juge en matière de clauses abusives 354
Section 2 : Renforcement des moyens d'action relatifs à la sécurité et à la conformité des produits 357
Article 29 (article L. 215-1-2 [nouveau] du code de la consommation) : Coopération entre autorités compétentes des États membres 357
Article 30 (article L. 215-3 du code de la consommation) : Diverses modifications de l’article L. 215-3 du code de la consommation 358
Article 31 (article L. 215-3-1 du code de la consommation) : Coopération avec l’ASN, l’IRSN et l’ANSES 359
Article 32 (article L. 215-9 du code de la consommation) : Communication du rapport d’essai aux personnes concernées 360
Article 33 (articles L. 215-10 et 11 du code de la consommation) : Modification du régime d’information de l’auteur présumé d’une infraction 361
Article 34 (article L. 215-15 du code de la consommation) : Possibilité de réaliser des prélèvements en plusieurs échantillons 362
Article 35 (article L. 216-11 du code de la consommation) : Communication de la copie du procès-verbal lors de la procédure de transaction 363
Article 36 (article L. 217-5 (nouveau) du code de la consommation) : Obligation d’information en cas de non-conformité connue 364
Article 37 (article L. 217-10 du code de la consommation) : Extension de l’opposition à fonction à tous les agents mentionnés à l’article L. 215-1 du code de la consommation 364
Article 38 (articles L. 218-1-2, L. 218-1-2-3 [nouveaux], L. 215-2-2 et L. 215-2-4 du code de la consommation) : Contrôle renforcé à l’importation des denrées alimentaires autres que celles d’origine animale et des matériaux au contact des denrées alimentaires 367
Article 39 (article L. 218-2 du code de la consommation) : Recours à une personne qualifiée 368
Article 40 (article L. 218-4 du code de la consommation) : Suppression de la notion de lot 369
Article 41 (article L. 218-5 du code de la consommation) : Mesures administratives à l’encontre des lots non conformes et mise à la charge des frais de ces mesures sur les opérateurs 370
Article 42 (article L. 218-5-1 du code de la consommation) : Modifications rédactionnelles 372
Article 43 (article L. 218-5-2 du code de la consommation) : Renforcer les pouvoirs de police administrative pour garantir la sécurité des produits commercialisés 372
Article 44 (articles L. 218-5-3 et 4 [nouveaux] du code de la consommation) : Mesures de police administrative relatives à l’absence d’avertissement d’un risque non perceptible 376
Article 45 (article L. 218-5-5 [nouveau] du code de la consommation) : Remboursement des frais d’établissement d’une non-conformité 377
Article additionnel après l’article 45 (article 45 bis [nouveau]) (article L. 216-5 du code de la consommation) : Modification de cohérence 378
Article 46 (article L. 221-6 du code de la consommation) : Extension de la suspension de services et des mesures consécutives 379
Section 3 : Renforcement et harmonisation des pouvoirs et moyens d’action communs à la protection économique du consommateur, à la conformité et à la sécurité des produits et à la concurrence 380
Article 47 (article L. 215-1 du code de la consommation) : Modification de la liste des agents qualifiés pour procéder à la recherche et à la constatation des infractions 380
Article 48 (articles L. 215-3-3 et 215-3-4 [nouveaux] du code de la consommation) : Extension du consommateur mystère au livre II du code de la consommation ; relevés d’identité ; possibilité de recourir à des personnes qualifiées 381
Après l’article 48 383
Article 49 (articles L. 215-18 à L. 215-21 [nouveaux] du code de la consommation) : Extension des opérations de visite et de saisie et de la commission rogatoire au livre II du code de la consommation 384
Article 50 (article L. 450-1 du code de commerce) : Extension du domaine d’application de l’article L. 450-1 388
Article 51 (article L. 450-2 du code de commerce) : Modification rédactionnelle 392
Article 52 (article L. 450-3 du code de commerce) : Droit d’accès aux locaux 392
Section 4 : Mise en place de sanctions administratives 394
Article 53 (article L. 141-1-2 [nouveau] du code de la consommation) : Modalités de prononciation d’une amende administrative 394
Après l’article 53 401
Article 54 (articles L. 113-6 [nouveau], L. 121-15, L. 121-15-3, L. 121-41, L. 121-85-1, L. 132-2 [nouveau], L. 211-16-1 et L. 211-23 du code de la consommation) : Développement des sanctions administratives 402
Article 55 (article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques) : Application de sanctions administratives dans le domaine de la communication 403
Article 56 (articles L. 2151-3 [nouveau], L. 2321-1, L. 2331-1-1 [nouveau], L. 2351-1, L. 3114-2-1 [nouveau], L. 3551-1, L. 4271-2 [nouveau], L. 4631-1, L. 4651-1, L. 5421-13 [nouveau], L. 5734-1, L. 5754-1, L. 5764-1, L. 5784-1, L. 5794-1, L. 6432-3 et L. 6733-1 [nouveaux], L. 6754-1, L. 6764-1 et L. 6784-1 du code des transports) : Application de sanctions administratives dans le domaine des transports 404
Article 57 (article L. 313-1-3 [nouveau] et L. 347-2 du code de l’action sociale et des familles) : Application de sanctions administratives dans le secteur médico-social 409
Après l’article 57 410
Article 58 (article L. 470-3 du code de commerce) : Coordination des dispositions du présent article avec l’article 61 du projet de loi 413
Article 59 (articles L. 465-1 et L. 465-2 [nouveaux] du code de commerce) : Attribution d’un pouvoir d’injonction et de prononcé de sanctions administratives aux agents de la DGCCRF 413
Article 60 (articles L. 441-2-2 et L. 441-3-1 du code de commerce) : Dispositions relatives au prononcé de sanctions administratives 418
Article 61 (articles L. 441-6, L. 442-6 et L. 443-1 du code de commerce) : Modifications et renforcement de la loi de modernisation de l’économie 420
Article 62 (articles L. 441-7, L. 441-8 [nouveau] et L. 442-6 du code de commerce ; articles L. 631-24 et L. 632-2-1 du code rural et de la pêche maritime) : Dispositions relatives aux négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs 432
Article additionnel après l’article 62 (article 62 bis [nouveau] (article L. 125-1-1 [nouveau] du code de commerce) : Dispositions relatives aux points de vente collectifs tenus par des producteurs locaux 446
Après l’article 62 448
Article 63 (loi du 4 juillet 1837 relative au système métrique et à la vérification des poids et mesures) : Actualisation de la loi du 4 juillet 1837 relative au système métrique 450
Section 5 : Adaptation de sanctions pénales 453
Article 64 (articles L. 115-20, L. 115-22, L. 115-24, L. 115-26, L. 115-30, L. 121-4, L. 121-6, L. 122-7, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-12 et L. 122-14 du code de la consommation) : Alignement des peines applicables en cas d’atteinte portée au libre choix du consommateur 453
Article 65 (articles L. 213-1, L. 213-2, L. 213-2-1, L. 213-3, L. 213-4, L. 216-8, L. 217-11, L. 217-12 [nouveau] et L. 217-10-1 du code de la consommation) :Renforcement des peines applicables en cas de fraude ou de falsification au détriment du consommateur 456
Article 66 (articles L. 311-50, L. 312-33, L. 312-34, L. 312-35, L. 313-2, L. 313-5, L. 313-14-2, L. 314-16, L. 314-17, L. 322-1 et L. 322-3 du code de la consommation) : Renforcement des peines applicables en matière de crédits à la consommation 458
Article 67 (articles L. 237-2, L. 237-3, L. 251-20, L. 253-15, L. 253-16, L. 253-17, L. 272-9 et L. 671-9 du code rural et de la pêche maritime) : Introduction de nouvelles sanctions administratives dans le code rural et de la pêche maritime 459
Chapitre VI : DISPOSITIONS DIVERSES 461
Section 1 : Réglementation des voitures de tourisme avec chauffeur et des véhicules motorisés à deux ou trois roues 461
Article 68 (articles L. 231-2, L. 231-3, L. 231-4, L. 231-5 à L. 231-7 [nouveaux] et L. 242-1 du code du tourisme) : Réglementation des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) 461
Article 69 (articles L. 3123-2 [nouveau], L. 3124-9 et L. 3124-11 [nouveau] du code des transports) : Réglementation de l’activité de transport de personnes à moto (TPM) 464
Section 2 : Autres dispositions diverses 469
Article additionnel avant l’article 70 (article 70 A [nouveau]) (article L. 311-6 du code du tourisme) : Organismes vérificateurs 469
Avant l’article 70 470
Article 70 (article L. 441-3 du code de commerce) : Aménagement des règles de facturation 472
Article 71 (articles L. 137-3, L. 138-1, L. 214-1, L. 215-12, L. 215-17, L. 221-10 et L. 221-11 du code de la consommation) : Coordination et simplifications rédactionnelles au sein du code la consommation 473
Article 72 (articles L. 253-14 et L. 254-11 du code rural et de la pêche maritime, L. 138-9, L. 162-16-4 et L. 165-6 du code de l’action sociale et des familles) : Coordination et simplifications rédactionnelles diverses 475
Section 3 : Habilitation du Gouvernement à procéder à l’adaptation de la partie législative du code de la consommation 478
Article 73 :Renouvellement de l’habilitation du Gouvernement pour procéder par voie d’ordonnance à la refonte du code de la consommation 478
TABLEAU COMPARATIF 481
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 719
AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 731
ANNEXE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES 867
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 871
MESDAMES, MESSIEURS,
Tout un chacun connaît ces fameux « marronniers », ces sujets journalistiques qui reviennent de façon cyclique au fil des saisons. Qui n’a jamais souri en lisant ou regardant ces reportages consacrés aux crèmes solaires à l’approche de l’été, au poids des cartables des écoliers à la veille de la rentrée des classes au mois de septembre, aux jouets rapportés en magasins au lendemain des fêtes de fin d’année, ou à la meilleure manière de faire des œufs en chocolat à quelques jours de Pâques ?
La loi consacrée à la consommation serait-elle, elle aussi, devenue un véritable marronnier législatif ?
On peut légitimement se le demander tant les textes d’ampleur traitant de la consommation sont devenus légion au fil des dernières années, traduisant à la fois une attente de nos concitoyens et, au regard des évolutions toujours plus rapides, toujours plus importantes des modes de commercialisation, une véritable préoccupation des gouvernants qui savent que la consommation est un des ressorts essentiels de la croissance économique et du développement de notre pays.
Si l’on se limite à la XIIIème Législature, plusieurs textes importants ont ainsi vu le jour. Qu’il s’agisse de la loi du 3 janvier 2008 sur les nouvelles régulations économiques, de la loi sur l’économie du 4 août 2008 ou du projet de loi avorté visant à renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs, la consommation a très régulièrement rythmé la vie du Parlement au fil de projets et de propositions de lois généralistes ou sectoriels. Il n’y a pas d’exception française sur ce point : le même mouvement peut être observé au niveau de l’Union européenne qui, elle aussi, a connu ces dernières années l’adoption d’un nombre important de directives communautaires traitant de sujets relatifs à la consommation.
De ce strict point de vue, le projet de loi qui vous est présenté ici n’innove donc pas : il prend sa place dans un long cortège législatif où chacun, qu’il soit issu de la majorité ou de l’opposition parlementaires, a pu débattre pendant de longues heures afin de contribuer à l’amélioration du quotidien de chacun.
Or, s’il présente certes quelques points communs avec ses prédécesseurs, le présent texte est non seulement original à bien des égards mais ce texte est, à notre sens, fondamental et précurseur. Il est une rupture fondamentale, prenant acte à la fois du déséquilibre entre grands groupes et consommateur isolé, mais aussi du besoin concret des acteurs de voir leurs droits respectés.
Le projet de loi qui avait été présenté en première lecture à l’Assemblée nationale au mois de juillet 2011 avait cherché à répondre, de manière ponctuelle et sectorielle, à des sujets auxquels les consommateurs avaient été confrontés et qui avaient fait l’objet des réclamations les plus nombreuses auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Afin de bénéficier d’une vision claire et complète des sujets de préoccupation des Français dans le domaine de la consommation, la DGCCRF avait créé un nouvel outil en juillet 2007, le « Baromètre des réclamations ». C’est en cherchant à apporter des réponses à ces récriminations que le précédent projet de loi avait été élaboré : on peut saluer cette démarche, à la fois originale et intéressante.
En l’espèce, ce projet de loi a néanmoins choisi une tout autre approche. À travers les différents mécanismes qu’il instaure et les différents points qu’il traite, il a, avant tout, choisi d’agir sur la confiance et le renforcement des pouvoirs individuels et collectifs dont la consommation doit bénéficier dans notre pays.
Ce projet de loi vise le quotidien des Français mais les changements qu’il porte seront de nature structurelle : en vérité, à bien des égards, il constitue une véritable « rupture ».
Depuis plusieurs années, la consommation représente environ 55 % du PIB de la France, s’affirmant régulièrement comme un des premiers leviers de la croissance : à cet égard, le soutien du niveau de consommation est absolument crucial pour la santé économique de notre pays. Or, les chiffres sont inquiétants même s’ils doivent être analysés en détail : si le niveau des dépenses de consommation des ménages a reculé de 0,4 % en 2012, celui-ci a légèrement diminué au cours du premier trimestre 2013 (- 0,1 %).
Le PIB et ses composantes
Source : INSEE
Sur les trois premiers mois de l’année 2013, les dépenses en produits manufacturés ont diminué sensiblement (- 0,9 %), tout particulièrement celles en automobiles (- 5,8 %). Mais, d’un autre côté, les dépenses en services sont restées quasi stables (- 0,1 %), même si un certain infléchissement a pu être constaté dans le secteur de l’hébergement et de la restauration ainsi que dans les services de transports. Quant aux dépenses consacrées à l’énergie, à l’eau et aux déchets, elles ont bondi, à la faveur il est vrai d’un hiver particulièrement long et rude (+ 5 %). Ces dernières dépenses continuent d’augmenter au mois d’avril 2013 mais ce sont notamment les dépenses en produits alimentaires qui diminuent sur cette même période, faisant fléchir les dépenses de consommation des ménages en biens de 0,3 % en volume, après avoir augmenté de 1,3 % en mars.
La légitime inquiétude de nos concitoyens face à l’avenir, les récents scandales que le consommateur a pu essuyer (notamment dans l’affaire dite « de la viande de cheval »), ainsi que la contraction durable d’un pouvoir d’achat au regard d’une crise économique mondiale dont les effets ne cessent de peser sur chaque pays en sont les principales causes.
Il était donc plus que jamais nécessaire de jouer sur un ressort qui, à bien des égards, commande tout le reste, et qui est celui d’une confiance à retrouver et à restaurer. Tel est le fil directeur de ce projet de loi. On ne peut manquer d’être étonné, en lisant le fameux livre La société de confiance (1), de constater que le mot « consommation » est absent de l’index thématique, comme si les rapports entre les deux étaient inexistants alors que, et l’essai ne se prive pas de le démontrer longuement, la confiance est en revanche un des ressorts naturels du développement du commerce entre les hommes et les nations.
La confiance serait-elle donc seulement l’apanage des seuls professionnels ?
La réponse est évidemment négative.
À ce titre, le projet de loi dont il s’agit ici souhaite restaurer la confiance du consommateur par deux biais ; en assurant l’effectivité du droit de la consommation et en lui donnant de nouveaux moyens d’agir.
I.— LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR
Même si, d’un strict point de vue quantitatif, la protection du consommateur ne rassemble pas le plus grand nombre d’articles parmi les quelque 73 que comporte le projet de loi, il n’en demeure pas moins qu’elle est à l’origine de sa disposition-phare : l’introduction de l’action de groupe en droit français.
A.— LA MISE À LA PORTÉE DU CONSOMMATEUR DE NOUVEAUX MOYENS JURIDIQUES : L’INTRODUCTION DE L’ACTION DE GROUPE EN DROIT FRANÇAIS
L’article 1er du projet de loi introduit dans notre corpus juridique national une action de groupe dédiée au consommateur, afin de lui permettre d’obtenir réparation d’un préjudice survenu en matière de consommation ou de pratiques anticoncurrentielles.
Les débats sur l’introduction d’une forme d’action de groupe en droit français sont anciens et passionnés. Face au principe selon lequel « en France, nul ne plaide par procureur », au sens où nul ne peut engager une action à la place d’un autre et se doit donc d’agir seule, de son côté, l’action de groupe semblait pourtant vouée à l’échec.
Or, il faut tout d’abord rappeler que les victimes d’un même préjudice peuvent, dès à présent, se réunir afin d’agir contre une même personne dans le cadre d’un même procès. Qu’il s’agisse de l’action en représentation conjointe (qui, il est vrai, n’a connu à ce jour que cinq applications) ou de l’action en cessation de clauses illicites, l’adage auquel on faisait référence quelques lignes auparavant connaît d’ores et déjà des exceptions.
On peut également rappeler le mécanisme de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle qui permet aux sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits des artistes-interprètes d’agir en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge. Et que dire également de l’article 2262-9 du code du travail qui permet aux organisations ou groupements ayant la capacité d’agir en justice d’exercer toutes les actions en justice qui en résultent en faveur de leurs membres, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti et n’ait pas déclaré s’y opposer ?
Les débats sur l’introduction de l’action de groupe en droit français sont anciens : ils remontent, comme on le verra dans le corps du présent rapport, à la loi Royer de 1973. Même si certaines initiatives ont été prises depuis cette époque, rien n’a été fait à ce jour. Les deux derniers Présidents de la République avaient proclamé haut et fort leur souhait d’introduire l’action de groupe : vagues promesses, rien de concret.
En revanche, pendant la campagne présidentielle de 2012, François Hollande a eu l’opportunité, à plusieurs reprises, de faire part de sa ferme volonté d’introduire l’action de groupe en droit français, en premier lieu au service des consommateurs, sans pour autant fermer la porte à toute extension à des secteurs aussi sensibles et aussi demandeurs que la santé ou l’environnement. Le présent projet de loi concrétise cette promesse à travers son article 1er.
Alors qu’elle se targue d’être à la pointe des combats pour la liberté et pour l’amélioration des conditions sociales, la France apparaissait, il est vrai, on ne peut plus retardataire de ce point de vue.
Souvenons-nous que le système des « class actions » a été codifié pour la première fois aux États-Unis en 1842 ! Par la suite, nos voisins d’outre Atlantique n’ont cessé d’améliorer cette procédure, qu’il s’agisse de la grande réforme de 1938 qui a vu l’adoption de la Règle 23 de la procédure civile fédérale qui permet de recourir aux « class actions » pour prononcer des injonctions, ou de la non moins importante réforme de 1966, qui a modifié la règle 23 pour adopter la règle de l’« opt out », permettant ainsi de comprendre dans une action de groupe toutes les personnes concernées quand bien même elles n’auraient pas manifesté expressément leur volonté d’y adhérer. Doit-on également rappeler que le recours collectif québécois date de la loi du 8 juin 1978 ? Que l’action civile publique, qui existe au Brésil, a été votée dans la loi du 24 juillet 1975 ? Que la loi sur les actions de groupe en Suède remonte au 1er juin2003 ? Que l’action populaire qui existe au Portugal remonte à 1822 et a été constitutionnalisée en 1976 ?(2)
En un mot, il était plus que temps d’opérer un rattrapage ; c’est tout à l’honneur de ce Gouvernement que de l’avoir fait.
Sans anticiper sur l’analyse détaillée du processus ainsi proposé, on peut, certes, regretter que le champ de l’action de groupe ne soit pas plus ouvert et qu’il demeure cantonné aux seuls litiges en matière de consommation et de pratiques anticoncurrentielles. Certains déploreront également que seules les associations de consommateurs représentatives au niveau national et agréées puissent engager une action de groupe et que cette faculté ne soit pas davantage étendue. Certes, mais le premier pas est ainsi franchi et nul doute que, à la faveur des premières actions de groupe engagées, la procédure trouvera à s’améliorer et que les possibilités d’engagement s’en trouveront multipliées.
Restaurer la confiance chez le consommateur passe également par un acte de consommation effectué de la manière la plus transparente et la plus informée qui soit.
À ce titre, vos rapporteurs ne peuvent que saluer le très important article 23 de ce projet de loi, qui introduit dans le code de la propriété intellectuelle une définition des indications géographiques au bénéfice des produits manufacturés ainsi qu’une procédure nationale d’homologation des cahiers des charges de ces indications géographiques conforme aux exigences communautaires.
Dans un pays aussi riche que le nôtre en traditions et héritages, la protection de l’indication géographique des produits attachés à un terroir ou une région revêtait une importance toute particulière. L’authenticité est plus que jamais recherchée dans un monde où le prix le plus bas semble bien trop souvent être la seule règle à respecter et où bien des comportements relèvent de plus en plus fréquemment de la standardisation. En ce domaine, la France a toujours été pionnière puisque c’est notamment par la loi du 6 mai 1919 (3) qu’ont été définis la notion d’appellation d’origine et son dispositif de protection.
De nouveau, la France s’illustre à travers ce projet de loi en protégeant les indications géographiques des produits manufacturés et en instaurant également une procédure d’alerte au bénéfice des collectivités territoriales en cas d’utilisation de leur nom au sein d’une marque déposée à l’Institut national de la propriété intellectuelle en vue de son enregistrement. Ce dernier sujet avait été évoqué, au détour d’un amendement, lors des discussions relatives au projet de loi visant à renforcer les droits, l’information et la protection des consommateurs mais aucune suite ne lui avait été donnée.
C’est tout à l’honneur de cette majorité de franchir le pas et de contribuer ainsi à défendre avec une conviction sans égale notre patrimoine culturel.
Or, si la confiance du consommateur peut revenir grâce à de tels mécanismes, elle passe également par un meilleur respect des règles existantes. Notre pays souffre, on le sait, d’une inflation législative : il peut d’ailleurs paraître paradoxal, voire anachronique, de dénoncer ce sempiternel travers dans l’introduction d’un projet de loi… Pourtant, ce rappel est nécessaire pour mettre en évidence une tendance lourde de ce projet de loi qui consiste à s’assurer que les règles existantes soient effectivement appliquées, sans qu’il soit besoin de les changer, l’instabilité législative étant un mal contre lequel on doit s’efforcer de lutter avec ténacité.
II.— LA VOLONTÉ DE DÉVELOPPER L’EFFECTIVITÉ DU DROIT DE LA CONSOMMATION
De très nombreux articles de ce projet de loi ont vocation à s’assurer que les règles existantes, dans quelque code ou autre texte qu’elles figurent, s’appliquent réellement. Rien ne sert de légiférer si les textes restent lettre morte ou si les comportements n’évoluent pas dans un sens plus conforme à l’intérêt général. C’est un des principaux axes de ce texte.
La France agit dans un cadre européen : c’est un fait, c’est une chance. Depuis longtemps, le consommateur n’est plus national : il est, si l’on s’en tient à l’exemple français, européen et même mondial à la faveur de nouveaux outils (Internet), de nouveaux acteurs commerciaux et de nouveaux modes de consommation (la vente à distance notamment).
Dans le cadre ainsi tracé, la France se doit de tenir ses engagements à l’égard de ses partenaires et, donc, de transposer dans son droit interne les textes communautaires qui lui sont applicables. C’est en particulier le cas de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 (4) relative notamment à la vente à distance et dont les dispositions vont incontestablement dans le sens d’une plus grande protection du consommateur en lui accordant notamment un délai de rétractation de 14 jours dans le cadre de la vente d’un bien ou d’une prestation de services à distance.
Assurer l’effectivité du droit de la consommation passe aussi par la réécriture, éventuellement par le fait de compléter, des textes déjà existants. C’est le cas pour les articles 61 et 62 du présent texte qui s’attachent à préciser certaines dispositions de la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008. Compte tenu de la diversité des sujets abordés dans ce texte pléthorique (175 articles au final), il ne s’agissait bien évidemment pas de la remanier de fond en comble, d’autant que tous les sujets qui y sont traités ne posent pas fatalement de difficulté d’application aujourd’hui.
En revanche, s’il est un domaine où la LME a en grande partie échoué, ce sont bien les relations commerciales entre distributeurs et producteurs qui demeurent déséquilibrées au détriment des seconds. L’esprit de la LME, sur ce point, consistait à vouloir fluidifier les relations commerciales au travers notamment de la « négociabilité » (qui permet aux producteurs de vendre leurs biens à des prix différenciés selon les distributeurs et à ces derniers de négocier les prix ainsi proposés). Or, les gains réalisés par les producteurs et fournisseurs ont bien souvent été amoindris par certains acteurs de la grande distribution qui ont développé des méthodes tout à fait indignes, consistant en des déréférencements sauvages, en des demandes de garanties de marges, en des réouvertures des négociations commerciales à peine l’encre de la convention unique était-elle sèche, en un développement de pratiques qui ont allègrement remplacé les « marges arrières » contre lesquelles la LME avait promis de lutter… Vos rapporteurs ne peuvent qu’approuver les précisions apportées dans le projet de loi à cet égard même si l’on aurait certainement pu aller plus loin, en étant plus contraignant à l’égard d’acteurs économiques qui ne cessent d’étrangler certains de leurs partenaires commerciaux au nom d’une prétendue préservation du pouvoir d’achat des consommateurs.
Même si l’on ne peut que le regretter, force est de constater que l’effectivité des textes passe bien souvent par le développement de sanctions, la dissuasion ne suffisant pas, dans bien des cas, à modifier les comportements et à faire respecter la loi.
Depuis plusieurs années, le droit de la consommation et, plus largement le droit des affaires, souffre d’une pénalisation excessive où la place du juge n’a cessé de prendre de l’ampleur. Un groupe de travail composé de personnalités qualifiées (avocats, magistrats, professeurs de droit, dirigeants d’entreprise) avait été mis en place en 2007, sous la présidence de Jean-Marie Coulon, ancien président de la Cour d’appel de Paris, afin de s’attaquer à une dérive à laquelle chacun souhaitait mettre un terme. Le rapport (5) remis le 20 février 2008 a permis d’explorer plusieurs pistes qui tenaient à la fois de la dépénalisation « sèche », l’infraction pénale étant alors purement et simplement supprimée sans mécanisme de remplacement, et de la dépénalisation par substitution, qui consiste à remplacer la sanction pénale par une sanction d’une autre nature. Outre certaines propositions qui souhaitaient, par exemple, allonger le délai de prescription (afin de faciliter les poursuites à l’encontre des infractions dans le droit des affaires), développer les sanctions civiles et introduire une action de groupe « à la française » en droit de la consommation, le rapport Coulon a également milité pour un développement des sanctions administratives.
C’est ce à quoi avait tendu, mais de façon beaucoup trop limitée, le projet de loi visant à renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs qui a été débattu à l’Assemblée nationale au cours de l’année 2011.
Le présent projet de loi reprend cette logique mais avec une ambition affichée beaucoup plus grande. Vos rapporteurs ne peuvent qu’approuver cette double logique qui permet, en confiant aux autorités administratives le soin de prononcer des sanctions pour réprimer un comportement puni par la loi tant en matière de consommation que dans le domaine concurrentiel, non seulement d’agir plus rapidement, mais également d’être plus dissuasif, le montant des amendes étant en plus d’une occasion notablement accru.
Si certaines inquiétudes ont pu naître, tenant à la fois à l’éventuel manque de garanties et à la moindre familiarité du juge administratif à l’égard du contentieux économique, alors qu’il est compétent en cas de recours contre de telles sanctions administratives, il importe dès à présent de les écarter. D’une part, le caractère contradictoire de la procédure est toujours très clairement affirmé : le prononcé des amendes ne peut avoir lieu qu’au fil d’échanges entre la DGCCRF et le contrevenant, qu’il s’agisse d’un échange de mémoires, de pièces, de discussions… En outre, et la Commission des affaires économiques a d’ailleurs modifié ce point, le délai permettant aux entreprises de présenter leurs observations écrites ou orales dans le cadre d’une telle procédure est suffisant, celui-ci ayant été porté à soixante jours, afin de permettre à des TPE et PME, souvent peu au fait des arcanes juridiques, de préparer utilement leur défense. De plus, le code de justice administrative a mis en place des procédures de référé efficaces devant le juge administratif (référé-suspension et référé-liberté notamment, visés aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative), qui permettent au contrevenant de demander et d’obtenir, compte tenu des circonstances, l’éventuelle suspension du paiement de l’amende prononcée à son encontre. Les garanties sont bel et bien présentes et n’ont rien à envier à celles qui existent devant le juge judiciaire.
Enfin, et malgré certaines interrogations, qui ont d’ailleurs également interpellé vos rapporteurs, le juge administratif est déjà familier du contentieux de la consommation. Le juge judiciaire n’a pas vocation à devenir, en toute hypothèse, le juge naturel du droit de la consommation. Ainsi, en matière de clauses abusives ou de clauses illicites figurant dans des contrats de consommation, le juge administratif est déjà le juge compétent pour statuer (article L. 141-1-VI du code de la consommation). Même si un mouvement existe pour confier une part non négligeable du contentieux de la consommation au juge judiciaire, le juge administratif demeure, en outre, compétent pour tout ce qui concerne l’exercice par l’administration en charge de ce secteur de ses prérogatives de puissance publique. Là encore, les réticences, voire la méfiance, qui peuvent naître face à une extension des compétences du juge de l’ordre administratif en droit de la consommation ne se justifient guère.
Vos rapporteurs ne peuvent, en conclusion, qu’attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de garantir, voire d’augmenter les moyens dévolus à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Dotée d’environ 3 000 ETPT (emplois équivalent temps plein), la DGCCRF a vu ses effectifs diminuer considérablement au cours des dernières années, en raison du dogme du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Si la maîtrise des emplois publics est nécessaire, il convient de l’appliquer avec discernement et non pas de façon mécanique, sans tenir compte ni des attentes de nos concitoyens, ni des conséquences que cela peut entraîner dans le nombre et la qualité des contrôles en l’occurrence. Vos rapporteurs ne peuvent qu’approuver la reconduction du plafond d’emplois qui avait été fixée en 2012 pour l’année 2013 : enfin, l’hémorragie s’arrête ! Il était plus que temps. Pour autant, vos rapporteurs ne peuvent manquer d’être inquiets quant à la désorganisation territoriale de la DGCCRF, qui se disperse entre les niveaux national, départemental et régional d’une part, entre les DIRECCTE et les DDPP (directions départementales de la protection des populations) d’autre part. Une rationalisation s’avère plus que jamais nécessaire : il y va tant de l’efficacité que de la crédibilité de cette administration qui, à bien des égards, est une référence pour l’ensemble de nos voisins européens.
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Vos rapporteurs saluent le travail effectué.
Le projet de loi, présenté en Conseil des ministres le 2 mai 2013, a été précédé de très nombreuses consultations et échanges avec l’ensemble des acteurs pendant de longs mois. La Commission des affaires économiques a eu le temps de travailler, et a débattu de ce texte pendant plus de vingt-quatre heures, les sujets traités ayant également mobilisé nos collègues de la Commission des finances, de la Commission des Lois et de la Commission du développement durable, ainsi que la Commission des affaires européennes.
Si certains textes relatifs à la consommation ont pu faussement paraître ambitieux, tel n’est pas le cas du présent projet de loi.
Les dispositifs qu’il renferme (à commencer, bien évidemment, par l’action de groupe et l’introduction d’un répertoire national du crédit aux particuliers) sont autant de jalons fondamentaux pour favoriser la consommation et, plus largement, notre économie.
Tout en assurant une certaine continuité (protection du consommateur, rééquilibrage entre les divers acteurs…), ce projet de loi, dont vos rapporteurs espèrent qu’il rassemblera le plus grand consensus possible, instaure néanmoins une véritable rupture dans notre droit de la consommation. Cette majorité peut en être fière et nul doute que ses conséquences seront très rapidement bénéfiques pour l’ensemble de notre pays.
Dans le cadre des travaux relatifs à l’examen du projet de loi relatif à la consommation (n° 1015), la commission a auditionné M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la consommation lors de sa réunion du 11 juin 2013.
M. le président François Brottes. Mes chers collègues, nous voici donc réunis pour examiner un projet de loi particulièrement important, et je donne la parole sans attendre au ministre qui l’a porté avec conviction, M. Benoît Hamon.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je vous remercie M. le président. Le projet de loi relatif à la consommation que nous avons, avec Pierre Moscovici, présenté en conseil des ministres le 2 mai dernier, doit améliorer la confiance entre les entreprises et les consommateurs, qui est une des clés du retour à la croissance. Ce projet rompt avec certains dogmes économiques qui faisaient du consommateur un agent économique par définition rationnel, apte à faire valoir ses droits par lui-même. Le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique y est fortement réaffirmé, conjuguant renforcement de la protection des consommateurs et compétitivité de notre économie.
C’est dans cette perspective que s’inscrivent les dispositions de ce texte, qu’elles aient pour but de favoriser le pouvoir d’achat, de lutter contre le surendettement, de rééquilibrer les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, les PME notamment, de réviser l’arsenal des sanctions destinées à punir la fraude et la tromperie, de transposer la directive européenne relative aux droits des consommateurs, notamment les mesures relatives à la vente à distance, de favoriser une consommation responsable sans écarter le problème de l’obsolescence programmée, ou de protéger les produits manufacturés par des indications géographiques.
Je voudrais tout d’abord souligner que ce texte a été élaboré à l’issue d’une très large concertation avec les associations de défense des consommateurs et les professionnels.
Ainsi l’innovation essentielle que constitue l’« action de groupe à la française » a fait l’objet d’une consultation publique et d’un consensus au sein du Conseil national de la consommation obtenu à la fin du mois de décembre dernier. Le monde des entreprises et le mouvement consumériste partageaient le diagnostic qu’il manquait une voie de recours pour traiter les litiges de consommation de masse. Si les montants en cause sont faibles pris isolément, additionnés ils constituent des rentes économiques considérables.
La création d’une telle procédure est une véritable « Arlésienne du droit de la consommation », puisque Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy l’avaient promise avant d’y renoncer sous la pression des lobbies.
Nous en avons volontairement limité le champ d’application au seul droit de la consommation et de la concurrence parce que nous considérons que les dommages dans le domaine de la santé ou les atteintes à l’environnement, où la réparation du préjudice suppose une expertise individuelle, ne relèvent pas du code de la consommation. D’ores et déjà, Marisol Touraine travaille au principe d’une action de groupe étendue aux préjudices intervenant en matière de santé, qui pourrait trouver place dans la future loi de santé publique.
En revanche le débat peut être ouvert quant aux modalités de mise en œuvre proposées par ce texte – le choix de la réserver aux associations agréées de consommateurs, la possibilité de recourir à une procédure simplifiée, etc.
Conformément à l’objectif de rééquilibrer les relations entre les entreprises et les consommateurs, le projet de loi confère un effet erga omnes à l’annulation par le juge d’une clause abusive. Cela signifie que le juge saisi d’une clause contractuelle pourra décider que l’annulation de cette clause vaut pour tous les contrats de même nature.
En rétablissant une forme de symétrie entre assuré et assureur, la faculté pour le consommateur de résilier ses contrats d’assurance multirisques habitation et responsabilité civile automobile dès la première année vise le même objectif de rééquilibrage. Ce nouveau droit permettra aux consommateurs de mieux faire jouer la concurrence et donc de bénéficier d’offres plus performantes en termes de prix et de services rendus. Je rappelle qu’en dépit du caractère incontestablement concurrentiel de ce marché, les primes d’assurance multirisques habitation ont augmenté trois fois plus vite que l’inflation au cours des trois dernières années. Or, il s’agit là de dépenses contraintes.
Le projet de loi vise également à lutter contre le surendettement des ménages, en favorisant en premier lieu le développement d’offres de crédit alternatives au crédit renouvelable. Cette forme de crédit a sa place dans une économie moderne, où les consommateurs n’ont pas à payer compter tous les biens qu’ils acquièrent, et est utile pour soutenir à la consommation. Pour les achats d’un montant supérieur à mille euros, en revanche, le crédit renouvelable n’est pas la meilleure des formules et tend à amplifier le surendettement des ménages.
Je vous rappelle que plus de 200 000 dossiers de surendettement ont été déposés par an en moyenne au cours des cinq dernières années. Au 31 décembre 2012, 772 000 ménages étaient en cours de désendettement. Or, le crédit à la consommation est présent dans 87 % des cas traités en commission de surendettement, avec en moyenne 4,6 crédits par dossier. Ce qu’il faut, c’est éviter le crédit de trop. Pour cela, nous voulons davantage responsabiliser les prêteurs via la mise en place d’un registre national des crédits aux particuliers (RNCP), conformément à l’engagement pris par le Premier ministre lors de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, engagement rappelé par le Président de la République devant l’Union nationale et interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS).
Le Gouvernement proposera par voie d’amendement une version plus modeste de ce fichier que ce que nous avions imaginé au départ. Conformément à l’avis du Conseil d’État, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), ce fichier ne recensera que les personnes ayant des crédits à la consommation, et non les 25 millions de personnes potentiellement concernées. Cette dernière option aurait été par trop disproportionnée : nous l’avons admis et revu notre projet en conséquence.
Il faut absolument enrayer la hausse du surendettement – les ménages français surendettés le sont pour des montants deux fois supérieurs aux ménages de la Belgique, où existe un registre.
Troisièmement, nous souhaitons mettre en place de nouvelles règles pour assurer un meilleur équilibre des relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, question particulièrement délicate tant elle implique des intérêts contradictoires. Le texte prévoit tout d’abord un renforcement considérable de l’effectivité de la législation sur les délais de paiement, notamment en substituant des sanctions administratives à la pénalisation des infractions à la réglementation en vigueur. L’enjeu est considérable sur le plan économique puisque ce sont onze milliards d’euros qui pourraient ainsi être restitués à la trésorerie des entreprises si cette législation était respectée.
Le projet de loi impose également de nouvelles règles de transparence dans les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs telles que régies par la LME. Nous souhaitons que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) puisse contrôler cet « instantané » des négociations qu’est le contrat annuel, autrement appelé « convention unique », qui précise les conditions générales de vente du fournisseur, pour rétablir un minimum d’équilibre dans des rapports de force structurellement défavorables aux PME.
Le projet impose enfin de prévoir une clause de renégociation obligatoire des prix dans les contrats portant sur certains produits alimentaires pour faire face à la volatilité des prix des matières premières. Cette disposition, si elle suscite des réserves chez les distributeurs, est en revanche très attendue par les producteurs et les transformateurs. Elle est, à mes yeux, très importante : j’affirme, au risque de surprendre, qu’on ne peut plus continuer la course sans fin aux prix les plus bas au détriment de la qualité, notamment de l’alimentation. L’affaire « de la viande de cheval » nous a appris que lorsqu’on ne sait plus payer le juste prix aux fournisseurs, on encourage la fraude.
En outre, le projet de loi renforce l’arsenal des sanctions pour faire respecter le code de la consommation. La multiplication par dix de l’amende relative aux fraudes majeures pour les personnes physiques, ainsi que l’application d’un pourcentage du chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à 10 % dans le cas des personnes morales, apparaît comme une réponse à la fois proportionnée aux dommages causés aux consommateurs lésés et aux bénéfices indus des professionnels, et d’un montant suffisamment important pour être dissuasive. Dans le cas de l’entreprise Spanghero, il y aurait eu 85 centimes de marge indue par kilo de viande, soit 500 000 € au total. Et des filières entières de l’industrie agroalimentaires paient aujourd’hui les conséquences des comportements professionnels déloyaux de quelques-uns.
Par ailleurs, les manquements qui faisaient l’objet de contraventions pénales seront désormais sanctionnés par des amendes administratives, bien évidemment dans le respect du principe du contradictoire. Il s’agit de donner à la DGCCRF les moyens d’assurer l’effectivité de la loi.
Le projet de loi renforce également la protection des consommateurs dans le cadre de la vente à distance, et tout particulièrement du commerce en ligne, qui connaît une véritable explosion. La transposition de la directive relative aux droits des consommateurs nous permet de renouveler le cadre de régulation du commerce électronique et de la vente à distance, dont la croissance repose plus que d’autres sur la confiance des consommateurs. La vente sur internet explose – 9 milliards l’an dernier. Et la fraude augmente en proportion. Nous proposons que le délai de rétractation dont bénéficie le consommateur soit porté de sept à quatorze jours et que le délai de remboursement à la charge du professionnel n’excède pas trente jours. Le texte vise également à renforcer les moyens de contrôle, par exemple en permettant aux agents de la DGCCRF d’aller au bout d’une transaction sous une fausse identité pour s’assurer de sa loyauté. En tout état de cause, s’agissant d’une directive d’harmonisation maximale, notre marge d’amendement est extrêmement faible.
Ce texte a également pour objectif de favoriser le développement de modes de consommation plus responsables. Dans cette perspective, le projet de loi améliore l’information des consommateurs sur les garanties légales, ainsi que sur l’existence et la disponibilité de pièces détachées nécessaires à la réparation d’un produit. Les vendeurs seront également tenus de fournir aux consommateurs les pièces indispensables à l’utilisation d’un produit pendant la période, indiquée par le fabricant ou l’importateur, durant laquelle ces pièces sont disponibles. Ce cercle vertueux profitera aussi au secteur du réemploi, dont les acteurs sont implantés sur le territoire et relèvent souvent de l’économie sociale et solidaire.
Dans le même temps, avec ma collègue Sylvia Pinel, nous étendons aux produits manufacturés la protection offerte par les indications géographiques, qui ont été un moteur de la croissance dans le domaine alimentaire. Le produit doit tirer ses qualités et sa renommée de ce lieu, et en se rapportant à son indication géographique, le consommateur doit retrouver les caractères liés à ce lieu de production. Ces indications géographiques sont pour le consommateur la garantie d’une certaine constance et d’une certaine qualité des produits, et peuvent aussi participer du choix du consommateur d’encourager la production locale.
Le projet de loi contient enfin des dispositions plus sectorielles, telles celles visant à encadrer les rapports entre les artisans taxis et les exploitants de voitures de tourisme avec chauffeurs.
Sept cents amendements ont été déposés sur le texte, sur lesquels je souhaite sincèrement que nos échanges soient les plus féconds possible. J’espère toutefois que la cohérence et la force de ce projet de loi seront préservées car, plutôt que de construire un millefeuille et d’empiler des mesures sectorielles, j’ai souhaité la mise en place de mesures transversales puissantes, comme la création de l’action de groupe ou celle du registre national des crédits aux particuliers. Le citoyen, confronté à des situations qui gênent son acte de consommation doit disposer de voies de recours simples pour obtenir réparation des préjudices qu’il subit ou pour éviter l’enfer du surendettement. C’est là la philosophie de ce texte.
M. le président François Brottes. Je vous remercie Monsieur le ministre.
Je précise que l’amendement du Gouvernement CE 634, relatif au registre national des crédits aux particuliers, portant article additionnel après l’article 22, est disponible depuis hier après-midi sur le site internet de l’Assemblée.
Je signale également à M. Daniel Goldberg et M. Christophe Sirugue que leurs amendements portant sur des dispositions du code des marchés publics et du code de procédure civile, de nature réglementaire, ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 41 de la Constitution.
M. le rapporteur. Merci Monsieur le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est tout d’abord marqué par l’audace. Il traite de questions récurrentes depuis vingt ou trente ans. Qu’elles concernent les garanties précontractuelles, les clauses abusives ou l’action de groupe, des mesures avaient été souvent promises sans jamais être inscrites dans la loi.
Mais le texte fait aussi preuve de réalisme car il ne méconnaît ni le contexte ni l’environnement juridique ni les divers acteurs impliqués. Ainsi nous pouvons revendiquer de façon décomplexée la création d’une « action de groupe à la française ». Plutôt que de mettre en place un dispositif général dans le code de procédure civile qui se serait imposé à l’ensemble des secteurs, nous avons souhaité que chaque domaine différent fasse l’objet d’une action de groupe dédiée – comme celle que nous mettons en place pour la consommation et les pratiques anticoncurrentielles.
Ce projet de loi est enfin le fruit d’une exigence. Dans le contexte économique actuel, il n’est pas aisé de s’attaquer à la rente, qui a pour premier ennemi la productivité, et pour première victime le consommateur. Il a fallu que mes collègues rapporteurs dialoguent avec la multitude d’acteurs qui font le dynamisme de l’économie française et du mouvement consumériste. La table ronde organisée par notre Commission le 28 mai dernier, sur le crédit à la consommation, a par exemple permis, grâce à un débat exigeant, de traiter en profondeur de la question du RNCP.
Le droit d’amendement est précieux et tous les députés en disposent. Nous souhaitons néanmoins, comme l’a dit Monsieur le ministre, que soit préservée la cohérence globale d’un projet de loi dont nous n’avons pas voulu qu’il constitue, comme cela est arrivé dans le passé, un empilement de dispositions diverses.
J’arrête là mon propos et je développerai certains points en cours de débats.
M. le président François Brottes. J’incite les rapporteurs qui vont maintenant prendre la parole à adopter une approche plus technique que politique sur les dispositions particulières qu’ils ont examinées afin que leurs collègues soient éclairés au mieux.
Mme Annick Le Loch, rapporteure. Les articles 61 et 62 du projet de loi concernent les relations commerciales entre entreprises et, plus précisément, la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008 dont l’objectif était d’introduire davantage de concurrence dans l’intérêt des consommateurs.
Aujourd’hui, le président d’une grande fédération professionnelle peut s’exprimer ainsi : « C’est la guerre, et la guerre des prix va continuer jusqu’à la mort si on la laisse faire. On ne parle pas de produits, de consommateurs, de commerce. On ne se préoccupe que du prix toujours plus bas comme si c’était une fin en soi. Des PME sont affaiblies, blessées, et risquent de disparaître et, avec elles, des milliers d’emplois. Au final, on détruit notre appareil productif. La LME est une loi anti-consommation et anti-emploi ».
Monsieur le ministre, comment en sommes-nous arrivés là ?
L’article 61 concerne les délais de paiement et les conditions générales de vente. Si le bon ordre public économique impose de respecter les règles, dont celles relatives aux délais de paiement, plus de 30 % des entreprises ne respectent pas la loi, et les délais s’allongent. Le manque à gagner pour la trésorerie des entreprises, notamment pour les PME et TPE, s’élève à 12 ou 13 milliards d’euros, et ces retards expliquent un quart des faillites d’entreprises. Il importe donc de renforcer les contrôles, de sanctionner plus rapidement les retards par une amende administrative significative et de réduire les délais à 45 jours net pour les factures récapitulatives.
Mon attention a également été appelée par les artisans du bâtiment confrontés aux difficultés de paiement des particuliers. Ces derniers ne sont soumis à aucune obligation en matière de délais de paiement et, parce que ces délais s’allongent, ils sont sans doute la cause d’un pic de défaillances des entreprises de ce secteur.
L’article 61 traite aussi des conditions générales de vente. Il ne s’agit pas de mettre fin à la négociabilité, ni de perturber les relations économiques mais, avant tout, de veiller à la bonne et complète application des dispositions légales existantes. Aussi, l’article réécrit en partie le début de l’article L. 441-6 du code de commerce pour réaffirmer très clairement que les conditions générales de ventes (CGV) constituent le socle de la négociation commerciale – ce qui n’est pas le cas des conditions générales d’achat (CGA) comme certains acteurs de la distribution semblent pourtant le penser.
L’article 62 souhaite pour sa part rééquilibrer les relations commerciales. Il semble que, depuis le vote de la LME, censée assurer de vraies négociations commerciales assises sur de véritables contreparties vérifiables et formalisées dans la convention unique annuelle, le rapport de forces entre les sept grandes centrales d’achat et les milliers de fournisseurs est encore plus déséquilibré, et les relations encore plus dures – notamment avec les PME de l’agroalimentaire. Certains groupes font également part de pratiques illégales et abusives, comme celles consistant à pouvoir tout renégocier à tout moment sans contrainte particulière. La dernière en date concerne des demandes de compensation de perte de marge, émises avant même la discussion des conditions de vente de l’année à venir.
L’article 62 réécrit à cet effet une partie de l’article L. 441-7 du code de commerce pour clarifier la définition de la convention unique qui rassemble les différents éléments concourant à la détermination du prix correspondant au point d’accord entre producteurs et distributeurs. Il importe notamment de rappeler que la convention unique est bien applicable dès le 1er mars de chaque année ; elle ne l’est ni avant ni après cette date, et elle n’a pas à être renégociée – notamment à l’initiative des distributeurs, dès les semaines voire les jours qui suivent sa mise en œuvre théorique.
L’article 62 prévoit explicitement, dans des conditions fermement définies afin d’éviter tout abus, que des renégociations pourront intervenir en cas de variation importante des cours des matières premières. En effet, les difficultés conjoncturelles liées à la volatilité des cours des matières premières agricoles ont exacerbé les tensions.
Cet article permettra de tenir compte de la volatilité des cours des matières premières à la hausse comme à la baisse, et il imposera aux entreprises de renégocier les prix si les variations sont trop fortes. Il nous reste à préciser dans les plus brefs délais la liste des produits concernés, et à l’ouvrir aux produits transformés comme la farine ou les produits de la charcuterie. À l’instar des producteurs agricoles, j’appelle à la vigilance en ce qui concerne les indices publics qui constitueront le déclencheur des renégociations des prix en cas de forte variation des cours des matières premières agricoles.
Monsieur le ministre, vous l’avez compris, la Commission des affaires économiques est favorable aux modifications du code de commerce et aux dispositions proposées par le projet de loi. Sa pleine application permettra le retour à une équité des relations commerciales. Elle sera bénéfique à la santé du tissu des PME qui font vivre notre territoire. Nous espérons tous que la réécriture ou le renforcement de la LME constituera le stade ultime de nos travaux en la matière, car il ne serait dans l’intérêt de personne de devoir accroître les contraintes et les sanctions.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances, saisie pour avis du titre III du projet de loi, relatif au crédit et à l’assurance, s’est attachée à renforcer la protection des consommateurs qui se trouvent souvent en situation de faiblesse face à leur banquier ou à leur assureur.
Pourriez-vous préciser monsieur le ministre, comment le texte dont nous débattons s’articule avec le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, adopté la semaine dernière en deuxième lecture par l’Assemblée, qui comporte un volet relatif à la protection des consommateurs ?
La commission des finances ne disposait pas, lors de sa réunion, de l’amendement du Gouvernement relatif au registre national des crédits aux particuliers. Quelles garanties prévoyez-vous pour garantir le respect de la vie privée ? Quels garde-fous comptez-vous mettre en place pour éviter toute consultation frauduleuse du registre, en particulier de la part des sociétés de recouvrement de créances ou de personnes non habilitées ?
Je souhaite, pour conclure, lancer deux appels : le premier en faveur de la suppression des hypothèques rechargeables créées par M. Nicolas Sarkozy, car ces « subprimes à la française » peuvent être lourdes de conséquences en matière de surendettement. Le second concerne la mobilité bancaire car nos concitoyens sont aujourd’hui fréquemment confrontés dans ce domaine à des rigidités qui créent des situations de rente et favorisent l’augmentation des prix.
M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Notre Commission s’est uniquement saisie des articles 1er et 2 du projet de loi qui créent l’action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. Ces dispositions mettent en œuvre une promesse du Président de la République – je rappelle qu’aucun des engagements régulièrement pris en la matière depuis longtemps n’avait jamais été tenu.
L’action de groupe est nécessaire pour réparer les préjudices du quotidien et régler les litiges dont le trop faible montant dissuade les consommateurs d’intenter une action en justice alors qu’il peut pourtant s’agir de contentieux de masse aux enjeux considérables. Certes, une forme de recours collectif existe déjà dans notre droit, mais les conditions prévues pour la mise en œuvre de l’action en représentation conjointe sont telles que cette procédure n’a été utilisée que cinq fois depuis sa création en 1992. Cet échec doit nous pousser à aller plus loin.
Le dispositif proposé renforce la protection des consommateurs et vise à assainir l’économie de marché en dissuadant les professionnels d’adopter des comportements et des pratiques illicites.
Chacun s’accorde à considérer qu’il faut éviter les dérives de la class action, telles qu’elles existent outre-Atlantique. Le texte offre toutes les garanties d’une « action de groupe à la française ». De plus, dans aucun des pays européens où un dispositif similaire a été adopté, il n’a donné lieu aux dérives que beaucoup semblent craindre. La Commission européenne se prononce d’ailleurs sur le sujet aujourd’hui même.
Le texte du Gouvernement est équilibré. Il permet d’éviter le risque de recours abusifs et celui d’une déstabilisation de notre économie. Certains regrettent le caractère limité de son champ d’application, mais le droit de la consommation et celui de la concurrence constituent un champ très large. L’étude d’impact montre que de très nombreux cas relèveront de la nouvelle action de groupe. Ne boudons pas notre plaisir : il s’agit d’un pas significatif ! La ministre de la santé travaille déjà du reste à étendre le dispositif dans son domaine – et je suis certain que la même évolution se produira en matière d’environnement.
Je reviens sur quelques objections. Certes, les préjudices visés sont matériels, les préjudices corporels et moraux étant exclus ; mais ce choix s’explique par la nature même de l’action de groupe : le préjudice ne doit pas être individualisé. D’autre part, les associations agréées de consommateurs représentatives au niveau national ont seules la capacité à agir mais cela me paraît constituer un gage de sécurité pour les consommateurs : elles sont assez nombreuses, et couvrent beaucoup de domaines. Quant aux critiques formulées par les avocats lors des auditions, elles ne me semblent pas fondées, car ces derniers sont présents à tous les stades de la procédure – d’autant que l’action est introduite en premier ressort devant un TGI.
Ce dispositif respecte pleinement les exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. L’action de groupe ne remet aucunement en cause le droit au recours puisque chaque consommateur pourra continuer d’agir individuellement s’il le souhaite. La limitation de la réparation au préjudice matériel est justifiée, car il s’agit de décider d’une indemnisation-type susceptible d’être dupliquée. Il n’existe enfin aucune obligation d’adhérer aux associations de consommateurs requérantes pour obtenir une réparation, ce qui est conforme au principe constitutionnel de liberté d’association.
L’action de groupe constitue un progrès décisif pour les consommateurs. Les quelques amendements adoptés par la commission des lois ne visent qu’à donner encore plus de force à ce dispositif. Monsieur le ministre, nous serons particulièrement attentifs aux précisions que vous nous donnerez sur les décrets à venir car de très nombreux aspects de la procédure seront, de fait, fixés par voie réglementaire.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission du développement durable souhaite que le champ de l’action de groupe puisse être étendu aux préjudices environnementaux en raison des activités économiques – on peut en effet difficilement séparer l’économie et l’environnement. Elle souhaite également favoriser l’orientation du système productif vers des biens de qualité grâce à la mise à disposition des pièces détachées sur une plus longue durée, et grâce à l’extension des garanties. Elle appelle enfin de ses vœux une phase de transition pour entrer dans l’économie de la fonctionnalité, concept encore mal connu en France – bien que nous y ayons déjà recours à Paris avec Vélib et Autolib.
Notre commission, en revanche, a écarté après de longs débats les amendements relatifs à l’obsolescence programmée. Ce sujet exigerait des études complémentaires plus approfondies.
Tout en approuvant la logique du projet de loi, la commission du développement durable estime qu’on ne peut pas cloisonner l’économie et l’environnement. Elle estime de même que l’on peut, par des incitations, développer des pratiques intelligentes de consommation. Son objectif est de renforcer le lien entre économie et écologie, de susciter l’engagement des acteurs économiques en faveur d’une consommation responsable et durable, dont nos concitoyens sont de plus en plus soucieux.
M. Le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous laisse répondre aux différents rapporteurs.
M. le ministre délégué. Monsieur Grandguillaume, vous avez posé des questions précises sur le Registre national du crédit aux particuliers (RNCP). Le Conseil d’État nous ayant fait savoir que notre texte initial ne pourrait recevoir son approbation sur ce point, nous avons préféré reprendre le texte et saisir formellement la haute juridiction des conditions auxquelles elle jugeait possible la création d’un tel registre. Nous avons en outre saisi la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et la Commission nationale Informatique et libertés (CNIL) qui, toutes deux, se sont félicitées dans leurs avis respectifs du format retenu par le Conseil d’État.
Tel que conçu, le registre permettra de lutter efficacement contre le surendettement sans menacer en rien les libertés fondamentales. Tout citoyen aura le droit d’accéder aux informations le concernant, et de les rectifier si besoin. Lorsqu’un établissement prêteur consultera ce registre – seuls ces établissements en auront le droit –, il aura l’obligation d’en informer le consommateur, lequel devra autoriser cette consultation. L’établissement aura alors connaissance de toutes les lignes actives de crédit du consommateur et de son niveau d’endettement, toutes informations dont il ne disposait pas auparavant, et décidera alors en toute connaissance de cause d’accorder ou non un crédit à la consommation.
Pour garantir que ce fichier ne soit pas utilisé à d’autres fins que la vente de crédits à la consommation, des procédures d’accréditation des établissements habilités à le consulter ont été prévues et la traçabilité des connexions sera assurée.
Nous avons voulu un outil solide sur le plan juridique, qui ne risque pas d’être invalidé par le Conseil constitutionnel si celui-ci devait être saisi du projet de loi. Le Conseil d’État, qui a été associé au plus près à l’élaboration des dispositions, considère aujourd’hui que l’on a trouvé une accroche constitutionnelle à la lutte contre le surendettement en rapprochant les dispositions prises, de celles, déjà constitutionnelles, relatives à la lutte contre l’exclusion.
Le registre permettra de mieux lutter contre le surendettement et le « mal-endettement », mais il ne les éradiquera pas du jour au lendemain. L’essentiel est de responsabiliser les prêteurs, qui ne doivent pas pouvoir se décharger de toute responsabilité s’ils ont accordé un crédit à la consommation supplémentaire à une personne déjà surendettée.
Vous avez également abordé, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, le sujet de la mobilité bancaire. Bien que le Gouvernement n’en ait pas traité, ce n’est pas un petit sujet. Vous avez déposé de nombreux amendements, visant notamment à faciliter le changement de banque. Nous verrons quelle suite leur donner. Vous êtes attaché à la portabilité du numéro de compte. Nous en discuterons. Reste à étudier sa faisabilité technique. Les banques se sont elles-mêmes engagées à faciliter les changements d’établissement. Vous avez également évoqué les subprimes, les hypothèques rechargeables : sur tous ces sujets, je suis ouvert au débat.
Certains parlent de « guerre des prix ». Sachez, madame Le Loch, que mon objectif n’est pas de faire la guerre à qui que ce soit. Mais si guerre il devait y avoir, il importe que chacun puisse se battre à armes égales. Or, on assiste aujourd’hui à la lutte du pot de fer contre le pot de terre quand on en arrive à exiger des baisses de prix au motif que certaines entreprises – des PME – sont ou seront éligibles au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ! Certaines pratiques sont inadmissibles.
L’objectif du présent texte est tout d’abord de faire respecter les dispositions de la loi de modernisation économique (LME). Lorsque celles-ci ne sont pas assez claires, nous les préciserons. Il n’est pas question d’un grand soir des relations commerciales, seulement de faire appliquer la loi et de pouvoir assigner telle ou telle enseigne en cas de déséquilibre avéré. Les PME et les producteurs réclament que la loi, dans sa lettre comme dans son esprit, soit mieux appliquée et que cessent les situations de non-droit. Nous y travaillerons, sans nous laisser influencer par les campagnes des uns et des autres. La loi s’impose aux entreprises, comme elle s’impose aux citoyens. Et il n’y a aucune raison que celles-ci n’encourent pas des peines dissuasives en cas de manquements, comme les citoyens peuvent en encourir lorsqu’ils contreviennent à la loi.
M. le président François Brottes. Je donne à présent la parole aux porte-parole des groupes.
M. André Chassaigne. Pour nous, un texte législatif sur la consommation est nécessairement lié à la question du pouvoir d’achat. Dans la mesure où rien n’est fait pour améliorer celui-ci, il faut bien trouver le moyen que la consommation revienne le moins cher possible. Un tel texte ne peut non plus être indépendant des moyens humains accordés aux services publics, je pense en particulier à la DGCCRF, qui doit pouvoir effectuer les contrôles nécessaires et prononcer les sanctions éventuelles. Enfin, il faudra bien, un jour ou l’autre, s’interroger sur des modes de vie et de consommation qui aujourd’hui épuisent les ressources de la planète. Faute de quoi, nous passerions à côté d’une problématique essentielle.
Les mesures du texte concernant l’action de groupe sont timides. Des filtres ont été institués à plusieurs niveaux. Tout d’abord, celui des associations de consommateurs – il pourra certes s’en créer sur des problématiques spécifiques. Ensuite, le périmètre des actions. Le ministre a indiqué qu’il serait étendu à l’environnement et à la santé dans des textes ultérieurs, mais il est regrettable que cela n’ait pas été fait immédiatement.
Pour ce qui est du crédit à la consommation, la création du RNCP permettra aux prêteurs d’assumer la responsabilité de leurs prêts. Nous nous en félicitons, mais il aurait également fallu interdire certaines pratiques bancaires.
J’en viens aux indications géographiques, sujet qui m’est cher. Celles-ci ne visent pas à faire la guerre à qui que ce soit, mais à valoriser certaines productions nationales et à dynamiser notre économie, en particulier celle qu’animent nos PME, nos artisans et nos producteurs locaux. Les indications géographiques sont faites pour hisser le niveau de qualité des productions en prévoyant des cahiers des charges élaborés par les professions, de façon à pouvoir distinguer ces produits de ceux importés de pays à bas coût de main-d’œuvre.
Si certains d’entre nous, pour des raisons locales, pensaient que l’indication géographique vise à valoriser un territoire, fût-ce en tuant l’économie d’un autre territoire, ils commettraient une grave erreur. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer au sujet des couteaux dits « Laguiole ». N’oublions pas qu’à Thiers dont je suis l’élu, on fabrique des Laguiole depuis cent cinquante ans, que le laguiole s’est développé sur ce territoire, que pendant des décennies, cinquante ans peut-être, aucun laguiole n’a été fabriqué à Laguiole et que si le laguiole existe toujours, c’est parce les couteliers de Thiers ont continué de le fabriquer, cette activité y représentant aujourd’hui près de 400 emplois et ayant connu d’importantes évolutions technologiques. Il est vrai qu’en 1962, un chef d’entreprise a acheté une forge à Thiers, qu’il a ensuite installée à Laguiole pour y produire des laguiole. Le territoire d’une indication géographique peut être très large, s’étendre sur plusieurs zones historiquement productrices. Ainsi le fromage Cantal est-il fabriqué dans les départements du Cantal, du Puy-de-Dôme, de l’Aveyron, de la Corrèze, de la Haute-Loire, tous territoires qui historiquement en produisaient. La fourme d’Ambert, quant à elle, est fabriquée dans 43 cantons du Puy-de-Dôme, huit communes et trois cantons de la Loire et cinq cantons du Cantal. Que valent les prés carrés géographiques lorsqu’il est question d’intérêt économique ? L’indication géographique doit tenir compte de l’intérêt général.
M. Damien Abad. Je pense qu’il faut tout d’abord se poser quelques questions simples. Ce projet de loi renforce-t-il ou non la compétitivité des entreprises ? Améliore-t-il ou non le pouvoir d’achat des Français ? Assure-t-il une meilleure protection des consommateurs et si oui, à quel prix ? Pour les deux premières questions, la réponse est non. Pour la troisième, la réponse pourrait être oui, grâce à la transposition d’une directive européenne, mais au prix d’une extrême complexification.
L’action de groupe « à la française » qui nous est proposée sera impossible à mettre en œuvre. Tous les acteurs s’accordent sur le principe, dites-vous, monsieur le ministre. Certes, mais il n’en va pas de même sur les modalités. Des amendements circulent d’ores et déjà, préconisant des actions de groupe « simplifiées », ce qui souligne en creux la complexité des dispositions proposées. À côté de l’innovation procédurale, nous attendons une innovation économique. Je serais prêt à suivre le Gouvernement en matière d’action de groupe, en m’inspirant d’ailleurs de la proposition de loi qu’avait défendue en son temps M. Chatel, mais à condition que les dispositions prévues soient applicables en pratique. Tel n’est pas le cas.
Le futur RNCP devrait, dites-vous, permettre de lutter contre le surendettement, en tout cas d’améliorer la situation de certains ménages surendettés. Pourquoi n’avoir prévu ce registre national du crédit aux particuliers que par voie d’amendement gouvernemental et bien tardivement, si vous étiez si sûrs de votre fait ? Êtes-vous certains que ce fichier limitera le surendettement ? En Belgique, où il existe un tel fichier, le nombre de dossiers de surendettement a augmenté de 48 % entre 2006 et 2011 alors que sur la même période, il n’a progressé que de 28 % en France. Enfin, combien coûtera ce fichier ?
Pour le reste, votre projet de loi créera surtout un choc de complexification. J’en prendrai deux exemples. Un procès-verbal ou un compte rendu sera désormais obligatoire dans le cadre de la renégociation des relations commerciales. Cette nouvelle obligation entraînera un surcroît de travail administratif, préjudiciable au monde économique. De même, le délai de rétraction va être porté de sept à quatorze jours. Le problème est que les entreprises devront rembourser l’acheteur avant même le retour du colis. Comment cela se passera-t-il ? Quels risques prendront-elles ? Comment améliorer le dispositif ?
Enfin, après le matraquage fiscal, voilà le matraquage administratif des entreprises ! La moitié des articles du projet de loi visent à renforcer un pouvoir administratif ou des sanctions. Je ne dis pas que certaines ne devaient pas être alourdies mais le principe de proportionnalité a-t-il été respecté ? Sur le terrain, le renforcement du pouvoir de sanction de la DGCCRF entraînera un formalisme administratif excessif au détriment des PME. À nous de trouver, au cours du débat, le moyen que les entreprises n’en pâtissent pas.
Au final, ce projet de loi est un texte d’affichage, sympathique à la première lecture, mais qui en vérité n’apporte pas grand-chose aux consommateurs. Il ne sert ni la compétitivité des entreprises ni le pouvoir d’achat des ménages. Citez-moi une seule mesure qui améliore le pouvoir d’achat, et je serai disposé à la soutenir. Nous aurons à faire pendant le débat pour que ce texte, de sympathique, devienne efficace sur le plan économique et social.
Mme Jeanine Dubié. Je remercie les deux co-rapporteurs d’avoir organisé de nombreuses auditions, qui ont permis un travail approfondi, et d’avoir autorisé nos collaborateurs à y assister, ce qui a facilité la tâche des petits groupes comme celui du RRDP.
Ce projet de loi qui touche à de nombreux domaines de la vie quotidienne de nos concitoyens, cherche à concilier les deux objectifs, pas nécessairement contradictoires, de maintenir un niveau élevé de consommation et de renforcer la protection des consommateurs. Légiférer pour protéger les consommateurs, c’est tenter d’édicter des règles favorisant une consommation plus durable, plus respectueuse et plus équitable. C’est encadrer les pratiques pour mettre fin aux milliers de petits tracas du quotidien qui peuvent empoisonner la vie, ou du moins les réduire. C’est enfin chercher à redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs en instaurant des mécanismes de marché plus efficients et en rééquilibrant les relations commerciales.
Nous partageons, monsieur le ministre, votre objectif de parvenir à une meilleure régulation économique afin de soutenir la croissance. Nous proposerons divers amendements.
Nous soutenons l’action de groupe et les modalités retenues par le Gouvernement pour l’introduire dans notre droit. Certains tiennent la mesure pour un tout petit pas, d’autres la refusent absolument. Vous avez, selon nous, trouvé le bon chemin.
Nous soutenons également les mesures, que nous jugeons positives, relatives aux délais de paiement, aux clauses abusives, aux crédits à la consommation, à la résiliation des contrats d’assurance, à l’allongement du délai de rétractation en matière de e-commerce et de vente à distance, aux moyens d’actions de la DGCCRF ainsi qu’aux sanctions qu’elle peut prendre, aux indications géographiques pour les produits manufacturés. Sur tous ces sujets, nous proposerons des amendements afin d’améliorer le texte, en simplifier l’application ou renforcer les droits des consommateurs lorsque nécessaire. Nous présenterons également quelques amendements relatifs aux relations commerciales. Il est possible d’aller plus loin dans la lutte contre les rentes de monopole, les déséquilibres dans les négociations et le maintien des acteurs en situation captive. Autant de « poches d’inefficacité » auxquelles il faut s’attaquer afin de relancer la croissance.
Nous avons pris connaissance, ce matin, de l’amendement instituant le RNCP. Notre position sur cette question complexe est plus nuancée. Vu le peu de temps dont nous avons disposé, nous réservons notre vote en commission. Si ce fichier rationalise la distribution du crédit, nous ne sommes encore convaincus ni de la proportionnalité du dispositif ni de son efficacité. Nous proposerons des solutions complémentaires ou mieux adaptées pour responsabiliser les prêteurs mais aussi les emprunteurs, et éviter à ceux-ci le crédit de trop qui fait basculer dans une situation dramatique. Sur ce sujet comme sur les autres, nous sommes ouverts au débat. En tout cas, nous accueillons avec bienveillance votre texte, monsieur le ministre.
M. Thierry Benoit. Telle que proposée, l’action de groupe témoigne de la volonté du Gouvernement de maîtriser le dispositif. Nous avons tous en tête les dérives auxquelles ont donné lieu les class actions aux États-Unis et il nous paraît judicieux de limiter pour l’instant l’action de groupe en France aux préjudices économiques et à ce qui touche aux pratiques anti-concurrentielles. C’est la voie de la sagesse.
Partons si possible avec des a priori favorables pour l’ensemble des acteurs que concerne ce texte, consommateurs, entrepreneurs et commerçants. Les entrepreneurs et les commerçants ne sont pas des voleurs. N’entretenons pas la suspicion. La consultation préalable du Conseil d’État, de la CNCDH et de la CNIL, qu’a souhaitée le Gouvernement au sujet du registre national du crédit aux particuliers, a été une utile précaution.
J’en viens à la loi de modernisation de l’économie (LME), que certaines dispositions du texte visent à aménager. Je ne peux m’empêcher de rappeler que nos collègues de l’actuelle majorité avaient vivement décrié la LME à l’époque. Pour ma part, je ne l’avais pas votée et comme Mme le Loch, je pense qu’elle a aujourd’hui besoin d’aménagements sérieux. Je n’en ai pas perçu la volonté chez vous, monsieur le ministre. Plus de transparence est nécessaire et il faut notamment regarder de près les pratiques commerciales de certains acteurs. La LME touche les producteurs, les distributeurs, les industriels de la transformation et les consommateurs. Je m’étonne, monsieur le ministre, que vous n’entriez pas davantage dans le détail de tous les sujets que vous pointiez lors de l’examen de la LME.
Le présent projet a aussi pour objet de transposer une directive européenne, et j’aimerais quelques précisions à ce sujet, notamment sur ce que deviendra la loi Scrivener : il me semble à la lecture des amendements qu’il existe certaines confusions sur les délais de rétractation, de commande, de livraison. Pouvez-vous aussi préciser ce que devient le délai de remboursement ?
J’approuve ce qui a été dit de l’obsolescence programmée, avec quelques réserves toutefois sur la garantie des stocks par les fabricants : il faut vérifier que c’est effectivement réalisable.
Sur l’indication géographique protégée, vous reprenez le travail de l’ancien Gouvernement, ce qui est une très bonne chose : il faut valoriser les savoir-faire de nos terroirs et protéger des gestes séculaires qui se perdent.
L’UDI souhaite que la plus grande vigilance soit de mise – en cette période où le Gouvernement dit vouloir avant tout lutter contre le chômage – dès lors qu’une mesure risque d’entraîner un coût financier pour les entreprises : avant de prévoir de nouvelles sanctions, prenons toutes les précautions nécessaires.
N’oublions pas non plus la nécessité, reconnue d’ailleurs par Président de la République, d’une simplification de notre droit. Même si je comprends les objectifs de ce texte, j’appelle les agents de la DGCCRF à la retenue.
Concentrons-nous sur l’apaisement des relations commerciales, sur la pacification des relations entre les entreprises et les consommateurs : notre but ne doit pas être de donner plus de travail à la justice et aux avocats, mais plutôt de faire renaître la confiance. Les entrepreneurs et les commerçants, je le redis, ne sont ni des voleurs, ni des suspects.
M. le président François Brottes. Le groupe écologiste a souhaité partager son temps de parole entre deux de ses membres, Mme Allain et Mme Bonneton.
Mme Brigitte Allain. Les écologistes portent une attention toute particulière à ce premier grand projet de loi économique de la législature : l’acte de consommation interroge nos valeurs écologiques et sociales. L’économie mondialisée a bouleversé les modes de production, et exacerbé les pressions sur les ressources naturelles en multipliant l’offre de produits tout en réduisant leur durée de vie. Pour prendre la mesure d’un monde qui a changé, et faire face aux défis des années à venir, il est urgent de mieux encadrer la production, de mieux protéger le consommateur des dérives du commerce et des excès du crédit, de mieux l’informer aussi.
Sauf sur le RCNP, ce projet de loi nous paraît aller dans le bon sens ; mais nous ne pouvons nous en contenter, car il entretient une vision trop monolithique de l’économie : extraire, produire, jeter. Nous, écologistes, voudrions au contraire familiariser les consommateurs avec une vision plus sobre de l’économie. Par nos amendements, nous vous proposerons une meilleure protection des plus faibles contre le surendettement, un élargissement de l’action de groupe aux questions de santé environnementale, une défense renforcée du « consommacteur » ainsi qu’une meilleure reconnaissance du travail des producteurs, et enfin la promotion des emplois non délocalisables et un renforcement de l’indication d’origine pour les produits manufacturés.
Nous voulons, en un mot, enrichir ce projet de loi pour teinter l’acte de consommation de responsabilité citoyenne et pour soutenir l’économie de demain par la création d’emplois et la réduction de l’empreinte écologique.
Mme Michèle Bonneton. Ce texte très riche était très attendu par les citoyens et les associations de consommateurs. C’est dans un esprit constructif que nous avons proposé des amendements, dont certains ont été adoptés par les commissions saisies pour avis : ils concernent notamment le renforcement de l’information des consommateurs par un étiquetage clair, l’amélioration de la qualité des produits manufacturés par une lutte plus forte contre l’obsolescence programmée, et enfin la promotion de l’économie circulaire et l’extension de l’action de groupe aux domaines de la santé et de l’environnement.
Nous ne sommes pas convaincus en revanche par l’idée d’un fichier positif du crédit : le surendettement naît le plus souvent du manque de pouvoir d’achat et d’accidents de la vie, et nous redoutons les atteintes aux libertés individuelles que pourrait comporter la création d’un tel fichier. Nous préférerions donc une meilleure information du consommateur.
Dans l’ensemble, c’est un projet très positif, et la discussion permettra, je n’en doute pas, de l’enrichir encore.
M. Frédéric Barbier. Voici un projet de loi ample et riche, mais aussi très cohérent : au cœur de nos préoccupations, il y a la volonté de réguler le marché pour que les forts et les faibles disposent des mêmes opportunités et par là de redonner de l’élan à notre économie. Il est urgent de mieux lutter contre la rente économique et de mieux protéger le consommateur des abus, de favoriser le pouvoir d’achat, tout en préservant les intérêts stratégiques de nos entreprises.
Je remercie M. le ministre, ainsi que les rapporteurs, de leurs interventions claires et précises : ils ont beaucoup travaillé, beaucoup écouté, beaucoup approfondi. Les députés ont reçu ce texte le 2 mai et, depuis, nous n’avons pas chômé : ce sont des sujets passionnants, car nous touchons ici à la vie quotidienne.
Enfin, nous allons créer l’action de groupe ! Jusqu’à présent, cela avait toujours été refusé au consommateur français. Cette procédure nouvelle permettra de réparer des dommages, mais aussi de dissuader les rares entreprises qui souhaiteraient frauder. Ce texte limite l’action de groupe aux dommages matériels, mais vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, que le Gouvernement souhaite l’étendre rapidement au domaine de la santé. Envisagez-vous de l’étendre aussi au domaine de l’environnement ? Avez-vous prévu d’analyser les affaires qui surviendront avant d’étendre l’action de groupe à de nouveaux domaines ?
S’agissant des articles 61 et 62, les auditions ont montré l’extrême tension qui règne entre distributeurs et producteurs. En quoi ces articles vont-ils améliorer la situation ? Existe-t-il, comme nous le dit la grande distribution, un risque de déséquilibrer ces relations au profit des industriels ? Comment ce texte aidera-t-il les petits producteurs, que nous souhaitons soutenir ?
Nous avons été sollicités aussi sur les sujets liés à l’automobile : statut de distributeur automobile, monopole des constructeurs sur les pièces détachées visibles, information du consommateur sur la possibilité de s’adresser au prestataire réparateur de son choix. Quel est votre point de vue, monsieur le ministre délégué ?
Ce projet de loi n’aborde pas la question de l’urbanisme commercial : on pourrait s’en étonner. De même, il n’accorde pas de moyens nouveaux, financiers mais aussi humains, à la DGCCRF. Comment pourra-t-elle effectuer correctement ses missions ?
Enfin, vous avez confirmé, monsieur le ministre délégué, votre volonté de créer un registre national du crédit aux particuliers. Attendu depuis très longtemps par certaines associations qui travaillent auprès des familles surendettées, il suscite chez d’autres de grandes craintes : comment répondre à ces inquiétudes ?
M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous laisse la parole avant que ne puissent intervenir les différents députés qui le souhaitent.
M. le ministre délégué. Non seulement le registre national du crédit aux particuliers n’éteindra pas le surendettement du jour au lendemain, mais, paradoxalement, il augmentera dans un premier temps le nombre de dossiers traités par la Banque de France ! Il permettra en effet une détection plus précoce des personnes touchées. En Belgique, la moyenne de l’endettement pour ces dossiers est de 20 000 €, contre 40 000 en France ; or, il est beaucoup plus facile d’intervenir pour 20 000 € que pour 40 000 €. La Banque de France a donc de très bonnes raisons de s’interroger sur la charge de travail et le coût qu’engendrera cette mesure : nous estimons le coût de la création du fichier entre 10 et 15 millions d’euros. Ensuite, son fonctionnement devrait coûter de 30 à 45 millions, mais cette somme sera à la charge des établissements de crédit : en effet, ils en tireront des bénéfices, puisqu’ils pourront mieux estimer la solvabilité de leurs clients, et verront donc diminuer le nombre de leurs créances non payées.
Il faut responsabiliser les emprunteurs, me dites-vous, madame Bonneton. J’entends l’argument, et j’ai été interpellé sur le sujet par des professionnels du secteur bancaire. Bien sûr, il faut éduquer les consommateurs, mais je ne crois pas que l’on ait toujours une attitude rationnelle sur l’endettement. Des situations difficiles, bien réelles, incitent certains à prendre un crédit renouvelable pour payer leurs factures ! Est-ce rationnel ? Non. Mais ils y sont poussés par la réalité de ce qui leur arrive. Il faut donc prendre en charge ces familles le plus tôt possible, avant qu’elles ne basculent dans le surendettement.
Nous avons beaucoup travaillé pour préserver les libertés fondamentales, et je veux d’ailleurs saluer le rôle du Conseil d’État, qui nous a aidés à prendre toutes les précautions possibles. Après avoir émis un avis défavorable, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a d’ailleurs reconnu avoir été écoutée ; j’espère que la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) regardera aussi ce projet d’un œil plus favorable, car nous avons entendu ses arguments. Ce travail montre combien une véritable concertation peut être utile. Au cours de l’année qui vient de s’écouler, je me suis moi-même forgé une conviction sur ce sujet : je n’étais pas, au départ, un partisan farouche d’un registre national.
Aujourd’hui, le marché du crédit est dominé par quelques grandes banques, et il est bien difficile de s’y faire une place. De jeunes entreprises qui voudraient faire du crédit entre particuliers s’en plaignent, et appellent de leurs vœux un marché plus concurrentiel, ce qui ferait d’ailleurs baisser les taux ! C’est aussi notre volonté. Les acteurs qui dominent le marché sont opposés au RNCP, tandis que les nouveaux entrants potentiels y sont favorables : ce registre permettra non seulement une détection plus précoce des familles vulnérables et une meilleure lutte contre le mal-endettement, mais donnera accès au crédit à des populations qui en sont aujourd’hui exclues par leur mauvais « score » – c’est souvent le cas des jeunes ménages.
Monsieur Abad, je vous remercie d’avoir dit que ce texte était « sympathique » : je choisis de prendre ce terme comme un compliment. L’action de groupe vous semble compliquée, mais il faut comprendre que ce n’est pas seulement une nouvelle procédure : c’est aussi un moyen de rétablir la confiance entre les consommateurs et les entreprises. C’est en quelque sorte une arme de dissuasion contre les tricheurs – que personne, j’en suis tout à fait certain, ne soutient ici.
L’Autorité de la concurrence nous le dit : il existe des ententes entre des entreprises, ententes qui obligent parfois le consommateur à payer un prix de 20 % supérieur à celui qu’il aurait pu obtenir s’il y avait vraiment eu concurrence. C’est pour cela qu’il faut créer l’action de groupe ! Elle figurait d’ailleurs au programme d’un candidat à la présidence de la République que vous avez soutenu ; elle figurait même dans les programmes de précédents candidats, qui ont pour certains été élus.
Nous voulons donc une action de groupe qui soit la plus rapide et la plus efficace possible. Il faudra toutefois attendre, pour la lancer, que l’Autorité de la concurrence ait rendu son jugement. Certains craignent que les procédures n’en soient terriblement allongées. Je suis ouvert à la discussion sur des conditions d’exécution provisoire d’une action de groupe, ou bien sur une éventuelle procédure simplifiée, lorsque par exemple toutes les personnes potentiellement lésées sont déjà bien identifiées. Ainsi, nous avons connu des problèmes avec des produits de placement libellés en devise étrangère : tous les clients de la grande banque française concernée sont connus. Cela pourrait justifier une procédure simplifiée.
L’action de groupe donnera des armes aux consommateurs, par le truchement d’associations agréées : les préjudices pourront ainsi être réparés, mais la simple existence de la procédure devrait pousser les entreprises à améliorer leurs relations avec leurs clients et leurs médiations d’entreprise. Un consommateur avisé, c’est aussi un consommateur qui pousse les entreprises à être plus compétitives, et c’est bon pour toute notre économie.
Ce projet de loi comporte des mesures en faveur du pouvoir d’achat : nous voulons notamment agir sur les dépenses contraintes, car c’est là que sont les rentes indues, et nous pensons que cela représente des sommes importantes. L’action de groupe permettra que ces rentes soient rendues au consommateur – plutôt qu’aux avocats, comme c’est trop souvent le cas aux États-Unis, même si les avocats ont bien sûr un rôle à jouer.
S’agissant de la directive européenne, M. Abad, nos marges de manœuvre sont à peu près nulles. Le délai de rétractation sera donc de quatorze jours, comme le délai de restitution du produit par le consommateur ; le délai de remboursement par le professionnel sera de trente jours. Ce n’est peut-être pas la solution optimale, notamment pour les outre-mer, mais je rappelle que nous sommes dans le cadre d’une directive d’harmonisation maximale.
M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, ainsi que les oratrices du groupe écologiste, ont parlé d’économie de la fonctionnalité. Je suis favorable à l’ouverture d’un débat sur ce sujet, même si le délit d’obsolescence programmée proposé par certains amendements me paraît relever de la qualification juridique de tromperie économique sur la qualité substantielle des biens. Mais l’économie circulaire, et les changements de mode de consommation, notamment la plus fréquente réparation des produits achetés, sont des sujets importants. Le projet de loi comporte déjà des obligations en ce domaine ; nous sommes prêts à avancer, tout en veillant à conserver un équilibre.
Merci, monsieur Benoit, pour vos propos. Vous parlez notamment de la LME. Ce que nous constatons, c’est que les enseignes de la grande distribution se livrent une guerre sans merci, qui entraîne une guerre généralisée avec les PME. Les consommateurs en tirent avantage parce qu’ils bénéficient de prix plus bas, mais ils découvrent que cet état de choses a aussi pour conséquence des tromperies plus fréquentes sur la qualité des produits. Faut-il rappeler le cas de la viande de bœuf remplacée par du cheval ? Nous devons donc nous interroger sur ce modèle économique du moindre coût.
Monsieur Abad, vous craignez les sanctions contre les entreprises. Mais aujourd’hui, on peut gagner de l’argent en trichant : cela peut relever d’un arbitrage rationnel ! Il faut donc proportionner les peines à l’ampleur du bénéfice indu : tricher ne doit plus payer, dans le domaine du commerce comme dans tous les autres. Nous voulons tous ici réprimer la délinquance : pourquoi être plus indulgent avec la délinquance économique ?
Lorsque je consomme, je dois avoir confiance dans les produits que j’achète. Sinon, je n’achète plus. Voyez la chute vertigineuse des ventes de plats préparés.
On comprend donc que MM. Barbier et Chassaigne nous invitent à renforcer les pouvoirs et les moyens de la DGCCRF. Un mot à ce sujet. La DGCCRF travaille avec une si belle énergie qu’elle en vient parfois à se substituer aux services de certains de nos partenaires européens – ce sont nos fonctionnaires qui ont remonté jusqu’à Chypre la filière de la viande chevaline indûment substituée à de la viande bovine ? On ne peut à la fois louer le travail de ces agents, qui travaillent d’arrache-pied pour faire respecter l’intérêt des consommateurs, et leur reprocher d’être exagérément tatillons à l’égard des entreprises. La DGCCRF remplit la mission que l’État lui a assignée : protéger les consommateurs, qui n’ont évidemment pas les moyens de surveiller la chaîne du froid ou la traçabilité des aliments qu’ils trouvent dans leur assiette.
Pour remplir cette tâche, la DGCCRF a besoin de moyens de contrôle et de pouvoirs de sanction supplémentaires. Les sanctions administratives visent à rendre effective une loi qui ne l’est pas aujourd’hui, si bien que la volonté du législateur de voir garanti l’équilibre entre producteurs et consommateurs n’est pas respectée. Je demanderai par ailleurs que les effectifs de la DGCCRF soit renforcé mais, vous le savez, les arbitrages sont loin d’être rendus à ce sujet. Non seulement la DGCCRF, dont les moyens ont été réduits, a été contrainte de diminuer le nombre de ses contrôles, mais les transpositions successives de directives ont élargi ses compétences, obligeant ses agents à une polyvalence qui rend les contrôles moins pointus. L’effectif de la DGCCRF, en baisse de 16 %, n’est pas ce qu’il devrait être. Je me tourne vers ceux qui ont mis en œuvre la révision générale des politiques publiques pour leur dire que ce n’est pas une bonne chose pour les consommateurs français. S’ils estiment que les moyens alloués à la DGCCRF doivent continuer de baisser, ils le manifesteront par leur vote au moment opportun. Je pense, pour ma part, que nous avons l’occasion d’inverser la courbe, dans l’intérêt général.
Je tiens à dire à nouveau l’importance du procès-verbal. Comment la DGCCRF peut-elle travailler correctement si elle n’est pas en mesure de constater ce qu’a été la réalité de la négociation et ne peut s’appuyer que sur des déclarations orales ?
M. Chassaigne a évoqué les indications géographiques pour les produits manufacturés, une question dont il pourra traiter en présence de Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Pour sa part, M. Barbier a mentionné l’urbanisme commercial, vaste sujet qui trouvera sa place dans le futur projet « Duflot III ». Nous débattrons plus en détail, lors de la discussion des articles, des autres points abordés.
J’y insiste : donner des droits aux consommateurs, c’est rendre le marché plus fluide et accroître la compétitivité des entreprises. La compétitivité ne peut se concevoir au détriment des salariés et des consommateurs ; elle suppose la confiance des premiers et les meilleures conditions possibles de travail et de rémunération pour les seconds. Je veux croire que nous sommes tous d’accord sur ce point.
M. le président François Brottes. Je vous remercie. Nous allons entendre à présent, par séquence de deux, les orateurs qui se sont inscrits.
Mme Pascale Got. Je vous félicite, monsieur le ministre, d’introduire l’action de groupe dans notre droit et de vous engager à son élargissement futur. Nous présenterons plusieurs amendements visant à affiner le dispositif que vous proposez. D’autre part, le Gouvernement ne pourra se dispenser d’un rapport d’évaluation des premières actions de groupe.
M. Alain Suguenot. Notre travail est décidément un éternel recommencement ! Les intentions de ce texte, comme l’étaient celles de la loi Lagarde, sont excellentes, mais les risques demeurent : celui du saupoudrage de mesures, celui d’un démarchage exacerbé de la part des banques et, dans le cadre de l’action de groupe, un fort risque d’insécurité juridique en raison d’une part de la dualité de l’action pénale et de l’action civile qui favorisera les atermoiements, d’autre part du délai de rétractation qui fragilisera l’effectivité et l’exécution des contrats.
Le plus grave est la création d’un RNCP : encore faudrait-il pouvoir définir ce qu’est un crédit à la consommation, puisque tout établissement bancaire peut transformer en prêt personnel un crédit à la consommation. Quelle sera la nature des crédits inscrits dans le fichier ? Quels seront les pouvoirs d’investigation ? En réalité, on met à la disposition des banques un outil de prospection très puissant, dont elles ne manqueront pas de se servir en multipliant les démarchages insistants de consommateurs qu’elles ne pouvaient approcher jusqu’alors. Intégrer l’ensemble des crédits souscrits par 25 millions de foyers dans le fichier positif, ce serait porter une grave atteinte à la vie privée, mais à limiter les inscriptions comme vous le proposez, vous créez une insécurité juridique. Il faut trouver un moyen terme pour empêcher les banques de déguiser des crédits à la consommation afin d’éviter qu’ils ne figurent dans le fichier.
M. le ministre délégué. Je prends note de ces remarques, mais je souligne encore une fois que le dispositif a été ciselé en tenant compte des avis du Conseil d’État, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Le Conseil d’État et la CNIL ont refusé l’utilisation, recommandée par la Banque de France, du répertoire national d'identification des personnes physiques comme identifiant pour le fichier positif, estimant qu’il devait être réservé à la sphère sociale. Par ailleurs, le Conseil d’État ayant jugé disproportionnée l’intégration de 25 millions de personnes dans le fichier positif au regard d’un flux annuel de quelques 200 000 dossiers de surendettement, nous avons décidé de créer un nouvel identifiant réservé à la sphère bancaire, ce qui peut être utile par ailleurs. Aujourd’hui, toutes les garanties ont été prises.
Cependant, 87 % des dossiers de surendettement comprennent en moyenne cinq crédits à la consommation. C’est pourquoi nous avons voulu concentrer notre action sur ce type de crédits. Ce n’est pas que nous les tenons pour responsables du surendettement, mais le fait est que les personnes surendettées en souscrivent beaucoup, parce qu’ils les obtiennent facilement. Il faut faire en sorte qu’ils ne souscrivent pas le crédit « de trop ». Nous avons conçu le dispositif en suivant l’avis du Conseil d’État. J’entends vos arguments, monsieur Suguenot, mais notre marge de manœuvre est assez faible, et la formule que nous avons retenue est à la fois efficace et adaptée à son objet – la lutte contre le surendettement ou, à tout le moins, la détection précoce du basculement dans le surendettement.
Je ne vous apprendrai rien en rappelant qu’il existe déjà un registre national des crédits aux particuliers, gros de plusieurs millions de noms, propriété de trois groupes bancaires qui s’en servent pour vérifier la solvabilité des emprunteurs. Nous voulons sortir de ce cadre privé et créer un outil public de régulation du marché du crédit à la consommation et de lutte contre le surendettement.
De surcroît, nous allons encadrer le crédit renouvelable, et je suis ouvert au débat sur les propositions parlementaires relatives aux hypothèques rechargeables ou aux délais d’extinction des crédits à la consommation. La loi Lagarde a incontestablement amélioré l’encadrement du crédit renouvelable. Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, j’avais une aversion personnelle à l’égard de ces crédits rechargeables, mais je conviens qu’ils sont très utiles pour les achats peu coûteux qui seraient financés, sinon, par des découverts bancaires générant des agios très élevés. Il reste que, pour toute demande de crédit supérieur à 1 000 €, la loi de 2010 prévoyait que les consommateurs devaient se voir offrir la possibilité de souscrire un crédit amortissable à la place d’un crédit renouvelable ; or, les banques ne le leur proposent pas. Nous allons donc prolonger ce qu’a fait Mme Lagarde, et imposer ce qui n’était jusqu’à présent qu’une possibilité. Le fait que la DGCCRF dispose de plus de moyens facilitera sa tâche de contrôle.
Mme Marie-Lou Marcel. Je me réjouis que nous soit soumis ce texte ambitieux qui instaure l’action de groupe ainsi que les indications géographiques nationales pour les produits manufacturés, ainsi qu’un mécanisme renforçant la protection des noms de collectivités territoriales. Ces dispositions étaient attendues depuis longtemps par les collectivités locales, les élus et les professionnels qui voient parfois leur image ternie par des industriels peu scrupuleux. Un vide juridique va être heureusement comblé. Nous proposerons quelques amendements visant à améliorer encore la protection des consommateurs, des territoires et des producteurs ; nous espérons qu’ils trouveront une écoute attentive.
M. François Vannson. J’ai le sentiment que ce projet instruit le procès à charge des entreprises. Il en existe certes d’indélicates, mais notre arsenal législatif permet de faire rentrer les choses dans l’ordre. Dans le même temps, les entreprises doivent elles-mêmes faire face à des consommateurs indélicats. Il faut donc trouver un juste équilibre. C’est ce qui explique ma réticence à l’idée de l’action de groupe, dont j’estime l’introduction inutile dans notre droit. Elle doit en tout cas rester limitée aux litiges relatifs à la consommation et ne viser que la réparation de préjudices matériels. Il me paraît également souhaitable que la procédure ne soit pas rétroactive, et que soit réduit à un an le délai légal pour agir. Je défendrai des amendements en ce sens.
M. le ministre délégué. Je me félicite, madame Marcel, que nous ayons l’occasion de débattre des indications géographiques nationales pour améliorer éventuellement le dispositif qui vous est proposé et qui vise à protéger les savoir-faire, les labels et l’emploi. Je serai très attentif aux suggestions des parlementaires.
Pas plus que vous, monsieur Vannson, nous ne soupçonnons chaque entreprise d’indélicatesse, ni chaque client qui entre dans un supermarché d’être un voleur potentiel. Permettez-moi seulement de rappeler les peines respectivement encourues pour vol à l’étalage et pour tromperie. Qui vole une barquette de lasagnes à l’étalage sur un rayonnage encourt 45 000 € d’amende et deux années d’emprisonnement. Qui commet le délit de tromperie n’est passible que de 37 500 € d’amende et de deux années d’emprisonnement – c’est peu, au regard des montants concernés. Nous souhaitons que la loi ait un effet plus dissuasif pour éviter que, comme cela se produit, une entreprise en difficulté ne décide sciemment, pour se sortir d’un mauvais pas, de commettre une tromperie dont elle sait qu’elle ne sera que faiblement sanctionnée.
Sur l’action de groupe, nous sommes en désaccord, puisque vous la pensez inefficace ou inutile. Cette mesure est encouragée par la Commission européenne ; on ne peut plaider en faveur d’une réforme structurelle dans le champ social et la refuser pour la protection du consommateur. Je me réjouis de la position prise à ce sujet par M. Loïc Armand, président de la commission « consommation » du Medef, même si ce n’est sans doute pas la position générale au sein de cette organisation ni le cheval de bataille des candidats à sa présidence.
L’action de groupe, telle que nous la proposons, tend à rééquilibrer les relations entre consommateurs et entreprises. L’énergie qu’il faut déployer aujourd’hui pour obtenir réparation d’un préjudice, même très faible, est inacceptable. Des centaines de milliers de familles ont été contraintes d’engager des procédures ou se sont trouvées dans l’impossibilité d’obtenir réparation d’un préjudice subi. Nous allons mettre fin à cela grâce à une procédure simple : des groupes ad hoc de consommateurs se constitueront, et l’action en justice des associations nationales agréées permettra à chacun de recevoir les sommes indûment prélevées, si minimes soient-elles ! Il est important que le consommateur se sache enfin protégé des abus. Chacun devrait soutenir une mesure que tous les candidats à l’élection présidentielle avaient faite leur.
Mme Frédérique Massat. Nous nous réjouissons de l’introduction dans notre droit d’une procédure d’action de groupe, et aussi de la création d’un registre national du crédit aux particuliers, deux mesures que nous avons portées depuis longtemps, et notamment lors de la discussion du dernier texte sur la consommation, fin 2011, qui n’a pas abouti.
Vous avez dit, monsieur le ministre, vouloir éviter de faire de ce texte un millefeuille ; j’ai cependant cru comprendre que vous serez disposé à quelques ouvertures, par exemple pour la règlementation des achats d’or. Qu’en est-il ?
M. Daniel Fasquelle. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir étendu le champ de l’action de groupe aux petites entreprises, qui connaissent les mêmes difficultés que les particuliers pour obtenir réparation en cas de litige avec leurs partenaires économiques ?
S’agissant des indications géographiques et de la protection du nom des communes, le Gouvernement a repris en grande partie la teneur de la proposition de loi que j’avais déposée avec plusieurs de mes collègues du groupe UMP, mais sans prévoir, point essentiel, qu’une commune puisse déposer son nom comme marque collective ; pourquoi ne pas avoir repris cette disposition ?
Soutiendrez-vous mon amendement tendant à réglementer l’appellation « restaurant », pour que le consommateur sache s’il se dirige vers un établissement où l’on cuisine vraiment, et pour que notre gastronomie et nos emplois soient préservés ?
Enfin, votre souci constant de transparence vous conduira sans nul doute à nous communiquer l’avis du Conseil d’État sur ce texte.
M. le président François Brottes. Vous savez que ce n’est pas obligatoire.
M. le ministre délégué. Je reviens en arrière, car j’ai omis de répondre à M. Suguenot quant au risque d’insécurité juridique lié au délai de rétractation. Nous avons interrogé la Commission européenne à ce sujet, la Fédération de la vente à distance (FEVAD) ayant fait valoir que ses adhérents ne pourront avoir la certitude que l’objet acheté leur a bien été réexpédié avant qu’ils ne procèdent au remboursement, puisque le consommateur dispose de quatorze jours pour exercer ce droit, et de quatorze autres jours pour renvoyer son achat.
La réponse de la Commission européenne à ce sujet a été négative : nous ne pouvons pas toucher aux délais, nous ne pouvons jouer que sur la gravité des sanctions. La préoccupation de la FEVAD quant au développement d’éventuelles pratiques indélicates de la part des consommateurs n’en demeure pas moins légitime.
M. Alain Suguenot. Afin d’éviter les abus tant des consommateurs que des vendeurs, il convient avant tout que nous définissions très précisément la date à partir de laquelle le délai commence à courir.
M. le ministre délégué. Comme je l’ai indiqué, la Commission européenne ne nous laisse, à ce stade, aucune marge de manœuvre.
Quant aux dispositions relatives à tel ou tel secteur que nous pourrions introduire dans le projet de loi, il m’est un peu difficile de répondre à ce stade, madame Massat. Plusieurs sujets ont été évoqués. Je sais le rapporteur très attaché à l’encadrement de la vente d’or. Pour sa part, le rapporteur pour avis de la commission des finances a évoqué la mobilité bancaire. Nous pourrions en effet réfléchir aux moyens de fluidifier le marché. Lorsqu’ils souhaitent changer de banque, les clients sont avant tout inquiets des conditions dans lesquelles les virements permanents et prélèvements automatiques sont établis sur leur nouveau compte. C’est un élément dissuassif.
Pour répondre à M. Fasquelle, je suis ouvert à une discussion sur le secteur de la restauration, mais je ne suis pas favorable à une nouvelle réglementation qui distinguerait les « vrais » restaurants des « faux ». En Italie, les menus doivent mentionner si les plats sont surgelés, de manière à ce que le consommateur sache ce qui a été fabriqué sur place ou non. Cependant, se pose également la question de l’utilisation de produits déjà transformés au préalable. C’est un sujet complexe. Réserver la qualité de restaurant à ceux qui fabriquent tous leurs plats sur place exclurait de cette catégorie certaines grandes enseignes. Des dispositions relatives au secteur de la restauration pourraient être introduites le cas échéant dans le projet de loi que prépare actuellement la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
S’agissant de l’action de groupe, nous souhaitons la réserver aux consommateurs. Pour leur part, les entreprises peuvent déjà intenter de telles actions dans le cadre du droit actuel. De plus, je ne suis pas favorable à une extension du champ de l’action de groupe au-delà de ce qui est prévu dans le projet de loi. Cela relèvera le cas échéant d’autres textes. L’action de groupe constitue une innovation procédurale importante, elle doit monter en charge progressivement. En revanche, nous pourrons discuter d’une éventuelle procédure simplifiée pour l’exécution provisoire.
Pour ce qui est de la protection du nom des communes, l’INPI ne peut pas intervenir dans ce domaine – à ce stade. C’est pourquoi nous n’avons pas repris l’intégralité de votre proposition, monsieur Fasquelle. Nous en discuterons avec la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.
Quant à l’avis du Conseil d’État, je vous en ai communiqué la teneur sur certains points, en toute bonne foi. Je verrai dans quelles conditions informer plus avant l’Assemblée sur cet avis d’ici à la séance publique.
M. Daniel Fasquelle. Vous avez en effet levé un coin du voile, monsieur le ministre délégué, mais seul vous pouvez décider de rendre l’avis public. Cela permettrait d’éclairer nos débats.
M. le ministre délégué. J’ai bien noté votre demande.
M. Michel Lefait. Il a été décidé, sagement, de réserver dans un premier temps l’action de groupe aux seules associations nationales de consommateurs agréées. Cependant, cette disposition risque de restreindre le nombre de procédures : compte tenu de leurs moyens limités, les associations devront choisir de saisir ou non la justice sur tel ou tel sujet. Une fois le dispositif bien rodé, il sera donc nécessaire de réfléchir à l’extension du dispositif aux associations de consommateurs ad hoc par le biais d’un agrément judiciaire. Quels devraient en être, selon vous, monsieur le ministre délégué, les modalités et le calendrier ?
M. Kléber Mesquida. J’interviens également au nom de M. Frédéric Roig. La modification des délais de paiement pose problème, notamment dans le secteur du bâtiment. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie, les entreprises du secteur éprouvent de grandes difficultés à obtenir de leurs clients le règlement des factures dans le temps imparti. L’instauration d’un nouveau délai de paiement se traduirait par une contraction supplémentaire de leur trésorerie d’environ quinze jours, qui serait très préjudiciable, dans la période actuelle, aux PME et aux artisans.
D’autre part, les coopératives viticoles ont des besoins spécifiques. La loi de 1947 a défini les principes de la coopération, mais n’a pas précisé la nature des relations entre l’adhérent et la coopérative. Celles-ci ne relèvent ni du contrat de vente, ni du contrat commercial. C’est une source de difficultés en cas de litige. Établissant à tort un parallèle avec la relation entre la coopérative et ses clients, certains considèrent que la relation entre la coopérative et ses adhérents est régie par des contrats commerciaux. Cela impliquerait que la coopérative paie ses adhérents dans un délai de soixante jours. Or, c’est matériellement impossible, car le processus de transformation du raisin prend du temps. Actuellement, 75 % de la production de vin est assurée par des coopératives qui relèvent du secteur de l’économie sociale et solidaire. Afin de prendre en compte leurs spécificités, il conviendrait de se référer non pas au code civil ou au code de commerce, mais au code rural, et d’instaurer une forme de contrat sui generis.
Quelles mesures envisagez-vous, monsieur le ministre délégué, pour adapter les délais de paiement dans le secteur du bâtiment, d’une part, et dans la filière viticole, d’autre part ?
M. le ministre délégué. Je ne suis pas favorable, monsieur Lefait, à ce que d’autres associations de consommateurs que celles qui sont agréées au niveau national puissent intenter des actions de groupe. Les associations de consommateurs qui se constitueront ad hoc solliciteront une des centaines d’antennes locales des seize associations nationales agréées, qui pourront prendre en charge leur demande. Ce filtre vise à éviter qu’une entreprise ne s’abrite derrière une association de consommateurs opportunément constituée, pour intenter une action de groupe dont le seul but serait de nuire à la réputation ou à l’image d’une concurrente. De tels cas de « flibusterie économique » se sont produits aux États-Unis. D’autre part, si l’État constate qu’une association nationale abuse de la procédure pour se faire connaître, il pourra lui retirer son agrément. J’y insiste : l’action de groupe ne doit être engagée que sur la base d’un véritable intérêt à agir.
Quant au délai de rétractation, il court à compter du jour de réception du bien. Lorsqu’une commande porte sur plusieurs biens, il court à compter de la livraison du dernier lot, même s’il n’y a pas de lien de complémentarité entre les différents lots. La Commission européenne nous a répondu très clairement sur ce point : nous ne pouvons rien modifier en la matière. Cela justifierait d’ailleurs pleinement la transposition par voie d’ordonnance : il est frustrant pour le Gouvernement comme pour le Parlement de discuter en détail d’un texte sur lequel ils n’ont, ni l’un ni l’autre, aucune marge de manœuvre.
Pour ce qui est des délais de paiement, il convient en effet de s’assurer que la trésorerie des entreprises, en particulier des PME, n’est pas affectée par leur non-respect. D’où l’arsenal de sanctions administratives que nous allons créer pour la DGCCRF et qui visent à modifier les comportements. Ce dispositif profitera à tous les secteurs, pas seulement à celui du bâtiment. Néanmoins, nous travaillons actuellement sur une réforme des règles des marchés publics et de la commande privée spécifiquement destinée à ce secteur. Le Président de la République interviendra à ce sujet le 14 juin prochain.
S’agissant de la filière viticole, nous allons discuter de votre amendement, monsieur Lefait. Cependant, je souhaite éviter la multiplication des régimes dérogatoires.
M. Thierry Benoit. En cas de vente à distance, le projet de loi fait-il bien passer le délai de rétractation de sept jours à compter de la commande – disposition qui date de la loi Scrivener – à quatorze jours à compter de la réception du bien ? Ce serait donc non plus le bon de commande, mais le bon de livraison qui ferait foi. Sur ce point, nous contentons-nous de transposer la directive européenne ou introduisons-nous des dispositions spécifiques ?
M. le ministre délégué. En vertu de l’article L. 121-20 du code de la consommation, le délai de rétractation est de sept jours. Il court, s’agissant d’une prestation de service, à compter de l’acceptation de l’offre par le client et, s’agissant d’un bien, à compter de sa réception. Le projet de loi porte le délai à quatorze jours pour les contrats conclus à distance et hors établissement.
M. le rapporteur. Nous appliquons ainsi pleinement la directive européenne. Je précise qu’un délai de rétractation spécifique existe en matière d’abonnement à la presse.
Mme Danielle Auroi. M. Dominique Potier et moi avons déposé deux amendements relatifs à la responsabilité sociale, sociétale et environnementale des multinationales. En effet, le consommateur peut découvrir a posteriori qu’il a acheté un produit dont les conditions de production ne respectent pas les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), par exemple un ballon de football fabriqué par des enfants. Le premier amendement instaure un droit à l’information : le consommateur doit être renseigné par l’étiquetage ou doit pouvoir obtenir du fabricant les précisions qu’il souhaite sur le lieu et les conditions de production du bien. Le second vise à permettre au consommateur de se retourner contre une entreprise qui ne lui aurait pas fourni les informations nécessaires.
M. Jean-Louis Roumegas. Les dispositions relatives à l’action de groupe sont, à mes yeux, les plus importantes du projet de loi. Je regrette cependant que leur portée et leur efficacité soient restreintes de deux manières.
Premièrement, le champ de l’action de groupe est limité au préjudice matériel. Vous ne l’étendez pas aux préjudices corporel et moral, au motif que ceux-ci doivent faire l’objet d’une évaluation individuelle. Cependant, cette difficulté demeurera dans tous les cas : le fait que l’action de groupe en matière de santé publique ou d’environnement soit introduite non pas dans ce projet de loi, mais dans d’autres textes, n’y changera rien. D’autre part, dans les pays où l’action de groupe existe déjà, une telle objection n’a jamais été soulevée. La consommation de certains produits peut en effet causer des préjudices corporel ou moral. Ainsi en a-t-il été des canapés fabriqués en Chine contenant du fumarate de diméthyle.
Deuxièmement, la procédure que vous avez retenue est celle de l’option d’adhésion – opt in : les victimes du préjudice doivent manifester leur volonté d’être partie à l’action de groupe intentée par une association ou un avocat. Or, l’option de retrait – opt out – aurait permis de mieux réparer les préjudices de masse, car c’est alors le juge qui fixe a priori le périmètre englobant les victimes susceptibles d’être indemnisées. Tel est le dispositif instauré au Portugal. Il fonctionne très bien et n’a pas donné lieu aux abus que l’on a pu constater aux États-Unis.
M. le ministre délégué. Madame Auroi, si une entreprise prétend respecter des normes sociales ou environnementales et s’en sert comme argument de vente, et que l’on parvienne à démontrer que tel n’est pas le cas, elle se rend coupable d’une pratique commerciale trompeuse, déjà sanctionnée par la loi. La DGCCRF établit actuellement une liste des allégations couramment faites par les entreprises en matière sociale et environnementale. En l’absence de telles allégations, il est beaucoup plus compliqué de vérifier l’origine ou la traçabilité des produits. Aujourd’hui, en dépit des demandes de la France, le droit européen ne nous permet guère de progresser en la matière : l’amélioration de la transparence sur l’origine des produits ne peut reposer que sur le volontariat.
D’autre part, nous devrons vérifier à l’avenir que les maisons mères exercent leur vigilance sur les conditions dans lesquelles travaillent leurs filiales et leurs sous-traitants, notamment dans les pays en voie de développement. Enfin, nous étudions actuellement, en lien avec le ministre délégué chargé du développement, des mesures destinées à favoriser le commerce équitable, tant Nord-Nord que Nord-Sud. Il convient notamment de s’assurer de la qualité des labels existants.
Monsieur Roumegas, la procédure d’action de groupe prévue dans le projet de loi n’est pas adaptée aux domaines de la santé et de l’environnement. En effet, elle vise à régler rapidement des litiges de consommation, alors que l’évaluation du préjudice moral ou corporel suppose, elle, une expertise individuelle. L’action de groupe en matière de santé ou d’environnement relève donc de procédures différentes, qui feront l’objet de textes de loi distincts.
Nous n’avons pas retenu la procédure de l’option de retrait car une décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989 portant sur l’intérêt à agir y fait obstacle. Il convient de prendre les précautions requises du point de vue juridique. Nous avons néanmoins choisi une procédure inclusive large dite « option d’adhésion avec publicité » : le jugement sera rendu public et l’entreprise incriminée devra informer les consommateurs du fait qu’ils peuvent être indemnisés. Loin de limiter le périmètre des personnes indemnisées aux seuls consommateurs initialement parties à l’action de groupe – tel était pourtant le souhait initial des professionnels –, elle encouragera un maximum de victimes à demander le bénéfice de la mesure d’indemnisation décidée. Nous avons ainsi trouvé un équilibre entre le respect des principes constitutionnels et l’objectif de réparation des préjudices de masse.
M. Henri Jibrayel. Le projet de loi ne comprendra donc pas de volet supplémentaire sur l’action de groupe en matière de santé et d’environnement.
M. le ministre délégué. Je le confirme : cette question fera l’objet de projets de lois distincts. Dans le domaine de la santé, Mme Touraine prépare actuellement un texte en lien avec le ministère de la justice.
Si les victimes du Mediator avaient intenté une action de groupe au moyen de la procédure prévue dans le projet de loi relatif à la consommation, elles n’auraient été indemnisées que du prix du cachet, ce qui n’est évidemment pas satisfaisant. Cette procédure vise en effet à réparer non pas le préjudice corporel ou moral, mais le seul préjudice économique. Elle permettra de résoudre de nombreux petits litiges, peu médiatisés et sans conséquences graves, mais qui empoisonnent la vie des consommateurs.
(chapitre III [nouveau] du Titre II du Livre IV du code de la consommation)
Introduction de l’action de groupe dans le code de la consommation
A.— L’INTRODUCTION D’UNE ACTION DE GROUPE « À LA FRANÇAISE » EN DROIT INTERNE : UN SERPENT DE MER JURIDIQUE ET POLITIQUE
Trente ans ! Cela fait trente ans que l’action de groupe demande à être introduite en droit français et ce, au plus haut niveau de l’État.
Les premiers jalons furent posés dans la célèbre loi portée par Jean Royer (6), ministre du commerce et de l’artisanat du Gouvernement Messmer. L’article 46 de la loi énonçait en effet les bases permettant aux associations de consommateurs de défendre ces derniers en exerçant une action civile à leur profit devant toute juridiction.
En 1981, Catherine Lalumière, ministre de la consommation dans le deuxième Gouvernement de Pierre Mauroy (23 juin 1981 au 22 mars 1983) a expressément souhaité qu’on étudie « les modalités de mise en œuvre de la procédure de recours collectif au sens de l’action de groupe » (7).
Plusieurs propositions se sont alors fait jour, notamment dans le cadre de la Commission Pinot qui a traité du traitement des contentieux de masse (1984) et, surtout, de la commission sur le règlement des litiges de la consommation présidée par le professeur Jean Calais-Auloy (8) en septembre 1983, dont les pistes extrêmement précises furent ensuite reprises par la Commission de refonte du droit de la consommation (1985). Le projet de Jean Calais-Auloy distinguait en vérité deux types possibles d’actions de groupe selon qu’elles étaient exercées dans l’intérêt d’un groupe déterminé ou indéterminé de consommateurs. En tout état de cause, ces actions ne pouvaient être engagées que par des associations représentatives de consommateurs, la procédure devant ensuite suivre son cours devant les tribunaux de grande instance sans avoir à passer devant un jugement préalable de recevabilité (9).
Une proposition de loi, déposée notamment par Bernard Stasi et Jean Proriol, fut enregistrée à l’Assemblée nationale à la même époque, en 1984, mais fut presque aussitôt retirée, au point même de n’avoir jamais été publiée. Même si quelques tentatives existèrent par la suite (notamment à la faveur de la rédaction d’un projet de nouveau code de la consommation par Jean Calais-Auloy en 1990), les projets tournèrent rapidement court. L’introduction de l’action en représentation conjointe par la loi du 18 janvier 1992 (10), que nous détaillerons par la suite, n’a, dans ces débats, représenté qu’un maigre progrès.
Il a fallu attendre les « vœux aux forces vives de la Nation », adressés le 4 janvier 2005 par le Président de la République Jacques Chirac, pour que le débat ressurgisse avec une étonnante acuité. Ainsi, a-t-il très clairement affirmé à cette occasion : « Il faut enfin donner aux consommateurs les moyens de faire respecter leurs droits : aujourd’hui, ils sont démunis parce que, pris séparément, aucun des préjudices dont ils sont victimes n’est suffisamment important pour couvrir les frais d’une action en justice. C’est pourquoi je demande au Gouvernement de proposer une modification de la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d’intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés ».
Très rapidement, un groupe de travail de 17 membres a été mis en place à la fin du mois d’avril 2005. Placé sous la co-présidence de Guillaume Cerutti, directeur général de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes et de Marc Guillaume, directeur des affaires civiles et du Sceau, ce groupe se voulait trans-partisan puisque rassemblant des personnalités venant aussi bien d’associations de consommateurs que du milieu des entreprises et des professions juridiques et judiciaires. Fort attendu, le rapport, remis le 16 décembre, fut décevant pour la plupart des observateurs, témoignant même pour certains d’une « vision timorée » (11) de l’action de groupe. Ce rapport, fort instructif au demeurant, souhaitait surtout une réforme de l’action en représentation conjointe afin d’étendre les effets des décisions rendues dans l’intérêt collectif des consommateurs.
L’année 2006 vit le débat rebondir une nouvelle fois à la faveur du dépôt d’une proposition de loi (12) de Luc Chatel sur le sujet (elle visait à introduire l’action de groupe dans le code de la consommation en en réécrivant le chapitre II du Titre II du Livre IV) ; elle ne fut pourtant pas adoptée. Presque au même moment, le ministre de l’économie, Thierry Breton, présentait un projet de loi (13) comportant notamment un volet sur l’action de groupe (articles 12 à 14), bien que principalement consacré à la transposition de la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 11 mai 2005. Chacun de ces deux textes prévoyait que l’action serait lancée par des associations de consommateurs agréées, ne concernerait que des litiges relatifs à la consommation et serait du ressort de tribunaux de grande instance dédiés. La logique adoptée reposait, par ailleurs, sur l’« opt out » et plafonnait l’indemnisation des consommateurs à 2 000 €, ce qui pouvait légitimement sembler heurter le principe de la réparation intégrale des préjudices. Aucun de ces projets n’aboutit.
La Commission pour la libération de la croissance française (CLCF) préconisa à son tour, en janvier 2008, l’introduction d’une action de groupe (décision n° 191) (14) qui concernerait les litiges en matière de consommation et de concurrence (un doute existant néanmoins sur l’éventuel élargissement du champ à l’environnement), qui serait réservée aux associations de consommateurs agréées et basée sur un système d’« opt in ».
Dans les mois qui suivirent, les débats relatifs à la loi de modernisation de l’économie (15) abordèrent au détour des débats, seulement en séance publique (2ème séance du mercredi 11 juin 2008), la question de l’action de groupe, qui avait été expressément exclue du champ du projet de loi par le Gouvernement d’alors. Dans la foulée des discussions parlementaires, plusieurs députés du groupe socialiste, dont Jean-Marc Ayrault en sa qualité de premier signataire, déposèrent une proposition de loi proposant notamment l’introduction de l’action de groupe en droit français (16). Cette proposition ambitieuse souhaitait que puisse être engagée, à l’initiative de n’importe quelle association de consommateurs, une action de groupe à l’occasion de tout préjudice civil, de nature contractuelle ou délictuelle, en matière de consommation, de santé, d’environnement ou de concurrence. À la faveur d’un amendement, le groupe socialiste réitéra sa proposition dans le cadre des débats relatifs au projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, mais celle-ci fut rejetée (octobre 2011).
Entre-temps, l’action de groupe avait fait l’objet de propositions importantes de la part du Sénat dans le cadre d’un rapport d’information rédigé par MM. Laurent Béteille et Richard Yung au nom de la commission des Lois et présenté le 26 mai 2010 (17) : c’est ce consensus, sur lequel se sont également accordés les membres du Conseil national de la consommation dans un avis du 4 décembre 2012, qui a servi de base au dispositif présenté dans le cadre du présent projet de loi (18).
Même s’ils sont connus, il convient de rappeler les arguments en défaveur de l’introduction de l’action de groupe en droit français.
Tout d’abord, l’action de groupe serait néfaste à l’économie.
Ainsi, sans d’ailleurs que ce chiffre ait été prouvé de quelque manière que ce soit, les opposants à l’action de groupe avancent que les « class actions » coûteraient aux États-Unis environ 1,87 % du PIB américain (soit environ 16,5 Mds€). En outre, face à la menace que des actions de groupe pourraient faire courir aux grandes firmes, les compagnies d’assurance seraient enclines à augmenter le montant de leurs primes, ce qui s’impacterait ensuite soit sur l’investissement productif, soit sur les prix, pénalisant au final le consommateur qu’elles étaient censées protéger. En outre, anticipant les dommages et intérêts qu’il pourrait être nécessaire de verser à la suite d’une action de groupe couronnée de succès, les entreprises pourraient être conduites à provisionner une partie de leur trésorerie, ce qui pénaliserait d’autant plus l’innovation, ainsi que les dépenses en recherche et développement. Enfin, seules les grandes entreprises (phénomène américain des « deep pockets ») seraient visées par des actions de groupe, puisque l’unique motivation de ceux qui en seraient à l’initiative (éventuellement des entreprises concurrentes) consisterait à vouloir percevoir des dommages et intérêts importants.
Ensuite, toute une série de critiques estime que l’action de groupe n’est spécifiquement pas possible en France eu égard tant aux procédures existantes, qu’aux principes juridiques applicables.
Comment, en effet, accepter l’action de groupe alors que l’adage « nul ne plaide par procureur » fait partie de notre Panthéon juridique et que le Conseil constitutionnel lui-même a semblé dire, en 1989, que la technique dite de l’« opt out » (situation où les plaignants peuvent être inclus dans l’action de groupe sans pour autant en avoir expressément manifesté la volonté), pourtant classique lorsqu’il s’agit d’action de groupe, pourrait être contraire à la Constitution (19) ? En outre, certains estiment que le droit existant s’avère d’ores et déjà suffisamment protecteur, qu’il s’agisse des dispositions figurant dans le code de la consommation (en particulier les articles L. 421-1 et L. 421-6, relatifs respectivement à l’action civile exercée par les associations de protection des consommateurs et l’action en cessation d’agissements illicites) ou des contrôles effectués par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Enfin, prenant il est vrai à témoin les pires dérives des « class actions » américaines, les critiques pointent du doigt l’intérêt bien compris des avocats qui, au terme d’une action de groupe, seraient ceux qui se sont véritablement enrichis au détriment tant des demandeurs que des défendeurs.
Même s’il ne faut pas balayer d’un revers de main ces différents arguments, ils ne doivent tout de même pas nous retenir. Ainsi, pour ne répondre qu’aux dérives les plus connues des « class actions » outre-Atlantique, la France ne connaît pas le système dit des dommages et intérêts punitifs (« punitive damages ») qui sont bien souvent à l’origine des dommages et intérêts faramineux qui ont ainsi pu défrayer la chronique. De même, la France est étrangère au principe du « pacte de quota litis » (20) où les honoraires des avocats dépendent intégralement du montant des dommages et intérêts perçus. Dans un tel cadre, les hommes de loi sont bien évidemment enclins à lancer des actions de groupe tous azimuts, en recherchant non la réparation mais le simple profit.
Le Gouvernement a d’ailleurs pleinement pris en considération ces divers arguments afin de présenter un mécanisme d’action de groupe à la fois offensif et équilibré.
Le nouvel article L. 423-1 du code de la consommation a prévu que l’introduction de l’action de groupe serait confiée aux seules associations de consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation (alinéa 6). Cette option reprend d’ailleurs tant le point n° 3 de l’avis du CNC que la proposition n° 4 de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (21).
Il faut en effet rappeler que les associations de consommateurs existent tant au niveau local qu’au niveau national. Les conditions dans lesquelles l’agrément est conféré aux associations de consommateurs relève du pouvoir réglementaire comme l’énonce très clairement l’article L. 411-1 du code de la consommation et un décret du 6 mai 1988 (actuel article R. 411-1 du code de la consommation) (22). Pour qu’une association soit agréée au plan national, il faut que les conditions suivantes soient réunies :
– justifier d’une année d’existence à la date à laquelle est demandé l’agrément ;
– avoir mené une activité effective et publique en vue de la défense des intérêts des consommateurs ;
– réunir à la date de l’agrément au moins 10 000 membres cotisant individuellement.
L’agrément des associations nationales est donné par arrêté conjoint du garde des Sceaux et du ministre en charge de la consommation. Il est donné par le représentant de l’État dans le département où l’association a son siège social pour les associations locales, départementales ou régionales. L’agrément est donné pour une durée de cinq ans et renouvelable dans les mêmes conditions que l’agrément initial.
En l’état actuel du paysage consumériste en France, ce sont donc seize associations agréées au plan national (23) qui peuvent engager une action de groupe et que l’on peut regrouper en trois grandes catégories :
– Les associations familiales : CNAFAL (Conseil national des associations familiales laïques), CNAFC (Confédération nationale des associations familiales catholiques), CSF (Confédération syndicale des familles), Familles de France, Familles rurales, UNAF (Union nationale des associations familiales) ;
– Les associations issues du mouvement syndical : ADEIC (Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur), AFOC (Association Force Ouvrière consommateur), ASSECO-CFDT (Association étude et consommation), INDECOSA-CGT (Association pour l’information et la défense des consommateurs salariés – CGT), ALLDC (Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs) ;
– Les associations représentant les mouvements consuméristes : UFC – Que choisir (Union fédérale des consommateurs – Que Choisir), CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) ; CNL (Confédération nationale du logement) et CGL (Confédération générale du logement spécialisée dans le secteur du logement) ; FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) dans les transports.
Le texte du projet de loi précise en outre qu’une telle association « peut agir », ce qui suppose que, même si une association est sollicitée en ce sens, elle pourrait ne pas y donner suite. Le premier filtre que constitue le recours obligatoire à « une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 » se voit donc doubler par un deuxième filtre, qui réside dans sa liberté d’appréciation pour engager ou non une action de groupe. Si elle refuse de le faire, les plaignants sont alors libres de se tourner vers le juge pour engager une action relevant du droit commun afin de faire valoir leurs prétentions.
En outre, et c’est là une des principales conséquences de cette disposition, conférer l’engagement de l’action de groupe aux seules associations de consommateurs revient à circonscrire l’action de groupe au seul secteur de la consommation. C’était, là aussi, un point de consensus qui avait été exprimé aussi bien par la CCI de Paris (proposition n° 3) que dans l’avis du CNC (point n° 1). Il pouvait être tentant, comme cela existe dans d’autres pays, d’étendre l’action de groupe aux dommages relevant de la santé publique, de l’environnement ou de certains préjudices financiers. Le présent texte a préféré circonscrire l’action de groupe au seul secteur de la consommation qui, au regard des expériences étrangères et des attentes au niveau national, concentre l’essentiel des demandes potentielles en la matière.
► Les personnes bénéficiaires de l’action de groupe
L’action de groupe vise à défendre les intérêts des seuls consommateurs ; il s’agit là de la reprise du point n° 1 qui figure en tête de l’avis rendu par le CNC sur le sujet. L’article L. 423-1 n’a pas pris la peine de donner une définition du « consommateur » puisque tel est l’objet de l’article 3 du présent projet de loi, qui donne une définition générique du consommateur dans le cadre d’un article liminaire nouveau du code de la consommation.
Même si la définition du consommateur en droit français a pu connaître certains flottements, la référence à cette notion permet d’exclure du champ de l’action de groupe les personnes morales. En effet, certaines questions ont pu surgir pour savoir si des entreprises (notamment des sous-traitants par rapport à des grands groupes) pouvaient ou non former une action de groupe en vue d’obtenir réparation d’un préjudice qu’elles auraient subi. Telle n’a pas été la volonté poursuivie dans ce texte.
► La nature du préjudice
Le préjudice doit tout d’abord être individuel et avoir été subi par des consommateurs « placés dans une situation identique ou similaire » (alinéa 6). À l’origine de l’action de groupe, ce sont donc les consommateurs considérés individuellement qui vont être appréhendés ; ce n’est qu’au moment où le juge vérifiera que les conditions posées à l’article L. 423-1 sont réunies que la dimension collective de l’action de groupe pourra véritablement prendre corps. Même si l’on peut s’interroger sur la formulation « placés dans une situation identique ou similaire », celle-ci va dans le sens d’une protection maximale du consommateur au travers d’un élargissement du champ de l’action de groupe. Ne prendre en compte que des situations « identiques » aurait conduit à considérablement limiter l’intérêt du nouveau dispositif ainsi mis en place ; leur adjoindre les « situations similaires » permet donc d’élargir le champ de l’action de groupe et d’y faire entrer des situations qui, sans cela, n’auraient pu être prises en compte.
Le préjudice doit également être « matériel » (alinéa 9), ce qui exclut tout préjudice moral, l’une des sources des dérives des « class actions » constatées notamment aux États-Unis d’Amérique. Exclure les dommages « corporels » et « moraux » résulte, en outre, du mécanisme même de l’action de groupe qui nécessite d’appréhender une situation globale ; prendre en compte des dommages autres que matériels nécessiterait en effet de procéder à une évaluation individuelle de ces dommages, ce qui relève davantage d’une action civile ou pénale. Le dommage matériel désigne, en d’autres termes et prioritairement, toute perte d’argent, tout manque à gagner : l’alinéa 9 utilise d’ailleurs à dessein l’expression d’« atteinte au patrimoine des consommateurs ».
► L’origine du préjudice (alinéas 7 et 8)
Le préjudice doit trouver sa source dans le « manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles » qui peut survenir dans deux hypothèses :
– à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
– lorsque le préjudice résulte de pratiques anticoncurrentielles au sens du Titre II (qui traite des « Pratiques anticoncurrentielles », aux articles L. 420-1 à L. 420-7) du Livre IV du code de commerce (« De la liberté des prix et de la concurrence ») ou des articles 101 (relatif aux ententes et aux pratiques concertées) et 102 (relatif à l’abus de position dominante) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Le juge est un élément central de l’action de groupe comme en témoignent les nombreuses tâches que lui confie la section 2 « Le jugement sur la responsabilité » de ce nouveau chapitre III consacré à l’action de groupe.
Le juge, qui relève de l’ordre judiciaire (l’article L. 423-1 précisant à cet égard que l’action de groupe est formée « devant une juridiction civile ») ne possède aucun véritable élément d’appréciation : comme cela figure explicitement à l’alinéa 13, le juge « constate » que les différents éléments énumérés à l’article L. 423-1 sont effectivement réunis.
Il vérifie donc que les conditions permettant de mettre en branle l’action de groupe sont tous présents :
– le caractère national et l’agrément de l’association de consommateurs ;
– l’origine commune des préjudices ;
– la nature matérielle des préjudices ;
– la situation identique ou similaire des consommateurs affectés par ces préjudices.
Après avoir constaté la réunion des éléments figurant à l’article L. 423-1, le juge doit statuer sur la responsabilité du professionnel. Il examine donc si un « manquement » à une ou plusieurs « obligations légales ou contractuelles » est imputable au professionnel. Le juge statue également sur le lien de causalité entre ce manquement et les préjudices allégués.
Le juge doit ensuite définir le groupe à l’égard duquel la responsabilité du professionnel est engagée (alinéa 13).
Car c’est là un point essentiel. Contrairement à ce qui avait pu être présenté dans le cadre de projets antérieurs, le principe retenu ici est celui de l’« opt in » : les membres du groupe doivent expressément se déclarer afin d’être représentés dans l’action de groupe ainsi engagée, contrairement au système de l’« opt out » où, à défaut de refus exprès, toute personne susceptible d’être comprise dans le groupe de consommateurs concernés l’est effectivement. Une fois le jugement sur la responsabilité intervenu et celui-ci devenu définitif, les mesures de publicité que pourra prescrire le juge (alinéas 15 et 16) permettront à tout consommateur susceptible de s’agréger au groupe de le rejoindre effectivement. Cette procédure est originale mais elle va incontestablement dans le sens d’une facilitation de l’action de groupe : le fait de constituer formellement le groupe avant que les membres ne soient effectivement individualisés et nommément désignés permettra, surtout une fois que le professionnel responsable aura été condamné de manière définitive à indemniser les plaignants, d’inciter les plaignants à se faire connaître.
Dans ce même jugement, le juge détermine également le montant du préjudice subi par chacun, soit individuellement, soit par catégorie de consommateurs (alinéa 14) ; à défaut, il détermine tous les éléments permettant ensuite d’évaluer ce préjudice. Dans le cas d’une catégorie de consommateurs, la fixation du montant de l’indemnisation pourra être aisément effectuée, notamment dans le cadre d’abonnements, le montant variant, par exemple, selon la durée du contrat ou les types de prestations afférentes.
En outre, l’article L. 423-3 prévoit que le juge pourra ordonner aux frais du professionnel toute mesure afin d’assurer la publicité du jugement rendu, pour notamment permettre aux consommateurs de se rallier au groupe, comme on l’a précédemment vu. Deux précisions importantes doivent être apportées ici :
– d’une part, l’alinéa 16 précise que cette publicité ne peut intervenir qu’une fois « que la décision sur la responsabilité n’est plus susceptible des recours ordinaires ou de pourvoi en cassation ». Cette mention est particulièrement importante car faire de la publicité sur une décision qui, par la suite, en viendrait à être annulée pourrait avoir des effets dévastateurs sur l’image du professionnel, avec toutes les conséquences possibles en termes de perte de marchés, de licenciements… En outre, les mesures de publicité étant effectuées aux frais du professionnel, l’annulation de la décision prononcée à son encontre devrait logiquement conduire au remboursement des sommes ainsi versées ; or, bien que cela ne soit pas précisé dans le texte, on peut penser que cette dépense incomberait à l’association qui a initialement engagé l’action de groupe, ce que personne ne peut évidemment souhaiter. Aussi, même si l’on pourrait éventuellement vouloir que les délais soient plus rapides, la précision dont s’agit est garante de l’équilibre recherché dans le texte entre droits des consommateurs et protection des entreprises ;
– d’autre part, souplesse indéniable par rapport au mécanisme de l’action en représentation conjointe, la publicité peut être exercée ici « par tous moyens appropriés ». En effet, dans le cadre de l’action en représentation conjointe, certains procédés sont interdits : l’appel public télévisé ou radiophonique, l’affichage, les tracts ou lettres personnalisées, l’information devant être obligatoirement donnée « par écrit » (article L. 422-1, alinéa 2, du code de la consommation).
Enfin, le dernier alinéa de l’article L. 423-3 (alinéa 18) permet au juge, lorsqu’il statue sur la responsabilité du professionnel, de condamner celui-ci au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association. En d’autres termes, il s’agit de permettre à l’association de consommateurs de recourir à un tiers (cette possibilité étant expressément prévue à l’alinéa 19, au nouvel article L. 423-4) pour lui permettre de l’aider dans sa tâche.
Une association de défense des consommateurs, aussi active soit-elle, peut avoir à faire face à une très lourde charge de travail dans le cadre d’une action de groupe, en particulier dans l’hypothèse où les victimes du dommage se comptent par centaines ou par milliers. Le traitement des demandes d’adhésion au groupe, la vérification de la situation de chacun, le lien à assurer entre les victimes et le professionnel… autant d’éléments qui ont conduit l’article L. 423-4 (alinéa 19) à prévoir que l’association pourrait s’adjoindre les services d’une personne pour l’assister. Comme on l’a vu précédemment, la rémunération de ce dernier pourrait être assurée par le biais de la provision que lui verserait le professionnel (dernier alinéa de l’article L. 423-3).
La section 3, qui compte trois articles numérotés L. 423-5 à L. 423-7 (alinéas 22 à 25), est spécifiquement relative à la liquidation des préjudices et à leur exécution.
Le principe énoncé de façon liminaire est tout d’abord celui de « l’indemnisation individuelle » des préjudices des consommateurs dans les conditions définies par l’article L. 423-3 (alinéa 22).
L’article L. 423-6 traite ensuite des difficultés pouvant surgir à l’occasion de cette liquidation. En effet, il peut arriver que le professionnel conteste l’appartenance d’un plaignant au groupe préalablement défini, de même qu’une victime, ou l’association, peut en retour contester le montant de l’indemnité à laquelle elle prétend. Dans ce cas, il reviendra au juge de statuer sur ces difficultés, sachant qu’il statue dans un même jugement sur toutes les demandes auxquelles le professionnel n’a pas fait droit (alinéas 23 et 24).
Quant à l’article L. 423-7 (alinéa 25), il précise que l’association requérante représente les consommateurs qui n’ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés par le juge aux fins de l’exécution forcée des jugements mentionnés à l’article L. 423-6. Dans ce cas, le juge devra faire application du droit commun applicable, telles que défini notamment dans le code des procédures civiles d’exécution.
La section 4 (articles L. 423-8 et L. 423-9) est relative à la médiation.
L’article L. 423-8 indique tout d’abord que l’association requérante peut participer à une médiation dans les conditions fixées au chapitre Ier du Titre II de la loi du 8 février 1995 (24) afin d’obtenir la réparation des préjudices entrant dans le champ de l’action de groupe. Comme cela vaut dans le droit commun, le recours à la médiation demeure facultatif (l’article L. 423-8 emploie à ce titre le mot « peut ») et demeure possible à tout moment (l’article 21 de la loi de 1995 précisant également que la médiation peut avoir lieu « en tout état de la procédure »).
Une fois l’accord négocié obtenu, celui-ci doit être homologué par le juge afin de lui donner force exécutoire (L. 423-9). C’est là un changement notable par rapport au droit commun où l’homologation n’est que facultative, l’article 25 de la loi du 8 février 1995 énonçant que « En cas d’accord, les parties peuvent soumettre celui-ci à l’homologation du juge qui lui donne force exécutoire ». Enfin, le juge pourra prévoir toute mesure de publicité pour informer les consommateurs de l’existence d’un tel accord.
Les articles L. 423-10 et L. 423-11 traitent spécifiquement de l’action de groupe en matière concurrentielle.
Il faut immédiatement opérer une clarification à ce sujet.
Contrairement à ce que peut laisser entendre l’actuel titre de cette nouvelle section 5, « Action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence », il ne s’agit nullement d’une procédure à part : le cheminement de base, prévu notamment aux articles L. 423-1 à L. 423-3, demeure le même et les conditions de recevabilité d’une action de groupe sont les mêmes qu’en matière de consommation. Les alinéas 33 à 35 ne font que préciser quelques particularités, effectivement propres au domaine de la concurrence.
L’article L. 423-10 (alinéas 33 et 34) pose tout d’abord le principe selon lequel les actions de groupe en matière de concurrence ne peuvent être engagées devant le juge que sur le fondement d’une décision constatant une pratique anticoncurrentielle (telle que définie à l’alinéa 8 du présent article) devenue définitive, cette décision ayant pu être prononcée « par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes ». Bien que la rédaction de la dernière phrase puisse être ambiguë, il faut l’entendre au sens large : sont ici concernées aussi bien les autorités (l’Autorité de la concurrence) ou juridictions françaises que les autorités en matière de concurrence ou les juridictions de n’importe quel autre État de l’Union européenne, ainsi que la Commission européenne dans l’exercice de son contrôle de la bonne application des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Cette disposition s’avère tout à fait cruciale dans la mesure où elle donne son plein effet à la coopération qui existe au sein du réseau transeuropéen des autorités de concurrence sous l’égide de la Commission elle-même, comme l’a d’ailleurs également consacré la Cour de justice des Communautés européennes (25). Même si l’on peut regretter qu’il soit nécessaire d’attendre que la décision prononcée soit devenue définitive (compte tenu des multiples recours possibles, y compris les plus dilatoires, la procédure y conduisant peut finalement dépasser les dix ou douze ans), le système choisi va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique. Ce faisant, l’action de groupe est, en matière concurrentielle, une action subséquente qui obéit donc à la règle dite du « follow on » (par opposition au « stand alone »), et qui ne peut donc intervenir qu’après une décision devenue définitive. L’avantage de cette procédure réside dans la charge de la preuve du manquement puisque celui-ci est réputé établi pour l’application de l’article L. 423-3 (alinéa 34).
L’article L. 423-11 prévoit, pour sa part, un régime spécifique de prescription pour toute action engagée en matière de concurrence : une action de groupe en ce domaine ne pourra intervenir que dans un délai de cinq ans à compter de la décision ayant constaté de manière définitive le manquement reproché au professionnel.
La section 6 (articles L. 423-12 à L. 423-17) donne plusieurs précisions sur le régime juridique de l’action de groupe.
Tout d’abord, l’article L. 423-12 prévoit la suspension des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement visé à l’article L. 423-3. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où le jugement sur la responsabilité n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation (en d’autres termes au jour où il est devenu définitif) ou, éventuellement, de l’homologation par le juge de l’accord issu du recours à une médiation dans le cadre de l’article L. 423-9.
L’article L. 423-13 précise ensuite que le jugement mentionné à l’article L. 423-3 et l’homologation judiciaire de l’accord issu d’une médiation visée à l’article L. 423-9 ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.
L’article L. 423-14 prévoit que l’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit qu’ont les victimes d’intenter une action en justice selon les voies de droit commun afin d’obtenir réparation des préjudices n’entrant pas dans son champ d’application, notamment les préjudices moraux (et de manière plus générale, tout ce qui ne relève pas des « préjudices matériels » visés à l’article L. 423-1). La seconde phrase de l’article précise que l’adhésion au groupe ne vaut ni n’implique adhésion à l’association requérante. Cette précision est conforme au droit commun en vertu duquel le droit de se joindre à une action de groupe ne saurait pour autant être conditionné par à une telle adhésion, la liberté d’association impliquant celle de ne pas adhérer à une association sauf cas exceptionnel prévu par la loi au profit de certaines associations bénéficiant d’un monopole légal.
L’article L. 423-15 pose le principe selon lequel une action de groupe fondée sur les mêmes faits et sur les mêmes manquements que ceux ayant fait l’objet d’une action de groupe précédemment jugée à l’encontre du même professionnel est irrecevable. Dans un souci de sécurité juridique et dans le but d’éviter toute dérive ou toute utilisation abusive du système ainsi instauré, cette règle vise à éviter qu’un même professionnel puisse faire l’objet d’actions de groupe successives. Pour autant, il convient de rappeler qu’un même professionnel peut faire l’objet d’actions de groupe concurrentes qui seraient, par exemple, intentées par différents groupes de consommateurs, chacun placés dans des situations spécifiques, leur causant de ce fait des « préjudices similaires », au sens de l’article L. 423-1.
L’article L. 423-16 permet à une association de défense des consommateurs agréée et représentative au niveau national de demander au juge, à compter de la saisine de celui-ci d’une action de groupe, sa substitution dans les droits de l’association requérante, en cas de défaillance de celle-ci. Il s’agit donc de préserver l’action en elle-même tout en palliant la défaillance avérée de l’association requérante.
Enfin, l’article L. 423-17 pose le principe selon lequel toute clause qui interdirait à l’avance à un consommateur de participer à une action de groupe est réputée non écrite.
Quant à la septième et dernière section, elle précise (article L. 423-18) que les dispositions relatives à l’action de groupe sont applicables à Wallis et Futuna. Seule cette collectivité d’outre-mer est mentionnée car, au nom de la spécialité législative, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ne sont pas concernées. Il résulte en effet des lois organiques qui leur sont relatives qu’elles sont compétentes en matière de procédure civile, de concurrence et de consommation, qui sont les matières auxquelles se rattache la procédure d’action de groupe. Par ailleurs, pour les autres collectivités d’outre-mer, les règles relatives à l’action de groupe leur sont pleinement applicables au nom du principe d’identité législative.
En premier lieu, votre rapporteur ne peut que se féliciter de voir l’action de groupe enfin introduite en droit français. Au prix de nombreuses auditions spécifiques sur ce sujet, le schéma retenu a pu être précisé afin de répondre aux attentes des consommateurs d’une part et d’éviter toute dérive des « class actions » d’autre part.
Même si votre rapporteur approuve les lignes directrices ainsi retenues, certains points méritent d’être évoqués.
Tout d’abord, votre rapporteur s’est interrogé sur le bien-fondé de n’ouvrir l’action de groupe qu’à un groupe restreint d’associations (seulement seize en l’état actuel des choses), alors même, inversement, que toutes ces associations ne disposent pas des mêmes moyens et n’ont pas toujours la même représentativité. En France, le mouvement consumériste reste aujourd’hui dominé par une poignée d’associations très connues mais il est nécessaire que les autres associations conservent une vraie activité. À ce titre, votre rapporteur ne peut qu’encourager au rapprochement d’associations, comme cela s’est par exemple fait dans le cadre de la « Coordination Consommation France », qui rassemble sept associations nationales agréées et qui renforce ainsi considérablement leur visibilité et leur action. Votre rapporteur a pensé éventuellement ouvrir l’action de groupe aux associations agréées au niveau régional, départemental ou local, la caution de l’État (au travers de l’agrément conféré par le préfet) devant assurer, a priori, du caractère sérieux de telles associations. Néanmoins, au terme notamment des très nombreuses auditions menées dans le cadre de ce projet de loi, votre rapporteur souhaite que l’on s’en tienne au schéma retenu dans le projet de loi, la porte restant ouverte pour l’avenir au vu, notamment, du succès rencontré par l’action de groupe dans notre pays. Il appartiendra en outre aux diverses associations locales de faire part aux confédérations nationales des difficultés qu’elles rencontrent, afin qu’une action de groupe puisse être engagée le cas échéant par la superstructure.
Ensuite, votre rapporteur a souhaité apporter un certain nombre de modifications aux principes ainsi retenus.
Afin de parfaitement comprendre le processus décrit à l’article L. 423-3 nouveau du code de la consommation, votre rapporteur a souhaité procéder à une précision rédactionnelle en insistant sur le fait que les différents points sur lesquels le juge est amené à statuer (capacité de l’association, responsabilité du professionnel, définition du groupe de plaignants…) le sont dans un seul et même jugement, la rédaction actuelle de l’article laissant en effet penser que ce sont plusieurs jugements qui se succèdent et se complètent.
À l’initiative de votre rapporteur, il a également été précisé que les délais dans lesquels les consommateurs peuvent adhérer au groupe, et qui ne sont pas précisés dans la rédaction originale du projet de loi, ne peuvent être inférieurs à 30 jours, ni supérieurs à 6 mois. Ces limites basse et haute permettent ainsi de trouver un moyen terme entre un délai qui ne doit évidemment pas être trop long (l’adhésion au groupe ne pouvant être éternelle) mais qui ne peut être trop bref, au risque de ne pas permettre au groupe de se constituer efficacement.
Un amendement de votre rapporteur a également précisé que le juge pouvait ordonner la consignation (sur un compte mis sous séquestre) d’une partie des sommes dues par le professionnel aux victimes du préjudice, auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Cette mesure servira de véritable garantie auprès des victimes qui seront ainsi certaines de leur indemnisation future. Elle renforcera également considérablement le poids de l’association requérante dans le cadre d’une médiation éventuelle.
Votre rapporteur a surtout déposé un amendement, voté favorablement par la Commission des affaires économiques, afin d’introduire une procédure spécifique correspondant à une action de groupe simplifiée. En vérité, il s’agit bien davantage d’une procédure « accélérée », qui peut se mettre en branle à partir du moment où le groupe de consommateurs affectés par le préjudice est parfaitement identifiable. Dans cette hypothèse, le juge peut condamner sous astreinte le professionnel à les indemniser directement et individuellement selon des modalités qu’il fixe lui-même. Il convient de préciser que c’est là la seule différence avec le schéma général de l’action de groupe, tel qu’il découle notamment des articles L. 423-1 et L. 423-3 du code de la consommation, l’action de groupe « accélérée » obéissant en effet aux mêmes contraintes et au même cadre juridique que la procédure de droit commun, tant au niveau de son engagement que de la procédure devant être suivie par le juge, en ce compris le stade de la liquidation.
Enfin, votre rapporteur a donné un avis favorable à plusieurs amendements de la Commission des Lois, parmi lesquels le plus important est sans aucun doute celui consistant à permettre l’exécution provisoire de la publicité ordonnée par le tribunal en première instance, lorsque les manquements reprochés relèvent des dispositions du droit de la concurrence. En pareil cas en effet, il n’existe aucun risque de « mauvaise publicité » pour le professionnel, puisque sa responsabilité est d’ores et déjà définitivement établie.
Les autres amendements de la Commission des lois vont dans le sens d’une plus grande précision de la procédure de l’action de groupe :
– la Commission des affaires économiques a ainsi adopté un amendement précisant que la réparation pouvait non seulement être de nature pécuniaire mais également être effectuée en nature, notamment lorsque le préjudice subi s’avère faible ;
– un amendement a également été adopté, précisant que le juge peut, à tout moment de la procédure, ordonner toute mesure d’instruction nécessaire à la conservation des preuves et production des pièces, y compris celles détenues par le professionnel ; même si l’article 145 du code de procédure civile s’applique pleinement en l’état, la précision dont il s’agit est parfaitement utile, plusieurs personnes auditionnées ayant fait part de leurs inquiétudes à ce sujet ;
– enfin, un amendement a été adopté précisant que la personne à laquelle l’association peut faire appel, comme le lui autorise l’article L. 423-4 nouveau, doit appartenir à une profession judiciaire réglementée dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ; on vise là les avocats mais également les huissiers etc… L’objectif étant de s’assurer que ces personnes disposent de toutes les garanties pour manier les fonds correspondants aux indemnisations à effectuer par la suite (responsabilité professionnelle, assise financière, sérieux, etc.) ; et qu’elles ne pourront accaparer l’essentiel des sommes attribuées aux victimes, comme ne manqueraient pas de le faire des sociétés commerciales dont la rémunération n’est aucunement encadrée.
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* *
La Commission examine l’amendement CE 185 de M. Damien Abad.
M. Damien Abad. Le projet de loi reconnaît le principe de l’action de groupe mais la complexité du dispositif proposé le rend difficilement applicable.
L’amendement reprend la proposition de loi déposée par M. Luc Chatel durant la XIIème législature. La procédure prévue facilite en particulier la reconnaissance des victimes dont le regroupement est assuré avant la décision du juge.
Le recours collectif par les consommateurs répondra à quatre règles simples. La limitation des recours aux associations agréés et le contrôle préalable à l’instance par le juge empêcheront les recours abusifs. Le juge précisera les mesures de publicité visant à rechercher les victimes. En dessous d’un certain montant de dommages, les consommateurs pourraient être automatiquement associés par défaut à l’action des associations. La gestion des créances serait assurée par le tribunal et non par les associations.
M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Défavorable. L’amendement de M. Abad et de Mme Vautrin réécrit complètement l’article 1er et crée une autre action de groupe que celle que nous proposons.
De plus, contrairement à ce qu’affirme M. Abad, il me semble, par exemple, que la double intervention du juge, pour recevabilité et au fond, ne fait que rendre la procédure plus complexe.
M. le rapporteur. Défavorable. Monsieur Abad, je reconnais que, dans le passé, plusieurs membres de l’opposition actuelle ont milité pour l’action de groupe et que Mme Catherine Vautrin, M. Jean Dionis du Séjour, M. Lionel Tardy l’ont défendue lors de l’examen d’un certain nombre de textes. Dans le même esprit, votre amendement entend améliorer la procédure prévue par le projet de loi en la remplaçant par celle de la proposition de loi Chatel – qui était, cela dit en passant, à ce point adaptée que les mesures proposées n’ont jamais vu le jour…
Plusieurs éléments l’expliquent. Le dispositif que vous proposez est inconstitutionnel. L’affiliation automatique est contraire à la jurisprudence de 1989. Les consommateurs lésés ne peuvent pas être affiliés à une association sans leur avis. Il crée aussi un déséquilibre. L’inversion que le projet de loi met en place par rapport au dispositif Chatel entre responsabilité et publicité ne résulte pas de la volonté de s’en démarquer ; elle vise à protéger le corps économique, car la sanction ultime, la publicité, ne doit pas intervenir avant la mise en cause de la responsabilité.
M. Damien Abad. J’entends vos arguments, mais je reste persuadé que notre amendement améliore le texte sur un certain nombre de points. Il me semble par exemple préférable de connaître les victimes en amont de la procédure plutôt qu’en aval. L’inversion entre responsabilité et publicité pose le problème de la conservation de la preuve. Je note également que grâce à notre amendement, les entreprises connaissant les victimes, la détermination des montants engagés est facilitée.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite en discussion commune les amendements CE 9 de Mme Chantal Guittet et CE 361 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Pascale Got. La mention « représentative au niveau national » concernant les associations agréées est inutile puisque pour obtenir l’agrément elles doivent justifier de leur représentativité au niveau national ou local. Cette précision pourrait toutefois restreindre le champ des associations éligibles ; l’amendement CE 9 propose en conséquence de la supprimer.
Mme Jeanine Dubié. La suppression de la mention « au niveau national » pourrait permettre à des associations agréées au niveau local d’agir.
M. le ministre délégué. Défavorable. Les associations peuvent obtenir un agrément préfectoral au niveau local mais nous avons souhaité réserver la possibilité d’agir à des associations agréées représentatives au niveau national. Au nombre de seize, elles ont toutes une présence locale et des permanences sur le territoire, gérées par des associations départementales.
Les associations adhérentes au Conseil national de la consommation bénéficient d’un agrément qui tient compte du nombre de leurs adhérents, de leur représentation sur le terrain, du nombre de consommateurs qu’elles reçoivent, et de leur capacité à mener au niveau national les combats du mouvement consumériste. En se fondant sur ces critères, l’agrément et son éventuel retrait permettent tous les deux ou trois ans le renouvellement de quelques-unes des associations concernées.
M. le rapporteur. À terme, l’évolution souhaitée par Mme Dubié pourrait se produire, mais, aujourd’hui, après trente ans d’attente, concernant un texte qui a fait l’objet d’un consensus au sein du Conseil national de la consommation, il semble pertinent de rejeter son amendement.
Mme Pascale Got. Je retire mon amendement.
Mme Jeanine Dubié. Je retire le mien également.
Les amendements CE 9 et CE 361 sont retirés.
La Commission examine l’amendement CE 400 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. L’amendement est défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CE 347 de Mme Jeanine Dubié et CE 702 de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Mme Jeanine Dubié. Restreindre l’action de groupe aux seules personnes physiques pourrait créer des difficultés, dans le domaine de la copropriété notamment. En effet, si les copropriétaires sont des consommateurs, seul le syndicat des copropriétaires, lequel est doté de la personnalité morale, est lié au syndic par le biais d’un contrat. Comme il n’est pas possible de définir une personne morale comme un consommateur, nous proposons par cet amendement de créer une catégorie particulière, celle des non-professionnels, qui s’appliquerait pour les personnes morales « atypiques ».
M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission des lois a adopté ce matin un amendement identique. Pour être sûrs d’embrasser tous les cas, nous proposons de recourir à la notion de « non-professionnels », retenue aux articles L. 121-83 et suivants du code de la consommation, dont les dispositions s’appliquent à la fois aux consommateurs et aux non-professionnels. Il s’agit de permettre aux syndicats de copropriétaires d’intenter des actions de groupe, bien qu’ils soient des personnes morales. Nous ne ruinerions ni l’économie générale du texte ni l’équilibre qui a pu être trouvé au sein du Conseil national de la consommation (CNC) si les huit millions de lots de copropriété concernés pouvaient être ainsi pris en compte.
M. le ministre délégué. L’avis du CNC n’est pas le texte du Gouvernement. Ce qu’aurait souhaité le CNC supposait un consensus entre toutes les parties, ce qui était en retrait par rapport au souhait du Gouvernement.
À quelques exceptions près, le code de la consommation n’envisage le consommateur que comme une personne physique. Cela ne signifie pas que les copropriétaires ne pourront pas intenter d’action de groupe, mais pas à travers les syndicats de copropriétaires. Nous préférons à ce stade réserver le champ de l’action de groupe aux personnes physiques. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
M. le rapporteur. Je tiens à remercier Jeanine Dubié et Sébastien Denaja pour l’assiduité dont ils ont fait preuve lors de mes auditions. Ce sont eux qui ont appelé mon attention sur cette difficulté, ce qui m’a d’ailleurs conduit à organiser des auditions supplémentaires, avec des juristes notamment. Le concept procédural de tierce complicité permet à ce jour aux copropriétaires ou aux syndics d’agir en l’état, y compris dans le cadre d’une action de groupe. Nous avons, avec l’aide de plusieurs associations de consommateurs, cherché des exemples analogues, mais n’en avons pas trouvé. La définition du consommateur retenue à l’article 3 du projet de loi fait référence à celle issue de la transposition de la directive européenne. Gardons cette cohérence, sans que cela ne porte d’ailleurs atteinte à l’effectivité du droit d’agir dans le cas particulier visé. Avis défavorable donc.
L’amendement CE 347 est retiré.
L’amendement CE 702 est retiré.
La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE 651 du rapporteur.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE 401 de M. Thierry Benoît, CE 701 de la commission des lois, CE 287 de M. Michel Lefait, CE 309 de Mme Jeanine Dubié et CE 700 de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Thierry Benoit. Mon amendement est rédactionnel. Il vise à mieux distinguer la faute contractuelle et le manquement à des obligations légales.
M. le président François Brottes. Est-ce vraiment un amendement rédactionnel ?
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Le mien est, lui, purement rédactionnel, substituant le mot « cause » au mot « origine ».
M. Michel Lefait. En l’état actuel du texte, les consommateurs ne pourront engager une action de groupe qu’à l’encontre d’un seul et même professionnel à la fois. Or, les infractions sont souvent le fait de plusieurs professionnels, parfois même d’un groupement de professionnels. Il importe donc que les consommateurs puissent se retourner contre plusieurs professionnels. C’est ce que permettrait mon amendement.
Mme Jeanine Dubié. Le mien a le même objet, rendant possible d’exercer une action de groupe à l’encontre de plusieurs entreprises en même temps.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. On ne peut exclure la possibilité qu’il y ait plusieurs défendeurs à une action de groupe. Un écueil est qu’en pratique, plusieurs actions ne soient intentées pour la raison que plusieurs professionnels sont en cause. Le juge peut certes toujours décider de joindre deux affaires. Mais dans un souci de simplification et d’économie de la procédure, il serait souhaitable qu’un requérant ait la possibilité d’introduire une seule et même action de groupe à l’encontre de plusieurs professionnels à la fois. Tel est le sens de notre amendement.
M. le ministre délégué. De tous ces amendements, je ne pourrai accepter que l’amendement de précision CE 701.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement de M. Benoit. En effet, les obligations contractuelles font référence à toutes les obligations pouvant figurer dans un contrat, comme l’obligation de conseil. Viser la faute et non l’obligation contractuelle serait source d’interprétations restrictives. Avis défavorable donc.
Pour ce qui est des trois amendements suivants, entendons-nous. Ce qui est en général en cause, c’est la relation contractuelle entre un consommateur et une entreprise. Si dans le cas du scandale de la viande de cheval, une action de groupe avait été intentée immédiatement après la découverte de la tromperie, les consommateurs auraient pu se retourner contre Findus, lequel, s’il avait été jugé fautif, aurait pu lui-même se retourner contre ses fournisseurs. C’est pourquoi nous avons voulu que soit mentionné « un professionnel » et non pas « un ou plusieurs ». Cela n’empêche pas que, dans le cas d’une entente illicite, une action de groupe puisse concerner un bloc d’entreprises fautives. Cependant, pour éviter toute confusion, nous jugeons préférable de conserver la rédaction actuelle.
M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CE 401, qui n’est pas seulement rédactionnel : la distinction opérée porterait atteinte à l’esprit du texte.
Avis favorable en revanche à l’amendement CE 701.
S’agissant des trois autres, il faut distinguer ce qui relève des dommages matériels et des pratiques anti-concurrentielles. C’est plutôt pour ce dernier aspect qu’on vise « un ou plusieurs professionnels ». Prenons l’exemple de la téléphonie mobile, sans ne citer aucune marque. Une entente est visée par l’Autorité de la concurrence. Aujourd’hui, les consommateurs vont dans un premier temps voir l’entreprise A, puis l’entreprise B et l’entreprise C, même si l’entente est bien entendu le fait de plusieurs entreprises. Certains consommateurs se retourneront contre l’entreprise A, d’autres contre l’entreprise B, mais certains pourront être parties à chacune des deux procédures. Pensant faciliter les choses en permettant de viser plusieurs professionnels à la fois, on les rendrait en réalité plus complexes avec des consommateurs, qui « placés dans une situation identique ou similaire » ayant pour origine commune des pratiques anti-concurrentielles, se rattacheraient en parallèle à des procédures distinctes. L’objectif est plutôt en ce cas d’avoir une action visant l’entreprise A, une autre l’entreprise B et une autre l’entreprise C.
Dans le cas de dommages matériels nés de la fourniture par un fournisseur d’une pièce défaillante dans un produit final acheté par un consommateur, on aurait pu viser « plusieurs professionnels », mais on est alors dans la relation inter-entreprises et non plus dans l’action de groupe. Quand le vendeur aura dédommagé le consommateur, et même avant, il pourra se retourner contre le fournisseur et rechercher sa responsabilité pour la fourniture de la pièce défaillante. Il faut donc là aussi ne viser « qu’un seul professionnel » Avis défavorable donc aux amendements.
M. le président François Brottes. En clair, le consommateur qui possède deux abonnements téléphoniques, l’un auprès de l’opérateur A, l’autre auprès de l’opérateur B, et se sent victime d’une entente entre les deux, doit engager deux actions de groupe, l’une à l’encontre de A, l’autre à l’encontre de B.
M. le ministre délégué. Si par exemple l’UFC-Que choisir a engagé une action contre Bouygues et la CLCV une autre contre SFR, rien n’interdit au juge de joindre les deux affaires. De facto, le juge pourra juger à la fois de l’entente illicite entre les deux opérateurs, de la recevabilité de la demande et dans le même jugement, établir le montant du préjudice et fixer celui de l’indemnité.
Je reprends l’exemple du scandale de la viande de cheval. Une action de groupe serait-elle engagée contre Findus, puis contre Comigel et enfin contre Spanghero, ou seulement contre Findus, lequel intenterait une action récursoire contre Comigel qui, à son tour, se retournerait contre Spanghero ? L’action de groupe doit porter sur le non-respect d’une obligation contractuelle entre vendeur et consommateur, en l’espèce, celle que la viande ait été de boeuf. C’est contre Findus qu’il faut engager l’action.
M. le président François Brottes. Le cas est différent de celui des télécommunications, où il s’agit du même service qui est proposé.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Dans le cas de la viande de cheval, la question est de savoir à laquelle des trois entreprises serait imputé le fait générateur, et donc la responsabilité. Dans le cas d’une entente, les entreprises concernées, deux ou plus, portent toutes la même responsabilité. C’est pour ce cas précis qu’il faut trouver une solution, de façon que le requérant n’ait pas à intenter d’action contre chacune d’entre elles. Le problème sera certes sans doute résolu par le souci qu’ont les juges de la bonne administration de la justice. Mais je ne comprends pas en quoi notre amendement est gênant.
M. le ministre délégué. Rien n’interdit en l’état à une association de consommateurs de s’attaquer à plusieurs entreprises à la fois en cas d’entente illicite. En refusant qu’il soit mentionné « un ou plusieurs professionnels », nous voulons éviter que, dans le cas d’une chaîne de sous-traitance, où chaque entreprise a des responsabilités distinctes et où certaines n’ont pas nécessairement de contact direct ni de contrat avec le consommateur, puissent être intentées des actions de groupe visant chacune des entreprises de la chaîne. La rédaction du texte, qui peut vous sembler restrictive, ne limite en rien la possibilité de s’attaquer à plusieurs professionnels simultanément en cas de pratiques anti-concurrentielles.
M. le président François Brottes. Faisons preuve de sagesse en excluant ces aspects-là. Il faut distinguer l’approche horizontale, qui vaut dans l’exemple téléphonie mobile, et l’approche verticale, qui vaut dans l’exemple du scandale de la viande de cheval. À vouloir embrasser les deux problématiques à la fois, le risque est de prendre des dispositions contradictoires. Le sujet mérite réflexion, et vraisemblablement précision.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Les travaux parlementaires servent aussi à éclairer les juges. De ce point de vue, nos débats sur ce point ce soir n’auront pas été inutiles. Cela les incitera à accepter les actions de groupe visant plusieurs professionnels. Sans avoir été pleinement convaincu, je retire l’amendement CE 700.
Mme Jeanine Dubié. Je retire le mien également.
M. Michel Lefait. Moi aussi.
M. le président François Brottes. La problématique est différente selon que la chaîne est verticale ou horizontale. Aucune rédaction pleinement satisfaisante n’a pu être trouvée pour l’instant. D’autres amendements pourront être proposés d’ici à l’examen du texte en séance publique.
La Commission rejette l’amendement CE 401.
Elle adopte l’amendement CE 701.
Les amendements CE 287, CE 309 et CE 700 sont retirés.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE 377 de M. Thierry Benoît et CE 288 de M. Michel Lefait.
M. Thierry Benoit. Nous souhaitons que dans l’action de groupe, seule la phase contractuelle, postérieure à la vente effective du bien ou du service, soit visée. Le risque serait sinon que des actions puissent porter sur la non-disponibilité de produits annoncés dans le cadre de promotions.
M. Michel Lefait. Lors des auditions, les associations de consommateurs ont appelé notre attention sur les litiges en matière de charges locatives pouvant opposer un consommateur locataire à un professionnel bailleur. Aux termes de la rédaction actuelle de l’article L. 423-1, ces litiges seraient exclus du champ d’application de l’action de groupe. En effet, dans les logements collectifs, les locataires n’ont pas toujours signé eux-mêmes de contrat avec le fournisseur d’énergie ou d’eau. C’est le bailleur qui leur adresse une facture récapitulative de leurs consommations. En cas de contestation, comme ils ne sont pas titulaires du contrat de fourniture de fluides, ils n’ont d’autre choix que d’assigner leur bailleur. En l’absence de lien contractuel direct, ce type de litige ne serait pas considéré comme un litige de consommation au sens de l’article premier du texte et échapperait donc à l’action de groupe. Notre amendement y remédierait.
M. le ministre délégué. Si l’amendement CE 377 était adopté, il serait impossible par exemple d’engager une action de groupe dans l’affaire des prêts Helvet Immo distribués par BNP Paribas, où il y a eu un manquement à des obligations pré-contractuelles sur les risques encourus avec ce type de placements en devises étrangères. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Quant à l’amendement CE 288, je le considère satisfait par les alinéas 6 et 7 du texte. En effet, tout préjudice matériel découlant d’un manquement à une obligation légale ou contractuelle à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services peut donner lieu à une action de groupe. Le locataire est un consommateur qui peut parfaitement faire valoir ses droits par une action de groupe et obtenir réparation du préjudice subi du fait du manquement d’un bailleur professionnel ou d’un syndic à leurs obligations légales ou contractuelles. J’espère que les éléments de notre débat aideront les juges dans l’appréciation de la recevabilité de ce type de procédure. Avis défavorable à l’amendement.
M. le rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement CE 377. Nous souhaitons intégrer la dimension pré-contractuelle.
S’agissant de l’amendement CE 288, je ne reviens pas sur la notion procédurale de tierce complicité qui, même lorsqu’on n’est pas directement titulaire d’un contrat de fourniture de fluides, permet d’ores et déjà d’agir et, ici, autorisera l’action de groupe.
Pour le reste, le locataire répond en tout point aux critères retenus pour la définition du consommateur à l’article 3 du projet de loi, elle-même issue de la transposition de la directive.
Enfin, la fourniture de services dans le domaine de la copropriété fait partie des éléments qui auraient pu apparaître comme exclus du champ de l’action de groupe, comme la crainte en a d’ailleurs été exprimée lors de nos auditions. Mais la jurisprudence sur le sujet est abondante.
Vos craintes, monsieur Lefait, ne sont pas fondées. Je suis donc défavorable à votre amendement.
M. le ministre délégué. Je comprends parfaitement le cas visé par M. Lefait. Mais si l’on établit une liste de cas particuliers, le risque est que seul ce qui sera listé soit pris en compte et que ce qui ne sera pas expressément cité soit exclu. À l’appui du texte, il doit être dit que les locataires abusés par des syndics ou des bailleurs en matière de charges locatives, pour ce qui concerne notamment la fourniture de fluides, peuvent intenter une action de groupe.
L’amendement CE 288 est retiré.
M. le président François Brottes. Un mot sur votre amendement, monsieur Benoit. Des ventes sont parfois annoncées à grand renfort de publicité, vantant tel ou tel produit bon marché, et où le consommateur constate, parfois après avoir fait 40 kilomètres pour se rendre sur le lieu de la vente, que comme par hasard ce produit d’appel n’est plus disponible en stock. Cela peut constituer en tant que tel un préjudice. Ne prendre en considération que des éléments postérieurs à la vente serait insuffisant.
La Commission rejette l’amendement CE 377.
La Commission examine ensuite l’amendement CE 199 de M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. C’est M. le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui a rédigé l’exposé des motifs de mon amendement puisque j’ai repris les termes qui figuraient dans une proposition de loi déposée au cours de la précédente législature : « Au-delà [du domaine de la consommation], il convient également d’inclure les litiges relatifs à la santé ou l’environnement, d’autant que ceux-ci engendrent souvent des situations bien plus dramatiques au plan humain, et surtout plus urgentes pour les victimes dont le pronostic vital se réduit à mesure que la procédure avance et ne peut donc s’aligner sur la durée d’un procès abusivement prolongé par un adversaire d’autant plus en bonne santé qu’il est une personne morale ». Avec une telle caution, je pense que l’adoption de cet amendement ne posera pas problème.
En France, les scandales sanitaires ont tué, mais, à la différence de l’Italie, il n’y a pas eu de grands procès – pensons à l’amiante. Dans le domaine de l’environnement, si l’on découvrait une contamination de cultures par des organismes génétiquement modifiés, il ne serait pas possible d’intenter une action de groupe, alors que les règles de production du Saint-Nectaire, par exemple, interdisent de cultiver des OGM ou d’en donner aux animaux : en cas de contamination, le préjudice serait énorme !
Voilà pourquoi il est nécessaire d’étendre le champ de l’action de groupe à la santé et à l’environnement.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Nous partageons votre volonté d’élargissement de l’action de groupe au domaine de la santé, vous le savez, mais la procédure que nous inscrivons ici dans le code de la consommation est adaptée au domaine de l’économie ; elle ne l’est pas à celui de la santé ou de l’environnement.
M. André Chassaigne. Je comprends bien l’argumentation, et je ne voudrais pas faire preuve d’une impatience petite-bourgeoise, comme disait Lénine, mais un tiens vaut mieux que deux tu l’auras : je maintiens donc mon amendement.
M. le rapporteur. Imaginer qu’une seule et même procédure puisse convenir à la consommation, à la santé et à l’environnement, c’est voir les choses par le prisme du monde anglo-saxon. Qui peut croire aujourd’hui – comme on l’a cru par le passé, j’en conviens – qu’une même procédure civile pourrait traiter les problèmes des OGM, le scandale de l’Erika, celui du Mediator et des litiges commerciaux à cinq euros ? Soyons fidèles à notre droit. Nous avons choisi de procéder code par code ; ici, nous insérons l’action de groupe dans le code de la consommation. Elle sera – l’annonce en a été faite – très vite étendue au domaine de la santé. M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et moi-même espérons, d’ici à la séance, obtenir quelques engagements du Gouvernement pour ce qui concerne le domaine de l’environnement.
Mme Michèle Bonneton. Il serait effectivement dommage de laisser de côté la santé et l’environnement ; toutefois, je propose à M. Chassaigne de se rallier à notre amendement CE 453, plus précis.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Certains types de dommages ne sont pas inclus dans l’action de groupe telle que la prévoit ce texte, mais il serait faux de dire que la santé ou l’environnement en sont complètement exclus : l’action de groupe concernera tous les dommages dès lors qu’ils résultent d’un acte de consommation. Ainsi, le scandale des prothèses PIP pourrait relever de l’action de groupe, puisque les prothèses ont été achetées par les patientes. Ensuite, il y a bien sûr le dommage corporel, le préjudice moral, les fautes pénales.
Le champ de l’action de groupe est donc déjà très étendu, même s’il faudra l’étendre encore.
M. le ministre délégué. Cette précision est utile : vous avez raison, dès lors qu’il y a une allégation mensongère, une action de groupe pourra être lancée. Les dommages liés à la consommation d’un médicament ne sont donc pas entièrement exclus du champ de l’action de groupe.
Je reconnais que, quand on a consommé un médicament qui se révèle mauvais pour la santé, on se moque un peu de se voir rembourser la boîte de médicament : ce qu’il faut surtout réparer, ce sont les préjudices corporels, et il faudra bien évidemment un mécanisme spécifique pour ce type de dommages. Mais ceux-ci imposent qu’il y ait un examen au cas par cas, ce qui n’est encore une fois pas possible avec cette procédure : Lénine disait aussi que les faits sont têtus.
M. Daniel Fasquelle. Il sera, sauf exception, impossible de réparer par le moyen de l’action de groupe les dommages contre l’environnement. Il faut donc lutter contre les fautes lucratives : certaines entreprises tirent bénéfice d’atteintes à l’environnement, et quand elles sont sanctionnées, les amendes sont bien inférieures au gain réalisé.
M. le président François Brottes. Le principe pollueur-payeur est déjà inscrit dans la loi.
M. André Chassaigne. Je retire l’amendement CE 199 au profit du CE 453, qui viendra plus tard en discussion.
L’amendement CE 199 est retiré.
La Commission examine l’amendement CE 451 de Mme Danielle Auroi.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à inclure dans les motifs de lancement d’une procédure d’action de groupe la tromperie du professionnel en matière de respect d’engagements pris de façon légale, contractuelle ou sous la forme d’engagements volontaires par une entreprise.
Nous voulons ainsi protéger la responsabilité indirecte du consommateur quant aux conditions de fabrication et de production du produit dont il se fait l'acquéreur : sa réputation peut se trouver mise en cause s'il achète, malgré lui, des produits fabriqués en violation des droits humains fondamentaux ou dont la production a entraîné des dommages environnementaux irréversibles. Nous proposons donc d’ajouter de l’éthique à l’action de groupe : c’est une façon d’encourager les entreprises à être plus responsables.
M. le ministre délégué. Avis défavorable, car l’amendement est satisfait par la rédaction actuelle. La réparation des préjudices nés des manquements du professionnel à ses obligations légales englobe évidemment les obligations nationales et internationales. D’autre part, si une entreprise revendique, de façon unilatérale, une charte environnementale ou des engagements éthiques, mais qu’elle ne les respecte pas, elle tombe déjà sous le coup de la loi. Si elle prétend redonner 30 % du prix d’un chocolat au producteur – ce qui entraîne un surcoût pour le consommateur – mais qu’elle ne le fait pas, ce mensonge pourra être attaqué par une action de groupe.
Je le redirai en séance publique pour que ce soit tout à fait clair.
M. le rapporteur. Même avis.
Mme Michèle Bonneton. Je retire l’amendement. Nous aurons l’occasion d’y revenir en séance publique et d’insister sur la responsabilité sociétale des entreprises.
L’amendement CE 451 est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements identiques CE 198 de M. André Chassaigne et CE 459 de M. Jean-Louis Roumegas.
M. André Chassaigne. Nous proposons de ne pas restreindre le champ de l’action de groupe aux seules atteintes matérielles. Un dommage corporel peut être considérable ; or, puisque la procédure civile ne propose pas de solution, cela engendre des procédures pénales, longues et aléatoires : que l’on se souvienne du sang contaminé.
Mme Michèle Bonneton. Il serait également dommage de ne pas prendre en considération le préjudice moral : un acte d’achat apparemment anodin peut en réalité cautionner des pratiques relevant de l’esclavage moderne, ou bien des atteintes à la santé et à l’environnement.
M. le ministre délégué. Avis défavorable, même si je comprends bien votre logique, qui est parfaitement respectable : nous avons choisi pour notre part de nous en tenir au préjudice matériel et économique. L’estimation du préjudice moral imposerait la prise en considération des cas individuels, ce qui compliquerait considérablement le texte.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements identiques CE 198 et CE 459.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CE 342 de Mme Jeanine Dubié et les amendements identiques CE 369 de Mme Jeanine Dubié et CE 402 de M. Thierry Benoit.
Mme Jeanine Dubié. Nous proposons la fixation d’une somme maximale pour engager une action de groupe : cette procédure ne doit concerner que de petits litiges, afin d’éviter les dérives constatées dans d’autres pays. Cette limite pourrait être de 5 000 €, ou bien pourrait être fixée par un décret en Conseil d’État. Au-delà d’un certain montant, en effet, on peut considérer que l’apathie rationnelle des consommateurs ne jouera plus et que l’intérêt à agir personnel l’emporte.
La fixation d’un maximum éviterait aussi que les très petites entreprises et les artisans ne puissent pas s’assurer correctement contre ce risque.
M. Thierry Benoit. Le groupe UDI, je l’ai dit, sera très vigilant sur tout ce qui pourrait entraîner des coûts financiers pour les entreprises. L’action de groupe concerne de petits litiges : il faut donc limiter les montants indemnisables. Nous proposons que ce soit fait par un décret en conseil d’État.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Le seuil qui serait fixé serait arbitraire. De plus, ce que nous souhaitons, c’est l’indemnisation du préjudice économique à l’euro près. Il reviendra au juge de l’estimer. La réalité, ce seront effectivement des litiges de masse et du quotidien, qui sont souvent très modiques : on atteindra rarement 5 000 €, mais s’il arrivait qu’une entreprise ait réalisé un bénéfice indu d’un montant supérieur, pourquoi interdire aux consommateurs lésés d’en être dédommagés ?
M. le rapporteur. L’action de groupe vise à rendre effective la réparation d’un préjudice économique ; or on ne peut pas exclure qu’il existe des dommages matériels supérieurs à 5 000 €. Nous faisons la loi pour tous, même pour des gens très riches qui achèteraient des voitures hors de prix mais défectueuses !
M. le ministre délégué. Imaginons que des acheteurs de Rolls-Royce veuillent se retourner contre le fabricant : ils doivent pouvoir le faire !
Les amendements CE 342 et CE 369 sont retirés.
M. Damien Abad. Je reprends l’amendement CE 342 : nous ne voulons pas, nous, défendre les propriétaires de Rolls-Royce !
La Commission rejette successivement les amendements CE 342 et CE 402.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CE 189 de Mme Vautrin.
Mme Anne Grommerch. Il s’agit de s’assurer que l’action de groupe ne pourra concerner que des préjudices survenus après la promulgation de la loi, conformément au principe constitutionnel de non-rétroactivité.
M. le ministre délégué. Avis défavorable : nous appliquons le droit commun, c’est-à-dire que cette nouvelle procédure s’appliquera à tous les manquements qui ne sont pas prescrits au moment de l’entrée en vigueur de la loi.
M. le rapporteur. Même avis. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs précisé que le principe de non-rétroactivité ne s’appliquait qu’au droit pénal.
La Commission rejette l’amendement CE 189.
Elle examine ensuite les amendements identiques CE 221 de M. Damien Abad et CE 403 de M. Thierry Benoit.
M. Damien Abad. Nous proposons de préciser expressément, afin d’éviter de laisser libre cours aux interprétations, que les dommages corporels sont exclus du périmètre de l’action de groupe.
M. Thierry Benoit. Mon amendement est identique.
M. le ministre délégué. Avis défavorable : la précision est inutile, et nous risquerions donc d’introduire de la confusion.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement CE 403 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CE 221.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE 514 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE 159 de M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Nous savons tous qu’en matière d’action de groupe l’équilibre est difficile à trouver car il faut éviter les procédures abusives. Le filtre des associations de consommateurs agréées prévu dans le présent texte ne suffit pas à écarter le risque de recours abusifs ou fantaisistes. Aussi, je propose de reprendre l’amendement garde-fou qu’avait proposé Jean-Paul Charié, rapporteur de la loi LME, à ce sujet. Ainsi l’association devra-t-elle apporter la preuve de l’existence d’un groupe identifiable et significatif de consommateurs, personnes physiques, lésés par les pratiques d’un même professionnel ; de l’existence de préjudices matériels ayant pour origine des situations de droit ou de fait identiques ou similaires ; du caractère vraisemblable du lien de causalité entre les préjudices allégués et les pratiques énoncées.
M. le ministre délégué. L’esprit de la proposition est louable mais l’amendement est superfétatoire puisque l’article, en précisant les critères de recevabilité de l’action de groupe, suffit à écarter le risque redouté. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Avis également défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
M. le président François Brottes. L’occasion nous aura été donnée de rendre hommage à notre défunt collègue Jean-Paul Charié, dont chacun se rappellera la très forte implication dans les travaux de notre commission.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CE 453 de Mme Michèle Bonneton précédemment présenté.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE 515 et l’amendement de clarification CE 649, tous deux du rapporteur.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l’amendement de précision CE 699 de la commission des lois.
Puis elle adopte l’amendement de clarification CE 650 du rapporteur.
La Commission est saisie de l’amendement CE 698 de la commission des lois.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. L’amendement prévoit expressément la possibilité pour le juge de préciser les conditions d’une réparation en nature. Cela lèverait certains doutes qui se sont exprimés au cours des auditions.
M. le ministre délégué. Avis favorable, ainsi qu’à l’amendement CE 697.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de précision CE 697 du rapporteur pour avis.
En conséquence, les amendements CE 176, CE 289, CE 290, CE 454 et CE 310 rectifié n’ont plus d’objet.
La Commission est saisie de l’amendement CE 222 de M. Damien Abad.
M. Damien Abad. L’amendement vise à mieux encadrer les mesures de publicité à la charge du professionnel pour informer les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe de la décision rendue.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. L’amendement me paraît inutile : c’est au juge qu’il revient de trancher.
M. le rapporteur. Avis également défavorable à cette marque de défiance.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CE 173 de M. Damien Abad et les amendements CE 404 et CE 405, tous deux de M. Thierry Benoit.
M. Damien Abad. L’amendement vise à permettre au juge d’ordonner une exécution provisoire de sa décision, sans qu’il faille attendre que la décision sur la responsabilité ne soit plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation. Ainsi permettra-t-on la conservation de la preuve et améliorera-t-on l’effectivité et la rapidité de l’application de l’action de groupe.
M. le ministre délégué. Avis défavorable car l’exécution provisoire du jugement déclaratoire de responsabilité avant l’épuisement des voies de recours, s’agissant tout particulièrement de mesures de publicité du jugement, peut porter une atteinte grave aux intérêts des professionnels dès lors que la décision de condamnation serait réformée en appel. Cela étant, le Gouvernement est favorable à la mise en œuvre systématique de la procédure d’appel « à jour fixe » pour les recours formés contre les décisions rendues au fond. Il soutiendra donc les amendements en ce sens déposés par le rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. le rapporteur. Pour les mêmes raisons, avis défavorable à cet amendement et favorable à l’amendement ultérieur de la commission des lois.
M. Thierry Benoit. Les amendements CE 404 et CE 405 tendent à préciser que la publicité ne peut intervenir qu’une fois le jugement devenu définitif.
M. le ministre délégué. Avis défavorable à l’amendement CE 404, qui n’apporte rien. Pour l’amendement CE 405, je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. le rapporteur. Avis favorable aux deux amendements, qui précisent utilement le texte.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CE 173.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite successivement l’amendement rédactionnel CE 404 et l’amendement de précision CE 405.
La Commission est saisie de l’amendement CE 455 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Nous proposons, pour accélérer les procédures, la mise en œuvre d’un recours semblable à la "procédure à jour fixe", en première et en deuxième instance. Ainsi un délai est-il fixé aux parties pour la communication des pièces et la remise de leurs conclusions.
M. le ministre délégué. Depuis le 1er janvier 2011, des délais stricts s’imposent aux parties pour échanger leurs conclusions. L’amendement est donc sans objet. Avis défavorable.
M. le rapporteur. J’approuve l’esprit de l’amendement, mais il est satisfait par les dispositions de l’article 763 du code de procédure civile, qui prévoit strictement le délai de communication des pièces. Pour cette raison, avis défavorable.
Mme Michèle Bonneton. Je retire l’amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CE 456 de M. Jean-Louis Roumegas.
Mme Michèle Bonneton. L’amendement tend à ce que le juge intègre par défaut au groupe tous les consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée, sans que les victimes aient à se faire connaître a priori pour pouvoir revendiquer ensuite l’application à titre personnel de la décision de justice. Ce type d’action est connu pour avoir un effet dissuasif sur le comportement des professionnels tentés de commettre des pratiques délictueuses.
M. le ministre délégué. J’ai eu l’occasion d’indiquer que le Gouvernement est favorable à l’option d’inclusion, dite opt in, que nous avons retenue dans une formule intermédiaire qui nous semble la plus sage. Avis, pour cette raison, défavorable.
M. le rapporteur. Avis également défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement de précision CE 652 du rapporteur.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE 312 de Mme Jeanine Dubié, CE 175 de M. Damien Abad et CE 397 de M. Thierry Benoit, ainsi que les amendements CE 696 de la commission des lois et CE 661 du rapporteur.
Les amendements CE 175 et CE 397 sont identiques.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE 312 tend à permettre au juge de désigner un mandataire judiciaire chargé d’assurer l’indemnisation des victimes lorsque l'association ne souhaite pas le faire elle-même. Lors des auditions, les représentants des associations de consommateurs nous ont en effet dit craindre ne pouvoir assumer cette charge, soit qu’elles manquent des compétences requises, soit que les frais encourus excèdent leurs possibilités.
M. Damien Abad. L’amendement CE 175 a le même objet. Les associations s’inquiètent de devoir porter le poids de la liquidation des indemnisations pour préjudice. Le recours à un tiers garantira l’impartialité et rendra l’action de groupe plus efficace.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE 397 va dans le même sens. Il permet aux associations de concentrer leur action sur l’action de groupe elle-même.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. L’amendement CE 696 de la commission des lois vise le même objectif. Les auditions ont montré qu’il serait préférable de recueillir l’accord de l’association avant de lui confier la liquidation de la réparation des préjudices. Si le juge décidait que les victimes doivent s’adresser à un mandataire, il le ferait dans l’intérêt des consommateurs lésés, puisque cela signifierait que les associations concernées ne s’estiment pas en état de remplir cette tâche.
M. le rapporteur. L’amendement CE 661 répond aux préoccupations exprimées en précisant que les consommateurs lésés peuvent s’adresser pour la liquidation de la réparation qui leur est due soit au professionnel responsable directement, soit par l’intermédiaire de l’association ou de tiers liquidateurs, dont l’amendement CE 694 de la commission des lois, qui sera examiné sous peu, établira la qualité. Les amendements CE 661 et CE 694 satisfaisant, ensemble, les préoccupations exprimées, j’exprime un avis défavorable sur les amendements CE 312, CE 175, CE 397 et CE 696.
M. le ministre délégué. Avis favorable à l’amendement CE 661 de votre rapporteur et défavorable aux autres amendements.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. L’amendement du rapporteur satisfait notre demande. Je retire l’amendement CE 696.
L’amendement CE 696 est retiré.
M. Damien Abad. Je retire l’amendement CE 175 au bénéfice de l’amendement CE 661 du rapporteur, dont la rédaction répond à mes préoccupations et auquel je m’associe.
L’amendement CE 175 est retiré, de même que les amendements CE 312 et CE 397.
La Commission adopte l’amendement CE 661.
Elle examine ensuite l’amendement de précision CE 695 de la commission des lois.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 406 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Dans le cadre de l’adhésion au groupe, le mandat donné par le consommateur à l’association aux fins d’indemnisation doit également valoir mandat pour recevoir les montants des indemnisations dues par le professionnel à chaque membre du groupe, y compris à la suite d’une médiation.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Il est précisé dans le projet de loi que l’adhésion au groupe vaut mandat aux fins d’indemnisation au profit de l’association. Le juge peut désigner l’association pour recevoir les sommes correspondant au montant de l’indemnisation des consommateurs qui se sont déclarés, à charge pour elle de les redistribuer. Il ne s’agit pas de faire payer au professionnel condamné une somme globale ne tenant pas compte du nombre de consommateurs qui se sont déclarés : la liste des consommateurs devant être indemnisés sera établie. Je préférerais donc que l’on s’en tienne à la rédaction initiale, la précision que vous voulez apporter étant trop restrictive.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
M. Thierry Benoit. Je retire l’amendement.
L’amendement CE 406 est retiré.
La Commission adopte successivement l’amendement de cohérence CE 653 et l’amendement rédactionnel CE 516, tous deux du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE 703 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement vise à permettre au juge d’ordonner, jusqu’à ce que les recours soient épuisés, le versement, sur un compte mis sous séquestre auprès de la Caisse des dépôts et consignations, d’une partie de la somme due par le professionnel pour indemniser les victimes du préjudice à l’origine duquel il se trouve. Ainsi évitera-t-on, en cas de décision contradictoire en appel, de devoir récupérer partout en France les sommes déjà versées au titre de l’indemnisation.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE 694 de la commission des lois.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. L’amendement vise à s’assurer que les tiers auxquels l’association fera appel pour l’assister lors de la phase d’indemnisation des consommateurs appartiennent à une profession judiciaire réglementée. La commission des lois laisse le Gouvernement apprécier s’il ne serait pas judicieux d’adjoindre les experts-comptables à cette liste.
M. le ministre délégué. La liste des professions réglementées appelées à assister les associations de consommateurs dans cette phase sera établie en concertation avec la Chancellerie et les professionnels concernés. Avis favorable.
M. le rapporteur. Avis également favorable, précision étant faite que je suis attaché à ce que nous en restions aux professions judiciaires réglementées.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement CE 654 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement a pour objet d’introduire une procédure d’action de groupe simplifiée pour les contentieux les plus faciles à traiter, ceux pour lesquels les consommateurs lésés sont aisément identifiables et le dommage mesurable sans peine.
M. le ministre délégué. L’institution d’une procédure simplifiée, quand les victimes sont aisément identifiables, est de nature à rendre l’action de groupe encore plus efficace. Le Gouvernement donne un avis favorable à cet excellent amendement.
M. Damien Abad. N’est-ce pas une sorte d’amendement « hara-kiri » que celui-là ? En bref, reconnaissant que la procédure générale que vous voulez mettre en œuvre est bien trop complexe, vous créez une procédure simplifiée avant même que le texte ne soit entré en vigueur ! Venons-en directement à la procédure simplifiée et supprimons tout le reste ! Dans le détail, que faut-il entendre par « consommateurs identifiables » ? Et pourquoi renvoyer à un décret en Conseil d’État une identification qui, normalement, revient au juge ?
Deuxièmement, à quoi bon créer une procédure différente de celle prévue initialement, sans que rien ne les distingue véritablement ? Dans quel cas devra-t-on recourir à l’une ou à l’autre ? Est-ce en fonction de la gravité du préjudice ? Vous indiquez que la procédure d’action simplifiée sera destinée aux contentieux les plus simples. Mais quels sont-ils ?
Troisièmement, pour quelle raison la décision du juge ne serait-elle plus susceptible d’aucun recours ordinaire ? Le dispositif n’est pas clair.
En définitive, en instaurant un peu hâtivement une action de groupe simplifiée, vous reconnaissez implicitement la trop grande complexité de la procédure initiale. Nous ferions mieux de la revoir ensemble en séance publique.
M. le ministre délégué. Vous nous faites, monsieur Abad, un mauvais procès, en particulier au rapporteur. Son amendement est excellent : il distingue les situations simples de celles qui sont plus complexes. Il existe en effet deux cas de figures, selon que l’on connaît ou non le périmètre des personnes concernées. Ainsi, un opérateur téléphonique qui a passé un même contrat avec de nombreux abonnés dispose d’un fichier clients. On connaît alors exactement l’identité des personnes lésées et il n’est pas nécessaire, une fois que la mesure d’indemnisation a été rendue publique, de prévoir un délai pour que les consommateurs puissent adhérer au groupe. En revanche, une entreprise qui commercialise ses produits dans les grandes surfaces ne connaît pas l’identité de ses clients ; on est alors contraint de prévoir un tel délai.
Monsieur Abad, toute procédure qui n’est pas simplifiée n’est pas nécessairement une procédure compliquée ! Il serait d’ailleurs plus exact de parler de procédure accélérée. Peut-être cela lèverait-il vos inquiétudes ?
M. le rapporteur. Il n’est pas exact que la décision du juge n’est susceptible d’aucun recours dans le cadre de la procédure simplifiée. D’autre part, votre raisonnement relève du sophisme, monsieur Abad : nous instaurons une action simplifiée non pas parce que la procédure initiale est trop complexe, mais parce que nous souhaitons éviter que les cas les plus simples soient soumis à toutes les étapes de la procédure de droit commun. Lors des auditions, tant les organisations patronales que les associations de consommateurs ont insisté sur la nécessité d’instaurer une procédure rapide et efficace. Nous tenons compte de ces remarques. Cela étant, vous avez raison : il conviendrait de parler de procédure non pas simplifiée, mais accélérée. S’il en est d’accord, le Gouvernement pourrait rectifier l’amendement en ce sens.
M. Damien Abad. Vous souhaitiez passer d’une procédure complexe à une procédure simplifiée, vous souhaitez maintenant passer d’une procédure lente à une procédure accélérée !
M. le rapporteur. Compte tenu de votre remarque, il me paraît finalement inutile de rectifier l’amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques CE 232 de M. Damien Abad et CE 407 de M. Thierry Benoit.
M. Damien Abad. Cet amendement vise à rappeler que l’action de groupe a pour objet de réparer les seuls préjudices matériels individuels. Il convient de le préciser explicitement.
M. Thierry Benoit. Même argumentation.
M. le ministre délégué. Cette précision est redondante. L’article 1er dispose déjà que l’indemnisation des préjudices est individuelle. Avis défavorable.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CE 693 de la commission des lois.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE 223 de M. Frédéric Barbier et CE 174 de M. Damien Abad.
M. Frédéric Barbier. Cet amendement vise à préciser que la réparation du dommage par l’entreprise peut être effectuée en nature, sous réserve de l’accord des parties. L’action de groupe est en effet susceptible de mette en difficulté l’entreprise en cause. Dans ce cas, l’indemnisation sous la forme d’un service – par exemple, trois mois d’abonnement gratuits – ou d’un bien que produit l’entreprise pourrait être moins préjudiciable à sa santé économique, tout en garantissant le même niveau de dédommagement pour le consommateur.
M. Damien Abad. Je propose un amendement analogue.
M. le ministre délégué. Ces deux amendements sont satisfaits par l’amendement CE 698 du rapporteur pour avis de la commission des lois, adopté précédemment.
Les amendements CE 233 et CE 174 sont retirés.
La Commission en vient à l’amendement CE 408 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Cet amendement vise à préciser que seuls les consommateurs ayant manifesté expressément leur volonté de rejoindre le groupe doivent être indemnisés par le professionnel.
M. le ministre délégué. Cette précision est inutile : les consommateurs visés à l’alinéa 25 de l’article 1er sont ceux qui n’ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés par le jugement rendu au fond. Il ne peut donc s’agir que des consommateurs qui se sont préalablement déclarés selon les modalités fixées par le juge, c’est-à-dire ceux qui font partie du groupe. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 692 de la commission des lois.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement rédactionnel rétablit le singulier afin d’éviter toute confusion : le juge rend un seul jugement sur la responsabilité du professionnel. Il a été défendu ce matin en commission des lois par un membre du groupe UMP.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE 172 de M. Damien Abad.
M. Damien Abad. La médiation est un mode alternatif de règlement des conflits. Cet amendement vise à en rappeler le caractère discrétionnaire : une association de consommateurs peut y recourir « si elle le souhaite », sans que cela constitue un préalable à la saisine du juge.
M. le ministre délégué. Cette précision est inutile. L’alinéa 28 de l’article 1er dispose que l’association « peut » participer à une médiation : c’est donc non pas une obligation, mais une faculté. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CE 409 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Cet amendement revêt une grande importance à mes yeux. Il vise à préciser qu’un processus de médiation pourra être engagé entre les consommateurs ou l’association, d’une part, et le professionnel, d’autre part, à tout moment de la procédure d’action de groupe ou indépendamment de cette procédure. Il convient de pacifier les relations entre les consommateurs et les entreprises.
M. le ministre délégué. Nous partageons cette préoccupation légitime, monsieur Benoit. Cependant, elle est déjà satisfaite : la loi de 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative précise que le recours à la médiation est possible à tout moment jusqu’à ce que la décision du juge soit rendue.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement CE 233 de M. Damien Abad.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE 276 de Mme Pascale Got et CE 691 de la commission des lois.
Mme Pascale Got. Aux termes de cet amendement, le juge fixerait les délais et les modalités selon lesquels les consommateurs s’adressent au professionnel, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une association ou d’un tiers.
M. le ministre délégué. Je vous invite, madame Got, à retirer votre amendement, afin d’approfondir la discussion.
M. le rapporteur. L’amendement pose un problème de coordination : c’est non pas le juge, mais l’accord entre les parties qui doit fixer ces délais et ces modalités. Je vous suggère également, madame Got, de le retirer et de le déposer à nouveau dans le cadre de l’article 88 du règlement.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Mon amendement vise, plus modestement, à préciser que les mesures de publicité de l’accord de médiation sont à la charge du professionnel.
M. le ministre délégué. Avis favorable sur l’amendement CE 691.
L’amendement CE 276 est retiré.
La Commission adopte l’amendement CE 691.
Puis elle adopte l’amendement de clarification CE 655 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 352 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. En l’état actuel du projet de loi, une action de groupe portant sur une atteinte à la concurrence ne pourra être engagée que lorsque toutes les voies de recours devant les autorités ou les juridictions compétentes auront été épuisées. Dans une affaire récente impliquant trois opérateurs de téléphonie, sept ans se sont écoulés avant que la justice ne rende une décision définitive. Ce délai nous paraît trop long. Tel est également l’avis de l’Autorité de la concurrence.
Le texte impose que l’atteinte à la concurrence soit définitivement constatée préalablement à toute action de groupe. Cette disposition constitue une limitation injustifiée. Elle risque d’inciter les professionnels mis en cause à faire durer la procédure et à multiplier les contentieux.
Aux termes de notre amendement, lorsqu’une action de groupe est engagée, le juge devrait simplement surseoir à statuer jusqu’à la décision de l’Autorité de la concurrence, si celle-ci est saisie. Nous reprenons là la proposition numéro 27 du rapport de deux collègues sénateurs, MM. Béteille et Yung.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Il convient d’attendre la décision définitive des autorités ou des juridictions compétentes avant de pouvoir intenter une action de groupe portant sur une atteinte à la concurrence. D’abord, le juge civil n’est pas aujourd’hui le plus au fait des pratiques anticoncurrentielles. Ensuite, il est très difficile aux associations de consommateurs d’apporter la preuve de telles pratiques, compte tenu de leur caractère dissimulé. Enfin, dans le cas où une décision initiale de l’Autorité de la concurrence viendrait à être remise en cause par une décision définitive, l’entreprise serait amenée à se retourner contre les consommateurs et à leur demander le remboursement des indemnités qu’elle leur aurait versé dans un premier temps.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE 517 et CE 518 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement CE 311 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. L’expression « autorités ou juridictions nationales » employée à l’alinéa 33 de l’article 1er est ambiguë. L’Union européenne étant mentionnée précédemment dans la phrase, elle semble renvoyer aux autorités ou juridictions nationales de tous les États membres. Ainsi, avant de pouvoir intenter une action de groupe portant sur une atteinte à la concurrence, il conviendrait d’attendre que les recours soient épuisés dans tous les pays de l’Union. Cela limiterait l’engagement des actions de groupe, au détriment de la réparation des préjudices subis par les consommateurs.
Notre amendement vise à insérer le mot « françaises » après « autorités ou juridictions nationales ».
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Nous souhaitons que l’action de groupe soit engagée sur la base d’une décision définitive d’une autorité ou juridiction compétente en matière de concurrence, qu’elle soit française ou d’un autre État membre. Aucune discrimination ne peut être introduite en fonction de l’origine de la décision.
M. le rapporteur. Il n’y a pas à être choqué par les dispositions actuelles du projet de loi. Il existe aujourd’hui une coordination entre les autorités de la concurrence des États membres, et la Commission européenne s’appuie souvent sur les décisions des autorités nationales. L’autorité de la concurrence française est d’ailleurs souvent considérée comme une référence en la matière.
Il serait contraire aux règles de fonctionnement de l’Union européenne de prévoir que seules les décisions d’une autorité ou d’une juridiction française s’imposent à nous, alors même que les décisions de l’autorité de la concurrence française peuvent concerner des entreprises étrangères, y compris dans leur propre pays.
M. le ministre délégué. Dans l’affaire My Ferry Link, l’autorité de la concurrence britannique a estimé qu’il y avait une atteinte à la concurrence, laquelle pouvait justifier une action de groupe, alors que l’autorité de la concurrence française a conclu en sens inverse. Cet exemple récent montre bien qu’il convient d’attendre qu’une décision définitive soit rendue pour pouvoir intenter une action de groupe.
Mme Jeanine Dubié. Les « autorités ou juridictions nationales » visées à l’alinéa 33 de l’article 1er sont-elles donc bien celles de tous les États membres de l’Union européenne ? Dans ce cas, les procédures risquent d’être très longues !
M. le ministre délégué. Seules les autorités et juridictions compétentes pour un litige donné peuvent être saisies.
M. le rapporteur. Certes, rien n’empêche qu’une autorité de la concurrence d’un autre État membre soit saisie d’une affaire pendante devant l’autorité de la concurrence française. Cependant, en cas de saisines multiples, l’affaire est directement traitée par la Commission européenne. De plus, je le répète : les autorités de la concurrence des États membres se coordonnent. Enfin, chaque autorité nationale respecte des règles de fonctionnement et des délais.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CE 190 de Mme Catherine Vautrin.
Mme Anne Grommerch. Dans le même esprit que le CE 189, cet amendement vise à préciser qu’une action de groupe portant sur une atteinte à la concurrence ne peut être introduite que sur la base de décisions rendues après la promulgation de la loi. Le rapporteur a expliqué que le principe constitutionnel de non-rétroactivité ne s’appliquait qu’en matière pénale. Toutefois, se pose également un problème d’instabilité juridique. Il s’agit en réalité d’un amendement d’appel : il convient de mieux définir le cadre temporel dans lequel les actions de groupes peuvent être engagées.
M. le ministre délégué. Même réponse que sur l’amendement CE 189 : conformément au droit commun, les actions de groupe pourront porter sur toutes les infractions qui ne sont pas prescrites.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
La Commission adopte l’amendement de précision CE 656 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement CE 380 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Cet amendement vise à réduire de cinq à deux ans le délai laissé aux associations de consommateurs pour agir. Il est en effet préférable pour une entreprise déjà sanctionnée par l’Autorité de la concurrence de pouvoir solder dans les meilleurs délais les conséquences des actes qui lui sont reprochés. L’action de groupe est une procédure nouvelle, dont nous connaissons mal les implications. Il convient d’en limiter l’impact financier sur les entreprises, dans une période économique difficile.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Nous avons choisi d’aligner le délai sur celui fixé à l’article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Je comprends le sens de votre amendement, monsieur Benoit, mais il convient de maintenir une prescription quinquennale dans un souci d’équilibre et d’efficacité de la procédure.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CE 690 de la commission des lois.
Elle examine ensuite l’amendement CE 687 de la commission des lois.
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Cet amendement vise à accélérer les procédures d’action de groupe portant sur les atteintes à la concurrence : le juge pourra ordonner l’exécution provisoire des mesures de publicité sans attendre que son jugement soit définitif. La responsabilité de l’entreprise étant déjà établie par une décision définitive d’une autorité de la concurrence, une telle publicité ne nuira pas à la réputation de l’entreprise.
M. le ministre délégué. C’est un amendement important. Avis favorable.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE 519 et CE 520 rectifié du rapporteur.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements de précision CE 657 du rapporteur et CE 689 de la commission des lois.
La Commission adopte l’amendement CE 657.
En conséquence, l’amendement CE 689 tombe.
Puis elle adopte successivement les amendements de précision rédactionnelle CE 658, CE 521, CE 659, CE 660 du rapporteur et CE 688 de la commission des lois.
Enfin, la Commission adopte l’article 1ermodifié.
La Commission examine l’amendement CE 286 de M. Michel Lefait portant article additionnel après l’article 1er.
Mme Frédérique Massat. Cet amendement tend à permettre à l’Autorité de la concurrence de prendre en compte, au moment de la détermination de l’amende qu’elle infligera au professionnel, la réparation du préjudice subi par les entreprises. Il s’agit non pas d’ouvrir l’action de groupe aux PME et TPE, mais de prendre en considération la situation des petites PME, des PMI et des artisans qui subissent les effets d’ententes et les abus de position dominante.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Avis défavorable. Cette mission ne relève pas des compétences de l’Autorité de la concurrence définies par le législateur. Celle-ci serait en effet amenée à rendre obligatoire un engagement d’indemnisation des victimes et d’en contrôler la bonne exécution. Cela reviendrait à dénaturer la procédure d’engagement devant cette autorité, qui ne vise qu’à rétablir le fonctionnement de la concurrence sur le marché.
M. le rapporteur. Certaines organisations patronales ont fait valoir le risque d’une forme de double peine entre l’amende de l’Autorité de la concurrence, puis l’action de groupe.
Or, il y a là une confusion : au titre de l’article L. 464-2 du code du commerce, lorsque cette autorité fixe son amende, elle le fait en tant que dommage à l’économie – y compris en termes de perte de compétitivité, d’innovation ou de productivité, dont le consommateur n’a pu bénéficier du fait de l’entente –, et non au titre de la réparation du préjudice, comme dans le cadre de l’action de groupe. Donc avis défavorable.
Mme Frédérique Massat. Au vu de ces explications, je retire l’amendement.
L’amendement CE 286 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 460 de M. Jean-Louis Roumegas portant article additionnel après l’article 1er.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement tend à permettre à toute association représentative agréée d’obtenir, devant les juridictions civiles, réparation de préjudices individuels ou collectifs subis par des personnes en raison d’atteintes à l’environnement ou à la santé publique résultant directement des activités économiques. Il y aurait une rupture du principe d’égalité si la réparation du préjudice était limitée à la consommation purement matérielle.
M. le ministre. Avis défavorable. Nous essayons de garder une cohérence entre le périmètre de l’action de groupe et le champ des associations ayant la qualité pour agir, c’est-à-dire les associations de consommateurs.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme Michèle Bonneton. Je retire l’amendement.
L’amendement CE 460 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CE 73 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, portant article additionnel après l’article 1er.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis au nom de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement concerne aussi l’extension de l’action de groupe. La logique retenue par le Gouvernement est de n’envisager ici que les actions réparant les préjudices pour les consommateurs en cas d’entorse au droit de la consommation ou de la concurrence. Si le Gouvernement tient ses promesses, l’action de groupe devrait être étendue à la santé publique dans un autre texte prévu au début de 2014 : nous souhaitons qu’un engagement similaire soit pris pour les préjudices subis par l’environnement en raison des activités économiques. Cette extension n’est pas un simple point de procédure ; c’est un enjeu de société : nos citoyens doivent être considérés non seulement comme des consommateurs, mais aussi comme des agents économiques devant avoir un droit de regard et de saisine collective des tribunaux quand leur santé, leur cadre de vie ou leur environnement sont en danger. Une collectivité doit savoir poser des limites au tout économique, faute de quoi on risque de se trouver confronté à des tragédies comme celles de Minamata ou de Bhopal, ou à des meubles ou jouets importés de Chine revêtus d’une substance toxique. Si le Gouvernement a certes le droit de centrer son projet de loi sur la consommation, nous avons celui de rappeler qu’économie et écologie sont liées.
Le souhait de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est d’obtenir du Gouvernement une meilleure visibilité de l’extension de l’action de groupe aux préjudices environnementaux. Quel véhicule législatif et quelle méthode de travail pourraient être utilisés à cette fin ?
M. le ministre. Je comprends parfaitement, monsieur Bricout, la préoccupation de votre commission. Mais, pour avoir un retour d’expérience sur la mise en œuvre de l’action de groupe, un an ne suffira pas. Je suis donc défavorable à l’amendement. Cela n’empêchera pas pour autant de réfléchir avec le rapporteur et vous-même sur les conditions dans lesquelles on peut imaginer, dans le cadre d’autres textes de loi, une extension du champ d’application de l’action de groupe aux questions environnementales.
M. le rapporteur. Je présenterai un amendement demandant un rapport au Gouvernement dans un délai de quatre ans, celui d’un an étant en effet insuffisant.
Par ailleurs, il est de notre rôle d’obtenir, avant l’examen en séance publique, des éléments et des engagements précis, de la part du Gouvernement, sur la vocation de l’action de groupe à terme dans le domaine de l’environnement, puisque de tels engagements ont déjà été pris dans celui de la santé.
Je vous propose donc, monsieur Bricout, de cosigner mon amendement.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Je retire l’amendement.
L’amendement CE 73 est retiré.
L’amendement CE 452 de M. Jean-Louis Roumegas est également retiré.
(article L. 211-15 [nouveau] et L. 532-2 du code de l’organisation judiciaire)
Désignation de tribunaux spécialisés pour traiter des actions de groupe
et application dans le temps de la nouvelle réglementation
Le I (alinéas 1 et 2) complète la sous-section 2 (« Compétence particulière à certains tribunaux de grande instance ») de la section 1 (« Compétence matérielle ») du chapitre Ier (« Institution et compétence ») du Titre Ier (« Le tribunal de grande instance ») du Livre II (« Juridictions du premier degré ») du code de l’organisation judiciaire par un nouvel article L. 211-15 qui attribue à des tribunaux de grande instance spécialement désignés le contentieux des actions de groupe.
La spécialisation de certaines juridictions, au regard notamment de la technicité du domaine abordé, n’est pas nouvelle. Il s’agit par exemple :
– des tribunaux de grande instance chargés de connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de brevets d’invention, de certificats d’utilité, de certificats complémentaires de protection, de topographie de produits semi-conducteurs, d’obtentions végétales, d’indications géographiques et de marques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle (article L. 211-10 du code de l’organisation judiciaire) ;
– des tribunaux de grande instance qui connaissent des actions et demandes en matière de dessins ou modèles communautaires, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle (article L. 211-11-1) ;
– des tribunaux de grande instance qui connaissent des actions engagées sur le fondement des dispositions des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d’enfants (article L. 211-12).
L’avantage à confier ainsi certains contentieux spécifiques à des tribunaux (généralement de grande instance) est double. Non seulement cela évite tout éparpillement sur le territoire, ce qui nuirait à l’exercice de l’action de groupe dont l’engagement ne peut être effectué que par des associations agréées au niveau national, mais cela permettra également aux juridictions désignées de développer une véritable expertise tant sur le fond que sur la forme et la procédure que requiert ce type d’actions.
Compte tenu du fait que le domaine des pratiques anticoncurrentielles pourrait servir de secteur de prédilection pour le lancement d’actions de groupe, on peut ainsi hasarder un parallèle avec ce qui existe déjà en la matière. L’article L. 420-7 du code de commerce prévoit en effet une spécialisation des juridictions de droit commun (tribunaux de grande instance et tribunaux de commerce) dans ce domaine. Ainsi, depuis le 1er janvier 2006 (articles R. 420-3 et R. 420-4 du code de commerce), huit tribunaux de grande instance et huit tribunaux de commerce (Marseille, Bordeaux, Lille, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes) bénéficient d’une compétence exclusive en matière de pratiques anticoncurrentielles. En appel, en revanche, la cour d’appel de Paris est seule compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions rendues sur les litiges relatifs à l’application du droit de la concurrence (articles L. 420-7 et R. 420-5 du code de commerce)
Une solution similaire devrait ainsi être trouvée à l’égard du contentieux des actions de groupe.
Le III de l’article 2 précise l’application dans le temps de l’action de groupe en matière de concurrence.
Si la loi s’applique immédiatement en tant qu’il s’agit d’une loi de procédure, le III pose une exception en ce qui concerne l’action de groupe en matière de concurrence. Ainsi, il est prévu que de telles actions ne puissent être introduites pour la réparation des préjudices causés par des manquements au droit de la concurrence qui auraient fait l’objet d’une décision définitive intervenue avant la date de la publication de la présente loi.
*
* *
L’amendement rédactionnel CE 522 du rapporteur est retiré.
La Commission examine deux amendements identiques CE 234 de M. Damien Abad et CE 410 de M. Thierry Benoit.
M. Damien Abad. Monsieur le ministre, pourrons-nous, comme nous vous l’avons déjà demandé hier, avoir accès à l’avis du Conseil d’État ?
Ces amendements tendent à encadrer l’application des actions de groupe dans le temps en matière de consommation, de sorte que cela ne porte que sur les contrats conclus et les manquements à des obligations légales survenus postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. En l’état actuel du texte, un tel encadrement n’est en effet prévu que pour les litiges en matière de concurrence, et non de consommation.
M. Thierry Benoit. Ces amendements visent à éviter toute source de litige, à clarifier le droit et à encourager les fournisseurs de service et autres fabricants et constructeurs à améliorer leurs prestations.
M. le ministre. Je vous ferai la même réponse qu’à Mme Grommerch hier, qui a déposé deux amendements en ce sens. Il s’agit d’une règle de procédure qui ne change rien aux obligations légales et contractuelles des professionnels. Nous considérons donc aujourd’hui que les actions de groupe peuvent être déclenchées dès lors que les faits ne sont pas prescrits, ce qui correspond au droit commun.
M. le rapporteur. Cette dérogation majeure au droit commun ne se justifie pas. Vous avez d’ailleurs invoqué hier l’argument constitutionnel selon lequel la rétroactivité ne valait que pour le pénal. Donc avis défavorable.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient à l’amendement CE 686 de la commission des lois.
M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement tend à faire coïncider les délais de prescription des actions individuelles et des actions de groupe, afin d’avoir le même point de départ pour la computation de ces délais.
M. le ministre. Avis favorable.
M. le rapporteur. Même avis.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE 255 de Mme Pascale Got.
Mme Pascale Got. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement au plus tard dans les quatre ans suivant l’entrée en vigueur de la loi pour en tirer un premier bilan, l’évaluer et prévoir le cas échéant les aménagements nécessaires.
M. le ministre. Avis favorable.
M. le rapporteur. J’ai cosigné l’amendement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
La Commission est saisie de l’amendement CE 240 de M. Daniel Fasquelle portant article additionnel après l’article 2.
M. Daniel Fasquelle. Comme Damien Abad, je souhaiterais que nous puissions avoir accès à l’avis du Conseil d’État.
M. le président François Brottes. Je crois que le ministre vous a répondu.
M. Daniel Fasquelle. Non, il ne l’a pas fait.
Les actions de groupe s’appliquent au droit de la concurrence. Or les victimes peuvent être des consommateurs, mais aussi des entreprises, notamment des petites. D’ailleurs, un grand nombre de pays ont ouvert ces actions à celles-ci. Cet amendement, sans bousculer l’équilibre du projet de loi, tend à demander au Gouvernement un rapport permettant d’étudier sérieusement cette possibilité.
M. le ministre. Rendre public l’avis du Conseil d’État suppose une décision du Premier ministre ; je ne manquerai pas de vous faire connaître rapidement sa position. Cela dit, votre demande n’est pas illégitime, d’autant que cet avis permettra d’enrichir le débat.
Quant à la question du rapport proposé par votre amendement, j’y ai déjà répondu et j’estime qu’elle est réglée. Donc avis défavorable.
M. le rapporteur. L’amendement est déjà en partie satisfait. S’agissant de la prise en compte des entreprises, nous avons eu ce débat hier au sujet du champ d’application des actions de groupe.
La Commission rejette l’amendement.
AMÉLIORER L’INFORMATION ET RENFORCER LES DROITS CONTRACTUELS DES CONSOMMATEURS
Définition du consommateur et informations précontractuelles
La Commission examine l’amendement CE 434 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement tend à compléter l’intitulé du chapitre II par les mots « et favoriser l’allongement de la durée de vie des produits ». En effet, ce chapitre apporte des améliorations en termes d’information et renforce les droits contractuels des consommateurs. Il s’agit de prendre en compte l’impact de la consommation sur les ressources naturelles et la durée de vie des produits. Les enjeux sont multiples : donner le choix au consommateur entre le renouvellement du produit et la réparation ; soutenir le secteur de la réparation des biens ; allonger la durée de vie des produits ; développer l’économie circulaire. Cela est nécessaire au vu du dérèglement climatique et des ressources limitées de notre planète, ainsi que pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, par le biais de l’allongement de la durée de vie des produits. Nous vous proposerons plusieurs amendements en ce sens.
M. le ministre. Avis défavorable. Je comprends cette intention, qui est parfaitement louable et partagée par le Gouvernement en ce qui concerne notamment la réparabilité des biens – en particulier d’équipement –, mais j’estime que ce n’est pas dans le cadre de ce chapitre que ces questions se posent principalement.
M. le rapporteur. Même avis sur la forme. Sur le fond, un amendement de M. Bricout fait en sorte que nous prenions en compte cette exigence, notamment au travers de l’économie circulaire.
Mme Michèle Bonneton. Je vous remercie d’approuver cette intention, mais dans quel chapitre ces mesures devraient-elles figurer ? Je ne sais si l’amendement de M. Bricout porte sur ce chapitre, mais si tel était le cas, il conviendrait de modifier le titre de celui-ci.
M. le rapporteur. Les questions de garanties et de durées légales sont abordées dans ce chapitre ; il n’y en a donc pas d’autre où nous pourrions faire la modification que vous demandez. Mais il ne traite pas de la durée de vie des produits. Nous souhaitons prendre en compte à un autre endroit du texte l’exigence qui est la vôtre d’inscrire la réflexion sur ce point – et ce, au travers d’un amendement de M. Bricout au nom de la Commission du développement durable, notamment au sujet de l’économie circulaire.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE 244 de M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle. Il s’agit d’un amendement autour duquel nous pourrions tous nous retrouver, puisque nous avions adopté une disposition similaire à l’unanimité dans le cadre du projet de loi présenté par M. Frédéric Lefebvre sur le sujet, sous le précédent gouvernement. Il concerne le tarif social pour l’accès à l’internet haut débit. S’il existe un tel tarif pour le téléphone, il ne donne pas accès à internet. Or on sait qu’aujourd’hui, la plupart des téléphones permettent cet accès. Ce tarif n’est d’ailleurs utilisé que par 20 % de ceux qui pourraient potentiellement en bénéficier.
L’accès à internet est devenu essentiel, que ce soit pour la recherche d’emploi, ou pour l’accès à l’information des citoyens ou aux services de santé. L’amendement tend donc à permettre à tous les opérateurs de proposer une offre sociale spécifique pour les foyers les plus modestes, qui pourront ainsi accéder à internet dans des conditions attractives. Elle sera prévue dans le cadre d’une convention entre l’État et les fournisseurs de services de communication électronique, après avis de l’Autorité de la concurrence.
M. le ministre. Dans son avis de juin 2011, l’Autorité de la concurrence a déconseillé cette méthode de notification préalable des projets au fil de l’eau. Mais elle a fourni aux pouvoirs publics des éléments d’analyse très précis sur la compatibilité de cette offre sociale avec les règles de la concurrence. C’est sur cette base que France Télécom a pu développer une telle offre dans le cadre d’une convention avec l’État. Compte tenu de ces évolutions, nous estimons que le dispositif que vous proposez n’a pas d’utilité et qu’il aurait en outre l’inconvénient d’imposer une lourde procédure de notification à l’Autorité de la concurrence. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Je partage la préoccupation de M. Fasquelle. Mais elle pourra être l’occasion de nous rassembler dans le cadre de l’examen du projet de loi sur le numérique. Donc avis défavorable.
Cela dit, on a constaté que les tarifs réglementés, qui ne sont pas spécifiques au haut débit, sont parfois plus élevés que ceux proposés par le marché.
M. Alain Suguenot. Il est important que nous puissions disposer d’éléments permettant de passer des conventions. Le but est surtout de donner la possibilité à tous les opérateurs de proposer des offres sociales spécifiques avec les mêmes règles de concurrence. Si l’on se contentait d’attendre un nouveau texte pour ce faire, on permettrait à certains de prendre toutes les parts de marché.
Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser votre pensée ? J’ai compris que vous disiez que cette préoccupation était satisfaite : or, dans la pratique, il n’y a pas de véritable tarif social d’accès à internet. Si l’on attendait 2014 pour adopter cette disposition, ce serait autant de temps pendant lequel les Français seraient privés de ce droit – dont la mise en place, en outre, ne serait pas immédiate. De surcroît, nous avons adopté un amendement similaire il y a plus d’un an et avons donc déjà perdu beaucoup de temps !
M. le président François Brottes. Monsieur Fasquelle, avez-vous eu l’avis de l’Autorité de la concurrence sur ce sujet ?
M. Daniel Fasquelle. Je constate qu’il existe déjà un tarif social pour le téléphone : si mon amendement soulève une difficulté technique, levons-la ! Je suis sûr que vous serez en mesure, monsieur le ministre, de nous faire une contre-proposition d’ici à l’examen en séance publique.
Peut-on accepter qu’il y ait aujourd’hui deux catégories de Français : ceux qui ont accès à l’information offerte par internet et ceux qui ne l’ont pas ? Cela n’est pas possible.
Dans le cadre du projet de loi présenté par M. Frédéric Lefebvre sous le précédent gouvernement, nous avions accepté beaucoup d’amendements de l’opposition, au point que celle-ci s’était abstenue sur le texte !
M. le président François Brottes. Il n’a jamais été promulgué !
M. Daniel Fasquelle. Oui, mais nous étions d’accord sur la disposition. Ce qui était valable avant les dernières élections législatives devient tout à coup impossible ! Il est trop facile de dire que c’est techniquement compliqué ou qu’on va le prévoir dans un autre projet de loi, pour une fois de plus refuser un amendement de l’opposition ! Cela est d’autant plus regrettable que les sujets de consommation sont pour partie consensuels. Je déplore cette attitude systématique de fermeture de la part du ministre et du rapporteur.
Mme Anne Grommerch. Je partage l’avis de Daniel Fasquelle. Il ne devrait pas y avoir de clivage politique sur ce sujet. On ne peut pas balayer cette proposition d’un revers de main ou la reporter à un texte qui ne sera débattu que dans un an. Comment fait aujourd’hui un demandeur d’emploi qui cherche un travail s’il n’a pas accès à ce vecteur essentiel qu’est internet ?
Mme Corinne Erhel. Nous sommes tous en faveur d’un tarif social pour internet, mais nous nous heurtons à une difficulté technique, liée aux offres de gros dans le cadre du dégroupage et à l’impossibilité pour les opérateurs alternatifs de s’aligner. Le problème avait déjà été soulevé dans le cadre du projet de loi renforçant la protection des consommateurs.
M. le ministre. Votre réponse pour permettre l’accès de tous à internet est-elle la bonne ? Non. Nous considérons que la procédure de notification préalable à l’Autorité de la concurrence, en alourdissant considérablement les conditions de mise en œuvre d’un tarif social, n’aboutirait pas au résultat recherché.
Je vous propose donc, en guise d’ouverture, de travailler avec votre groupe à trouver des solutions en attendant le projet de loi sur le numérique prévu pour 2014, en vue d’un objectif que nous partageons tous.
Mme Laure de La Raudière. Dommage, car le projet de loi ne sera pas examiné avant 2014. Autrement dit, entre l’annonce faite aux Français en 2012 et la réalité du tarif social d’internet, il se sera écoulé au moins deux ans, et même davantage.
Le tarif social, madame Erhel, peut être envisagé indépendamment du dégroupage des lignes par les opérateurs.
Mme Catherine Vautrin. La crise frappe tout le monde et le ministre nous propose un texte pour renforcer le pouvoir d’achat des consommateurs. La part des communications dans le budget des ménages augmente année après année. Sans doute le texte voté l’année dernière, et qui n’a pas été promulgué, présentait-il des insuffisances, mais Mme Pellerin nous a annoncé hier que le prochain ne viendrait pas avant le premier semestre 2014, voire le deuxième. Il ne serait vraiment pas responsable de notre part de nous contenter de convenir avec vous qu’il s’agit d’un vrai problème et d’attendre !
M. Daniel Fasquelle. L’amendement sur le tarif social a été adopté à l’unanimité en 2012. Et M. Brottes avait alors dit que « l’offre sociale lui tenait particulièrement à cœur », et qu’il souhaitait que l’on fasse pour internet ce que l’on avait fait pour la téléphonie mobile !
M. le président François Brottes. Je le reconnais, mais je rappelle que le champ des tarifs réglementés ne concerne que le téléphone fixe, le reste étant soumis à la concurrence libre et non faussée.
Cet amendement est flou, car il ne précise pas si l’avis de l’Autorité de la concurrence est seulement consultatif, et si le tarif s’impose à des fournisseurs d’accès étrangers. L’opposition n’ayant pas à se préoccuper de l’exécution des textes, elle manque parfois de rigueur. Mais, dans un souci de compromis, je propose de demander au Gouvernement un rapport sur la faisabilité du tarif social, pour disposer d’éléments techniques au moment de l’examen du projet de loi sur le numérique.
M. Daniel Fasquelle. La consommation est forcément un domaine transversal et, avec un raisonnement comme le vôtre, on peut vider de toute substance un texte qui n’en a déjà pas beaucoup. Internet est aussi un outil de consommation. Or, certains Français ont la chance de pouvoir acheter sur internet, et d’autres en sont privés. Je maintiens donc un amendement qui avait été voté à l’unanimité, et je suis impatient de voir ceux qui vont voter contre après avoir voté pour il y a quelques mois. Si difficulté technique il y a, alors adoptons l’amendement aujourd’hui et retravaillons-le d’ici à la séance. Il s’agit tout de même d’un sujet sur lequel nous nous retrouvons.
M. le rapporteur. Je n’ai pas eu l’arrogance hier de rechercher des citations à propos de l’action de groupe, des garanties précontractuelles ou du délai de rétractation. Le faire n’aurait pas amélioré le climat de nos débats.
Nous avons fait un choix puisque nous avons voulu mettre en place les tarifs sociaux de l’énergie dans le cadre d’un texte sur l’énergie. À vouloir faire des textes fourre-tout, on passe à côté de la réalité, et on fait des offres supérieures aux prix du marché. Et si vous aviez été vraiment attachés au tarif social, rien ne vous aurait empêchés d’accélérer la procédure.
Mme Catherine Vautrin. Notre objectif à tous doit être d’apporter des réponses concrètes à nos concitoyens. En faisant le choix de travailler domaine par domaine, la majorité risque d’aboutir à des contradictions ponctuelles. Le président, dont nous louons l’esprit de concorde, nous propose une solution – un rapport – qui était déjà celle de l’ancien secrétaire d’État, redevenu notre collègue, et je ne suis pas sûr qu’il veuille aboutir au même résultat.
M. Daniel Fasquelle. La différence, monsieur le rapporteur, c’est que, sur les autres sujets, il y avait des avis divergents au sein même des groupes. Quand une disposition est votée à l’unanimité, c’est qu’elle est jugée utile par tous. Indépendamment du fait que le projet de loi Lefebvre n’est pas arrivé à son terme à cause du calendrier parlementaire, il est regrettable de se dédire à quelques mois d’intervalle.
M. le président François Brottes. La vraie discrimination, c’est l’accès ou non au haut débit.
La Commission rejette l’amendement CE 244.
(article préliminaire [nouveau] dans le code de la consommation)
Le présent article vise à définir clairement la notion de consommateur en droit français en en faisant un article préliminaire au sein du code de la consommation.
Un des paradoxes du code de la consommation est, à ce jour, de ne comporter aucune définition claire du consommateur.
Tour à tour qualifié dans le code de la consommation de « client » (article L. 121-25), d’« acheteur » (article L. 211-15) voire d’« acheteur agissant en qualité de consommateur » (article L. 211-3), d’« emprunteur » (article L. 312-21), le consommateur demeure encore aujourd’hui une notion sujette à controverses et source d’ambiguïtés.
Comme souvent en pareil cas, il est donc revenu à la jurisprudence de combler les lacunes textuelles.
Ainsi, en France la Cour de cassation a également eu l’occasion, à plusieurs reprises, de définir ce qu’il convenait d’entendre par « consommateur ». Tout d’abord, elle a très clairement affirmé que « seules les personnes physiques peuvent être considérées comme des consommateurs au sens des dispositions du code de la consommation » (26), excluant de ce fait les personnes morales alors que tel n’avait pas toujours été le sens de sa jurisprudence, la Cour de cassation ayant par le passé assimilé au consommateur « le professionnel qui, bien qu’agissant pour les besoins de sa profession, contracte en dehors du cadre des compétences générales nécessaires à la conduite de son commerce et dans un domaine de technicité à l’égard duquel il devient un simple consommateur profane » (27). Pour autant, la Cour de cassation n’a jamais donné de définition générale et définitive du « consommateur », recourant même parfois à des qualificatifs de nature à brouiller une définition d’ores et déjà floue : ainsi, que doit-on entendre par « consommateur d’attention moyenne », « consommateur moyen » ou l’assimilation faite entre non professionnels et consommateurs ? (28).
Par la suite, le Conseil national de la consommation a également eu l’occasion de définir le consommateur comme étant une « personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de [son] activité professionnelle » (29).
À l’image des précisions effectuées au plan national, la Cour de justice des communautés européennes a eu l’occasion d’énoncer que le consommateur, au sens de la directive 93/13/CEE du Conseil (directive du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs), désignait « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle » (30).
Dans le même temps, plusieurs directives communautaires ont adopté des définitions qui, au fil des années, ont fini par être convergentes, le consommateur pouvant finalement être défini comme « toute personne physique qui (…) agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle » (31).
Dans un souci de parfaite convergence avec le droit communautaire, le présent article propose donc de définir le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
Loin de vouloir innover, cette définition est au contraire une reprise pure et simple de la définition du consommateur telle qu’elle figure à l’article 2-1 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011.
En transposant cette disposition en droit national, le présent article répond aux prescriptions de l’article 28 de la directive 2011/83/CE aux termes desquels cette transposition doit intervenir avant le 13 décembre 2013, permettant ainsi une entrée en vigueur de ses dispositions à partir du 13 juin 2014.
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La Commission adopte l’article 3 sans modification.
La Commission est saisie de l’amendement CE 64 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, portant article additionnel après l’article 3.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à sensibiliser le consommateur, en l’informant mieux, aux émissions de CO2 du transport aérien. De nombreuses compagnies ont déjà entamé une telle démarche, parfois en raison du premier alinéa de l’article L. 1431-3 du code des transports qui exige que la quantité de dioxyde de carbone émise à l’occasion d’un voyage soit communiquée à la clientèle. L’amendement prévoit la possibilité pour les transporteurs d’une compensation sur une base volontaire.
Comme nos travaux en commission ont mis en évidence les difficultés techniques et le coût d’une telle disposition, je propose de rectifier l’amendement pour préciser que c’est sur le contrat accompagnant le billet que devra figurer l’ensemble des informations environnementales. Il faudrait ainsi remplacer les mots : « le support servant à assurer cette prestation » par les mots : « le contrat de vente accompagnant le billet ».
M. le ministre. Les modalités d’information sur les émissions de dioxyde de carbone à l’occasion d’une prestation de transport ont été définies par voie réglementaire dans le décret 2011-1336 du 24 octobre 2011 prévoyant une information « sur tout support approprié », qui deviendra obligatoire à partir du 1er octobre 2013. D’où l’avis défavorable du Gouvernement.
M. le rapporteur. Avis défavorable également.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. L’amendement prévoit une information complémentaire sur les éventuelles actions de compensation engagées par les compagnies.
M. le ministre. Le Gouvernement préfère s’en tenir au décret.
M. le rapporteur. Monsieur Bricout, en vertu de l’arrêté du 10 avril 2012, l’information est disponible sur les sites de l’aviation civile et du ministère de l’intérieur.
La Commission rejette l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE 74 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. L’amendement propose une expérimentation en grandeur nature de l’économie de fonctionnalité. Le Gouvernement en délimiterait les contours en fixant, par décret, une liste de produits pour lesquels existerait un double prix, d’acquisition et d’usage. De cette façon, on pourrait vérifier si l’économie de fonctionnalité peut devenir une réalité.
M. le ministre. Avis défavorable. Premièrement, la définition du prix d’usage n’est pas une mince affaire. Deuxièmement, un double affichage serait une source de confusion pour le consommateur. La réflexion amorcée par la commission du développement durable et le groupe écologiste sur la valeur d’usage et l’économie de la fonctionnalité est utile, mais des mesures à ce stade seraient prématurées. On pourrait avant la séance réfléchir à la façon de poursuivre la réflexion sur ces questions.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Nous n’imposons aucune contrainte, puisqu’il s’agit seulement de dresser une liste avec le Conseil national de la consommation, puis d’expérimenter, pour montrer que de nouveaux marchés sont en train d’émerger et inciter nos entreprises à s’y engager. Cette voie est de nature à réconcilier économie et écologie.
M. le rapporteur. Les auditions nous ont permis de rencontrer des acteurs de l’économie circulaire et de la fonctionnalité, et, pour la première fois, d’en parler à l’occasion d’un texte. Une première étape pourrait consister à élaborer un rapport sur le sujet, puis à éclairer la notion de prix d’usage avant la séance, pour faire avancer les choses.
À ce stade, je suis défavorable à l’amendement, mais nous avons été convaincus par les parlementaires et les organisations qu’il y a là un gisement de croissance, de compétitivité et une piste pour la transition énergétique.
Mme Michèle Bonneton. Notre groupe soutient le principe de l’amendement, dans la mesure où il vaut mieux privilégier l’usage d’un bien ou d’un service plutôt que son achat. L’économie de fonctionnalité existe depuis longtemps, certains usagers préférant par exemple louer une voiture plutôt que l’acheter. Les fabricants de pneus tendent aussi à devenir des prêteurs de pneus, en facturant l’usage du pneu au kilomètre parcouru. Acheter un service plutôt qu’un bien permet d’économiser les ressources naturelles.
Mme Catherine Vautrin. Comment détermine-t-on le prix d’usage ?
Mme Laure de La Raudière. Pour un lave-linge, par exemple, il varierait selon la composition de la famille, le nombre de lessives que l’on fait par semaine et le niveau de remplissage de la machine ?
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Le prix, y compris celui de la machine à laver, serait fixé par l’entreprise. On resterait dans le cadre de l’économie de marché. C’est la raison pour laquelle nous préconisons, à des fins d’expérimentation, d’établir une liste de produits dont l’usage est quantifiable. Cette liste serait dressée en collaboration avec les distributeurs, les fabricants et les consommateurs. Une telle démarche pourrait influer sur les comportements d’achat, et éviter le recours au crédit à la consommation. En outre, les entreprises qui, comme les fabricants de photocopieurs, adoptent ce type d’approche, recyclent plus leurs produits.
M. le rapporteur. On s’écarte un peu de l’objet du projet de loi, mais, pour évaluer la valeur d’usage, il existe au moins une méthode comptable, reconnue par les règles de comptabilité internationales, fondée sur l’amortissement qui est fonction de l’utilisation des équipements. L’économie de fonctionnalité est déjà une réalité et elle est rentable. Il ne s’agit pas d’un concept utopique, mais il faut y travailler.
M. Bernard Gérard. Existe-t-il des exemples à l’étranger ?
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Pas besoin d’aller très loin : Vélib’ et Autolib’ à Paris.
Mme Laure de La Raudière. S’il s’agit d’activités rentables, elles ont vocation à se développer, mais Vélib’ et Autolib’ coûtent au contribuable parisien. Ce sont des services offerts à la population. Il y a une nuance.
M. le président François Brottes. Je ne vois pas très bien la différence avec le leasing.
M. le rapporteur. Michelin, sur certains créneaux, ne vend plus ses pneus. Ils sont consignés, et le client les rapporte pour qu’ils soient recyclés.
M. Daniel Fasquelle. On proposerait deux prix, mais le consommateur aurait- il le choix ?
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Il s’agirait seulement d’une incitation, pour pousser à des comportements vertueux. La vente d’usage modifie la conception des produits, incite au recyclage. Et il s’agit d’économie non délocalisable.
M. François Sauvadet. Qu’est-ce qui empêche de le faire aujourd’hui ? Je crains qu’une telle expérimentation, au moment même où l’on cherche à simplifier l’information des consommateurs, ne nous éloigne de l’objectif.
M. le ministre. D’expérience, le double affichage des prix est une source de confusion pour le consommateur.
La Commission rejette l’amendement CE 74.
Puis elle examine l’amendement CE 435 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à définir l’obsolescence programmée dans le code de la consommation, pour sanctionner les fabricants qui y recourent délibérément, au détriment du consommateur qui devrait être mieux informé. Ce faisant, on rétablirait une certaine confiance entre les acteurs. Par ailleurs, il s’agit de réduire les déchets, et de moins solliciter les ressources naturelles. À l’enjeu environnemental s’ajoute un enjeu économique : pour notre balance commerciale d’abord, en limitant l’importation de biens de mauvaise qualité ; et pour le consommateur ensuite, qui n’aurait pas à racheter aussi rapidement ses équipements. Il s’agit d’une proposition de loi du sénateur Jean-Vincent Placé dont plusieurs députés SRC ont repris certaines dispositions en commission du développement durable.
M. le ministre. Avis défavorable, mais cela mérite explication. L’obsolescence programmée n’est pas une vue de l’esprit – le cartel Phoebus aux États-Unis l’a montré. On en distingue trois types.
Quand un professionnel programme délibérément la fin de vie d’un équipement, sans que le consommateur soit averti, l’intention de tromper est caractérisée et tombe déjà sous le coup du délit de tromperie économique sur la qualité substantielle des biens.
Les deux autres types d’obsolescence programmée sont beaucoup plus difficiles à appréhender. En effet, les cycles d’innovation technologique rendent un équipement rapidement obsolète, mais créent simultanément de la valeur, de la croissance et des emplois. Enfin, les campagnes de publicité et le marketing induisent parfois une impression subjective d’obsolescence qui ne correspond pas toujours à la réalité.
Le débat sur cet enjeu a été ouvert au Sénat à l’occasion d’une proposition de loi du groupe écologiste. À mes yeux, la création d’un délit d’obsolescence programmée – dont vous proposez au demeurant une définition trop restrictive – ne se justifie pas. Les dispositions existantes permettent déjà de lutter contre ces pratiques, et ce projet de loi les renforce en encourageant la réparabilité des biens d’équipement. En effet, les professionnels seront désormais obligés non seulement d’informer les consommateurs sur le temps de disponibilité des pièces détachées, mais également de les leur fournir durant cette période. Cette mesure – que je souhaite voir largement soutenue – évitera de remplacer un produit importé de Corée par un autre produit de même origine en permettant de développer une filière de la réparation en France. Cette industrie s’ancre pour une large partie dans le champ de l’économie sociale et solidaire et permet de ramener à l’emploi, au titre de l’insertion par l’activité économique, des personnes durablement écartées du marché du travail.
Le délit correspondant à la définition restrictive de l’obsolescence programmée que vous proposez est déjà sanctionné en tant que tromperie sur la qualité substantielle des biens. Votre proposition d’insérer cette notion dans le code de la consommation n’égale donc pas, à ce stade, l’importance de l’enjeu. Avis défavorable.
M. Alain Suguenot. Une autre forme d’obsolescence programmée relève de l’abus des normes, parfois lié aux efforts des lobbies. Un produit qui ne correspond pas aux normes ne peut plus être vendu ; s’il ne s’agit certes pas d’un nouveau délit, certaines décisions juridiques créent de l’obsolescence programmée pour des raisons strictement normatives.
M. Jean-Jacques Cottel. Comme l’a mentionné Mme Bonneton, j’avais déposé un amendement qui visait à définir la notion d’obsolescence programmée et à l’inscrire dans le code de la consommation en tant que pratique trompeuse. Je l’ai néanmoins retiré, la discussion m’ayant convaincu de la nécessité de conduire une étude d’impact approfondie afin de préciser la portée de cette notion selon la nature des produits et d’évaluer l’effet du marketing et de la mode. Par ailleurs, exiger la fiabilité des produits revient à promouvoir les entreprises françaises, et encourager la réparation crée des emplois non délocalisables.
Mme Michèle Bonneton. Les prises de parole donnent la mesure de l’importance du sujet. Monsieur le ministre, où trouver une meilleure définition de l’obsolescence programmée ? Cette question sera-t-elle traitée de façon exhaustive, notamment par le biais d’une étude d’impact ? Pourrons-nous un jour la traduire dans notre législation ?
Il faut sans doute envisager une modulation des amendes ; votre avis sur cette question peut nous être utile.
Cependant, la fin de l’obsolescence programmée n’empêchera pas les objets de tomber pas en panne, et la réparation restera nécessaire. Ces deux réalités ne sont en rien antinomiques.
M. François Sauvadet. Je comprends la préoccupation de notre collègue, mais la complexité du sujet – il existe une obsolescence liée au marketing, au goût, à l’usage – exige la constitution d’une mission d’information parlementaire, afin d’approfondir la question et de fixer des contours normatifs adéquats. N’oublions pas que l’évolution d’un produit génère aussi de la valeur ajoutée.
Les filières de réparation sont d’une importance capitale pour éviter qu’un produit ne soit jeté dès qu’il tombe en panne. Elles constituent surtout, par ces temps de grande précarité, un formidable moyen d’insertion. Dans mon département de la Côte d’Or, des magasins proposent désormais des objets réparés d’une grande qualité, qui retrouvent ainsi une nouvelle vie. Cet acte de consommation s’adresse à l’ensemble des foyers et en particulier aux plus modestes. Il faut par conséquent garantir le développement de la filière de réparation et créer des outils pour contrôler les obligations législatives.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. La commission du développement durable estime également qu’il faut préciser la définition de l’obsolescence programmée. Les enjeux en matière d’emplois et d’économie sociale et solidaire justifient la création d’une mission d’information et l’organisation d’une étude d’impact ; j’appelle le Gouvernement à se saisir de cette question.
M. le président François Brottes. La commission du développement durable peut créer une mission d’information en son sein ; le Gouvernement peut également mener une réflexion de son côté, l’un n’empêchant pas l’autre.
M. le ministre. Certains professionnels affirment que 80 % des produits qui leur sont ramenés sont réparés sur place ; c’est notamment le cas de Seb qui en fait aujourd’hui un argument commercial, tout en créant de nombreux emplois dans cette filière de réparation. La plupart des professionnels développeront sans nul doute ce type de services, car le consommateur y voit aujourd’hui un plus.
Contrôler la réalité et la durée de la disponibilité des pièces détachées – variable selon la filière – représente une tâche importante qui sera confiée aux agents de la Concurrence, consommation, répression des fraudes (CCRF). En tout état de cause, cette loi obligera pour la première fois les professionnels à fournir les pièces détachées.
Je laisse cependant au Parlement le soin d’organiser une mission d’information, même si le ministère du développement durable pourrait travailler en lien avec les parlementaires. La notion d’obsolescence programmée doit être approfondie, tant ce sujet revient souvent, à la fois au Sénat et à l’Assemblée nationale.
M. le rapporteur. Avis défavorable. L’annonce de la durée de disponibilité des pièces détachées et l’engagement à les fournir durant cette période – qui éviteront le mensonge et la contrefaçon – constituent de grandes avancées en matière de réparabilité des biens.
La Commission rejette l’amendement CE 435.
(articles L. 111-1 à L. 111-5, L. 113-3 et L. 113-3-1 [nouveau]
du code de la consommation)
Obligation générale d’information du consommateur
Poursuivant la transposition de certaines dispositions de la directive communautaire 2011/83/CE, le présent article vise à imposer à la charge du professionnel une obligation générale d’information du consommateur sur les lieux de vente.
En l’état actuel du droit, l’information du consommateur est définie par deux articles du code de la consommation. Toujours prescrite avant la conclusion du contrat passé avec le consommateur et même avant l’exécution de la prestation de services si, en l’espèce, il n’existe aucun contrat, elle diffère selon que le professionnel auquel s’adresse le consommateur est « vendeur de biens » (article L. 111-1) ou « prestataire de services » (article L. 111-2).
Ainsi, dans le premier cas, l’information porte sur « les caractéristiques essentielles du bien » (article L. 111-1-I) sans que cette obligation ne soit davantage affinée, le fabricant ou l’importateur de biens meubles devant également être en mesure de renseigner le consommateur sur l’état de disponibilité sur le marché des « pièces indispensables à l’utilisation des biens » (article L. 111-1-II). Dans le second cas en revanche, en ce qui concerne les prestations de services, cette obligation porte également sur « les caractéristiques essentielles » du service (article L. 111-2-I) mais celle-ci est, par la suite, minutieusement détaillée en treize différents alinéas.
Pour autant, dans un cas comme dans l’autre, il appartient en tout état de cause au professionnel de prouver, notamment en cas de litige, qu’il a effectivement satisfait à son obligation d’information (cf respectivement articles L. 111-1-III et L. 111-2-V)
En l’espèce, l’article 4 établit une obligation générale d’information qui s’avère être identique cette fois-ci, qu’il s’agisse de vente de bien ou de prestation de service.
Le professionnel (sans que l’on sache d’ailleurs précisément si l’obligation pèse sur le fabricant, l’importateur ou le vendeur) est désormais tenu non plus, comme l’énonçait par exemple l’article L. 111-1 du code de la consommation, de seulement « mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien » mais de « fournir d’une manière claire et compréhensible au consommateur » un certain nombre d’informations détaillées dans la suite de l’article (principales caractéristiques du bien ou du service, identité du professionnel, prix du bien ou du service…).
L’article L. 111-2 nouveau (alinéas 10 et 11) est relatif, pour sa part, non pas aux informations que le professionnel doit obligatoirement donner au consommateur préalablement à tout acte d’achat mais aux informations complémentaires qui peuvent être à sa charge dans le cadre d’un contrat de prestation de services ou, de manière plus générale, à tout contrat lorsque celui-ci n’est pas écrit. Le second alinéa de cet article tempère immédiatement l’obligation générale posée au premier alinéa, en précisant notamment que les services visés aux livres Ier à III et au Titre V du Livre V du code monétaire et financier, ni aux opérations pratiquées par les entreprises régies par le code des assurances, des mutuelles et des unions régies par le Livre II du code de la Mutualité, ne sont pas concernés par la présente obligation.
Le nouvel article L. 111-3 (alinéas 12 et 13) impose, pour sa part, une double responsabilité :
– d’une part, le fabricant ou l’importateur doit informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces détachées nécessaires au bon fonctionnement du bien acheté seront disponibles sur le marché ;
– d’autre part, le vendeur doit non seulement porter cette information à la connaissance de l’acheteur lors de l’achat du bien, mais également fournir aux consommateurs les pièces détachées en question qui s’avèreraient indispensables à l’utilisation des biens vendus.
Ces diverses obligations revêtent une particulière importance puisque, aux termes tant de l’article L. 111-4 que de l’article L. 111-5 nouveaux, le fait de ne pas s’acquitter de ces obligations en matière d’informations peut être sanctionné par une amende administrative pouvant atteindre 3 000 € pour une personne physique ou 15 000 € pour une personne morale.
Enfin, le III de l’article (alinéas 19 à 22) dispose que, lorsque le prix d’un bien ou d’un service ne peut être calculé à l’avance, le professionnel doit fournir au professionnel tous éléments utiles permettant de le calculer.
Tout en approuvant les différentes obligations énoncées au profit du consommateur, votre rapporteur s’est longuement interrogé sur les alinéas 12 et 13 du présent article.
S’il peut en effet apparaître logique que l’obligation relative à l’information concernant la disponibilité des pièces permettant de faire fonctionner un bien incombe au fabricant ou à l’importateur, qui a effectivement seul la maîtrise de l’amont du cycle du produit, il est en revanche extrêmement lourd de faire peser sur le seul vendeur l’obligation de fournir au client les pièces que ce dernier peut lui demander. Pour des raisons tenant tant au travail de chacun qu’à des problèmes logistiques (on n’imagine guère les vendeurs, notamment chez les détaillants, détenir des caisses entières de pièces détachées pour parer à toute demande), il semble nécessaire de redéfinir les responsabilités de chacun.
En effet, si c’est bien au vendeur d’informer le consommateur, sur la base des renseignements que lui aura donné l’importateur ou le fabricant du bien vendu, de la période pendant laquelle les pièces détachées nécessaires à l’utilisation du bien seront disponibles sur le marché, aux yeux de votre rapporteur, c’est en revanche au fabricant ou à l’importateur de fournir de manière effective les pièces qui pourraient être nécessaires pour réparer le bien.
Votre rapporteur souhaite à ce titre présenter un amendement de rédaction globale des alinéas 12 et 13 en vue de la séance publique.
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La Commission adopte l’amendement de précision CE 523 du rapporteur.
Puis elle examine les amendements identiques CE 111 de Mme Laure de La Raudière, CE 178 de M. Damien Abad et CE 381 de M. Thierry Benoit.
Mme Laure de La Raudière. Cet amendement a été cosigné de plusieurs de mes collègues dont les noms n’ont pas pu être affichés en raison d’un problème informatique. J’ai déposé plusieurs amendements à l’article 4 qui visent tous à rétablir la rédaction initiale de la directive européenne du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs. Pourquoi durcir dans la loi française la réglementation européenne ? En quoi ce qui est bon pour l’Allemagne ou pour l’Angleterre serait-il mauvais pour la France ? Ajouter le mot « lisible » à l’alinéa 4 impose de rédiger un alinéa 10 qui spécifie les obligations en matière de fourniture de services qui excluent le contrat écrit. On impose ainsi des contraintes supplémentaires aux entreprises, alors que l’objectif de simplification exigerait de se contenter de traduire dans notre loi les directives européennes sans les durcir.
M. Damien Abad. En effet, l’article 4 participe du choc de complexification ! Pourquoi faire de l’excès de zèle alors qu’il suffit de transposer la directive européenne ? Après le mot « professionnel », l’amendement vise à rédiger ainsi la fin de l’alinéa 4 : « fournit au consommateur les informations suivantes, d’une manière claire et compréhensible, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte : ». Cette formulation permettrait de moduler non seulement le contenu, mais également les supports de l’information : au lieu du seul écrit, les professionnels pourraient utiliser toutes techniques de communication à disposition, comme la vidéo. J’espère que cet amendement de bon sens recueillera l’assentiment du rapporteur et du ministre.
M. Thierry Benoit. Conformément à notre position dans la discussion générale sur ce texte, le groupe UDI souhaite qu’en matière de dispositions européennes, le projet de loi se borne à une stricte transposition, pour des raisons d’harmonisation et de simplification, autant que de maîtrise des coûts pour les entreprises et les fabricants. Notre Commission a déjà commis l’imprudence de rendre le texte rétroactif en matière d’action de groupe, créant un risque de litiges. S’agissant de l’article 4, la directive européenne laisse aux professionnels toute latitude dans le choix des moyens adaptés pour communiquer l’information, dès lors que celle-ci est « claire et compréhensible ». De grâce, monsieur le ministre, suivez le Président de la République dans sa volonté de simplification – pour les consommateurs, les vendeurs, les fabricants et les constructeurs.
M. le ministre. Monsieur Benoit, l’expression « pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte » vous paraît-elle simple à interpréter ? A priori, toutes les entreprises bien intentionnées cherchent à satisfaire aux obligations légales en matière d’information précontractuelle ; mais cette formule créerait une forme d’insécurité juridique, source potentielle d’innombrables contentieux pour les entreprises. Souhaitant éviter d’alourdir les conditions d’application de cette loi, le Gouvernement a choisi d’enlever cette partie de la directive – que l’on peut d’ailleurs insérer à un autre endroit –, s’écartant de la transposition littérale. Nous visons bien la simplification, mais ces quelques mots ajouteraient beaucoup de complexité.
M. le rapporteur. Nous devrions considérer la proposition du ministre de prendre en compte le contexte ailleurs que là où l’on traite de l’« obligation générale d’information précontractuelle ». En effet, c’est ainsi que le texte de loi choisit de transcrire le titre de l’article 5 de la directive, qui mentionne les « obligations d’information concernant les contrats autres que les contrats à distance ou hors établissement ». Cette modification relativise d’ailleurs la portée de l’amendement.
Pour autant, de nombreux parlementaires de différentes sensibilités s’interrogent sur la responsabilité que l’article 4 fait peser sur le vendeur. Si pour le moment je suis l’avis défavorable du ministre, je tiens à souligner que la notion de contexte peut aussi renvoyer à cette responsabilité, le vendeur n’étant pas forcément la grande distribution – c’est parfois un détaillant.
M. Damien Abad. Je rejoins les propos du rapporteur. Monsieur le ministre, la marge d’action que la directive européenne laisse aux professionnels ne doit pas être interprétée comme de l’insécurité juridique. Elle offre simplement aux professionnels – au-delà des grands distributeurs, il faut penser aux petits détaillants – une souplesse dans la manière de communiquer l’information, alors que la France leur impose obligatoirement une information écrite. La formule que nous avons choisie n’est peut-être pas la meilleure, mais si vous êtes d’accord avec le principe, on peut retravailler l’amendement pour le déposer en séance.
M. Thierry Benoit. Rendre l’information lisible, claire et simple relève de l’intérêt même du professionnel, mais on doit laisser celui-ci choisir la manière de s’y prendre. Il faut sortir du climat de suspicion pour revenir à un a priori favorable à l’endroit des professionnels, au lieu de les obliger à surcharger leurs étiquettes – déjà riches en renseignements – de détails dignes d’un texte législatif.
Mme Laure de La Raudière. Les professionnels auditionnés, surpris que l’on ne se borne pas à transcrire la directive européenne dans la loi française, ont remarqué que durcir sans cesse la réglementation européenne au moyen de contraintes supplémentaires dégradait toujours plus la compétitivité de nos entreprises. N’allons pas imaginer que nos réglementations peuvent être meilleures que les directives européennes !
M. le président François Brottes. Nous nous égarons dans un faux débat. La formule « pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte » représente un nid à contentieux, et sa suppression protège nos entreprises. La conserver donnerait en effet à chacun le pouvoir de contester les informations portées sur l’étiquette. Le Gouvernement souhaite simplifier les choses et éviter à nos entreprises des recours abusifs.
M. le ministre. Sur cette partie de la directive, relative aux informations précontractuelles, nous procédons à une harmonisation minimale – et non maximale –, ce qui justifie les modifications. Je sais d’expérience qu’un dirigeant d’entreprise a besoin non de textes susceptibles d’être interprétés, mais d’un cadre stable et durable – éternelle revendication de toutes les fédérations professionnelles. Or si des consommateurs considèrent que certaines entreprises ne satisfont pas aux obligations légales d’information précontractuelle, les juristes du mouvement consumériste ne manqueront pas de se saisir de cette formulation pour l’interpréter au détriment des entreprises. Nous voulons éviter cette source de contentieux. On peut en revanche reprendre cette phrase à l’alinéa 8 du même article.
Les directives européennes ne constituent pas toujours des exemples de simplicité ; c’est pourquoi nous essayons, dans le cadre de l’harmonisation minimale, de clarifier les dispositions que la Commission a adoptées avec l’intention louable de légiférer en matière d’information précontractuelle.
M. Thierry Benoit. Ce débat illustre le mal qui ronge la France – et peut-être aussi l’Europe, voire le monde entier – où tout est désormais abordé par le prisme de la justice, des tribunaux et du contentieux. Or nous souhaitons que ce texte sur la consommation puisse apaiser et pacifier les relations entre différents acteurs en abordant toutes les questions par le prisme de la médiation, de la compréhension mutuelle et de la confiance.
Monsieur le ministre, vous semblez partager notre préoccupation ; essayons de trouver un compromis. On mourra de cette approche qui ne connaît que tribunaux et cabinets d’avocat. Responsabilisons les acteurs !
M. le président François Brottes. Le texte parle bien d’une communication « lisible et compréhensible » du professionnel. Le débat porte non sur la clarté ou la lisibilité de l’information, mais sur la prise en compte du contexte, qui est un nid à contentieux potentiels. Ne réécrivons pas dans les amendements ce qui se trouve déjà dans l’article !
M. Damien Abad. Vous avez raison. Mais sur quel support cette information claire et intelligible devra-t-elle être fournie ? La France impose-t-elle aux professionnels une information écrite ou bien leur laisse-t-elle une latitude d’action, comme le permet la directive européenne ?
M. le président François Brottes. Parfois, en examinant les amendements, on oublie de consulter le projet de loi. Le texte impose bien de communiquer « de manière lisible et compréhensible » ; on ne débat donc que de ce qui suit.
M. François Sauvadet. Dans un monde en constante évolution, une directive a pour vocation de fixer des règles favorisant une approche commune dans l’espace européen. Puisque nous recherchons en permanence les voies de l’harmonisation, pourquoi ne vous contentez-vous pas de transcrire dans la loi française les termes de la directive ?
M. le ministre. L’harmonisation minimale concerne les textes qui doivent être adaptés aux réalités de chaque pays et de sa législation. La Commission ne prévoit pas cette possibilité uniquement pour donner aux parlementaires nationaux le plaisir de croire qu’ils gardent le pouvoir de changer les choses dans leur pays ; elle le fait parce qu’elle comprend le besoin de s’écarter parfois des termes exacts des textes européens.
Nous recherchons tous un cadre juridique stable, clair et compréhensible qui permette aux consommateurs de bénéficier de l’information précontractuelle, et aux professionnels d’être protégés.
Monsieur Benoit, vous nous reprochez d’ouvrir la voie à une juridiciarisation de la vie économique. Ce n’est pas mon but, mais, dès lors qu’il existe du contentieux, il faut permettre aux chefs d’entreprise comme aux consommateurs de se garantir. À cet égard, l’écrit est essentiel. Dans le grand marché intérieur qu’elle a construit, l’Europe a privilégié les droits des consommateurs, que protègent des associations agréées, promptes à débusquer les défauts des entreprises. Cette activité juridique intense n’a pas vocation à décroître. Je me fonde sur les faits, sans méfiance de principe à l’égard de l’entreprise.
Éventuellement, nous pouvons retravailler sur ces questions en trouvant, à l’alinéa 8, une rédaction qui satisfasse les exigences de tous. Notre premier objectif, comme le vôtre, est d’instaurer une situation de confiance entre les consommateurs et les entreprises, en les dissuadant de tricher.
Mme Catherine Vautrin. Concrètement, nous sommes d’accord sur le fait que l’entreprise doit informer le consommateur, ce qui la protège. Restent le coût et la complexité de la mesure. Nous entendons votre volonté de récrire l’amendement. Certes, il faut restaurer la confiance entre les consommateurs et l’entreprise, mais je vous engage à ménager aussi la confiance entre les entreprises et les élus, en évitant un surcroît de juridisme.
M. Alain Suguenot. La mention « pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte » ne simplifiera pas les choses, j’en conviens, mais l’exigence de l’écrit n’apporte pas de sécurité juridique supplémentaire. Si l’on veut assurer un traitement égal à tous les consommateurs, les contraintes seront sans limite. Pourquoi ne pas prévoir un message en braille à l’attention des non-voyants ? En outre, l’exigence de l’écrit n’aura pas le même coût pour une multinationale et pour un artisan ou un petit commerçant, qu’il nous appartient de défendre. La rédaction de la directive européenne, qui réclame une indication « claire et compréhensible », me semble préférable.
M. Thierry Benoit. Compte tenu de la proposition du ministre, je retire l’amendement CE 381. Nous devons rechercher des voies de convergence dans un souci de simplification et de maîtrise des coûts pour l’entreprise.
M. le président François Brottes. Les amendements CE 111 et CE 178 sont-ils également retirés ?
Mme Laure de La Raudière et M. Damien Abad. Oui.
Les amendements CE 111, CE 178 et CE 381 sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE 524 et CE 525 du rapporteur.
Elle examine ensuite l’amendement CE 62 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à créer chez les consommateurs un réflexe vertueux. Pour les conduire à effectuer des achats intelligents, il faut les informer sur les éléments recyclables du produit qu’ils acquièrent. On peut même imaginer dans ce domaine une échelle de valeur comparable à celle qui se pratique en matière de performance énergétique.
M. le ministre. Avis défavorable. L’article L. 541-10-5 du code de l’environnement impose de mettre en place une information harmonisée sur les consignes de tri visant les produits recyclables, dans le cadre d’un dispositif de responsabilité élargie des producteurs. Celui-ci entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2015, après parution d’un décret du Conseil d’État. L’information portera sur le caractère recyclable des produits, ainsi que sur la filière de recyclage concernée.
M. le rapporteur. Avis défavorable, puisque l’amendement sera satisfait à terme.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Je le retire.
L’amendement CE 62 est retiré.
La Commission en vient aux amendements identiques CE 108 de Mme Laure de La Raudière et CE 382 de M. Thierry Benoit.
Mme Laure de La Raudière. Les dispositions de l’alinéa 8 ne devraient pas s’appliquer aux contrats qui portent sur des transactions intéressant la vie quotidienne et qui sont exécutés dès leur conclusion. Notre rédaction, plus proche de la directive européenne, évitera que des contraintes superflues soient imposées aux entreprises.
M. Thierry Benoit. Dans la continuité de l’amendement CE 381, l’amendement CE 382 vise à reprendre la dispense autorisée par la directive. On dispensera ainsi les commerçants qui interviennent sur les marchés de nouvelles obligations.
M. le ministre. Je suggère le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Toutes les informations précontractuelles sont essentielles. Les consommateurs doivent pouvoir acheter un produit en connaissance de cause, c’est-à-dire au vu de son prix et de ses caractéristiques principales. J’ajoute que le professionnel peut adapter l’information à la nature du produit.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Cela dit, avant la séance publique, il faudra trouver une solution claire et compréhensible par tous, car il n’est pas possible de soumettre le commerce de proximité aux mêmes obligations que les autres acteurs économiques. Le Gouvernement, qui s’est dit ouvert, devra à la fois transposer la directive, garantir que les obligations précontractuelles seront fortes et lisibles par tout le tissu économique – associations de consommateurs et consommateurs compris – et protéger le commerce de détail et de proximité. Ces préoccupations, qui seront évoquées dans le rapport, pourront être résolues à un seul endroit du texte.
M. le président François Brottes. J’avoue que la portée normative des « transactions intéressant la vie quotidienne » m’échappe quelque peu.
Mme Laure de La Raudière. Autant j’ai compris la nécessité de retirer l’amendement CE 111 pour le retravailler, autant j’hésite sur celui-ci. C’est donnant-donnant, monsieur le ministre. Je propose donc à nos collègues de la majorité de voter nos amendements, en laissant au rapporteur le soin de les récrire avant l’examen du texte en séance – il a toute latitude pour le faire. En attendant, nous aurons adressé aux commerçants de détail un geste favorable.
M. le ministre. Quand le Gouvernement entend vos arguments et vous propose de retravailler la rédaction d’un amendement pour les prendre en compte, c’est déjà du donnant-donnant ! Dans les faits, tous les boulangers affichent déjà dans leur magasin le prix du pain, sans qu’une directive européenne leur impose de le faire, preuve qu’ils ont la volonté d’offrir aux clients une information indispensable. Plus vous voterez des amendements complexes, plus ils risqueront d’être retoqués.
M. le président François Brottes. Les deux amendements sont en somme des amendements de complexité !
M. le rapporteur. À mon sens, la rédaction doit concerner le vendeur plus que la nature du bien ou le contexte. Je vous ferai une proposition d’amendement et nous en débattrons avant son dépôt – démarche qui relève non du marchandage, mais du désir de construire le texte avec vous.
M. le président François Brottes. Compte tenu de cette proposition, les auteurs des amendements CE 108 et CE 382 acceptent-ils de les retirer ?
Mme Laure de La Raudière. Oui, moyennant leur réécriture.
M. Thierry Benoit. Même position.
Les amendements CE 108 et CE 382 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE 526 du rapporteur.
Elle examine l’amendement CE 61 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. La politique de transition énergétique, dont votre Commission s’est longuement occupée à l’automne dernier, passe non seulement par la substitution des énergies fossiles aux énergies renouvelables, mais par une maîtrise de la consommation. Dans ce domaine, toute action visant à sensibiliser les consommateurs me semble bienvenue.
M. le ministre. Avis favorable, puisque l’information favorisera une utilisation responsable de l’énergie et de l’eau.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme Catherine Vautrin. Monsieur le président, vous qui êtes si attaché à cette notion, pouvez-vous nous expliquer en quoi l’amendement est normatif ?
M. le président François Brottes. Je ne suis pas le Gouvernement! Au reste, il m’arrive de partager vos interrogations.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE 527 et CE 528 du rapporteur.
La Commission examine l’amendement CE 115 de Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière. L’amendement vise à supprimer l’obligation faite au commerçant d’indiquer à l’acheteur la période durant laquelle les pièces détachées d’un bien seront disponibles. Sait-on combien coûteraient à l’entreprise la gestion des stocks de pièces détachées, ainsi que le contrat qu’elle devra passer avec ses fournisseurs pour respecter la mesure ?
M. le ministre. Avis défavorable. La disposition que vous voulez supprimer garantit la réparabilité des produits, du moins si le consommateur dispose d’une bonne information et peut trouver dans l’entreprise des pièces détachées. Le fabricant est déjà tenu d’indiquer au distributeur la période de disponibilité des pièces. L’information sera ensuite communiquée au consommateur par le vendeur qui, pendant la période considérée, devra mettre lesdites pièces à la disposition du consommateur. La mesure est sous-tendue par l’obligation de garantie légale de conformité, qui impose au vendeur de répondre des défauts des produits pendant deux ans et, en cas de besoin, de les réparer ou les remplacer.
En ce qui concerne le coût de mise en œuvre, nous étudions en ce moment la réalité des bénéfices que dégagent les entreprises. Celles qui se sont engagées dans la voie de la réparation jugent celle-ci plus rentable que le remplacement.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Contrairement à ce qu’ont cru certains professionnels, nous sommes face à une obligation de moyen et non de résultat. Quand un fabricant propose de prolonger la garantie au-delà de la durée légale, qui est de vingt-quatre mois, il doit mettre les pièces à la disposition du vendeur, qui devra lui-même pouvoir les proposer au consommateur.
Sur l’alinéa 13, j’ai déposé un amendement visant à clarifier les obligations du vendeur. Distinguons nettement ces dispositions de celle de l’alinéa 12, qui porte sur les obligations de moyens.
Les opérateurs les plus compétitifs qui sont installés sur notre territoire, et qui ne cherchent pas à faire du dumping en bradant la qualité des produits, proposent déjà une garantie légale de conformité, mettent des pièces détachées à disposition des clients et offrent la possibilité de monter en gamme pour les offrir plus longtemps. Reste que ces services ne relèvent pas d’une obligation dès lors que l’entreprise ne s’est pas engagée de manière volontaire sur une durée.
La Commission rejette l’amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CE 439 de Mme Michèle Bonneton et CE 63 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Mme Michèle Bonneton. L’amendement CE 439 vise à stimuler le secteur de la réparation, source d’emplois non délocalisables, en assurant pendant dix ans la mise à disposition du consommateur des pièces détachées. Nous allongerons ainsi la durée de vie des produits, tout en évitant de gaspiller les ressources et l’énergie nécessaires pour en fabriquer de nouveaux. L’expérience montrant que, chaque fois qu’on a besoin d’une pièce, il faut la commander, il n’y a pas lieu d’épiloguer sur la question des stocks.
Nous proposons aussi de mettre à disposition des notices de réparation, en vue de favoriser le réemploi ou le recyclage des produits. Pourquoi jeter un produit alors qu’il suffirait de remplacer une pièce pour continuer à s’en servir ?
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. L’amendement CE 63 a été rédigé dans le même esprit. Proposer des pièces détachées n’implique pas nécessairement qu’on en possède un stock. On peut aussi se laisser le temps de les fabriquer. Il est essentiel d’inciter les fabricants à concevoir des produits de meilleure qualité. Les entreprises françaises qui se positionnent sur le créneau de la qualité et de la réparabilité favorisent une activité non délocalisable et diminuent le nombre d’importations.
M. le président François Brottes. La mesure concerne-t-elle aussi les véhicules automobiles ?
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Oui.
M. le ministre. Avis défavorable. Qu’elle porte sur cinq ou dix ans, la mesure recouvre une réalité très différente d’un secteur à l’autre, quand il faudrait prendre en compte des cycles spécifiques d’innovation et de renouvellement. Elle obligerait les professionnels à faire fonctionner pendant des années des chaînes de pièces détachées, même s’ils ont développé de nouvelles gammes de produits. Enfin, son coût élevé se répercuterait nécessairement sur les prix. Les obligations légales en matière de réparabilité et de fourniture de pièces détachées me semblent suffisantes.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme Catherine Vautrin. Une telle proposition, qui a toute l’apparence d’une bonne idée, semble mal venue. Elle augmenterait de 20 % à 50 % le prix des produits. Elle ignore le fait que beaucoup d’entre eux ne sont pas réparables, soit à cause de leur conception soit parce que leur valeur est très faible. Actuellement, la moitié des pièces de rechange mises en stock sont détruites, ce qui n’a rien d’écologique. J’ajoute que les notices de réparation sont souvent confidentielles, afin de préserver le secret industriel, et que certaines réparations exigeant des compétences spécifiques ne peuvent être réalisées par des consommateurs ou des réparateurs non agréés. Enfin, a-t-on évalué le bilan carbone du transport intracommunautaire de pièces de rechange, qui sera décuplé ?
Mme Michèle Bonneton. Je comprends que l’amendement interpelle, dès lors qu’il propose une nouvelle manière de produire et de consommer. Les biens plus durables et de meilleure qualité seront aussi moins variés. C’est donc l’approche générale de la consommation qui est en cause.
Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement CE 439 au bénéfice de l’amendement CE 63 de la Commission du développement durable.
L’amendement CE 439 est retiré.
La Commission rejette l’amendement CE 63.
Elle en vient aux amendements identiques CE 179 de M. Damien Abad et CE 378 de M. Thierry Benoit.
Mme Catherine Vautrin. Dès lors que l’alinéa 12 de l’article 4 vise tous les biens meubles, il faudra fournir des pièces détachées même pour ceux dont la valeur est très faible, comme la carafe filtrante. L’amendement CE 179 propose en conséquence de limiter le champ d’application de la mesure en prévoyant qu’un seuil de valeur minimal sera précisé par décret.
M. Thierry Benoit. La loi doit s’appliquer de manière égale pour tous. Or, selon la nature des biens meubles, les dispositions de l’alinéa 12 poseront aux entreprises des difficultés très diverses en termes de gestion de stock et de coût pour les fabricants. C’est pourquoi nous proposons de l’aménager.
M. le ministre. Avis défavorable. Ces amendements vont à l’encontre de la simplification. Le texte laisse le professionnel libre de fixer lui-même une durée de disponibilité différente selon le type de pièces détachées concernées. On compliquerait considérablement la situation en prévoyant un seuil de valeur déterminé par décret.
Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre, quel sera l’impact des alinéas 12 et 13 sur le prix final des produits ? Je vous ai posé la question et je n’ai pas eu de réponse.
Mme Catherine Vautrin. Notre proposition ne complexifiera rien, monsieur le ministre. La valeur de certains biens est si faible que le stockage des pièces détachées coûte plus cher que le bien lui-même – j’ai cité l’exemple de la carafe à filtre. Nous souhaitons donc qu’un décret détermine le seuil à partir duquel les produits ne seront pas concernés, ce qui contribuera de surcroît à faciliter considérablement la vie des entreprises.
M. Thierry Benoit. J’étais quant à moi partisan de la suppression de l’alinéa 12. Dans la mesure où il n’en a pas été décidé ainsi, je souhaite que le champ d’application de cet alinéa soit limité. En effet, pour des biens de faible valeur, une telle disposition peut mettre en difficulté certains fabricants.
M. le président François Brottes. Un consommable est-il un bien meuble ?
M. le ministre. La loi n’obligera pas tous les fabricants à fournir des pièces détachées ; une telle obligation n’existera que si le distributeur informe le consommateur que des pièces détachées sont disponibles. Mais ce sera au fabricant, selon les biens en question, de décider s’il fournit ces pièces ou non. La définition d’un seuil de valeur est donc inutile. La loi, en revanche, garantit que lorsqu’un professionnel assure fournir les pièces détachées il doit effectivement les fournir. Votre préoccupation est donc satisfaite.
M. Jean-Charles Taugourdeau. L’entreprise paiera des impôts sur le stock de pièces détachées qu’elle sera obligée de conserver puisque ce dernier entre dans son bilan.
Mme Catherine Vautrin. Lorsque l’entreprise assure fournir des pièces détachées, elle se doit de le faire et, dans le cas contraire, elle doit en informer le consommateur. Dans ce dernier cas, elle n’a plus d’obligation. C’est bien cela ?
M. le ministre. L’information, en la matière, constitue un service de plus en plus demandé. Les informations précontractuelles et contractuelles du consommateur mentionnant la disponibilité de pièces disponibles obligeront désormais le professionnel à fournir celles-ci, ce qui rassurera le distributeur vis-à-vis de son client. Je rappelle que le fabricant est libre de s’engager ou non sur tel ou tel type de pièces détachées et qu’il est donc à même de tenir compte du seuil de valeur intéressant pour lui.
M. le président François Brottes. Ce consommable qu’est la cartouche de stylo constitue-t-il un bien meuble ?
M. le rapporteur. Oui.
M. Thierry Benoit. Comment un fabricant de biberons et de tétines de rechange – pour prendre l’exemple figurant dans l’exposé sommaire de l’amendement CE 378 – peut-il interpréter l’alinéa 12 ?
M. le ministre. S’il ne veut pas assurer la fourniture de pièces détachées, il n’aura aucune obligation légale de le faire. À l’inverse, il y sera contraint s’il a fait de cette fourniture un argument de vente.
M. Thierry Benoit. Le fabricant a-t-il une obligation de résultat ?
M. le ministre. Le fabricant sera obligé de fournir les pièces détachées dans le délai qu’il aura indiqué, faute de quoi il y aura tromperie.
M. le rapporteur. La démarche des fabricants demeure volontaire. D’aucuns assurent que ceux d’entre eux qui n’auraient pas mentionné la durée de disponibilité des pièces n’auraient pas d’obligation. Or, le dispositif ne se substitue pas à la mention de la durée de la garantie légale de conformité laquelle, évidemment, perdure.
Il convient également de tenir compte de l’usage des produits par le consommateur. Espérons que n’importe quel parent préfèrera racheter une tétine neuve plutôt que d’avoir recours à une pièce détachée et… recyclée !
Le code de la consommation définit quant à lui très clairement la notion de bien meuble.
Le dispositif que nous proposons favorisera la compétitivité de nos entreprises qui auront à cœur de fournir les durées de disponibilité des pièces, voire, de réparabilité.
Enfin, si ces amendements étaient adoptés, nous nous trouverions confrontés à un problème d’effets de seuil. Avis défavorable.
M. le président François Brottes. D’ici à la deuxième lecture du texte, il sera sans doute utile de définir précisément la notion de bien meuble.
M. Bernard Gérard. Je demeure perplexe quant à l’observation qui a été faite à propos de l’obligation de résultat. Il n’est en effet possible de s’affranchir de celle-ci qu’en cas de force majeure – celle-ci étant appliquée de façon très restrictive par les tribunaux – ou par le fait d’un tiers. Un fabricant ne pouvant s’abstraire de l’obligation de résultat que très difficilement, il convient de bien apprécier la portée et les conséquences de cette notion.
M. le ministre. Si une marque de biberons faisant un argument commercial du fait qu’elle fournira les pièces détachées n’assure pas la fourniture de celles-ci, elle pourra être condamnée pour tromperie car elle avait une obligation de moyen et de résultat.
M. Bernard Gérard. Est-ce un cas de force majeure si le matériau qui avait été utilisé, entre-temps, s’est révélé dangereux ?
Mme Catherine Vautrin. Je retire l’amendement CE 179.
L’amendement CE 179 est retiré.
M. Thierry Benoit. Je retire également l’amendement CE 378 compte tenu de la nécessité de préciser les notions de biens meubles et de consommables.
L’amendement CE 378 est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE 314, CE 315 et CE 313 de Mme Jeanine Dubié, CE 113 de Mme Laure de La Raudière, CE 383 de M. Thierry Benoit et CE 260 de M. Fernand Siré.
Mme Jeanine Dubié. Il convient de garantir l’effectivité de la mise à disposition des pièces détachées afin que le consommateur soit réellement informé de sa durée. En effet, si le prix et les caractéristiques principales d’un produit jouent un rôle essentiel dans l’acte d’achat, il en est de même de cette mention. Les services de contrôle pourraient s’assurer également de manière plus aisée de la délivrance de cette information avant l’achat. Enfin, cela favoriserait l’achat de produits réparables.
Mes amendements visent donc à insérer, à la seconde phrase de l’alinéa 12, après les mots « par le vendeur », les mots : « de manière lisible et à côté du prix » – amendement CE 314 –, ou : « selon les mêmes modalités d’affichage que le prix » – amendement CE 315 –, ou : « de manière lisible » – amendement CE 313.
M. le rapporteur. Avis favorable à l’amendement CE 313 et défavorable aux amendements CE 314 et CE 315. Il importe en effet de tenir le « choc de simplification » en laissant les modalités d’affichage à la libre détermination du vendeur.
Mme Laure de La Raudière. L’amendement CE 113 est défendu.
M. Thierry Benoit. La confirmation par écrit de la durée de la disponibilité des pièces détachées indispensables crée une charge administrative particulièrement lourde et coûteuse pour les commerçants.
Étant donné que cette information peut être déjà portée à la connaissance de l’acquéreur dans la notice accompagnant le produit et le peu d’intérêt qu’elle représente pour la plupart des consommateurs, nous proposons la suppression d’une telle obligation.
M. le rapporteur. Nous sommes comme vous d’autant plus soucieux de ne pas mettre les vendeurs en difficulté qu’ils sont parfois dépendants de certaines marques et peuvent être en butte à des fins de non recevoir.
Néanmoins, la suppression de la fin de la dernière phrase de l’alinéa 12 ne me semble pas à propos. Dès lors que le fabricant a mentionné la durée de disponibilité des pièces et que le vendeur en dispose, l’obligation de la transmettre au consommateur ne doit pas mettre le second en difficulté vis-à-vis du premier.
Avis défavorable, mais je travaille à la rédaction d’un amendement qui sera discuté en séance publique relatif à la fin de cet alinéa, le rapport faisant d’ailleurs déjà état de cette difficulté.
M. Fernand Siré. Une telle précision écrite et systématique constituerait en effet une charge importante pour le vendeur puisqu’il devrait faire des manipulations techniques qui, de plus, ne manqueraient pas de renchérir le coût des produits. En outre, cette mention figure souvent sur l’étiquette fournie par le producteur. C’est donc « à la demande du consommateur » que le vendeur devrait pouvoir l’ajouter.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme Jeanine Dubié. Je retire les amendements CE 314 et CE 315.
Les amendements CE 314 et CE 315 sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CE 313.
Les amendements CE 113, CE 383 et CE 260 sont rejetés.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CE 114 de Mme Laure de La Raudière.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE 259 de M. Fernand Siré et CE 384 de M. Thierry Benoit.
M. Fernand Siré. Je retire l’amendement CE 259 dès lors que le vendeur ne sera pas obligé d’entretenir un stock de pièces détachées.
L’amendement CE 259 est retiré.
M. Thierry Benoit. Je retire également l’amendement CE 384.
L’amendement CE 384 est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques CE 385 de M. Thierry Benoit, CE 109 de Mme Laure de La Raudière et CE 353 de Mme Jeanine Dubié.
M. Thierry Benoit. Le fabricant ou l’importateur doit préciser la durée pendant laquelle les pièces seront disponibles sur le marché. De plus, certaines pièces détachées doivent être disponibles en dehors de toute panne dès lors qu’elles sont indispensables à l’utilisation normale du bien.
À défaut de supprimer ces obligations coûteuses pour les commerçants, je propose de délimiter leur champ d’application en renvoyant à un décret la fixation d’un seuil de valeur au-delà duquel elles s’appliqueraient et/ou les familles de produits concernés.
Comme vous, monsieur le président, monsieur le rapporteur, nous tenons à préciser ce texte. Je serais donc étonné, monsieur Hammadi, si vous rejetiez des amendements qui attestent de notre propre travail de commissaires, à moins que l’on ne soit contraint de suspendre nos travaux et d’attendre vos conclusions !
Mme Jeanine Dubié. Je retire l’amendement CE 353.
L’amendement CE 353 est retiré.
M. le rapporteur. Précisément, nous discutons parce que nous voulons améliorer la protection des consommateurs, favoriser la « montée en gamme » des produits et leur « réparabilité » mais, aussi, pour éviter de mettre en difficulté telle ou telle partie et, notamment, le vendeur. Notre objectif est bien d’œuvrer à la meilleure réécriture possible du texte.
En l’occurrence, outre qu’un arrêté suffirait, je note que l’exposé des motifs de votre amendement mentionne à nouveau la notion de seuil, à laquelle j’oppose une nouvelle fin de non-recevoir. Avis défavorable.
M. le président François Brottes. Quelles sont donc les obligations des vendeurs ? Autant il serait bon de les préciser, autant il me semble inutile de mentionner ce à quoi ils ne sont pas obligés.
M. Daniel Fasquelle. L’article L. 111-3 du code de la consommation concerne selon moi les pièces détachées et non les consommables.
Je m’inquiète de la concentration des obligations pesant sur le vendeur, donc, sur le commerçant et le petit commerçant. Outre que ce dernier devra délivrer des informations avant et au moment de la vente et que cela sera très compliqué dans le cas d’objets de très faible valeur, il devra également entretenir un stock. Or, certains d’entre eux seront incapables de supporter de telles obligations. Il importe donc de retenir certaines préconisations qui ont été faites – notamment par Mme Vautrin – faute de quoi nous allons à la catastrophe.
Mme Catherine Vautrin. Il convient en effet d’obtenir des précisions sur plusieurs points et, tout d’abord, sur le rôle du fabricant qui, s’il garantit de fournir des pièces détachées, doit mentionner une durée ; dans le cas contraire, il convient d’écrire dans la loi qu’il n’a pas d’obligation.
Ensuite, qu’en est-il des obligations du vendeur par rapport à celles du fabricant et du coût des charges supplémentaires induites par le stockage ? À qui incombent ces charges ? Au commerçant-vendeur ou au fabricant ? Les enjeux financiers, pour le petit commerce, sont très importants.
M. Thierry Benoit. Les obligations du fabricant et du vendeur, en l’état, sont confuses et poreuses. Or, nous souhaitons tous que la loi soit claire pour les consommateurs et applicable pour les fabricants et les vendeurs.
J’ajoute que nous n’avons pas résolu la question des coûts et des surcoûts alors que le Président Hollande lui-même a insisté sur la nécessité de les réduire pour les entreprises.
M. le président François Brottes. Je suis quant à moi un adepte du décret afin d’éviter que le législateur ne fasse de bêtise s’il se montre trop bavard.
À qui incombe donc l’obligation de moyen et de résultat, monsieur le rapporteur ? Le vendeur n’a-t-il pas l’obligation de dire qu’il n’a pas l’obligation de fournir des pièces détachées s’il se refuse à le faire ? Nous avons un devoir d’explicitation.
M. le rapporteur. Je partage votre objectif. Les auditions auxquelles nous avons procédé – depuis la Fédération du commerce associé jusqu’à M. Adrien Morel, concessionnaire de magasins Philips à La Croix de Chavaux, à Montreuil – ont montré que nous devons répondre à deux difficultés que je m’appliquerai à résoudre, notamment lors de la discussion du texte dans l’hémicycle.
Tout d’abord, la malhonnêteté d’un fabricant annonçant une durée de disponibilité des pièces qu’il ne pourra pas respecter. Lorsque cette durée aura été spécifiée par écrit, le consommateur se retournera alors contre le vendeur professionnel.
Ensuite, l’abus de dépendance économique : il y a fort à parier que le vendeur sera en difficulté face au consommateur lorsqu’une grande marque ne fournira pas de pièces détachées.
Nous travaillons donc à la responsabilisation du fabricant, l’article L. 111-1 du code de la consommation prévoyant déjà l’obligation d’information du vendeur. La durée de disponibilité des pièces pouvant constituer un outil promotionnel pour le fabricant, nous protégeons le consommateur avec les alinéas 12 et 13 et nous travaillons sur les risques encourus par le vendeur.
Le commerce de détail est suffisamment important pour que nous prenions le temps, en séance publique, de définir un dispositif complet.
M. Daniel Fasquelle. En l’état, les responsabilités reposent sur les seuls vendeurs. L’alinéa 13, en particulier, les contraindra à constituer des stocks. Les vendeurs professionnels devront mettre en place des systèmes complexes et coûteux prouvant qu’ils ont bien informé les consommateurs et ils pourront être mis en cause par ces derniers, à la différence des fabricants. Tout cela est extrêmement dangereux.
M. le président François Brottes. Je vous propose de reprendre cette discussion cet après-midi. M. le ministre pourra alors procéder aux clarifications nécessaires quant aux périmètres des obligations.
Mme Catherine Vautrin. Suite à une modification de l’ordre du jour, l’examen du texte en séance publique commencera-t-il bien le 24 juin ?
M. le président François Brottes. Je vous confirme que la discussion générale commencera bien le 24 juin à dix-huit heures.
M. le président François Brottes. Chers collègues, nous nous sommes arrêtés ce matin alors que nous étions en train d’examiner, en discussion commune, les amendements CE 385 et CE 109 – l’amendement CE 353 de Mme Jeanine Dubié, identique au CE 109, ayant été retiré. Il avait été convenu entre nous de demander, avant de mettre ces amendements aux voix, des éclaircissements au ministre délégué sur les nouvelles obligations introduites par le projet de loi en matière d’information du consommateur et de réparation des produits.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire une rapide synthèse sur le sujet ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. En l’état actuel du droit, le fabricant ou l’importateur de biens a l’obligation d’informer le vendeur de la disponibilité sur le marché des pièces détachées, et le vendeur celle d’informer le consommateur de cette disponibilité avant la conclusion du contrat. Cette double obligation figure dans le code de la consommation, à l’article L. 111-1.
Le présent projet de loi souhaite renforcer ce dispositif, d’une part en formalisant l’obligation d’information incombant au vendeur par un écrit indiquant la durée de disponibilité des pièces détachées, d’autre part en fixant au vendeur une obligation de fournir les pièces détachées pendant la durée indiquée. L’objectif de ces mesures est, d’une part, de valoriser les efforts fournis par certains fabricants en vue d’assurer la réparabilité de leurs produits, d’autre part, de favoriser les produits les plus durables. Il semblerait en outre normal que l’affichage d’une durée de disponibilité des pièces détachées entraîne une obligation de fournir celles-ci ; dans le cas contraire, cela relèverait d’une pratique commerciale trompeuse !
Nous souhaitons ainsi faire progresser l’information du consommateur, tout en améliorant les conditions d’entretien des biens d’équipements et en contribuant à la structuration de la filière, si importante, de la réparation.
M. le rapporteur. Je répète pour ma part que je déposerai en séance un amendement relatif à la responsabilité du vendeur, notamment s’agissant de la confirmation écrite de la disponibilité des pièces détachées, afin que, même s’il est le seul interlocuteur du client, le vendeur ne se trouve pas systématiquement en première ligne ; cela permettra d’adapter le texte aux cas du commerce de détail et du petit commerce de quartier, qui, de toute évidence, ne sont pas sur un pied d’égalité avec la grande distribution pour répondre à la nouvelle obligation.
M. le ministre délégué. Précisons également que le fabricant ne sera pas obligé de fournir des pièces détachées pour tous ses produits : il s’agira d’une démarche volontaire. Mais s’il allègue qu’il peut fournir des pièces détachées, nous l’obligerons à les mettre à la disposition du consommateur pendant la durée indiquée.
M. Daniel Fasquelle. Voilà qui n’est pas simple…
M. le ministre délégué. Si, ça l’est !
M. le président François Brottes. Afin de bien situer le débat, je rappelle que celui-ci s’est engagé au sujet d’amendements visant à ce qu’un décret précise les modalités et conditions d’application de ces nouvelles dispositions.
M. Daniel Fasquelle. Monsieur le ministre délégué, je suis en désaccord avec votre présentation sur deux points.
Vous affirmez que l’obligation d’information du consommateur avant la conclusion du contrat était déjà prévue par la loi. Certes, mais vous ajoutez l’obligation de confirmer cette information par écrit lors de l’achat du bien, ce qui ne manquera pas de soulever des difficultés techniques, notamment pour les biens de faible valeur vendus en grande quantité. L’information devra-t-elle figurer sur le ticket de caisse ? Fera-t-elle l’objet d’un document spécifique ? Cela va introduire des complications, notamment pour les petits commerçants et les commerces de détail !
D’autre part, vous dites que l’obligation pèsera sur les fabricants, mais c’est faux : à l’alinéa 13, il est bien précisé qu’elle pèsera sur le vendeur professionnel – ce qui contraindra celui-ci à constituer des stocks.
J’attire votre attention sur le fait que l’addition de ces deux contraintes déstabilisera un grand nombre de commerces.
Mme Catherine Vautrin. Le III de l’article L. 111-1 du code de la consommation dispose en effet qu’il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté ses obligations. En revanche, il n’apporte aucune précision concernant les moyens de le faire ; en particulier, on n’y trouve pas la notion de confirmation écrite qui apparaît dans le nouveau texte.
En outre, à la lecture du projet de loi, il n’apparaît pas si clairement que le fournisseur n’aurait pas l’obligation de fournir des pièces détachées ; nous avons même présenté un amendement visant à limiter le champ d’application de cette mesure en fonction d’un seuil de valeur du produit ! D’ailleurs, les associations professionnelles ont fait la même lecture que nous.
M. le ministre délégué. Tenir le vendeur pour responsable n’est pas nouveau : c’est d’ores et déjà le cas pour la mise en œuvre de la garantie légale de conformité. Que fait un vendeur qui est confronté à cette situation ? Il engage le cas échéant une action récursoire contre le fabricant. Il en sera de même ici. Dire que nous rajoutons une difficulté, c’est ignorer la réalité de la pratique commerciale ; les consommateurs ne vont jamais trouver directement l’importateur pour se plaindre du mauvais fonctionnement de leur fer à repasser !
D’autre part, si un engagement de mise à disposition d’une pièce détachée a été pris – ce qui donne de facto au produit une valeur ajoutée commerciale –, mais sans avoir été écrit, il est impossible de protéger les parties en présence et de distinguer cet engagement de la décision délibérée d’un autre acteur de ne pas le satisfaire. Demander une confirmation écrite ne posera aucun problème, d’autant que la mise à disposition de pièces détachées reposera sur le volontariat des entreprises : il ne s’agira nullement d’une obligation.
M. le rapporteur. Je crois que nous avons fait le tour de la question. Je me suis engagé à ce que la question de la responsabilité du vendeur soit clarifiée lors de l’examen en séance plénière : ce point est mentionné dans mon rapport et j’ai même repris l’idée de l’amendement de Mme de La Raudière sur la notion d’écrit. Sur ce point, nos positions concordent.
En revanche, des désaccords peuvent subsister sur la philosophie du texte : si le non-respect de la garantie légale est d’ores et déjà opposable par le client au vendeur, le Gouvernement et la majorité souhaitent valoriser la mise à disposition des pièces détachées et la réparabilité des biens ; si un fabricant ou un importateur de biens propose une durée de disponibilité des pièces de zéro jour, il lui faudra le préciser : c’est un parti pris politique, que nous assumons. Mais il y a bien deux niveaux de débat.
M. le président François Brottes. Je crois que les clarifications demandées ont été apportées.
M. Daniel Fasquelle. J’en suis désolé, monsieur le président, mais il subsiste trois points de désaccord.
Premièrement, le ministre délégué dit que le fabricant aura la liberté de choisir de ne pas mettre à disposition des pièces détachées, mais ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte.
Deuxièmement, il affirme que cela ne changera rien en matière de preuve, mais c’est faux : cela change tout puisqu’il faudra désormais une confirmation par écrit. L’article L. 111-1, dans sa rédaction actuelle, prévoit un renversement de la charge de la preuve qui est largement suffisant en termes d’information et de protection du consommateur. Nul besoin d’imposer de nouvelles contraintes bureaucratiques aux entreprises ! Concrètement, comment fera-t-on ? Faudra-t-il remettre un document spécifique à chaque fois que l’on vendra un objet de moins de dix euros qui comprendra des pièces détachées ?
Troisièmement, l’alinéa 13 n’a rien à voir avec l’article L .111-3 du code de la consommation, qui est inclus dans le chapitre Ier intitulé : « Obligation générale d’information » ; il s’agit ici d’une obligation de livrer des pièces détachées. Surtout, il modifie considérablement le droit du refus de vente – ce dont vous vous seriez aperçu s’il avait été placé au bon endroit.
Mme Catherine Vautrin. Où est-il écrit que l’entreprise pourra décider de fournir ou non une pièce détachée ?
M. Thierry Benoit. De ce que je comprends des alinéas 12 et 13, le fabricant qui ne dispose pas de stocks devra l’écrire : convenez que c’est un peu tordu ! Il y a de multiples raisons pour qu’une entreprise ne dispose pas de stocks. Vous auriez pu aboutir au même résultat avec un simple texte incitatif en direction des fabricants. Le problème, c’est que vous voulez faire confirmer par écrit la disponibilité des pièces par le vendeur. Résultat, celui-ci se trouve piégé !
Mme Laure de La Raudière. Ces deux alinéas imposeront aux commerçants de constituer des stocks – même à ceux qui essaient aujourd’hui de satisfaire à leurs obligations grâce à un contrat d’approvisionnement dans les 48 heures. Combien cela leur coûtera-t-il ? Je comprendrais que vous ne puissiez pas me répondre aujourd’hui, mais il serait bon que vous nous donniez cette information avant l’examen en séance plénière.
M. le président François Brottes. Avant de vous donner la parole pour répondre, monsieur le ministre délégué, je précise que nos échanges ont une visée avant tout constructive : il ne s’agit que de clarifier les modalités d’application de la loi.
M. le ministre délégué. Mais je trouve ces questions fort utiles, monsieur le président !
S’agissant du coût, Mme de La Raudière, le vendeur ne sera pas obligé de tout stocker : il pourra demander un délai pour fournir la pièce détachée indispensable à la réparation.
Mme Laure de La Raudière. Il est pourtant précisé que les pièces seront « disponibles » sur le marché.
M. le ministre délégué. Mais que signifie « disponible », madame la députée ? Il faudra bien tenir compte des heures de main-d’œuvre et des délais de livraison ; une pièce d’un fer à repasser ne se remplace pas en quelques minutes ! La question des coûts liés à la constitution d’éventuels stocks me paraît donc marginale.
D’autre part, j’y insiste, il s’agit, non pas d’une contrainte bureaucratique, mais d’un parti pris politique : le Gouvernement souhaite orienter la consommation vers l’achat de biens durables et réparables. Nous voulons modifier les comportements de consommation et les modes de production, non de manière révolutionnaire, mais grâce à une approche mesurée et raisonnable des obligations du vendeur et de l’importateur, en contrôlant que toute allégation de disponibilité des pièces détachées recouvre une capacité réelle à fournir la pièce attendue par le consommateur. En général, vous ignorez pourquoi votre fer à repasser est tombé en panne ; tout ce que vous demandez, en le rapportant au magasin, c’est qu’on vous dise si on peut le réparer et, dans l’affirmative, que cela soit fait assez rapidement ; et si l’on vous demande un délai de 48 heures afin de se procurer la pièce à changer, cela reste acceptable !
M. le rapporteur. Madame Vautrin, monsieur Benoit, vous vous doutez bien que j’ai eu de longs échanges avec l’ensemble des acteurs du secteur – notamment avec les fédérations de petits commerçants et du commerce associé – à propos des alinéas 12 et 13. Les problèmes d’ordre technique relatifs à la « protection » du vendeur ont été identifiés et, je le répète, nous travaillons à les régler. Nous sommes à peu près d’accord sur ce point.
Quant au fond, oui, monsieur Fasquelle, demain le consommateur pourra savoir, quand il achètera un fer à repasser, s’il existe des pièces détachées disponibles sur le marché, et jusqu’à quand. Cela ne signifie pas pour autant que le fournisseur aura l’obligation de fournir des pièces, puisqu’il conservera la liberté de dire que cette disponibilité est nulle – mais le consommateur le saura.
Les alinéas 12 et 13 ont parfaitement leur place dans l’article L. 111-3 du code de la consommation, puisqu’il s’agit bien d’informations précontractuelles ; le refus de vente est mentionné par le code de la consommation, à l’article L. 122-1.
Quant au coût pour les entreprises, je pense qu’il sera inférieur au profit, comme cela s’est vérifié pour toutes celles qui ont d’ores et déjà opté pour la mise en disponibilité des pièces détachées, même au-delà de la durée légale de conformité.
Mme Catherine Vautrin. À quel endroit du texte est-il dit que la mise en disponibilité ou non des pièces relève du libre choix du fabricant ?
M. le rapporteur. À l’alinéa 12, il est précisé : « Le fabricant ou l’importateur de biens meubles doit informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens seront disponibles sur le marché » ; cela peut tout aussi bien être zéro, un an, dix ans ou vingt ans.
Mme Catherine Vautrin. Ce n’est donc pas écrit explicitement.
M. le rapporteur. Si vous le souhaitez, ce sera répété dans l’hémicycle.
M. le président François Brottes. L’examen en séance plénière permettra en effet de clarifier encore bien des choses.
M. le ministre délégué. Les commissaires des groupes UMP et UDI ont pointé ce qui leur paraissait manquer de clarté. Nous avons pour notre part essayé d’expliquer la volonté du Gouvernement et de clarifier le texte. De ce point de vue, les travaux de la Commission auront été utiles. Mais s’il faut reprendre le débat dans l’hémicycle, nous le ferons, de manière à ce que le législateur soit pleinement éclairé.
M. le président François Brottes. Bien que tous les problèmes n’aient pas été résolus, vous nous avez éclairés, monsieur le ministre délégué, et je vous en remercie ; cet échange aura été de qualité. Il reste qu’il s’agit d’un examen en première lecture en commission ; je ne doute pas que l’examen dans l’hémicycle, voire celui en seconde lecture, nous permettront de parfaire notre travail.
M. Thierry Benoit. Il y a en effet un travail de maturation en cours. Nous ferons pour notre part de nouvelles propositions, et j’imagine que le Gouvernement fera de même. En attendant, je retire mon amendement.
Mme Laure de La Raudière. Moi aussi.
Les amendements CE 385 et CE 109 sont retirés.
La Commission est saisie de l’amendement CE 457 de Mme Danielle Auroi.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à ce que le vendeur soit en mesure d’apporter des informations au consommateur sur le(s) pays dans le(s)quel(s) a été confectionné le produit vendu, sur les engagements pris par le fabricant ou l’importateur en matière de responsabilité sociale et environnementale, ainsi que sur le respect des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) à chaque étape de l’élaboration du produit. Il convient d’introduire la notion de responsabilité sociétale des entreprises dans la fabrication des produits.
M. le président François Brottes. Voilà qui ne sera pas facile à mettre en œuvre !
M. le ministre délégué. En effet, et c’est pourquoi je vous engage à retirer votre amendement ; à défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
Qui peut être contre le fait de demander à un fabricant de respecter les conventions de l’OIT ? Les grands principes attachés au travail des enfants, au droit de syndicalisation et aux libertés essentielles des salariés sont censés être respectés partout, mais la réalité est bien différente ! Le problème, c’est que les distributeurs n’ont pas forcément la capacité de contrôler la totalité de la chaîne de production, notamment s’agissant des marques de distributeur, et il est difficile d’établir la responsabilité de la société mère à l’égard des filiales et des sous-traitants. Ce sujet sera traité dans le cadre du projet de loi que présentera Mme Nicole Bricq sur le devoir de vigilance et la responsabilité des sociétés mères. Il me paraîtrait judicieux d’attendre l’examen de ce texte pour l’aborder.
M. le rapporteur. Je partage bien évidemment votre objectif, madame la députée, mais il serait bien compliqué de faire reposer cette obligation sur le vendeur… Avis défavorable, donc.
Mme Michèle Bonneton. Il est important de pouvoir débattre en séance de cette question de la responsabilité sociale des entreprises.
M. le ministre délégué. Je ne vois pas comment un vendeur pourrait vérifier que le bien qu’il propose à la vente a été fabriqué dans des conditions conformes aux prescriptions des huit conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail. Par ailleurs La France a appelé l’OCDE à inciter les grandes entreprises à exercer un devoir de vigilance à l’égard des pratiques de leurs filiales et de leurs sous-traitants.
Mme Catherine Vautrin. Cet amendement est intéressant, non seulement pour l’information du consommateur, mais également pour la protection de nos producteurs.
M. Thierry Benoit. Cet amendement a en effet l’avantage de soulever un vrai problème, même s’il n’est pas facile d’y apporter une réponse. Il faudra absolument avancer sur ce sujet au cours de cette législature.
M. le président François Brottes. Je pense à titre personnel qu’il vaudrait mieux imposer cette obligation aux marques plutôt qu’aux vendeurs.
Mme Michèle Bonneton. Je retire l’amendement, à condition que nous puissions le retravailler d’ici au débat en séance, en concertation avec le cercle de réflexion parlementaire sur la responsabilité sociétale des multinationales.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement rédactionnel CE 529 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Favorable.
La Commission adopte cet amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques CE 68 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et CE 432 de M. François-Michel Lambert.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’amendement CE 68 vise à favoriser le développement de l’économie de la fonctionnalité, encore embryonnaire dans notre pays, via la création d’un fichier permettant au consommateur de connaître l’offre de biens relevant de cette économie. Il ne s’agit pas d’imposer, mais d’informer, de manière que les industriels et les distributeurs comprennent qu’il s’agit d’un véritable marché combinant des biens et des services.
Je ne vous cache pas que nous sommes quelque peu déçus de l’accueil que la Commission a réservé à l’amendement CE 74, qui ne proposait qu’une expérimentation, fondée sur le volontariat et peu coûteuse.
M. le président François Brottes. Il ne me semble pas que la commission du développement durable ait chiffré le coût de cette expérimentation.
Mme Michèle Bonneton. L’économie de la fonctionnalité consiste en la vente de la fonction d’usage d’un bien en lieu et place de sa propriété.
M. le ministre délégué. Je suis défavorable à vos amendements, non pour une question de fond, mais d’opportunité. En effet, la prochaine conférence environnementale nous permettra de traiter d’une façon globale ces questions d’économie circulaire – je rappelle qu’il s’agit de rompre avec la logique linéaire qui impose d’extraire, de fabriquer, de consommer et de jeter – et d’apporter des réponses plus ambitieuses que la simple constitution d’un fichier.
M. le rapporteur. À mon sens, l’établissement d’un tel fichier est un acte militant qui doit émaner de ceux qui défendent l’économie circulaire : on ne décrète pas les évolutions de l’économie. C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
La Commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CE 355 de Mme Jeanine Dubié et CE 386 de M. Thierry Benoit.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à exonérer des sanctions prévues au seizième alinéa le vendeur professionnel qui n’a pas pu satisfaire à l’obligation de mise à disposition des pièces détachées indispensables à l’utilisation du bien s’il prouve qu’il a tenté sans succès d’obtenir ces pièces auprès du fabricant ou de l’importateur.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE 386 vise à reconnaître la bonne foi du vendeur professionnel qui a fait toutes les démarches pour se procurer les pièces détachées.
M. le ministre délégué. Dans de tels cas, qui ne sont pas rares, le vendeur a déjà la possibilité d’exercer une action récursoire contre le fabricant ou l’importateur. Je rappelle qu’au titre de la garantie légale de conformité, le vendeur est tenu pendant deux ans de réparer ou de remplacer le bien défectueux, et à défaut de rembourser l’acheteur. La disposition que vous proposez permettrait aux vendeurs professionnels de s’exonérer de leurs obligations légales en s’abritant derrière une prétendue défaillance du fabricant. D’où mon avis défavorable.
M. le rapporteur. Je vous mets en garde par ailleurs contre le risque d’aggraver la situation en voulant l’améliorer. En effet une telle disposition constituerait une charge supplémentaire pour le vendeur. Pour cette raison, et en considération du travail en cours sur l’alinéa 13, je vous demande de retirer cet amendement.
Mme Catherine Vautrin. Surtout ces amendements sont satisfaits par l’article L. 111-1 du code de la consommation, qui fait obligation au vendeur de prouver qu’il a exécuté ses obligations en la matière.
M. Thierry Benoit. L’éclairage apporté par Mme Vautrin m’a convaincu de retirer mon amendement.
M. Daniel Fasquelle. Il me semble, monsieur le ministre délégué, que vous confondez la question de la garantie et celle des pièces détachées. D’une façon générale, je ne comprends pas ce débat. D’abord les dispositions de l’alinéa 13 et suivants n’ont pas leur place à cet endroit puisqu’ils ne concernent pas les obligations d’information du consommateur. Surtout elles sont satisfaites par le code de la consommation, et notamment son article L. 122-1, puisque cet article, qui dispose qu’« il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime », s’applique aussi aux pièces détachées. Selon une jurisprudence abondante, l’impossibilité de se fournir en pièces détachées auprès du fabricant constitue bien évidemment un motif légitime.
Ces amendements sont retirés.
La Commission est saisie de l’amendement CE 191 de Mme Catherine Vautrin.
Mme Catherine Vautrin. Cet amendement vise également à améliorer l’information du consommateur, dans un cas très particulier. Il vise en effet à obliger les transporteurs aériens à mentionner, lors de la vente de titres de transport, qu’en cas de renoncement à voyager, l’acheteur bénéficie du remboursement des taxes et redevances aéroportuaires. En effet, ces taxes sont dues par le transporteur aérien uniquement si le passager a effectivement voyagé. Or le consommateur n’est généralement pas remboursé de ces taxes, alors que leur part dans le prix du billet est de moins en moins marginale.
M. le ministre délégué. Je vous demande de retirer votre amendement afin de nous permettre de retravailler cette partie de l’article. Je ne peux rien vous répondre de plus, sauf à ridiculiser l’administration et l’exécutif.
M. le rapporteur. Même si je suis enclin à approuver le fond de votre amendement, j’émettrai un avis défavorable pour une raison technique. En effet il est souvent impossible de se faire rembourser ces sommes par les compagnies aériennes des pays dont la législation fiscale diffère de la nôtre s’agissant de la perception de ces taxes. Or il est essentiel que les droits que nous reconnaissons aux consommateurs soient effectifs.
M. Damien Abad. Je note que nous sommes tous d’accord pour approuver le principe de cet amendement. J’observe par ailleurs qu’il avait déjà été adopté dans le cadre de l’examen du projet de loi Lefebvre. On peut donc supposer que Bercy a déjà vérifié qu’il n’y avait pas d’obstacle à l’effectivité de ce droit.
M. le ministre délégué. Dans cette affaire les réticences sont plutôt à rechercher du côté de la Direction générale de l’aviation civile.
Mme Catherine Vautrin. Je retire mon amendement en considération de la franchise avec laquelle le ministre délégué m’a répondu.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 4 modifié.
Article additionnel après l’article 4
Rapport relatif à l’éco-participation
À l’initiative du rapporteur pour avis de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, un amendement a été adopté afin de demander au Gouvernement, dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport étudiant les possibilités d’une modulation de l’éco-participation en fonction de la durée de la garantie commerciale des produits, de la disponibilité des pièces détachées et du prix de ces dernières.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CE 67 du rapporteur pour avis de la commission du développement durable.
M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à définir les conditions d’une modulation de l’éco-participation en vue de favoriser le développement de filières de la réparation.
M. le ministre délégué. Je suis favorable à votre proposition, avec une réserve : la durée de la garantie légale étant identique pour tous les produits, il conviendrait de tenir compte de la durée de la garantie commerciale.
C’est pourquoi je vous propose un sous-amendement visant à rédiger ainsi votre amendement : « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les possibilités d’une modulation de l’éco-participation en fonction de la durée de la garantie commerciale des produits, de la disponibilité des pièces détachées et du prix raisonnables de ces dernières. »
M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Je suis d’accord.
La Commission adopte le sous-amendement puis l’amendement ainsi rectifié.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 106 de Mme Florence Delaunay.
M. Jean-Jacques Cottel. Le délai de résiliation de nombreux contrats à durée indéterminée ou assortis d’un abonnement apparaît excessivement long. Il nous semble équitable de réduire ce délai à un mois, considérant qu’en l’espèce ces services ne sont pas désirés par le consommateur.
M. le ministre délégué. Je partage votre volonté de permettre au consommateur de résilier son contrat. Je suis cependant défavorable à votre amendement tant il me semble compliqué d’instituer ainsi une obligation universelle valant pour tous les contrats de prestation de services, sans considération des spécificités de secteurs relevant de logiques de marché différentes.
M. le rapporteur. Défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est saisie de l’amendement CE 157 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Cet amendement et les suivants visent à protéger notre gastronomie nationale. En l’espèce, l’amendement vise à encadrer les conditions d’exercice de la profession de boulanger-pâtissier. Il s’agit, non seulement d’assurer une meilleure information des consommateurs, mais aussi de reconnaître le savoir-faire de nos artisans pâtissiers.
M. le ministre délégué. L’avis du Gouvernement est malheureusement défavorable.
L’appellation « boulanger » est déjà reconnue, et vous souhaitez aujourd’hui que la loi offre une reconnaissance de même nature aux boulangers-pâtissiers. Le Gouvernement ne s’oppose pas à l’analyse du bien-fondé d’une telle démarche qui suppose toutefois une concertation avec l’ensemble de la profession – sous la forme de la réunion d’un comité de filière autour de l’État – afin de déterminer les éventuelles restrictions de concurrence qui en résulteraient.
Je suis d’autant plus optimiste que Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, prépare un projet de loi qui répondra aux attentes de ceux qui souhaitent la création d’un titre de « boulanger-pâtissier » ou d’« artisan restaurateur », sujet dont nous allons discuter dans quelques instants.
Quoi qu’il en soit, nous n’avancerons pas sur ces sujets sans qu’ils aient fait l’objet d’une très large concentration préalable.
M. le rapporteur. Une partie des membres du comité de filière boulanger, qui a permis la protection du terme « boulanger », s’est opposée à ce que le terme « pâtissier » soit protégé – certains d’entre eux auraient cessé de pouvoir cumuler les deux titres.
À ce stade, il serait judicieux de ne pas aller trop loin, que ce soit en ce qui concerne les pâtissiers ou les restaurateurs. En effet, le projet de loi relatif au commerce, qui doit être présenté au conseil des ministres au mois de juillet, constituera un véhicule législatif particulièrement adapté à ce type de mesures. Il me semble en revanche judicieux d’aborder le sujet dès aujourd’hui pour que l’argument du comité de filière ne nous soit pas opposé ultérieurement. La ministre s’est d’ores et déjà saisie de ces problèmes, en particulier de la question de la restauration, et les travaux du comité de filière concerné avancent bien.
M. Daniel Fasquelle. Les comités de filières ont bon dos ! Le véritable problème c’est celui de l’information du consommateur. Le client qui pousse la porte d’une boulangerie ne peut pas être sûr que les croissants qu’il souhaite acheter ont été fabriqués sur place. Ce sujet ne peut pas être uniquement traité du point de vue des professionnels : nous sommes bien au cœur du droit des consommateurs et de la consommation !
Si je partage la philosophie de l’amendement, il me semble qu’il serait utile de proposer des amendements différents afin d’établir une distinction claire entre boulanger, boulanger-pâtissier, et pâtissier. Par ailleurs, il ne me paraît pas judicieux de faire référence à la congélation ou à la surgélation car ces techniques ne sont pas à proscrire en elles-mêmes. Souhaite-t-on interdire aux pâtisseries de vendre des vacherins ?
Parce que cet amendement ne me paraît pas être totalement abouti, je ne le voterai pas, mais, monsieur le ministre, je vous exhorte à suivre de près le sujet qui concerne bel et bien l’information du consommateur.
M. le ministre délégué. Vous avez raison, monsieur Fasquelle, les consommateurs se posent des questions sur l’origine et la fabrication des produits qui leur sont servis dans les boulangeries, dans les pâtisseries ou dans les restaurants.
Cela étant, il est pleinement justifié de faire intervenir les comités de filière car les mesures que nous prendrons ont un impact considérable en termes d’emploi et d’activité. Un minimum de concertation est dû aux professionnels dès lors que nous abordons un sujet technique et qu’ils sont concernés au premier chef, y compris économiquement. Il se trouve que les organisations professionnelles de ces secteurs sont structurées ; nous pouvons nous en réjouir !
De plus, l’horizon n’est pas fermé. Mme Sylvia Pinel enregistrera les conclusions des travaux menés au sein de ces comités, et elle proposera au législateur un texte qui lui permettra d’aller au bout de ses choix.
En l’état, le Gouvernement est défavorable aux amendements relatifs aux « boulangers-pâtissiers », comme il le sera à ceux concernant les restaurateurs.
M. le président. La Commission n’a pas un engouement particulier pour les réponses du Gouvernement qui renvoient à un autre texte. Cet argument a le don d’agacer les députés, qu’ils appartiennent à l’opposition ou à la majorité. Les ministres exercent leur responsabilité dans un périmètre donné qui ne contraint pas nécessairement le Parlement.
La remarque de M. Fasquelle me semble pertinente : le sujet relève bien du droit des consommateurs. Néanmoins, il nous manque certaines informations – nous ne savons pas, par exemple, avec certitude si la fabrication des croissants relève de la boulangerie ou de la pâtisserie. (Sourires.) Nous avons besoin d’un peu de temps. Peut-être le sujet pourrait-il toutefois être traité d’ici à la deuxième lecture – il n’est pas indispensable d’attendre des rendez-vous dont la date n’est pas connue avec certitude ?
Mme Frédérique Massat. La transparence est due au consommateur, mais il n’est pas question de chercher à déstabiliser une filière quelle qu’elle soit. Pour ma part, je suis persuadée que les artisans pâtissiers ont tout intérêt à obtenir une reconnaissance.
À ce stade, je retire cet amendement, mais il n’est pas question de l’enterrer.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE 257 de M. Fernand Siré et CE 88 de Mme Annick Lepetit.
M. Fernand Siré. La carte des restaurants a ceci de bien particulier qu’elle n’informe jamais réellement le consommateur sur ce qu’il va manger. Il devrait être obligatoire de préciser « si les plats sont élaborés sur place à base de produits bruts ou pas ».
L’amendement similaire, dont j’étais l’auteur, adopté avec les voix de la majorité et de l’opposition, lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, en octobre 2011, avait eu un considérable retentissement médiatique. Les consommateurs souhaitent disposer d’informations et, dans le pays de la gastronomie, comme le montrent les nombreux programmes télévisés consacrés à la cuisine, il existe un réel engouement de nos concitoyens pour l’élaboration de la cuisine à partir de produits bruts.
Mon amendement permettrait de valoriser la cuisine faite sur place et le travail des artisans restaurateurs. Il s’associerait au titre de « Maître Restaurateur » créé en mai 2007, qui n’est pas encore assez répandu puisque sur 120 000 professionnels, moins de 2 000 en sont titulaires.
En tant que médecin, je considère que ce que nous mangeons relève du champ de la santé publique. J’ai d’ailleurs travaillé sur le sujet avec les professionnels de la restauration, mais aussi avec le professeur Christian Cabrol et le docteur Christian Recchia. Dans le contexte actuel de multiplication des régimes divers et des pathologies liés à l’alimentation, cet amendement semble salutaire.
Mme Annick Lepetit. Les consommateurs doivent pouvoir choisir un plat au restaurant en toute connaissance de cause. Il faut donc que les cartes précisent « si les plats proposés sont cuisinés sur place à partir de produits bruts et frais ».
J’insiste sur le fait qu’il s’agit de permettre au consommateur de disposer d’une information – qui peut ne pas être sans conséquence sur les prix –, et non d’émettre un jugement qualitatif. Un dispositif semblable est déjà en place en Italie ou en Grèce ; il paraît normal qu’au pays de la gastronomie, les clients bénéficient des mêmes informations.
M. le ministre délégué. Défavorable. Je vous l’ai dit, à ce stade, le Gouvernement souhaite attendre la conclusion des travaux des comités de filière mis en place par Mme Sylvia Pinel. Il fera ensuite des propositions.
Les auteurs des amendements peuvent-ils néanmoins nous fournir quelques éclaircissements sur ce qu’ils entendent par « conditions d’élaborations des plats ». Comment définissent-ils la nature des produits, qui semble constituer un critère à leurs yeux ? J’essaie d’imaginer une carte contenant ces informations.
M. Fernand Siré. La notion de produit brut, c’est-à-dire frais ou équivalent frais me suffit. À mon sens, les modes de conservation ne doivent pas figurer dans le texte : les professionnels connaissent parfaitement les techniques qui permettent de conserver le goût. À ce sujet, je rappelle que les produits surgelés sont à classer au rang des produits équivalent frais. Si nous réussissons à préserver la vie en congelant des embryons, il n’y a rien d’étonnant à ce que nous préservions les qualités des aliments en les surgelant !
M. le président. La comparaison est audacieuse !
Mme Annick Lepetit. Le dispositif doit rester simple, et il ne doit pas rendre la lecture de la carte d’un restaurant complexe. C’est possible ! Aujourd’hui, l’étiquetage permet de savoir aisément si l’on achète chez son poissonnier un poisson de ligne ou un poisson d’élevage.
M. Daniel Fasquelle. Nous voulons savoir si le restaurateur cuisine ou s’il se contente de faire réchauffer ou d’assembler des produits fabriqués ailleurs. La question de la congélation n’est pas pertinente d’autant que certaines recettes utilisent cette technique. Par ailleurs, il n’est pas gênant qu’un restaurateur congèle un surplus de produits de qualité afin de les utiliser plus tard. Ce qui compte, c’est qu’il y ait des cuisiniers dans les cuisines, et que l’on fasse à manger dans les restaurants ! J’estime que c’est à cette seule condition que l’on devrait pouvoir utiliser l’appellation « restaurant ».
Évidemment, le restaurateur doit aussi pouvoir utiliser un certain nombre de produits préparés comme les huiles ou la moutarde.
M. le président. Pour éclairer ce débat, je vous propose d’examiner les autres amendements portant sur le même sujet.
La Commission est saisie des amendements CE 236 de M. Daniel Fasquelle, CE 428 et CE 429 de Mme Pascale Got.
M. Daniel Fasquelle. Mon amendement vise à réglementer l’usage des appellations « restaurant » et « restaurateur » dans le but d’informer les consommateurs – il a donc toute sa place dans ce projet de loi.
Il y a quelques mois, un couple d’habitants du Var a ouvert un site internet pour répertorier les restaurants de la région faisant vraiment la cuisine. N’est-il pas choquant que, dans le pays de la gastronomie, les consommateurs en soient réduits à établir une telle liste ? Ne fait-on pas nécessairement la cuisine dans un restaurant ?
Cette « réglementation » permettrait de préserver notre patrimoine et notre gastronomie. Il mettrait fin à la banalisation de la restauration en France. Je me suis inspiré du dispositif adopté pour la boulangerie qui a pu ainsi être sauvée. D’autres modes de distribution se sont développés, mais les boulangeries existent toujours, et l’on peut même dire que l’offre de pain s’est diversifiée depuis la protection de l’appellation « boulangerie ».
La situation actuelle crée une concurrence déloyale car la même appellation sert à ceux qui cuisinent et à ceux qui ne font que réchauffer des plats préparés ailleurs.
Maire d’une commune qui compte un lycée hôtelier, je m’interroge enfin sur l’avenir des métiers de la restauration si les micro-ondes remplacent le savoir-faire des professionnels. Si nous n’agissons pas, les postes de cuisinier disparaîtront progressivement dans un secteur qui a pourtant toujours été pourvoyeurs d’emplois.
Mme Pascale Got. Au-delà de la question de l’appellation, traitée par M. Fasquelle, mon amendement CE 428 propose de définir un cahier des charges et d’imposer un contrôle.
Il ne s’agit pas de faire la guerre à qui que ce soit, mais seulement d’assurer une certaine transparence pour retrouver la confiance des consommateurs. Le métier de cuisinier doit être revalorisé : ceux qui utilisent les couteaux et les casseroles ne peuvent pas être traités comme ceux les adeptes du sous-vide et des ciseaux. Nous devons établir un distinguo sans opposer les pratiques, et en respectant la diversité. Les métiers difficiles de la cuisine seront d’autant plus créateurs d’emplois, et ils attireront d’autant plus les jeunes, que le niveau d’exigence sera élevé.
La plupart des métiers de bouche sont désormais encadrés ; je ne vois pas pourquoi l’appellation « restaurant » échapperait à ce mouvement. Si nous avions eu ce souci plus tôt, peut-être n’aurions-nous pas connu dans certains restaurants le problème de la viande de cheval.
Les industries agroalimentaires ne sont sans doute pas favorables à un tel amendement. Si les produits qu’elles proposent correspondent à certaines pratiques – comme les repas pris dans l’urgence –, il nous semble indispensable de distinguer les véritables restaurateurs. La diversité n’est pas un problème. Comme on le voit aux États-Unis, la dénomination « Grill » n’a rien de dévalorisant !
L’amendement CE 429, de repli, vise, lui, à instaurer un titre d’artisan restaurateur, sur le modèle du titre d’artisan boulanger ou d’artisan charcutier. Le titre d’artisan, qui parle à tous, marque la reconnaissance d’un savoir-faire. Les consommateurs savent à quoi il correspond. Afin d’obtenir ce titre, le restaurateur devrait respecter un cahier des charges et justifier d’une qualification professionnelle permettant son inscription à la chambre des métiers.
Pour le reste, je ne crois que ce que je vois. Voilà des années qu’on discute de ces sujets. Chacun reconnaît que le label de maître restaurateur ne fonctionne pas et se dit prêt à aller vers le titre d’artisan, pour lequel on dispose de recul.
M. le président François Brottes. C’est en effet le point de vue des interprofessions.
M. le ministre délégué. Il faut améliorer l’information des consommateurs sur la réalité du contenu de leur assiette sans déstabiliser tout un secteur économique riche d’emplois.
L’approche punitive est à proscrire. Il n’est pas question de retirer une appellation, sauf en cas de pratiques trompeuses. L’amendement CE 429 tendant à créer un titre d’artisan restaurateur serait plus conforme à l’objectif de valorisation de la démarche qualité de certains restaurateurs s’engageant à fabriquer leurs plats sur place. Pour autant, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements. Nous sommes en effet en train de réunir les professionnels et Sylvia Pinel prépare un projet de loi. Attendons de voir ce qui résultera de ces discussions. Nous vous ferons des propositions ultérieurement.
M. le rapporteur. Dès janvier-février, avec des parlementaires de toutes sensibilités, nous avons rencontré Mme Pinel. Pour ma part, avant même d’avoir été nommé rapporteur sur ce texte, j’avais cherché à savoir où en était la réflexion.
On sait la médiatisation de ce sujet. Pas un seul des arguments de Mme Got ne me convainc pas, qu’il s’agisse du refus d’une approche punitive, de la montée en gamme, de la valorisation des métiers, de la participation de notre gastronomie à la compétitivité de notre pays.
En Italie, patrie du mouvement Slow Food, ce n’est pas une initiative législative qui a conduit à ce que soit indiqué que les cartes de restaurant si les produits sont ou non congelés.
L’amendement CE 429 est celui qui est le plus en phase avec l’état d’avancement de la discussion avec les restaurateurs. Le débat ne porte pas sur quels établissements ont le droit ou non de s’appeler restaurant. Un consensus se fait jour sur l’idée de distinguer qui est artisan restaurateur et qui ne l’est pas.
Le sujet des « produits bruts » est kafkaïen. Si on retenait ce critère comme seul discriminant, certains trois-étoiles ne pourraient plus prétendre à l’appellation de restaurant parce qu’ils ne travaillent pas seulement à partir de produits bruts.
L’idée me choque qu’un arrêté ministériel définisse, en fonction des besoins des restaurateurs, ce qui est des produits bruts et ce qui n’en est pas. Quid par exemple pour un produit comme le foie gras ? Matière brute ou matière transformée vendue en restaurant ? De même, le boudin est-il une matière brute transformée sur place ou simplement vendue sur place ? Et que fera-t-on dans les zones insulaires, où il est indispensable de congeler certains produits qu’il n’est pas possible de se procurer sur place ? Dans des territoires entiers, l’accès à l’appellation de restaurant ou d’artisan restaurateur serait alors discriminatoire.
La création de ce titre d’artisan restaurateur poserait aussi des problèmes administratifs. Avec l’amendement CE 429, la délivrance de ce titre serait confiée à la chambre des métiers, ce qui est une bonne idée vers laquelle il faut tendre, mais les restaurants devraient alors cotiser à deux chambres consulaires, puisqu’ils sont aussi inscrits à la chambre de commerce et d’industrie. Et je parie qu’ils préféreraient n’avoir pas à payer deux cotisations plutôt que nous puissions dès demain les appeler artisans restaurateurs, sous des conditions restant à préciser par arrêté.
Je souhaite d’une manière générale que nous puissions obtenir une réponse claire du ministre, quel qu’il soit, en séance publique. Mais alors qu’une concertation a été lancée avec les restaurateurs le 25 mars dernier, et alors que la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme doit présenter dans un mois son projet de loi en conseil des ministres, il serait dommage d’adopter un amendement faisant fi des discussions en cours.
C’est en revanche sans hésitation aucune qu’à titre personnel, je voterai un amendement analogue au CE 429 lors de l’examen du futur projet de loi de Mme Pinel si la concertation n’a pas abouti. Il serait alors malvenu de nous dire que ce n’est pas le moment ou de nous proposer des dispositions qui ne seraient pas en phase avec ce que souhaite le législateur, que reprend très bien l’amendement CE 429.
Mme Annick Le Loch, rappporteure. Il faut protéger le consommateur mais il faut aussi valoriser les métiers. Le label d’artisan restaurateur permettrait une inscription au registre des métiers de personnels possédant une réelle qualification. Quant au label d’État de maître restaurateur, il reste lui aussi à retravailler. Il faut avancer sur ce sujet complexe.
Mme Pascale Got. Je ne souscris pas à tous les propos du rapporteur, notamment sur les zones insulaires ou bien encore les produits congelés. Il ne s’agit nullement de stigmatiser ces derniers. La truffe par exemple, même si elle a été conservée sous vide parce qu’on ne la trouve pas en toutes saisons, est toujours un produit brut.
Je ne suis pas d’accord non plus sur le fait que la discussion avec la profession a commencé le 25 mars. Le titre de maître restaurateur est bien antérieur. Si on ne commence pas aujourd’hui à enfoncer un coin, on n’avancera jamais.
Je l’ai dit, je ne crois que ce que je vois. Lorsque j’aurai le projet de loi de Mme Pinel entre les mains, j’aviserai. Pour toutes ces raisons, je maintiens aujourd’hui mon amendement CE 429 et appelle tous mes collègues à le voter pour adresser un premier signe.
M. Daniel Fasquelle. Je pense moi aussi qu’il y a urgence et maintiendrai mon amendement. On débat depuis très longtemps de ces sujets, déjà abordés dans le cadre du projet de loi de Frédéric Lefebvre. J’ai toujours pensé que plutôt que de réglementer la carte des restaurants, mieux valait réglementer l’appellation même de restaurant – d’où la proposition de loi que j’ai déposée en novembre dernier. La réglementation a marché dans la boulangerie, elle marchera demain dans la restauration.
Je suis extrêmement réservé sur le titre d’artisan restaurateur, dont il ne faudrait pas que ce soit un moyen de botter en touche. Artisan est un statut juridique, cela ne garantit pas la qualité. Tous les boulangers étaient artisans. Cela n’a pas empêché qu’il faille réglementer l’appellation de boulangerie. Que demain des restaurateurs obtiennent le titre d’artisan restaurateur, à l’issue d’une démarche volontaire, ne répondra pas à notre souci de meilleure information au consommateur. En outre, sous réserve de vérification, une entreprise artisanale compte moins de dix salariés. Or, beaucoup de restaurants en emploient davantage. Certains restaurateurs pourraient être empêchés d’accéder au titre d’artisan restaurateur de ce seul fait. Je comprends l’approche de Mme Got, qui est aussi celle de certains professionnels. Ils pensent que la solution peut résider dans ce titre d’artisan restaurateur. Tel n’est pas mon avis.
On compte aujourd’hui en France 200 000 restaurants et 2 500 maîtres restaurateurs. Sur ces 200 000 restaurants, environ les deux tiers préparent vraiment les plats qu’ils servent. Un sondage effectué par un syndicat professionnel révèle toutefois que sur le tiers restant, environ les deux tiers – soit 15% du total – assurent que si l’appellation de restaurant était réglementée, ils feraient machine arrière, remettraient du monde en cuisine et cuisineraient de nouveau. Et les 85% de restaurants, qui aujourd’hui font encore eux-mêmes leur cuisine, seraient confortés dans leur qualité de restaurant. Certains réembaucheraient et la gastronomie de notre pays serait sauvegardée.
Si je défends l’appellation de restaurant plutôt que le titre d’artisan restaurateur, c’est aussi que le terme restaurant, qui a été inventé par les Français, est connu partout dans le monde. Notre pays accueille chaque année plus de 80 millions de touristes. Ceux-ci connaissent le mot restaurant, ils ne comprendront pas le mot artisan restaurateur. Ne finassons pas. Il faut une réforme simple et claire. La réglementation de l’appellation de restaurant serait le meilleur moyen d’informer à la fois nos concitoyens et les touristes qui viennent nombreux dans notre pays.
Mme Catherine Vautrin. Il est dommage qu’un sujet comme celui qui nous occupe ne fasse pas l’objet d’une réunion interministérielle. À ce stade, ce défaut d’approche interministérielle risque de nous empêcher d’avancer alors que notre souci à tous est d’améliorer l’information du consommateur.
M. Fernand Siré. Mon amendement proposait a minima d’indiquer sur les cartes si les plats étaient cuisinés sur place à partir de produits bruts. Nous avions vu avec le ministère la définition de « produits bruts ». Il faudra encore travailler en concertation avec les restaurateurs, qui n’ont pas tous le même avis. Mais c’est le consommateur qui doit avoir la priorité. Il a le droit de savoir ce qu’il mange. La provenance des produits est indiquée dans les supermarchés et les épiceries. En revanche, dans les restaurants, c’est l’inconnue totale : on ne sait pas si les produis viennent de Metro, s’ils ont été fabriqués sur place ou si on y a seulement découpé leur emballage aux ciseaux et si seul le persil est maison. Lorsqu’un plat est assemblé par un professionnel à partir de produits bruts, c’est déjà un progrès. Faisons confiance aux professionnels. Il est vrai que mon amendement est moins complet que les autres, mais, sans fragiliser les restaurateurs, il permettrait que les consommateurs soient informés.
M. Frédéric Barbier. Nous avons tous envie de garantir la transparence dans les restaurants et de savoir si ce que nous y mangeons a été ou non fabriqué sur place et comment. Il existe une forte attente en ce domaine. La restauration a beaucoup évolué, avec l’arrivée de produits de la troisième gamme, qui sont seulement réchauffés. Dans certains restaurants, les personnels ne savent plus que placer une barquette dans un micro-ondes ou glisser une pochette dans un cuiseur vapeur. Toute une industrie s’est développée autour de cela.
Pour autant, il serait difficile de prendre ce soir une décision sans qu’aucune étude d’impact économique n’ait été préalablement réalisée. Monsieur le président, je souhaiterais une suspension de séance pour réunir mon groupe.
La réunion de la Commission est suspendue pendant vingt minutes.
M. Frédéric Barbier. Après concertation au sein du groupe, nous nous sommes mis d’accord sur l’amendement CE 429 que nous soutenons. Mais pour l’heure, je demande à Pascale Got de le « suspendre », avant de le redéposer en séance, où il devra être discuté en présence de la ministre Sylvia Pinel.
M. le président François Brottes. Vous souhaitez également prendre en compte le résultat des discussions avec les professionnels, qui s’achèvent lundi prochain.
La Commission rejette l’amendement CE 257 de M. Fernand Siré.
Mme Annick Lepetit. S’ils ont le même objectif, les quatre amendements qui ont fait l’objet d’une présentation commune traduisent des sensibilités différentes. Le CE 88 ne concernait strictement que l’information du consommateur, sans s’immiscer dans les filières professionnelles. Je le retire à condition qu’on puisse en séance, en présence de la ministre concernée, rediscuter l’amendement CE 429 tout à fait intéressant de Mme Got, ou un amendement analogue que porterait par notre groupe.
L’amendement CE 88 est retiré.
M. Daniel Fasquelle. Je maintiens mon amendement CE 236. Pour les raisons déjà indiquées, je ne voterai pas celui de Mme Got, relatif au titre d’artisan restaurateur, qui de toute façon n’apporterait qu’une réponse partielle. Nous partageons l’objectif mais divergeons sur les moyens. Je pense qu’il faut réglementer l’appellation de restaurant, voire de la carte, comme le proposaient Mme Lepetit et M. Siré.
Mme Brigitte Allain. Je comprends, monsieur le président, que vous souhaitiez parfois que nous débattions de plusieurs amendements à la fois, quand vous estimez qu’ils ont trait au même sujet. Mais en l’espèce, cette façon de procéder n’a pas fait gagner de temps, bien au contraire puisqu’on n’a cessé de passer d’un amendement à l’autre. Et elle a introduit une grande confusion, car en vérité, nous ne parlions pas tous de la même chose.
M. le président François Brottes. J’entends votre remise en cause de la présidence, madame Allain. Mais les deux premiers de ces amendements, visant à réglementer la carte des restaurants, étaient en discussion commune. Quant aux suivants, ayant trait au label de la boutique ou du fabricant-producteur, j’ai estimé qu’ils pouvaient faire l’objet d’une présentation commune. J’ai considéré, et c’est ma prérogative de président, que nous pouvions en traiter ensemble car ils répondaient à une même préoccupation de mieux informer le consommateur sur le contenu de son assiette. En revanche, vous avez raison, madame Allain, les solutions préconisées dans chacun de ces amendements sont différentes.
La Commission rejette l’amendement CE 236.
Mme Pascale Got. Je « suspends » l’amendement CE 428, puisque Mme Pinel nous donnera, lundi, de nouveaux éléments. Je « suspends » également l’amendement CE 429. Mais je ne manquerai pas de le déposer à nouveau, dans le cadre de l’article 88 et éventuellement modifié, au nom du groupe, pour qu’il soit débattu en séance publique, et je remercie mes collègues d’avoir choisi cet amendement parmi les cinq qui étaient en discussion.
Les amendements CE 428 et CE 429 sont retirés.
M. Daniel Fasquelle. Ne serait-il pas possible de nous mettre d’accord, afin de déposer un amendement tous ensemble ? Nos amendements CE 236 et CE 428 sont presque identiques. Nous pouvons tous nous retrouver pour défendre la restauration et la gastronomie.
Mme Pascale Got. Non. J’ai déjà retiré le CE 428 et la discussion se fera plutôt sur la base de l’idée d’artisan-restaurateur et de l’amendement CE 429. C’est par ce biais qu’il me semble possible d’aboutir à un résultat.
M. le président François Brottes. En tout cas, nous souhaitons tous que Mme Sylvia Pinel soit présente lors de la discussion de ces amendements en séance publique.
M. le ministre délégué. Je lui transmets le message : cela ne posera, j’en suis sûr, aucun problème. Par ailleurs, les discussions avec les professionnels doivent être menées à leur terme : ce n’est pas une petite affaire.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE 461 rectifié de Mme Brigitte Allain et CE 96 de M. Jean-Marie Tetart.
Mme Brigitte Allain. Cet amendement propose d’étendre l’obligation de la mention du pays d’origine à tous les produits transformés. Monsieur le ministre, vous avez, je le sais, proposé cette mesure au niveau européen, et vous avez regretté que l’Union européenne n’avance pas assez vite sur ces sujets. Nous allons donc dans votre sens.
M. le ministre délégué. Avis défavorable : je partage votre préoccupation, mais cette mesure relève d’un règlement européen dit « INCO ». Nos discussions avec la Commission européenne sont âpres : celle-ci n’a pas montré tout l’enthousiasme que l’on aurait pu attendre sur un sujet aussi important que celui de la traçabilité de la viande bovine. Nous attendons donc avec impatience le rapport qui doit être rendu cet été sur la question de la traçabilité des viandes notamment lorsqu’elles sont des ingrédients. En attendant, il n’est possible que d’engager des discussions avec les professionnels du secteur. Certaines grandes surfaces notamment ont pris des engagements forts en mentionnant sur leurs produits « viande bovine française », « viande porcine française », « volaille de France »… et en s’approvisionnant presque exclusivement en viande d’origine française.
Mais je dois souligner qu’il n’y a pas aujourd’hui de majorité en Europe pour défendre l’extension des obligations d’étiquetage.
M. le rapporteur. Même avis : cela relève du droit communautaire.
M. Daniel Fasquelle. S’inspirant de la réussite de l’étiquetage des œufs, obligatoire dans l’Union européenne, cet amendement propose un étiquetage obligatoire, précisant la principale caractéristique du mode de production, pour les produits issus des filières d’élevage carné et laitier. Cela permettrait une meilleure information des consommateurs, tout en aidant nos producteurs.
M. le ministre délégué. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Nous essayons d’assainir les conditions d’élevage et de commercialisation du bétail en Europe. C’est, je vous l’assure, un effort considérable, mais qui doit vraiment se mener à l’échelle européenne. Sinon, il revient à la filière d’agir – elle a d’ailleurs pris de bonnes initiatives.
M. le rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements : cela relève très clairement du droit communautaire. Mais la comparaison avec les œufs est excellente. Il faut également citer une proposition de loi déposée par Jean Mallot l’année dernière. Il reste beaucoup de travail à faire, notamment sur le mode de conservation, car nous disposons là d’une certaine marge de manœuvre malgré la contrainte communautaire.
Je vous rappelle aussi la proposition de résolution européenne relative à l’avenir de la politique agricole commune, qui a été débattue par cette Commission au mois d’avril dernier, et qui aborde ces sujets.
Mme Brigitte Allain. Je retire mon amendement, mais je le déposerai à nouveau pour qu’il soit débattu en séance publique, afin que M. le ministre nous répète ses arguments. Cela permettra de montrer le soutien de la représentation nationale au Gouvernement.
L’amendement CE 461 rectifié est retiré.
M. le président François Brottes. Je rappelle qu’il existe un compte rendu des commissions, qui a le même poids que celui de la séance publique.
M. Daniel Fasquelle. En quoi une telle obligation d’étiquetage serait-elle contraire au droit européen ? Je ne suis pas sûr de comprendre en quoi cette mesure serait contraire aux règles du marché unique. Pourquoi les États qui le désirent ne pourraient-ils pas aller plus loin ?
M. le rapporteur. Ils le peuvent, sauf s’il y a discrimination.
M. Daniel Fasquelle. J’entends bien, mais en quoi l’information sur le mode d’élevage constituerait-elle une discrimination entre les différents États membres ? Les règles d’étiquetage sont assez souples : il paraît possible d’indiquer plus de choses que ce qu’impose le droit européen.
M. le rapporteur. L’étiquetage des viandes bovines, hormis les viandes hachées, doit comporter obligatoirement, depuis le 1er septembre 2010, un numéro assurant le lien entre le produit et l’animal ou le groupe d’animaux dont il est issu, le pays d’abattage et le numéro d’agrément de l’abattoir, et le pays de découpage et le numéro d’agrément de l’atelier de découpe. Voilà ce que dit le droit européen.
Nous sommes tout à fait d’accord sur ces questions : je trouve, comme vous, que la situation actuelle est scandaleuse. La position de l’Allemagne, qui refuse le made in Germany et se livre à un véritable dumping social, qui touche surtout des entreprises françaises, et en particulier bretonnes, n’est pas acceptable. Mais, en tant que rapporteur, je ne peux être favorable qu’à ce qu’il est possible de faire.
En revanche, nous pouvons exercer des pressions : une réunion est prévue le 13 décembre 2013 pour revoir ces règles.
La Commission rejette l’amendement CE 96.
Démarchage et vente à distance
(sections 2 et 3 [nouvelles] du chapitre Ier du titre II du livre Ier
du code de la consommation)
Réglementation relative à la vente à distance
Le présent article vise tout d’abord à introduire dans le code de la consommation les dispositions de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil en date du 25 octobre 2011 (32), dont l’article 28 prévoit qu’elle doit être transposée avant le 13 décembre 2013, ses mesures devant par ailleurs s’appliquer avant le 13 juin 2014. Par voie de conséquence, il a également pour objet de procéder à la recodification de l’actuelle sous-section 2 portant « dispositions particulières portant sur des services financiers » afin de mieux en individualiser les dispositions.
Contrairement à ce que l’on pourrait aujourd’hui penser, la vente à distance, pendant longtemps, n’a pas été l’apanage d’Internet.
Historiquement, la vente à distance a en effet été initiée par ceux que l’on a appelés les « vadistes » ou « vpcistes », néologismes désignant ceux qui pratiquaient de la vente à distance ou de la vente par correspondance. De nombreuses entreprises, au sortir de la Deuxième guerre mondiale, ont ainsi développé des catalogues rassemblant les produits en vente sous leur nom de marque, tout consommateur pouvant ensuite les acquérir après avoir renvoyé un coupon papier ou après avoir commandé le bien par téléphone. C’est ainsi que se sont développées des entreprises aussi célèbres que Les Trois Suisses (fondée à Roubaix en 1932) dont le catalogue est lancé en 1949, ou la CAMIF (Coopérative des adhérents à la mutuelle des instituteurs de France) qui a été créée en 1947.
Or, depuis maintenant une dizaine d’années, le commerce à distance a connu un développement fulgurant à la faveur du « e-commerce » qui s’est développé sur internet. Alors qu’Internet ne représentait en 2003 que le quatrième canal de vente à distance, il est devenu le deuxième canal en 2006 (après le téléphone) et représente aujourd’hui, très largement devant ses concurrents, le premier canal de vente avec plus de 85 % du chiffre d’affaires de la vente à distance. Selon les données les plus récentes, en 2012, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France ont totalisé à eux seuls 61 % des ventes effectuées en ligne en Europe (ce qui a représenté plus de 96 M€ engendrés au Royaume-Uni, 50 M€ en Allemagne et 45 M€ en France). Les facilités afférentes à ce nouveau mode de commerce, les aspects strictement économiques (notamment en termes de compétitivité-prix) et ludiques (une récente étude de l’institut Lab42 a ainsi montré que 45 % des clients d’Internet achètent en ligne des articles qu’ils n'auraient pas achetés en magasin) expliquent en grande partie ces résultats sans cesse croissants.
Avec un panier moyen de 1 230 € par acheteur en 2011 et un nombre de sites marchands ayant largement dépassé les 100 000, la France est devenue une des plus grandes adeptes du e-commerce au monde.
Or, au cours des dernières années, plusieurs scandales ont émaillé cette forme de commerce extrêmement prisée et forte de plusieurs dizaines de milliers d’emplois. Qu’il s’agisse de Show-room 2001, placée en redressement judiciaire au début du mois d’octobre 2008, de la retentissante liquidation judiciaire de la CAMIF en octobre 2008, de la liquidation judiciaire du Magicien des prix en 2009 ou, aujourd’hui, des déboires de 1855.com, les difficultés de certains sites de e-commerce ont nécessité de prendre des mesures fortes afin de rassurer le consommateur.
Généralement initiés au niveau communautaire, plusieurs textes ont ainsi vu le jour. À ce titre, la directive du 20 mai 1997 (33) ainsi que celle du 8 juin 2000 (34)ont véritablement fait figure de textes emblématiques, leur transposition ayant été respectivement réalisée en 2001 et 2004 (35).
L’ordonnance de 2001 a ainsi créé, au sein du code de la consommation, une section II spécifiquement relative aux « ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance » (articles L. 121-16 à L. 121-20-17). Après avoir défini la notion de vente à distance (art. L. 121-16) et précisé le champ d’application des nouvelles dispositions (art. L. 121-17), les articles L. 121-18 et L. 121-19 ont renforcé l’obligation d’information qui pesait déjà sur les entreprises de vente à distance en obligeant ces dernières à préciser le nom du vendeur, ses coordonnées (afin que l’acheteur puisse éventuellement les contacter en cas de questionnement ou de contestation), les modalités de paiement, de livraison ou d’exécution de la prestation, l’existence d’un éventuel droit de rétractation… L’article L. 121-20 a fixé quant à lui à « sept jours francs » le délai de rétractation dont dispose le consommateur « sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l’exception, le cas échéant, des frais de retour » ainsi que les modalités de computation de ce délai, les exceptions à ce principe étant, pour leur part, énumérées à l’article L. 121-20-2. Par la suite, le code de la consommation a établi le principe selon lequel un contrat à distance devait normalement être exécuté dans le délai de trente jours à compter du jour suivant celui où le consommateur a transmis sa demande au fournisseur du produit ou du service (art. L. 121-20-3).
Par la suite, la loi Chatel du 3 janvier 2008 (36) a, tout en remaniant le droit des communications électroniques, renforcé les garanties du consommateur dans le cadre des ventes à distance. Ainsi, les appels surtaxés vers des hotlines sont désormais proscrits (art. L. 121-84-5 du code de la consommation), le temps d’attente avant de parler effectivement à un interlocuteur ne pouvant par ailleurs plus être facturé. Cette disposition, bien que dépassant largement le secteur de la vente à distance, intéresse néanmoins particulièrement ce dernier puisque les réclamations des consommateurs passent plus fréquemment par le biais du téléphone que de l’Internet, les services après-vente y demeurant encore trop souvent fort peu développés. Il est d’ailleurs également prévu que les services permettant au consommateur de suivre l’exécution de sa commande (mais également d’exercer son droit de rétractation ou de faire jouer sa garantie) ne puissent, eux non plus, être surtaxés (art. L. 121-19). En outre, il est désormais prévu que, dans le cadre d’un contrat conclu à distance, le fournisseur devra désormais indiquer une date limite de livraison du bien ou de l’exécution du service : tout retard supérieur à sept jours oblige le vendeur à rembourser les sommes versées dans un délai de trente jours (art. L. 121-20-3 du code de la consommation).
Face aux déconvenues néanmoins subies par plusieurs consommateurs, notamment dans la foulée de la liquidation de la CAMIF, le Secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation a confié, le 21 novembre 2008, une mission à François Momboisse, président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), en lui demandant de proposer de nouvelles solutions afin de mieux protéger les consommateurs face au risque de procédure collective des entreprises. Par la suite, une proposition de loi (37) déposée à l’Assemblée nationale a été discutée en janvier 2010 mais aucune suite directe ne lui a été véritablement donnée. Plusieurs de ses dispositions ont néanmoins ensuite été reprises dans le cadre du projet de loi visant à renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs mais celui-ci, après avoir été discuté au Sénat, n’a pas été réinscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
L’article L. 121-16 (alinéas 6 à 12) reprend la définition de plusieurs termes qui figurent à l’article 2 de la directive 2011/83.
Ainsi, la notion de « contrat à distance » qui figure à l’article 2-7 de la directive est reprise en l’état : un contrat à distance désigne tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu. Il en va de même pour la notion de « support durable », visée à l’article 2-10 de la directive ainsi que dans son considérant 23, et qui a donné lieu à certaines interrogations de la part de la jurisprudence (38). Au contraire, la définition du « contrat hors établissement » (article 2-8 de la directive) est reprise mais en étant enrichie, puisqu’il est notamment précisé que le contrat « hors établissement » désigne également le contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, y compris lorsqu’il a été passé à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur lui-même.
Les articles L. 121-16-1 (alinéas 13 à 26) et L. 121-16-2 (alinéa 27) définissent pour leur part le champ d’application des dispositions nouvellement créées.
Ainsi, un certain nombre de contrats sont exclus du champ d’application de la réglementation créée par l’article 5 : il s’agit notamment des contrats portant sur les services financiers, des contrats rédigés par un officier public, des contrats portant sur des jeux d’argent ou portant sur des services de santé, des contrats conclus au moyen de distributeurs automatiques ou de sites commerciaux automatisés…
Plusieurs précisions doivent néanmoins ici être apportées :
– contrairement à ce que prévoit l’article 3-3-a) de la directive, les services à la personne visés à l’article 7231-1 du code du travail (garde d’enfants, assistance aux personnes âgées et handicapées, services aux personnes dans le domaine des tâches ménagères ou familiales) ne sont pas compris dans l’exclusion du champ d’application et peuvent donc faire l’objet d’un contrat à distance soumis à la présente réglementation (article L. 121-16-1-I-1°) ;
– alors que la directive 2011/83 exclut les contrats « portant sur les soins de santé » (article 3-3-b), expression quelque peu laconique, l’article L. 121-16-1-I-2° a préféré reprendre au mot près la notion de « services de santé » telle qu’elle est définie à l’article 3-a) de la directive 2011/24/UE relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers ;
– contrairement à l’article 3-3-c) qui fait référence, tout en les excluant de son champ d’application, aux « jeux d’argent qui impliquent des mises ayant une valeur monétaire dans les jeux de hasard », l’article L. 121-16-1-I-3° a opté pour un renvoi plus global à l’article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure qui traite de manière générique des « jeux d’argent et de hasard », les présentes dispositions valant également pour les loteries, les jeux de casino et les transactions portant sur des paris ;
– sont également exclus du champ d’application des nouvelles dispositions les contrats portant sur les services de transports, à l’exception néanmoins des contrats conclus par voie électronique visés à l’article L. 121-19-3 nouveau créé par le présent article 5 (il s’agit là d’une exception calquée sur celle qui est visée à l’article 8-2 de la directive 2011/83) ;
Par ailleurs, l’article L. 121-16-2 dispose que la section 2 « Contrats conclus à distance et hors établissement » nouvellement créée par l’article 5 du présent projet de loi s’applique dans son intégralité aux contrats portant notamment sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité. Ce faisant, le texte applique à la fois l’article 5-2 de la directive 2011/83, selon lequel le consommateur passant ce type de contrats doit recevoir un certain nombre d’informations de la part du professionnel (énumérées à l’article 5-1), et son article 5-4 qui autorise les États membres à « adopter des exigences supplémentaires en matière d’information précontractuelle » pour ce type de contrats.
Votre rapporteur ne peut que se féliciter des exigences accrues qui pèsent sur le professionnel et qui vont ainsi dans le sens d’une plus grande sécurité du consommateur.
Dans le cadre précédemment défini, l’article L. 121-17 énumère dans son I (alinéas 30 à 36) les différentes informations que le professionnel doit fournir au consommateur, préalablement à la conclusion de tout contrat de vente ou de fourniture de services.
Il s’agit, en premier lieu (article L. 121-17-1°), des informations figurant aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de l’article 4 du présent projet de loi : principales caractéristiques du bien ou du service, prix de celui-ci, données relatives à l’identité du professionnel...
Il s’agit, en second lieu, des informations énumérées à l’article 6-1 la directive 2011/83 et qui n’auraient pas déjà été comprises dans les articles L. 111-1 et L. 111-2 : on vise là notamment des précisions relatives à l’exercice du droit de rétractation (articles L. 121-17-2° à 5°), qui reprennent d’ailleurs les mentions visées aux articles 6-1-h) à 6-1-k) de la directive, des informations relatives aux cautions et garanties dont le consommateur peut bénéficier (article L. 121-17-6°) qui figurent aux paragraphes l, m et q de l’article 6-1, des informations relatives au coût de l’utilisation de la technique à distance (éléments visés à l’article 6-1-f) de la directive), des informations relatives à l’éventuelle existence de codes de bonne conduite (article 6-1-o)…
L’article L. 121-17-II (alinéa 37), pour sa part, est relatif à l’obligation d’information touchant au paiement de frais supplémentaires telle qu’elle figure à l’article L. 113-3-1-I du code de la consommation (créé par l’article 4-III du présent projet de loi) et au 3° du I de l’article L. 121-17-I. Si, dans ces deux cas, le professionnel ne s’est pas acquitté de son obligation d’information, le consommateur n’est pas tenu au paiement de ces frais, cette disposition figurant d’ailleurs à l’article 6-6 de la directive 2011/83.
Enfin, dans le sens d’une meilleure protection des consommateurs, le III (alinéa 38) du présent article dispose que la charge de la preuve de l’obligation d’information pèse sur le professionnel, reprenant ainsi le contenu de l’article 6-9 de la directive 2011/83.
3. Dispositions particulières applicables aux contrats conclus hors établissement (articles L. 121-18 à L. 121-18-2)
L’article L. 121-18 (alinéa 41), qui reprend les dispositions de l’article 7-1 de la directive communautaire 2011/83, précise que, dans le cadre d’un contrat passé hors établissement, le professionnel doit pleinement s’acquitter de son devoir d’information envers le consommateur et qu’il doit ainsi lui fournir, de manière lisible et compréhensible à la fois, l’ensemble des informations spécifiées à l’article L. 121-17-I.
Dans le même sens, le premier alinéa de l’article L. 121-18-1 (alinéas 42 à 44) oblige le professionnel à remettre au consommateur un exemplaire du contrat lui-même, toujours assorti des informations visées au I de l’article L. 121-17. Le deuxième alinéa précise que, pour les contrats portant sur la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel, le contrat peut mentionner le refus du consommateur de recourir à son droit de rétractation, cet alinéa reprenant une disposition qui découle de l’application des articles 7-2 et 16-m) de la directive 2011/83. Quant au troisième et dernier alinéa, il rappelle, conformément d’ailleurs à ce que précise l’article 6-1-h) de la directive, que tout contrat conclu hors établissement doit être accompagné du formulaire de rétractation visé au 2° du I de l’article L. 121-17.
Quant à l’article L. 121-18-2, il permet d’interdire tout paiement au moment de la conclusion d’un contrat conclu par démarchage (ou hors établissement).
4. Dispositions particulières applicables aux contrats conclus à distance (articles L. 121-19 à L. 121-19-4)
Les obligations qui pèsent sur le professionnel en matière d’information sont assez similaires en cas de conclusion d’un contrat à distance avec celles applicables lors de la conclusion d’un contrat conclu hors établissement.
Ainsi, comme le précise l’article L. 121-19 (qui reprend l’article 8-1 de la directive 2011/83), pèse sur lui une obligation générale d’information préalable à la conclusion du contrat, le professionnel devant donner au consommateur l’ensemble des informations spécifiées au I de l’article L. 121-17 (alinéa 54).
Tout en étant extrêmement impérative dans son principe, cette obligation peut être néanmoins exécutée avec une certaine souplesse (dans ce cas, seules importent véritablement les informations essentielles portant sur le bien ou le service), notamment si « la technique de communication utilisée impose des limites d’espace ou de temps » (article L. 121-19-1). Cet assouplissement reprend d’ailleurs aussi bien l’article 8-4 de la directive, qu’une partie de son article 8-1 qui rappelle que le professionnel met les informations à la disposition du consommateur « sous une forme adaptée à la technique de communication à distance utilisée ».
Une fois le contrat conclu, le professionnel doit envoyer au consommateur la confirmation du contrat conclu (article L. 121-19-2, reprenant l’article 8-7-a) et b), comprenant l’ensemble des informations prévues au I de l’article L. 121-17, sous réserve néanmoins qu’il ne les lui ait pas déjà communiquées (alinéa 57).
Reprenant les préconisations des articles 8-2 et 8-3 de la directive 2011/83, l’article L. 121-19-3 (alinéas 59 à 61) insiste sur le fait que, dans le cadre des contrats passés par voie électronique, le professionnel doit délivrer un certain nombre d’informations, au nombre desquelles l’obligation de paiement qui s’impose au consommateur. Celle-ci doit être établie de manière claire et lisible afin de dissiper tout doute dans l’esprit du consommateur et lui permettre d’accepter ainsi le principe du paiement sans aucune équivoque.
L’article L. 121-19-4 (alinéas 62 et 63) conclut l’ensemble du dispositif en posant le principe selon lequel le professionnel est responsable à l’égard du consommateur de la bonne exécution du contrat conclu à distance, y compris lorsque les obligations à respecter incombent à d’autres prestataires de services que le professionnel principal. À charge ensuite pour lui, le cas échéant, de se retourner contre ces autres professionnels en cas de litige afin de faire reconnaître ses droits. Le deuxième alinéa du présent article précise en outre que le professionnel peut s’exonérer de toute responsabilité en apportant la preuve d’une cause étrangère ayant entraîné l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat, que celle-ci soit imputable au consommateur lui-même, à un événement de force majeure ou au fait imprévisible d’un tiers au contrat.
→ L’état du droit
En l’état actuel du droit, le démarchage téléphonique est régi par l’article L. 121-27 du code de la consommation, qui traite également du démarchage effectué par « tout moyen assimilable », mention qui a d’ailleurs disparu du présent projet de loi.
Cette disposition pose le principe selon lequel, à la suite d’un démarchage téléphonique, le professionnel doit adresser au consommateur une confirmation de l’offre qu’il a faite oralement, le consommateur n’étant engagé que par sa signature.
→ Les dispositions du projet de loi
L’article 121-20 du présent texte réitère ce principe tout en l’enrichissant :
– il affirme de nouveau (alinéa 67) que le professionnel doit, à la suite de son démarchage, adresser au consommateur, sur papier ou sur tout autre support durable, une confirmation de l’offre qu’il a préalablement faite. De même, le consommateur n’est définitivement engagé que par sa seule signature (alinéa 68) ;
– il pose par ailleurs le principe selon lequel le professionnel effectuant un démarchage téléphonique se doit de décliner d’emblée son identité, le cas échéant l’identité de la personne (physique ou morale) pour le compte de laquelle il effectue l’appel et la nature commerciale de ce dernier ;
– enfin, pour tenir compte notamment de la place croissante du e-commerce, il est précisé que le consommateur n’est engagé qu’après avoir donné son consentement par écrit (de manière manuscrite) ou par voie électronique (e-mail d’acceptation par exemple).
→ L’état du droit
La manière dont les consommateurs peuvent se prémunir des appels téléphoniques intempestifs ayant un objet commercial a fait l’objet de nombreux débats au cours des années récentes. Cette question a d’ailleurs soulevé de nombreuses interrogations puisque, au-delà de la simple relation entre consommateur et professionnel, la multiplication des moyens utilisés (démarchage par téléphone mais aussi par sms, par e-mails…), elle touche à l’utilisation de fichiers qui ont pu être établis par des professionnels et dont l’usage doit être fortement encadré au regard des impératifs existants en matière de libertés publiques.
● Des dispositifs existants diversifiés mais peu efficaces
En l’état actuel de la réglementation, plusieurs dispositions législatives peuvent être rappelées, qui permettent dès à présent de s’opposer au démarchage téléphonique ayant une visée commerciale :
– l’article 38, alinéa 2, de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés permet à toute personne de « s’opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale… » ;
– l’article 34-5 du code des postes et des communications électroniques dispose pour sa part qu’« est interdite la prospection directe au moyen de systèmes automatisés d’appel ou de communication, d’un télécopieur ou de courriers électroniques utilisant les coordonnées d’une personne physique, abonné ou utilisateur, qui n’a pas exprimé préalablement son consentement à recevoir des prospections directes par ce moyen » (alinéa 1er). En outre, l’alinéa 5 de ce même article permet à tout particulier de transmettre une demande aux opérateurs commerciaux « tendant à obtenir que ces communications cessent sans frais autres que ceux liés à la transmission de celle-ci » ;
– l’article R-10 du code des postes et des communications électroniques dispose pour sa part que toute personne « peut obtenir gratuitement de l’opérateur auprès duquel elle est abonnée ou du distributeur de son service : 1. De ne pas être mentionnée sur les listes d’abonnés ou d’utilisateurs publiées ou susceptibles d’être consultées par les services de renseignements … [et] 4. Que les données à caractère personnel la concernant issues des listes d’abonnés ou d’utilisateurs ne soient pas utilisées dans des opérations de prospection directe soit par voie postale, soit par voie de communications électroniques ».
De plus, une initiative importante a été lancée au mois de septembre 2011 par M. Frédéric Lefebvre, Secrétaire d’État en charge de la consommation, à travers le système PACITEL. Cette liste d’opposition permet à tout consommateur de s’inscrire gratuitement sur cette liste (logique d’opt-out), afin de ne plus faire l’objet de prospection commerciale par téléphone de la part d’entreprises dont il n’est pas client, le consommateur pouvant saisir jusqu’à 6 numéros de téléphone personnels. Or, si ce système a rapidement connu un certain succès auprès des particuliers (le nombre d’inscriptions ayant dépassé le million de personnes), il n’a pas été suivi d’effet pour autant. En effet, dans la mesure où il repose sur une libre adhésion des entreprises de vente directe au dispositif (PACITEL étant un service payant dont le coût peut s’élever jusqu’à 5 000 € par an pour une PME), la mise en place de PACITEL n’a pas empêché de nombreux consommateurs de continuer à être démarchés par voie téléphonique par des entreprises qui refusent d’adhérer à ce système (39).
● Des initiatives parlementaires nombreuses mais inabouties
En dépit de l’arsenal juridique existant, le démarchage commercial par voie téléphonique continue d’exister, y compris au détriment des consommateurs, qui soulèvent là une véritable nuisance : une étude récente a ainsi montré que 73 % des consommateurs sondés refusaient d’être contactés par voie téléphonique, sauf urgence (40).
Dans ce contexte, plusieurs initiatives parlementaires ont été prises pour réguler le démarchage commercial par voie téléphonique :
– une proposition de loi a été déposée en mars 2011 puis discutée au Sénat au mois d’avril « visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique » (41). Son article 1er souhaitait réécrire l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 en introduisant un nouvel article 34-5-1 dans le code des postes et des communications électroniques, qui obligerait tout opérateur à recueillir le consentement exprès de l’abonné pour permettre l’utilisation par un tiers au contrat (c’est-à-dire par un professionnel) de ses données personnelles à des fins de prospection directe. Le non respect de ce principe était par ailleurs punissable d’une amende pouvant atteindre 45 000 €. Cette proposition de loi a été votée par le Sénat puis transmise à l’Assemblée nationale le 29 avril 2011 mais aucune suite ne lui a été donnée ;
– une proposition de loi a par ailleurs été présentée sur le même sujet à l’Assemblée nationale, quelques semaines plus tard « pour l’encadrement du démarchage téléphonique des particuliers » (42). L’article 1er de cette proposition, réécrivant à son tour l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978, vise exactement au même objet que celui poursuivi par le texte sénatorial, à savoir proposer que l’abonné donne préalablement et par écrit son accord pour que ses données personnelles puissent être utilisées à des fins de prospection commerciale. Faute d’accord, elles seraient considérées comme strictement personnelles et ne pourraient, de ce fait, être utilisées dans le cadre d’un quelconque démarchage. À ce jour, cette proposition de loi, renvoyée à la Commission des affaires économiques, n’a pas été examinée ;
– le projet de loi « renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs » discuté à l’Assemblée nationale à partir du mois de juillet 2011 a également eu l’intention de régler ce problème (43). Contrairement à la logique poursuivie par les deux précédentes initiatives, la solution préconisée (amendement n° 435 présenté par M. Daniel Fasquelle, rapporteur au nom de la Commission des affaires économiques) consistait à permettre au consommateur ne souhaitant pas faire l’objet de démarchage téléphonique de s’inscrire sur une liste : on passait donc d’une logique d’opt-in à une logique d’opt-out, censée moins déstabilisatrice pour les entreprises de démarchage commercial, requérant de ce fait une démarche positive de la part du consommateur. Au cours des débats, le Sénat a adopté contre l’avis du Gouvernement d’alors une rédaction différente de ce nouvel article 8 ter, substituant à la solution proposée par l’Assemblée nationale la rédaction qu’il avait adoptée lors de l’examen de la proposition de loi n° 354 qu’il avait effectué quelques semaines auparavant : la logique de l’opt-in était donc rétablie, l’abonné devant donner son accord préalablement à l’utilisation de ses données personnelles à des fins de prospection commerciale. Le projet de loi adopté par le Sénat a été transmis à l’Assemblée nationale le 23 décembre 2011 mais la navette ne s’est pas poursuivie.
→ La solution préconisée par le projet de loi
L’article L. 121-20-1 figurant dans le présent texte choisit très clairement un système alliant protection du consommateur et sauvegarde d’un secteur économique (la prospection commerciale) qui compte près de 275 000 emplois en France.
En instaurant ainsi un système d’opt-out, il appartient donc au consommateur d’effectuer une démarche volontaire en s’inscrivant sur une liste d’opposition au démarchage commercial par voie téléphonique, le professionnel ayant ensuite l’interdiction d’appeler l’abonné qui y figurerait. En d’autres termes, la réglementation proposée ici vise à inscrire le dispositif PACITEL dans la loi afin d’éviter que les travers constatés depuis sa mise en place ne perdurent, notamment le refus de certaines entreprises de prospection commerciale d’y participer et donc de s’y soumettre. La gestion de la liste d’opposition serait confiée à un organisme choisi après appel d’offres, un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’information et des libertés régissant les modalités pratiques relatives à l’utilisation d’un tel fichier.
Contrairement à ce qui avait été proposé par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif aux droits, à la protection et à l’information des consommateurs, le présent texte souhaite exonérer de l’interdiction de tout démarchage la prospection en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines afin de préserver un secteur qui connaît des difficultés particulières dans notre pays.
6. Droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement (articles L. 121-21 à L. 121-23)
→ L’état du droit
La réglementation applicable aux contrats de vente à distance résulte principalement de la directive 97/7/CE (44) qui a été transposée en droit français par l’ordonnance du 23 août 2001 (45). Celle-ci a notamment modifié les articles L. 121-8 et suivants du code de la consommation. À ce titre, l’article L. 121-20 dispose que « le consommateur dispose d’un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation… », marquant ici un léger durcissement par rapport à ce que prévoyait la directive 97/7/CE, l’article 6 de cette dernière disposant en effet que le consommateur bénéficie, pour tout contrat à distance, « d’un délai d’au moins sept jours ouvrables pour se rétracter sans pénalités et sans indication du motif ».
Quant à ses modalités d’application, il ressort que le délai de rétractation court :
– à compter de la réception du bien par le consommateur, dans le cadre d’un contrat de vente ;
– à compter de l’acceptation de l’offre par le consommateur, dans le cadre d’un contrat de prestation de services.
→ La solution préconisée par le projet de loi
Reprenant les dispositions de l’article 9-1 de la directive 2011/83, le nouvel article L. 121-21 (alinéa 78) du code de la consommation prévoit à son tour que le consommateur dispose, dans le cadre d’un contrat conclu à distance ou hors établissement, d’un délai de rétractation de « quatorze jours » et non plus seulement de sept, se révélant ainsi beaucoup plus protecteur. Durant ce délai, le consommateur exerce librement son droit de rétractation, sans avoir à motiver sa décision de quelque façon que ce soit, les seuls coûts à sa charge étant les coûts de renvoi des biens tels que cela est prévu aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5 nouveaux du code de la consommation, également créés par le présent article du présent projet de loi.
L’article L. 121-21 précise par la suite les différents points de départ devant être pris en considération pour établir le décompte du délai de quatorze jours :
– dans le cadre des contrats de prestation de services et des contrats visés à l’article L. 121-16-2 du code de la consommation (c’est-à-dire notamment des contrats de fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité), le délai de rétractation court à compter du jour de la conclusion du contrat (disposition figurant à l’article 9-2-a de la directive 2011/83) ;
– dans le cadre de contrats portant sur la vente de biens ou de contrats de prestation de services incluant la livraison d’un bien, le délai court à compter de la réception du bien par le consommateur (article 9-2-b). Si le contrat de vente porte sur plusieurs biens ou si le bien est composé de lots multiples devant être livrés sur une période définie, le point de départ est fixé au jour de la réception du dernier bien ou de la dernière pièce (reprenant de ce fait les dispositions figurant aux articles 9-2-b)-i et 9-2-b)-ii de la directive 2011/83). Enfin, pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai de rétractation court à compter de la réception par le consommateur du premier bien (disposition reprise de l’article 9-2-b)-iii).
→ L’état du droit
En l’état actuel du droit, tel qu’il résulte principalement de la directive 97/7/CE introduite en droit interne par les articles 10 et 11 de l’ordonnance du 23 août 2001, le délai de rétractation, s’il n’a pas été porté à la connaissance du consommateur comme le préconise pourtant l’article L. 121-19 du code de la consommation, passe de sept jours « à trois mois ». Néanmoins, lorsque la fourniture des informations demandées intervient au cours de cette période de trois mois (qui débute à compter de la réception des biens ou, dans le cadre d’un contrat de prestation de services, à compter de l’acceptation de l’offre), la date de réception des informations fait courir le délai normal de sept jours pour exercer son droit de rétractation.
En outre, l’article L. 121-20-1 du code de la consommation prévoit que, lorsque le consommateur a exercé son droit de rétractation, le professionnel « est tenu de rembourser sans délai le consommateur et au plus tard dans les trente jours suivant la date à laquelle ce droit a été exercé ». Au-delà de ce délai, la somme due au consommateur est, de plein droit, productive d’intérêts au taux légal en vigueur.
→ Les changements apportés par le projet de loi
Le présent projet de loi crée sept nouveaux articles (numérotés L. 121-21-1 à L. 121-21-7) qui reprennent en grande partie des dispositions figurant dans la directive 2011/83, tout en y apportant quelques modifications (alinéas 84 à 104).
● Prolongation du délai de rétractation (article L. 121-21-1)
À l’image de ce qui figure à l’article 10-1 de la directive transposée par le présent projet de loi, le délai de rétractation, si son existence et ses modalités d’exercice n’ont pas été portées à la connaissance du consommateur, passe de quatorze jours à un délai supplémentaire de douze mois (alinéa 84). Ce système extrêmement protecteur pour le consommateur tombe néanmoins puisque, si les informations utiles en la matière sont apportées au consommateur au cours de cette prolongation, le délai de rétractation expire au bout d’un délai de quatorze jours à compter du jour de réception de ces informations par le consommateur (alinéa 85).
● Modalités pratiques d’exercice du droit de rétractation (article L. 121-21-2)
L’alinéa 1er de cet article transpose à la fois les articles 11-1-a) et b), et l’article 11-2 de la directive 2011/83.
Concrètement, tout consommateur souhaitant exercer son droit de rétractation doit en informer le professionnel, avant l’expiration du délai légal de rétractation (au-delà duquel, fort logiquement, celui-ci ne peut plus être exercé), en lui adressant le formulaire de rétractation ou tout autre document équivalent à partir du moment où la volonté de se rétracter y est exprimée sans ambiguïté (alinéa 86).
Le deuxième alinéa permet également au consommateur d’envoyer sa déclaration de rétractation par voie électronique, le professionnel devant alors lui envoyer en retour et « sans délai » un accusé de réception (alinéa 87).
En tout état de cause, et c’est là l’objet du troisième alinéa, la preuve de l’exercice du droit de rétractation pèse sur celui qui l’a exercé, c’est-à-dire sur le consommateur (alinéa 88).
● Obligations consécutives à l’exercice du droit de rétractation (articles L. 121-21-3 et L. 121-21-4)
L’article L. 121-21-3 transpose les articles 14-1 et 14-2 de la directive 2011/83 qui sont spécifiques aux obligations incombant au consommateur en cas d’exercice de sa part de son droit de rétractation (alinéas 89 à 91).
Une fois son souhait de se rétracter envoyé au professionnel, le consommateur doit également lui restituer le bien dans les meilleurs délais, en tout état de cause au plus tard au bout de quatorze jours à compter de la date à laquelle il a fait part au professionnel de son souhait d’exercer son droit de rétractation.
C’est en principe au consommateur de supporter les frais de renvoi du bien sauf si le professionnel accepte de les prendre à sa charge ou s’il a omis de préciser au consommateur que ces coûts lui incombaient. Par parallélisme avec ce qui est prévu à l’article L. 121-21-1 sur le possible allongement du droit de rétractation, cette disposition fait peser sur le professionnel un véritable devoir d’information qui, s’il n’est pas correctement effectué, entraîne des conséquences qui bénéficient au consommateur.
La responsabilité du consommateur ne peut être engagée sauf si, par des manipulations qui ne s’avéraient pas nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement du bien, celui-ci a endommagé le bien qui lui avait été envoyé. Une nouvelle fois, le défaut d’information de la part du professionnel sur l’existence et les modalités d’exercice du droit de rétractation est sanctionné au bénéfice du consommateur, par l’impossibilité de mettre en œuvre sa responsabilité d’une quelconque manière.
Quant à l’article L. 121-21-4 (alinéas 92 à 96), relatif aux obligations qui incombent au professionnel, il transpose l’article 13 de la directive 2011/83 en en modifiant quelque peu les dispositions.
Par parallélisme avec ce que prévoit l’article précédent, cette disposition prévoit que le professionnel est tenu, en cas de rétractation de la part du consommateur, de le rembourser sans retard, au plus tard dans les quatorze jours de la réception de la demande de rétractation émanée du consommateur. Il est néanmoins prévu que, dans le cadre d’un contrat de vente de biens, le professionnel peut ne rembourser le consommateur qu’à compter du moment où il a reçu les biens précédemment envoyés ou, à tout le moins, à partir du moment où il a reçu la preuve de la réexpédition des biens de la part du consommateur.
Alors que la directive 2011/83 n’avait rien prévu à ce sujet, le projet de loi a choisi de favoriser de façon encore plus évidente le consommateur en prévoyant que les sommes dues par le professionnel seraient fortement majorées en cas de retard de remboursement de sa part : 10 % si le remboursement intervient plus de 30 jours après l’expiration des délais précédemment fixés, 20 % si le remboursement intervient entre 30 et 60 jours, 50 % au-delà. Le système ainsi prévu se veut beaucoup plus dissuasif que la réglementation en vigueur, l’actuel article L. 121-20-1 prévoyant que, faute de remboursement dans le délai de trente jours à compter de l’exercice du droit de rétractation, la somme due par le professionnel « est, de plein droit, productive d’intérêts au taux légal en vigueur ». Il convient à ce titre de préciser que le taux d’intérêt légal, servant fréquemment de référence pour calculer un certain nombre de pénalités, notamment en matière fiscale et civile, a été fixé à 0,04 % pour l’année 2013, niveau historiquement bas en raison principalement du rendement négatif, de juillet à décembre 2012, de certains emprunts à court terme de l’État qui servent à son calcul (46).
Enfin, les deux derniers alinéas de l’article L. 121-21-4, reprenant presque textuellement les articles 13-1, alinéa 2, et 13-2 de la directive 2011/83, disposent que le remboursement du consommateur doit s’exercer en utilisant le même moyen de paiement que celui auquel le consommateur a initialement eu recours (sauf si celui-ci autorise le professionnel à user d’un moyen différent) et que le professionnel n’a pas à rembourser les frais supplémentaires qui auraient pu être occasionnés par le recours de la part du consommateur à un service de livraison plus coûteux que le modèle standard proposé.
● Dispositions spécifiques au droit de rétractation (articles L. 121-21-5 et L. 121-21-6)
L’article L. 121-21-5 (alinéas 97 à 99) ne concerne que les contrats portant sur une prestation de services.
Il oblige tout d’abord le professionnel à recueillir la demande expresse du consommateur si ce dernier souhaite qu’une prestation de services débute avant l’expiration du délai légal de rétractation. Si, après que cette prestation de services a commencé à recevoir une exécution, le consommateur manifeste sa volonté d’user de son droit de rétractation, ce dernier doit verser au professionnel une somme correspondant au service fourni jusqu’à ce qu’il a reçu la décision du consommateur de se rétracter. Comme le spécifie également l’article 14-3 de la directive que le présent article transpose en droit interne, le montant dû est calculé de manière à être proportionné au prix total de la prestation tel qu’il était convenu dans le contrat. Le dernier alinéa de l’article, reprenant l’article 14-4-a)-i de la directive 2011/83, exonère le consommateur de tout paiement si le professionnel n’a pas recueilli comme il le devait sa demande de rétractation.
L’article L. 121-21-6 (alinéas 100 à 102), qui reprend l’article 14-4-b de la directive, vise pour sa part spécifiquement les contrats de fourniture de contenu numérique non fourni sur un support matériel (en d’autres termes les logiciels). De nouveau, il est prévu qu’en cas de manquement de la part du professionnel à ses obligations formelles, le consommateur ne lui est redevable d’aucune somme lorsqu’il exerce son droit de rétractation.
● Conséquence du droit de rétractation (article L. 121-21-7)
Reprenant de manière laconique l’article 12 de la directive 2011/83, le présent article dispose que l’exercice par le consommateur de son droit de rétractation met fin à toute relation contractuelle entre lui et le professionnel. Si la rétractation porte sur un contrat principal, son exercice met également fin à tous les contrats accessoires afférents.
→ L’état du droit
L’article 12 de l’ordonnance du 23 août 2001, qui a créé le nouvel article L. 121-20-2 du code de la consommation, a prévu que, sauf si les parties en convenaient autrement, le droit de rétractation du consommateur ne pouvait être exercé pour six sortes de contrats.
→ Les changements apportés par le projet de loi
Reprenant dans le même ordre les exceptions prévues par la directive 2011/83, le nouvel article L. 121-21-8 prévoit que le droit de rétractation ne peut être exercé pour treize sortes de contrats sans que les parties ne puissent d’ailleurs déroger d’une quelconque façon à ces diverses interdictions.
Si certaines exceptions existaient déjà dans le code de la consommation (qu’il s’agisse des contrats de fourniture de biens ou de services dont le prix est fonction de fluctuations des taux du marché financier, des contrats de fourniture d’enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu’ils ont été descellés par le consommateur ou des contrats de fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines), la nouvelle réglementation en ajoute de nouvelles qui tiennent aussi bien à la sécurité du consommateur (tel est notamment le cas des contrats de fourniture de biens qui ont été descellés et qui ne peuvent ensuite être renvoyés pour des raisons d’hygiène ou de protection de la santé) qu’à l’ineffectivité de l’exercice du droit de rétractation (c’est ainsi le cas lorsque la prestation de services a été pleinement exécutée avant la fin du délai de rétractation, l’exécution ayant commencé après renoncement par le consommateur de son droit de rétractation).
d) La sanction du non-respect des règles relatives au droit de rétractation (articles L. 121-22 à L. 121-23)
→ L’état du droit
Le code de la consommation prévoit dès à présent la sanction du professionnel en cas de méconnaissance de sa part de son obligation d’information à l’égard du consommateur. Résultant d’un décret de 2003 (47), l’article R. 121-1 du code de la consommation prévoit donc que le non-respect de l’article L. 121-18 est puni d’une peine d’amende applicable « pour les contraventions de cinquième classe ». La violation des dispositions visées aux articles L. 121-19 et L. 121-20-1 est punie de la même peine, aux termes respectivement des articles R. 121-1-1 et R. 121-1-2.
Il convient de préciser à cet effet que les contraventions de cinquième classe sont, aux termes de l’article 131-13 du code pénal, punies d’une amende d’un montant de 1 500 € au plus, ce montant pouvant être « porté à 3 000 € en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit ».
→ Les changements apportés par le projet de loi
L’instauration de sanctions en cas de méconnaissance des dispositions précédentes est explicitement permise par l’article 24 de la directive 2011/83, qui dispose que ce sont les États membres qui « déterminent le régime des sanctions applicables aux violations nationales prises en application » de cette même directive. Les dispositions prévues ici ne sont donc en aucun cas la transposition de dispositions prises au plan communautaire.
La première innovation apportée par le projet de loi consiste à faire basculer les sanctions applicables de la partie réglementaire vers la partie législative du code de la consommation. La deuxième innovation consiste à prévoir que les sanctions applicables pourront être de deux natures, administrative ou pénale.
● La sous-section 7 (alinéas 119 à 123) de la nouvelle section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation (relative aux « Ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance ») est spécifiquement relative aux sanctions administratives (articles L. 121-22 à L. 121-22-2).
Il est ainsi prévu que tout manquement aux dispositions relatives au devoir d’information qui incombe au professionnel dans le cadre d’un contrat conclu hors établissement (article L. 121-18) ou conclus à distance (article L. 121-19 à L. 121-19-3), ou dans le cadre d’un démarchage téléphonique (article L. 121-20), est passible d’une peine ne pouvant dépasser 3 000 € pour une personne physique ou 15 000 € pour une personne morale. Il est également prévu que l’amende prononcée le soit par la DGCCRF dans les conditions déterminées par l’article L. 141-1-2, tel qu’il résulte de l’article 53 du présent projet de loi.
L’article L. 121-22-1 dispose que tout manquement aux dispositions relatives au droit de rétractation (articles L. 121-21 à L. 121-21-8) encourt pour sa part une peine importante, puisqu’elle peut aller jusqu’à 15 000 € pour une personne physique ou 75 000 € pour une personne morale. La peine est, là aussi, prononcée dans les conditions prévues par l’article L. 141-1-2 du code de la consommation.
Enfin, l’article L. 121-22-2 prévoit que tout manquement aux dispositions énoncées à l’article L. 121-20-1 (relatif non pas au simple démarchage mais à la prospection commerciale par voie téléphonique) est passible, dans les mêmes conditions, des peines énoncées à l’article L. 121-22-1.
● Quant à la sous-section 8 (qui se résume au seul article L. 121-23), elle est exclusivement relative aux sanctions pénales (alinéas 124 à 129).
Il est tout d’abord prévu, au premier alinéa (alinéa 126), que tout manquement aux articles L. 121-18-1 et L. 121-18-2 (respectivement relatifs, pour les contrats conclus hors établissement, à l’obligation pour le professionnel de donner un exemplaire du contrat au consommateur confirmant l’engagement des parties et à l’interdiction pour le professionnel de percevoir un paiement ou une contrepartie de la part du consommateur avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat) est passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant s’élever à 150 000 €.
Le deuxième alinéa (alinéa 127) prévoit que toute personne physique déclarée coupable peut, sur le modèle de ce qui est prévu à l’article 131-27 du code pénal, se voir appliquer à titre complémentaire une interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer une activité professionnelle, celle-ci ne pouvant en tout état de cause excéder cinq ans.
Le troisième alinéa (alinéa 128) dispose, quant à lui, que le consommateur qui s’est constitué partie civile à l’occasion d’une action pénale menée contre un professionnel ayant manqué à ses obligations peut demander au juge pénal une somme correspondant au montant des paiements qu’il aurait déjà effectués ou aux effets souscrits.
Le dernier alinéa de l’article L. 121-23 (alinéa 129) concerne la responsabilité des personnes morales. Pénalement responsables dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal (qui énonce le principe de la responsabilité pénale de toute personne morale à l’exclusion de l’État), cet article précise deux points quant aux peines encourues :
– ces personnes morales peuvent tout d’abord être condamnées à une amende prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-38 du code pénal (aux termes duquel « le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction ») ;
– elles peuvent être également condamnées à l’une des peines énoncées par les 2° à 9° de l’article 131-39 du code pénal (dissolution, interdiction d’exercer une activité, placement sous surveillance judiciaire…). Quelle que soit la peine prononcée (à l’exception néanmoins des peines de confiscation et d’affichage de la décision pénale prononcée prévues aux 8° et 9°), celle-ci ne peut excéder cinq ans.
→ L’état du droit
L’actuel article L. 121-20-15 du code de la consommation assure pleinement la protection des consommateurs résidant dans l’Union européenne. En effet, il dispose que si le contrat à distance (qu’il porte sur un bien, une prestation de service ou un service financier) a été passé sous l’empire d’une loi relevant d’un État non membre de l’Union européenne, le juge devra, en cas de litige, écarter la loi précédemment visée au bénéfice de la réglementation communautaire si le contrat présente un lien étroit avec le territoire d’un État européen.
→ Les dispositions du projet de loi
Sous une forme plus complète, le présent article reprend le principe énoncé à l’actuel article L. 121-20-15. À partir du moment où un contrat à distance ou hors établissement présente un lien étroit avec le territoire d’un État membre de l’Union européenne, le consommateur partie à ce contrat ne peut être privé des mesures de protection que lui assure, en application de la directive 2011/83, la réglementation nationale de l’État dont il est résident.
Reprenant le principe énoncé à l’actuel article L. 121-20-16 du code de la consommation, ce dernier article dispose que l’ensemble de la section 2 est d’ordre public.
9. Dispositions particulières aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers (articles L. 121-26 à L. 121-33)
Les articles L. 121-26 à L. 121-33 opèrent une nouvelle codification et, de manière extrêmement marginale, une nouvelle rédaction, de la sous-section 2 « Dispositions particulières aux contrats portant sur des services financiers » de l’actuelle section 2 du chapitre Ier du Titre II du Livre Ier du code de la consommation (articles L. 121-20-8 à L. 121-20-14).
→ L’état du droit
Les dispositions actuelles du code de la consommation résultent de la transposition, par l’ordonnance n° 2005-648 (48), de la directive 2002/65/CE du Parlement et du Conseil du 23 septembre 2002 (49).
Très proches des dispositions applicables aux autres contrats à distance, ces articles concernent spécifiquement tous les services qui touchent au secteur de la banque, de l’assurance, du crédit…
L’article L. 121-20-10 impose au professionnel de transmettre un certain nombre d’informations au consommateur avant qu’il ne soit lié par un contrat (identité et coordonnées du professionnel, existence ou non d’un droit de rétractation, loi applicable aux relations précontractuelles…). Ces informations, ainsi que le spécifie ensuite l’article L. 121-20-11, doivent être adressées au consommateur sur un support papier ou sur tout autre support durable. Le consommateur dispose par ailleurs d’un délai de rétractation de quatorze jours sans avoir à le justifier de quelque manière que ce soit (article L. 121-20-12), le délai de rétractation ne s’appliquant pas en revanche à un certain nombre de contrats (contrats de prêts viagers hypothécaires, contrats de jouissance d’immeubles à temps partagé, contrats immobiliers…) ; en cas de rétractation, le consommateur ne doit pas non plus supporter de quelconque pénalité. En vue d’assurer une meilleure protection du consommateur, l’article L. 121-20-13 prévoit par ailleurs que les contrats pour lesquels s’applique le délai de rétractation ne peuvent commencer à être exécutés avant l’expiration du délai de rétractation, sauf si le consommateur en est d’accord. Enfin, une fois le droit de se rétracter exercé, le fournisseur est tenu de rembourser dans les trente jours (au-delà, la somme à rembourser est productive d’intérêts au taux légal) au consommateur les frais perçus de la part de celui-ci à l’exception de ceux correspondant à un service effectif.
→ Les dispositions du projet de loi
Les nouvelles dispositions, sauf exception (c’est notamment le cas de menus changements à l’article L. 121-27), n’opèrent aucune nouvelle rédaction des dispositions existantes.
Elles ont seulement pour effet d’individualiser les dispositions relatives aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers en une seule section, la nouvelle section 3 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation. Il s’agit là de prendre acte du fait que la directive 2011/83 opère une unification des régimes juridiques applicables aux contrats conclus à distance (hors services financiers) et aux contrats conclus hors établissements (il s’agit du démarchage) qui faisaient jusqu’alors l’objet de réglementations relevant de sections distinctes.
Désormais, le chapitre Ier comportera donc trois sections spécifiques : la première demeure relative aux « pratiques commerciales trompeuses et [à la] publicité », la deuxième concerne la réglementation applicable aux « contrats conclus à distance et hors établissement », la troisième étant donc relative aux seuls « contrats conclus à distance portant sur des services financiers ».
Votre rapporteur ne peut que saluer la transposition ainsi effectuée de la directive 2011/83/CE qui va ainsi permettre de mieux protéger le consommateur dans le cadre des ventes à distance.
Tout en approuvant le dispositif d’ensemble face auquel, en tout état de cause, les marges de manœuvre étaient faibles du fait de l’harmonisation maximale qu’il convenait d’opérer, votre rapporteur a souhaité opérer quelques précisions.
Ainsi, il était nécessaire de préciser que l’interdiction d’appeler un consommateur qui s’est inscrit sur une liste d’opposition à la prospection commerciale par voie de démarchage téléphonique ne s’applique pas en cas de relations contractuelles préexistantes entre le consommateur et l’entreprise. De tels appels peuvent en effet être nécessaires pour permettre à l’entreprise de vérifier le bon fonctionnement du contrat passé, pour proposer au consommateur d’en aménager les conditions afin de tenir compte de son profil de consommation, pour vérifier sa satisfaction du service rendu… Autant d’éléments qui justifient une exception à l’interdiction de principe.
Par ailleurs, l’alinéa 94 de l’article 5 prévoit, comme on l’a vu, que le professionnel doit rembourser le consommateur ayant usé de son droit de rétractation dans les 14 jours suivant la date à laquelle il est informé de sa décision d’exercer ce droit. Au-delà, les sommes dues sont majorées de plein droit de 10 % si le remboursement intervient dans les 30 jours après l’expiration du délai de 14 jours précédemment fixé, de 20 % si le retard est compris entre 30 et 60 jours, de 50 % au-delà. Si ce quantum de sanctions peut être justifié pour certaines entreprises de commerce en ligne, elles apparaissent, en revanche, trop sévères pour certaines petites entreprises qui peuvent connaître quelque retard dans le remboursement des sommes initialement perçues et dont la trésorerie peut être tendue. Aussi, votre rapporteur a-t-il fait adopter un amendement prévoyant tout d’abord un abaissement des pénalités, pour les porter à respectivement 5, 10 et 35 %. En outre, dans la rédaction du projet de loi, le professionnel qui ne rembourse pas les sommes dues au-delà de soixante jours ne subit aucune peine supplémentaire s’il tarde davantage, le système actuel offrant ainsi une véritable prime à l’inertie. C’est la raison pour laquelle votre rapporteur a souhaité compléter le dispositif existant par une mention précisant que les pénalités dues au-delà de la période de quatre-vingt-dix jours seraient augmentées de cinq points supplémentaires par nouveau mois de retard jusqu’au prix du produit, puis du taux d’intérêt légal.
*
* *
La Commission examine l’amendement rédactionnel CE 530 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
L’amendement CE 530 est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements rédactionnels du rapporteur CE 531, CE 532 et CE 533.
M. le ministre délégué. Avis favorable à ces trois amendements.
La Commission adopte successivement ces amendements.
Elle se saisit ensuite de l’amendement CE 13 de Mme Chantal Guittet.
Mme Pascale Got. Cet amendement vise à étendre aux foires et aux marchés le délai de rétractation de quatorze jours prévus par le projet de loi pour les contrats conclus à distance et hors établissement.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. La directive européenne que nous transposons ne définit pas les ventes conclues lors de foires et de salons comme des ventes hors établissement. Afin que le consommateur puisse acheter en toute connaissance de cause, nous proposons plutôt de l’informer explicitement qu’il ne bénéficie pas de délai de rétractation pour les ventes conclues lors de foires ou de salons : cette disposition est reprise à l’article 11. Par ailleurs, il existe déjà des dispositions qui protègent les consommateurs, notamment les personnes vulnérables : je pense aux dispositions sur l’abus de faiblesse ou d’ignorance, sur les pratiques agressives ou déloyales…
M. le rapporteur. D’une part, formellement, il me semble qu’il aurait fallu rattacher cet amendement à l’article 11. D’autre part, nous préférons introduire l’obligation d’informer le client, sur le stand, qu’il n’existe pas de délai de rétractation. Aujourd’hui, lorsqu’on achète dans une grande surface par exemple, il n’y a pas de délai de rétractation.
M. le président François Brottes. À titre personnel, j’estime que l’ambiance survoltée des foire et salons, ainsi que le fait que l’on ne peut pas toujours retrouver les exposants par la suite, car ils n’ont pas vraiment de fonds de commerce, nous obligent à regarder cette question très sérieusement.
M. le ministre délégué. Si on ne retrouve pas facilement le commerçant, il va être difficile d’exercer un droit de rétractation…
M. le président François Brottes. Cette réflexion n’est pas absurde.
M. le ministre délégué. Nous voulons tous empêcher les personnes vulnérables, les plus susceptibles d’être harcelées par des vendeurs sans scrupules – sur les foires, mais aussi au téléphone – d’acheter des choses inutiles à des prix invraisemblables. Elles sont déjà protégées par la loi. Il paraît bon de les informer en plus qu’elles ne disposeront pas de délai de rétractation lorsqu’elles achètent dans une foire ou un salon.
Mme Pascale Got. Le contexte des achats dans les foires est effectivement particulier, l’acheteur est souvent pressé, bousculé… Quelles garanties aurons-nous que le vendeur porte vraiment cette information à la connaissance de ses clients ? Quand cela devra-t-il être fait ? Que prévoit l’amendement dont vous parlez, monsieur le rapporteur ?
M. le rapporteur. Dès lors qu’il y a une démarche volontaire du consommateur, qui se rend sur un site, on n’est pas dans le cadre de la vente à distance ou de la vente hors établissement, pour lesquels s’applique le délai de rétractation. C’est un principe qui n’a pas bougé dans notre droit depuis cinquante ans.
Par ailleurs, il existe des dérives. Mais le code de la consommation – en réprimant l’abus de faiblesse, la vente forcée, le mensonge… – nous donne les armes nécessaires pour les combattre. La difficulté que nous ont signalée les associations de consommateurs, c’est que les gens pensent qu’ils disposent d’un délai de rétractation : il faut donc informer le consommateur qu’il n’existe pas sur les foires et salons.
Enfin, ce qui m’a convaincu qu’il ne fallait pas instaurer un tel délai, c’est la question de l’immobilisation du stock, notamment lorsque les commerçants vendent des pièces uniques : imaginez un client qui achète le matin un meuble, une pièce unique, ou une caisse de bouteilles de vin, et qui – ayant trouvé mieux ou moins cher ailleurs – revient le soir pour exercer son droit de rétractation. Ce serait un problème considérable pour les professionnels.
L’amendement CE 13 est retiré.
La Commission examine l’amendement rédactionnel CE 534 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis défavorable : cette précision nous paraît inutile.
L’amendement CE 534 est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement rédactionnel CE 535 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
L’amendement CE 535 est retiré.
Puis elle en vient aux amendements rédactionnels CE 536 et CE 537 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte successivement ces amendements.
Elle examine ensuite l’amendement CE 663, tendant à la correction d’une erreur matérielle, du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis défavorable : la formule actuelle est moins ambiguë.
L’amendement CE 663 est retiré.
La Commission se saisit de l’amendement rédactionnel CE 538 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Je le retire mais, comme les autres, je le déposerai à nouveau pour la séance publique. Il y a, je crois, un problème technique.
L’amendement CE 538 est retiré.
Puis la Commission en vient aux amendements rédactionnels CE 539, CE 540 et CE 541 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable à ces trois amendements.
La Commission adopte successivement ces amendements.
Elle examine ensuite de l’amendement CE 354 de Mme Dubié.
Mme Jeanine Dubié. La directive européenne prévoit un délai de rétractation de quatorze jours au lieu de sept, et nous nous en félicitons. Pour éviter toute confusion dans l’esprit des consommateurs, il convient d’aligner sur ce nouveau délai la période d’interdiction de réception de paiement par le professionnel, en la portant elle aussi à quatorze jours. De plus, il sera plus difficile de se rétracter si le professionnel a déjà encaissé le paiement.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Cela ne serait pas conforme à la directive européenne 2011/83/UE que nous transposons.
M. le rapporteur. Avis défavorable : un délai de sept jours pendant lequel un professionnel ne peut percevoir de paiement me paraît largement suffisant.
La Commission rejette l’amendement CE 354.
La Commission est saisie de l’amendement rédactionnel CE 542 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CE 12 de Mme Chantal Guittet.
Mme Pascale Got. Dans le cadre d’un démarchage à domicile, le professionnel ne peut recevoir aucun paiement du consommateur avant l’expiration d’un délai de sept jours. Or le projet de loi introduit une dérogation à ce principe pour les contrats conclus aux cours de réunions organisées par le vendeur à son domicile ou au domicile du consommateur. Cette dérogation est une aubaine pour les commerçants, qui multiplieront ce type de réunions ; il importe de la supprimer pour protéger le consommateur. C’est ce que propose l’amendement.
M. le ministre délégué. Nous allons retravailler cette disposition. Je suggère le retrait de l’amendement.
Mme Pascale Got. Je le retire.
L’amendement CE 12 est retiré.
La Commission examine successivement les amendements rédactionnels et de précision CE 543, CE 544, CE 545, CE 546 et CE 547 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable à tous les amendements.
La Commission adopte successivement ces amendements.
Puis elle en vient aux amendements identiques CE 316 de Mme Jeanine Dubié et CE 498 de M. Frédéric Barbier.
Mme Jeanine Dubié. Les obligations incombant aux démarcheurs ne doivent pas valoir seulement lors de la conclusion d’un nouveau contrat mais aussi lorsqu’ils souhaitent faire modifier un contrat déjà souscrit par le consommateur. C’est ce que propose l’amendement CE 316.
M. Frédéric Barbier. L’amendement CE 498 a le même objet.
M. le ministre délégué. Les dispositions relatives au démarchage téléphonique et à la prospection commerciale tendent à protéger le consommateur surpris par une sollicitation. La modification d’un contrat précédemment souscrit n’entre pas dans ce cadre. Avis, pour cette raison, défavorable.
M. le rapporteur. Avis défavorable pour la même raison : la disposition est prévue pour s’appliquer quand le démarchage tend à conclure une nouvelle relation commerciale, non lorsqu’elle est déjà établie.
M. Frédéric Barbier. J’appelle votre attention sur la rédaction de l’alinéa précédent celui qui nous occupe. Il précise que « le professionnel qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d’un bien ou sur la fourniture d’un service indique au début de la conversation son identité, le cas échéant, l’identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel, et la nature commerciale de celui-ci. » De même, le client doit savoir qui l’appelle pour lui proposer une modification de son contrat. C’est en quoi l’amendement me paraît utile : bien souvent, il s’agit de sociétés tierces jouant les intermédiaires, qui se gardent bien de le faire savoir.
M. le rapporteur. Je suis sensible à ces explications qui appellent à approfondir la réflexion. Nous le ferons. Je suggère dans l’intervalle le retrait des deux amendements.
Les amendements CE 316 et CE 498 sont retirés.
La Commission examine l’amendement CE 357 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement vise à étendre le champ de l’article aux achats effectués à la suite de démarchages faits par tout moyen technique assimilable au téléphone. Certaines des personnes que nous avons auditionnées ont observé que la rédaction du texte est plus restrictive que ne le sont les dispositions actuelles du code de la consommation.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Il n’est pas possible de modifier le texte sur ce point dans le cadre d’une transposition d’harmonisation maximale qui, au demeurant, prévoit déjà un dispositif très complet de protection du consommateur.
M. le rapporteur. Avis également défavorable pour la même raison mais aussi parce que je vois mal quelle technique assimilable au téléphone est visée, talkie-walkie excepté. Peut-être vouliez-vous cibler plus précisément les moyens électroniques…
M. le président François Brottes. Je ne suis pas certain en effet que la rédaction de l’amendement traduise exactement la préoccupation exprimée.
Mme Jeanine Dubié. Je retire l’amendement.
L’amendement CE 357 est retiré.
La Commission en vient à l’amendement de précision CE 548 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE 662 du rapporteur.
M. le rapporteur. Plusieurs opérateurs auditionnés ont insisté sur le fait que l’interdiction de démarchage ne peut s’appliquer en cas de relations commerciales préexistantes. C’est ce que précise l’amendement.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est saisie ensuite de l’amendement rédactionnel CE 549 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
L’amendement CE 550 du rapporteur est retiré.
La Commission examine l’amendement de cohérence rédactionnelle CE 551 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement CE 664 du rapporteur, qui corrige une erreur de référence.
La Commission examine successivement l’amendement rédactionnel CE 665 et les amendements de précision, CE 552 et CE 553 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte les amendements.
Elle en vient ensuite à l’amendement rédactionnel CE 554 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Je retire l’amendement.
L’amendement CE 554 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement rédactionnel CE 555 du rapporteur.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle examine l’amendement CE 122 de Mme Catherine Vautrin.
Mme Catherine Vautrin. Pour permettre au vendeur de vérifier l’état de ce qui lui a été réexpédié, nous proposons de faire partir le délai de remboursement de la date de réception effective du bien restitué.
M. le ministre délégué. Nous avons abordé ce sujet pendant la discussion liminaire. Comme je l’ai indiqué, nous avons interrogé la Commission européenne au sujet des délais de rétraction, de restitution et de remboursement, et il nous a été répondu que nous ne pouvons pas toucher aux délais mais seulement jouer sur la gravité des sanctions. Je ne peux donc donner un avis favorable à l’amendement.
M. le rapporteur. Avis également défavorable, puisque nous sommes dans le champ d’une transposition maximale. Cependant, les dispositions du code de la consommation conditionnant le remboursement du bien à son bon état continuent de s’appliquer et satisfont en partie l’amendement. Nous devrons débattre des sanctions.
Mme Catherine Vautrin. Je prends acte de ces explications. Je retire l’amendement et j’en déposerai un autre, traitant des sanctions, lors de l’examen du texte en séance publique,
L’amendement CE 122 est retiré.
M. le président François Brottes. Sachez, chers collègues, que nous avons examiné 300 des quelque 700 amendements déposés.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE 677 du rapporteur et CE 427 de M. Thierry Benoit.
M. le rapporteur. Dans le texte initial, les pénalités dues en cas de non-remboursement par le professionnel sont de 10 % après trente jours de retard, 20 % entre trente et soixante jours, et 50 % au-delà. Cette grille était celle retenue notamment dans le cadre du projet de loi présenté par M. Frédéric Lefebvre sous la précédente législature. À l’époque, le débat avait fait valoir le caractère excessif des sanctions au début et le fait que, au bout de deux mois, le fournisseur n’avait plus intérêt à rembourser.
Mon amendement tend donc à abaisser sensiblement ces pénalités en les fixant respectivement à 5 % après trente jours de retard, 10 % entre trente et soixante jours et 35 % entre soixante et quatre-vingt-dix jours, en plus de la valeur de remboursement. S’y ajoutent cinq points supplémentaires par nouveau mois de retard, ainsi que le taux d’intérêt légal.
M. Thierry Benoit. Je propose de retenir plutôt les taux de 5, 10 et 25 %.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je suis favorable à l’amendement CE 677.
La Commission adopte l’amendement CE 677.
En conséquence, l’amendement CE 427 tombe.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels ou de précision CE 556 à CE 576 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
La Commission est saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 5.
Elle examine l’amendement CE 285 de M. Michel Lefait.
Mme Jacqueline Maquet. L’amendement tend à généraliser les dispositifs d’authentification renforcée sur internet. Le récent rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales considère en effet que la situation en matière de fraude à la carte bancaire sur internet est alarmante. Tandis que la généralisation des dispositifs d’authentification renforcée a permis une baisse de 52 % des fraudes en quatre ans au Royaume-Uni, la France les voit augmenter sensiblement en raison d’une absence de sécurisation des transactions. Comme l’ont souligné la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et les associations de consommateurs lors des auditions, cette situation est très préoccupante dans la mesure où elle affecte la confiance des consommateurs dans le commerce en ligne. Les études d’opinion sont unanimes : loin de freiner les consommateurs, les dispositifs d’authentification renforcée sont perçus comme un moyen de conforter les cyberacheteurs.
Dans ce texte, le Gouvernement entend sécuriser le commerce en ligne et protéger les consommateurs dans le cadre de la vente à distance. Il semble donc opportun de s’attaquer à la question de la fraude sur internet.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Dans ce domaine, il ne nous semble pas opportun de légiférer, car les évolutions techniques sont si rapides que, si nous fixions un standard technique, il serait rapidement dépassé.
En outre, le consommateur est protégé par les dispositions légales, qui lui permettent notamment d’être remboursé en cas d’utilisation frauduleuse des moyens de paiement. Je souhaite donc que vous retiriez cet amendement.
M. le rapporteur. Même avis. Le dispositif de sécurisation de type 3D Secure est très efficace, mais le mode de sécurisation ne peut être standardisé selon le support que l’on utilise.
Mme Jacqueline Maquet. Je retire l’amendement, mais il faudra examiner attentivement cette question.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CE 269 de M. Dominique Potier.
Mme Frédérique Massat. Il s’agit d’inscrire dans la loi une jurisprudence constante concernant les frais de recouvrement amiable illicites imputés au débiteur. L’amendement tend à modifier notamment à cet effet l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
M. le ministre délégué. Je souhaite qu’on ne reprenne que la première partie de l’amendement. Il est en effet important d’intégrer la jurisprudence de la Cour de cassation sur le fait de pouvoir imputer au créancier toute facturation des frais de recouvrement. Mais les alinéas qui qualifient ces frais ou des pratiques commerciales agressives seraient confrontés à un problème de défaut de transposition. Je suggère donc que l’amendement soit retiré.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme Frédérique Massat. Je retire l’amendement, sachant qu’il faudra intégrer la jurisprudence actuelle sur ce sujet.
L’amendement est retiré.
(article L. 133-3 [nouveau] du code de la consommation)
Contenu des conditions générales de vente applicables aux contrats de consommation
La bonne information du consommateur est un élément essentiel de sa sécurité ; elle participe de ce fait pleinement au bon fonctionnement du marché en permettant aux transactions de s’effectuer en toute sécurité et en toute connaissance de cause.
Le chapitre III « Interprétation et forme des contrats » du Titre III « Conditions générales des contrats » du Livre Ier du code de la consommation compte aujourd’hui deux articles :
– l’article L. 133-1 dispose que les décrets prévus par l’article L. 132-1 du code de la consommation, qui déterminent respectivement la liste des clauses noires (clauses contractuelles dont le caractère abusif doit être regardé comme irréfragable) et celle des clauses grises (clauses contractuelles dont le caractère non abusif doit être prouvé par le professionnel), peuvent également réglementer la manière dont sont écrits les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ;
– l’article L. 133-2 (50) reprend en partie les dispositions figurant à l’article 5 de la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives (51) aux termes duquel les clauses figurant dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs « doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible ». En outre, en cas de doute sur le sens à donner au contenu de telles clauses, le second alinéa de l’article L. 133-2 dispose que le juge doit toujours faire prévaloir « l’interprétation favorable au consommateur ».
En principe, le contenu des contrats est librement fixé par les parties et ne comporte donc aucune mention obligatoire.
Le présent article dispose néanmoins que les conditions générales de vente applicables à un contrat de consommation doivent obligatoirement mentionner l’existence et les conditions de mise en œuvre tant de la garantie légale de conformité que de la garantie relative aux défauts de la chose vendue. Le cas échéant, les conditions générales de vente peuvent également mentionner, si elle existe, une éventuelle garantie contractuelle ou l’existence d’un éventuel service après-vente auquel le consommateur pourra ultérieurement recourir si cela s’avérait nécessaire.
Garantie légale de conformité (articles L. 211-4 s. du code de la consommation) : aux termes de l’article L. 211-4, « le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance » (alinéa 1er). Les défauts de conformité apparaissant dans les six mois de l’acte d’achat (cette durée étant d’ailleurs portée à « douze mois » par l’article 7 du présent projet de loi) sont présumés être le fait du vendeur et relèvent donc de sa responsabilité ; au-delà, c’est à l’acheteur de prouver que le défaut de conformité dont il est victime est imputable au professionnel qui lui a vendu le bien.
Garantie relative aux défauts de la chose vendue (articles 1641 s. du code civil) : l’article 1641 dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ». La mise en œuvre de cette garantie suppose donc que le vice affectant le bien acheté est grave (au point d’empêcher qu’il en soit fait un usage normal, conforme à sa destination), qu’il est caché (le consommateur ne pouvait pas en avoir connaissance avant l’acte d’achat), il est antérieur à l’achat (ainsi, cette garantie ne joue pas en cas de mauvaise utilisation du bien acheté) et le consommateur souhaitant en bénéficier doit agir dans les deux ans à compter du jour où il découvre le vice.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE 577 du rapporteur.
Puis elle examine l’amendement CE 75 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il s’agit d’associer le ministre chargé de l’environnement à la rédaction des modalités des conditions générales de vente applicables aux contrats de consommation afin que les préoccupations du développement durable entrent dans les comportements de consommation.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. La disposition visée tend avant tout à protéger les intérêts économiques des consommateurs : elle relève donc de la compétence particulière du ministre chargé de la consommation et de la garde des sceaux.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l’article 6 modifié.
(articles L. 211-7, L. 211-15, L. 211-16 et L. 211-19 du code de la consommation)
Garanties applicables aux contrats de consommation
Cet article, relatif aux garanties dont on bénéficie dans le cadre d’un contrat de consommation, en renforce les dispositions afin d’assurer au consommateur une meilleure sécurité.
► Le I (alinéa 1er), modifiant le premier alinéa de l’article L. 211-7 du code de la consommation, porte de six à « douze mois » la durée pendant laquelle le consommateur peut exciper de défauts de conformité affectant le bien vendu.
► Le II (alinéas 2 à 6) réécrit l’article L. 211-15 du code de la consommation relatif à la « garantie commerciale » dont peut bénéficier le consommateur.
Introduite dans le code de la consommation par l’article 1er de l’ordonnance du 17 février 2005 (52), la garantie commerciale revêt fréquemment le caractère de simple garantie contractuelle à durée déterminée, dont le contenu est librement défini par le vendeur et à laquelle le consommateur est libre de souscrire. En pratique, il s’agit moins d’une garantie que d’un argument commercial entrant dans le cadre d’une stratégie marketing. Le contrat doit donc préciser par écrit « le contenu de la garantie, les éléments à sa mise en œuvre, sa durée, son étendue territoriale ainsi que le nom et l’adresse du garant ». Ainsi que le spécifie le troisième alinéa de l’actuel article L. 211-15, l’existence d’une telle garantie ne prive pas pour autant le consommateur des protections légales que lui accordent notamment aussi bien le code civil (garantie relative aux défauts de la chose vendue) que le code de la consommation (garantie légale de conformité).
La nouvelle rédaction proposée de l’article L. 211-15 se veut beaucoup plus précise :
– la garantie commerciale est clairement définie comme étant un « engagement contractuel d’un professionnel à l’égard du consommateur » (alinéa 1er), la rédaction actuelle ne mentionnant nullement la nature juridique d’une telle garantie. Son objet consiste, pour le consommateur, à pouvoir bénéficier du « remboursement du prix d’achat, du remplacement ou de la réparation du bien » en sus des autres obligations légales incombant au professionnel ;
– le 2ème alinéa reprend le principe de l’actuel 1er alinéa de l’article L. 211-15 en réaffirmant que la garantie commerciale, qui est un contrat, fait l’objet d’un « écrit dont un exemplaire est remis à l’acheteur » ;
– le 3ème alinéa énumère les éléments qui doivent figurer dans le contrat afin de matérialiser la garantie commerciale : outre ceux qui sont déjà énumérés à l’actuel article L. 211-15 (alinéa 2), il y ajoute le prix qui avait été paradoxalement oublié dans le précédente rédaction ;
– enfin, dans le souci d’une parfaite information du consommateur, le 4ème alinéa pose le principe selon lequel le vendeur reste tenu tant de la garantie légale de conformité que de la garantie des défauts de la chose vendue. En outre, le contrat doit reproduire intégralement les dispositions codifiées relatives à ces deux garanties.
► L’article L. 211-16 prévoit une prorogation automatique de la durée de garantie lorsque la remise en état du bien, couverte par la garantie, ne peut être effectuée rapidement. Si la période d’immobilisation du bien est supérieure à sept jours, cette durée doit s’ajouter à la durée de la garantie dont bénéficie le consommateur. Sans rien changer à ce principe, le III (alinéa 7) opère une coordination sémantique avec la disposition qui précède : alors que l’actuel article L. 211-16 fait référence à la « garantie contractuelle » dont bénéficie le consommateur, cette mention n’ayant pas grand sens dans la mesure où toute garantie bénéficiant au consommateur est de nature contractuelle puisque convenue entre lui et le professionnel lors de l’acte d’achat, le III substitue au mot « contractuelle » le mot « commerciale », faisant ainsi directement référence à la « garantie commerciale » définie au II du nouvel article L. 211-15.
► Enfin, le IV (alinéa 8) supprime la mention « à titre onéreux », qui figure actuellement à l’article L. 211-19 du code de la consommation et qui traite des prestations effectuées par le vendeur après-vente (plus connues sous le nom de « services après-vente »). Désormais, dans un légitime souci de clarification, toute prestation après-vente fournie au consommateur et ne relevant pas de la garantie commerciale, qu’elle soit dispensée à titre onéreux ou à titre gratuit, devra figurer dans un contrat à part, dont un exemplaire doit être remis au consommateur.
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* *
La Commission examine l’amendement CE 224 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Cet amendement oblige le vendeur, lors de la soumission de l’offre commerciale au consommateur, à faire connaître à celui-ci la garantie légale de conformité, qui lui donne la faculté de demander l’échange d’un produit défectueux pendant deux ans. En effet, aujourd’hui, cette garantie est censée s’appliquer, mais elle n’est jamais demandée, car le consommateur l’ignore.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. L’article 6 du projet de loi prévoit que tout contrat de consommation mentionne l’existence, la mise en œuvre et le contenu des garanties légales dont bénéficie sans frais le consommateur : l’objet de cet amendement est déjà satisfait.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques CE 66 de la commission du développement durable et CE 437 de Mme Michèle Bonneton, et l’amendement CE 317 de Mme Jeanine Dubié.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L’amendement CE 66 tend à étendre la garantie de présomption d’antériorité. Soit on continue à importer des produits bon marché, jetables et difficilement recyclables, soit – et c’est la logique que nous privilégions – on encourage nos entreprises à fabriquer des produits de qualité, fiables et réparables – ce qui permet de développer le secteur de la réparation, dont les activités ne sont pas délocalisables. Les entreprises qui ont opté pour cette voie offrent déjà des garanties contractuelles allant jusqu’à cinq ans, ce qui prouve que cela ne constitue pas un coût supplémentaire pour elles.
Mme Michèle Bonneton. Tout le monde serait gagnant à l’adoption de l’amendement : les consommateurs, qui disposeraient d’une meilleure garantie, et les entreprises.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE 317 est défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Nous avons étendu de six mois à un an la présomption d’antériorité de défaut, qui permet au consommateur de faire valoir que le produit qu’il a acheté comportait un défaut majeur, sans lui faire supporter la charge de la preuve. Or la mesure proposée, qui consiste à aligner cette présomption sur la garantie légale de conformité, dispenserait le consommateur d’apporter la preuve que le défaut du produit était préexistant à son achat pendant toute la durée légale de la conformité. Nous ne souhaitons pas aller aussi loin dans l’immédiat.
M. le rapporteur. L’extension proposée est excessive. Avis défavorable.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Seriez-vous donc d’accord pour une extension à dix-huit mois au lieu de deux ans ?
M. le ministre délégué. Ce n’est pas ce que j’ai dit.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Nous avons essayé de coupler la présomption d’antériorité et l’extension de la garantie légale à cinq ans, sans nous aligner sur celle-ci.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CE 65 de la commission du développement durable et CE 438 de Mme Michèle Bonneton, les amendements CE 318 de Mme Jeanine Dubié et CE 389 de M. Thierry Benoit.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Mon amendement tend à étendre la durée légale de conformité de deux à cinq ans à partir du 1er janvier 2016, ce qui laisse le temps aux entreprises d’adopter une conception des produits davantage axée sur la qualité.
Mme Michèle Bonneton. Mon amendement a le même motif.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE 318 tend également à étendre la durée légale de conformité à cinq ans. Il s’agit d’envoyer un message fort en faveur de la pérennité des produits à un moment où les consommateurs, lorsqu’ils achètent un appareil, doivent pouvoir être rassurés sur sa durée de vie.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE 389 est défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. La norme européenne est de deux ans : toute modification de cette durée doit donc se faire au niveau européen. Le fait de passer à cinq ans – et ce, seulement en France – peut avoir des conséquences dans différents secteurs. Cela n’a pas de sens d’étendre systématiquement cette durée dans ces proportions.
Par ailleurs, le fait de porter de six mois à un an la présomption d’antériorité de défaut permet de protéger davantage les droits des consommateurs, d’autant que nous restons ouverts au débat parlementaire sur cette question.
M. le rapporteur. L’exigence de produits de qualité nécessite une montée en gamme, mais aussi des investissements. Or certaines entreprises ne pourraient pas se relever d’une mesure telle que celle qui est proposée.
Mme Laure de La Raudière. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, d’avoir rappelé que ce type de sujet doit être débattu au niveau européen. Si nous n’avons aucun intérêt à durcir la norme européenne sur certains points, il est utile que la parole de la France puisse être entendue par nos partenaires européens.
L’amendement CE 389 est retiré.
La Commission rejette les amendements CE 65, CE 438 et CE 318.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels ou de précision CE 578 à CE 581 du rapporteur.
Elle en vient à l’amendement CE 436 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement, qui propose de moduler l’éco-contribution pour promouvoir la recherche de la qualité du produit, sa durabilité et sa réparabilité, tend donc à encourager les produits durables en améliorant l’outil fiscal. Il est préférable, pour l’environnement comme pour le consommateur, de produire une cafetière qui fonctionne pendant cinq ans plutôt que deux cafetières qui ne durent que deux ans et demi, si ce n’est moins !
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Outre que le financement du recyclage des déchets n’est pas l’objet du projet de loi, les statuts des éco-organismes prévoient déjà une modulation de l’éco-contribution en fonction de la durabilité des produits, sans que jamais la loi n’ait eu à le préciser.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 7 modifié.
Article additionnel après l’article 7
Rapport relatif à l’économie circulaire
Le présent article prévoit que le Gouvernement devra remettre au Parlement, avant le 1er juin 2014, un rapport sur le développement et les perspectives de l’économie circulaire en France.
Dès 2007, le groupe 6 du Grenelle de l’environnement « Promouvoir des modes de développement écologique favorables à la compétitivité et à l’emploi » avait conclu à l’intérêt de l’économie circulaire comme vecteur d’un changement de paradigme bénéfique à la fois aux entreprises, aux consommateurs, et pour la baisse de la pression écologique sur les ressources naturelles. L’économie circulaire, qui recouvre à la fois les notions d’économie d’usage et d’économie de la fonctionnalité, est sans aucun doute porteuse de potentialités économiques très fortes.
L’économie de la fonctionnalité consiste ainsi à remplacer la vente du bien par la vente de l’usage de celui-ci : en adoptant cette logique, les entreprises sont incitées à concevoir des produits ayant une durée de vie plus longue, sous peine de subir des frais de réparation importants. Dans le même temps, les coûts de production diminuent grâce à une économie dans l’utilisation des matières premières (entre 30 et 50 % selon les prévisions). Les entreprises peuvent ainsi profiter de cette baisse pour créer des emplois, baisser leurs prix et gagner en compétitivité.
La fondation Ellen Mac Arthur a par ailleurs estimé que l’économie circulaire permettrait de réaliser une économie nette annuelle en termes de dépenses de matériaux allant de 340 à 380 milliards de dollars américains au niveau européen pour un scenario de « transition » et de 520 à 630 milliards par an, soit 3 à 3,9 % de PIB de l’Europe en 2010 pour un scénario « avancé ». Les secteurs qui bénéficieraient le plus d’une telle transition seraient l’automobile, l’industrie de la machinerie et de l’équipement, et l’industrie de la machinerie électrique.
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La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 7.
Elle examine l’amendement CE 684 de M. François Brottes.
M. le président François Brottes. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a fait ses preuves dans la garantie des libertés individuelles, et sa rigueur éthique l’honore. Après avoir travaillé avec cet organisme, je considère qu’il est souhaitable de lui donner des moyens complémentaires d’investigation dans son domaine où les libertés individuelles sont en jeu.
M. le ministre délégué. Un groupe de travail va se consacrer à la cybercriminalité et ses conclusions seront reprises dans la loi sur le numérique. À cette occasion, les pouvoirs de la CNIL seront revus. Nous partageons donc les mêmes objectifs, monsieur le président, mais est-il bon de chercher à les atteindre dans une loi sur la consommation ? Je préférerais que vous retiriez l’amendement.
M. le rapporteur. Je me range à l’avis du président.
Mme Laure de La Raudière. Pourquoi cet amendement est-il placé dans la section 3 consacrée aux garanties ? Le président de notre commission n’y voit-il pas un cavalier législatif ? Enfin, sur le fond, quel est l’objectif visé avec ces labels ?
M. le président François Brottes. Un texte de loi peut faire l’objet de toutes sortes d’amendements pourvu qu’ils restent dans la thématique abordée. La CNIL intervient bien pour protéger le consommateur, en accomplissant un travail d’expertise et d’audit qui, aujourd’hui, n’est pas reconnu. Les produits et process ne peuvent pas se prévaloir des certifications qu’elle leur accorde. Seule la CNIL a la crédibilité nécessaire pour apporter une sécurisation au consommateur et éviter la publicité mensongère qui vante, par exemple, une résistance aux tentatives d’intrusion sans apporter aucune preuve à l’appui.
Mme Laure de La Raudière. Outre qu’il s’agit d’un cavalier législatif, je me demande comment la CNIL répondra à toutes les demandes que suscitera cet amendement. Chaque fois que l’on crée un label, il faut, pour ne pas introduire de distorsion de concurrence, pouvoir satisfaire dans un délai raisonnable toutes les sociétés qui veulent l’obtenir. Je ne suis pas sûre que l’on ait mesuré toutes les conséquences de cet amendement.
M. le rapporteur. La CNIL ne serait pas le seul organisme à décerner des labels, mais, jusqu’à présent, elle ne peut pas le faire. Par ailleurs, il s’agit bien de protéger le consommateur.
M. le président François Brottes. La CNIL n’est pas un OVNI du droit de la consommation. En outre, elle validera aussi des formations. Le développement de certains produits nécessite de mieux garantir encore les libertés individuelles. On peut sûrement attendre, mais mon amendement n’est pas un cavalier.
En outre, nos entreprises sont plutôt douées dans ces domaines, et ce serait dommage de ne pas les faire bénéficier sur les marchés d’un atout supplémentaire pour leur compétitivité.
Mme Laure de La Raudière. Le label de la CNIL constituerait une barrière aux nouveaux entrants sur le marché.
M. le président François Brottes. Aujourd’hui, le label CNIL n’a pas d’existence juridique. La CNIL nous demande de lui en donner une. Je suis persuadé de l’intérêt d’une telle démarche pour un marché où les produits foisonnent. Et, si un nouvel acteur n’est pas capable de protéger ses clients, mieux vaut qu’il n’entre pas sur le marché.
M. le ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée pour cet amendement, mais il émettra un avis défavorable aux deux autres qui traitent de la CNIL.
La Commission adopte l’amendement.
Article additionnel après l’article 7
Activité de labellisation de la Commission informatique et libertés
La loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés a introduit la possibilité pour la CNIL de délivrer des labels à des produits ou à des procédures.
Elle a ainsi décidé de labelliser, dans un premier temps, des procédures d’audits de traitements et des formations « Informatique et libertés ». À ce jour, la CNIL a reçu 31 demandes de labellisation : 16 labels ont été délivrés (dont un label conjoint), 5 ont été annulés, et 9 sont en cours d’instruction. La labellisation de produits constitue un objectif majeur pour les prochains mois. La délivrance de ces « labels CNIL » était particulièrement attendue par les professionnels qui y voient un facteur de différenciation, leur permettant d’attester de la qualité de leurs produits ou de leurs services. Ils constituent en cela un outil économique important, à même de renforcer la compétitivité des organismes qui peuvent s’en prévaloir. Afin que ces labels répondent à un véritable besoin des acteurs économiques, il avait été décidé que la création de référentiels spécifiques, permettant la délivrance de labels, puisse être réalisée « à la demande d’organisations professionnelles ou d’institutions regroupant principalement des responsables de traitements ».
Or, il s’avère que la CNIL peut avoir connaissance d’une demande économique forte en faveur de nouveaux types de labels, à l’occasion de l’exercice de ses pouvoirs de conseil, d’accompagnement, de contrôle, par voie de presse, par l’intermédiaire de plaintes reçues…
Ainsi, afin de simplifier ces procédures et formalités administratives, il est proposé de permettre à la CNIL de créer de sa propre initiative de nouveaux référentiels, qui permettront ensuite aux professionnels de demander la délivrance de tels labels. Il s’agit également de renforcer l’attractivité de ces outils, qui constituent ainsi un vecteur d’une meilleure diffusion de la culture « Informatique et libertés » et garantit enfin une meilleure application des dispositions légales. Il permet en cela de renforcer la protection des consommateurs.
Par ailleurs, la montée en puissance de la labellisation de procédures d’audits et de traitement, et demain de produits, doit en effet conduire la CNIL à disposer d’outils juridiques nécessaires à la vérification du respect des conditions qui ont permis la délivrance des labels. Il a donc également été proposé d’introduire dans la loi du 6 janvier 1978 un tel pouvoir, afin que la CNIL puisse l’exercer par tout moyen approprié, y compris dans le cadre de l’article 44 de la loi de 1978.
De plus, si le retrait d’un label, pour non-respect des conditions qui ont permis sa délivrance, est bien prévu par le Règlement intérieur de la CNIL, cette possibilité ne figure actuellement pas dans la loi du 6 janvier 1978. Il convenait dès lors de sécuriser juridiquement cette possibilité, qui pourrait sinon donner lieu à d’éventuels contentieux. C’est l’objet de la présente disposition, qui explicite ainsi la possibilité pour la CNIL, réunie en formation plénière, de retirer un label, ce retrait constituant juridiquement une mesure administrative, et non une sanction au sens de la loi « informatique et libertés ».
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Elle se saisit ensuite de deux amendements identiques, CE 69 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et CE 433 de M. François-Michel Lambert.
M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Nous demandons que, avant le 1er juin 2014, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le développement et les perspectives de l’économie circulaire en France. Loin d’être une lubie d’écologistes, elle est une option économique pleine de promesses.
M. le ministre délégué. Avis très favorable. L’économie circulaire est un gisement considérable d’emplois, et elle associe performances économiques, environnementales et sociales.
Mme Brigitte Allain. Je ne peux que me réjouir de la réaction de M. le ministre délégué. Des études faites au niveau européen concluent dans ce sens. Et il faut évaluer combien chacun a à gagner, qu’il s’agisse des entreprises, des consommateurs ou des collectivités locales qui ne savent pas quoi faire de leurs déchets, sinon les incinérer.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte les amendements.
Paiement, livraison et transfert de risque
(chapitre IV [nouveau] du Titre Ier du livre Ier du code de la consommation)
Cet article supprime l’actuel chapitre IV « Informations sur les délais de livraison » du Titre Ier du Livre Ier du code de la consommation, qui se résume au seul article L. 114-1, et le remplace par un nouveau chapitre (comptant trois articles), consacré cette fois-ci aux « Paiements supplémentaires » qui peuvent être mis à la charge du consommateur.
Il s’agit là de transposer dans le code de la consommation l’article 22 de la directive 2011/83 qui, si elle vise essentiellement au renforcement de la réglementation applicable aux contrats à distance ou hors établissement, comporte également un certain nombre de mesures (chapitre IV « Autres droits des consommateurs ») qui sont applicables à tout contrat de vente, sans distinction. Cette disposition participe de la volonté de lutter contre certaines pratiques que l’on qualifie parfois de « vente forcée » (articles L. 122-3 s. du code de la consommation) et qui se traduisent, par exemple, par l’adjonction à un contrat de vente de garanties spécifiques dont le paiement est à la charge du consommateur sans qu’il y ait consenti.
Dans son premier alinéa, le nouvel article L. 114-1 (alinéa 4) énonce donc le principe selon lequel le professionnel doit recueillir le consentement exprès du consommateur, préalablement à la conclusion du contrat de vente ou de prestation de services, pour tout paiement supplémentaire qui viendrait s’ajouter au prix de l’objet principal du contrat. À défaut de consentement explicite donné par le consommateur, ce dernier peut prétendre au remboursement des sommes qu’il aurait versées au titre du paiement supplémentaire. Il s’agit là notamment de lutter contre le pré-cochage (options accessoires payantes déjà cochées) sur Internet et de donner ainsi au consentement du consommateur « toute sa valeur » (53).
En outre, le second alinéa de l’article L. 114-1 (alinéa 5) définit le champ d’application de la disposition précédente, spécifiant que celle-ci peut également s’appliquer aux contrats portant sur la fourniture de gaz, d’eau ou d’électricité, ainsi que sur la fourniture de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel.
L’article L. 114-2 prévoit quelles sont les peines applicables encourues par le professionnel en cas de méconnaissance des obligations énoncées au précédent article. S’il s’agit d’une personne physique, celui-ci risque une amende administrative pouvant atteindre 3 000 €, ce montant étant porté à 15 000 € si c’est une personne morale. La peine est prononcée par la DGCCRF dans les conditions déterminées par l’article L. 141-1-2 tel qu’il résulte de l’article 53 du présent projet de loi.
L’article L. 114-3 mentionne seulement le fait que l’ensemble de ces dispositions est d’ordre public et qu’il ne peut donc y être dérogé par voie conventionnelle.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE 582 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 411 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Le client, de fournisseurs d’énergie notamment, devra donner son consentement exprès pour la souscription d’options payantes venant s’ajouter au contrat principal, mais qui ne sont pas facultatives puisque, sans elles, le contrat ne pourrait être honoré. Le consommateur sera donc informé par le fournisseur au moment de la conclusion du contrat.
M. le ministre délégué. L’amendement restreint le champ de la mesure en ce qu’il ne vise plus que les biens et les services qui seraient optionnels au contrat de paiement, quand les termes de la directive étendent la mesure à toute vente entraînant un paiement et réalisée sans le consentement exprès du consommateur par le moyen d’un pré-cochage. Nous y sommes donc défavorables. De surcroît, s’agissant d’une mesure d’harmonisation maximale, son champ ne peut être réduit par les États membres sous peine de sanction.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE 583 et CE 584 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.
(article L. 131-1 du code de la consommation)
Sommes versées en avance sur le prix
Le nouvel article L. 131-1 du code de la consommation est relatif aux sommes qui peuvent être versées à l’avance par le consommateur lors d’un acte d’achat, que ce soit dans le cadre d’un contrat de vente ou de prestation de services.
Le I, qui reprend à quelques différences rédactionnelles près, l’actuel 4ème alinéa de l’article L. 114-1 du code de la consommation (supprimé par l’article 8 du présent projet de loi), pose le principe selon lequel les sommes versées à l’avance par un consommateur au professionnel avec lequel il contracte sont des arrhes au sens de l’article 1590 du code civil. Les conséquences afférentes, notamment en termes de restitution des sommes perçues, sont donc pleinement applicables.
Arrhes : somme versée à l’avance par un consommateur à un professionnel avec lequel il a contracté. Dans ce cadre, les deux parties, ainsi que le spécifie l’article 1590 du code civil, sont libres de se départir de leur engagement. Sauf stipulation contraire prévue dans le contrat, les arrhes sont perdues pour le consommateur s’il annule une commande ou se désiste. Quant au professionnel, il doit restituer au consommateur le double du montant des arrhes versées si c’est lui qui se départit de ses obligations (ces règles étant posées par une loi plus que bicentenaire puisque datant du 16 mars 1804).
Acompte : s’il s’agit là aussi d’une somme versée à l’avance par un consommateur à un professionnel avec lequel il a contracté, l’acompte, qui est le premier versement à valoir sur un achat, symbolise une volonté ferme de la part de chacune des parties au contrat (obligation d’achat pour le consommateur, obligation de cession du bien de la part du professionnel). Contrairement au système des arrhes, les deux parties ne peuvent se libérer de leurs obligations (l’acompte ne peut donc être récupéré par le consommateur), sauf à devoir verser des dommages-intérêts à l’autre partie.
Le II, qui comprend les 3 alinéas suivants (alinéas 3 à 5), n’est que la reprise de l’actuel article L. 131-1 du code de la consommation, qui traite spécifiquement des contrats de vente portant sur des biens mobiliers et des prestations de services. Dans les deux cas, toute somme versée par avance sur le prix du bien (qu’il s’agisse donc d’arrhes ou d’un acompte) est productive d’intérêts au taux légal qui court à compter d’un délai de trois mois, le décompte commençant au jour où la somme a été versée. Cette règle vaut jusqu’à réalisation de la vente pour un contrat portant sur un bien mobilier, jusqu’à réalisation de la prestation pour ce qui est des contrats portant sur une prestation de services.
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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE 585 et CE 586 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 9 modifié.
(chapitre VIII [nouveau] du Titre III du Livre Ier du code de la consommation)
Effets attachés à la livraison du bien ou à l’exécution du service
La mauvaise exécution du contrat de vente, qu’il porte sur un bien ou sur une prestation de services, relève davantage du droit commun des contrats que du droit de la consommation.
Ainsi, comme toute autre convention, un tel contrat tient « lieu de loi à ceux qui [l’ont fait] » et doit être exécuté de bonne foi (article 1134 du code civil). L’obligation de délivrer le bien est la première obligation qui s’impose au vendeur (article 1603 du code civil), l’acheteur ayant comme premier devoir celui « de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente » (article 1650).
L’article 10 du projet de loi introduit dans le code de la consommation un nouveau chapitre VIII « Livraison et transfert de risque » au sein du Titre III du Livre Ier du code de la consommation, l’ancien chapitre VIII « Dispositions relatives à l’outre-mer » (qui ne comporte actuellement qu’un seul article numéroté L. 138-1) disparaissant par voie de conséquence.
Les six articles L. 138-1 à L. 138-6 peuvent être regroupés en quatre thématiques différentes.
1. La prescription d’un délai de droit commun pour la livraison du bien ou l’exécution du service (article L. 138-1)
L’alinéa 1er de l’article L. 138-1 (alinéa 4) pose le principe selon lequel le bien doit être livré ou le service fourni à la date ou dans le délai indiqué au consommateur conformément à l’article L. 111-1-3° du code de la consommation tel qu’il résulte de l’article 4 du présent projet de loi (le professionnel devant, aux termes de cet article, communiquer au consommateur « en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel [il] s’engage à livrer le bien ou exécuter le service »).
L’article L. 138-1 énonce ensuite deux exceptions au principe susvisé :
– tout d’abord, l’alinéa 4 permet aux parties de déroger conventionnellement au principe énoncé précédemment ;
– ensuite, l’alinéa 5, reprenant d’ailleurs la règle énoncée à l’article 18-1 de la directive 2011/83, dispose que le bien ou le service doit être exécuté, à défaut d’indication ou d’accord sur l’exécution du contrat, « sans retard injustifié » au plus tard dans les trente jours qui suivent la date de conclusion du contrat.
À titre conclusif (alinéa 6), l’article L. 138-1 précise que la livraison d’un bien au consommateur signifie que ce dernier en a « la possession physique ou [le] contrôle », deux termes qui figurent également à l’article 18-1 de la directive du 25 octobre 2011.
2. Les conséquences du manquement du professionnel à ses obligations (articles L. 138-2 et L. 138-3)
Ces deux articles transposent respectivement dans le code de la consommation les alinéas 1 et 2 de l’article 18-2 de la directive 2011/83.
Comme le spécifie donc le premier alinéa de l’article 18-2 de la directive, le premier alinéa de l’article L. 138-2 (alinéa 7) permet au consommateur de résoudre le contrat si le professionnel n’a pas livré le bien ou exécuté la prestation dans le délai convenu ou, à défaut, dans les trente jours de la conclusion du contrat.
Dans un premier temps, le consommateur doit néanmoins relancer le professionnel en lui imposant, par lettre recommandée avec accusé de réception, de remplir ses obligations « dans un délai supplémentaire raisonnable » (l’article 18-2 employant l’expression similaire de « délai supplémentaire adapté aux circonstances »). Si, une fois expiré le nouveau délai imparti, le professionnel ne s’est toujours pas exécuté, le consommateur peut alors librement résoudre le contrat.
Le deuxième alinéa de l’article L. 138-2 (alinéa 8) précise néanmoins qu’il n’y a pas résolution du contrat si le professionnel s’est exécuté entre le moment où le délai est expiré et le moment où il reçoit la lettre du consommateur l’informant de la volonté de ce dernier de résoudre le contrat.
Le troisième et dernier alinéa de l’article L. 138-2 (l’alinéa 9, qui reprend l’article 18-2, alinéa 2, de la directive 2011/83) permet par ailleurs au consommateur de résilier immédiatement le contrat dans deux hypothèses, sans qu’il soit préalablement nécessaire de relancer le professionnel :
→ soit le professionnel refuse de livrer le bien ou d’exécuter le service ;
→ soit le professionnel n’a pas exécuté ses obligations alors que la date ou le délai fixé pour lui permettre de s’exécuter constitue une condition essentielle du contrat aux yeux du consommateur. La preuve de ce dernier élément pouvant être difficile à apporter, le texte précise que l’importance de la date peut notamment être déduite « des circonstances qui entourent la conclusion du contrat ou d’une demande expresse du consommateur avant la conclusion du contrat ».
Une fois le contrat résolu, l’article L. 138-3 (alinéa 10) oblige le professionnel à rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées. Or, dans une optique de plus grande protection du consommateur, et contrairement à l’article 18-3 de la directive 2011/83 qui demande seulement au professionnel d’effectuer ce remboursement « sans retard excessif », il impose le remboursement des sommes versées « au plus tard dans les quatorze jours » suivant la date à laquelle le consommateur a dénoncé le contrat. Au-delà, les sommes dues sont de plein droit majorées de 10 % si le remboursement intervient dans les trente jours suivant l’expiration du premier délai de quatorze jours, de 20 % jusqu’à soixante jours et de 50 % au-delà.
Les deux articles L. 138-4 et L. 138-5 correspondent à la transposition dans le code de la consommation de l’article 20 de la directive 2011/83.
La première règle est classique et même évidente (alinéa 11) : à compter du moment où le bien a été transféré au consommateur (soit directement, soit à un tiers désigné par lui), c’est à ce dernier d’assumer les risques de perte ou d’endommagement du bien. Le risque étant attaché à la propriété effective du bien, il est donc normal que le consommateur, qui dispose du bien, assume par ailleurs les responsabilités afférentes.
De plus, lorsque le consommateur confie la livraison du bien à un transporteur qu’il a personnellement choisi (et qui n’est pas le même que celui qui avait été proposé par le professionnel), la responsabilité en cas de dommage ou de perte du bien n’est plus à la charge du professionnel qui a vendu le bien, mais à celle du consommateur à compter du moment où le transporteur a le bien en charge (alinéa 12).
Le dernier article de ce nouveau chapitre VIII conclut de façon classique en énonçant que ces dispositions sont d’ordre public et que les parties ne peuvent donc y déroger.
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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE 587 et CE 588 du rapporteur.
Elle en vient à deux amendements identiques, CE 320 de Mme Jeanine Dubié et CE 395 de M. Thierry Benoit.
Mme Jeanine Dubié. L’expression « délai supplémentaire adapté aux circonstances », outre qu’elle est celle de la directive, est plus précise que celle de « délai raisonnable », qui risque d’être la source de nombreux litiges.
M. Thierry Benoit. Un professionnel qui n’a pas pu livrer dans les délais contractuels doit pouvoir être relancé par le consommateur, qui lui laisse une nouvelle chance. À l’expiration de ce délai supplémentaire, le consommateur pourra mettre un terme au contrat. Il s’agit de privilégier la souplesse dans les relations contractuelles.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Nous jugeons plus claire au contraire l’expression de « délai raisonnable ».
M. le rapporteur. Le ministère de la justice nous a fait valoir que le terme « délai raisonnable » est celui qui figure dans les codes, et que la jurisprudence y fait référence. Avis défavorable également.
Mme Jeanine Dubié. Nombre d’amendements ont été repoussés parce qu’ils n’étaient pas conformes à la directive européenne. Et je ne comprends pas cette exception.
M. Thierry Benoit. Je retire l’amendement CE 395, mais je souligne qu’on privilégie toujours l’angle du contentieux juridictionnel, et non celui de la médiation.
Mme Jeanine Dubié. Je retire l’amendement CE 320.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements CE 589 et CE 590 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 10 modifié.
Autres contrats
La Commission est saisie de l’amendement CE 152 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Aujourd’hui, les professionnels ont obligation d’indiquer une date limite de livraison, mais seulement lorsque le prix excède un certain seuil. Mon amendement vise à supprimer ce seuil pour accorder les mêmes droits à tous les consommateurs.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Défavorable également, car l’amendement est satisfait.
L’amendement CE 152 est retiré, de même que l’amendement CE 151 de Mme Frédérique Massat.
La Commission examine l’amendement CE 277 de Mme Pascale Got.
Mme Pascale Got. Cet amendement vise à limiter les contentieux qui trouvent leur source dans l’absence de cadre juridique pour les contrats entre les exploitants de terrain de camping et les propriétaires de résidences mobiles de loisirs.
Un contrat écrit devra comporter des indications suffisamment précises pour permettre au propriétaire de mobile home de connaître les conditions d’entrée, de sortie, les raisons des hausses de tarif, notamment pour des aménagements de terrain.
Dès qu’il acquerra un mobile home, le consommateur bénéficiera d’une information sur les conditions d’implantation.
Une troisième disposition prévoit une charte de transparence, et le maire pourra vérifier la réalité des déclarations d’emplacement faites par le gestionnaire de terrain de camping.
M. le président François Brottes. Sur ce sujet, des textes ont été votés et n’ont jamais été promulgués. Et plusieurs rapports parlementaires ont été rédigés.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Même si nous partageons l’objectif de l’amendement, il relève du domaine réglementaire. Il faudrait en outre une concertation avec les associations de consommateurs. D’ailleurs, le Conseil national de la consommation va être bientôt saisi de deux projets d’arrêté. Le premier prévoit la remise au propriétaire d’une notice d’information relative à la durée, au prix et aux modalités de la location de l’emplacement ; le second définira un modèle de règlement intérieur pour les terrains de camping et les parcs résidentiels de loisirs. Enfin, les dispositions fiscales relatives aux terrains de camping et de caravanage n’ont pas leur place dans ce texte.
M. le rapporteur. Défavorable également. Les dispositions relatives à la taxe de séjour relèvent, depuis la révision constitutionnelle de 2002, des seules lois de finances.
Mme Laure de La Raudière. Le travail avait été mené conjointement par la majorité et l’opposition de l’époque et je demande à M. le ministre d’associer les parlementaires à sa démarche.
M. le ministre délégué. Ce sera fait.
L’amendement est retiré.
(Section 14 [article L. 121-97 nouveau] du chapitre Ier
du Titre II du Livre Ier du code de la consommation)
Absence de droit de rétractation dans le cadre des contrats
conclus dans les foires et salons
Les débats relatifs à l’exercice d’un éventuel droit de rétractation dans le cadre des achats effectués dans des foires ou des salons sont relativement anciens et font depuis longtemps l’objet de préoccupations de la part des parlementaires (54).
Contrairement au droit commun, le droit de rétractation n’existe pas pour les achats effectués dans un tel cadre.
Outre les éventuelles difficultés pratiques pour mettre en œuvre un tel droit de rétractation (certains salons ou foires étant extrêmement brefs et itinérants, le consommateur pourrait avoir des difficultés à retrouver le commerçant pour faire valoir son droit), l’argumentation généralement avancée pour refuser tout droit à rétractation en la matière peut se résumer en deux temps :
– d’une part, la jurisprudence estime depuis de nombreuses années que les foires et salons (55) sont des lieux spécifiquement destinés à la commercialisation (56) ;
– d’autre part, elle considère, et les pouvoirs publics avec elle, que les consommateurs s’y rendent « spontanément, de leur propre initiative, et ne sont pas contraints dans un lieu qui est inhabituel pour la vente » : de ce fait, les dispositions applicables au démarchage à domicile (qui permet d’user d’un droit de rétractation de sept jours) ne leur sont pas applicables.
En outre, plusieurs dispositifs permettent dès à présent de protéger le consommateur dans le cadre des foires et salons. Tout d’abord, l’article 1er de la loi du 18 janvier 1992 (57) a étendu le champ d’application de « l’abus de faiblesse ou d’ignorance » aux achats effectués dans le cadre de ce type de manifestations (actuel article L. 122-9-4° du code de la consommation). En outre, les sollicitations abusives pratiquées par certains commerçants dans ce cadre peuvent être qualifiées de « pratiques commerciales trompeuses » (articles L. 121-1 s. du code de la consommation) ou de « pratiques commerciales agressives » (articles L. 122-11 s.), tombant sous le coup de sanctions pénales (article 223-15-2 du code pénal).
Tout d’abord, le nouvel article L. 121-97 du code de la consommation introduit pour la première fois dans le code de la consommation des dispositions spécifiques relatives à l’exercice des activités commerçantes dans les foires et salons.
Ensuite, ce même article réaffirme l’absence de délai de rétractation pour le consommateur ayant effectué un achat dans le cadre d’une foire ou d’un salon. Estimant que la protection du consommateur est déjà suffisante, il s’agit par ailleurs de ne pas introduire d’obligations trop fortes à l’égard des commerçants afin de ne pas pénaliser les foires et les salons qui contribuent à l’animation économique et touristique de notre territoire.
Ce nouvel article impose également au professionnel, dans le cadre d’un salon, d’une foire ou de toute autre manifestation relevant du chapitre Ier du titre VI du Livre VII du code de commerce (marchés d’intérêt national et manifestations commerciales) d’informer le consommateur de l’absence de tout droit à rétractation en cas d’achat de sa part. Les modalités de ce devoir d’information doivent être fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.
Enfin, à l’image de ce que prévoient d’autres articles du présent projet de loi, la méconnaissance des obligations énoncées au précédent alinéa est sanctionnée d’une amende administrative pouvant atteindre 3 000 € pour une personne physique, ce montant étant porté à 15 000 € si c’est une personne morale. La peine est prononcée par la DGCCRF dans les conditions déterminées par l’article L. 141-1-2 tel qu’il résulte de l’article 53 du présent projet de loi.
Votre rapporteur s’est interrogé sur l’éventuelle possibilité d’instaurer un droit de rétractation dans le cadre des ventes effectuées sur une foire ou un salon. S’il s’agit, bien entendu, de favoriser ce type de manifestations, qui sont une attraction non seulement pour nos concitoyens au plan local mais aussi au-delà de nos frontières pour les salons d’envergure nationale (les grands salons comme le Salon automobile, le Salon du Bourget, le Salon de l’agriculture, la Salon du tourisme… ayant même une renommée mondiale), il convient par ailleurs de protéger les consommateurs.
À ce titre, des pistes pouvaient peut-être être envisagées pour déterminer si un délai de rétractation ne peut pas être instauré selon que le bien acheté est ou non en stock chez le vendeur…
En l’état actuel du droit et sans pour autant abandonner toute idée d’améliorer le texte en ce sens, on ne peut que se féliciter de voir l’obligation enfin imposée au vendeur de rappeler à tout acheteur qu’il ne dispose pas de droit de rétractation. Votre rapporteur n’en sera pas moins attentif aux modalités qui seront prescrites à cet effet par l’arrêté du ministre de l’économie prévu par le présent article, une telle information pouvant notamment passer par un affichage clair et sans ambiguïté installé sur le stand de chaque vendeur dans le cadre d’une foire ou d’un salon.
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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE 591 du rapporteur.
Elle est saisie de l’amendement CE 319 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Les contrats conclus dans les foires et salons font l’objet de critiques et de débats juridiques intenses. Nombreux sont les consommateurs qui se plaignent de ne pas pouvoir se rétracter.
La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, établit une liste pour laquelle le droit de rétractation n’existe pas. Or cette liste ne mentionne pas le mobilier. De quelle règle relève-t-il donc ?
M. le ministre délégué. Défavorable. Le projet de loi introduit une information précontractuelle du consommateur sur l’absence de droit de rétractation pour les contrats conclus dans les foires et salons. Le texte renvoie, pour ses modalités de mise en œuvre, à un arrêté du ministre chargé de l’économie, et il n’y a donc pas lieu d’introduire dans la partie législative du code une disposition relative aux modalités pratiques d’information du consommateur.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 14 de Mme Chantal Guittet.
Mme Pascale Got. Les associations de consommateurs dénoncent l’exception que constituent les contrats conclus dans des foires et salons pour lesquels le consommateur ne bénéficie pas d’un délai de rétractation. À défaut, et afin d’améliorer l’information du consommateur et de mettre fin aux pratiques abusives en matière de contrats conclus dans les foires et salons, il est proposé, en sus de l’information précontractuelle du consommateur mentionnée par le projet de loi, de prévoir une information lisible et claire sur les documents qui lui sont destinés.
M. le ministre délégué. Je comprends l’esprit de l’amendement, mais sa formulation me paraît lourde.
M. le rapporteur. La rédaction n’étant pas optimale, je propose que l’amendement soit retiré et déposé par les mêmes signataires au titre de l’article 88.
Mme Pascale Got. Nous pourrons en effet améliorer la rédaction.
M. le président François Brottes. Le principe est donc accepté, mais il faudra revoir la mise en œuvre.
M. Thierry Benoit. Cet amendement me laisse dubitatif. La vente à domicile – qui représente 400 000 emplois – laisse actuellement à l’acheteur un délai de sept jours à compter de la date de signature du contrat pour se rétracter ; lorsque le texte sera adopté, ce délai de rétractation courra à compter de la livraison. Tout est donc fait pour décourager les consommateurs d’acheter dans les foires et les manifestations commerciales, où la rétractation est impossible, et les pousser vers la vente à domicile. Si le consommateur doit être éclairé et informé, il ne faut pas qu’il déserte les salons. Il ne s’agit sûrement pas de l’objectif des auteurs de l’amendement, mais je les invite à bien en mesurer les conséquences.
M. le ministre délégué. Il est toujours utile de rapprocher la lettre de nos amendements de la réalité des situations vécues ; cependant, nous sommes tous favorables à ce que le consommateur soit avisé, lorsqu’il achète un bien, qu’il ne dispose pas d’un délai de rétractation.
M. le rapporteur. C’est pourquoi, monsieur Benoit, en tant que rapporteur, je me suis opposé à tout amendement visant à instaurer le délai de rétractation.
M. Thierry Benoit. Nous devrions, dans les dispositions que nous adoptons, diriger le consommateur vers la médiation plutôt que vers les tribunaux, qui exigent du temps et de l’argent.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE 592 du rapporteur.
Puis elle adopte l’article 11 modifié.
Article additionnel après l’article 11
(articles L. 121-98 à L. 121-98-5 [nouveaux] du code de la consommation,
L. 112-6 du code monétaire et financier et L. 310-2 du code de commerce)
Encadrement des ventes d’or et de métaux précieux
La vente d’or et de métaux précieux ne cesse de se développer depuis plusieurs années à la faveur de la hausse des prix de certaines matières premières (notamment minérales), d’une certaine méfiance à l’égard du secteur bancaire qui a favorisé le recours aux espèces, et de la contraction du pouvoir d’achat qui peut conduire des gens souvent modestes à devoir se séparer de bijoux de famille ou de souvenirs pour, malheureusement, assurer leurs finances quotidiennes.
Profitant de cette tendance, plusieurs officines de vente physique ou en ligne se sont développées sans, pour autant, que la réglementation applicable ne soit adaptée.
En l’état actuel de la législation, le rachat de métaux précieux (principalement or, argent et platine) obéit à la réglementation de la garantie, qui relève de la DGDDI (direction générale des douanes et des droits indirects). Les personnes morales ou physiques qui rachètent des bijoux ou bibelots en métaux précieux, neufs ou usagés, doivent avoir effectué une déclaration au bureau de garantie dont elles dépendent (article 534 du code général des impôts), détenir un registre spécifique (le « livre de police ») qui recense leurs achats et leurs ventes, et dont la forme et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé du budget (article 537), briser, le cas échéant, les ouvrages dépourvus de marques ou les apporter au bureau de garantie pour y être marqués (article 536).
Or, cette réglementation reste lacunaire ainsi que l’a démontré l’Institut national de la consommation dans une étude rendue en octobre 2012. Après avoir mené une vaste enquête dans plusieurs boutiques spécialisées à travers toute la France, l’INC et les Crédits municipaux ont mis en évidence le niveau volontairement bas des estimations effectuées par les vendeurs par rapport aux cours des métaux précieux, la faiblesse voire l’inexistence des informations délivrées aux clients (les magasins n’affichant bien souvent aucun cours officiel actualisé des principaux métaux), l’absence de tout document décrivant les caractéristiques du bien acheté, la quasi-totalité des officines ne demandant au surplus aucune pièce d’identité lors de la transaction… En outre, plusieurs boutiques ont proposé à des vendeurs de les payer en argent liquide alors que, aux termes de l’article L. 112-6, cela est interdit.
Lors des débats sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information du consommateur, l’encadrement des ventes d’or et de métaux précieux avait été évoqué au détour de deux amendements mais aucune suite n’y avait été donnée (58).
À l’initiative de votre rapporteur, la Commission des affaires économiques a adopté un amendement établissant une réglementation de base sur la vente d’or et de métaux précieux.
Cette réglementation, réclamée tant par les associations de consommateurs que par les professionnels (au premier rang desquels le SNIMEP, Syndicat national des négociants indépendants en métaux précieux, ou la CNOSBO, Chambre syndicale des négociants d’or et du bijou d’occasion), propose en premier lieu un formalisme spécifique aux contrats conclus pour ce type de transactions. Le nouvel article L. 121-98-2 du code de la consommation dispose que, désormais, tout contrat portant sur la vente d’or ou de métaux précieux devra comporter un certain nombre de mentions (nom et adresse de l’acheteur, date et adresse du lieu de conclusion du contrat, cours officiel du métal précieux au jour de la vente exprimé en gramme, descriptif de l’objet vendu…) obligatoires à peine de nullité.
Des débats assez importants ont pu avoir lieu sur l’éventuelle nécessité de prévoir un délai de rétractation pour ce type de ventes. Pour les professionnels, celui-ci ne devait pas exister pour deux raisons : d’une part, les objets vendus sont parfois fondus au jour le jour afin d’en récupérer très rapidement le métal et, d’autre part, imposer un délai de rétractation pourrait faire courir des risques aux bijoutiers qui, devant ainsi garder des objets de valeur dans leur officine, pourraient ainsi être victimes de cambriolages plus fréquents. Votre rapporteur a donc souhaité trouver un moyen terme entre cette nécessaire exigence de sécurité, à laquelle on ne peut évidemment que souscrire, et l’instauration d’un droit de repentir ou de remords, la vente de bijoux pouvant parfois se faire dans des circonstances douloureuses où le geste du moment est regretté dès le lendemain. À cet effet, l’article L. 121-98-3 prévoit que tout consommateur dispose d’un délai de rétractation de 24 heures à compter de la signature du contrat.
Il est également proposé de modifier l’article L. 112-6-I du code monétaire et financier, qui impose l’usage de certains modes de paiement (chèque, virement, carte de paiement) pour les achats de métaux, dans une optique de clarification de la loi et de renforcement de la lutte contre la fraude. En effet, la rédaction actuelle du texte, en ce qu’elle n’interdit pas explicitement l’utilisation des cartes prépayées, qui apparaissent comme un moyen de contourner l’interdiction des paiements en espèces, n’apparaît pas suffisante pour garantir dans tous les cas la traçabilité de ce type de transactions. Il est donc proposé, dans le nouveau troisième alinéa de l’article L. 112-6 du code monétaire et financier, d’exclure explicitement l’usage des espèces et de la monnaie électronique pour les achats de métaux précieux, le non respect de cette obligation étant puni d’une contravention de 5ème classe (1 500 € voire 3 000 € en cas de récidive).
Enfin, le premier alinéa de l’article L. 310-2 du code de commerce est remanié afin de prendre en compte, dans la définition de la vente au déballage, non seulement la vente mais également le rachat, prenant ainsi en compte une pratique communément observée en matière d’achat et de vente d’or et de métaux précieux.
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La Commission examine l’amendement CE 674 du rapporteur.
M. le rapporteur. Cet amendement, qui a fait l’objet d’une concertation interministérielle, vise à réguler la vente d’or et de métaux précieux, domaine longtemps livré à l’anarchie. Le rachat d’or, proposé par un nombre croissant d’officines – qui travaillent souvent à distance, par le biais d’internet ou de la télévision –, s’adresse au consommateur-vendeur. L’amendement se propose d’améliorer l’information dont celui-ci doit bénéficier – notamment sur le cours et la pureté de l’or vendu exprimée en carat – et de mettre en place un droit de rétractation de vingt-quatre heures à partir de l’acte de vente, car il s’agit souvent de ventes de détresse.
Les conditions instaurées par cet amendement – notamment l’obligation, pour l’acheteur, de remplir et de délivrer au consommateur-vendeur un bordereau adossé à la facture, ainsi que le droit à la rétractation de vingt-quatre heures – rendront très compliqué l’achat à distance.
M. le ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Les lieux de vente et de rachat d’or se sont multipliés dans nos villes, accueillant des Français qui, pressés par la crise économique et sociale, viennent y vendre – souvent à contrecœur – un bijou de famille peut-être transmis de génération en génération. La vulnérabilité de ces personnes les expose souvent à la tromperie ; il semble donc indispensable d’encadrer les conditions de vente et de rachat d’or en introduisant des droits nouveaux pour les consommateurs.
Mme Laure de La Raudière. Cet amendement pénalisera-t-il les petits bijoutiers de quartier en leur imposant de nouvelles contraintes et des tâches administratives supplémentaires ? L’alourdissement de la réglementation les conduit déjà à multiplier les formalités.
M. le rapporteur. Il apporte au contraire des réponses aux questions qu’ils se posent. Rachetant eux-mêmes de l’or, ils sont inscrits au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ; cet amendement obligera demain les acheteurs visés à en faire autant. Cela empêchera les agissements des personnes qui viennent de l’étranger pour acheter de l’or qu’ils peuvent ensuite, suivant la législation de leur pays, facilement transformer en liquide.
Les horlogers et bijoutiers rencontrés dans le cadre de nos auditions souhaitaient nous voir aller plus loin, notamment en matière de publicité ; mais nous sommes contraints par la législation européenne. Les deux principaux syndicats qui regroupent les acheteurs d’or et les négociants sont également satisfaits par ce dispositif qui permettra de distinguer le bon grain de l’ivraie.
Mme Frédérique Massat. Je me réjouis de cet amendement. Lors de l’examen, sous la précédente législature, du texte relatif à la consommation, des groupes de travail du ministère avaient étudié les moyens de sortir de cette situation, mais le texte n’est pas arrivé à terme.
S’agissant de la vente à distance, comment la conclusion du contrat et le délai de rétractation de vingt-quatre heures seront-ils mis en pratique dans les cas où les personnes enverraient l’or par courrier ?
M. le rapporteur. Le travail réalisé autour des propositions de Valérie Boyer était loin de satisfaire la profession ; il faut légiférer en tenant compte des souhaits des professionnels concernés.
Le texte ne remet pas en cause la liberté de commerce et de publicité ; en revanche, les dispositions relatives au paiement en liquide, la nécessité d’inscription au registre du commerce et des sociétés, et l’obligation de délivrer un bordereau écrit rendront très difficile la vente à distance.
Mme Catherine Vautrin. Je me réjouis également de cet amendement. Les « professionnels » dont il y est question représentent-ils bien ceux de l’achat de métaux, et non ceux de la bijouterie ?
M. le rapporteur. Tout à fait.
M. le président François Brottes. Le dernier alinéa couvre-t-il la vente ou le rachat d’or dans les hôtels ? Aujourd’hui, le maire de la commune découvre ces ventes par la publicité, mais n’a pas son mot à dire, alors qu’il doit prendre un arrêté pour n’importe quelle brocante où l’on vend trois bricoles. Si on les considère comme « ventes au déballage », le maire devra-t-il en être informé, voire obligé de prendre un arrêté pour les autoriser ?
M. le rapporteur. La nécessité de prendre un arrêté pour les brocantes est liée au fait qu’elles se tiennent dans un lieu public ; il en va autrement lorsqu’on loue un lieu privé pour acheter de l’or. En revanche, cette activité hors établissement faisait l’objet d’un flou juridique, notamment en ce qui concerne la possibilité de paiement en liquide.
M. le président François Brottes. Le maire doit toujours se prononcer sur une activité commerciale exercée dans un lieu – même privé – qui n’a pas cette vocation.
M. le rapporteur. Il ne s’agit pas d’une activité commerciale pérenne et continue. Lorsqu’une société de conseil loue une salle dans un hôtel pour faire une présentation PowerPoint à ses clients, il ne s’agit pas de l’activité commerciale de l’hôtel, mais d’une location du lieu pour un usage privé.
M. le président François Brottes. Quand on organise une bourse aux livres, dans une salle privée ou publique, et même si elle est éphémère, on doit la déclarer à la mairie. Il serait souhaitable que les maires se prononcent sur les ventes d’or dans les hôtels, afin que ces initiatives bénéficient de la transparence.
M. le ministre délégué. Ne peut-on pas arguer des risques de trouble à l’ordre public liés aux ventes d’or ?
M. le rapporteur. Le trouble à l’ordre public, tout comme la location d’un lieu privé ou la liberté d’entreprendre, correspondent à des définitions précises. Cet amendement introduit de nouvelles conditions en matière de vente d’or hors établissement ; mais nous ne pouvons pas aller beaucoup plus loin, monsieur le président. Un parlementaire qui voudrait l’interdire verrait le préfet lui opposer les forces de police. Cet amendement représente le maximum que nous pouvons obtenir, et j’en suis très satisfait.
M. le président François Brottes. Les maires ont un pouvoir de police qui ne doit rien aux préfets. On reviendra sur cette question en séance. Votre amendement relève d’une excellente initiative, mais il faut impliquer le maire et la police locale dans la gestion de ces ventes.
M. le rapporteur. Nous pourrons reprendre cette question au titre de l’article 88.
La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.
Article additionnel après l’article 11
(article L. 445-4 du code de l’énergie)
Dispositions relatives aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel
Les autorités françaises et la Commission européenne sont parvenues à un accord concernant l’avenir des tarifs réglementés de vente du gaz naturel pour les consommateurs non résidentiels qui met un terme au contentieux européen engagé par la Commission européenne en 2006.
La limitation des tarifs réglementés de vente à une catégorie ciblée de consommateurs, les clients domestiques et les petits professionnels, rend notre dispositif législatif plus conforme au droit européen et à la jurisprudence Federutility (59). Cette concession met ainsi à l’abri les consommateurs domestiques, pour lesquels les tarifs réglementés de vente demeureront accessibles dans des conditions inchangées.
Cet accord maintient les tarifs réglementés pour les petits professionnels (petites PME, tels que les petits commerçants, artisans, professions libérales, dont le niveau de consommation n’excède pas 30 000 kilowattheures par an). Il en va de même, sous réserve d’un réexamen périodique, des gestionnaires d’une installation de chauffage collectif dont le niveau de consommation est inférieur à 150 MWh/an (petites copropriétés). Pour les autres catégories de consommateurs non résidentiels, la suppression des tarifs sera progressive. Elle s’engagera dans un délai d’un délai de 3 mois à compter de la publication de cette disposition et au plus tôt le 31 décembre 2013, et se poursuivra jusqu’au 1er janvier 2016.
Les clients concernés par la mise en extinction des tarifs réglementés pourront se tourner vers les offres « libres » proposées par l’ensemble des fournisseurs, qui offrent dès aujourd’hui des alternatives compétitives au tarif réglementé, avec des niveaux de prix parfois inférieurs (pouvant atteindre 10 % de réduction) et des offres à prix fixes pour les consommateurs privilégiant la stabilité et prévisibilité. Il n’y aura donc aucun impact négatif pour les acheteurs concernés.
Conformément à l’accord trouvé avec la Commission, le Gouvernement doit soumettre au Parlement une modification du code de l’énergie en ce sens, en vue d’une adoption d’ici la fin de l’année 2013 : tel est l’objet de l’amendement qui a été présenté par le Gouvernement et qui a été adopté par la Commission des affaires économiques.
Le calendrier de mise en œuvre varie selon la taille des consommateurs. Il offrira une période transitoire nécessaire à l’information et la sensibilisation des clients.
La suppression interviendra en fin d’année 2013 pour les sites raccordés au réseau de transport, en général de gros industriels ou des sites tertiaires importants, qui choisissent déjà à plus de 85 % de recourir aux offres de marché (soit 99 % de la consommation de cette catégorie de clients).
Elle interviendra en fin d’année 2014 pour les clients non résidentiels dont le niveau de consommation est supérieur à 200 MWh/an (clients industriels, immeubles de bureaux, autres sites tertiaires), ainsi que pour les gestionnaires d’une installation de chauffage collectif dont le niveau de consommation est supérieur à 200 MWh/an.
Enfin, elle interviendra d’ici au 1er janvier 2016 pour les professionnels dont le niveau de consommation est supérieur à 30 MWh/an et pour les gestionnaires d’une installation de chauffage collectif dont le niveau de consommation est supérieur à 150 MWh/an.
Les entreprises locales de distribution qui s’approvisionnent encore au tarif réglementé conserveront l’accès à ces tarifs jusqu’à fin 2013 ; de plus, celles dont la consommation est inférieure à 100 000 MWh/an bénéficieront d’un délai jusqu’au 1er janvier 2016.
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La Commission est saisie de l’amendement CE 506 du Gouvernement.
M. le ministre délégué. Cet amendement met en œuvre la disparition progressive des tarifs réglementés de vente de gaz naturel, par modification du code de l’énergie. Arrivés aux responsabilités, nous avons découvert que, après avoir émis un avis motivé, la Commission européenne était sur le point de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. La saisine aurait pu conduire à la suppression non contrôlée des tarifs réglementés du gaz ; c’est pourquoi la ministre chargé de l’écologie et du développement durable s’est immédiatement rendue à Bruxelles pour engager la négociation. Cet amendement permettra de concrétiser l’accord entre les autorités françaises et la Commission européenne qu’elle a réussi à obtenir.
La négociation visait à protéger les 9 millions de ménages bénéficiant en France des tarifs réglementés du gaz. Alors que la Commission nous reprochait les retards accumulés et souhaitait que tous les clients non résidentiels soient privés de ces tarifs, la ministre a réussi à en maintenir le bénéfice pour les ménages et pour certains consommateurs non résidentiels. Il s’agit notamment des petits professionnels dont la consommation n’excède pas 30 000 kilowattheures par an – boulangers-pâtissiers, coiffeurs et autres –, les gestionnaires d’une installation de chauffage collectif dont le niveau de consommation est inférieur à 150 000 kilowattheures par an, et les entreprises locales de distribution de gaz consommant moins de 100 000 mégawattheures par an.
La Commission européenne a renoncé à saisir la Cour de justice ; aux termes du compromis, la suppression concerne 192 000 clients de GDF Suez, mais en épargne plus de 9 millions. Vu l’urgence dans laquelle nous avons négocié et connaissant l’âpreté des discussions avec la Commission, il convient de saluer le résultat obtenu par la ministre.
M. le rapporteur. Avis favorable.
Mme Catherine Vautrin. À côté de cet amendement, un autre enjeu relatif à la consommation compte beaucoup pour nos concitoyens : celui des compteurs intelligents. Le projet Gazpar a considérablement avancé en matière d’appels d’offres ; auriez-vous quelques précisions à ce propos ? Le consommateur apprécierait de disposer d’un outil facile pour surveiller sa consommation.
M. le président François Brottes. Nous pourrions également évoquer les compteurs Linky, bien qu’ils posent une série de problèmes de mise en œuvre, liés aux droits de propriété, aux modèles financiers et à la responsabilité de leur exploitation. Le Gouvernement travaille activement sur ce problème.
M. le ministre délégué. Le Gouvernement y travaille, mais je ne saurais vous donner de réponse détaillée.
Mme Corinne Erhel. Le gaz naturel compte pour beaucoup dans la compétitivité et la constitution du coût de production des serristes ; cet amendement les concerne-t-il, et le cas échéant, de quelle manière ?
Mme Brigitte Allain. Nous connaissons le contexte et comprenons la nécessité de trouver un compromis avec la Commission européenne. Le maintien des tarifs réglementés du gaz pour les consommateurs représente un point positif de l’accord trouvé par le Gouvernement ; il en va de même pour les petits professionnels qui restent ainsi protégés du jeu de la libre concurrence dont ils ne sortent pas gagnants.
Pourtant, alors que le débat sur la transition énergétique est en cours, pourquoi n’y avoir pas intégré cette disposition plutôt que de l’insérer dans le projet de loi sur la consommation ?
Quel est le régime, pour les mêmes catégories de consommateurs, en matière d’électricité ? Ces nouvelles dispositions avantageront-elles un type d’énergie par rapport à un autre ?
M. Frédéric Barbier. À partir du 31 décembre 2015, les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est supérieur à 30 000 kilowattheures par an ne seront plus éligibles aux tarifs réglementés. Or il ne s’agit que de 30 000 litres de fioul ; le boulanger équipé d’un four à gaz utilise quelque 150 000 kilowattheures, et le serriste au moins 300 000 kilowattheures par an. Ne seront donc épargnées que les très petites entreprises – telles qu’une petite épicerie – qui n’ont pas besoin de beaucoup de chauffage, et qui n’utilisent pas d’énergie pour la production.
M. Daniel Fasquelle. S’agit-il de faire pour le gaz ce qui a été fait pour l’électricité dans le cadre de la loi Nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) ?
M. le ministre délégué. En effet, ces dispositions sur le gaz sont sensiblement identiques à celles prises sur l’électricité dans le cadre de la loi NOME. Nous sommes obligés de légiférer vite, sous peine de nous voir sanctionner par la Commission européenne. Ne disposant que d’un délai très court, le Gouvernement a voulu prendre toutes les précautions nécessaires en intégrant ces dispositions au projet de loi sur la consommation dont on espère qu’il sera adopté en lecture définitive avant fin 2013.
Quant à la préoccupation de Mme Erhel, la question de M. Barbier y a partiellement répondu. Si beaucoup de serristes sont concernés par cette suppression, les prix de marché sont aujourd’hui inférieurs aux tarifs fixés. Ces professionnels n’y perdent donc pas pour le moment, même si la situation peut ne pas durer.
Il n’a pas été simple de négocier avec la Commission européenne sous la menace d’une saisine imminente de la Cour de justice de l’Union européenne. Le fait que la ministre ait obtenu le maintien des tarifs réglementés pour 9 millions de ménages ne consolera pas les 190 000 professionnels qui en seront privés ; mais il s’agit malgré tout d’une belle réussite. Dans cette période de crise, ces tarifs réglementés restent utiles à beaucoup de ménages.
M. le président François Brottes. Je félicite le Gouvernement d’avoir mené cette négociation à son terme, sauvant in extremis l’éligibilité des petits consommateurs ; quant aux gros, ils n’y ont plus droit depuis longtemps.
Madame Allain, les questions relatives à l’énergie exigent du législateur une grande réactivité. Ainsi, transposer la directive européenne sans attendre le texte sur la transition énergétique nous a permis de maintenir le tarif de rachat de la cogénération. De même, si l’on attend ce texte prévu pour 2014 pour légiférer sur les tarifs du gaz, on perdra le bénéfice de la négociation. L’urgence impose donc de les traiter dans le cadre de ce projet de loi.
Mme Laure de La Raudière. Les commissaires membres du groupe UMP s’abstiennent, en attendant de relire l’amendement à tête reposée.
La Commission adopte l’amendement.
(article L. 133-4 [nouveau] du code de la consommation)
Possibilité de recourir à une médiation
ou à un mode alternatif de règlement des différends
La volonté des pouvoirs publics de recourir de moins en moins fréquemment au juge pour régler les conflits est partagée par l’ensemble des acteurs économiques. Outre les gains directs qui en résultent (en termes notamment de souplesse, de coût et de rapidité de la procédure), la médiation offre l’avantage de favoriser la discussion continuelle entre les différentes parties, prévenant ainsi nombre de litiges.
À cet effet, de nombreux dispositifs ont été mis en place depuis quelques années dans le secteur de la consommation :
– le Conseil national de la consommation a rendu deux avis importants sur la médiation dans les litiges de consommation (les 6 juillet 2004 et 27 mars 2007) en faveur de leur développement ;
– des initiatives ont été prises au niveau européen pour favoriser le recours à la médiation, notamment la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale ; le Conseil d’État a, le 30 juillet 2010, rendu un rapport important intitulé « Développer la médiation dans le cadre de l’Union européenne » sur les principes à respecter dans le cadre de la transposition de cette directive (60) ;
– au cours des « Assises de la consommation » qui se sont tenues au mois d’octobre 2009, M. Hervé Novelli, Secrétaire d’État chargé de la consommation, annonça la mise en place d’une Commission de la médiation de la consommation ;
– la loi portant réforme du crédit à la consommation créa effectivement la Commission de la médiation de la consommation, celle-ci ayant vocation à « émettre des avis et (…) proposer des mesures de toute nature pour évaluer, améliorer et diffuser les pratiques de médiation non judiciaires en matière de consommation » (61). Placée auprès de l’Institut national de la consommation (62), cette commission (opérationnelle depuis le 2 janvier 2011) ne traite pas des litiges mais cherche à développer la culture de la médiation dans les rapports entre professionnels et consommateurs ;
– la Commission de la médiation de la consommation a élaboré une Charte des bonnes pratiques de la médiation, rendue publique le 27 septembre 2011, qui apparaît comme la référence à respecter pour garantir aux consommateurs des médiations de qualité ;
– plusieurs secteurs ou grandes entreprises ont mis en place des instances de médiation spécifiques pour régler les litiges les opposants aux consommateurs : la Médiation de l’eau (novembre 2009), la Médiation du tourisme et du voyage (dont la charte constitutive a été signée le 18 juillet 2011), la Médiation des communications électroniques (dont la charte est en vigueur depuis le 5 avril 2012)…
Le présent article crée un nouvel article L. 133-4 dans le code de la consommation énonçant le principe selon lequel tout contrat écrit entre un consommateur et un professionnel mentionne la possibilité, en cas de litige, de recourir aux services d’une médiation ou de tout autre mode alternatif de résolution des différends (conciliation…).
Il ne s’agit en aucun cas d’une obligation de recourir préalablement à une médiation avant de porter un litige devant le juge, les parties demeurant libres d’y recourir ou non. Il s’agit seulement d’informer les parties, et notamment le consommateur, de la possibilité d’y recourir, moyen pour chacune des parties de parvenir à un règlement rapide et souple du litige pouvant les opposer.
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La Commission examine l’amendement CE 412 de M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit. Le projet de loi prévoit que le contrat mentionne la possibilité de recourir, en cas de contestation, à une procédure de médiation conventionnelle ou à tout autre mode alternatif de règlement des différends. Cette précision, qui alourdirait inutilement le contrat, serait contraire au choc de simplification souhaité par le Président de la République. Nous proposons de laisser le professionnel choisir le meilleur mode d’information du consommateur en ce qui concerne les procédures de médiation existantes.
M. le ministre délégué. Cette précision n’alourdirait pas beaucoup le contrat ! Comme nous, vous avez défendu face aux instances européennes le principe de la médiation à la française. Le Gouvernement a obtenu gain de cause. Il s’agit manifestement d’un bon système : encore faut-il que le consommateur puisse prendre connaissance – si possible par écrit – de la possibilité d’y recourir !
M. le rapporteur. Avis défavorable. Même argumentation.
M. Thierry Benoit. Je vois mal comment ces dispositions se traduiront sur le terrain. Les bons de commande risquent d’être saturés d’inscriptions de toute sorte.
M. le ministre délégué. Comment le professionnel pourra-t-il prouver qu’il a averti le consommateur si la notification n’est pas écrite ?
La Commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 12 sans modification.
La Commission étudie l’amendement CE 153 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
Mme Frédérique Massat. Je le retire.
L’amendement est retiré.
Mesures d’adaptation au droit de l’Union européenne
(article L. 121-1 du code de la consommation)
Le manque d’information non constitutif
d’une pratique commerciale trompeuse
Issu de l’article 31 de la loi Chatel du 3 janvier 2008 (qui transposait lui-même une directive communautaire (63)), l’article L. 121-1 du code de la consommation définit la pratique commerciale trompeuse (que l’on qualifiait auparavant de « publicité mensongère » (64)) de deux grandes façons :
– le I de l’article énumère un certain nombre de comportements qui peuvent être constitutifs d’une telle pratique et que l’on qualifie parfois d’« actions trompeuses ». Est ainsi constitutive d’une pratique commerciale trompeuse une pratique créant une confusion dans l’esprit du consommateur entre un bien et une autre produit, une pratique donnant des renseignements faux portant sur l’existence, la disponibilité ou la nature du bien, la portée des engagements de l’annonceur… Ces « actions trompeuses » concernent non seulement les rapports entre professionnels et particuliers mais également, comme le précise le III de l’article L. 121-1, les rapports entre professionnels ;
– le II énonce, pour sa part, qu’est également une pratique commerciale trompeuse toute pratique qui « compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ». Ce ne sont plus des actions mais des « omissions trompeuses » qui ne concernent que les rapports entre professionnels et consommateurs. La précision dont il s’agit visait à tenir compte de la mention figurant à l’article 7-3 de la directive 2005/29 selon laquelle l’appréciation de l’information délivrée au consommateur doit prendre en considération les « limites d’espace ou de temps » qui peuvent s’imposer au professionnel. Or, l’article 7-3 de la directive 2005/29 revêt une importance certaine dans sa globalité, et pas seulement dans cette seule mention : c’est la raison pour laquelle sa transposition en droit interne restait à effectuer.
Par ce nouvel alinéa, le présent article 13 transpose donc en droit interne l’intégralité de l’article 7-3 de la directive 2005/29.
Ainsi, l’appréciation de l’existence ou non d’une pratique commerciale trompeuse doit se faire non seulement au regard des « limites d’espace ou de temps » qui ont pu s’imposer au professionnel, mais également au regard des « mesures prises par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du professionnel par d’autres moyens ».
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La Commission adopte l’article 13 sans modification.
(article L. 135-1 du code de la consommation)
Aménagement des règles de conflit de lois concernant l’application du droit de la consommation relatif aux clauses abusives
L’article L. 135-1 a été introduit dans le code de la consommation par l’article 6 de la loi du 1er février 1995 (65) qui transposait elle-même une directive de 1993 relative aux clauses abusives (66).
Le 22ème considérant de la directive 93/13 avait relevé qu’il pouvait exister dans certains cas le risque « de priver le consommateur de la protection accordée par la présente directive en désignant le droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat », droit qui se serait révélé moins protecteur du consommateur que ne l’était le droit européen.
Dans cette optique, l’article 6-2 de la directive énonçait que « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire des États membres ». En d’autres termes, un consommateur passant un contrat impliquant un pays tiers de l’Union européenne continue, et ce quelles que soient les stipulations dudit contrat (notamment en ce qui concerne le droit censé le régir), de bénéficier de la protection que la directive 93/13 accorde aux ressortissants de l’Union européenne à partir du moment où le contrat présente un « lien étroit », c’est-à-dire un rattachement suffisant avec le territoire des États membres.
L’article L. 135-1 du code de la consommation reprit ce principe dans ses grandes lignes mais en l’enserrant quelque peu puisqu’il ne faisait bénéficier de cette protection que le consommateur ou le non professionnel ayant « son domicile sur le territoire de l’un des États membres de l’Union européenne ». Or, la notion de « lien étroit » se veut beaucoup plus large que celle de « domicile ». C’est d’ailleurs ce que confirma le Cour de justice des communautés européennes dans un arrêt ultérieur. Admettant elle-même que les termes de « lien étroit » revêtaient le caractère d’une « formule générale [qui] vise à permettre la prise en considération de divers éléments de rattachement en fonction des circonstances de l’espèce », la Cour estimait que cette « notion délibérément vague (…) ne saurait (…) être limitée par une combinaison de critères de rattachement prédéfinis, tels que les conditions cumulatives relatives à la résidence et à la conclusion du contrat visées à l'article 5 de la convention de Rome » (67).
En conclusion, en adoptant une formulation beaucoup plus étroite non seulement que le texte même de la directive communautaire mais aussi que l’interprétation qu’en a faite la Cour de justice des communautés européennes, l’article L. 135-1 du code de la consommation est en contradiction avec le droit européen. Il était donc nécessaire d’en modifier la rédaction.
L’article 14 du projet de loi procède à la re-rédaction de l’actuel article L. 135-1 du code de la consommation :
– en premier lieu, il réitère le principe général selon lequel le consommateur ne peut être privé de la protection que lui accorde la législation communautaire relative aux clauses abusives que peuvent contenir les contrats, et ce quelles qu’en soient les stipulations, à partir du moment où ce contrat « présente un lien étroit avec le territoire d’un État membre » ;
– en second lieu, il énumère un certain nombre d’hypothèses où ce « lien étroit » est réputé établi, hypothèses au nombre desquelles le lieu de résidence du consommateur n’est qu’un cas parmi d’autres.
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La Commission adopte l’article 14 sans modification.
(article L. 211-18 du code de la consommation)
Aménagement des règles de conflit de lois concernant l’application du droit de la consommation relatif à la vente et à la garantie des biens
L’article L. 211-18 du code de la consommation a été pris en application de la directive 1999/44/CE (68).
Sur le modèle de ce qu’énonce l’article L. 135-1, il précise que le consommateur qui a acheté un bien ne peut être privé de la protection que lui accorde la réglementation nationale prise en application de la directive 1999/44/CE et ce « quelle que soit la loi applicable au contrat ».
Or, alors que l’article 7-2 de la directive étend cette protection à tous les contrats qui présentent « un lien étroit avec le territoire des États membres », l’article L. 211-18 ne fait bénéficier le consommateur d’une telle protection que dans trois hypothèses :
– lorsque le contrat a été conclu dans l’État du lieu de résidence habituelle de l’acheteur, c’est-à-dire dans l’État où habite le consommateur ;
– lorsque le contrat a été précédé dans cet État d’une offre ou d’une publicité spécifique et si, par ailleurs, l’acheteur a accompli certains actes en vue d’acheter le bien en question ;
– lorsque le contrat a été conclu dans un État où l’acheteur s’est rendu à la suite d’une proposition que lui a faite le vendeur en vue de conclure un contrat avec lui.
Aussi, dans le même ordre d’idées que ce qui a été reproché à l’article L. 135-1 du code de la consommation, il apparaît très clairement que la rédaction de l’actuel article L. 211-18 est en contradiction avec le droit communautaire tel qu’il résulte très directement de la directive 1999/44/CE. Il importe donc d’en modifier la rédaction.
L’article 15 procède à la re-rédaction de l’article L. 211-18 du code de la consommation sur le même modèle que ce qui a été fait pour l’article L. 135-1 :
– d’une part, il énonce très clairement le principe selon lequel le consommateur ne peut être privé de la protection que lui accorde la législation communautaire relative à la vente et à la garantie des biens de consommation, quelles que soient les stipulations des contrats concernés, à partir du moment où ces contrats « présente[nt] un lien étroit avec le territoire d’un État membre » ;
– d’autre part, il reprend les quatre hypothèses où ce « lien étroit » est réputé établi et qui figurent également à l’article L. 135-1.
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La Commission adopte l’article 15 sans modification.
(articles L. 112-2-1 du code des assurances, L. 123-1, L. 123-3, L. 123-4 et L. 123-5
du code de la consommation, L. 341-12, L. 343-1 et L. 343-2 du code monétaire
et financier, L. 221-18 du code de la mutualité
et L. 932-15-1 du code de la sécurité sociale)
Dispositions assurant la coordination entre divers codes
Le présent article vise à assurer la coordination entre diverses dispositions de plusieurs codes en conséquence de la nouvelle rédaction des sections 2 « Ventes de biens et de fournitures de prestations de services à distance » et 3 « Démarchage » du chapitre Ier du Titre II du Livre Ier du code de la consommation.
Les différents codes impactés sont les suivants :
→ Code des assurances
L’article L. 112-2-1 du code des assurances, relatif à la fourniture à distance d’opérations d’assurance à un consommateur, dispose que ce secteur est régi tant par les dispositions du livre Ier du code des assurances que par les dispositions des sous-sections 2 (articles L. 121-20-8 à L. 121-20-14) et 3 (articles L. 121-20-15 à L. 121-20-17) de la section 2 du chapitre Ier du Titre II du Livre Ier du code de la consommation.
L’article 5 du présent projet de loi ayant opéré une nouvelle rédaction de l’ensemble de la section 2 (articles L. 121-16 à L. 121-33 nouveaux du code de la consommation), le I de l’article 16 du présent texte prend en compte la nouvelle numérotation des dispositions ainsi modifiées :
– désormais, il est prévu que la fourniture à distance d’opérations d’assurance à un consommateur sera régie non seulement par le Livre Ier du code des assurances mais également par les articles L. 121-26, L. 121-26-1, L. 121-28 et L. 121-30 à L. 121-33 du code de la consommation, qui régissent de manière plus générale les contrats conclus à distance portant sur des services financiers ;
– en outre, il est prévu que tant l’absence d’informations données par l’assureur que le refus de sa part de rembourser le souscripteur dans les conditions définies par la réglementation applicable peuvent être constatés et poursuivis non plus sur le fondement de l’article L. 121-20-17 du code de la consommation (qui a été abrogé par l’article 4-II de l’ordonnance n° 2005-1086 (69)), mais sur la base de l’article L. 141-1 du code de la consommation, dont la rédaction a été profondément modifiée par l’article 25 du présent projet de loi.
→ Code de la consommation
Le II du présent article tire seulement les conséquences de la nouvelle rédaction opérée par l’article 5 du projet de loi, la nouvelle numérotation des articles étant désormais intégralement prise en considération.
→ Code monétaire et financier
Le 1° du III du présent article corrige une erreur de référence. En effet, l’actuel article L. 341-12 du code monétaire et financier (qui fait partie du chapitre Ier « Démarchage bancaire ou financier » au sein du Titre IV du Livre III de ce code) dispose que la personne démarchée doit recevoir un certain nombre d’informations avant d’être liée par un contrat. Elle doit, à ce titre, être notamment informée de l’existence ou non d’un droit de rétractation ainsi que de ses modalités d’exercice. Or, contrairement à ce qu’énonce le 6° de l’article L. 341-12, ce droit éventuel ne trouve pas son fondement juridique dans « l’article L. 121-20-15 du code de la consommation », qui est relatif à la protection du consommateur dans le cadre de la réglementation communautaire, mais dans l’actuel article L. 121-20-12 (devenu le nouvel article L. 121-29). Le 1° a donc pour objet d’opérer cette rectification.
Le 2° réalise une nouvelle rédaction de l’article L. 343-1 du code monétaire et financier en disposant de manière générale que la fourniture à distance de services financiers à un consommateur est régie par les articles L. 121-26 à L. 121-33 du code de la consommation, c’est-à-dire par l’ensemble de la nouvelle section 3 du chapitre Ier du Titre II du Livre Ier dans sa rédaction issue du nouvel article 5.
Enfin, le 3° effectue un changement de référence, conséquence des nouvelles rédactions précédemment réalisées.
→ Code de la mutualité
Sur le modèle des changements apportés par le code des assurances au I du présent article, le IV réalise un certain nombre de modifications au sein de l’article L. 221-18 (qui constitue à lui seul la section 3 « Fourniture à distance d’opérations d’assurance à un consommateur » du chapitre Ier du Titre II du Livre II du code de la mutualité) pour tenir compte de la nouvelle rédaction de l’ensemble de la section 2 (articles L. 121-16 à L. 121-33 nouveaux du code de la consommation) réalisée par l’article 5 du projet de loi.
Ainsi, la fourniture à distance d’opérations d’assurance individuelles à un consommateur sera à la fois régie par le Titre II du code de la mutualité (« Opérations des mutuelles et des unions ») et par les articles L. 121-26, L. 121-26-1, L. 121-28 et L. 121-30 à L. 121-33 du code de la consommation, qui régissent les contrats conclus à distance portant sur des services financiers.
→ Code de la sécurité sociale
À l’instar des changements opérés au sein du code des assurances et du code de la mutualité, le V du présent article apporte les mêmes modifications à l’article L. 932-15-1 du code de la sécurité sociale (qui fait partie des articles de la section 2 « Dispositions relatives aux opérations collectives à adhésion facultative et aux opérations individuelles » du chapitre 2 du Titre III du Livre IX du code de la sécurité sociale).
De ce fait, la fourniture à distance d’opérations d’assurance individuelles à un consommateur sera à l’avenir également régie par la section 2 susvisée et par les articles L. 121-26, L. 121-26-1, L. 121-28 et L. 121-30 à L. 121-33 du code de la consommation.
→ Application de ces dispositions dans les Outre mer
Le VI prévoit que le I, c’est-à-dire les modifications apportées au code des assurances, est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
Quant au VII, il dispose que le III (modifications apportées au code monétaire et financier) est non seulement applicable aux îles Wallis et Futuna, mais également en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
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La Commission adopte l’article 16 sans modification.
Date d’entrée en vigueur de certaines dispositions
du chapitre II du projet de loi
L’article 17 précise, conformément aux dispositions de l’article 28 de la directive 2011/83 (les États membres « appliquent [les] mesures (…) législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive (…) à partir du 13 juin 2014 »), que les articles 4, 5, 8, 9, 10 et 16, ayant pour objet la transposition des mesures prescrites par cette même directive, s’appliquent seulement aux contrats conclus après le 13 juin 2014.
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La Commission adopte l’article 17 sans modification.
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 17.
Elle examine l’amendement CE 477 de M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. L’amendement vise à faciliter la résiliation des contrats relatifs aux bouquets audiovisuels. De nombreux consommateurs se sentent prisonniers de leurs abonnements aux chaînes cryptées, en raison des clauses de reconduction tacite et du fait des modalités de résiliation. Celle-ci n’est possible qu’une seule fois par an, à la date anniversaire de la signature du contrat, et à condition de l’avoir signalée par courrier au moins un mois avant la date d’échéance. La Commission des clauses abusives et les tribunaux sont régulièrement saisis de ces sujets.
L’amendement précise en premier lieu le mode de communication des possibilités de résiliation, car il faut s’assurer de la bonne information du consommateur. Il propose ensuite que celui-ci puisse résilier un abonnement à tout moment après une année d’engagement.
La chaîne cryptée leader compte 8,5 millions de clients. La première année, une offre promotionnelle divise le prix de l’abonnement par deux, de sorte que ceux qui ne résilient pas leur abonnement après douze mois se retrouvent prisonniers d’un tarif qui a doublé. C’est ce qui explique que, chaque année, 1,3 million d’abonnés résilient leur abonnement, tandis que se présentent 1,2 million de nouveaux clients.
M. le ministre délégué. Avis favorable, sous réserve de deux modifications.
Dans le I, je vous propose de supprimer la mention « avec accusé de réception », car la plupart des messageries en ligne ne permettent pas d’en envoyer.
Je propose par ailleurs la suppression du II. Le mode de résiliation infra-annuelle, que le Gouvernement propose d’adopter pour les assurances au chapitre III du projet de loi, n’est pas adapté au secteur de la communication audiovisuelle. Dans le cas des assurances, il importe de contrer la tendance haussière des primes : la multirisque habitation augmente trois fois plus vite que l’inflation. En revanche, si l’on applique le même système à l’audiovisuel sans en mesurer l’impact, on risque de remettre en cause le modèle de financement de la création audiovisuelle et cinématographique, dans un contexte assombri, marqué par l’arrivée d’opérateurs venus des émirats, assez riches pour diffuser de grandes compétitions sportives à des prix très bas.
Dans le cas où vous refuseriez ces modifications, je proposerais le rejet.
M. le rapporteur. Pour le II, qui relève de la visibilité tarifaire, je vous renvoie à l’alinéa 21 de l’article 4 : « Dans le cas d’un contrat à durée indéterminée ou d’un contrat assorti d’un abonnement, le prix total inclut le total des frais exposés pour chaque période de facturation. Lorsque de tels contrats sont facturés à un tarif fixe, le prix total inclut également le total des coûts mensuels. Lorsque le coût total ne peut être raisonnablement calculé à l’avance, le mode de calcul du prix est communiqué. » Cet alinéa répond à une partie de vos préoccupations, sans remettre en cause l’équilibre financier du secteur audiovisuel. Il prend en compte la notion de tarif annuel, ainsi que la communication de l’augmentation, qui doit intervenir lors du renouvellement du contrat, à la fin de la première année.
Le I permet à l’abonné de répondre par écrit qu’il a reçu l’information.
M. Frédéric Barbier. Je retire l’amendement, mais je reviendrai à la charge en séance publique, en proposant un amendement de repli.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 490 de M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. L’amendement tend à réduire le temps d’attente sur les plateformes téléphoniques des prestataires de services essentiels à la vie quotidienne : énergie, téléphone, internet. Les difficultés pour joindre ces prestataires sont très pénalisantes pour le consommateur, ainsi que pour la qualité ou la continuité du service. Elles dégradent les relations commerciales et font renoncer certains clients à résilier leur contrat, ce qui leur coûte très cher.
Nous proposons de limiter à cinq minutes le temps d’attente du consommateur appelant le prestataire de service avec qui il est lié contractuellement. Au-delà de cette durée, un répondeur lui permettra de laisser ses coordonnées afin qu’il soit rappelé sous quarante-huit heures.
Actuellement, de grandes sociétés laissent leur système de plateforme téléphonique se dégrader, sachant qu’elles conserveront plus longtemps des clients qui ne peuvent pas les joindre. Ceux-ci doivent pouvoir à tout moment rediscuter leur contrat, le modifier, voire envisager de le résilier.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Comme les auteurs de l’amendement, le Gouvernement souhaite améliorer la qualité de la relation téléphonique avec les clients, mais la question du temps d’attente n’est pas le seul point à considérer. La certification de l’AFNOR relative au service clients, sollicitée par de nombreux opérateurs, prend aussi en compte la formation des conseillers.
J’ai saisi à ce sujet le Conseil national de la consommation, car l’amélioration de la qualité des services clients dans le secteur des télécoms est une priorité. Nous avons aussi travaillé pour éviter que ne se développent demain des services premium, dont la création entraînerait la dégradation du service standard, sur lequel doivent porter les efforts.
Je crains que l’amendement n’engendre des effets pervers. Pour écourter le temps d’attente, l’opérateur risque d’écourter le temps de conversation avec le client. D’autre part, l’obligation de rappeler dans les quarante-huit heures, difficile à contrôler, ne garantit pas la résolution effective du problème.
M. le rapporteur. Même analyse. Aujourd’hui, le secteur des services a pris conscience de la difficulté, puisqu’il rapatrie des plateformes qui avaient été délocalisées et préfère employer de véritables techniciens plutôt que des personnes très peu qualifiées. La dernière étude du CNC montre toutefois qu’il faut encore réfléchir à la tarification.
Mme Laure de La Raudière. Le problème des prestations de services ne concerne pas les seules entreprises privées, mais, également, les services publics. Son traitement, en l’occurrence, supposerait une augmentation des dépenses publiques dont il convient de tenir compte.
Mme Catherine Vautrin. Je comprends et partage la préoccupation de M. Barbier, mais il me semble que cela relève moins de la loi que du règlement. Imaginez que nos prédécesseurs aient mentionné le « 22 à Asnières » et songez combien, depuis, la numérotation a évolué ! Un temps d’attente de cinq minutes nous semble aujourd’hui constituer un délai raisonnable, mais qu’en sera-t-il demain ?
M. le président François Brottes. En outre, sans contrôle ni sanction, un tel dispositif risque de ne pas avoir de portée. Cela dit, cette question nous concerne tous.
M. Frédéric Barbier. D’autant plus que le texte prévoit l’organisation de négociations dans d’autres domaines.
J’entends les propos de Mme de La Raudière. Il me semble qu’il serait possible, dans le secteur public, de fixer par décret des conditions à peu près normales de service.
Je rencontre trop souvent des personnes âgées ou qui parlent mal notre langue qui continuent à payer des services qui ne leur sont plus rendus. Néanmoins, je retire l’amendement, mais je le retravaillerai en vue de la séance publique.
L’amendement est retiré.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE 493 et CE 495 de M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. L’amendement CE 493 étend le principe du formulaire type de rétractation à tous les contrats de vente ou de service où le droit de rétractation existe, et pas seulement, comme le prévoit le texte, aux contrats conclus à distance. Outre que cela facilitera les démarches, le nombre de contentieux diminuera, puisqu’une telle formalisation fera état de toutes les mentions nécessaires, ce qui évitera de surcroît des retours de courrier pour manque d’information.
L’amendement CE 495 vise quant à lui à mettre en place un formulaire type de résiliation.
M. le ministre délégué. Le code de la consommation prévoit deux types de ventes pour lesquelles le consommateur dispose d’un droit de rétractation : la vente conclue à distance et celle conclue par démarchage. La transposition de la directive sur les droits des consommateurs confirme ce principe et harmonise le droit applicable à ces deux types de vente en prévoyant notamment un formulaire unique mis à la disposition du consommateur lorsqu’il souhaite exercer son droit de rétractation.
Cet amendement est donc inutile puisque le formulaire de rétractation est prévu pour les ventes hors établissement et qu’aucun autre texte du code de la consommation ne prévoit de droit de rétractation au bénéfice des consommateurs en dehors des dispositions qui établissent un régime spécifique pour certains secteurs.
Avis défavorable à ces deux amendements.
M. le rapporteur. Même avis.
M. Frédéric Barbier. Je les retire donc.
Les amendements sont retirés.
Article additionnel avant l’article 18
(article L. 311-3 du code de la consommation)
Champ d’application du crédit à la consommation
L’article L. 311-3 4° du code de la consommation prévoit que les opérations de crédit comportant un délai de remboursement ne dépassant pas trois mois, qui ne sont assorties d’aucun intérêt ou d’aucuns frais ou seulement de frais d’un montant négligeable, ne sont pas soumis au formalisme applicable aux crédits à la consommation prévu par les articles L. 311-4 et suivants du code de la consommation.
Cette rédaction est issue de l’intégration en droit français de l’article 2 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008. Le texte européen prévoit d’exclure de l’application de ce formalisme :
– tous les crédits assortis d’aucun intérêt ou d’aucuns frais et ce quelle que soit leur durée,
– les crédits ne dépassant pas 3 mois dès lors qu’ils sont assortis de frais d’un montant négligeable (les frais devant être entendus, comme le précisent les guidelines de la commission européenne du 8 mai 2012, au sens de coûts, c’est-à-dire en incluant à la fois les intérêts et les frais).
La rédaction en vigueur de l’article L. 311-3 4° du code de la consommation n’est pas l’exacte transposition de la directive et ouvre un périmètre d’application plus large à cette exception dans la mesure où l’utilisation de la conjonction de coordination « ou » rend l’application de ces critères alternatifs.
L’article additionnel présenté par le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a pour objectif de rétablir une rédaction conforme à l’objectif de voir cette exclusion appliquée aux seuls crédits à la consommation de moins de trois mois dépourvus d’intérêts et de frais ou assortis d’intérêts et de frais d’un montant négligeable.
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La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel avant l’article 18.
Elle étudie l’amendement CE 37 de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Il convient de préciser le champ des dispositions du code de la consommation applicables au crédit à la consommation. En l’état du droit, elles ne s’appliquent pas, par exception, aux opérations de crédit « qui ne sont assorties d’aucun intérêt ou d’aucuns frais ». Certains prêteurs mettent à profit cette rédaction imprécise en proposant des prêts dont le taux d’intérêt peut-être très élevé, mais qui ne sont assortis d’aucuns frais. Il s’agit d’éviter de tels risques aux consommateurs.
M. le ministre délégué. Avis favorable.
Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.
Elle étudie ensuite l’amendement CE 38 de la commission des finances.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement important concerne la publicité mise en place par les prêteurs en matière de crédit à la consommation. En l’état du droit, certaines informations essentielles pour le consommateur doivent être indiquées d’une manière particulièrement apparente. Toutefois, la rédaction de l’article L. 311-5 du code de la consommation est imprécise, certains prêteurs mettant à profit une telle approximation pour afficher des informations destinées à rendre leurs offres attractives au détriment des informations vraiment utiles pour le consommateur. Je propose de faire apparaître de manière plus évidente les informations essentielles pour que le consommateur puisse faire le bon choix.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
Cet amendement visant à modifier la publicité écrite en matière de crédit à la consommation et, en particulier, les mentions devant figurer dans une taille plus importante, propose que les informations qui doivent accompagner la publication d’un chiffre dans une publicité – nature du taux, montant du crédit – ne le soient qu’avec l’aide d’un exemple représentatif et qu’elles soient écrites en caractère plus gros que toute autre information et, notamment, que tout autre taux.
Les informations relatives au chiffrage visent à ne pas biaiser le raisonnement du consommateur et n’ont de sens que si un exemple est effectivement utilisé. Dans le cas contraire, il s’agit d’une surcharge évidente, d’où l’encadrement de l’exemple représentatif dans l’article L. 311-4 du code de la consommation.
De plus, lorsque la publicité fait l’objet d’un exemple chiffré, le taux annuel effectif global, aux termes de la loi, est par exemple toujours rédigé en caractères plus importants que tout autre taux.
Les précisions que vous souhaitez apporter ne me semblent donc pas utiles.
M. le rapporteur. Nombreux sont ceux qui, depuis longtemps, travaillent sur les problèmes liés au crédit revolving. En soi, il n’y a pas de mauvais crédit, mais de mauvaises utilisations et diffusions des crédits existants. Personne n’aurait l’idée de limiter la publicité des banques, notamment en matière de découverts : or, sur bien des plans, ceux-ci sont pires que les crédits revolving. Avis défavorable.
M. le président François Brottes. Les découverts sont parfois pires en matière de taux, mais ils sont très souvent limités alors que les crédits revolving ne le sont pas forcément.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je retire l’amendement, mais je le présenterai dans le cadre de l’article 88, puisqu’il avait reçu un avis favorable de la commission des finances. Je ferai part d’exemples précis de publicité qui ne répondent pas à notre souhait de délivrer aux consommateurs des informations concrètes.
L’amendement CE 38 est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 39 de la commission des finances.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Les publicités relatives aux rachats de crédit sont souvent trompeuses en mettant en avant une baisse des mensualités sans indiquer qu’une telle diminution est due au rallongement de la maturité des prêts et qu’elle s’accompagne d’une hausse souvent importante du taux effectif global. Ainsi, on évoque l’exemple d’un couple marié disposant de 2 700 € de revenus mensuels et payant une mensualité de 1 328 € : un nouveau crédit promet de la diminuer de 585 €, mais son coût, sa durée et les informations essentielles relatives à son taux ne sont pas précisés.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
Certaines publicités vantent en effet les mérites des opérations de regroupement de crédits afin de réduire les mensualités de remboursement. Toutefois, comme il existe dans ce domaine autant de cas que de clients, les publicités ne recourent que rarement à des exemples chiffrés qui seraient peu parlants.
En outre, les opérations de regroupement de crédits sont encadrées par la réglementation. Je vous renvoie également à l’article L. 313-15 du code de la consommation, dont les derniers décrets sont entrés en vigueur cette année. En fonction de la part représentée respectivement par les crédits immobiliers et les crédits à la consommation dans l’opération de regroupement, le nouveau crédit est soumis soit aux dispositions relatives au crédit à la consommation, soit à celles concernant les crédits immobiliers.
L’ensemble des mesures de protection du consommateur et, notamment, celles qui sont relatives à son information – comme la mention du coût total du crédit – s’applique aux nouveaux crédits conclus dans le cadre d’un regroupement. Votre amendement ne me semble donc pas utile.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je le retire et je le redéposerai.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CE 169 de M. Christophe Bouillon.
Mme Clotilde Valter. La loi de 2010 portant réforme du crédit à la consommation prévoit que les publicités relatives au crédit mentionnent les phrases suivantes : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager. » Afin de mieux prévenir le surendettement, nous proposons de les remplacer par la phrase : « Souscrire de nombreux crédits est susceptible de créer une situation de surendettement. »
M. le ministre délégué. La publicité relative au crédit à la consommation est strictement encadrée, tous les panneaux et encarts publicitaires étant déjà assortis des phrases que vous avez mentionnées, lesquelles ont été introduites lors de la transposition de la directive relative au crédit à la consommation. Cette mention s’adresse au consommateur en appelant à sa vigilance. Elle est certes élémentaire, mais elle constitue une précision utile sans doute inspirée par ceux qui veulent être remboursés, même s’il faut aussi rappeler que ces derniers gagnent de l’argent en en prêtant. Elle nous semble proportionnée et suffisante. Y ajouter ce que vous proposez n’apportera rien de plus. Avis défavorable.
La création d’un registre national du crédit aux particuliers (RNCP) constitue la mesure la plus importante de ce texte. Elle modifiera la nature des relations entre l’emprunteur et les prêteurs et entraînera un véritable changement de paradigme dans le domaine de la distribution du crédit et de la responsabilisation des acteurs. Les attitudes irrationnelles que l’on constate parfois chez les consommateurs s’expliquent souvent par la réalité sociale que vivent des centaines de milliers de nos concitoyens parmi les plus pauvres.
M. le rapporteur. Cet amendement ne me semble pas adapté. Ce n’est pas tant un problème de quantité que de structure des crédits souscrits en fonction des revenus. Parfois, un seul crédit suffit à faire basculer dans le surendettement. Avis défavorable.
Mme Clotilde Valter. Je le retire.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 184 de M. Christophe Sirugue.
Mme Clotilde Valter. Les démarchages à domicile, à distance et itinérant doivent être interdits en matière de crédits.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Même avis.
Mme Clotilde Valter. Je le retire.
L’amendement est retiré.
(article L. 311-8-1 du code de la consommation)
Obligation de proposer un crédit amortissable pour les achats de plus de 1 000 € conclus sur le lieu de vente et en vente à distance
La loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a introduit une nouvelle obligation à la charge du prêteur ou de l’intermédiaire de crédit proposant au consommateur, sur le lieu de vente ou par un moyen de vente à distance, un contrat de crédit pour financer l'achat de biens ou de prestations de services particuliers pour un montant supérieur à 1 000 €.
Le consommateur bénéficie désormais de la possibilité de souscrire un crédit amortissable à la place d’un crédit renouvelable pour les achats d’un montant supérieur à 1 000 € mais l’effectivité de cette mesure est en pratique limitée comme l’ont montré les contrôles effectués par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ainsi que le rapport sur l’impact de l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010, réalisé par le cabinet Athling pour le compte du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). La première mesure proposée au chapitre 3 du présent projet de loi entend donc améliorer cette situation.
Selon les chiffres recueillis par le cabinet Athling auprès des établissements de crédit de son échantillon, « il y a près de 20 millions d’achats à crédit dans les magasins. 440 000 de ces achats sont d’un montant supérieur à 1 000 €. 60 % sont financés à crédit via une première utilisation d’un compte de crédit renouvelable et 40 % par la souscription d’un crédit affecté ». Mais la constatation la plus importante a trait à l’effectivité de la proposition alternative de crédit. Il ressort en effet de cette étude que « l’offre alternative est très peu abordée. Elle n’a été évoquée que dans 9 % des cas et n’est visible que dans 17 % des cas. »
Cette performance particulièrement médiocre s’explique par le fait que nombre de prêteurs et de distributeurs s’en tiennent à la lettre de l’article L. 311-8-1 qui indique que le consommateur « doit disposer de la possibilité de conclure un contrat de crédit amortissable ». Cette interprétation purement formelle et théorique va à l’encontre de l’effectivité du droit, sur cette question comme dans de nombreux autres domaines du droit de la consommation. Le présent article entend donc « mettre les points sur les i » et rendre clairement obligatoire la présentation d’une offre de crédit amortissable dès lors que le seuil actuellement fixé à 1 000 € par le décret n° 2010-1462 du 30 novembre 2010 est atteint.
Le I (alinéas 1 et 2) modifie la rédaction de l’article L. 311-8-1 du code de la consommation afin de conférer un caractère obligatoire à la présentation d’une offre de crédit amortissable comme alternative à un crédit renouvelable dès lors que le contrat de vente du bien ou de la prestation de service qui fait l’objet de ce crédit s’effectue sur le lieu de vente ou par un moyen de vente à distance et que son montant dépasse un seuil fixé par décret. Ce seuil est actuellement fixé à 1 000 € par le décret n° 2010-1462 du 30 novembre 2010 fixant les seuils nécessaires à l'application des articles 6 et 11 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation. Certaines personnes auditionnées par le rapporteur ont émis le souhait de voir ce seuil abaissé à 700 € afin de mieux prendre en compte le niveau médian des achats à crédit des ménages. Outre le fait que cette disposition est d’ordre réglementaire, votre rapporteur prend en considération le fait qu’il peut être difficile pour un organisme prêteur de proposer une offre de crédit amortissable pour un tel montant en raison des coûts fixes qui s’y attachent.
Le texte précise que le prêteur ou l’intermédiaire de crédit est dans l’obligation d’accompagner systématiquement l’offre de crédit renouvelable d’une proposition de crédit amortissable. Selon l’article L. 311-11 du code de la consommation, l'offre de contrat de crédit est établie par écrit ou sur un autre support durable, elle est remise ou adressée en autant d'exemplaires que de parties et, le cas échéant, à chacune des cautions. Elle oblige le prêteur à en maintenir les conditions pendant une durée minimale de quinze jours à compter de cette remise ou de cet envoi. En revanche la notion de proposition de crédit n’est pas juridiquement encadrée et pourrait donc être interprétée par les opérateurs de manière diverse allant de l’équivalent d’une offre à la simple information orale.
Le II (alinéa 3) précise que ces dispositions sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Si la nouvelle rédaction apporte incontestablement un renforcement de l’information au bénéfice du consommateur, votre rapporteur souhaite que soit mieux encadrer la forme et le contenu de la proposition de la proposition de crédit amortissable.
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* *
La Commission examine l’amendement CE 325 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement étend l’obligation de proposer une alternative au crédit renouvelable lorsque le consommateur contracte un crédit avec un établissement de crédit et non plus seulement lors de l’achat d’un bien ou d’une prestation de service. Un emprunteur souscrivant un crédit directement auprès d’un établissement de crédit sur internet sera donc désormais concerné. Cela contribuera de surcroît à simplifier le droit de la consommation et favorisera l’égalité entre les différents professionnels.
M. le ministre délégué. Parce qu’un consommateur peut être tenté par un achat compulsif sur un lieu de vente, nous demandons qu’un crédit amortissable soit proposé pour des achats de plus de 1000 €. Une agence bancaire ne saurait être considérée comme un lieu où le consommateur serait exposé à ce type de pression, même si le conseiller bancaire peut lui présenter tel ou tel produit financier.
Soyons clairs : nous voulons protéger la famille qui, par exemple, décide d’acheter un téléviseur et qui, sous la pression d’un commercial, se voit « fourguer » en sus un crédit renouvelable. Une banque ne saurait être comparée à un grand magasin d’électroménager. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Même avis.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement ne concerne pas les banques, mais les établissements de crédit qui proposent, par la poste ou sur internet, des offres de crédit renouvelable permettant de disposer, par exemple, d’une réserve de 6 000 €.
M. le ministre délégué. Il inclut de facto les agences bancaires.
M. le rapporteur. De plus, certaines structures proposant des crédits renouvelables n’offrent pas la possibilité de souscrire des crédits classiques. Cet amendement reviendrait à entraîner leur fermeture, alors qu’elles font parfois un usage raisonné du crédit renouvelable.
M. le ministre délégué. S’agissant de la vente à distance, la loi oblige déjà les organismes de crédit à proposer un crédit amortissable suite à un amendement de Mme Laure de La Raudière à la loi de 2010.
Mme Jeanine Dubié. Je retire l’amendement, mais nous le présenterons en séance publique dans une nouvelle formulation.
L’amendement est retiré.
La Commission examine les amendements identiques CE 40 de la commission des finances et CE 440 de Mme Michèle Bonneton.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Une offre de crédit amortissable est requise lorsque le crédit est proposé sur le lieu de vente ou à distance pour un achat de plus de 1 000 €. Nous proposons d’étendre cette disposition à l’ensemble des situations dans lesquelles un consommateur peut se voir proposer un tel crédit et donc lorsqu’il se trouve dans une agence bancaire, qu’elle soit ou non sur le lieu de vente. Cet amendement, déposé notamment par Mme Sas, a reçu un avis favorable de la commission des finances.
Mme Michèle Bonneton. Nous proposons en effet d’étendre le champ d’application du crédit amortissable aux situations dans lesquelles le prêteur n’est pas le vendeur des biens ou des services.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
Je comprends la préoccupation de M. Grandguillaume et de Mme Bonneton, mais, outre qu’il convient de définir l’unicité du lieu – dans un supermarché, par exemple, le paiement des redevances diffère selon les situations –, je ne suis pas certain que cet amendement soit significatif, même si je suis bien entendu enclin à écouter les conseils de M. Grandguillaume compte tenu de ses fonctions dans une vie antérieure !
Je vous invite à retirer ces amendements, mais je suis prêt à les retravailler avec vous.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il convient en effet de retravailler l’amendement, que je retire. Je précise toutefois que, parmi les premiers produits proposés par les établissements bancaires, figure le crédit revolving.
Mme Michèle Bonneton. Je retire également mon amendement.
Les amendements sont retirés.
La Commission examine l’amendement CE 171 de M. Christophe Sirugue.
Mme Clotilde Valter. Il est défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 42 de la commission des finances.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Le texte concerne uniquement l’achat de biens ou de prestations de services particuliers. Or il est possible de considérer que, lorsque certaines banques mettent en œuvre des dispositifs de virement automatique sous la forme de crédits revolving afin de financer les découverts, la loi est contournée. Dans ce cas, il convient de proposer au consommateur un crédit amortissable d’une durée définie.
M. le ministre délégué. Ce système est en vigueur à la Banque postale et se déclenche afin d’éviter des incidents de paiement et des découverts trop importants et pour facturer au consommateur un coût moins important sous la forme du crédit revolving qu’il ne le serait sous la forme d’agios. De plus, le crédit renouvelable y est plafonné. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Même avis.
Je rappelle que, parmi les différents acteurs qui travaillent sur la question du surendettement, nul ne propose d’interdire le crédit revolving. Argument massue : si le crédit revolving est supprimé, il ne restera que le découvert, ce qui, selon les études réalisées, est pire.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous maintenons donc la double peine, découvert et revolving. Je suis prêt, toutefois, à retravailler cette question avec vous et je retire mon amendement.
Mme Laure de La Raudière. Monsieur Grandguillaume, je vous invite à lire l’intervention de M. Brottes lors de l’examen de la loi Lagarde : il avait défendu cet amendement d’une manière très intéressante.
M. le président François Brottes. C’était avant que la Banque postale ne propose une formule beaucoup plus vertueuse !
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. J’ai en effet noté nombre de propos intéressants que nous pourrons réutiliser dans le cadre du débat sur le répertoire du crédit.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CE 441 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. Cet amendement étend l’obligation de proposer une alternative au crédit renouvelable dans tous les cas, un tel crédit pouvant entraîner un surendettement important.
M. le ministre délégué. Avis défavorable pour les raisons déjà indiquées.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CE 321 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Une alternative au crédit renouvelable doit être proposée à partir de 700 €. Plus de 8 millions de Français vivant avec moins de 964 € mensuels et, donc, sous le seuil de pauvreté, 500 ou 700 € pour financer un équipement électroménager, une réparation de voiture ou toute autre dépense contrainte représentent des sommes importantes pouvant nécessiter un crédit.
M. le ministre délégué. La décision de fixer le seuil relève du règlement et non de la loi. De plus, le seuil de 1 000 € permet de tenir compte de l’ensemble des coûts de la mise en œuvre du crédit pour que cette activité soit rentable. Je comprends la logique louable de Mme Dubié, mais je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
M. le rapporteur. Même avis.
Mme Jeanine Dubié. Je le retire.
L’amendement est retiré.
La Commission examine les amendements identiques CE 326 de Mme Jeanine Dubié, CE 390 de M. Thierry Benoit et CE 442 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à placer sur le même plan le crédit renouvelable et le crédit amortissable proposé par le professionnel vendeur de crédit.
La formulation initiale du texte laisse penser que les conditions de présentation du crédit renouvelable et du crédit amortissable ne sont pas identiques. Une telle rédaction pourrait permettre aux professionnels vendeurs de crédit de présenter le crédit amortissable de manière moins complète que le crédit renouvelable, notamment en ne l’évoquant que de manière allusive. En conséquence, et contrairement à l’objectif poursuivi par l’article, le consommateur serait toujours incité à souscrire le crédit renouvelable. L’harmonisation des conditions de présentation nous semble importante.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE 390 est défendu.
Mme Michèle Bonneton. Le mot « proposition » n’a pas de valeur impérative, alors que le mot « offre » est beaucoup plus fort et implique, par écrit, la mention du taux, du coût total du crédit, etc.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Votre proposition, madame Dubié, ainsi que la vôtre, madame Bonneton, doivent pouvoir trouver matière à être satisfaites par un amendement CE 673 ultérieur du rapporteur, auquel le Gouvernement est favorable. Cet amendement permet en effet de mieux encadrer la notion de proposition de crédit amortissable, que l’établissement de crédit sera obligé de présenter à côté de la proposition de crédit renouvelable – alors que, jusqu’ici, le Comité consultatif du secteur financier (CCFS) a constaté que les dispositions de la loi Lagarde s’appliquaient assez mal.
M. le rapporteur. Même avis. Il est vrai qu’une proposition n’a pas de valeur légale et qu’il fallait préciser cette notion. Je propose donc, dans mon amendement CE 673, que cela soit fait selon des modalités définies par un arrêté du ministre chargé de l’économie : il s’agirait au minimum d’une fiche type rappelant les principales caractéristiques du crédit amortissable proposé.
Mme Michèle Bonneton. L’amendement CE 673 n’apporte pas les mêmes garanties que les précédents. Cela dit, je retire le mien.
M. le président François Brottes. Vos observations seront prises en compte plus tard.
Mme Michèle Bonneton. En tout cas, pas dans le cadre de l’amendement CE 673.
M. le rapporteur. Le débat que nous aurons en séance publique précisera que l’arrêté devra permettre la définition d’une proposition en bonne et due forme.
Mme Michèle Bonneton. Nous reproposerons mon amendement en séance publique.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte l’amendement CE 673 du rapporteur.
Puis elle en vient à l’amendement CE 43 de la commission des finances.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement tend à nourrir le débat sur la question du seuil, actuellement fixé à 1 000 €. Est-il envisagé de le modifier à l’avenir en fonction des dépenses moyennes des ménages selon les lieux de vente ?
M. le ministre délégué. Avis défavorable pour des raisons déjà évoquées.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CE 350 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de responsabiliser le consommateur en lui apportant des informations indispensables pour choisir en connaissance de cause avant la signature du contrat grâce à la présentation d’un tableau comparatif.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. L’amendement CE 673 permet de répondre à cette préoccupation. De plus, je crains que cette mesure ne pallie pas efficacement le risque de contournement.
M. le rapporteur. Même avis.
La Commission rejette l’amendement.
Elle en vient à l’amendement CE 238 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Il s’agit d’un amendement quasi similaire. Je me permets d’insister à mon tour sur l’importance pour le consommateur de disposer d’une information claire et compréhensible, la précipitation pouvant conduire au surendettement.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Le Gouvernement partage le souhait d’améliorer l’information préalable, mais les offres de crédit sont déjà accompagnées, au titre de la loi, d’une fiche d’information précontractuelle très complète, devant fournir l’information nécessaire à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement. La fiche doit prévoir le montant des échéances, leur nombre et leur périodicité. Votre amendement conduirait donc à créer une seconde fiche, qui alourdirait inutilement le processus et risquerait d’ajouter de la confusion dans l’esprit de l’emprunteur.
Par ailleurs, vous fixez un cadre assez strict en prévoyant notamment plusieurs délais de remboursement, dont celui de trente-six mensualités. Il me semble que l’usage des exemples représentatifs doit être manié avec précaution, car ceux-ci peuvent être utilisés en faveur d’un type de crédit selon le montant ou le taux cité en exemple.
M. le rapporteur. Même avis. Nous souhaitons cependant que, lors du débat en séance publique, le ministre prenne l’engagement que l’arrêté sera publié rapidement.
Mme Frédérique Massat. Je vais retirer l’amendement, mais je souhaite rappeler qu’il a également pour but de disposer d’une fiche standardisée permettant de comparer les deux formes de crédit.
L’amendement est retiré.
Puis la Commission examine l’amendement CE 351 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. L’amendement propose la possibilité de substituer un crédit amortissable à un crédit renouvelable.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Aujourd’hui, si un consommateur souhaite résilier son contrat de crédit, il n’a pas à attendre la date anniversaire : il peut le faire à tout moment, conformément au huitième alinéa de l’article L. 311-16 du code de la consommation. S’il lui reste un remboursement en cours, les paiements peuvent se faire de manière échelonnée dans les conditions prévues au contrat, c’est-à-dire que le crédit renouvelable se transforme en un crédit amortissable selon des mensualités fixées par le contrat, en vertu du troisième alinéa du même article. Le consommateur a également la possibilité de rembourser par anticipation sans frais en partie ou en totalité le crédit ou le découvert autorisé, comme le prévoit l’article L. 311-22 de ce code.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l’amendement CE 170 de M. Christophe Sirugue.
Mme Clotilde Valter. Il s’agit d’interdire dans un même lieu le démarchage, la publicité, la distribution et l’ouverture de crédits renouvelables.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. Cela n’est pas raisonnable, car le crédit renouvelable pour des petites sommes, même sur des lieux de vente, peut être un instrument de soutien à la consommation. Il est d’ailleurs utilisé comme tel. Je ne suis pas en faveur d’un crédit renouvelable destiné à faciliter l’endettement ou comme moyen systématique de consommation, mais, en période de crise, sans ce crédit sur les lieux de vente, il y aurait un effondrement de l’achat de certains biens d’équipement.
M. le président François Brottes. Je rappelle que le crédit renouvelable d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier, dans la mesure où un crédit amortissable est proposé, où l’encadrement juridique est différent et où il y aura un répertoire positif.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’article 18 modifié.
La Commission est saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 18.
Elle examine l’amendement CE 666 du rapporteur.
M. le rapporteur. L’amendement reprend une préconisation du rapport Athling dans la conservation des moyens de la preuve, mais je souhaite le retirer pour en revoir la rédaction.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CE 372 de M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Thierry Benoit. Vous vous souvenez que Jean-Christophe Lagarde est l’auteur d’une proposition de loi sur ce fléau que représente le surendettement. Chaque année, 200 000 nouvelles personnes sont en situation de surendettement. L’objectif de l’amendement est de privilégier une coresponsabilisation des deux acteurs du prêt, à savoir le prêteur et l’emprunteur, car on voit souvent des organismes accorder des crédits à des personnes dont la situation financière n’offre manifestement aucune garantie de remboursement. Il est naturel d’exiger que le prêteur étudie avec précision la situation financière des souscripteurs et décide en connaissance de cause d’octroyer ou non le crédit qui lui est demandé.
M. le ministre délégué. Nous parviendrons au même résultat par d’autres chemins, puisque le RNCP obligera le prêteur à prendre ses responsabilités et à respecter ses obligations. S’il ne le fait pas, il est d’ores et déjà déchu de ses droits aux intérêts en vertu de l’article L. 311-48, si bien que l’amendement est pratiquement satisfait.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 476 de Mme Brigitte Allain.
Mme Brigitte Allain. Préalablement à tout dépôt de dossier en commission de surendettement, l’établissement de crédit doit proposer un entretien aux personnes concernées. Pour éviter que le créancier ne soit à la fois juge et partie, le consommateur serait renvoyé vers les nouveaux points conseils budget qui seront mis en place dès le début de 2014, comme l’a annoncé le Premier ministre en clôture de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Les associations de consommateurs sont très favorables à cette démarche.
M. le ministre délégué. La loi bancaire fait déjà obligation aux établissements de trouver des solutions, de proposer des modes de paiement alternatifs aux clients qui ont de graves difficultés à honorer leurs engagements. De surcroît, nous développons un réseau de points conseils budget, sur le modèle expérimenté par le Crédit agricole, mais qui se fonde, lui, uniquement sur une base volontaire.
Enfin, quand un particulier dépose un dossier de surendettement, ses créanciers n’en sont pas informés pour éviter que, menacés ipso facto d’un effacement de leurs créances, ils ne harcèlent des personnes en position vulnérable. Je suis donc défavorable à un entretien qui serait un signal d’alerte envoyé à des créanciers parfois peu scrupuleux.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
La Commission rejette l’amendement.
(article L. 311-16 du code de la consommation)
Suppression d’expressions obsolètes
Cet article vise à améliorer la cohérence rédactionnelle de l’article L. 311-16 du code de la consommation en y supprimant les références aux termes « réserve d’argent » et « réserve de crédit » qui étaient utilisés par les professionnels pour désigner des contrats de crédit renouvelable et qui ont été interdites car elles créaient la confusion sur la nature réelle des engagements contractés par l’emprunteur.
Votre rapporteur souligne l’importance d’utiliser un vocabulaire clair et non équivoque afin de ne pas susciter de fausses attentes des consommateurs. Le travail conduit au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a d’ailleurs permis la mise en ligne d’un glossaire des principaux termes utilisés dans les domaines de la banque, de l'assurance, de l'épargne et des placements financiers et l’adoption par les banques d’un socle d’harmonisation des termes des opérations bancaires courantes.
Le II précise que ces dispositions sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
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* *
La Commission adopte l’article 19 sans modification.
Elle se saisit ensuite de quatre amendements identiques, CE 118 de Mme Laure de La Raudière, CE 177 de M. Damien Abad, CE 330 de Mme Jeanine Dubié et CE 391 de M. Thierry Benoit.
Mme Laure de La Raudière. Il s’agit d’interdire la liaison entre carte de fidélité et carte de crédit renouvelable, pour éviter au consommateur bien des confusions, et ainsi aller au-delà de la loi Lagarde qui visait à empêcher qu’un client soit obligé de souscrire un crédit renouvelable pour obtenir une carte de fidélité.
Mme Catherine Vautrin. À l’appui de la défense de l’amendement CE 177, je souligne que la Cour des comptes a attiré l’attention à plusieurs reprises sur les cartes « confuses ». Dans son rapport de février 2013, elle rappelle qu’il faut « découpler les cartes de crédit des cartes de fidélité en magasin, de sorte qu’un crédit à la consommation ne soit plus contracté à l’insu du débiteur ».
Mme Jeanine Dubié. L’amendement CE 330 est défendu.
M. Thierry Benoit. L’amendement CE 391 est défendu.
M. le ministre délégué. La loi Lagarde a eu des effets incontestablement positifs, au moins sur le crédit renouvelable. Il y a de moins en moins de cartes « confuses » parce que, tenant compte des observations des associations de consommateurs et du législateur, la plupart des grandes enseignes proposent désormais une carte de fidélité simple. Au-delà, la création du RNCP obligera le prêteur à vérifier la solvabilité des emprunteurs, procédure lourde qu’il n’accomplira pas uniquement pour fidéliser sa clientèle. La « dé-liaison » se fera tout naturellement.
M. le rapporteur. Je vous renvoie, pour relativiser les effets positifs de la loi Lagarde, au rapport du Conseil consultatif du secteur financier. Il est vrai que nous manquons de recul. Le couplage entre la carte de fidélité et le crédit revolving évolue dans le bon sens. Enfin, un amendement prévoit de limiter les avantages liés à la carte de crédit, de façon à préserver l’esprit de la loi Lagarde.
M. Thierry Benoit. Pourquoi ne pas s’entendre et voter ces amendements identiques déposés par trois groupes différents ? L’équilibre du texte ne serait pas mis en cause pour autant.
M. le rapporteur. En débattant d’un texte, il ne faut pas perdre de vue l’équilibre général. Utiliser ce débat pour tenter de faire passer des amendements qui n’ont pas été adoptés dans le cadre de la loi sur la réforme bancaire ne me paraît ni sain ni productif. Le contexte économique en matière de consommation doit également être pris en compte. Le fonctionnement de la grande distribution repose largement sur ce type de cartes ; si nous avons voulu en limiter les effets négatifs, ce texte ne doit pas, du jour au lendemain, mettre à bas une filière ou un pan entier de notre économie.
Mme Laure de La Raudière. L’attitude du Gouvernement apparaît incohérente. Si, comme il le prétend, l’emploi constitue sa priorité, pourquoi propose-t-il à la représentation nationale un texte sur la consommation, qui alourdit forcément les contraintes pesant sur les entreprises dont il érode la compétitivité ?
Mme Catherine Vautrin. La loi Lagarde n’a pas tout résolu. Le rapport de la Cour des comptes de février 2013 souligne la nécessité de découpler les cartes de crédit des cartes de fidélité. Le faire, monsieur le rapporteur, ne mettra pas à bas l’ensemble de l’économie de la distribution – contrairement à certaines sanctions qui figurent notamment à l’article 61. Restons raisonnables et tâchons de protéger le consommateur : n’est-ce pas l’objet du projet de loi ?
M. le ministre délégué. Suivant l’avis de la Cour des comptes, le texte créera le RNCP, qui manquait à la loi Lagarde. Pour le reste, votre approche – qui mériterait d’être mieux étayée – oppose mécaniquement loi sur la consommation et effort pour l’emploi, comme si la protection du consommateur passait forcément par un alourdissement des charges administratives pour l’entreprise. Nous préférons au contraire travailler à restaurer un climat de confiance entre les deux parties, qui passe par une meilleure information. Certes, le rapport des forces commercial et économique reste plus qu’inégal ; mais, si nous cherchons à protéger le consommateur, nous essayons de ne pas le faire au détriment de la vitalité de l’économie et de la compétitivité de nos entreprises – qui ne peut d’ailleurs que profiter du respect des règles.
La Commission rejette les amendements.
La Commission examine l’amendement CE 47 de la commission des finances.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement, qui aborde le problème des cartes de fidélité, suit la même logique que l’amendement CE 667 du rapporteur, plus précis.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie les amendements identiques CE 45 de la commission des finances, CE 331 de Mme Jeanine Dubié, CE 394 de M. Thierry Benoit et CE 443 de Mme Michèle Bonneton.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il s’agit de réduire à un an le délai permettant de résilier automatiquement les crédits renouvelables, déjà porté de trois à deux ans par la loi Lagarde.
Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à réduire le délai au terme duquel la non-utilisation sans demande expresse du consommateur de le reconduire, emporte résiliation du crédit renouvelable.
M. Thierry Benoit. Le rapport Athling soulignait la nécessité de réduire ce délai de deux à un an, afin de rendre la distribution du crédit plus responsable.
Mme Michèle Bonneton. Je m’appuie également sur le rapport Athling pour proposer d’encadrer plus strictement l’utilisation du crédit renouvelable.
M. le ministre délégué. Je partage votre objectif de ramener le délai de résiliation à un an. Cette disposition fait partie d’une série de mesures inscrites au projet de loi qui montrent la volonté du législateur et du Gouvernement de mieux encadrer le crédit renouvelable et de limiter l’exposition au surendettement. Cependant, afin de parvenir à un accord en séance plénière, il faudrait modifier la rédaction de l’amendement : tel qu’il est rédigé, il ne semble en effet s’appliquer qu’à la première année du contrat.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ne pourrait-on pas l’adopter, puis le modifier en séance ?
M. le rapporteur. Défavorable.
Les amendements sont retirés.
La Commission est saisie de l’amendement CE 237 de M. Dominique Potier.
Mme Frédérique Massat. Cet amendement donnerait à l’emprunteur la possibilité de transformer à tout moment – et non seulement à la date anniversaire du contrat – un crédit renouvelable en crédit amortissable.
M. le ministre délégué. Comme je l’ai fait remarquer à Mme Dubié, cet amendement est déjà satisfait par la loi.
L’amendement est retiré.
La commission est saisie de l’amendement CE 669 du rapporteur.
M. le rapporteur. Défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Elle étudie ensuite l’amendement CE 119 rectifié de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CE 121 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. L’amendement est satisfait.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
La Commission est saisie de l’amendement CE 117 de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Défendu.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Elle aborde l’amendement CE 270 de M. Dominique Potier.
Mme Frédérique Massat. Il faut que la bonne foi cesse d’être un critère de recevabilité d’un dossier de surendettement. À nos yeux, il importe de responsabiliser également le prêteur, qui se dispense souvent d’examiner la situation financière de l’emprunteur.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. La bonne foi de l’emprunteur est toujours présumée, et la démonstration de son absence ne repose pas sur de simples doutes. L’absence de bonne foi relevée par la commission et les éléments factuels la caractérisant doivent figurer dans la décision, qui peut faire l’objet d’un recours devant le juge. Selon la Banque de France, seulement 1,6 % des dossiers de surendettement sont refusés sur cette base, alors que moins de 6 % des décisions relatives à leur recevabilité font l’objet d’un recours devant le tribunal. Dans 70 % des cas, celui-ci confirme la décision. In fine, les juges invalident donc moins de 2 % des décisions des commissions sur la recevabilité de la demande, tous motifs confondus. Autant dire que le critère de bonne foi n’entraîne pas de difficultés significatives.
M. le rapporteur. Avis défavorable. Pour avoir rendu visite à plusieurs commissions de surendettement, nous avons pu constater que les surendettés ne sont pas toujours de bonne foi vis-à-vis du prêteur.
Mme Frédérique Massat. Je retire l’amendement, mais peut-être M. Potier le redéposera-t-il au titre de l’article 88.
L’amendement est retiré.
La Commission en vient à l’amendement CE 268 de M. Dominique Potier.
Mme Frédérique Massat. Défendu
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Avis favorable. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet en séance publique. La durée des plans conventionnels de redressement a déjà été réduite de dix à huit ans, la moyenne européenne se situant entre cinq et six ans.
Mme Frédérique Massat. Je retire l’amendement, pour laisser au ministre et au rapporteur le temps de se mettre d’accord avant la réunion qui se tiendra au titre de l’article 88.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CE 155 rectifié de Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat. Dans le cas où le bénéficiaire d’un paiement est placé en situation de redressement ou de liquidation, le titulaire de la carte bancaire qui a servi à le régler doit pouvoir demander à être remboursé pendant huit semaines à compter du paiement.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement CE 458 de Mme Michèle Bonneton.
Elle en vient à l’amendement CE 230 de M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. L’amendement tend à mettre en place un dispositif de signalement par les banques lorsque le compte de dépôt d’un consommateur se trouve dans une position débitrice non autorisée.
M. le ministre délégué. Avis défavorable. La loi bancaire contient déjà des dispositions de ce type.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CE 51 de la commission des finances.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Les consommateurs ont souvent du mal à changer de banque. Les partisans de la concurrence libre et non faussée soutiendront l’amendement, qui vise à mettre en place un service de mobilité bancaire obligatoire. Celui-ci permettrait à chaque consommateur de transférer les opérations récurrentes d’une banque à une autre, ce qui l’aiderait à éviter les incidents de paiement. Il faut aussi poser la question de la portabilité : parviendrons-nous à instaurer un numéro unique, permettant de changer facilement de banque, et grâce auquel les Français rattraperaient leur retard en matière de mobilité bancaire ? L’amendement pose la question sans la résoudre.
M. le ministre délégué. Selon une étude récente, quatre Français sur dix déclarent qu’ils envisageraient de changer de banque s’ils pouvaient le faire simplement, grâce à la portabilité du numéro de compte, laquelle est toutefois très difficile à mettre en place puisqu’il convient de tenir compte des codifications internationales et des différences de codification existant entre les différentes banques françaises qui, de surcroît, séparent comptes d’épargne et comptes courants. Nous devons donc imaginer une solution favorisant une meilleure mobilité et permettant de ne plus être entravé par une série de démarches, de paperasses, et d’obligations qui empêchent la clientèle de faire jouer la concurrence.
Je remercie M. Grandguillaume d’avoir soulevé ce débat, d’avoir engagé le Gouvernement à travailler et d’avoir encouragé les banques à mieux respecter leurs engagements. En la matière, il convient de combiner autorégulation et action publique.
Nous pourrions donc travailler, en particulier, sur les conditions d’inscription dans la loi des engagements qui avaient été pris par les banques dans le cadre de la mise en place d’un service d’aide à la mobilité bancaire, notamment quant à la possibilité de transférer des virements et des prélèvements relevant de dépenses contraintes extrêmement fortes pour les ménages : assurances, mutuelles, téléphonie, énergie…
Même s’il semble difficile, à court terme, d’envisager une sorte de « numéro unique », le Gouvernement comprend la volonté de la représentation nationale. Avec Pierre Moscovici, nous travaillerons sur l’identification des comptes bancaires afin d’examiner la mise en œuvre technique et opérationnelle de la portabilité des numéros de compte. Nous constituerons également au cours de cette législature un travail de préfiguration associant les différentes parties prenantes.
D’ici à la séance publique, je propose donc que nous rédigions un amendement conférant une base législative aux obligations des banques en matière de services d’aide à la mobilité bancaire.
Avis défavorable.
M. le rapporteur. Je ne peux qu’émettre un avis favorable puisque je suis signataire de l’amendement, mais je demande son retrait compte tenu des propositions de M. le ministre délégué.
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je salue le courage de M. le ministre délégué et retire l’amendement. J’en déposerai un autre avec M. le rapporteur afin de trouver des solutions concrètes pour les consommateurs.
L’amendement est retiré.
La Commission examine l’amendement CE 266 de M. Dominique Potier.
Mme Frédérique Massat. Il convient d’interdire les campagnes de démarchage, souvent agressives, à domicile, au bureau, par courriel ou téléphone, concernant le crédit à la consommation.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
M. le rapporteur. Même avis.
L’amendement est retiré.
La Commission étudie l’amendement CE 328 de Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. Il faut soustraire les crédits renouvelables de la liste des produits pouvant faire l’objet de démarchage.
M. le ministre délégué. Avis défavorable.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.
Elle est saisie de l’amendement CE 450 de Mme Michèle Bonneton.
Mme Michèle Bonneton. L’emprunteur doit pouvoir changer chaque année d’assurance emprunteur.
M. le ministre délégué. M. Moscovici s’est engagé à ce qu’un rapport soit rédigé sur cette question afin de déterminer les modalités d