N° 2811 - Rapport de M. Razzy Hammadi sur la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux et Razzy Hammadi et plusieurs de leurs collègues instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités (1699)




N
° 2811

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mai 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1699) de MM. Bruno LE ROUX et Razzy HAMMADI et plusieurs de leurs collègues instaurant une action de groupe en matière de lutte contre les discriminations,

PAR M. Razzy HAMMADI

Député

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

I. ÉTAT DES LIEUX DES DISCRIMINATIONS EN FRANCE 9

A. LA NOTION DE DISCRIMINATION 9

B. LES DISCRIMINATIONS CONSTATÉES 12

C. UNE RÉPONSE JURIDIQUE INSUFFISAMMENT ADAPTÉE 16

II. L’ACTION DE GROUPE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 19

A. LES EXEMPLES ÉTRANGERS 19

B. LE MODÈLE DE L’ACTION DE GROUPE EN DROIT DE LA CONSOMMATION 24

C. LES VERTUS D’UNE ACTION DE GROUPE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 28

D. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI 30

E. LES AMÉLIORATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS 31

DISCUSSION GÉNÉRALE 33

EXAMEN DES ARTICLES 41

CHAPITRE IER CARACTÈRES ET MODALITÉS DE L’ACTION DE GROUPE 41

Section 1 : Champ d’application du dispositif 43

Article 1er  : Champ d’application et qualité à agir 43

Article 2 : Décret d’application 54

Section 2 : Jugement sur la responsabilité 55

Article 3  : Décision sur la responsabilité et définition du groupe 56

Article 4  : Adhésion au groupe et publicité de la décision 60

Section 3 : Liquidation des préjudices et exécution 61

Article 5  : Liquidation des préjudices 61

Article 6  : Exécution de la décision 62

CHAPITRE IER BIS [NOUVEAU] PROCÉDURE D’ACTION DE GROUPE SIMPLIFIÉE 63

Article 6 bis [nouveau] : Action de groupe simplifiée 63

CHAPITRE II MÉDIATION ORGANISÉE DANS LE CADRE D’UNE ACTION DE GROUPE 64

Article 7  : Participation à une médiation 65

Article 8  : Homologation de l’accord 66

Article 9  : Opposabilité de l’accord 67

CHAPITRE III DISPOSITIONS GÉNÉRALES 67

Article 10  : Délai de prescription 67

Article 11  : Limitation aux parties et au champ du litige de l’autorité de la chose jugée 68

Article 12  : Principe Non bis in idem 70

Article 13 : Intervention à l’instance 71

Article 14 : Interdiction de la clause d’exclusion des actions de groupe 71

Article 15 [supprimé] : Compétence du tribunal de grande instance 72

Titre 73

TABLEAU COMPARATIF 75

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 83

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 87

PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 27 mai 2015, la commission des Lois a adopté la proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités présentée par M. Bruno Le Roux, M. Razzy Hammadi et les autres membres du groupe socialiste, républicain et citoyen (n° 1699), en y apportant les principales modifications suivantes :

— À l’article 1er, à l’initiative de son rapporteur, la Commission a précisé la notion de discrimination pouvant faire l’objet d’une action de groupe en se référant à la définition contenue dans le code pénal ;

— À l’article 1er également, à l’initiative de son rapporteur, la Commission a confié aux tribunaux de grande instance la charge de connaître des actions de groupe en matière judiciaire tout en ouvrant la possibilité de conduire une action de groupe devant la juridiction administrative à l’encontre de personnes relevant du droit public ;

— À l’article 3, à l’initiative de M. Sergio Coronado, la Commission a précisé que le juge pouvait ordonner toute mesure d’instruction avant de se prononcer sur la responsabilité du défendeur ;

— À l’article 3 également, à l’initiative de M. Sergio Coronado, la Commission a autorisé les associations et syndicats requérants à s’adjoindre les services de toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée et à solliciter du juge le versement d’une provision avant l’instance ;

— Après l’article 6, à l’initiative de son rapporteur, la Commission a adopté un amendement créant un article 6 bis instituant une action de groupe simplifiée ;

— À l’initiative de son rapporteur, la Commission a modifié le titre de la proposition de loi pour le recentrer sur la lutte contre les discriminations.

Mesdames, Messieurs,

Les proclamations solennelles condamnant les discriminations ont montré leur impuissance à mettre un terme aux injustices qui persistent dans la société française. Les causes en sont nombreuses : incertitude des actions, difficulté de l’administration de la preuve, longueur des procédures. L’impossibilité matérielle pour les victimes contre des fautifs pour obtenir réparation concourt à l’impunité de ces derniers.

En France, trois domaines concentrent l’essentiel des discriminations recensées : le logement, les services et l’emploi. Le rapport annuel 2010 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) révélait ainsi que plus des deux tiers des saisines concernaient le domaine de l’emploi. Il s’agit majoritairement de réclamations concernant des discriminations fondées sur l’origine du plaignant : une étude de janvier 2011 montrait que les Français ayant au moins un parent originaire du Maghreb avaient des taux d’emploi inférieurs de 18 points à ceux dont les deux parents sont français de naissance (1).

Une autre forme d’injustice perdure dans l’entreprise, plus personne n’en contestant la réalité : la discrimination professionnelle en défaveur des femmes. À compétence égale, les disparités de salaires entre hommes et femmes n’ont absolument aucune justification. Pourtant, ces inégalités demeurent malgré les condamnations répétées dont elles font l’objet dans l’opinion : elles atteignaient un différentiel de 15,2 % en 2013 (2).

D’autres discriminations, moins fréquentes mais tout aussi attentatoires au pacte social, sont régulièrement dénoncées. Elles frappent le handicap, l’apparence physique, et même un détail apparemment anodin comme l’adresse de résidence.

Le législateur a agi de longue date pour bannir les discriminations et pour sanctionner leurs auteurs. Le code pénal réprime durement les comportements discriminatoires par des peines pouvant atteindre trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a prohibé les discriminations indirectes. Dans les domaines qui le permettent, le législateur s’est même montré proactif en imposant, par exemple, la présence de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises (3).

Mais ces dispositions ne suffisent pas, en témoignent ces derniers mois le dépôt de deux rapports de réflexion portant sur les discriminations. Le premier, commandé par le Gouvernement, a été remis en décembre 2013 par Mme Laurence Pécaut-Rivolier et s’intitule Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif. Le second, sénatorial, a été présenté à la commission des Lois du Sénat par Mme Esther Benbassa et M. Jean-René Lecerf le 12 novembre 2014. Ces documents tracent des pistes intéressantes qui, pourtant, n’ont pas encore été transcrites dans la loi.

Près de la moitié des personnes subissant une discrimination n’engage aucune action, comme le révèle l’enquête commanditée par le Défenseur des droits et le Bureau international du travail, publiée en janvier 2013. Ce silence est le meilleur gardien du statu quo. Il convient de le briser.

La présente proposition de loi donne aux discriminés les moyens de faire en sorte que les comportements dont ils sont victimes soient sanctionnés et découragés. Par le mécanisme de l’action de groupe, introduit en 2014 en droit français et validé par le Conseil constitutionnel, les auteurs de discriminations à grande échelle pourront être mis face à leurs responsabilités et contraints à réparer les préjudices qu’ils ont causés.

C’est le meilleur moyen de faire évoluer les mentalités et de prévenir la répétition des comportements fautifs.

C’est l’objet du texte soumis à l’Assemblée nationale et adopté par la commission des Lois.

La discrimination questionne le pacte social. Pour un peuple attaché à l’égalité au point de l’inscrire dans sa devise nationale, elle suscite immanquablement l’interrogation : qu’est-ce qui permet de distinguer une personne d’une autre, d’établir des différences, de postuler une hiérarchie ?

Certes, toute remise en cause de l’égalité des individus n’est pas à exclure. L’inégalité n’est pas une discrimination condamnable en soi car une inégalité de traitement peut reposer sur un fondement légitime. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 l’affirme dès son article 1er : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » C’est par son mérite individuel et par la reconnaissance de ses actions qu’un homme ou une femme, dans la République française, peut valablement être distingué, sélectionné par concours ou désigné par l’élection.

Ainsi, on retiendra sous le terme de « discrimination » le fait de traiter défavorablement une personne ou un groupe de personnes en raison de critères prohibés déterminés par la loi. La pratique discriminatoire est juridiquement établie que l’appartenance de la victime à un groupe donné soit réelle ou supposée à tort : l’intention suffit à constituer une faute, l’erreur de jugement de l’auteur ne pouvant aucunement l’exonérer de sa responsabilité.

Le droit de l’Union européenne conduit à une distinction entre les discriminations directes et indirectes. Si la discrimination directe est celle que le droit français a identifié de longue date, la discrimination indirecte a été reconnue plus récemment. C’est la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations qui l’a introduite à l’occasion de la transposition de cinq directives (4).

L’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations définit ainsi ces deux notions :

« Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.

« Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. »

La notion de discrimination indirecte a été développée en droit américain dès 1971 (5). Elle permet de rechercher, derrière des apparences neutres, les comportements qui aboutissent à des effets réellement discriminatoires.

La distinction entre discrimination volontaire et involontaire ne recoupe pas nécessairement celle entre discrimination directe et indirecte. On nomme « discrimination systémique » le phénomène global résultant de pratiques généralement mises en œuvre par la société et qui génèrent une discrimination. La discrimination systémique n’est ni explicite, ni volontaire, ni même consciente ou intentionnelle, mais relève le plus souvent d’un système de gestion fondé sur des présupposés, le plus souvent implicites, quant aux divers groupes et comprenant un ensemble de pratiques et de coutumes qui perpétuent une situation d’inégalité à l’égard des membres des groupes cibles (6).

Toute discrimination n’est donc pas volontaire. Un individu peut se livrer à des catégorisations sur le fondement de son expérience alors même que ses choix n’expriment aucune intention discriminatoire. La mise en lumière de cette situation n’est pas sans effet sur la réflexion que doit engager le législateur au moment de faire évoluer le droit en matière de discrimination. Elle plaide fortement pour privilégier une réponse alternative à la répression pénale. En effet, s’il « n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre (7) », déférer devant le tribunal correctionnel les responsables de discriminations systémiques ne saurait constituer la bonne option.

La discrimination constitue à la fois une faute civile susceptible d’engager la responsabilité de l’auteur du fait dommageable et une infraction pénale justifiant l’engagement de l’action publique. Le code pénal comporte ainsi sa propre définition de la discrimination (8) qu’il punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (9).

Toutefois, le contentieux de la discrimination se caractérise par la difficulté d’établir l’infraction : le motif discriminatoire sera le plus souvent dissimulé derrière des critères légaux. À ce premier écueil tenant à la nature même de l’infraction, s’ajoutent les difficultés inhérentes aux secteurs dans lesquels les pratiques de discrimination se rencontrent : le droit du travail, la recherche de logement, la fourniture de biens et de service sont marqués par une relation inégalitaire envers l’employeur, le bailleur et le vendeur.

La voie pénale est fréquemment privilégiée plutôt que le recours à la juridiction civile, car l’action publique décharge la victime du fardeau de la preuve en la transférant au ministère public. Le plaignant peut ainsi bénéficier des moyens de preuve obtenus par l’autorité publique à l’appui de l’action civile. En outre, la loi admet la totale liberté de la preuve apportée par les parties en matière pénale (10). C’est ainsi qu’a été admis le recours au testing (11), qui consiste à démontrer l’existence d’une discrimination en la provoquant : il s’agit de comparer l’accueil reçu par différentes personnes aux profils similaires à un caractère près dont on veut vérifier s’il fait l’objet d’une discrimination. L’article 225-3-1 du code pénal dispose ainsi que « les délits prévus par la présente section [consacrée aux discriminations] sont constitués même s’ils sont commis à l’encontre d’une ou plusieurs personnes ayant sollicité l’un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l’article 225-2 dans le but de démontrer l’existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie. »

Il reste que la réparation du préjudice subi par les victimes de discrimination pourrait plus facilement emprunter la voie de l’action civile, notamment lorsque l’intention discriminatoire n’est pas clairement établie alors que ses effets sont pleinement observables.

Par ailleurs, il est délicat d’établir un lien absolu entre la notion juridique de discrimination et le sentiment correspondant. Une personne peut qualifier de discriminatoire un comportement qui ne l’est pas au regard du droit tandis qu’une victime de discrimination au sens juridique pourra ne pas l’identifier comme tel voire admettre le bien-fondé de la distinction, particulièrement dans le cas des discriminations indirectes.

La discrimination délibérée relève d’une succession de faits qui, pris isolément, ne constituent pas une discrimination mais qui doivent être considérés dans leur ensemble. Dans ces cas, il est difficile à la personne concernée d’appréhender exactement la discrimination sans confronter son expérience à d’autres victimes placées dans la même situation, sans disposer de données tangibles, objectives et irréfutables.

Ce constat plaide en faveur d’un regroupement des personnes qui s’estiment lésées par une pratique discriminatoire afin de soumettre au juge un panel de situations qui lui permette d’établir avec précision le caractère intentionnel puisque répété et statistiquement démontré d’une discrimination. Ainsi, le fait qu’une promotion échappe à une femme au moment de sa grossesse ou qu’une augmentation soit refusée à un salarié handicapé ne saurait, en tant que tel, justifier une réparation. L’action individuelle a donc peu de chances de prospérer. En revanche, s’il est démontré que toutes les femmes d’une entreprise ont vu leur carrière stagner au moment de leur maternité, ou que tous les salariés handicapés perçoivent des salaires inférieurs à ceux de leurs collègues valides à poste égal, la discrimination sera considérée comme établie.

Le législateur avait doté la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) de larges pouvoirs dans la lutte contre les discriminations (12). Le Défenseur des droits lui a succédé dans cette mission : l’article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits le charge de « lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité ».

Le Défenseur des droits dispose, au titre de la lutte contre les discriminations, de prérogatives spécifiques qui viennent s’ajouter à ses pouvoirs d’investigation et de règlement des différends.

D’une part, il peut être saisi par toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, ou par ses ayants droit, mais également « par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord ». Il lui est également possible de s’autosaisir.

D’autre part, le Défenseur des droits a hérité de la Halde la mission d’assistance à toute personne s’estimant victime d’une discrimination dans la constitution de son dossier et dans le choix des procédures adaptées à son cas, s’il estime que la réclamation appelle une intervention de sa part, conformément à l’article 27 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée. L’article 37 de la même loi organique autorise d’ailleurs le Défenseur des droits à procéder à des testings.

Le Défenseur des droits peut recommander à une autorité publique d’user de ses pouvoirs de suspension ou de sanction à l’encontre d’une personne physique ou morale soumise à son agrément ou à son autorisation en cas de constat d’une discrimination (13).

Enfin, l’article 28 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée prévoit la transaction en matière pénale. Comme la Halde avant lui, le Défenseur des droits peut proposer à l’auteur de faits constitutifs d’une discrimination au sens pénal une transaction consistant en une amende pouvant atteindre 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, le cas échéant avec une mesure de publicité. Si le procureur de la République délivre son homologation, la transaction éteint l’action publique ; elle ne fait pas échec au droit de la victime d’obtenir une réparation civile. En cas de refus de transaction ou d’inexécution d’une transaction homologuée, le Défenseur des droits peut mettre en mouvement l’action publique par citation directe.

Le Défenseur des droits joue un rôle éminent dans la lutte contre les discriminations même si son exercice des missions anciennement dévolues au Médiateur de la République lui confère une image de conciliateur quand la Halde, spécialisée, apparaissait davantage comme un « chien de garde » institué au bénéfice des victimes.

En 2014, selon les données du tableau ci-après (14), le premier motif de saisine du Défenseur des droits dans la lutte contre les discriminations reste celui de l’origine, à hauteur de près d’un quart de l’ensemble des réclamations. L’origine représente 65 % des saisines en matière de service public et reste le premier critère invoqué en matière d’accès aux biens essentiels, tels que le logement privé, les comptes bancaires et en matière d’emploi privé où il atteint 22 %. Les discriminations fondées sur le handicap et sur l’état de santé viennent ensuite, suivies des discriminations sexistes. Le monde du travail, qui concentre plus de la moitié des saisines, constitue le lieu privilégié d’expression de ces pratiques.

Le Défenseur des droits note un nombre important de discriminations multiples en matière d’emploi à l’endroit des femmes étrangères, pouvant notamment prendre la forme de harcèlement sexuel. Apparaissent également les discriminations prenant appui sur les nouvelles technologies, les réseaux sociaux, le e-commerce et les sites d’embauche sur internet qui laissent apparaître des dérives d’intervention dans la vie privée, ou encore de détournement des données librement consenties, pour faire du profilage en fonction de divers critères de discrimination et notamment du lieu de naissance ou du patronyme.

Source : Rapport du Défenseur des droits pour l’année 2014, p. 17.

Les données publiées par le Défenseur des droits sont cependant forcément incomplètes puisqu’elles recensent exclusivement les saisines dont il a fait l’objet, donc les cas dans lesquels une action a été diligentée par la personne s’estimant victime. On ignore, en revanche, combien de situations de discriminations demeurent non déclarées, soit que la victime n’en ait pas conscience, soit qu’elle renonce à faire valoir ses droits.

« Malgré des avancés législatives et des mesures visant à lutter contre l’intolérance et le racisme, les discours et actes haineux et discriminatoires non seulement persistent mais sont en hausse en France. Il est urgent de mieux les contrer d’une manière soutenue et systématique (15) ». À l’issue de sa visite en France du 22 au 26 septembre 2014, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a délivré un rapport critique sur la situation de la France au regard des questions de l’intolérance et du racisme, ainsi que le respect des droits de l’homme des migrants, des gens du voyage, des Roms et des personnes handicapées.

« Au cours de ces dernières années, les actes antisémites, antimusulmans et homophobes ont connu une forte progression. Pendant la seule première moitié de l’année 2014, les actes antisémites ont quasiment doublé, tandis que le nombre de juifs qui ont quitté la France pour Israël a triplé par rapport à 2012, ce qui est un signe révélateur de leur sentiment d’insécurité. Le nombre croissant d’actes antimusulmans, dont près de 80 % sont commis contre des femmes, et d’actes homophobes, lesquels se produisent au rythme d’un tous les deux jours, est également très inquiétant. Il est impératif de stopper ces phénomènes et d’en sanctionner les responsables, y compris sur internet (16). »

Essentiellement consacré aux questions relatives à l’asile et aux migrations, le rapport du Conseil de l’Europe salue le solide cadre juridique et institutionnel de lutte contre le racisme et les discriminations, il exhorte les autorités à continuer de lutter fermement contre ces phénomènes. Il recommande notamment d’intégrer la lutte contre les discriminations dans un plan national pour la promotion et la protection des droits de l’homme et de ratifier du Protocole n° 12 de la Convention européenne des droits de l’homme concernant l’interdiction générale de la discrimination. Il suggère également de mettre fin au régime discriminatoire dont font l’objet les gens du voyage, de leur fournir des espaces de stationnement adéquats et de garantir l’accès effectif à l’éducation de leurs enfants (17).

La situation des personnes handicapées fait l’objet d’un développement spécifique. Le Commissaire constate que, malgré un cadre juridique développé et une priorité donnée à l’autonomie et à l’inclusion dans la société, celles-ci ne sont pas toujours garanties en pratique. « Il est urgent de remédier à une situation qui contribue à perpétuer de facto l’exclusion sociale et la marginalisation des personnes handicapées. Les importants retards en matière d’accessibilité des lieux publics, ainsi que les défaillances des dispositifs d’orientation et d’accompagnement doivent être traités en priorité (18). » Le rapport signale que des milliers de personnes handicapées se voient contraintes de quitter la France pour chercher à l’étranger, en particulier en Belgique, des solutions plus adaptées à leur situation. Il déplore en outre les difficultés d’accès à l’emploi que rencontrent les travailleurs handicapés. Enfin, le Commissaire constate qu’environ 20 000 enfants, notamment ceux souffrant de troubles autistiques, demeurent sans solution de scolarisation.

Quoique parcellaire en matière de discriminations puisque consacré en grande partie aux sujets de l’asile et des migrations, le rapport du Conseil de l’Europe doit éclairer le législateur en dissipant une illusion commode : la discrimination n’est pas simplement le fait d’employeurs ou de bailleurs privés. Il existe une responsabilité publique en la matière, certes dans l’édiction d’une politique entraînant les acteurs vers plus d’égalité, mais aussi pour mettre fin aux carences du service public qu’une partie de la population comprend comme une discrimination à son endroit.

Par exception à l’article 1315 du code civil selon lequel la charge de la preuve incombe au demandeur, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations (19) a institué un partage de la charge de la preuve entre demandeur et défendeur. L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit ainsi que « le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte (20) (…) ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Le juge forme sa conviction après avoir ordonné les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La jurisprudence a admis que ne soient présentés par le requérant que des éléments permettant d’établir une différence de traitement vis-à-vis de personnes se trouvant dans une situation comparable. La Cour de Cassation a considéré suffisants les calculs d’un expert judiciaire qui avait relevé une différence de rémunération entre les salariés d’un panel et le demandeur, dans la mesure où le défendeur n’avait pu justifier les divergences par des raisons objectives (21).

Cette solution du partage de la charge de la preuve, d’abord réservée aux contentieux du monde du travail, a été par la suite étendue au secteur du logement locatif (22). Elle a enfin été généralisée à toutes les matières de discrimination par l’article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Toutefois, le Conseil constitutionnel impose que cette règle de procédure civile soit écartée dans le domaine pénal afin d’assurer la protection du principe de présomption d’innocence (23).

En dépit d’un droit abondant et d’une charge de la preuve partagée, le faible taux de saisine des juridictions ne permet pas une lutte efficace contre les discriminations. Le contentieux de la discrimination demeure résiduel : le rapport sénatorial sur les discriminations a relevé que le pôle anti-discriminations de Bobigny n’avait enregistré que six à sept plaintes en deux ans (24). Créés dans chaque tribunal de grande instance par une circulaire ministérielle du 11 juillet 2007, ces pôles anti-discriminations doivent pourtant faciliter l’accès à la justice des victimes de discriminations. Cette activité réduite semble témoigner de l’échec de ces structures.

Selon la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, seules 4 % des personnes qui se sont rapprochées de l’association allaient jusqu’au dépôt de plainte. Quant à la Ligue des droits de l’homme, elle estime à une vingtaine le nombre annuel d’affaires portées devant les tribunaux contre un millier au Royaume-Uni. La faible activité des juridictions contraste avec la montée du sentiment de discrimination et avec les critiques régulièrement émises par les autorités de protection des droits de l’homme tant dans le cadre interne qu’à l’échelon international. Comment expliquer ce hiatus ? D’après le rapport sénatorial précité, plusieurs causes pourraient y concourir :

– les associations de lutte contre les discriminations, faute de moyens suffisants, filtreraient les plaintes pour soumettre à la justice les seules affaires pour lesquelles la faute serait caractérisée de manière indéniable et le succès de l’action quasi-certain ;

– la longueur des procédures serait également un obstacle fort : à titre d’exemple, l’affaire de discrimination raciale dans laquelle l’embauche de démonstratrices de produits cosmétiques était conditionnée à la présence sur leur dossier du code « BBR » pour « bleu, blanc, rouge » a commencé en 2000 pour ne s’achever qu’en 2011. Peu de requérants disposent des ressources financières et morales permettant de supporter des procédures aussi longues ;

– des considérations financières peuvent jouer un rôle dans la décision des victimes de ne pas poursuivre. Si la méconnaissance de l’action au civil est souvent avancée pour expliquer sa faible occurrence, la présence obligatoire d’un avocat peut dissuader les publics les plus fragiles ;

– enfin, la crainte des représailles décourage l’action. L’employeur, au sein du monde du travail, et le bailleur, dans le secteur du logement, disposent de moyens de pression non négligeables pour dissuader les victimes d’ébruiter leur situation.

Comme dans toute action en justice, associations et syndicats ont qualité pour soutenir une victime de discrimination qui entend se porter en justice. Cependant, le législateur a souhaité doubler la vocation indemnitaire du contentieux de la discrimination d’une visée répressive et dissuasive. Il a été jugé nécessaire d’élargir les possibilités de saisine du juge : associations et organisations syndicales peuvent être elles-mêmes demandeurs à l’action, y compris à titre principal et au nom d’une victime.

L’article 2-1 du code de procédure pénale (25) octroie la faculté d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les discriminations à « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse ». Elle a par la suite été étendue afin de lutter contre d’autres types de discrimination (26). L’association doit justifier de l’accord de la personne intéressée ou de son représentant légal lorsque l’infraction a été commise envers une personne considérée individuellement. Les syndicats ne peuvent agir au pénal pour le compte d’un salarié qu’en matière de discrimination à raison du sexe sur le fondement de l’article L. 1144-2 du code du travail.

La substitution à la victime a été également introduite en droit du travail par la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations. Prévue à l’article L. 1134-2 du code du travail, elle s’ajoute à la capacité d’agir en défense des intérêts collectifs à titre principal ou par intervention à une action individuelle. Le syndicat agissant au nom d’un candidat à un emploi ou d’un salarié de l’entreprise n’a pas à justifier d’un mandat exprès ; il suffit que la victime ne se soit pas opposée (27).

Cette faculté d’action en substitution est rarement utilisée, du moins en matière sociale. Les coûts que représente la réalisation d’expertises, placés en regard des propres moyens associatifs, apparaissent prohibitifs pour un résultat incertain. Examinant l’action en substitution des organisations syndicales, le rapport de Mme Laurence Pécaut-Rivolier sur les discriminations collectives en entreprise (28) constate que « l’action en substitution n’est quasiment jamais mise en œuvre (…), peut-être en partie, ainsi que cela a souvent été rapporté à la mission, par suite d’un certain désintérêt des organisations syndicales pour le thème de la discrimination », mais surtout du fait de la crainte des salariés d’être « exposés aux représailles de l’employeur ». Le rapport indique que la constitution de dossiers souvent difficiles achoppe fréquemment in fine sur l’opposition des salariés à voir leur nom apparaître dans la procédure. Relevant que « les syndicats considèrent donc que l’action en substitution n’apporte rien par rapport aux autres actions, mais qu’elle recèle des risques plus importants », sa suppression est même envisagée (29).

Face aux imperfections du droit positif, il convient d’envisager toutes les voies procédurales qui permettront une meilleure réponse juridictionnelle aux pratiques discriminatoires encore mises en œuvre sur le territoire français.

L’action de groupe est une voie ouverte par la procédure civile permettant à un ou plusieurs requérants d’exercer au nom de plusieurs personnes une action en justice. Ce mécanisme existe notamment en Amérique du nord mais aussi dans plusieurs États membres de l’Union européenne où la Commission européenne a présenté, le 11 juin 2013, des propositions pour sa généralisation en droit de la concurrence. Il trouve préférentiellement à s’appliquer aux litiges de nature économique, mais peut être imaginé dans toutes les formes de contentieux (30).

Aux États-Unis, une class action peut être intentée devant les tribunaux des États fédérés ou devant les juridictions fédérales. Pour des raisons de procédure, les premiers ont la préférence des plaignants et les secondes celle des défendeurs.

Dans une procédure de class action, le juge s’assure d’abord de la validité de la procédure. L’importance du groupe des demandeurs doit empêcher la procédure classique de jonction des instances (31). Le recours à l’action de groupe doit être justifié par un lien de connexité entre les prétentions exposées. Les questions de droit ou de fait communes aux membres du groupe doivent l’emporter sur les questions individuelles de chacun. Le juge vérifie également que les représentants du groupe protègent convenablement ses intérêts et ne sont pas en situation de conflit.

La constitution du groupe donne lieu à de nombreux échanges de conclusions. Les preuves recueillies par les parties sont présentées lors d’une audience à l’issue de laquelle le tribunal se prononce. Si le groupe est accepté, tous ses membres qui peuvent être identifiés par des moyens raisonnables se voient notifier la décision ; ils disposent de la faculté de s’exclure du groupe, conformément au principe de l’opt-out que l’on peut qualifier de présomption d’appartenance au groupe tant que l’intéressé n’a pas manifesté une volonté contraire.

La grande majorité des class actions engagées se termine par une transaction, procédé reconnu dans la tradition judiciaire américaine. L’ampleur des condamnations encourues incite le défendeur à proposer des conditions avantageuses aux plaignants en échange d’une renonciation aux poursuites. La transaction ne prend force obligatoire qu’une fois homologuée par le tribunal, ce qui laisse toute latitude au juge pour contrôler le respect des intérêts du groupe par son représentant. À défaut de règlement transactionnel, un jury populaire se prononce et, le cas échéant, alloue aux plaignants des dommages et intérêts (32). L’avocat des plaignants, qui fait l’avance des frais de procédure, est rémunéré au pourcentage (contingency fees).

Le système américain comporte des imperfections. Les acteurs économiques se jugent victimes de comportements de prédation, d’une sorte d’impôt privé considérable du fait de dommages punitifs (deep pocket). En outre, la rémunération au pourcentage des intermédiaires fait des avocats les véritables bénéficiaires de la procédure. Le Congrès a tenté d’y remédier par le Class Action Fairness Act du 18 février 2005. Cette loi a spécialisé la compétence des tribunaux fédéraux pour les litiges dont le montant total dépasse 5 millions de dollars et qui impliquent des résidents de plusieurs États fédérés ou d’un État étranger (33). La rémunération des avocats a également été encadrée.

La loi sur le recours collectif a été adoptée à l’unanimité le 8 juin 1978 par l’Assemblée nationale du Québec. Cette procédure est d’application générale ; elle ne se limite pas à un domaine particulier du droit. De plus, elle met indifféremment en jeu les responsabilités civile et administrative.

Une personne ne peut conduire un recours collectif en qualité de représentant d’un groupe qu’après y avoir été autorisée par le juge. L’article 1003 du code de procédure civile pose les conditions de cette autorisation : l’existence de questions de droit ou de fait similaires ou connexes pour tous les membres du groupe, la difficulté pratique de recourir à la jonction des demandes, la capacité du représentant à assurer une représentation adéquate des plaignants. Les motivations du recours doivent être sérieuses et ne pas se borner à de simples allégations (34).

Un fonds d’aide aux recours collectifs fournit une aide financière aux personnes qui souhaitent engager une procédure d’action de groupe. Il s’agit là d’une originalité importante par rapport aux procédures américaines. Personne morale de droit public, ce fonds a une vocation d’information et de soutien en avançant ou en prenant en charge les frais de procédure des requérants.

Une fois le recours jugé recevable, le juge entame l’examen du fond du droit. Comme aux États-Unis, le représentant du groupe doit tenter d’informer les personnes qu’il représente de l’existence du litige et de leur faculté de s’opposer à leur représentation en quittant le groupe – le principe de l’opt-out prévaut donc. Le juge fixe le délai pendant lequel les membres du groupe doivent faire parvenir au tribunal une lettre recommandée indiquant leur volonté de s’exclure.

À tout moment, le juge peut redéfinir les limites du groupe. Le tribunal vérifie tout au long de l’instance que le représentant du groupe agit bien dans l’intérêt de celui-ci : aucune transaction n’est possible sans homologation judiciaire. La rémunération de l’avocat peut consister en un pourcentage des indemnités obtenues ou être fixée en fonction du temps consacré au dossier, la convention d’honoraires restant de toutes façons soumise au regard du juge.

Lorsque l’affaire aboutit une condamnation assortie de dommages et intérêts, le tribunal peut ordonner un recouvrement collectif, exigeant du défendeur le versement d’une somme globale à l’ensemble du groupe. Cette option impose d’établir de façon exacte le montant total des réclamations des requérants. À défaut, le juge peut privilégier un recouvrement individuel, dans lequel le défendeur ne verse une somme d’argent qu’à chaque requérant qui, au préalable, a apporté la preuve du bien-fondé de sa cause.

Une action de groupe en matière financière a été mise en place à la suite de la paralysie d’un tribunal auprès duquel 15 000 investisseurs avaient déposé plainte contre Deutsche Telekom, accusée d’avoir diffusé une information trompeuse. Entrée en vigueur le 1er novembre 2005, initialement pour une période expérimentale de cinq années, cette procédure est limitée aux investissements financiers. Dans un premier temps, une partie à l’action au fond adresse une requête en « procédure modèle » au juge du fond saisi en première instance, qui interrompt son instruction et organise une publicité. Si neuf autres requêtes sont déposées sur le même objet, le tribunal régional supérieur choisit de manière discrétionnaire le demandeur à cette requête en vue d’une « décision modèle » (35) ; il suspend d’office toutes les autres actions sur le sujet. Le demandeur doit démontrer que la décision sur sa requête aura un impact dans d’autres contentieux similaires. Il doit aussi préciser son objet ainsi que les éléments de fait ou de droit qui la motivent et décrire les preuves qu’il compte utiliser. La « décision modèle » du tribunal régional supérieur lie tous les tribunaux saisis. Par la suite, chaque tribunal reprend l’examen de la procédure et décide au cas par cas du montant de la réparation.

Une requête conjointe est prévue par les articles 59 et suivants du code de procédure civile. Ce mécanisme permet à plusieurs personnes d’agir collectivement à condition que l’une ou l’autre des conditions suivantes soit remplie : soit ces personnes représentent une communauté d’intérêt, soit leur qualité à agir repose sur des motifs de fait et de droit identiques, soit elles ont des prétentions analogues, soit leurs prétentions reposent pour l’essentiel sur des motifs de fait et de droit similaires. Le droit de conduire l’instance appartient à tous les demandeurs, qui doivent être convoqués ensemble à l’audience. Pour le défendeur, ils constituent en principe une seule partie adverse. On ne peut donc, dans ce cas, parler véritablement d’action de groupe, mais plus justement d’action « en groupe ».

Le principe de l’action de groupe est apparu en Angleterre dès le XVIIe siècle, mais c’est en mai 2000 qu’a été introduit dans le droit écrit britannique le mécanisme de group litigation (36). Il poursuit l’objectif de « permettre le traitement des actions en justice qui soulèvent des questions de fait ou de droit communes ou connexes ».

L’ordonnance d’action de groupe se présente comme un instrument de gestion groupée d’un nombre important d’actions individuelles dont certaines ont été déposées avant la constitution du groupe et devant des tribunaux différents. Elle est ordonnée d’office ou sur requête d’une des parties, demandeur ou défendeur, qui a déjà saisi un juge du fond à titre individuel.

Une ordonnance d’action de groupe ne peut être rendue que s’il existe un certain nombre d’actions en justice individuelles, soulevant des questions de fait ou de droit communes ou connexes. Une fois le registre de groupe ouvert par l’ordonnance, les parties qui ont déposé des actions individuelles doivent demander à y être enregistrées selon le principe de l’opt in.

Lorsqu’une décision est rendue dans une action inscrite au registre de groupe, cette décision lie les parties à toutes les autres actions figurant dans le registre au moment où elle est rendue, sauf si le juge en décide autrement. En outre, le tribunal peut mentionner que sa décision lie également les parties à une action introduite ultérieurement.

Le tribunal peut inviter les membres du groupe à demander une réparation de leur préjudice individuel en adressant une nouvelle requête à un juge du fond. Il lui est aussi loisible attribuer des dommages et intérêts collectifs sur la base d’une une clef de répartition tenant compte du préjudice individuel subi par chaque membre.

Une loi du 23 juin 2005 a déterminé le régime de l’action de groupe actuellement en vigueur aux Pays-Bas. Les victimes d’un dommage concluent avec l’auteur du fait dommageable un accord d’indemnisation des préjudices subis. Ce document contient la description du groupe et des sous-groupes de personnes en fonction de la nature et de la gravité du dommage, l’indication du nombre des personnes y appartenant, les modalités de fixation et de versement de l’indemnité qui leur est attribuée, et la mention des personnes qui ne souhaitent pas souscrire à la transaction.

Les parties à l’accord peuvent solliciter directement la cour d’appel d’Amsterdam pour conférer à celui-ci un effet vis-à-vis des tiers qui n’y sont pas parties, sauf à ce qu’ils signifient par écrit leur opposition. Le juge peut demander aux parties de faire évoluer l’accord.

Dès que la décision déclarant un accord contraignant a revêtu l’autorité de la chose jugée, celui-ci produit des effets au-delà de ses seuls signataires, hormis à l’encontre de ceux qui s’y sont opposés ou qui n’ont pas pu être prévenus. La décision du juge est communiquée aux demandeurs et aux personnes connues qui ont droit à une indemnisation. Aucun appel du jugement n’est possible, même si un recours en cassation est envisageable. L’homologation procure donc une très forte sécurité juridique aux négociateurs de l’accord.

Après une longue réflexion de plus de trente ans (37), la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon » est venue introduire l’action de groupe en droit français (38).

Le législateur devait choisir entre les modèles, présents à l’étranger, de l’opt-out et de l’opt-in. Le premier permet d’inclure dans le groupe tous ceux qui n’ont pas manifesté une volonté contraire ; le second suppose que les membres du groupe aient donné leur accord exprès. Bien sûr, l’action des groupes fondée sur l’opt-out pouvait sembler plus attrayante, car elle favorise les rassemblements de grande dimension. Mais la possibilité de l’importer en droit français est à bon droit apparue controversée. D’une part, l’opt-out porte excessivement atteinte à la liberté d’agir en justice, ce qui semblait contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (39). D’autre part, l’opt-out heurte les droits de la défense, puisque le défendeur ignore à qui il est réellement confronté (40). Le Parlement a donc choisi de délaisser le modèle américain pour adopter une action de groupe fondée sur l’opt-in, en imposant aux consommateurs de se révéler au cours de la procédure.

La décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative à la consommation a permis d’apprécier le bien-fondé de cette préférence en validant intégralement le raisonnement qui la sous-tendait (41). Le Gouvernement a donc pu s’inspirer de l’action de groupe en matière de droit de la consommation pour tracer le régime juridique de l’action de groupe en matière sanitaire figurant à l’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé.

S’inspirant de la majorité des pays européens connaissant l’action de groupe, le législateur a choisi de l’inscrire dans le code de la consommation et de la limiter à ce domaine spécifique, bien que la perspective d’une introduction dans le code de procédure civile ait également pu être discutée. Il a été entendu que, si un recours à l’action de groupe venait à se justifier dans d’autres domaines, la solution consisterait à créer une nouvelle procédure sectorielle.

En droit de la consommation, les manquements qui peuvent permettre d’introduire une action de groupe sont au nombre de deux aux termes de l’article L. 423-1 du code de la consommation. L’action de groupe est ouverte en cas de manquement d’un professionnel à ses obligations légales ou contractuelles, à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services. Elle est également possible pour les consommateurs victimes d’une pratique anticoncurrentielle, c’est-à-dire d’une entente ou d’un abus de position dominante. L’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs. Les préjudices extrapatrimoniaux, comme les préjudices patrimoniaux issus d’un dommage corporel, sont donc exclus du champ d’application. Cette disposition appelle plusieurs réflexions. On relèvera enfin que, pour obtenir réparation de leur préjudice, les victimes doivent être en mesure d’établir leur qualité d’acheteur ou de bénéficiaire d’une prestation de services. Mais ces dispositions sont très spécifiques au droit de la consommation et ne sont que peu susceptibles de servir de modèle à une action de groupe dans un domaine différent.

Au contraire, le régime de l’action de groupe en droit de la consommation est riche d’enseignements dans la définition du champ d’application personnel de la procédure.

La loi du 17 mars 2014 a fait le choix de réserver l’action de groupe aux seules associations de consommateurs représentatives au niveau national et agréées. Ce faisant, la loi évince les acteurs incontournables de ce type de procédure outre-Atlantique : les cabinets d’avocats, pourtant dotés de la puissance financière qui risque de faire défaut aux associations, ne pourront pas introduire l’action de groupe, qui se trouve donc à la discrétion d’une quinzaine d’associations. Toutefois, l’article L. 423-9 du code de la consommation prévoit que l’association requérante peut se faire assister, lors de la phase d’indemnisation des préjudices, par « toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée », afin de recevoir les demandes des consommateurs ou de représenter ces derniers.

L’action étant réservée aux associations de consommateurs, seules les victimes ayant la qualité de consommateur peuvent se joindre à la procédure. Les « petits » professionnels, fournisseurs par exemple, s’en trouvent en revanche exclus. Quant au défendeur de l’action, il s’agit d’un ou de plusieurs professionnels – ce qui permet d’attraire plusieurs défendeurs à l’instance, notamment dans la perspective de poursuites consécutives à des pratiques de cartel.

La procédure de la nouvelle action est scindée en deux phases.

La première phase est judiciaire. Le juge est d’abord chargé de statuer sur la responsabilité du professionnel (42). Il le fait « au vu des cas individuels ». Le fait générateur de responsabilité n’est donc pas appréhendé de manière abstraite. Les cas individuels examinés sont présentés par l’association requérante.

Une fois la responsabilité du professionnel reconnue, le juge définit le groupe de consommateurs victimes et détermine les préjudices susceptibles de réparation. Lors de cette étape, le nombre et l’identité de ceux qui se joindront à la procédure ne sont pas encore connus. Le juge doit cependant d’ores et déjà indiquer soit le montant des préjudices, soit les éléments qui permettront leur évaluation. Il s’agit de fournir aux victimes tous les éléments d’information utiles pour choisir de rejoindre – ou de délaisser – la procédure d’action de groupe.

C’est également dans ce jugement que le juge décide des mesures à prendre pour informer les consommateurs de l’existence de l’action de groupe (43). Le législateur a prévu que les mesures de publicité de la décision, à la charge du professionnel, ne sont mises en œuvre qu’une fois la décision sur la responsabilité devenue définitive afin de préserver la réputation du défendeur.

Enfin, le juge fixe un délai pour que les consommateurs qui souhaitent rejoindre le groupe se manifestent, conformément au modèle de l’opt-in (44). La loi prévoit que le juge détermine les modalités de l’adhésion au groupe et que cette adhésion vaut « mandat » donné à l’association.

La phase de liquidation des préjudices est davantage conçue comme amiable. Le professionnel devra procéder à l’indemnisation individuelle des préjudices des consommateurs qui auront rejoint la procédure (45). Cependant, une nouvelle intervention du juge est nécessaire dès que survient une difficulté portant sur la mise en œuvre du jugement.

L’autorité de la chose jugée constitue un aspect important de l’action de groupe en matière commerciale. Selon l’article L. 423-21 du code de la consommation, les décisions par lesquelles le juge statue sur la responsabilité du professionnel « ont également autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure ». L’article L. 423-22 du même code précise que le fait d’avoir adhéré au groupe n’empêche pas d’agir « selon les voies de droit commun », pour obtenir la réparation des préjudices demeurés en dehors de la décision du juge. En revanche, il n’est plus possible d’agir en justice pour solliciter l’indemnisation des préjudices réparés au terme de la procédure, sauf évidemment pour les victimes qui ont décidé de ne pas rejoindre le groupe. L’article L. 423-23 du même code, quant à lui, interdit d’intenter une nouvelle action qui se fonderait sur « les mêmes faits, les mêmes manquements et la réparation des mêmes préjudices ». Le but est d’éviter qu’après un premier jugement rendu à l’initiative d’une association, une action de groupe soit introduite par une seconde association. Il ne s’agit plus à proprement parler de « chose jugée », car la nouvelle action est impossible alors même que les parties ne sont pas identiques, mais d’une volonté du législateur d’éviter d’attraire en permanence un même professionnel dans une succession d’actions de groupe.

Sur proposition de son rapporteur, l’Assemblée nationale a complété le dispositif d’action de groupe en matière de droit de la consommation par une action de groupe dite « simplifiée », « lorsque l’identité et le nombre de consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d’un même montant, d’un montant identique par prestation rendue ou d’un montant identique par référence à une période ou à une durée (46 ». Dans cette hypothèse, le juge peut, dès le jugement sur la responsabilité du professionnel, condamner ce dernier à indemniser les victimes « directement et individuellement ». Le jugement rendu fait l’objet de mesures d’information individuelle des consommateurs. Il s’agit, là encore, du système de l’opt-in, puisque les consommateurs devront « accepter d’être indemnisés dans les termes de la décision ». L’objectif poursuivi consiste en une accélération de la procédure pour les dommages infligés dans le cadre d’une relation contractuelle établie permettant au juge de disposer sans attendre d’un fichier exhaustif des consommateurs lésés et du montant de leur préjudice.

Enfin, la loi a prévu un dispositif transactionnel (47). Inscrit dans le cadre classique de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, il présente la particularité de soumettre obligatoirement l’accord de médiation à l’homologation du juge afin de veiller à la préservation des intérêts des parties (48).

Plutôt que d’inscrire dans le droit une nouvelle série de règles imposant des surcoûts inutiles à des opérateurs économiques et redéfinissant la notion de discrimination au prix d’une instabilité juridique forcément préjudiciable aux victimes, la présente proposition de loi fait le choix de se placer sur le terrain de la procédure. L’instauration d’une action de groupe en matière de lutte contre les discriminations présente plusieurs avantages : elle accroît le taux de réponse judiciaire en réduisant les risques financiers supportés par les plaignants ; elle facilite le succès des procédures en permettant une meilleure identification des pratiques discriminatoires du fait du grand nombre de cas comparables soumis au juge ; elle fait peser une réelle dissuasion sur l’auteur de pratiques discriminatoires en matérialisant la sanction encourue.

L’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations se place résolument sur le terrain de la responsabilité civile de l’auteur des faits dommageables ou, le cas échéant, de sa responsabilité administrative. Bien que la discrimination constitue également une infraction pénale, c’est la réparation du préjudice subi par les victimes qui doit être facilitée. La répression des comportements délictueux relève du ministère public ; sa tâche sera d’ailleurs facilitée par les preuves apportées à l’occasion d’actions de groupe.

La proposition de loi ne contient donc aucune disposition de nature pénale et ne modifie en rien le droit positif relatif à la définition de la discrimination. Elle ne crée aucune nouvelle incrimination, ni aucun nouveau régime de responsabilité. Les comportements qu’elle vise sont déjà répréhensibles et le seront de la même manière après sa promulgation. Seule la voie de procédure suivie par les victimes évolue.

On ne peut donc nullement soutenir que la proposition de loi fait courir un risque à des opérateurs de bonne foi puisque, en toute logique, ce risque existe déjà : il n’est conjuré que par le silence des victimes, ce que le législateur ne peut accepter. Les victimes ont droit à la réparation de leur préjudice civil ; ce droit doit être effectivement assuré.

Comme l’indique le Défenseur des droits dans son rapport annuel pour 2014, « dix ans après la création en France, d’une autorité indépendante chargée de lutter contre les discriminations, force est de constater que malgré les multiples affaires qui ont mis en lumière des pratiques discriminatoires à grande échelle, celles-ci n’ont pas eu vraiment d’effet au-delà des seuls bénéficiaires des procès engagés. Les Chartes et Accords de promotion de la diversité et d’engagement éthique n’ont pas non plus permis de corriger les sélections de clientèle, les écarts de salaires structurels ou les pratiques discriminatoires. Il est clairement établi que le maintien des inégalités de traitement, dans les secteurs comme l’emploi, coûte moins cher que leur correction dès lors que les poursuites restent éventuelles et isolées, qu’elles sont traitées au cas par cas et n’ont au final qu’un impact économique résiduel, même en termes d’image. Or, la discrimination ne doit plus être rentable. Au-delà des démarches de prévention, la recherche de l’efficacité juridique et l’exigence de défense des droits requièrent de franchir une étape pour dépasser l’isolement des victimes au bénéfice d’un dispositif de recours collectif débouchant sur des sanctions financières dissuasives. »

Plus que la sanction des comportements discriminatoires, la proposition de loi souhaite dissuader les auteurs de discrimination de poursuivre dans cette voie en matérialisant la sanction. Bien sûr, il n’est pas question d’instaurer des dommages punitifs sur le modèle américain, et les indemnisations prononcées devraient se situer bien en-deçà de leur montant outre-Atlantique. Néanmoins, l’existence seule d’une instance juridictionnelle et la publicité qu’elle recevrait est de nature à contraindre les auteurs à renoncer à leurs pratiques, par calcul économique si ce n’est par esprit civique. Si l’action publique n’est pas en mesure de faire cesser un comportement nuisible, il convient de donner aux victimes les moyens de faire respecter leurs droits (49).

Votre rapporteur est, sur ce point, en désaccord avec l’analyse livrée dans le rapport Pécaut-Rivolier. Examinant la perspective d’une action de groupe pour mettre un frein aux discriminations dans le monde de l’entreprise, son auteur l’écarte au motif que la puissance publique doit moins s’attacher à indemniser des discriminations qu’à les faire cesser (50). Il est également indiqué que « compte tenu du constat qui a été fait que la grande majorité des discriminations sont systémiques, donc involontaires de la part de l’employeur, et inscrites dans l’évolution de l’entreprise, une réponse purement indemnitaire serait d’une brutalité disproportionnée ». Ces arguments ne peuvent convaincre : une sanction indemnitaire « brutale » parviendra à faire évoluer les comportements mieux que tout autre mécanisme juridique.

La proposition de loi s’inspire fortement du dispositif de l’action de groupe en matière de droit de la consommation précédemment décrite.

L’article 1erdéfinit le champ d’application de la nouvelle procédure qui a vocation à concerner l’ensemble des préjudices individuels subis par des personnes victimes de discrimination au sens de l’article 1er de la loi du 27 mai 2008. L’objectif est bien d’accorder réparation : on se place donc résolument dans le domaine de la responsabilité civile. L’action est ouverte aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant par leurs statuts de lutter contre les discriminations ainsi qu’aux organisations syndicales représentatives. Elle peut attraire en justice toute personne physique ou morale auteur de faits discriminatoires. Toutefois, l’action étant respectivement ouverte devant le tribunal de grande instance (par renvoi à l’article 15) lorsqu’elle est intentée par une association et devant le conseil de prud’hommes quand elle émane d’une organisation syndicale, il semble que les personnes soumises au droit public n’entrent pas dans le périmètre du dispositif. La procédure fait l’objet d’un décret en Conseil d’État destiné à préciser ses modalités d’application (article 2).

Les articles 3 et 4 détaillent la première phase de la procédure d’action de groupe, consacrée au jugement sur la responsabilité du défendeur. Le tribunal se prononce au vu des cas individuels présentés par l’association requérante ou par le syndicat requérant. S’il tranche en défaveur du défendeur, il définit d’une part les critères de rattachement au groupe que devront satisfaire les victimes pour se joindre à la procédure, et d’autre part les éléments permettant l’évaluation des préjudices. La décision prononçant la responsabilité prévoit également, aux frais du défendeur, des modalités de publicité propres à informer les personnes susceptibles d’appartenir au groupe ainsi que le délai et les modalités de leur adhésion. Cette adhésion vaut mandat aux fins de représentation au profit du requérant jusqu’à la fin de la procédure.

Les articles 5 et 6 énoncent le régime de la deuxième phase de la procédure. À l’expiration du délai assigné par le premier jugement, le juge établit la liste des personnes dont l’adhésion est reçue et auxquelles le défendeur est condamné à verser une indemnité. Afin de faciliter cette indemnisation, le tribunal peut ordonner à titre conservatoire la séquestration des sommes en jeu. Si nécessaire, l’association requérante ou le syndicat requérant peut entreprendre toutes les démarches d’exécution forcée de la décision d’indemnisation.

Les articles 7 à 9 prévoient les modalités de transaction applicables à l’action de groupe. Celles-ci correspondent au droit commun de la médiation. Un point fait exception : si l’homologation judiciaire d’une convention demeure facultative en droit commun, elle est obligatoire dans le cadre d’une action de groupe en matière de lutte contre les discriminations afin que les intérêts des parties bénéficient systématiquement du contrôle du juge. L’accord conclu n’est opposable qu’aux victimes qui y adhèrent ; les autres conservent le droit d’agir individuellement pour la réparation de leur préjudice propre.

L’article 10 prévoit une suspension du délai de prescription des actions individuelles en réparation une fois engagée une action de groupe. Il recommence à courir, pour une durée d’au moins six mois, une fois le jugement prononçant la responsabilité devenu définitif.

L’article 11 revêt de l’autorité de la chose jugée les décisions de justice prononcées au cours d’une procédure d’action de groupe, que celle-ci ait été menée à son terme ou qu’elle ait été interrompue par un accord transactionnel. Cette autorité de la chose jugée ne s’attache, évidemment, qu’aux préjudices recevant réparation.

L’article 12 proscrit la conduite d’une seconde action de groupe sur des faits et à l’encontre d’un défendeur ayant déjà fait l’objet d’une procédure menée à son terme ou interrompue par un accord transactionnel.

L’article 13 prévoit la possibilité pour une association ou une organisation syndicale ayant qualité à agir de se substituer au requérant en cours de procédure en cas de défaillance de sa part.

L’article 14 prive de validité toute stipulation contractuelle ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne physique de prendre part à une action de groupe. Une telle clause serait réputée non écrite.

Si la commission des Lois a apporté de nombreuses améliorations de nature rédactionnelle à la proposition de loi, elle s’est limitée à quelques modifications de fond seulement. Il est vrai que la validation de la procédure proposée par le Conseil constitutionnel dans le cadre de l’examen de la loi relative à la consommation a levé tous les doutes auparavant nourris quant à la constitutionnalité du dispositif.

En adoptant un amendement de son rapporteur à l’article 1er, la commission des Lois a dévolu aux tribunaux de grande instance la compétence de connaître de toutes les actions de groupe de nature judiciaire. Une compétence des conseils de prud’hommes compliquait excessivement le dispositif pour une plus-value limitée : associations et syndicats porteront leurs actions devant les mêmes tribunaux, que l’instance soit relative aux relations de travail ou non. Par ailleurs, la commission des Lois a choisi de rendre possible l’action de groupe devant le tribunal administratif : cette évolution a pour effet de rendre la procédure applicable aux discriminations commises par des personnes morales relevant du droit public.

En adoptant un autre amendement de son rapporteur à l’article 1er, la commission des Lois a substitué à la définition de la discrimination contenue à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations la définition des articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal, d’un périmètre plus large.

En adoptant un amendement de M. Sergio Coronado à l’article 3, la commission des Lois a autorisé le juge chargé d’apprécier la responsabilité du défendeur à ordonner toute mesure d’instruction susceptible d’améliorer sa connaissance du dossier.

En adoptant un autre amendement de M. Sergio Coronado à l’article 3, la commission des Lois a permis au requérant de solliciter du jugement le versement d’une provision lui permettant d’assumer les frais suscités par la conduite de l’action de groupe, notamment par la sollicitation désormais possible des services de toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée.

En adoptant un amendement portant article additionnel de son rapporteur, la commission des Lois a créé un article 6 bis instituant une action de groupe simplifiée sur le modèle de celle prévue par l’article L. 423-10 du code de la consommation pour les actions de groupe en matière commerciale.

Enfin, sur proposition de son rapporteur, la commission des Lois a amendé le titre de la proposition de loi de façon à expliciter son objectif de lutte contre les discriminations.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission procède, sur le rapport de M. Razzy Hammadi, à l’examen de la proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités (n° 1699).

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je me félicite de pouvoir défendre, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC), un texte important pour les victimes de discrimination dans notre pays. La proposition de loi vise à apporter une réponse au paradoxe de Mancur Olson, qui veut que plus un groupe s’élargit, moins il est efficace dans la défense de ses intérêts, car chacun s’en remet à l’autre et personne n’agit. C’est ainsi que des comportements fautifs ne sont pas sanctionnés, faute de demande de réparation individuelle : dans notre pays, la moitié des personnes victimes de discrimination n’entament aucune procédure.

Notre majorité s’est attaquée à ce problème. On parle des actions de groupe, ou class actions, depuis trente-cinq ans, la gauche comme la droite ayant proposé de mettre une telle réforme en œuvre. Cependant, on disait aussi de cette procédure qu’elle était impossible à insérer dans notre système juridique. Aujourd’hui, avec la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, au projet de loi de modernisation de notre santé et à la présente proposition de loi, tout a changé.

La construction juridique repose désormais sur des éléments concrets. En 2014, le Conseil constitutionnel a intégralement validé la démarche de l’action de groupe en droit de la consommation, y compris dans sa version simplifiée. La procédure est sûre, stable et constitutionnelle ; le nombre d’actions de groupe initiées montre sa popularité et son efficacité. Cette proposition de loi la reprend, puisqu’elle ne subit plus la moindre critique juridique.

Deux phases structurent l’action de groupe, la première déterminant la responsabilité de l’auteur et la seconde l’indemnisation des dommages. Elle peut être diligentée par une association reconnue dans la lutte contre les discriminations ou, dans le monde du travail, par une organisation syndicale – sur cette question, je souhaite que le débat se déroule en séance publique. Les victimes sont représentées par cette entité requérante qui agit en leur nom au cours du procès, mais elles gardent le droit, à tout moment, de faire valoir leurs droits dans une procédure individuelle classique. Nul n’entre dans l’action de groupe contre son gré, ainsi que l’exige le Conseil constitutionnel depuis la décision 89-257 DC du 25 juillet 1989.

Aujourd’hui, après les consommateurs et les patients, il s’agit de donner les moyens de se défendre aux victimes de discriminations prohibées. Souvenons-nous de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». L’utilité commune, c’est le mérite, qui constitue le seul discriminant acceptable dans la République française. Les autres critères altèrent le pacte social. Ils sont d’ailleurs interdits par le code pénal, par le code du travail et par plusieurs autres textes de loi. Les discriminations raciales, sexistes, homophobes sont prohibées, mais aussi celles fondées sur l’apparence, l’origine, l’adresse de résidence ou encore l’état de santé. Elles sont sanctionnées en correctionnelle au nom de la société et au civil pour l’indemnisation des personnes. Mais pour une victime qui se plaint, combien se murent dans un silence qui assure l’impunité du fautif ? Comment tolérer que l’écart de salaire entre les hommes et les femmes atteigne encore 25 % ? Comment imaginer qu’existent encore des fichiers qui classent par ethnie ou par religion ? Comment concevoir qu’il faille encore dissimuler une grossesse de peur d’encourir un licenciement ?

Il ne faut pas seulement réprimer les pratiques discriminatoires. Il faut les dissuader. L’expérience des dix-sept pays de l’Union européenne ayant déjà déployé l’action de groupe nous enseigne qu’au-delà de la sanction, ce mécanisme favorise une puissante prévention qui engendre des évolutions sans précédent.

Cette procédure permettra le prononcé de sanctions jusque-là inappliquées, c’est-à-dire inexistantes. C’est aussi pour cette raison que la proposition de loi crée de droit un mécanisme de médiation. Il importe de souligner qu’il s’agit d’un texte de procédure, qui ne comporte aucun objet pénal, qui ne redéfinit pas la discrimination et qui ne durcit pas les peines. Les actes qui pourront faire l’objet d’une action de groupe sont déjà tous répréhensibles. Il y a déjà des gens qui agissent mal, qui le savent et qui continuent parce qu’ils passent entre les mailles du filet. Le bailleur, le chef d’entreprise, le prestataire de services et même le particulier doivent être mis en face de leurs responsabilités. C’est sur la réparation que porte ce texte.

La question de l’action de groupe contre les collectivités territoriales, l’État et les personnes publiques doit nécessairement être traitée – elle fait l’objet d’un amendement. À la suite des remarques de Mme Colette Capdevielle, le tribunal administratif sera compétent en la matière et non les prud’hommes. La réflexion reste en cours au sujet de la discrimination dans l’entreprise, afin de prévoir un délai de mise en place laissant toute sa chance au dialogue social. Je vous propose de ne trancher cette question que lors de la séance publique. Un autre point en débat porte sur les mesures de publicité. Enfin, la perspective d’une action de groupe simplifiée centrée sur les situations les plus caractérisées fera l’objet d’un amendement.

La lutte contre les discriminations constitue un très fort enjeu pour la cohésion du pacte social. Le droit les interdit déjà, mais elles doivent maintenant disparaître dans les faits comme le réclame la population. Cette proposition de loi est une opportunité pour notre Parlement d’inscrire encore davantage son action dans un mouvement vers l’égalité ; elle offre aux républicains, sur tous les bancs, l’occasion de montrer leur refus des préjugés et des logiques d’exclusion.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les députés membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) partagent évidemment l’objectif de lutter contre les discriminations dans l’entreprise, dans l’administration et partout où elles peuvent malheureusement se déployer. Nous sommes, en revanche, extrêmement réservés sur la pertinence de la procédure de l’action de groupe pour combattre ces comportements déviants. En l’état, cette proposition de loi pose davantage de questions qu’elle n’offre de réponses.

Ainsi, nous nous interrogeons sur la capacité de démontrer que l’on est « placé dans une situation comparable ». M. le rapporteur propose de remplacer le terme « comparable » par les mots « similaire ou identique », mais je ne suis pas certain que cette suggestion résolve le problème. De plus, dans certains cas, faire valoir son droit requerrait de porter sur la place publique des éléments relevant de l’intimité et de la vie privée, comme les convictions religieuses, l’orientation sexuelle ou les opinions politiques.

En outre, il est difficile de comprendre que la juridiction civile puisse être saisie d’un domaine qui relève aujourd’hui de la compétence du juge pénal. N’est-il pas dommageable de répartir entre deux juridictions distinctes l’estimation d’une même situation ?

Ce texte porte le risque d’une dérive communautariste dont notre société n’a vraiment pas besoin. Dans Le puzzle de l’intégration, Malika Sorel fait part de sa crainte que l’introduction de l’action de groupe en France n’accélère « l’intensification de la communautarisation de la République ». Elle écrit ainsi : « La justice en France est individuelle ; l’action de groupe est directement importée du modèle multiculturel anglo-saxon. Aux États-Unis, on voit le résultat : la discrimination positive et les class actions n’ont fait qu’exacerber les tensions raciales et pousser les communautés à se replier sur elles-mêmes ». Elle poursuit en expliquant que « l’attaque de grands groupes américains a empêché de réfléchir au fond du problème. On est encore une fois dans une politique de victimisation, de culpabilisation qui affirme que c’est la société qui est coupable de tous les maux et que c’est elle qui doit réparer ». Elle souligne enfin que l’« on introduit de la défiance et du ressentiment là où il faudrait au contraire pacifier la société ».

Plusieurs rapports d’origine diverse, récents pour trois d’entre eux, indiquent également que la voie de l’action de groupe n’est pas la plus adaptée pour atteindre votre objectif que, je le répète, nous partageons. Ainsi, dans son rapport rédigé en 2013, Mme Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation, préconise que le juge intervienne « pour demander qu’il soit mis fin aux discriminations en ne sanctionnant leurs auteurs qu’en cas de refus de donner suite à ses injonctions ». Elle précise que cette démarche ne doit pas avoir de vocation indemnitaire. Selon le rapport, des organisations syndicales représentatives dans le secteur concerné doivent pouvoir saisir la juridiction civile et, à l’échelle de la branche, le procureur de la République devrait avoir la latitude de constater que les mécanismes de négociation ou de prévention ont échoué. Mme Laurence Pécaut-Rivolier estime que ce sont les juridictions prud’homales qui doivent décider d’éventuelles indemnisations : elle écarte le mécanisme que vous proposez.

Dans leur rapport publié en 2014, intitulé La lutte contre les discriminations : de l’incantation à l’action, nos collègues sénateurs Esther Benbassa et Jean-René Lecerf s’interrogent sur la capacité de mettre en œuvre ce dispositif. Ils écrivent : « Il convient de relever que l’introduction d’un recours collectif en matière de discriminations soulève certaines difficultés. La première tient à la spécificité même du contentieux de la discrimination, par nature très subjectif. […] Dans la mesure où un même fait discriminatoire, par exemple le refus d’une promotion, peut avoir des conséquences différentes selon les victimes – pour poursuivre avec le même exemple, perte de salaire potentiel, mais également risque de dépression pour certains –, la définition des critères de rattachement au groupe peut s’avérer complexe ». Là est toute la question et je reviens sur ma remarque portant sur le choix des termes « comparable », « similaire » ou « identique ».

Les deux sénateurs poursuivent ainsi leur propos : « Une seconde difficulté soulevée par l’introduction d’un recours collectif en matière de discrimination tient à son articulation avec le régime probatoire aménagé en faveur du demandeur. Dans la mesure où il appartient au défendeur “ de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ”, il doit pouvoir connaître chacune des victimes pour procéder à cette démonstration au cas par cas […]. Ainsi, après le jugement déclaratoire de responsabilité, il faudrait procéder à l’examen de recevabilité de chacun des cas de personnes souhaitant se joindre à l’action de façon à mettre en capacité le défendeur de l’écarter s’il justifie d’éléments objectifs démontrant l’absence de discrimination ».

Enfin, M. Jean-Christophe Sciberras, ancien président de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), a remis un rapport aux ministres chargés de la ville et du travail portant sur les discriminations dans l’emploi. Le Gouvernement a retenu la majorité des propositions de ce rapport, dont celle suggérant de créer un recours collectif en justice en matière de discriminations. Cependant, les experts recommandent de « définir une nouvelle voie de recours collectif, ouverte, après échec du processus de dialogue social, à toute partie ayant intérêt à agir, c’est-à-dire les associations et les organisations syndicales, permettant à la fois la cessation de la pratique discriminatoire, la sanction si nécessaire de cette pratique et la réparation des préjudices subis par les victimes ». Les professionnels du droit dans les entreprises privilégient donc la mécanique du dialogue social plutôt que les déclarations individuelles d’un préjudice présumé et une action collective à laquelle on viendrait se joindre.

En l’état, nous ne voterons pas en faveur de cette proposition de loi pour des raisons qui tiennent au contenu du texte et à la pertinence de la solution envisagée. Nous ne sommes pas convaincus que l’action de groupe soit, en cette matière, la plus efficace pour régler le problème auquel vous souhaitez vous attaquer.

Mme Colette Capdevielle. Je félicite le rapporteur Razzy Hammadi pour la détermination qu’il affiche depuis 2013 dans ce dossier. Se rassembler pour mener une action et demander réparation s’avère plus efficace qu’une démarche individuelle. Dans le domaine des discriminations, notamment celles d’accès à l’emploi ou au logement qui sont les plus visibles, les actions individuelles, d’ailleurs inexistantes, sont vouées à l’échec. Les dépôts de plainte ne donnent pas lieu à l’engagement de poursuites du fait de la complexité de l’apport de la preuve. Les procédures contre ces discriminations, qui s’insinuent dans tous les domaines, se révèlent, en outre, onéreuses et incertaines.

Cette proposition de loi n’instaure pas du tout la class action à l’américaine. M. Jean-Frédéric Poisson a tort de prétendre le contraire. Comme la loi relative à la consommation, ce texte prévoit un filtre qui ménagera un rôle déterminant aux syndicats et aux associations. Ces derniers ne prendront, en effet, pas le risque de se décrédibiliser en engageant une action abusive ou infondée ; les associations et les syndicats, dont l’existence juridique devra dater d’au moins cinq ans, n’enclencheront la procédure que si celle-ci a toutes les chances d’aboutir.

Monsieur Poisson, votre référence au risque de communautarisme est déplacée. Je regrette que nous ne nous retrouvions pas tous dans la lutte contre des discriminations insupportables dans une société fondée sur l’égalité.

Certes, ce n’est pas une loi qui résoudra miraculeusement ce problème. Mais que faites-vous, monsieur Poisson, quand vous recevez dans votre permanence un jeune ne trouvant pas de travail alors qu’il est bardé de diplômes ? Comment répondez-vous à une famille ne trouvant pas de logement à cause d’une discrimination ? Leur renvoyez-vous l’accusation de communautarisme ? Ne serait-il pas plus opportun de se demander si notre législation n’accuse pas de retard ? Notre rôle ne consiste-t-il pas à améliorer notre droit ?

Ce texte représente un grand pas, effectué par la gauche. Il insère dans notre droit civil l’action de groupe – ce qui n’exclut pas la possibilité d’engager une action devant le juge pénal. La proposition de loi vise à favoriser la médiation, donc la pacification et la recherche de solutions. Adoptée, elle fournira un outil permettant d’identifier et de résoudre les problèmes de discrimination dans certaines entreprises, communes ou zones géographiques. Le groupe SRC votera donc ce texte.

M. Sergio Coronado. Les nombreuses discriminations appellent de la part du législateur et des pouvoirs publics une action volontaire, ferme et déterminée car elles minent le contrat social et la confiance placée dans la République. Nul ne conteste la difficulté de construire un outil normatif efficace, même si M. le rapporteur a choisi de se référer à la loi sur la consommation, ce qui offre une garantie importante contre le déclenchement abusif d’actions. Il nous faut agir mais sans tomber dans des facilités. À cet égard, présenter l’action de groupe aux États-Unis comme la responsable de l’existence de l’esprit communautaire manque pour le moins de rigueur, surtout si l’on accuse les mécanismes de discrimination positive de participer à ce phénomène. Il convient de se garder d’utiliser cette grosse ficelle consistant à qualifier une proposition « d’américaine » pour la décrédibiliser. On ferait mieux d’étudier les tentatives de mettre un terme aux discriminations et de faciliter la diversité. Ainsi, monsieur Poisson, la mise en place de la filière de recrutement en zone d’éducation prioritaire (ZEP) à Sciences Po Paris est considérée comme une réussite alors qu’il s’agit d’une discrimination positive, fondée sur une origine géographique et non pas ethnique.

Le groupe écologiste apportera son soutien à ce texte, sur lequel il a déposé quelques amendements. Ils avaient déjà été portés en juillet 2013 par notre collègue sénatrice Esther Benbassa lors de l’examen d’un texte similaire. Ces propositions avaient alors dû être retirées sous la pression amicale du Gouvernement, inquiet d’un dispositif nécessitant une loi organique du fait du rôle central conféré au Défenseur des droits. Si ces amendements sont pris en compte, nous voterons cette proposition de loi que nous considérons bienvenue.

M. le rapporteur. Monsieur Poisson, s’agissant du débat que vous avez lancé sur l’emploi des termes « comparable », « similaire » ou « identique », pensez aux femmes qui, dans une entreprise, perçoivent un salaire inférieur à leurs collègues masculins pour un poste et des compétences égaux ! Les juges n’auront aucune difficulté à considérer qu’elles sont placées dans des situations similaires ou identiques. De même, des hommes d’origine africaine subsaharienne, dont l’ascension est bloquée dans une entreprise par rapport à d’autres salariés ayant la même ancienneté et les mêmes diplômes, se trouvent évidemment dans des positions similaires et identiques à celles de leurs collègues, exception faite de la promotion.

Citer le livre de Malika Sorel pour affirmer que les procédures sont toujours individuelles est une erreur, car il existe aujourd’hui des procédures jointes. Leur problème est qu’elles mettent douze à quatorze ans pour aboutir. L’action de groupe a vocation à simplifier et à accélérer l’identification des responsabilités et l’indemnisation des victimes.

Le texte ne crée aucune dualité de juridiction quant à la prise en compte de la discrimination, car celle-ci est déjà considérée comme une faute à la fois civile et pénale. Le jugement rendu par un tribunal pénal est public : personne ne propose l’abrogation de cette procédure au motif qu’elle révélerait la cause de la discrimination et, ainsi, des éléments de la vie privée du plaignant.

Le communautarisme n’offre pas un bon angle pour critiquer la proposition de loi ; je vous invite à l’abandonner. Personne n’a accusé ni Jacques Chirac ni Nicolas Sarkozy d’encourager le communautarisme lorsqu’ils ont proposé l’instauration de l’action de groupe, avant de renoncer à ce projet une fois au pouvoir. En revanche, lorsque nous échouons collectivement à faire appliquer les droits que nous proclamons, nous nourrissons le communautarisme. L’action de groupe vise à permettre l’effectivité des droits : nous assumons notre volonté de voir le dédommagement, principalement financier, jouer son rôle de prévention, de sanction et de réparation. En effet, toute mesure de justice se nourrit de prévention et de sanction, mais chacun reconnaît que la réparation fait partie de la justice républicaine.

Enfin, la grande majorité des États membres de l’Union européenne a mis en place des mécanismes d’action de groupe. Ils s’avèrent très différents de celui existant aux États-Unis car il n’y a ni dommage punitif, ni honoraires liés au résultat suscitant un comportement de « chasseur de primes » en fonction des délits. La Commission européenne incite d’ailleurs ses États membres à agir avant le 26 juillet 2015, la France ayant déjà enclenché son évolution dans la loi relative à la consommation.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER
CARACTÈRES ET MODALITÉS DE L’ACTION DE GROUPE

Le chapitre Ier de la proposition de loi comporte les dispositions instaurant une procédure d’action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités. Il se compose de trois sections respectivement consacrées au champ d’application du dispositif, aux modalités procédurales de jugement et à l’exécution du jugement.

Pour faciliter la compréhension des dispositions du présent chapitre, il convient de présenter dès à présent l’économie générale de la procédure envisagée par la proposition de loi :

– en cas de discrimination constatée, une association ou un syndicat introduit une instance devant la juridiction compétente en matière d’action de groupe soit, dans la rédaction initiale de la proposition de loi, le tribunal de grande instance ou le conseil de prud’hommes ;

– le juge se prononce sur la responsabilité du défendeur ; si celle-ci est avérée, il définit le groupe de personnes victimes du dommage ainsi que le montant des réparations ;

– les victimes se font connaître et demandent à être rattachées au groupe précédemment défini, requête qui vaut mandat de représentation par l’association ou le syndicat à l’origine de l’instance ;

– le juge statue sur chaque cas pris individuellement afin de vérifier que les personnes qui se sont fait connaître peuvent valablement figurer au nombre des victimes ;

– après avoir examiné chaque cas individuel, le juge établit la liste des victimes et condamne le défendeur à procéder à leur indemnisation. En cas de difficulté d’exécution, l’association ou le syndicat peut entreprendre toute action pour y remédier au nom des victimes.

La proposition de loi est dépourvue d’objet pénal. Elle n’entend aucunement définir de nouvelles incriminations ni édicter des peines répressives. Le droit pénal relatif aux discriminations demeure inchangé. En ce qu’elle trace les contours d’un nouveau type de contentieux indemnitaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, de façon à faciliter l’exercice du droit des victimes à obtenir réparation, la proposition de loi ressortit au domaine de la procédure civile. Toutefois, dans le cadre de l’application future de la proposition de loi, des faits de discrimination qui présenteraient aussi un caractère pénal (51) pourraient continuer à donner lieu à des poursuites de nature correctionnelle, y compris par des personnes qui auraient été indemnisées dans le cadre de l’action de groupe (52). Les personnes qui n’auraient pas adhéré au groupe conserveraient le droit d’agir individuellement, devant le juge civil ou le juge prud’homal, des mêmes faits que ceux visés par l’action de groupe. Enfin, les personnes adhérentes au groupe disposeraient de la faculté de demander individuellement réparation au juge pour des préjudices qui n’auraient pas été indemnisés au titre de l’action de groupe (53).

Enfin, si l’action de groupe apparaît comme une nouveauté dans le droit français, la proposition de loi ne présente pas pour autant un caractère absolument inédit. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a ainsi créé un mécanisme d’action de groupe en répression de pratiques anticoncurrentielles (54) ou de manquement d’un ou de plusieurs professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services (55). Il est donc possible de s’inspirer d’un mécanisme existant, déjà adopté par le législateur et dont la conformité aux règles constitutionnelles ne saurait être mise en doute. En effet, soixante députés et soixante sénateurs avaient saisi le Conseil constitutionnel de leurs griefs à l’encontre de cette innovation : dans une réponse de vingt-six considérants sur ce seul point, le Conseil constitutionnel a conclu que « les articles 1er et 2 de la loi, qui ne méconnaissent ni la liberté personnelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution (56) ».

Bien qu’un dispositif de droit de la consommation ne puisse être entièrement transposé à la lutte contre les discriminations, il existe donc de solides raisons de penser qu’un mécanisme proche de celui de la loi du 17 mars 2014 ne violerait aucun droit ou liberté fondamentale. Le Gouvernement semble partager ce raisonnement puisque le projet de loi de modernisation de notre système de santé, actuellement en navette devant le Parlement, institue une procédure d’action de groupe dans le domaine médical dont la rédaction s’inspire très fortement de la loi du 17 mars 2014 (57).

Section 1
Champ d’application du dispositif

La section 1 de la proposition de loi délimite le champ d’application de l’action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités. Elle comporte deux dispositions : l’article 1er détermine l’encadrement légal de la procédure tandis que l’article 2 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’en fixer les modalités d’application (58).

Article 1er
Champ d’application et qualité à agir

L’article 1er précise deux des critères encadrant la recevabilité de l’action de groupe : la qualité à agir et à l’objet de l’action. Il indique également de la compétence de quelles juridictions ces actions relèvent. S’il mentionne la représentation de « personnes placées dans une situation comparable » afin d’obtenir la « réparation des préjudices individuels subis », il n’exige pas que le groupe de victimes soit déjà constitué lors de l’introduction de l’action. De nature exclusivement procédurale, son dispositif se borne à renvoyer au droit en vigueur la définition des discriminations visées.

L’action dans le procès civil est en principe ouverte à toute personne y ayant intérêt, sauf lorsque la loi en dispose autrement (59). On parle alors d’une action attitrée, le droit d’agir en justice se trouvant réservé à une catégorie de personnes déterminée. Ainsi l’article 1er de la proposition de loi réserve-t-il la qualité pour agir à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de lutter contre les discriminations et à toute organisation syndicale représentative.

La qualité des associations à agir par voie judiciaire dans la lutte contre les discriminations est déjà reconnue en droit positif. L’article 2-1 du code de procédure pénale précise ainsi :

« Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, d’une part, les discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et l’établissement ou la conservation de fichiers réprimés par l’article 226-19 du même code, d’autre part, les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne, les menaces, les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations qui ont été commis au préjudice d’une personne à raison de son origine nationale, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une race ou une religion déterminée.

Toutefois, lorsque l’infraction aura été commise envers une personne considérée individuellement, l’association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de la personne intéressée ou, si celle-ci est mineure, l’accord du titulaire de l’autorité parentale ou du représentant légal, lorsque cet accord peut être recueilli. »

Une qualité à agir similaire est conférée aux associations dans la lutte contre le harcèlement sexuel (60), contre les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs ou l’orientation ou l’identité sexuelle (61), ou encore contre celles effectuées en raison de l’état de santé ou du handicap de la victime (62). L’exercice des droits reconnus à la partie civile consiste uniquement à faire valoir à l’instance le préjudice subi par l’association du fait de l’atteinte portée à son objet social. La loi exige un accord préalable de la victime en ce sens afin de prévenir les interventions malvenues.

Par ailleurs, l’article 1263-1 du code de procédure civile reconnaît aux « associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant, par leurs statuts, de lutter contre les discriminations » la capacité d’exercer des actions en justice en faveur de la victime d’une discrimination.

L’article 1er de la proposition de loi est plus ambitieux : l’association ne se joint pas à l’action du plaignant ; il lui revient d’exercer l’action elle-même sur le fondement des cas individuels qui lui ont été soumis. Par la suite, le mécanisme « d’adhésion » prévu à l’article 4 permet aux victimes de donner formellement mandat à l’association aux fins de représentation de leurs intérêts. Les personnes concernées par les dossiers présentés initialement par l’association ne sont donc pas formellement partie à l’instance.

L’engagement d’une action de groupe suppose des compétences juridiques et un sérieux reconnue. Il convient d’éviter les démarches fantaisistes dont la médiatisation pourrait porter atteinte à la réputation du défendeur, et plus encore de prévenir l’hypothèse où une action de groupe diligentée contre des discriminations flagrantes se trouverait mise en échec du fait du manque de maîtrise de la procédure par le requérant. Pour cette raison, les textes qui prévoient de tels mécanismes n’accordent pas qualité à agir à n’importe quelle association. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a restreint cette possibilité aux seize associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation (63). Quant au projet de loi de modernisation de notre système de santé, dans sa version votée par l’Assemblée nationale le 14 avril 2015, il exige que l’association d’usagers du système de santé dispose de l’agrément défini à l’article L. 1114-1 du code de la santé publique (64).

À ce stade, la proposition de loi n’a pu mettre en œuvre une précaution similaire dans la mesure où il n’existe aucun agrément ministériel pour les associations de lutte contre les discriminations. La rédaction retenue limite cependant les risques d’amateurisme en conditionnant le déclenchement de l’action de groupe à cinq années d’existence à la date des faits, critère déjà requis pour exercer les droits reconnus à la partie civile.

La qualité des organisations syndicales à agir par voie judiciaire est énoncée à l’article L. 2132-3 du code du travail (65). Toutefois, elles ne jouent pour l’heure aucune part dans les procédures d’action de groupe existante ou en projet dans la mesure où ni la matière commerciale, ni le domaine médical, ne se prêtent à leur intervention à l’instance. Il en va tout autrement des discriminations, qui n’épargnent pas le monde du travail.

L’article 1er de la proposition de loi précise que le déclenchement d’une action de groupe est possible pour les seules organisations représentatives au sens de l’article L. 2121-1 du code du travail. Celui-ci dresse une liste de sept critères cumulatifs pour déterminer cette représentativité :

1° le respect des valeurs républicaines ;

2° l’indépendance ;

3° la transparence financière ;

4° une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation ;

5° l’audience établie selon les niveaux de négociation ;

6° l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ;

7° les effectifs d’adhérents et les cotisations.

Sur le fondement de ces critères, l’article L. 2122-11 prévoit que le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel. La représentativité est donc un élément qui peut être objectivement constaté.

La limitation de la qualité à agir au moyen d’une action de groupe aux seules organisations syndicales représentatives apporte une réponse très satisfaisante à l’exigence de sérieux et de compétence précédemment exigée des associations.

La question voisine de l’intérêt à agir des associations ne soulève guère de difficultés en pratique : comme pour toute action attitrée, il apparaît présumé par le législateur dès lors que l’action introduite relève bien du champ d’application de la proposition de loi.

En revanche, la précision apportée par le deuxième alinéa de l’article L. 2132-3 du code du travail, selon laquelle l’action des syndicats en justice concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession représentée, a pour effet pratique de cantonner leur intérêt à agir aux seules discriminations constatées dans la sphère professionnelle.

L’article L. 423-1 du code de la consommation confie à « une juridiction civile » le soin de connaître des actions de groupe en matière commerciale. L’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé se borne à faire état d’une « action en justice », renvoyant au droit commun le soin de déterminer la juridiction compétente.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi privilégie une voie différente, cohérente avec le choix d’ouvrir l’action de groupe aux organisations syndicales représentatives. Dès lors qu’associations et syndicats sont autorisés à agir, et attendu que l’intervention des seconds nommés a vocation à s’inscrire dans un contexte professionnel, l’article 1er précise que l’action de groupe est portée « respectivement, soit devant la juridiction définie à l’article, soit devant les conseils de prud’hommes ». Il en résulte que l’action de groupe intentée par une association sera portée, aux termes de la loi, devant le tribunal de grande instance tandis que celle diligentée par un syndicat écherra au conseil de prud’hommes.

Est-ce à dire que l’action de groupe intentée par une association sur une discrimination ayant trait au monde du travail serait portée devant le tribunal de grande instance au détriment de la compétence sociale de la juridiction prudhommale ? Dans la rédaction initiale de l’article 1er, il y a lieu de le penser. Toutefois, la question de la compétence apparaît principalement théorique. La discrimination constitue non seulement une faute civile, mais également une infraction pénale réprimée par les articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal. Or le code de procédure pénale prévoit que l’action civile peut être exercée dans le même temps que l’action publique et devant la même juridiction (66) – en l’occurrence le tribunal correctionnel. Il serait très étonnant que les associations de lutte contre les discriminations, face à un dossier justifiant le déclenchement d’une action de groupe, ne doublent pas celle-ci d’une plainte ou d’une citation directe. Il y a tout lieu de penser que les actions de groupe en matière de discriminations seront, en pratique, diligentées principalement devant le juge pénal.

Toutefois, votre rapporteur a considéré cette répartition des contentieux insatisfaisante, à la fois source d’une inutile complexité et n’offrant pas les moyens de résoudre la question des pratiques discriminatoires dont se rendent coupables des personnes publiques. Un amendement a donc été soumis à la commission des Lois pour, d’une part, unifier le contentieux judiciaire devant le seul tribunal de grande instance et, d’autre part, permettre l’exercice d’une action de groupe devant la juridiction administrative lorsque la responsabilité de personnes morales relevant du droit public peut être engagée.

L’action de groupe prévue par la proposition de loi est recevable si plusieurs conditions relatives aux victimes, à la cause et à la nature des préjudices subis sont remplies. En effet, seuls peuvent en faire l’objet les préjudices individuels subis par des personnes placées dans une situation comparable et ayant pour cause une discrimination directe ou indirecte au sens de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Seuls les préjudices individuels subis par des personnes placées dans une situation comparable peuvent faire l’objet d’une action de groupe.

La proposition de loi évoque la situation de « personnes » sans plus de précision. Conformément au second alinéa de l’article 225-1 du code pénal, cette rédaction inclut les personnes physiques mais aussi les personnes morales qui peuvent également être victimes de discrimination : « constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de l’apparence physique, du patronyme, du lieu de résidence, de l’état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l’orientation ou identité sexuelle, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales. »

Ces consommateurs doivent être placés dans une « situation comparable », expression voisine de la « situation identique ou similaire » retenue tant dans la définition procédurale de l’action de groupe en matière commerciale que dans le projet de loi relatif à l’action de groupe dans le domaine sanitaire. Il convient, en effet, de ne pas limiter l’action de groupe aux situations parfaitement identiques : des demandeurs d’emploi éconduits par la même entreprise ou des locataires refoulés par le même bailleur, par exemple, doivent logiquement pouvoir se joindre à la même action de groupe même si les uns ont abusivement écartés en raison de leur religion et les autres sur le fondement de leur orientation sexuelle.

Pour relever du champ d’application de l’action de groupe, les préjudices subis par les consommateurs doivent avoir pour cause une discrimination directe ou indirecte au sens de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Ainsi :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ;

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs prohibés, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés (67) ;

– la discrimination inclut tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L’article 1er, en revanche, ne fait référence ni à l’article 225-1 du code pénal incriminant pénalement les discriminations, ni à l’article L. 1132-1 du code du travail protégeant spécifiquement les salariés, ni à des dispositions particulières se trouvant de manière éparse dans différents codes (68). Cette rédaction pourrait soulever des difficultés dans la mesure où la loi du 27 mai 2008 ne mentionnent pas tous les motifs de discrimination interdits par ailleurs par la législation française. Il en va ainsi des discriminations fondées sur la situation de famille, sur la grossesse, sur l’apparence physique, sur l’état de santé hors handicap, sur le patronyme ou encore sur les activités syndicales. Certains cas de discriminations pourraient ainsi faire l’objet de poursuites pénales et d’actions civiles individuelles, mais pas d’action de groupe. En outre, une entreprise se livrant à des pratiques discriminatoires à l’encontre des employés les plus âgés et des salariées enceintes pourrait faire l’objet d’une action de groupe de la part des premiers, mais pas des secondes.

Afin de pallier cette imperfection et d’assurer à l’action de groupe le périmètre le plus étendu possible, votre rapporteur a proposé à la commission des Lois de substituer la définition de la discrimination figurant dans le code pénal à celle de la loi du 27 mai 2008 privilégiée dans la rédaction initiale de la proposition de loi.

Alors que l’article L. 423-1 du code de la consommation devait originellement limiter l’action de groupe en matière commerciale aux seuls préjudices matériels (69), des amendements parlementaires ont fait évoluer sa rédaction pour inclure tous les « préjudices individuels », c’est-à-dire également les préjudices corporels et moraux. L’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé use de la même expression.

L’article 1er de la proposition de loi reprend les mêmes termes, garantissant aux victimes de discrimination la possibilité de se joindre à une action de groupe sans devoir estimer leur préjudice matériel, ce qui aurait fait échec en pratique à la poursuite de faits tels que, par exemple, la sélection à l’entrée d’un établissement recevant du public. Le choix d’une acception plus large du préjudice permet également de supposer une meilleure indemnisation des victimes, en réparation du préjudice moral, et donc un effet dissuasif plus important à l’encontre des auteurs de discriminations.

Pour relever du champ d’application de l’action de groupe en matière commerciale instituée par l’article L. 423-1 du code de la consommation, les préjudices subis par les consommateurs doivent soit avoir pour origine commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services, soit résulter de pratiques anticoncurrentielles. Seuls les « professionnels » peuvent donc faire l’objet d’une action de groupe de cette nature (70).

En matière sanitaire, l’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé ouvre l’action de groupe aux cas de « manquement d’un producteur ou d’un fournisseur [de produits à finalité sanitaire] ou d’un prestataire utilisant l’un de ces produits à leurs obligations légales ou contractuelles ». Là encore, seuls des professionnels – de surcroît pratiquant une activité bien identifiée – peuvent être mis en cause.

Dans le cadre de la lutte contre les discriminations, l’article 1er de la proposition de loi ne saurait se borner à un champ d’application aussi limité. Les pratiques discriminatoires peuvent être le fait de professionnels dans des relations commerciales, mais elles se rencontrent également dans les relations de travail, dans les rapports locatifs, dans la vie courante… Elles peuvent émaner aussi bien de personnes morales que d’individus, aussi bien de professionnels que de particuliers : même si leurs effets sont alors d’envergure moindre, le préjudice subi par les victimes doit néanmoins donner lieu à réparation. Ce sont donc toutes les personnes physiques et morales coupables de discrimination qui sont susceptibles de faire l’objet d’actions de groupe.

Toutefois, la détermination des tribunaux de grande instance et des conseils de prud’hommes comme juridictions compétentes ne permettait pas de viser les personnes morales dont la responsabilité peut être engagée seulement devant la juridiction administrative sur le fondement du droit public. Un amendement présenté par le rapporteur a corrigé cette lacune du dispositif proposé.

Comme la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et comme le projet de loi de modernisation de notre système de santé, la proposition de loi retient un système d’option d’inclusion (opt-in), dans lequel les membres potentiels du groupe de victimes au nom desquelles l’action est introduite doivent signifier expressément qu’ils souhaitent être représentés par l’association requérante – ou par le syndicat requérant le cas échéant – dans le cadre de l’action engagée.

Le système d’option d’exclusion (opt-out), où le groupe intègre d’office toutes les victimes potentielles du comportement allégué et leur laisse la charge de s’exclure si elles ne souhaitent pas être parties à l’instance, a été écarté. Moins respectueux du droit individuel d’agir en justice et attrayant des personnes au procès sur le seul fondement de leur silence, il apparaît bien plus fragile dans la perspective d’un contrôle de constitutionnalité.

La solution retenue semble bien plus avantageuse pour les victimes. En effet, aucun consommateur n’est lié par l’action engagée s’il n’a pas adhéré expressément au groupe, mais ceci n’empêche ni l’engagement de l’action ni même un jugement sur la responsabilité aux termes de l’article 3. Le groupe n’est pourtant pas encore constitué à ce stade de la procédure, c’est-à-dire que même les personnes concernées par les cas individuels présentés au juge ne se sont pas formellement identifiées. Ce n’est qu’après le jugement sur la responsabilité devenu définitif et porté à leur connaissance par les mesures de publicité ordonnées par le juge que les victimes adhéreront au groupe, si elles le souhaitent, afin d’obtenir leur indemnisation.

L’association ou le syndicat qui diligente l’action de groupe est bien la seule partie requérante à l’instance dans le premier temps de la procédure, même si son argumentaire s’appuie sur les cas concrets de personnes appelées à devenir les premiers membres du groupe dans le cas où l’action prospèrerait. Or l’incitation des victimes à se joindre au groupe est évidemment bien plus importante une fois la condamnation judiciaire des pratiques discriminatoires obtenue qu’au moment de l’introduction de la requête. À ce stade de la procédure, l’aléa du procès a disparu et l’adhésion au groupe conduit à coup sûr à une indemnisation. Le choix opéré par la proposition de loi est donc à la fois plus sûr du point de vue constitutionnel et plus efficace pour la réparation des préjudices provoqués par les discriminations.

L’article 1er de la proposition de loi a fait l’objet de quatre amendements du rapporteur. La commission des Lois a ainsi décidé :

– de consacrer la pleine compétence des tribunaux de grande instance pour connaître des actions de groupe contre les pratiques discriminatoires des personnes privées, que celles-ci s’inscrivent, ou non, dans le cadre des relations de travail ;

– d’ouvrir la saisine du tribunal administratif pour le cas où les pratiques discriminatoires en cause émaneraient d’une personne publique, ce que la rédaction initiale de la proposition de loi excluait en prévoyant la compétence exclusive de juridictions de l’ordre judiciaire ;

– d’harmoniser la définition du groupe de victimes avec le droit existant en matière d’action de groupe en visant les personnes placées dans une situation « similaire ou identique » comme le mentionnent l’article L. 423-1 du code de la consommation et l’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, au lieu de la « situation comparable » privilégiée dans la rédaction initiale de la proposition de loi ;

– de retenir la définition de la discrimination figurant aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal, plus inclusive que celle de l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Le caractère attitré de l’action de groupe, engagée par une association existant depuis plus de cinq ans ou par une organisation syndicale représentative, n’a pas été modifié. Ce point fera l’objet d’un débat ouvert en séance publique.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CL8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à éviter l’exclusion de structures sous prétexte qu’elles ne sont pas soumises au droit privé. Nous proposons de remplacer les conseils de prud’hommes par les tribunaux administratifs pour permettre l’action de groupe en droit public. En outre, si nous laissions les conseils de prud’hommes dans le texte, il faudrait prévoir l’intervention d’une juridiction différente pour la réparation.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement d’harmonisation rédactionnelle CL9 du rapporteur.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL11 du rapporteur et CL1 de M. Sergio Coronado.

M. le rapporteur. La définition de la discrimination retenue dans le code pénal apparaît plus englobante que celle formulée à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Cette dernière n’inclut, parmi les motifs de discrimination prohibés, ni la grossesse, ni le patronyme, ni l’apparence physique, ni l’état de santé autre qu’un handicap, ni le lieu de résidence consacré par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

M. Sergio Coronado. L’amendement CL1 visait à supprimer une référence obsolète. Mais la proposition de M. le rapporteur en supprimant elle-même la mention, je le retire.

L’amendement CL1 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CL11.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL10 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement CL2 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement tend à permettre à un groupe d’individus d’introduire collectivement une action de groupe, donc à ne pas limiter cette procédure aux associations existant depuis plus de cinq ans et aux syndicats représentatifs.

Contrairement aux questions de consommation qui sont suivies par plusieurs grandes associations, les discriminations peuvent être de nature très diverse et ne sont pas toutes couvertes par une association existant depuis plus de cinq ans. Cette clause constituerait donc un frein pour certaines actions de groupe et n’offrirait pas de garantie, d’autant qu’il n’est prévu aucune homologation des associations. Enfin, les jugements s’effectuant en plusieurs phases, il n’est pas nécessaire d’instaurer une restriction pensée pour dissuader des actions fantaisistes. 

Présidence de M. Dominique Raimbourg, vice-président de la Commission

M. le rapporteur. Nous poursuivrons ce débat en séance publique. Le code de procédure civile définit ce critère d’existence de cinq ans des associations pour la reconnaissance de leur intérêt à agir. En outre, le Conseil constitutionnel pose une limite forte en obligeant toute personne ayant intérêt à agir à manifester sa volonté. Or, de ce point de vue, l’évolution de la composition du groupe présente un problème, notamment pour l’action de groupe simplifiée – bien que le Conseil constitutionnel ait validé son principe.

Il faut s’assurer du sérieux de l’association, de sa reconnaissance et de son passé, afin d’éviter que des actions soient intentées dans le seul but de nuire à une entreprise affrontant une échéance importante, par exemple en matière de concurrence.

Enfin, dans la phase de médiation et de transaction, c’est l’association ou le syndicat qui incarne l’action de groupe. Comment fait-on quand il n’y a ni l’un ni l’autre ?

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1ermodifié.

Article 2
Décret d’application

L’article 2 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de préciser, par la voie d’un décret en Conseil d’État, les modalités d’introduction de l’action de groupe. En effet, des précisions devront être apportées aux dispositions législatives pour que la procédure devienne pleinement opérationnelle.

L’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui institue l’action de groupe en matière sanitaire dans une architecture proche de celle retenue par la présente proposition de loi, prévoyait dans sa version initiale une disposition similaire. Maintenu en commission des Affaires sociales, le renvoi à un décret en Conseil d’État spécifique n’a été supprimé en séance publique que pour des raisons exclusivement rédactionnelles. Les dispositions relatives à l’action de groupe s’insèrent, en effet, dans un titre du code de la santé publique dont le dernier article prévoit que les modalités d’application sont définies par un décret en Conseil d’État (71).

La procédure de l’action de groupe dans les relations commerciales est également régie par des prescriptions réglementaires commandées par l’article L. 423-2 du code de la consommation. Le décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l’action de groupe en matière de consommation indique que les règles applicables sont celles du code de procédure civile sous réserve des précisions qu’il édicte (72). Il faut noter que ces dispositions réglementaires excèdent de beaucoup les règles d’introduction de l’action de groupe mentionnées à l’article L. 423-2 du code de la consommation pour couvrir pratiquement la totalité de la procédure. Le décret prévoit notamment des règles spécifiques de compétence territoriale. Afin de rassembler un contentieux, par hypothèse, potentiellement éclaté, il dispose que « le tribunal de grande instance territorialement compétent est celui du lieu où demeure le défendeur » et que « le tribunal de grande instance de Paris est compétent lorsque le défendeur demeure à l’étranger ou n’a ni domicile ni résidence connus » (73). On lit aussi dans ce texte des indications sur le contenu de l’assignation (74), sur les mentions du jugement sur la responsabilité du défendeur (75) ou encore sur les modalités d’adhésion au groupe (76).

On peut raisonnablement penser que le règlement d’application de la présente proposition de loi s’inspirera fortement du décret relatif à l’action de groupe en matière de consommation. Le temps nécessaire à sa publication devrait s’en trouver abrégé d’autant.

La commission des Lois a adopté l’article 2 sans modification.

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La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Section 2
Jugement sur la responsabilité

La section 2 de la proposition de loi est relative à la décision du tribunal sur la responsabilité du défendeur. Elle comporte deux dispositions : l’article 3 porte sur la décision proprement dite tandis que l’article 4 régit les modalités d’adhésion des victimes au groupe.

Au sein de cette section, la proposition de loi ne reprend pas quatre dispositions figurant dans le code de la consommation et régissant l’action de groupe en matière commerciale :

– l’article L. 423-6 du code de la consommation prévoit que toute somme reçue par l’association au titre de l’indemnisation des consommateurs lésés est immédiatement versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ;

– l’article L. 423-7 du code de la consommation confie au juge le soin de fixer le délai dans lequel doit intervenir la réparation des préjudices des consommateurs lésés ;

– l’article L. 423-8 du code de la consommation autorise le juge à condamner le professionnel au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association ;

– l’article L. 423-9 du code de la consommation indique que l’association requérante peut s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée pour l’assister, notamment afin qu’elle procède à la réception des demandes d’indemnisation des membres du groupe.

Article 3
Décision sur la responsabilité et définition du groupe

La procédure proposée à l’article 3 prend la forme d’un jugement partiel, établissant la responsabilité du défendeur sans que la totalité des victimes soient identifiées. Ce mécanisme s’inspire des actions de groupe en matière commerciale et sanitaire, qui elles-mêmes reprennent le modèle de l’action déclaratoire de responsabilité présenté, en 1990, par la commission présidée par le professeur Jean Calais-Auloy (77).

Le tribunal appuie son appréciation sur les cas individuels que l’association demanderesse ou le syndicat lui soumet. En effet, il faut éviter que des actions de groupe puissent prospérer sur des considérations générales sans reposer sur des griefs effectifs de personnes discriminées. La procédure d’action de groupe vise à remédier à un déni de justice, quand des victimes renoncent à l’indemnisation du préjudice qu’elles subissent devant l’ampleur du combat judicaire à livrer. Elle ne doit pas susciter des plaintes fondées sur des éventualités ou sur des hypothèses. De plus, la discussion à l’instance de situations concrètes constitue une garantie pour le défendeur qui peut employer tous les moyens de défense qu’il aurait pu opposer à chacun des consommateurs concernés dans le cadre d’une action individuelle en responsabilité de droit commun. Enfin, l’office du juge s’en trouve également facilité puisqu’il appartient à la juridiction à la fois d’apprécier si les éléments constitutifs de la responsabilité – faute, dommage et lien de causalité entre les deux – sont bien réunis dans les différents cas qui lui sont soumis, mais aussi d’examiner si ces éléments sont généralisables à des situations semblables.

La décision affirmant la responsabilité du défendeur amène le juge à définir le groupe de consommateurs lésés à l’égard desquels elle est engagée. La délimitation du groupe peut être exhaustive, si toutes les victimes sont connues : il suffit alors de les désigner nommément. Le plus souvent, elle repose sur des critères de rattachement fixés par le juge : par exemple le fait d’avoir occupé un emploi dans une entreprise donnée ou d’avoir candidaté sans succès pour l’obtention d’un bail locatif auprès d’un bailleur déterminé. Le jugement peut aussi distinguer des sous-groupes au sein du groupe, selon une situation particulière ou le type de préjudice subi.

Enfin, le jugement déclaratoire de responsabilité conduit le juge à fixer le montant des préjudices pour chaque consommateur ou catégorie de consommateurs, ou à déterminer tous les éléments susceptibles de permettre l’évaluation de ces préjudices. Cette opération peut se révéler très simple ou très délicate. Ainsi, lorsque le préjudice consiste en une prime versée par une entreprise à l’ensemble des salariés à l’exception de ceux victimes d’une discrimination, le montant de la réparation individuelle correspond à celui de la gratification. En revanche, lorsque le préjudice dépend des conditions de survenue du dommage, il est nécessaire de renvoyer à des critères généraux d’indemnisation pour tenter de le définir au mieux.

La lutte contre les discriminations fait apparaître, de ce point de vue, une très grande variété des contentieux possibles. Parfois, tout est connu, des membres du groupe au montant du préjudice qu’ils ont subi – ainsi pour une prime d’entreprise. À l’opposé, les contours d’autres contentieux seront beaucoup plus flous : le groupe ne sera pas connu et le préjudice difficilement évaluable, comme dans le cas d’une éviction à l’entrée d’une discothèque.

Entre ces deux extrêmes, l’appréciation du tribunal s’effectue plus ou moins au jugé, ainsi que le reconnaissent des travaux parlementaires préparatoires de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (78). Le second jugement, prévu à l’article 5 de la proposition de loi, permet heureusement de retoucher a posteriori les contours du groupe des victimes au moment de la liquidation des préjudices.

Enfin, l’article 3 prévoit que le juge peut ordonner la communication par le défendeur de toute information ou pièce nécessaire à sa bonne information.

Outre trois amendements de précision rédactionnelle du rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements déposés par M. Sergio Coronado.

Le premier amendement confère au juge le pouvoir d’ordonner toute mesure d’instruction qu’il estime nécessaire à sa bonne information. Cette précision vient compléter l’article 145 du code de procédure civile (79) ainsi que les dispositions du livre VI de la partie réglementaire du code de justice administrative relatives à l’instruction (80).

Le second amendement intègre dans la proposition de loi deux dispositions inspirées de la procédure d’action de groupe en droit de la consommation et adoptées par l’Assemblée nationale dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé :

– la première disposition correspond à l’article L. 423-8 du code de la consommation ; elle permet au juge de condamner le défendeur au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association (81). Il peut être légitime d’anticiper la décision de liquidation des préjudices pour ordonner le versement d’une provision ad litem (82) afin que les associations et syndicats requérants n’aient pas à faire l’avance de ces frais : la faiblesse éventuelle de leurs moyens financiers ne faisant alors plus obstacle à l’exercice d’une action de groupe ;

– la seconde disposition fait écho à l’article L. 423-9 du code de la consommation. Elle permet à l’association ou au syndicat de s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée (avocats, huissiers, etc.) aux fins de représentation des personnes lésées en vue de leur indemnisation. Les tâches liées à l’action en justice peuvent en effet, dans un contentieux de masse, s’avérer excessivement lourdes pour les ressources dont dispose habituellement l’association ou le syndicat. Il est donc opportun que le requérant puisse solliciter le concours de professionnels et que les frais en résultant puissent, le cas échéant et sur décision du juge, faire l’objet de la provision prévue au précédent alinéa.

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La Commission aborde l’amendement CL3 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement propose que le juge puisse ordonner toute mesure permettant de mettre fin à la discrimination qui justifie l’action de groupe.

M. le rapporteur. Cette proposition est satisfaite par l’article 809 du code de procédure civile.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements de précision CL13, rédactionnel CL14 et de précision CL15 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement CL4 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Il s’agit de préciser que le juge peut ordonner toute mesure d’instruction, ce qui dépasse la simple demande de communication d’une pièce par le défendeur. 

M. le rapporteur. Cet amendement s’avère particulièrement pertinent pour les tribunaux administratifs, car il permettra d’éviter les référés d’expertise qui alourdiraient la procédure. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite l’amendement CL5 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à inclure deux garanties prévues par la loi sur la consommation et par l’article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé : l’une permet au requérant de s’appuyer sur un membre d’une profession judiciaire réglementée pour recueillir les demandes, l’autre donne au juge la possibilité de prévoir une provision à la charge du défendeur pour les frais qui ne seraient pas couverts par les dépens, tels ceux engagés pour le recours à une profession réglementée.

M. le rapporteur. Avis favorable. Il s’agit du même dispositif que ceux de la loi sur la consommation et du projet de loi relatif à la santé.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4
Adhésion au groupe et publicité de la décision

L’article 4 de la proposition de loi précise les conséquences du jugement sur la responsabilité du défendeur.

Il prévoit que le juge ordonne, en principe aux frais du défendeur dont la faute est désormais établie, les mesures nécessaires pour informer les personnes susceptibles d’appartenir au groupe victime de la discrimination identifiée afin qu’elles décident ou non de se joindre au groupe et de demander, sur cette base, la réparation de leur préjudice. Ces mesures de publicité constituent un élément déterminant de l’efficacité de l’action de groupe : le plus grand nombre possible de victimes doit être informé du jugement afin de faire valoir ses droits. Si la crainte d’un dommage de réputation injustement infligé à un défendeur a pu être évoquée, notamment dans le domaine économique, il convient de rappeler que la publicité de la décision n’est organisée qu’une fois celle-ci rendue, et donc la responsabilité du fautif reconnue. Elle apparaît alors comme une légitime sanction d’un comportement répréhensible auprès de l’opinion publique, qui vient ajouter à l’aspect dissuasif de la procédure d’action de groupe.

C’est au juge qu’il appartient de fixer les délais et modalités selon lesquels les victimes peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice. Comme en matière commerciale (83), l’adhésion au groupe vaut alors mandat au profit du requérant pour toute la suite de la procédure, sans pour autant impliquer l’adhésion à l’association ou au syndicat.

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements de nature rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l’article 4.

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL16 et CL17 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Section 3
Liquidation des préjudices et exécution

La section 3 de la proposition de loi est relative à la seconde décision du tribunal dans le cadre de la procédure d’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations. Elle comporte deux dispositions : l’article 5 est relatif à la liquidation des préjudices tandis que l’article 6 prévoit la procédure à suivre en cas de difficulté d’exécution du jugement.

Article 5
Liquidation des préjudices

L’article 4 de la proposition de loi prévoit que, dans sa première décision sur l’action de groupe qui établit la responsabilité du défendeur, la juridiction fixe les délais et modalités selon lesquels les victimes peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice. Une fois ces délais expirés, il revient au juge le juge de recueillir les observations des parties, d’établir la liste des personnes recevables à obtenir une indemnisation et de condamner le défendeur à procéder à cette indemnisation selon des modalités déterminées (84).

En matière commerciale, l’article L. 423-12 du code de la consommation indique, de façon similaire que « le juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s’élèvent à l’occasion de la mise en œuvre du jugement. Il statue dans un même jugement sur toutes les demandes d’indemnisation auxquelles le professionnel n’a pas fait droit. »

L’article 5 mentionne également que « le juge peut ordonner à ce stade, à titre conservatoire, la mise sous séquestre de tout ou partie des sommes dues par le défendeur ». Cette précision est voisine du second alinéa de l’article 521 du code de procédure civile selon lequel « en cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine » ; cette procédure ne saurait toutefois être appliquée à des dommages matériels ou moraux. En outre, s’il est toujours possible de solliciter la séquestration des fonds en cause par voie de référé (85), la rédaction de l’article 5 de la proposition de loi dispense les parties de cette nouvelle procédure spécifique en prévoyant que le juge peut la prononcer dans la décision au fond.

La commission des Lois a adopté l’article 5 sans modification.

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La Commission adopte l’article 5 sans modification.

Article 6
Exécution de la décision

L’article 6 de la proposition de loi prévoit que, en cas de difficulté d’exécution de la décision, le requérant peut entreprendre toutes démarches en vue d’y remédier au nom et pour le compte des personnes concernées. Son mandat de représentation des victimes s’étend donc à l’exécution forcée de la décision mentionnée à l’article précédent – la seconde de la procédure d’action de groupe. Le droit commun des procédures civiles d’exécution, codifié depuis le 1er juin 2012 dans le code des procédures civiles d’exécution, s’applique sous le contrôle du juge de l’exécution.

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé, pour sa part, un nouvel article L. 423-14 dans le code de la consommation pour préciser explicitement que « l’intégralité des frais et des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution est à la charge du professionnel visé ». Cette disposition déroge à l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoit que, si les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, ce n’est justement pas le cas des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le législateur a entendu clore expressément cette possibilité dans le cadre de l’action de groupe en matière commerciale afin de limiter au maximum les frais déduits des indemnisations accordées aux consommateurs.

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de nature rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l’article 6.

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* *

La Commission adopte l’amendement de précision CL18 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

CHAPITRE IER BIS [NOUVEAU]
PROCÉDURE D’ACTION DE GROUPE SIMPLIFIÉE

À l’initiative du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement créant un chapitre Ierbis. Celui-ci comprend un unique article 6 bis instituant une procédure d’action de groupe simplifiée.

Article 6 bis [nouveau]
Action de groupe simplifiée

L’action de groupe simplifiée a été introduite dans la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation par voie d’amendement lors de la première lecture du texte par l’Assemblée nationale. Elle figure désormais à l’article L. 423-10 du code de la consommation. Au regard de la procédure normale d’action de groupe objet des précédents articles, il s’agit d’une procédure « accélérée » autant que « simplifiée ». Elle peut être engagée à partir du moment où le groupe de consommateurs lésés est parfaitement identifié. Dans cette hypothèse, le juge peut condamner le défendeur à les indemniser directement et individuellement selon des modalités et dans un délai qu’il fixe lui-même. Il s’agit là de la seule différence avec le schéma général de l’action de groupe tel qu’il découle du code de la consommation : l’action de groupe simplifiée obéit aux mêmes contraintes et au même cadre juridique que la procédure de droit commun, tant au stade de son engagement que pour la procédure suivie par le juge, y compris la liquidation. Le Conseil constitutionnel l’a intégralement validée en même temps que l’action de groupe classique (86).

Votre rapporteur a souhaité que soient mises à la disposition des victimes de discriminations les armes procédurales dont bénéficient déjà les consommateurs. L’action de groupe simplifiée présente, au regard de l’action de groupe classique, l’avantage de solliciter une seule décision de la part du juge et non deux. La détermination de la responsabilité du défendeur et l’indemnisation du groupe de victimes peuvent être confondues dans la mesure où la délicate phase d’adhésion au groupe se trouve facilitée par les circonstances.

En pratique, les discriminations qui pourront faire l’objet d’une action de groupe simplifiée sont celles dans lesquelles l’auteur des discriminations a dressé un fichier qui permet le recensement de ses actes, l’identification des victimes et le préjudice consécutif à la discrimination. Cette configuration évoque « l’affaire BBR » dans laquelle des agences d’intérim sélectionnaient des animatrices en fonction de leur origine ethnique – instituant comme critère de sélection le code « BBR » signifiant « bleu blanc rouge » et, en l’occurrence, un faciès de type européen. Face à un comportement similaire, le juge pourrait facilement identifier les personnes écartées sur un fondement racial par l’absence de code en face de leur nom, et chiffrer le préjudice en fonction des missions dont une victime aurait été indûment écartée.

Le dispositif adopté par la commission des Lois prévoit qu’un décret en Conseil d’État vienne préciser les conditions d’application de l’article 6 bis.

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La Commission est saisie de l’amendement CL19 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement crée la procédure d’action de groupe simplifiée qui existe déjà en droit de la consommation. Ce mécanisme spécifique, qui permet à la justice de se prononcer par un jugement unique, contre deux décisions dans la procédure classique, a vocation à s’appliquer dans les cas manifestes et documentés de discrimination, comme le code « bleu, blanc, rouge » dans la célèbre affaire « BBR ».

La Commission adopte l’amendement.

CHAPITRE II
MÉDIATION ORGANISÉE DANS LE CADRE D’UNE ACTION DE GROUPE

Le chapitre II de la proposition de loi comporte les dispositions instaurant une procédure transactionnelle dans le cadre d’une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités. Il se compose de trois articles respectivement consacrés aux conditions de participation à la médiation, à son homologation et à son opposabilité.

La faculté d’une médiation est ouverte dans le cadre d’une action de groupe en matière commerciale (87). Elle est également envisagée dans l’action de groupe dans le domaine sanitaire par le projet de loi de modernisation de notre système de santé.

En effet, le plus grand succès de l’action de groupe serait son effacement : parvenir à éviter le dommage ou à favoriser sa réparation sans même avoir été engagée ou conduite à son terme. Son double objectif, qui consiste à la fois à décourager les pratiques discriminatoires et à faciliter leur réparation, ne requiert pas forcément la conclusion de l’instance judiciaire qui ne constitue qu’un moyen parmi d’autres pour la société de parvenir à ses fins. L’intégration d’une faculté de médiation dans le déroulement de la procédure d’action de groupe contre les discriminations est, par conséquent, une condition de sa réussite.

Article 7
Participation à une médiation

L’article 7 dispose que l’association ou le syndicat requérant peut, à tout moment, participer à une médiation afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels mentionnés à l’article 1er. Ce recours à la médiation reste facultatif.

Le régime juridique de la médiation est déterminé au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile. Elle s’entend, selon la définition qu’en donne la loi, « de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige ». Ne pouvant porter que sur des droits dont les parties ont la libre disposition, elle peut être diligentée dans un cadre judiciaire ou conventionnel. Le médiateur est tenu au respect du principe d’impartialité ainsi que d’un certain nombre d’exigences déontologiques. L’accord auquel parviennent les parties peut, le cas échéant, faire l’objet d’une homologation par le juge, qui lui donne force exécutoire.

L’article 7 de la proposition de loi se borne à habiliter l’association ou le syndicat requérant à prendre part à une médiation, au nom du groupe, dans les conditions du droit commun. Cette mention expresse semble opportune dans la mesure où l’action de groupe présente des spécificités. D’une part, en principe, seul l’ensemble des victimes qui ont subi des dommages du fait des discriminations pratiquées par le défendeur serait en droit de participer à cette médiation, or il est probable que tous ne soient pas parties à l’action de groupe. D’autre part, il est opportun de préciser dans la loi que seul le requérant est autorisé à participer à la médiation au nom du groupe : une fois l’action engagée, d’autres structures pourraient s’engager dans une médiation conventionnelle au nom du groupe et parasiter l’action.

La commission des Lois a adopté l’article 7 sans modification.

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* *

La Commission adopte l’article 7 sans modification.

Article 8
Homologation de l’accord

L’article 8 de la proposition de loi prévoit, en son premier alinéa, que l’accord négocié par l’association requérante au nom du groupe est obligatoirement soumis à l’homologation (88) du juge, qui lui donne force exécutoire. Cette précision est d’importance puisque l’homologation est de nature facultative en droit commun (89). Le juge vérifie si l’accord est bien conforme aux intérêts des personnes auxquelles il a vocation à bénéficier. Il contrôle également que l’accord stipule les délais et les modalités selon lesquels les victimes pourront y adhérer.

Le second alinéa de l’article 8 précise que le juge ordonne les mesures de publicité nécessaires pour informer les victimes de l’existence de l’accord ainsi homologué. La prise en charge des frais engendrés par ces mesures de publicité, indispensables pour conduire à une indemnisation effective des personnes frappées par les discriminations en cause, échoit au défendeur.

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de nature rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l’article 8.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL20 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL6 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. L’homologation ne doit pas porter que sur des points formels. Cet amendement vise à préciser que le juge vérifie la conformité de l’accord aux intérêts des parties. 

M. le rapporteur. Le but de l’homologation étant d’atteindre l’objectif fixé par votre amendement, celui-ci s’avère inutile. J’en suggère le retrait.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 8 modifié.

Article 9
Opposabilité de l’accord

L’article 9 de la proposition de loi dispose que l’accord conclu par la voie d’une médiation n’est opposable qu’aux victimes qui y adhèrent dans les délais et les modalités qui y sont fixés. L’acquiescement du requérant, association ou syndicat, ne met donc pas forcément un terme à l’action en responsabilité : les victimes qui ne s’y joignent pas peuvent valablement agir en justice par la voie des recours de droit commun, l’article 12 de la proposition de loi excluant la perspective d’une nouvelle action de groupe.

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de nature rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l’article 9.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL21 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

CHAPITRE III
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Le chapitre III de la proposition de loi comporte six dispositions d’ordre général qui précisent le régime juridique de l’action de groupe en matière de lutte contre les discriminations.

Article 10
Délai de prescription

L’article 10 de la proposition de loi prévoit la suspension des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des discriminations constatées par le jugement sur la responsabilité prévu à l’article 3. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, soit à compter du jour où le jugement sur la responsabilité est devenu définitif, soit à partir de la date de l’homologation par le juge de l’accord consécutif à une médiation (90). Une disposition similaire s’applique à l’action de groupe en matière commerciale conformément à l’article L. 423-20 du code de la consommation ; une mention identique est prévu dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé.

L’intention du législateur est que toutes les actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés dans le jugement sur la responsabilité voient leur prescription suspendue, et non celles des seuls consommateurs ayant adhéré au groupe.

Cette disposition contribue à assurer le respect de la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts : le Conseil constitutionnel s’y est montré particulièrement sensible dans son examen de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation en soulignant que, au vu de la procédure adoptée alors par le législateur, « manque en fait le grief tiré de ce que les dispositions contestées auraient pour effet d’attraire des consommateurs à une procédure sans qu’ils aient été en mesure d’y consentir en pleine connaissance de cause (91) ».

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de nature rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l’article 10.

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* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL22 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 10 modifié.

Article 11
Limitation aux parties et au champ du litige de l’autorité de la chose jugée

L’article 11 de la proposition de loi correspond à la combinaison des articles L. 423-21 et L. 423-22 du code de la consommation relatifs à l’action de groupe en matière commerciale.

L’alinéa premier de l’article 11 précise que le jugement sur la responsabilité prévu à l’article 3 et l’homologation judiciaire de l’accord issu d’une médiation mentionnée au chapitre II ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure (92). Cette précision laisse entendre que les victimes qui n’auront pas été indemnisées ne seront pas tenus par l’action de groupe, même si elles s’y sont jointes, ce qui les autoriseraient à conduire leur propre action individuelle, qui pourrait être fondée sur les mêmes faits reprochés au défendeur et sur le même préjudice (93).

Le second alinéa de l’article 11 indique que l’adhésion au groupe ne fait pas obstacle à une action selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par la décision mentionnée à l’article 3 ou par un accord homologué en application du chapitre II (94). Comme l’article 10, cette disposition préserve le droit constitutionnel au recours et à la réparation de son préjudice, conformément au principe selon lequel « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (95) ».

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements, l’un de nature rédactionnelle et l’autre rectifiant une erreur de référence. Elle a ensuite adopté l’article 11.

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* *

La Commission adopte successivement les amendements de correction CL23 et de précision CL24, tous deux du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Article 12
Principe Non bis in idem

L’article 12 de la proposition de loi, qui fait écho à l’article L. 423-23 du code de la consommation pour l’action de groupe en matière commerciale, ordonne l’irrecevabilité d’une action de groupe ayant le même objet (96) et la même cause (97) qu’une action ayant déjà fait l’objet du jugement mentionné sur la responsabilité prévu à l’article 3 à l’encontre de la même personne ou d’un accord homologué en application du chapitre II. Ce dispositif permet d’éviter qu’un même défendeur fasse l’objet d’actions de groupe successives pour les mêmes faits, ce qui l’attrairait en permanence au même procès.

Il vise, dans un souci de sécurité et de stabilité juridiques, à éviter qu’un professionnel puisse faire l’objet (sans exclure cependant des actions de groupe concurrentes, dès lors qu’elles ont toutes été introduites avant qu’une action de groupe identique ait déjà été jugée). En effet, l’autorité de la chose jugée définie par l’article 1351 du code civil ne s’attacherait pas à de tels cas : il y a bien identité de l’objet et de la cause de la demande ainsi que du défendeur, mais les parties requérantes représentées ne sont pas les mêmes. Cette garantie légitimement accordée au défendeur rend d’autant plus cruciale la bonne mise en œuvre des mesures de publicité de l’action de groupe, entre le jugement sur la responsabilité et la décision de constitution du groupe, pour permettre aux personnes concernées d’exercer leur faculté d’adhésion à l’action de groupe.

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté deux amendements de nature rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l’article 12.

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* *

La Commission adopte successivement les amendements de cohérence rédactionnelle CL26 et de précision CL25, tous deux du rapporteur.

Après quoi, elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13
Intervention à l’instance

L’article 13 de la proposition de loi constitue le pendant de l’article L. 423-24 du code de la consommation pour l’action de groupe en matière commerciale. Il autorise l’intervention à titre accessoire à l’instance (98) de toute association et de tout syndicat remplissant des critères identiques à ceux exigés à l’article 1er pour l’introduction d’une action de groupe.

Tout intervenant peut solliciter du juge sa substitution dans les droits du requérant en cas de défaillance de cette dernière. Le juge statue sur la demande après avoir recueilli les informations écrites du requérant, et sa décision peut être contestée selon la procédure d’exception d’incompétence (99).

Cette disposition répond à la crainte d’un échec d’une action de groupe en raison de la faiblesse ou du manque de professionnalisme de l’association ou du syndicat qui en est à l’origine.

Sur proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement de nature rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l’article 13.

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* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL27 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

Article 14
Interdiction de la clause d’exclusion des actions de groupe

L’article 14 de la proposition de loi répute non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne physique de participer à une action de groupe en matière de lutte contre les discriminations (100). Il est probable que, si la loi était demeurée silencieuse sur ce point, la jurisprudence serait à terme parvenue à la même conclusion : on ne peut que difficilement renoncer par convention à un droit d’agir en justice selon une procédure déterminée par la loi.

La commission des Lois a adopté l’article 14 sans modification.

*

* *

La Commission adopte l’article 14 sans modification.

Article 15 [supprimé]
Compétence du tribunal de grande instance

L’article 15 de la proposition de loi confère aux tribunaux de grande instance territorialement compétents le soin de connaître des actions de groupe engagées en matière de lutte contre les discriminations, complétant sur ce point l’article 1er aux termes duquel la compétence échoit aux conseils de prud’hommes lorsque l’action de groupe est introduite par une organisation syndicale représentative.

En cohérence avec les amendements adoptés à l’article 1er qui mentionne désormais explicitement les juridictions devant lesquelles peut être engagée une action de groupe en matière de lutte contre les discriminations, la commission des Lois a procédé à la suppression de l’article 15 sur proposition du rapporteur.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CL28 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence visant à supprimer l’article 15.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 15 est supprimé.

Titre

La Commission est saisie de l’amendement CL30 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à clarifier l’objet de la proposition de loi en substituant aux mots « discrimination et de lutte contre les inégalités », les mots « lutte contre les discriminations ».

La Commission adopte l’amendement.

Ce faisant, elle adopte le titre de la proposition de loi modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités (n° 1699), dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités

Proposition de loi instaurant une action de groupe en matière de lutte contre les discriminations

amendement CL30 rectifié

 

Chapitre IER

Chapitre IER

 

Caractères et modalités de l’action de groupe

Caractères et modalités de l’action de groupe

 

Section 1

Section 1

 

Champ d’application et qualité pour agir

Champ d’application et qualité pour agir

 

Article 1er

Article 1er

Code du travail

Art. L. 2121-1. – Cf. annexe

Loi n° 2008-496 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

Art. 1er. – Cf. annexe

Code pénal

Art. 225-1 et 225-1-1. – Cf. annexe

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de lutter contre les discriminations, ainsi que toute organisation syndicale représentative au sens de l’article L. 2121-1 du code du travail, peut agir respectivement, soit devant la juridiction définie à l’article 15, soit devant les conseils de prud’hommes afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des personnes placées dans une situation comparable et ayant pour cause une discrimination directe ou indirecte au sens de l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 modifiée par la loi du 6 août 2012 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui soit imputable aux personnes physiques ou morales.

… peut agir soit devant le tribunal de grande instance territorialement compétent, soit devant le tribunal administratif territorialement compétent territorialement compétent afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des personnes placées dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause une discrimination au sens des articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal, qui soient imputables à des personnes …

amendements CL8, CL9,
CL11 et CL10

 

Article 2

Article 2

 

L’action de groupe est introduite selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

(Sans modification)

 

Section 2

Section 2

 

Jugement sur la responsabilité

Jugement sur la responsabilité

 

Article 3

Article 3

 

Le juge se prononce sur la responsabilité du défendeur au vu des cas individuels présentés par le requérant.

(Alinéa sans modification)

 

Dans la même décision, il définit le groupe et éventuellement les sous-groupes de victimes et en fixe les critères de rattachement.

Dans la même décision prononçant la responsabilité du défendeur, il définit le groupe et éventuellement les sous-groupes de victimes et il en fixe …

amendements CL13 et CL14

 

Il détermine le montant des préjudices individuels pour chaque victime ou chaque groupe et, le cas échéant, sous-groupe de victimes, ou tous les éléments permettant l’évaluation de ces préjudices.

… cas échéant, chaque sous-groupe …

amendement CL15

 

Il peut ordonner la communication par le défendeur de toute information ou pièce nécessaire à la mise en œuvre du présent article.

Il peut ordonner toute mesure d’instruction et la communication …

amendement CL4

   

Le requérant peut s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée, dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, pour l’assister.

   

Lorsqu’il statue sur la responsabilité, le juge peut condamner le défendeur au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par le requérant.

amendement CL5

 

Article 4

Article 4

 

Dans sa décision prononçant la responsabilité du défendeur, le juge :

(Alinéa sans modification)

 

1° Ordonne les mesures nécessaires pour informer les personnes susceptibles d’appartenir au groupe, ou le cas échéant à certains des sous-groupes qu’il a définis ;

1° 

… groupe, et, le cas échéant, aux sous-groupes …

amendement CL16

 

2° Fixe le délai dont disposent les victimes pour adhérer au groupe afin d’obtenir la réparation de leur préjudice. Ce délai ne peut être inférieur à deux mois ni supérieur à six mois après l’achèvement des mesures de publicité ordonnées par lui.

2° Fixe le délai qui leur est imparti pour …

amendement CL17

 

Le juge détermine les modalités de cette adhésion.

(Alinéa sans modification)

 

L’adhésion vaut mandat au profit du requérant aux fins de représentation pour toute la suite de la procédure ; elle ne vaut, ni n’implique adhésion à l’association ou au syndicat requérant.

(Alinéa sans modification)

 

Les mesures ordonnées au titre du 1° du présent article sont aux frais du défendeur. Toutefois, le requérant peut avancer tout ou partie des fonds nécessaires à leur mise en œuvre.

(Alinéa sans modification)

 

Section 3

Section 3

 

Liquidation des préjudices et exécution

Liquidation des préjudices et exécution

 

Article 5

Article 5

 

À l’expiration du délai mentionné au 2° de l’article 4, le juge recueille les observations des parties, établit la liste des personnes recevables à obtenir une indemnisation et condamne le défendeur à procéder à cette indemnisation selon des modalités qu’il fixe.

(Sans modification)

 

Le juge peut ordonner à titre conservatoire la mise sous séquestre de tout ou partie des sommes dues par le défendeur.

 
 

Article 6

Article 6

 

En cas de difficulté d’exécution de la décision, le requérant peut entreprendre toutes démarches, y compris judiciaires, en vue d’y remédier au nom et pour le compte des personnes concernées.

… de la décision mentionnée à l’article 5, le requérant …

amendement CL18

 

Il représente les victimes aux fins de l’exécution forcée de la décision mentionnée à l’article 5.

(Alinéa sans modification)

   

Chapitre II bis

   

Procédure d’action de groupe simplifiée

   

Article 6 bis (nouveau)

   

Lorsque l’identité et le nombre des personnes lésées sont connus et lorsque celles-ci ont subi un préjudice d’un même montant ou d’un montant identique par référence à un événement, à une période ou à une durée, le juge, après avoir statué sur la responsabilité du défendeur, peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu’il fixe.

   

Préalablement à son exécution, selon des modalités et dans le délai fixés par le juge, cette décision, lorsqu’elle n’est plus susceptible de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation, fait l’objet de mesures d’information individuelle des personnes lésées, aux frais du défendeur, afin de leur permettre d’accepter d’être indemnisées dans les termes de la décision.

   

En cas d’inexécution, à l’égard des personnes ayant accepté l’indemnisation, de la décision rendue dans le délai fixé, l’article 6 est applicable et l’acceptation de l’indemnisation dans les termes de la décision vaut mandat aux fins d’indemnisation au profit de l’association.

   

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

amendement CL19

 

Chapitre II

Chapitre II

 

MÉDIATION ORGANISÉE DANS LE CADRE D’UNE ACTION DE GROUPE

MÉDIATION ORGANISÉE DANS LE CADRE D’UNE ACTION DE GROUPE

 

Article 7

Article 7

 

À tout moment, le requérant peut participer à une médiation dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels mentionnés à l’article 1er.

(Sans modification)

 

Article 8

Article 8

 

Tout accord ainsi négocié est soumis à l’homologation du juge, laquelle lui confère force exécutoire. Le juge vérifie que l’accord précise les délais et les modalités selon lesquels les victimes pourront y adhérer.

… modalités d’adhésion des victimes.

amendement CL20

 

Le juge peut prévoir, à la charge du défendeur les mesures nécessaires pour informer, par tous moyens appropriés, les victimes de l’existence de l’accord homologué.

(Alinéa sans modification)

 

Article 9

Article 9

 

L’accord n’est opposable qu’aux victimes qui y adhèrent dans les délais et les modalités qui y sont fixés.

… modalités fixés.

amendement CL21

 

Chapitre III

Chapitre III

 

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

 

Article 10

Article 10

Code civil

L’action mentionnée à l’article 1er suspend le délai de prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant de la discrimination constatée par la décision mentionnée à l’article 3.

(Alinéa sans modification)

Art. 2230. – La suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru.

Par dérogation à l’article 2230 du code civil, le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où les décisions prononcées en application des articles 3 et 5 ne sont plus susceptibles de recours ordinaires ou de pourvois en cassation, ou à compter du jour de l’homologation prévue au titre II.

… recours ordinaire ou de pourvoi en …

amendement CL22

 

Article 11

Article 11

 

Les décisions résultant des articles 3 et 5 ou de l’homologation de l’accord prévue à l’article 9 n’ont l’autorité de la chose jugée qu’à l’égard du défendeur et de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.

Les décisions résultant des articles 3 et 5 et l’homologation de l’accord prévue à l’article 8 n’ont …

amendement CL23

 

L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par la décision mentionnée à l’article 3 ou d’un accord homologué en application du titre II.

… application de l’article 8.

amendement CL24

 

Article 12

Article 12

 

La demande formulée sur le fondement de l’article 1er n’est pas recevable si elle a le même objet et la même cause qu’une action ayant déjà fait l’objet du jugement mentionné à l’article 3 à l’encontre de la même personne ou d’un accord homologué en application du titre II.

… fait l’objet de la décision mentionnéeà l’article  3 à l’encontre de la même personne ou d’un accord homologué en application de l’article 8.

amendements CL26 et CL25

 

Article 13

 

Code du travail

Art. L. 2121-1. – Cf. annexe

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de lutter contre les discriminations, ainsi que toute organisation syndicale représentative au sens de l’article L. 2121-1 du code du travail, peut intervenir à l’instance à titre accessoire sans avoir à justifier d’un intérêt à agir.

Toute association et toute organisation syndicale mentionnées à l’article 1er peuvent intervenir …

 

En cas de défaillance du requérant, tout intervenant à l’instance en application du premier alinéa peut solliciter du juge sa substitution dans les droits du requérant.

(Alinéa sans modification)

 

Le juge statue après avoir recueilli les observations écrites du requérant. Les recours contre cette décision sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.

(Alinéa sans modification)

 

Article 14

Article 14

 

Est réputé non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne physique de participer à une action de groupe.

(Sans modification)

 

Article 15

Article 15

 

Les tribunaux de grande instance territorialement compétents connaissent des actions de groupe engagées en application de la présente loi.

Supprimé

amendement CL28

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Art. 225-1, 225-1-1

Code du travail 84

Art. 2121-1

Loi du n° 2008-496 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations 85

Code pénal

Art. 225-1. – Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de l'apparence physique, du patronyme, du lieu de résidence, de l'état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l'orientation ou identité sexuelle, de l'âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales.

Art. 225-1-1. – Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés.

Code du travail

Art. L. 2121-1. – La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :

1° Le respect des valeurs républicaines ;

2° L'indépendance ;

3° La transparence financière ;

4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;

5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ;

6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;

7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations.

Loi n° 2008-496 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

Art. 1er. – Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle, son sexe ou son lieu de résidence, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.

La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

ASSOCIATIONS DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

l Association des paralysés de France

—  Mme Pascale Ribes, vice-présidente

—  Mme Julie Charpin, responsable droit des personnes et des structures

l Collectif contre l’islamophobie en France

—  Mme Lila Chares, responsable juridique

l Collectif national des associations d’obèses

—  Mme Anne-Sophie Joly, présidente

l Collectif national pour les droits des femmes

—  Mme Suzy Rojtman, porte-parole

l Conseil représentatif des associations noires de France

—  M. Louis-Georges Tin, président

l Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception

—  Mme Maya Surduts, présidente

l Le Refuge

—  Me Charles Bernier, avocat et bénévole

l Ligue des droits de l’Homme

—  Mme Nadia Doghramadjian, vice-présidente, co-responsable du groupe de travail « discriminations, racisme, antisémitisme »

—  M. Michel Miné, membre du comité central, co-responsable du groupe de travail « discriminations, racisme, antisémitisme »

l Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples

—  Mme Renée Le Mignot, co-présidente

—  Mme Michèle Fougeron, responsable de la commission « racisme, discriminations, xénophobie »

l Réseau d’aide aux victimes d’agression et de discrimination

—  Me Jean-Bernard Geoffroy, président

l SOS Racisme

—  M. Ibrahim Sorel Keita, vice-président

ENTREPRISES

l Confédération générale des petites et moyennes entreprises

—  M. Philippe Chognard, conseiller technique affaires sociales

l Mouvement des entreprises de France

—  M. Thibault Lanxade, vice-président en charge des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises

—  Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques

—  Mme Céline Micouin, directrice entreprises et société

—  M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques (101)

l Randstadt France

—  Mme Aline Crépin, directrice de la responsabilité sociétale de l’entreprise, déléguée générale de l’Institut Randstad pour l’égalité des chances et le développement durable

INSTITUTIONS

l Défenseur des droits

—  M. Jacques Toubon, Défenseur des droits

—  M. Richard Senghor, secrétaire général

—  M. Patrick Gohet, adjoint en charge de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité

—  Mme Sophie Latraverse, directrice de la mission expertise

—  Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire

l Ministère de la Justice

––  M. Nail Bouricha, conseiller juridictions administratives, libertés publiques et affaires institutionnelles

––  Mme Céline Roux, conseillère droit de la famille et droit de l’environnement

—  M. Élie Patrigeon, conseiller parlementaire

––  M. Cyril Noel, chef du bureau du droit constitutionnel et du droit public général

––  M. Damien Pons, membre du bureau du droit processuel et du droit social

––  Mme Stéfanie Tougas, stagiaire

JURISTES ET PROFESSIONS JURIDIQUES

l Conseil national des barreaux

—  Mme Clotilde Lepetit, présidente de la commission textes

—  M. Florent Loyseau de Grandmaison, vice-président de la commission libertés et droits de l’Homme

—  Mme Géraldine Cavaillé, chef du service juridique

l Ordre des avocats de Paris

—  M. Louis Degos, délégué du bâtonnier (102)

—  M. Joshua Adel, cabinet de conseil Proches

l Syndicat de la magistrature

—  M. Patrick Henriot, secrétaire national

—  Mme Marion Lagaillarde, secrétaire nationale

l Union syndicale des magistrats

—  Mme Marie-Jane Ody, vice-présidente

—  Mme Céline Parisot, secrétaire générale

UNIVERSITAIRES ET CLUBS DE RÉFLEXION

l Terra Nova

—  M. Thierry Pech, directeur général

l Université de Lumière-Lyon 2

—  M. Patrick Rozenblatt, professeur de sociologie, directeur de la chaire « égalité, inégalités et discriminations »

—  Mme Djaouida Sehili, maître de conférences en sociologie

© Assemblée nationale

1 () Romain Aeberhardt, Denis Fougère, Julien Pouget, et Roland Rathelot, L’emploi et les salaires des enfants d’immigrés, Institut national de la statistique et des études économiques, janvier 2011, n° 433-434.

2 () http://www.lesechos.fr/monde/europe/0204203011191-salaire-emploi-les-inegalites-hommes-femmes-persistent-dans-lue-1099150.php

3 () Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle.

4 () Directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ; directive 2000/78 du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ; directive 2002/73 du 23 septembre 2002 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ; directive 2004/113 du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ; directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

5 () Cour suprême des États-Unis, Griggs et al. v. Duke Power Co., 401 U.S. 42, 8 mars 1971. En l’espèce, une centrale électrique de Caroline du Nord exigeait de ses employés des diplômes secondaires pour accéder aux emplois les mieux rémunérés ce qui, dans un contexte de fin de ségrégation où les populations noires avaient reçu de longue date une éducation inférieure à celle dispensée aux populations blanches, a été qualifié par la Cour de discrimination raciale indirecte.

6 () Un exemple de cette forme de discrimination est celui des caractéristiques physiques exigées pour occuper certains emplois alors qu’elles ne sont pas directement reliées à la tâche. On a ainsi longtemps exigé des fonctionnaires de police une taille minimale.

7 () Article 121-3 du code pénal.

8 () Articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal.

9 () Article 225-2 du code pénal.

10 () Article 427 du code de procédure pénale : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. »

11 () Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances.

12 () Loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

13 () Article 30 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 précitée.

14 () Rapport du Défenseur des droits pour l’année 2014, p. 17.

15 () Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 17 février 2015, Comm DH (2015) 1.

16 () http://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/france-persistent-discrimination-endangers-human-rights

17 () La commission des Lois de l’Assemblée nationale a examiné le 27 mai 2015 la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage (n° 1610) sur le rapport de M. Dominique Raimbourg. Les recommandations du Conseil des droits de l’homme s’y trouvent pleinement appliquées.

18 () http://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/france-persistent-discrimination-endangers-human-rights

19 () Cette loi a transposé en droit français la directive 97/80/CE du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

20 () Le Conseil constitutionnel exige que ces éléments de fait dépassent les simples allégations. « Considérant que les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse instaurées par les dispositions critiquées ne sauraient dispenser celle-ci d’établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu’elle présente au soutien de l’allégation selon laquelle la décision prise à son égard constituerait une discrimination en matière de logement ou procéderait d’un harcèlement moral ou sexuel au travail ; qu’ainsi, la partie défenderesse sera mise en mesure de s’expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés et de prouver que sa décision est motivée, selon le cas, par la gestion normale de son patrimoine immobilier ou par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’en cas de doute, il appartiendra au juge, pour forger sa conviction, d’ordonner toutes mesures d’instruction utiles à la résolution du litige ; que, sous ces strictes réserves d’interprétation, les articles 158 et 169 ne méconnaissent pas le principe constitutionnel du respect des droits de la défense… » (décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, considérant n° 89).

21 () Cass. soc., 7 février 2012, n° 10-19.505. L’utilisation des indices et tableaux de comparaison était déjà acceptée comme moyen de démonstration de discriminations dans le déroulement de carrière (Cass. crim., 14 juin 2000, n° 99-81.108).

22 () Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, qui a modifié en ce sens l’article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

23 () « Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles 158 et 169 de la loi déférée aménagent la charge de la preuve en faveur des personnes qui considèrent que le refus de location d’un logement qui leur a été opposé trouve sa cause dans une discrimination prohibée par la loi, d’une part, et de celles qui s’estiment victimes d’un harcèlement moral ou sexuel, d’autre part ; qu’il ressort des termes mêmes des dispositions critiquées que les règles de preuve dérogatoires qu’elles instaurent trouvent à s’appliquer " en cas de litige " ; qu’il s’ensuit que ces règles ne sont pas applicables en matière pénale et ne sauraient, en conséquence, avoir pour objet ou pour effet de porter atteinte au principe de présomption d’innocence ; » (décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, considérant n° 84).

24 () Rapport d’information n° 94 (2014-2015) de Mme Esther Benbassa et M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des Lois du Sénat, déposé le 12 novembre 2014.

25 () Article introduit par la loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.

26 () Article 2-6 du code de procédure pénale pour les discriminations à raison du sexe et des mœurs ; article 2-8 pour les discriminations à raison du handicap et de l’état de santé.

27 () L’article L. 1134-3 du code du travail attribue la même faculté aux « associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap », sous réserve toutefois de justifier de l’accord de l’intéressé. L’article R. 779-9 du code de justice administrative étend cette disposition en contentieux administratif de la discrimination.

28 () Laurence Pécaut-Rivolier, Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif, rapport remis aux ministres du Travail, des Droits des femmes et de la Justice, décembre 2013, pp. 81-82.

29 () Cette hypothèse doit cependant être écartée, l’action en substitution étant prévue par la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

30 () Avis n° 1123 de M. Sébastien Denaja fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la consommation, déposé le 11 juin 2013

31 () La procédure de jonction des instances permet au même juge de se prononcer sur plusieurs cas à l’occasion du même procès. En France, l’article 367 du code de procédure civile conditionne une jonction à l’intérêt d’une bonne justice ; elle est prononcée sur requête des parties ou d’office.

32 () Les sentences sont particulièrement redoutées par les défendeurs car la common law connaît la notion de « dommages exemplaires » ou « dommages punitifs » qui ont vocation à dissuader les comportements préjudiciables à la bonne marche de la société et qui s’ajoutent aux réparations classiques. Le droit français n’admet pas cette notion, considérant que la victime n’a aucun droit à une indemnité excédant le montant de son préjudice. Des montants très élevés ont été accordés par des jurys populaires (2,7 millions de dollars en première instance dans l’affaire Liebeck v. McDonald’s Restaurants où la plaignante s’était brûlée avec un café trop chaud).

33 () Ainsi la pratique du forum shopping, c’est-à-dire à la saisine des tribunaux réputés les plus favorables à la cause des requérants, a-t-elle été limitée.

34 () Un recours collectif ne peut, par exemple, être engagé sur la seule base de coupures de presse (Cour supérieure du Québec, 17 janvier 2006, Option Consommateurs c/ Novopharm Ltd.).

35 () Les requérants peuvent s’accorder pour désigner l’un d’entre eux.

36 () Règlement relatif à la procédure civile, partie 19, section III.

37 () Dès 1981, dans son discours prononcé lors des quatrièmes journées du droit de la consommation, Mme Catherine Lalumière, ministre de la Consommation, évoquait la nécessité d’une « étude sur les modalités de mise en œuvre de la procédure de recours collectif au sens de l’action de groupe » (Consommateurs actualités, n° 311, 11 décembre 1981). La doctrine nourrissait également le débat (Francis Caballero, « Plaidons par procureur ! De l’archaïsme procédural à l’action de groupe », RTD civ. 1985, p. 247 : « Nos processualistes sont dramatiquement absents des débats actuels sur l’introduction d’une action de groupe en France. La comparaison est cruelle avec leurs collègues des pays développés qui, dans leurs ordres juridiques respectifs, remplissent normalement leur rôle. »

38 () Anne-Sophie Choné-Grimaldi, « L’action de groupe à la française : tout vient à point à qui sait attendre ! », Responsabilité civile et assurances n° 5, mai 2014.

39 () Décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, Loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion.

40 () Xavier Lagarde, Rapport de synthèse in Les actions de groupe, implications processuelles et substantielle, Lamy droit civil 2006/33, p. 83, n° 5 : « L’atteinte au principe de l’égalité des armes paraît, elle, indiscutable dès lors que le défendeur ne connaît pas précisément l’identité de son contradicteur ».

41 () Décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014, Loi relative à la consommation.

42 () Article L. 423-3 du code de la consommation.

43 () Article L. 423-4 du code de la consommation.

44 () Article L. 423-5 du code de la consommation.

45 () Article L. 423-11 du code de la consommation.

46 () Article L. 423-10 du code de la consommation.

47 () Articles L. 423-15 et L. 423-16 du code de la consommation.

48 () Mathieu Brochier, « La transaction de groupe – Les particularités de la transaction dans l’action de groupe », La Semaine juridique Entreprise et Affaires, n° 49, 4 décembre 2014.

49 () La doctrine anglo-saxonne parle de private enforcement de la règle – application de la règle de droit sous la contrainte d’acteurs privés.

50 () Laurence Pécaut-Rivolier, Lutter contre la discrimination au travail : un défi collectif, rapport remis aux ministres de la Justice, du Travail et des Droits des femmes, 17 décembre 2013, p. 91.

51 () L’article 225-2 du code pénal réprime toute discrimination d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La discrimination elle-même fait l’objet d’une définition aux articles 225-1 et 225-1-1 précédents.

52 () Il convient de distinguer l’action civile, qui vise à la réparation d’un préjudice au bénéfice de la victime du dommage, et l’action publique (ou pénale), dont le fondement consiste dans la répression de comportements nuisibles à la bonne marche de la société. Si un dommage résulte à la fois d’une faute civile et d’une faute pénale, ou plus probablement d’une faute unique qualifiable à la fois civilement et pénalement, il peut être poursuivi soit devant la juridiction civile uniquement dans le cadre de l’action civile, soit devant la juridiction pénale uniquement dans le cadre de l’action publique, soit devant la juridiction pénale dans le cadre des actions civile et publique conjointes. L’article 3 du code de procédure pénale précise en effet que « l’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction ». L’obtention de dommages et intérêts accordés par un tribunal civil ne ferme cependant pas la porte à l’engagement subséquent d’une procédure pénale dès lors que l’action en la matière n’est pas frappée de prescription. L’article 4 du code de procédure pénale indique que « l’action civile en réparation du dommage (…) peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique » à la seule condition que le juge civil sursoie à statuer dans l’attente du jugement pénal.

53 () Seule serait écartée une action portant sur des faits déjà sanctionnés qu’intenterait une personne déjà indemnisée, en vertu du principe Non bis in idem – Pas deux fois pour la même chose.

54 () Au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

55 () Les articles 1er et 2 de la loi du 17 mars 2014 sont notamment codifiés aux articles L. 423-1 à L. 423-26 du code de la consommation ainsi qu’à l’article L. 211-15 du code de l’organisation judiciaire.

56 () Considérant n° 27 de la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014.

57 () Article 45 du projet de loi de modernisation de notre système de santé.

58 () Aux termes de l’article 34 de la Constitution, relèvent notamment du domaine de la loi « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».

59 () Selon l’article 31 du nouveau code de procédure civile, « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »

60 () Article 2-2 du code de procédure pénale. Constitue en effet « une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel » aux termes de l’article 225-1-1 du code pénal.

61 () Article 2-6 du code de procédure pénale.

62 () Article 2-8 du code de procédure pénale.

63 () C’est ce qu’indique l’article L. 423-1 du code de la consommation. Ces associations sont agréées « après avis du ministère public, compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ». Les critères d’agrément, précisés par l’article R. 411-1 du même code, sont au nombre de trois : justifier, à la date de la demande d’agrément, d’une année d’existence ; justifier, pendant cette année d’existence, d’une activité effective et publique en vue de la défense des intérêts des consommateurs ; réunir, à la date de la demande d’agrément, un nombre de membres cotisant individuellement au moins égal à dix mille. L’agrément national est accordé par arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du garde des Sceaux, pour une durée de cinq ans.

64 () L’agrément national est prononcé sur avis conforme d’une commission nationale comprenant des représentants de l’État, dont un membre du Conseil d’État et un membre de la Cour de cassation en activité ou honoraire, des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat et des personnalités qualifiées. Il est notamment subordonné à l’activité effective et publique de l’association en vue de la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé ainsi qu’aux actions de formation et d’information qu’elle conduit, à la transparence de sa gestion, à sa représentativité et à son indépendance. Les conditions d’agrément sont précisées aux articles R. 1114-1 à R. 1114-4 du code de la santé publique.

65 () « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. »

66 () Article 3.

67 () Une règle défavorisant les salariés à temps partiel peut, par exemple, constituer une discrimination indirecte fondée sur le sexe, puisque statistiquement une nette majorité des salariés à temps partiel sont des femmes. Si le règlement interne d’une entreprise réserve une prime aux trois salariés qui sur l’année effectuent volontairement le plus d’heures supplémentaires, cette disposition risque d’être préjudiciable aux travailleurs à temps partiel qui eux, généralement sont peu disponibles pour effectuer des heures de travail en plus. Si beaucoup de travailleurs à temps partiel dans l’entreprise sont des femmes, alors il s’agira d’une discrimination indirecte sur base du sexe. De même, des différenciations fondées sur l’ancienneté ou l’expérience peuvent s’analyser en discriminations indirectes fondées sur l’âge.

68 () Par exemple, le premier alinéa de l’article L. 112-1-1 du code de la mutualité énonce : « Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe. »

69 () L’étude d’impact jointe au projet de loi justifiait cette exclusion au motif que les dommages autres que matériels relèvent d’une appréciation individuelle et non collective. Cette argumentation n’a pas convaincu.

70 () Le professionnel n’est défini ni par la loi, ni par le règlement. Selon la doctrine, il est « la personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distribution ou de prestation de service » (Jean Calais-Auloy, Droit de la consommation, Dalloz, 2010).

71 () Amendement n° 1132 de la rapporteure Hélène Geoffroy adopté lors de la deuxième séance du vendredi 10 avril 2015.

72 () Des interprétations utiles figurent également dans la circulaire du 26 septembre 2015 du ministère de la Justice de présentation des dispositions de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et du décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l’action de groupe en matière de consommation.

73 () Articles R. 423-1 et R. 423-2 du code de la consommation. La circulaire précitée indique par ailleurs que les autres règles de compétence spécifiques sont exclues par la règle nouvelle.

74 () Articles R. 423-3 du code de la consommation.

75 () Articles R. 423-6 et R. 423-7 du code de la consommation.

76 () Articles R. 423-14 à R. 423-17 du code de la consommation.

77 () Proposition pour un code de la consommation, Rapport au Premier ministre de la commission pour la codification du droit de la consommation, La documentation française, 1990, p. 111.

78 () Rapport pour avis n° 792 de Mme Nicole Bonnefoy au nom de la commission des Lois du Sénat, 23 juillet 2013.

79 () Aux termes de cet article, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

80 () Notamment les articles R. 611-1 à R. 626-4.

81 () Les frais visés, ou « frais irrépétibles », sont engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du code de procédure civile et par l’article R. 761-1 du code de justice administrative. L’essentiel de ces frais correspond généralement aux honoraires de conseil des avocats. À l’issue du litige, la partie gagnante peut obtenir que la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, soit condamnée à lui payer une somme au titre de ces frais.

82 () Somme dont une partie sollicite le versement par son adversaire à titre provisoire pour lui permettre de faire face aux frais que la procédure va entraîner. La demande de provision ad litem est de la compétence, devant le tribunal de grande instance, du juge de la mise en état (article 771 du code de procédure civile).

83 () Article L. 423-5 du code de la consommation.

84 () En droit, la notion de liquidation des préjudices renvoie à l’opération globale de détermination du montant des créances correspondantes et de leur règlement. Elle est normalement réalisée par le débiteur en l’absence de contestation, par la justice en cas de litige. L’article 5 opte pour confier directement cette responsabilité au juge, ce qui ne manque pas de cohérence dans la mesure où il dispose de tous les éléments pour procéder au mieux à la fixation des montants.

85 () Article 1281-1 du code de procédure civile.

86 () Décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014.

87 () Articles L. 423-15 et L. 423-16 du code de la consommation.

88 () Dans certaines circonstances, la loi subordonne l’efficacité d’un acte juridique à un contrôle de conformité confié à un tribunal. Le jugement qui confère autorité à cet acte est un jugement dit d’homologation. L’exequatur, qui donne effet juridique en France à une décision de justice ou à une sentence arbitrale prononcée à l’étranger, est une des formes d’homologation les plus connues.

89 () Article 21-5 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile.

90 () Cette disposition déroge à l’article 2230 du code civil aux termes duquel la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru. La prorogation d’au moins six mois de l’échéance de la prescription vise à prendre en compte le temps nécessaire, une fois la décision du juge rendue, pour que les formalités de publicité soient mises en œuvre et que les consommateurs puissent se joindre ou non à l’action.

91 () Considérant n° 16 de la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014.

92 () L’autorité de la chose est normalement conférée dès le prononcé du jugement, de sorte qu’une nouvelle demande identique, fût-elle assortie de nouveaux éléments de preuve, est irrecevable. Même en cas d’appel, l’autorité qui s’attache au jugement est conservé jusqu’à ce que la juridiction de second degré ait statué (Cass. 2e civ., 4 juin 2009, pourvoi n° 08-15837). L’action de groupe lie cependant l’autorité de la chose jugée à l’exécution effective de ces décisions de justice, ce qui constitue une étrangeté. Le Conseil constitutionnel n’en a pas fait cas dans sa décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 sur la loi relative à la consommation (considérants n° 10 et 16).

93 () Rien ne mentionne l’autorité de chose jugée du second jugement, prévu à l’article 5, qui établit la liste des personnes recevables à obtenir une indemnisation et condamne le défendeur à y procéder. Il semble cohérent d’en déduire qu’il constitue par lui-même la réparation effective des préjudices et le terme de la procédure, ce qui le soumet au droit commun et permet de déterminer avec précision la date de cette réparation.

94 () Il en va naturellement de même des personnes victimes de discriminations perpétrées par le défendeur et qui n’ont pas adhéré au groupe.

95 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, Époux L., considérant n° 10. Le Conseil constitutionnel fonde ce principe sur l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, selon lequel « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

96 () Selon l’article 4 du code de procédure civile, « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. »

97 () La cause est la catégorie juridique qui donne consistance à la prétention. Ainsi on parle de la « cause de la demande ».

98 () L’intervention est le fait, pour une personne qui jusque-là n’était pas partie au procès, d’entrer dans la procédure. Elle est dite principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie (articles 329 et 330 du code de procédure civile).

99 () Articles 75 à 99 du code de procédure civile.

100 () L’article L. 423-25 du code de la consommation dispose de même pour l’action de groupe en matière commerciale.

101 () Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

102 () Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.