N° 3093 - Rapport de M. Guy Geoffroy sur la proposition de loi de M. Marc Le Fur et plusieurs de ses collègues visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire (2960)




N
° 3093

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 2960) visant à rétablir pour les mineurs l'autorisation de sortie du territoire

PAR M. Guy GEOFFROY

Député

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SOMMAIRE

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Pages

I. L’ÉTAT DU DROIT 7

A. L’ANCIENNE AUTORISATION DE SORTIE DU TERRITOIRE 7

B. UNE MAUVAISE INTERPRÉTATION DES DISPOSITIFS COMPLÉMENTAIRES CRÉÉS EN 2010 7

1. L’interdiction de sortie du territoire (IST) 7

2. L’opposition à la sortie du territoire (OST) 8

3. Une interprétation erronée des dispositifs d’IST et d’OST 9

C. UN DROIT DEVENU PERMISSIF ET DANGEREUX 10

1. Une liberté complète 10

2. Une persistance résiduelle de l’autorisation de sortie du territoire qui atteste de sa nécessité 11

II. L’OPPORTUNITÉ D’UN RÉTABLISSEMENT DE L’AUTORISATION DE SORTIE DU TERRITOIRE 12

A. LA PERTINENCE D’UNE ACTION LÉGISLATIVE 12

B. UNE OBLIGATION DE PROTECTION DES ENFANTS FACE AUX DANGERS DU MONDE CONTEMPORAIN 13

1. La minorité, mécanisme de protection des enfants 13

2. Une réponse à un contexte international troublé 14

DISCUSSION GÉNÉRALE 17

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 23

Article unique (art. 371-6 [nouveau] du code civil) : Autorisation de sortie du territoire pour les mineurs 23

TABLEAU COMPARATIF 25

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Il est des champs de l’action publique dans lesquels les oppositions idéologiques n’ont pas lieu d’être. La protection des enfants en fait partie. L’Assemblée nationale l’avait affirmé, le mardi 29 juin 2010, en votant à l’unanimité le texte qui allait devenir la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

C’est dans la continuité de cette loi consensuelle que s’inscrit la présente proposition de loi ; c’est du même esprit de concorde qu’elle se réclame. La suppression de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs, incidemment opérée par une circulaire du 20 novembre 2012 prise en application de la loi du 9 juillet 2010, apparaît aujourd’hui comme une erreur préjudiciable aux intérêts des familles et à la sécurité des enfants. Parce qu’elle permet à tout mineur de quitter le territoire français sans être accompagné de ses parents et sans même exiger que ces derniers en soient simplement informés, elle expose ces enfants à des risques considérables dans un contexte international par ailleurs délicat.

Conditionner le franchissement des frontières par un mineur à un formulaire signé par ses parents n’est évidemment pas une panacée : tout document est falsifiable ; une entreprise condamnable peut être poursuivie avec l’aval parental ; aucun système de contrôle n’est exempt de failles. Pour autant, il ne fait aucun doute qu’une précaution, fût-elle imparfaite, vaut mieux qu’une permissivité totale.

Il appartiendra au débat parlementaire d’abord, au pouvoir réglementaire ensuite, d’envisager les aménagements nécessaires pour garantir l’efficacité de la solution proposée.

Si un seul enfant peut être mis hors de danger grâce à ce dispositif, nul ne doit hésiter à le soutenir.

C’est dans cette perspective que, sans aucun vote défavorable, la commission des Lois a adopté la présente proposition de loi.

Dans une perspective de protection de l’enfance et de maîtrise des frontières, le droit français comprenait jusqu’à récemment plusieurs dispositifs de surveillance des mineurs quittant le territoire national :

– la circulaire du ministre de l’Intérieur n° 161 du 8 avril 1960 encadrait le franchissement des frontières métropolitaines par les mineurs français faisant partie de colonies de vacances ;

– les circulaires du ministre de l’Intérieur n° 81-46 et n° 81-252 du 9 juillet 1981 prévoyaient l’établissement par les directeurs d’école ou les chefs d’établissement de listes tenant lieu, après authentification par les préfets, d’autorisations collectives de sortie du territoire pour des mineurs qui effectuent en groupes des voyages scolaires à l’étranger. Une autorisation collective de sortie du territoire pouvait également être délivrée par le maire de la commune de l’établissement concerné ;

– la circulaire du ministre de l’Intérieur n° NOR/INT/D/90/00124/e du 11 mai 1990, relative au franchissement des frontières nationales par les mineurs de nationalité française, déterminait les règles applicables aux enfants voyageant en dehors d’un cadre organisé.

Ces dispositions instituaient un régime d’autorisation préalable à la sortie du territoire. Un mineur ne pouvait franchir la frontière sans disposer de l’accord express de ses parents ou, dans le cas d’une sortie scolaire ou parascolaire, du visa de l’autorité publique.

Le droit en vigueur a été complété à deux reprises au cours de l’année 2010 : par voie législative avec la création d’une interdiction judiciaire de sortie du territoire, par voie réglementaire avec la possibilité de faire opposition à la sortie de territoire.

La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, dont votre rapporteur fut à la fois l’un des principaux auteurs et le rapporteur, poursuivait notamment l’ambition de limiter l’impact des différends de couple sur le développement harmonieux de la personnalité de l’enfant.

L’une des dispositions de cette loi, introduite à l’initiative du rapporteur, avait pour but de mettre un terme à la recrudescence des cas dans lesquels une situation familiale délétère menait un des parents à kidnapper son enfant pour le conduire en territoire étranger. Ces situations trop fréquentes, qui donnaient lieu à des batailles judiciaires entre les institutions françaises et la justice du pays de destination, ne pouvaient être prévenues qu’en empêchant l’enfant de franchir les frontières nationales. Or, le mécanisme d’autorisation de sortie du territoire n’était à cette fin d’aucune utilité : en effet, l’accord d’un seul parent suffisait à satisfaire la formalité (1). En conséquence, le législateur a créé le dispositif d’interdiction judiciaire de sortie du territoire (IST) (2).

La procédure d’IST permet au juge aux affaires familiales (lorsqu’il prononce des mesures relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale) et au juge des enfants (dans sa fonction d’assistance éducative) de proscrire la sortie du territoire d’un mineur. L’IST est systématiquement inscrite au fichier des personnes recherchées (FPR) (3) et, sauf instruction contraire du magistrat, au système d’information Schengen (SIS) que partagent vingt-sept États du continent européen (4).

L’interdiction de sortie du territoire prononcée par le juge des enfants revêt un caractère absolu, mais elle ne peut excéder une durée de deux ans. Sans limitation dans le temps, la mesure décidée par le juge aux affaires familiales présente au contraire un caractère relatif : elle peut être levée par un accord ad hoc des deux parents. Dans les deux cas, la majorité de l’enfant met fin à la surveillance dont il a fait l’objet.

La principale faiblesse de l’IST réside dans la lourdeur de sa mise en œuvre. Dans un contexte familial très tendu, il est à craindre qu’un enlèvement survienne avant le prononcé d’une décision de justice destinée à l’empêcher. Conscient de la difficulté, le pouvoir réglementaire a complété le dispositif par un mécanisme d’opposition à la sortie du territoire (OST) avant même la promulgation de la loi du 9 juillet 2010.

L’opposition à la sortie du territoire d’un mineur est prévue au 3° du III de l’article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées. Elle est prononcée à titre conservatoire à la demande du titulaire de l’autorité parentale, ou d’un des titulaires conjoints de l’autorité parentale, pour empêcher la sortie du territoire national d’un mineur dans l’attente d’obtenir, par la voie judiciaire, une interdiction de sortie du territoire.

Les demandes d’OST sont formulées auprès des services préfectoraux ou, aux heures de fermeture des administrations, auprès des commissariats de police et des brigades de gendarmerie. Si le parent demandeur n’a pas précédemment introduit en justice une requête aux fins de prononcer une IST à l’encontre de son enfant, le préfet saisit en urgence le procureur de la République pour qu’il agisse en ce sens.

L’OST entraîne l’inscription du mineur au fichier des personnes recherchées pour une durée de quinze jours non renouvelable. Ce délai apparaît court, mais il est suffisant pour permettre au juge de statuer sur la demande d’IST.

La création de l’interdiction et de l’opposition à la sortie du territoire a constitué une avancée importante dans la lutte contre les enlèvements d’enfant par l’un de leurs parents. En ce sens, il s’agit de dispositifs tout à fait satisfaisants. Mais elle a aussi fait l’objet d’une mauvaise interprétation par le Gouvernement, lecture regrettable aux conséquences délicates pour les familles.

Le 20 novembre 2012, une circulaire interministérielle n° INTD1237286C précisant les modalités de l’IST et de l’OST a tiré argument du renforcement des dispositions légales et réglementaires pour décider la disparition des autorisations de sortie du territoire individuelles et collectives qui constituaient jusqu’alors le régime de droit commun. Leur suppression est devenue effective au 1er janvier 2013.

C’était interpréter très largement la volonté du législateur et méconnaître les objectifs qui l’avaient conduit à instituer l’interdiction judiciaire de sortie du territoire. La loi du 9 juillet 2010 s’inscrivait dans un cadre particulier : la prévention des violences qui peuvent advenir dans certaines familles. Elle n’a pas prétendu embrasser la totalité des relations parentales, ni protéger les mineurs de l’ensemble des dangers auxquels ils pourraient se trouver confrontés.

L’autorisation de sortie du territoire signée par les parents était la traduction directe du principe selon lequel ceux-ci sont responsables – juridiquement et moralement – de leur enfant. Le code civil ne laisse aucun doute sur ce point. L’article 371-1 proclame : « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. » La protection de la sécurité, de la santé et de la moralité de l’enfant implique bien que ce dernier ne puisse librement franchir des frontières internationales alors que ses parents n’en sont même pas informés. Ce n’est pas en vain que l’article 371-3 prévoit que « l’enfant ne peut, sans permission des père et mère, quitter la maison familiale et il ne peut en être retiré que dans les cas de nécessité que détermine la loi ».

Le système d’autorisation de sortie du territoire remplissait correctement son office : soumettre aux parents la possibilité pour leur enfant de quitter le territoire national et, le cas échéant, le lui interdire en refusant leur signature. Cette décision était prise dans l’intérêt de l’enfant car, dans la majorité des familles, c’est heureusement à cette aune que sont pesés les choix des pères et des mères.

En considérant que l’IST et l’OST venaient se substituer à ce mécanisme, le Gouvernement a commis une erreur d’interprétation car, ainsi qu’il a été dit, la création de ces dispositifs était une réponse à la multiplication des enlèvements d’enfants par leur propre parent. Le régime de droit commun ne pouvait empêcher cette situation qui correspond à une violation des obligations parentales.

Aucun des rapports parlementaires produits à l’occasion de la discussion de la loi du 9 juillet 2010 n’a formulé l’hypothèse d’une suppression des autorisations de sortie du territoire en conséquence de la création de l’IST (5). Le législateur ne pouvait imaginer qu’un dispositif destiné à des cas relativement rares, ceux dans lesquels un enfant doit être protégé de ses parents, puisse remettre en cause un mécanisme utile à l’écrasante majorité des familles, permettant aux parents de protéger leur enfant.

Le 1er janvier 2013 a vu la disparition des autorisations de sortie du territoire. Il en résulte un régime particulièrement laxiste dans lequel les mineurs peuvent, pratiquement sans contrôle, franchir les frontières et quitter le pays.

Il est désormais loisible à un mineur de se rendre à l’étranger à la seule condition de posséder la pièce d’identité exigée de tout voyageur – carte nationale d’identité ou passeport en cours de validité suivant les destinations. Le droit n’impose aucune limite d’âge. Sont donc concernés tant les adolescents que les enfants les plus jeunes.

La circulaire interministérielle du 20 novembre 2012 précise que les agents des polices aux frontières ne manqueront pas de consulter le fichier des personnes recherchées ou, le cas échéant, le système d’information Schengen. Certes, l’article 19 du « code frontières Schengen » (6) permet que des « modalités spécifiques de vérification », prévues à son annexe VII, s’appliquent aux mineurs. Les garde-frontières s’assurent, par une « vérification approfondie des documents de voyage et des autres documents », que les mineurs qui voyagent non accompagnés « ne quittent pas le territoire contre la volonté de la ou des personnes investies de l’autorité parentale à leur égard. » Mais ce dispositif suppose l’expression d’une volonté contraire par les parents, ce qui ne peut se concevoir en l’absence d’information préalable.

Rien ne s’oppose, désormais, à ce qu’un mineur quitte régulièrement la France s’il exécute son projet avant que ses parents aient eu le temps de solliciter une OST à son encontre auprès de la préfecture ou des forces de l’ordre.

Malgré la suppression des dispositifs d’autorisation de sortie du territoire, le droit et la pratique ont imposé sa persistance dans deux cas particuliers.

– En premier lieu, une autorisation doit être délivrée par les deux parents pour la sortie du territoire d’un enfant faisant l’objet d’une IST prononcée par le juge aux affaires familiales. Le décret n° 2012-1037 du 10 septembre 2012 prévoit que l’accord est recueilli par un officier de police judiciaire, cinq jours avant le départ, et que ce fonctionnaire en dresse un procès-verbal.

– En second lieu, la disparition des autorisations groupées de sortie du territoire a donné lieu à la circulaire du ministre de l’Éducation nationale n° 2013-106 du 16 juillet 2013. Outre les documents d’identité exigés des voyageurs de droit commun, les élèves concernés sont tenus de présenter une autorisation parentale. Le point III.2 de la circulaire, destiné aux collégiens et lycéens mais dont les prescriptions sont similaires à celles visant les écoliers, est particulièrement explicite :

« Une autorisation de participation d’un élève mineur à une sortie ou un voyage scolaire à caractère facultatif, dont le formulaire type est joint en annexe, doit être remplie et signée par la ou les personnes exerçant l’autorité parentale sur l’enfant. (…) Toutefois, certains pays n’acceptent l’entrée des mineurs sur leur territoire (ou la sortie de leur territoire) que s’ils sont munis d’une autorisation parentale visée par les autorités compétentes. Il convient donc de se renseigner auprès du consulat du pays de destination afin de vérifier qu’un tel document n’est pas exigé. »

Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères semble regretter la disparition des autorisations de sortie du territoire et, sur son site internet de conseil aux voyageurs français se rendant en Turquie, encourage les familles à substituer un acte privé à l’ancien laissez-passer public. Il suggère ainsi que « les mineurs voyageant non-accompagnés par leurs parents (…) doivent être munis, à défaut de passeport, d’une carte nationale d’identité dont la durée de validité devra dépasser d’au moins 150 jours la date de l’entrée en Turquie, d’une part, et d’une autorisation de voyage établie sous seing privé par le(s) parent(s) et comportant une signature légalisée ou, en cas de voyage scolaire, d’une attestation délivrée par le chef d’établissement, d’autre part. » (7).

Non seulement la suppression des autorisations de sortie du territoire est manifestement malvenue, mais son manque semble de surcroît constaté par deux ministères qui ont fait en sorte, avec plus ou moins d’efficacité, de la restaurer partiellement. Il convient que le législateur sorte de l’ambiguïté et rectifie l’erreur commise par le Gouvernement en 2012 en rétablissant le régime antérieur.

L’autorisation de sortie du territoire peut apparaître de nature réglementaire puisqu’elle a été instituée puis supprimée par voie de circulaire.

Toutefois, aux termes de l’article 34 de la Constitution, relèvent du domaine de la loi « les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Or la liberté d’aller et venir a été qualifiée par le Conseil constitutionnel (8) de « principe de valeur constitutionnelle », tandis que le Conseil d’État parle de « liberté fondamentale d’aller et de venir, laquelle n’est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter » (9).

Il semble donc bien opportun de recourir à la loi pour encadrer l’exercice de leur liberté d’aller et venir par les mineurs, sauf à voir dans une disposition réglementaire sur les modalités de franchissement des frontières une application de l’article 371-3 du code civil selon lequel « l’enfant ne peut, sans permission des père et mère, quitter la maison familiale ». Cette dernière interprétation apparaît toutefois hasardeuse à l’excès.

Par ailleurs, la proposition de loi prévoit d’insérer l’article portant rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire dans le chapitre du code civil traitant de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. La cohérence de ce positionnement satisfait votre rapporteur.

La famille constitue le premier rempart chargé de protéger l’enfant des périls du monde extérieur tant qu’il n’a pas atteint l’âge de raison. L’article 388 du code civil précise ainsi que « le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis. » Le premier alinéa de l’article 488 du même code prévoit, en conséquence, que « la majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile. »

Certes, la loi ordonne que tout mineur « capable de discernement » (10) soit entendu par un juge dans toute procédure le concernant, et qu’il soit associé aux décisions relatives à sa situation « selon son âge et son degré de maturité » (11). Il n’en demeure pas moins que les père et mère sont investis de l’autorité parentale (12) et administrateurs légaux chargés de représenter le mineur dans tous les actes civils (13).

Dans leur devoir de protection, les parents bénéficient du secours du droit et de la force publique. Le code pénal prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende à l’encontre de toute personne tentant « de soustraire, sans fraude ni violence, un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale » (14). En outre, on notera avec intérêt que, sans qu’une OST ou une IST ne soit nécessaire, l’inscription au fichier des personnes recherchées des enfants fugueurs est prévue par le droit (15) – mais encore faut-il, à nouveau, que le signalement de la disparition ait été accompli avec diligence.

En conséquence, il apparaît de bon sens de restaurer l’autorisation de sortie du territoire permettant d’assister les parents dans la protection de leur enfant. Ce mécanisme a existé jusqu’à récemment dans notre droit et existe encore dans la législation de divers États étrangers. Comment comprendre, par exemple, que la loi française proscrive – à bon escient – la présence d’un mineur de 17 ans dans un casino (16), mais que le droit considère parfaitement loisible à un enfant en âge de fréquenter une école élémentaire de se rendre à l’étranger pour peu qu’il dispose d’une carte nationale d’identité, sans même s’assurer que ses parents sont au courant de son voyage ? La France encadre drastiquement – à bon escient encore – le travail des mineurs, leur activité en tant qu’usager de la route, la nature des films qu’ils peuvent voir au cinéma (17), mais comment expliquer qu’elle facilite leur départ du territoire national en n’édictant aucune mesure de surveillance particulière à leur endroit ?

La protection des enfants ne saurait se résumer à une course de vitesse entre un mineur sur le départ et des parents désemparés par sa disparition. Par le retour à un système d’autorisation, les titulaires de l’autorité parentale ne pourraient plus être placés devant le fait accompli.

L’actualité fournit aux législateurs une raison supplémentaire de procéder au rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire. Dans un contexte où de nombreux parents ont été les témoins impuissants du départ de leur enfant mineur vers des zones de conflit armé à la suite d’une radicalisation qu’ils n’ont pu détecter à temps, les dispositifs issus des réformes de 2010 ont montré leur inadaptation aux enjeux.

Certes, le Gouvernement a tenté d’élargir l’opposition à la sortie du territoire, initialement réservée aux cas de conflit familial et aux enlèvements par un des parents, à la suspicion de terrorisme. Une instruction n° INTK1400256J du 5 mai 2014 a ouvert aux parents la possibilité de solliciter une OST en cas de crainte d’un départ à l’étranger sous l’influence de mouvements radicaux armés. Prononcée suivant une procédure identique à celle des OST motivée par des différends familiaux, elle emporte également une inscription au fichier des personnes recherchées. Elle est aussi plus étendue puisqu’elle court sur une durée de six mois renouvelables (contre deux semaines non renouvelables dans le dispositif familial).

Mais cette nouvelle « OST antiterroriste » présente la même faiblesse que le dispositif d’OST classique. Celle-ci a bien été identifiée par les députés membres de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes présidée par M. Éric Ciotti et dont M. Patrick Mennucci a rédigé le rapport : « Encore faut-il, pour qu’elle soit efficace, qu’un parent ait perçu, chez son enfant, le risque d’un éventuel départ vers une zone de djihad voire qu’un parent ne cautionne pas un tel départ » (18). En cohérence avec cette analyse de bon sens, la commission d’enquête avait recommandé « de revenir à l’état du droit qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 2010 et, ainsi, rétablir l’autorisation de sortie du territoire individuelle » (19).

La presse n’a pas manqué de se faire l’écho de la surprenante permissivité du droit français découlant de la circulaire du 20 novembre 2012. Dans un article titré « Le désarroi d’une mère de djihadiste devant la justice », le journal Le Monde a ainsi relaté, dans son édition du 10 juin 2015, la procédure engagée – et par la suite perdue – par une mère de famille devant le tribunal administratif de Paris :

« Les garçons ont décollé de Nice le lendemain vendredi, en début d’après-midi, par le vol de 14 heures. Ils sont partis en Syrie comme on part en week-end, avec une carte d’identité, et un aller simple pour Istanbul acheté moins de 100 euros sur Internet. Une fois en Turquie, le front syrien n’est plus qu’à quelques heures. Le trajet est tristement banal et connu de milliers d’apprentis djihadistes. Ce que ne comprend pas la mère de Bryan, une femme discrète, la quarantaine, quatre enfants et un poste d’employée de cantine, c’est comment son fils, mineur à l’époque, a pu embarquer pour la Turquie sans que personne ne vérifie qu’il avait l’accord de ses parents pour voyager. »

Votre rapporteur doit avouer qu’il ne le comprend pas davantage.

*

* *

Tout parent veut protéger son enfant. Cette protection nécessite de savoir ce que fait cet enfant. La suppression malvenue de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs a déjà coûté des vies et détruit des familles, sans qu’on ne puisse identifier les avantages qui en ont résulté et qui, de toute façon, ne compenseront pas les dégâts causés. La société réclame le rétablissement de ce dispositif ; les ministères de l’Éducation nationale et des Affaires étrangères formulent ouvertement des recommandations en ce sens. L’interdiction de sortie du territoire et l’opposition à la sortie de territoire ont leur utilité, mais elles ne répondent pas à l’objectif général de protection du mineur par ses parents.

Pour ces raisons, votre rapporteur recommande sans réserve l’adoption de la présente proposition de loi.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 30 septembre 2015, la Commission procède, sur le rapport de M. Guy Geoffroy, à l’examen de la proposition de loi visant à rétablir pour les mineurs l’autorisation de sortie du territoire (n° 2960).

M. Guy Geoffroy, rapporteur. J’ai l’honneur de rapporter cette proposition de loi au nom de mon groupe et, en particulier, de plusieurs de mes collègues dont Marc Le Fur, afin de réparer par la loi la conséquence involontaire d’une autre loi, votée à l’unanimité par notre assemblée et le Parlement tout entier. Il s’agit de rétablir le dispositif qui soumettait le franchissement des frontières françaises par un mineur à l’autorisation de ses parents.

Ce dispositif a été supprimé en novembre 2012, suite à ce que nous considérons comme une interprétation aléatoire de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. J’ai de bonnes raisons de croire à une mauvaise interprétation de cette loi : je la connais bien pour compter parmi ses auteurs et en avoir été le rapporteur. Elle avait pour objectif de mettre un terme aux enlèvements d’enfants dans les couples où les choses ne se passent pas comme elles le devraient.

Dès la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 – dont j’étais également le rapporteur –, le législateur a souhaité qu’en matière de violences intrafamiliales, le droit soit conçu pour réprimer non seulement tous les actes de violence commis pendant l’existence du couple, mais également tous ceux perpétrés après sa dissolution et par lesquels se poursuit la violence exercée par un membre du couple sur l’autre.

S’agissant des enfants, nous savons que d’autres types de violences se produisent après la séparation et, éventuellement, après la condamnation des auteurs de violence. D’autres événements très graves peuvent survenir. Des parents séparés, divorcés, qui partagent la charge des enfants dans des conditions douloureuses, peuvent se trouver en situation conflictuelle. Il arrive qu’un parent emporte son enfant à l’étranger, l’autre restant désemparé en France. La justice se trouve elle-même en difficulté parce qu’elle doit compenser avec des institutions locales qui, s’agissant de certains pays étrangers, partagent peu notre conception du droit – il s’agit d’un simple constat de ma part, n’y voyez aucune connotation. C’est pourquoi nous avons créé des procédures d’inscription préventive des enfants concernés au fichier des personnes recherchées pour que la police les arrête à la frontière. Cette procédure, qui fonctionne assez bien, doit être portée au crédit de la loi de 2010.

Le Gouvernement a tiré argument du succès de la mise en œuvre de ces dispositions pour supprimer l’autorisation de sortie du territoire signée des parents dont devait disposer un mineur quittant seul la France. Il en avait la possibilité, puisque celle-ci reposait sur une circulaire. Or nous avons constaté, à la lumière des événements récents, qu’il s’agissait d’une erreur. En 2010, nous avons traité le cas particulier d’un parent agissant contre l’intérêt de ses enfants, et nous n’envisagions pas que ce dispositif législatif, voté à l’unanimité je le rappelle, soit utilisé dans un cas plus général – celui dans lequel un parent veut le bien de ses enfants. C’est le rôle des parents de déterminer ce que peuvent faire ou non leurs enfants ; l’État se doit de ne pas intervenir, sauf s’il est avéré que les parents s’acquittent mal de leurs responsabilités.

Avant sa suppression, l’autorisation de sortie du territoire était exigée pour le passage de tout enfant quittant la France sans ses parents, qu’il le fasse seul ou en groupe. Elle était visée, suivant les cas, par le maire ou le préfet, ou encore par le directeur d’école ou le chef d’établissement dans le cadre de voyages scolaires à l’étranger. En supprimant cette autorisation, la France a aligné le droit des mineurs sur celui des majeurs. Cela veut dire que pour quitter la France seul et se rendre en Europe ou dans des pays amis de la France, un enfant n’a besoin aujourd’hui que de sa carte nationale d’identité. Cela peut conduire à des conséquences tout à fait aberrantes car il n’y a pas de limite d’âge. C’est possible à dix-huit ans moins deux jours, mais aussi à quinze ans, à dix ans, et pourquoi pas à cinq ans.

Il est facile de comprendre pourquoi mon groupe, dans un esprit qui n’est absolument pas lié à une quelconque actualité ou une volonté de se différencier par rapport à la majorité, a souhaité inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée.

La situation dans laquelle nous nous trouvons est parfaitement aberrante, j’espère vous en avoir convaincu. Je suis sûr qu’elle est ressentie comme telle par tous ceux qui, au sein de notre Commission, ont des enfants ou des petits-enfants. La loi commande à la police de laisser un enfant partir à l’étranger, sauf si ses parents ont préalablement saisi le juge ou le préfet pour le lui interdire. Or on ne le fait pas : d’une manière générale, il n’y a rien de particulier à craindre dans les familles.

Des pays voisins, tels que la Belgique, ont conservé l’autorisation de sortie du territoire ; on comprend pourquoi. Si le ministre de l’Intérieur estime que cette autorisation n’est pas nécessaire, ce n’est pas tout à fait l’avis de son collègue des Affaires étrangères qui recommande, sur le site internet du Quai d’Orsay, de délivrer une telle autorisation sous seing privé. Il a probablement de bonnes raisons pour cela, de même que la ministre de l’Éducation nationale, qui a donné pour consigne à ses personnels de maintenir la pratique antérieure pour les voyages scolaires. Il faut remettre tout cela en bon ordre, sous la protection de la loi. Ainsi, nous réparerons la conséquence malencontreuse d’un texte qui ne l’est pas.

Pourquoi agir par la loi ? Je réponds par avance à une objection qui a été faite aux propositions de loi précédentes mais qui, je le sais, ne sera pas utilisée contre ce texte qui ne suscite pas les mêmes confrontations idéologiques et politiques. La liberté d’aller et venir est un droit fondamental ; l’altérer ou la défendre est donc du domaine de la loi. C’est la raison pour laquelle l’article 34 de la Constitution me semble s’appliquer. Il s’agit bel et bien d’accorder des garanties fondamentales aux citoyens pour l’exercice de leurs libertés publiques.

J’en viens au contexte. Tout le monde est conscient que la situation internationale est troublée. Si des mineurs ont fugué de tout temps, pour toutes sortes de raisons, la plupart du temps pas très bonnes, il faut aujourd’hui compter parmi celles-ci un sujet qui préoccupe tous nos concitoyens et qui fait l’unanimité entre nous : l’appel au djihad. Nous savons que des réseaux existent pour endoctriner la jeunesse ; ils sont très structurés et sévissent notamment sur internet pour faciliter le départ des victimes que sont, la plupart du temps, les jeunes qui partent faire le djihad au Moyen-Orient.

En n’exigeant pas de formalité légale pour le voyage de ces mineurs, en particulier vers la Turquie, nous abandonnons ces jeunes et leur famille au plus grand désarroi. C’est une des raisons pour lesquelles il me semble absolument nécessaire d’adopter cette proposition de loi qui n’est pas, je le répète, fondée sur une posture mais sur un simple constat de bon sens. J’ai noté avec plaisir que ce souci était partagé par notre collègue Patrick Mennucci, qui a recommandé le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire dans son rapport d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes.

En conclusion, il s’agit tout simplement de protéger des enfants, de combler un vide, d’éviter des drames. Quand tel est le sujet, les querelles politiques sont inutiles. J’en appelle à la conscience de chacun et au bon sens collectif pour que nous puissions, tous ensemble, adopter cette proposition de loi et son article unique.

M. Patrick Mennucci. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, la commission d’enquête a proposé à l’unanimité le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire pour des raisons qui sont en grande partie celles que vous avez évoquées à l’instant.

Rappeler que le vote de la loi qui a précédé la circulaire gouvernementale du 20 novembre 2012 a été obtenu à l’unanimité de l’Assemblée nationale devrait permettre d’ôter tout aspect polémique à ce débat. Il ne peut donc pas y avoir dans cette discussion de volonté de mettre certains d’entre nous en difficulté. C’est ainsi que s’est exprimé le rapporteur et je l’en remercie.

Je vais voter en faveur de cette proposition de loi, mais permettez-moi toutefois quelques mots. Il ne faut pas sacraliser l’autorisation de sortie du territoire. Bien d’autres problématiques peuvent malheureusement conduire un mineur à se retrouver hors du champ de l’autorité parentale sur un territoire extérieur, voire sur un territoire ennemi.

Si nous rétablissons l’autorisation de sortie du territoire, nous devons aussi prendre en compte les critiques formulées au moment de sa suppression afin que cette mesure soit applicable et efficace. Tout d’abord, ce document est falsifiable. On raconte que, dans certaines municipalités, les mineurs pouvaient venir eux-mêmes déposer leur dossier. J’ai été maire et je ne l’aurais pas accepté ; j’ai toujours exigé du personnel de l’état civil que le dépôt du dossier se fasse en présence du ou des parents. Nous devons reprendre cette question et peut-être la traiter par voie d’amendement en séance publique.

Rappelons aussi que la détention d’un passeport valait, pour un mineur, présomption d’autorisation permanente de sortie du territoire. Un passeport attribué en 2015 à un mineur de douze ans sera toujours valable en 2020 alors que ce même mineur sera âgé de dix-sept ans. C’est aussi une question sur laquelle nous devrons nous pencher.

Une autre critique porte sur le travail qu’établir cette autorisation représentera pour les personnels habilités des mairies ou des gendarmeries dans les zones rurales. Alors que nous devrions plutôt réduire leur charge de travail, c’est une objection que l’on peut entendre.

Soucieux d’effectuer un suivi du travail de la commission d’enquête, son président Éric Ciotti et moi sommes en discussion avec le ministère de l’Intérieur sur ces questions et d’autres, ainsi qu’avec le ministère du Budget concernant la préparation du jaune budgétaire sur le terrorisme. Depuis la parution de la circulaire en 2012, le Gouvernement a incontestablement travaillé sérieusement sur ce dossier, notamment par l’intermédiaire de la plateforme de signalisation. Cette dernière a permis de faire prononcer par le procureur de la République un certain nombre d’interdictions de sortie du territoire pour des mineurs contre leur volonté, parfois contre celle de leurs parents ou parfois à la demande de ces derniers. De nombreuses statistiques montrent les difficultés de l’exercice. Mais le chiffre est faible : ce dispositif concerne quatre-vingt-sept personnes.

Nos services indiquent qu’aujourd’hui quatre-vingt-dix mineurs environ sont présents dans les territoires à cheval sur l’Irak et la Syrie, la plupart ayant accompagné leurs parents. Quinze mineurs seraient porteurs d’armes, notamment dans une organisation appelée « Lionceaux du Califat » qui entraîne des enfants soldats dans un cadre tout à fait répréhensible. Nous sommes bouleversés de savoir que des enfants français peuvent être soumis à de telles violences, même s’ils pratiquent eux-mêmes la violence.

Je voterai donc votre proposition de loi, non sans répéter que nous ne pouvons pas nous contenter de rétablir l’autorisation de sortie de territoire pour les mineurs ; il faut le faire en évitant les problèmes qui existaient avant son abrogation. Nous devons entrer en dialogue avec le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve pour obtenir des réponses aux questions qui ont été posées.

M. Christian Assaf. Ayant moi-même participé aux travaux de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes et voté le rapport de Patrick Mennucci, je soutiendrai aussi cette proposition de loi. Néanmoins, j’insiste sur les remarques qui ont été formulées.

Des raisons à l’évidence fondées nous ont conduits à faire figurer parmi les propositions du rapport d’enquête le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs. Néanmoins, ces propositions ne constituent pas l’alpha et l’oméga, et ne sont pas sans effets secondaires. Je souhaite, moi aussi que, des précisions soient apportées d’ici au débat en séance publique.

M. Dominique Raimbourg. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen souhaite que le débat se tienne en séance car, comme l’ont dit Patrick Mennucci, Christian Assaf ainsi que le rapporteur, nous avons besoin de progresser sur ces questions.

Certains d’entre nous voteront en faveur de cette proposition, d’autres vont s’abstenir, de façon à ouvrir le débat sur l’utilité de l’autorisation de sortie du territoire.

M. le rapporteur. Je remercie mes collègues commissaires, qui ont bien compris l’exposé de ma proposition. Je soutiens totalement les remarques de notre collègue Mennucci, mais contrairement à la pratique habituelle, je crois qu’il faut d’abord voter le texte de loi puis, avec l’accord du Gouvernement, immédiatement mettre en place tous les éléments qui permettront à cette nouvelle disposition législative d’entrer en vigueur avec le plus de pertinence et le moins de contraintes supplémentaires.

J’ai noté qu’il n’y aurait pas de vote hostile, ce qui me fait dire que cette proposition de loi devrait prospérer et nous devrions progresser, avec le Gouvernement, à partir de ce texte.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique
(art. 371-6 [nouveau] du code civil)

Autorisation de sortie du territoire pour les mineurs

Ainsi que votre rapporteur l’a précédemment exposé, le présent article vise à conditionner le franchissement des frontières nationales par un enfant non accompagné à la délivrance préalable d’une autorisation de sortie du territoire par les titulaires de l’autorité parentale.

Cette mesure, dont le principe est énoncé dans un nouvel article 371-6 du code civil, verrait ses conditions d’application précisées par décret en Conseil d’État. L’intervention du pouvoir réglementaire est nécessaire pour garantir une bonne articulation avec les dispositifs existants et définir les conditions dans lesquelles le consentement des titulaires de l’autorité parentale au départ des enfants devra être recueilli et vérifié.

Sont concernés les enfants mineurs non émancipés sur lesquels s’exerce l’autorité parentale conformément à l’article 371-1 du code civil. Dans la proposition de loi, l’usage du terme « enfant » a été préféré à celui de « mineur » en cohérence avec la rédaction de l’ensemble du titre IX du livre Ier du code civil.

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* *

La Commission adopte l’article unique sans modification.

Par conséquent, l’ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.

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* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à rétablir pour les mineurs l’autorisation de sortie du territoire, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi visant à rétablir pour les mineurs l’autorisation de sortie du territoire

Proposition de loi visant à rétablir pour les mineurs l’autorisation de sortie du territoire

 

Article unique

Article unique

 

Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil est complété par un article 371-6 ainsi rédigé :

(Sans modification)

 

« Art. 371-6. – L’enfant ne peut quitter le territoire national sans une autorisation de sortie du territoire signée des titulaires de l’autorité parentale.

 
 

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
© Assemblée nationale

1 () Ainsi que le prévoit l’article 372–2 du code civil : « À l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. »

2 () Article 3 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Le dispositif a été codifié aux articles 373-2-6 et 375-7 du code civil ; il a été précisé par le décret n° 2012-1037 du 10 septembre 2012 relatif à la mise en œuvre de l’interdiction de sortie du territoire du mineur sans l’autorisation des deux parents.

3 () Article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

4 () Article 4 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 précitée.

5 () Rapports de M. Guy Geoffroy au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale n° 2293 du 10 février 2010 et n° 2684 du 28 juin 2010, et rapport de M. François Pillet au nom de la commission des Lois du Sénat n° 564 du 17 juin 2010.

6 () Règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).

7 () Site internet du ministère des Affaires étrangères : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays/turquie-12316/

8 () Décision n° 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales. La liberté d’aller et venir se rattache à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et au principe général de liberté.

9 () Arrêt du 22 mai 1992, GISTI, req. n° 87043.

10 () Article 388-1 du code civil, premier alinéa.

11 () Article 371-1 du code civil, troisième alinéa.

12 () Article 372 du code civil.

13 () Articles 389 et suivants du code civil.

14 () Article 227-8 du code pénal.

15 () Le 4° du III de l’article 2 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées indique que « les personnes mineures ayant quitté leur domicile ou s’étant soustraites à l’autorité des personnes qui en ont la garde » peuvent être inscrites dans le fichier à la demande des autorités administratives compétentes.

16 () Article 23 de l’arrêté du 14 mai 2007 des ministres de l’Intérieur et du Budget relatif à la réglementation des jeux dans les casinos.

17 () Le décret n° 92-445 du 15 mai 1992 concernant l’accès des mineurs aux salles de cinéma prévoit des peines d’amende en cas de violation des interdictions qui frappent les mineurs, tant pour le responsable de la salle que pour l’adulte ayant éventuellement accompagné l’enfant.

18 () Rapport de M. Patrick Mennucci n° 2828 au nom de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, 2 juin 2015, p. 92.

19 () Idem.