N° 3310 - Rapport de M. Philip Cordery sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (n°2925)




N
° 3310

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 décembre 2015

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.

PAR M. Philip Cordery

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2925.

SOMMAIRE

___

Pages

I. L’IMPOSITION DES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES DES NON RÉSIDENTS LUXEMBOURGEOIS 7

1. L’imposition des plus-values immobilières des non-résidents (article 244 bis A du code général des impôts) 7

2. La compétence d’imposition résultant des dispositions de la convention fiscale franco-luxembourgeoise en matière de revenus immobiliers 9

II. LA LUTTE CONTRE LES SCHÉMAS D’OPTIMISATION FISCALE 11

1. Un Luxembourg de plus en plus coopératif en matière fiscale 11

2. Les dispositions du quatrième avenant à convention bilatérale 13

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

ANNEXES 21

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 21

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23

INTRODUCTION

La France et le Luxembourg sont liés par une convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958 et modifiée par trois avenants, signés les 8 septembre 1970, 24 novembre 2006 et 3 juin 2009.

L’avenant du 24 novembre 2006 avait pour objet de modifier la compétence d’imposition pour les revenus des sociétés provenant de la cession de biens immobiliers qui jusqu’alors échappaient de fait à toute taxation lorsqu’ils étaient réalisés par des sociétés luxembourgeoises.

Le présent avenant, signé le 5 septembre 2014, vise à étendre cette disposition aux cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière détenus directement ou indirectement par l’interposition d’une ou plusieurs entités, afin de mettre un terme aux schémas d’optimisation fiscale qui se sont développés à la suite de la l’avenant de 2006 pour échapper à l’imposition.

La France avait déjà formulé cette demande à l’époque et il est heureux qu’elle ait été acceptée par le Luxembourg, dans le cadre de sa démarche d’intégration dans les processus de lutte contre l’évasion fiscale.

Conformément à la règle usuelle, la convention fiscale bilatérale entre la France et le Luxembourg prévoit l’imposition des bénéfices dans le pays de localisation de l’établissement stable et celle des revenus immobiliers dans l’État de localisation des biens. Dans ce dernier cas, c’est l’article 244 bis du code général des impôts qui s’applique. Néanmoins, certains revenus de nature immobilière échappaient à l’impôt français compte tenu de leur assimilation à des bénéfices, ce qui a été partiellement corrigé par avenant en 2006.

Conformément aux dispositions de l’article 4 A du code général des impôts (CGI), les personnes domiciliées fiscalement en France sont soumises à une obligation fiscale illimitée : elles sont imposées sur l’ensemble de leurs revenus de source française et étrangère, sauf disposition contraire prévue par une convention internationale. En revanche, les personnes non domiciliées fiscalement en France sont soumises à une obligation fiscale limitée : elles ne sont imposables qu’à raison de leurs revenus de source française.

Les critères de la domiciliation fiscale, définis à l’article 4 B du CGI, permettent à l’administration fiscale d’apprécier si une personne physique a ou non son domicile fiscal en France. Ces critères, qui ne sont pas cumulatifs – l’un d’entre eux étant suffisant pour considérer que le domicile est établi en France –, sont d’ordre personnel (avoir en France son foyer, c’est-à-dire le lieu de résidence habituelle de la famille et de la scolarisation des enfants, ou son lieu de séjour principal), d’ordre professionnel (exercer en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins que cette activité ne soit exercée à titre accessoire) et d’ordre économique (disposer en France du centre de ses intérêts économiques).

Sous réserve des conventions internationales, les plus-values réalisées lors de la cession d’immeubles ou de titres de sociétés à prépondérance immobilière par des personnes physiques non domiciliées en France et par des personnes morales dont le siège est situé hors de France sont soumises à un prélèvement spécifique. En application du 2 du I de l’article 244 bis A, ce prélèvement s’applique :

– aux personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France ; ces personnes peuvent être de nationalité française ou étrangère ; seul compte le fait qu’elles soient non résidentes de France ;

– aux personnes morales ou organismes – quelle que soit leur forme – dont le siège social est situé à l’étranger (quel que soit le lieu de résidence des associés) ;

– aux sociétés de personnes françaises et aux sociétés ou groupements assimilés relevant de l’impôt sur le revenu, qui comptent parmi leurs associés des non-résidents, au prorata des droits sociaux détenus par ceux-ci ;

– aux fonds de placement immobilier (FPI) au prorata des parts détenues par des porteurs non-résidents.

Ne sont pas soumises au prélèvement :

– les organisations internationales, les États étrangers, les banques centrales et les institutions financières publiques de ces États qui sont exonérés dans les conditions prévues à l’article 131 sexies du CGI ;

– les personnes physiques et les personnes morales non résidentes exploitant en France une entreprise industrielle, commerciale ou agricole ou y exerçant une profession non commerciale, qui cèdent des immeubles affectés à l’exploitation.

Le prélèvement frappe notamment les profits provenant de la cession à titre onéreux d’immeubles situés en France, à l’exclusion toutefois des immeubles affectés à une exploitation professionnelle en France, et des droits portant sur ces biens (usufruit, nue-propriété…).

Les contribuables non-résidents relevant de l’impôt sur le revenu peuvent bénéficier, pour les cessions d’immeubles, d’exonérations notamment par le jeu des abattements pour durée de détention.

La plus-value fait l’objet d’un prélèvement dont le taux est en principe fixé à 33,33 %. Ce taux est réduit à 19 % :

– pour les personnes physiques, les associés personnes physiques de sociétés de personnes françaises et les porteurs de parts d’un FPI.

– pour les personnes morales pour les opérations qui bénéficieraient de ce taux si elles étaient réalisées par une personne morale résidente de France.

À ce prélèvement, s’ajoutent alors les prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, en application de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, ainsi que la taxe spécifique s’appliquant aux plus-values d’un montant supérieur à 50 000 euros, réalisées par un contribuable, résident ou non-résident, soumis à l’impôt sur le revenu. Ces prélèvements sociaux et, le cas échéant, cette taxe spécifique, sont acquittés en même temps que le prélèvement prévu par l’article 244 bis A.

La convention fiscale du 1er avril 1958 liant la France et le Luxembourg soulevait, en raison de son ancienneté, des difficultés particulières s'agissant du traitement des revenus immobiliers. En effet, compte tenu d'une divergence d'interprétation des articles 3 et 4 de la convention de la part des plus hautes juridictions françaises et luxembourgeoises, de telles opérations bénéficiaient jusqu’alors d’une double exonération en France et au Luxembourg.

Le Conseil d'État avait ainsi jugé, dans un arrêt du 18 mars 1994 (1) que de tels revenus, lorsqu'ils sont réalisés par des entreprises industrielles et commerciales établies au Luxembourg, relèvent de l'article 4 relatifs aux revenus d'entreprise et ne sont imposables qu'au Luxembourg en l'absence d'établissement stable en France. Il y avait en effet lieu, selon lui, d'appliquer la définition du droit interne qui assimile les revenus des immeubles possédés par une entreprise, y compris les plus-values de cession de biens immobiliers, à des bénéfices d’entreprise. À l'inverse, la Cour d'appel du Luxembourg (2) avait considéré que ces revenus relevaient de l'article 32 et étaient donc imposables exclusivement au lieu de situation de l'immeuble conformément à l’article 4 de la convention relatif aux revenus immobiliers.

Ce conflit de qualification conduisait à quelques cas de doubles impositions s'agissant de sociétés françaises détenant des immeubles au Luxembourg, mais surtout à de nombreuses situations de doubles exonérations, de nombreux schémas d'optimisation s’étant mis en place afin de réaliser en France des profits immobiliers en franchise d'impôt.

Un avenant du 24 novembre 2006 a mis fin aux situations de doubles exonérations en cas d’exploitation ou de cessions d’immeubles situés en France et détenus directement par des résidents luxembourgeois. Négocié à la demande de la France, cet avenant est venu rectifier en partie cette situation en modifiant l’article 3 de la convention pour préciser que les revenus provenant de l'exploitation et de l'aliénation des biens immobiliers d'une entreprise sont imposés dans l'État de situation de l'immeuble. Il a permis de récupérer le droit d'imposer les revenus immobiliers et les plus-values immobilières réalisés par des entreprises industrielles et commerciales luxembourgeoises lors de l'exploitation ou de la cession d'immeubles situés en France.

Ainsi, les entreprises établies au Luxembourg sont désormais passibles de l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206-1 du code général des impôts sur les revenus des immeubles dont elles sont propriétaires en France, lorsqu'ils sont loués ou mis gratuitement à la disposition de tiers ainsi que sur la quote-part des bénéfices des sociétés de personnes françaises dont elles sont membres. D'autre part, les plus-values réalisées par des entreprises établies au Luxembourg sur des biens immobiliers situés en France, sont soumises au prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts.

En revanche, la rédaction actuelle ne vise que les cessions directes et non pas les cessions de droits d’une entité détenant des biens immobiliers en France. Il était donc très facile de contourner l’avenant en créant des entités interposées et de continuer ainsi à bénéficier d’une double exonération.

Les discussions n’avaient pas permis à l’époque de trouver un accord permettant d’introduire dans la convention franco-luxembourgeoise une disposition prévoyant l’imposition, dans l’État de situation des immeubles, des gains résultant de la cession de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière. La France a engagé une nouvelle initiative auprès de la partie luxembourgeoise pour mettre un terme au développement des schémas d’optimisation par création d’entités interposées.

Les travaux bilatéraux ont débuté en 2011. Le principe de la finalisation des négociations a été acté le 16 mai 2014 à Paris, lors d’une rencontre entre M. Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, et son homologue luxembourgeois, M. Gramegna. Elles ont ainsi permis d’établir un projet d’avenant, signé le 5 septembre 2014 par les deux ministres.

Cet avenant s’inscrit dans une démarche plus large des autorités luxembourgeoises tendant à insérer le Luxembourg dans la dynamique de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, alors qu’il a longtemps été parmi les États les moins coopératifs de l’Union européenne.

L’avenant de 2014 vient confirmer le changement d’attitude du Luxembourg à l’égard de ses partenaires en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Dans un premier temps, des avancées ont été obtenues sur le plan bilatéral pour permettre une plus grande coopération fiscale interétatique, à la suite de la conférence ministérielle de Paris du 21 octobre 2008 et de la volonté manifestée par les États du G20, à l’occasion des réunions des 1er et 2 avril 2009, d’améliorer la coopération entre les États en matière d’échange d’informations fiscales pour lutter efficacement contre la fraude et l’évasion fiscales. Il en fut ainsi avec la France avec laquelle un avenant à la convention fiscale a été négocié pour se conformer aux standards de l’OCDE en matière d’échange de renseignements à caractères fiscaux. Signé le 3 juin 2009, cet avenant modifie l’article 22 de la convention et permet à la France d’obtenir des renseignements de la part des autorités luxembourgeoises sans limitation sur la nature des impôts, des personnes et des renseignements visés par la demande de renseignements. Cet avenant a constitué une avancée majeure dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Dans un deuxième temps, le Luxembourg a assoupli sa position sur le secret bancaire dans le cadre de l’application de la directive épargne au sein de l’Union européenne. Cette dernière prévoyait que les États ont le choix entre l’échange d’informations, ce qui signifie que les États s’informent réciproquement si un ressortissant de l’autre pays encaisse des intérêts chez eux, soit une retenue à la source dont le montant avait été porté à 35% depuis le 1er juillet 2011, ce système permettant au contribuable de conserver son anonymat par rapport à l’administration fiscale de son pays de résidence. Trois États avaient initialement opté pour la retenue à la source : la Belgique, le Luxembourg et l’Autriche. Après la Belgique en 2011, le Luxembourg et l’Autriche ont accepté de renoncer au secret bancaire pour passer à l’échange d’information le 20 mars 2014.

En octobre 2014, après six ans de négociation, la directive révisée sur l’épargne a été adoptée. Elle permet notamment de favoriser l'extension des échanges automatiques d'informations entre les administrations fiscales, même pour les comptes détenus par des fondations ou des trusts. Le Luxembourg pratique ainsi l’échange d’informations dans le cadre de cette directive depuis le 1er janvier 2015. Le Luxembourg a également annoncé mettre un terme au secret bancaire à partir de 2017, en se ralliant également à l’adoption d’une norme internationale d'échange automatique de données bancaires.

Enfin, ce mouvement vers la transparence en matière fiscale a été accéléré par le scandale dit du « Luxembourg Leaks » (ou « LuxLeaks »), qui a révélé en novembre 2014 le contenu de centaines d'accords fiscaux très avantageux conclus avec le fisc luxembourgeois par les cabinets d'audit pour le compte de nombreux clients internationaux. Ces révélations ont contribué à la mise en place de mesures visant à réduire les pratiques d’optimisation fiscale et le dumping fiscal, en particulier grâce aux rescrits fiscaux (tax rulings).

La lutte contre l’évasion et la fraude fiscales figure au premier rang des priorités de la Commission actuelle, présidée par le Luxembourgeois Jean-Claude Junker. Le 18 mars 2015, le « Paquet transparence fiscale », ensemble de mesures visant à renforcer la transparence fiscale, a été présenté par Pierre Moscovici, Commissaire européen aux affaires économiques et monétaires. La mesure phare est la proposition d'un échange automatique d’informations entre les États membres concernant leurs rescrits fiscaux. Le paquet a été adopté dès le 25 avril 2015 par le conseil de l’Union européenne, c’est-à-dire dans des délais très brefs compte tenu de l’unanimité qui prévaut en matière fiscale. Le 6 octobre 2015, les ministres des finances européens ont définitivement entériné l’accord sur l’échange automatique entre États européens de rescrits fiscaux qui, s’il reste imparfait, notamment avec une rétroactivité de cinq ans, devrait fortement limiter les pratiques excessivement favorables aux grands groupes.

En 2014 au Luxembourg, 715 rescrits auraient été signé, mais les bénéficiaires et leur taux d’imposition ne sont pas connus. Le gouvernement luxembourgeois a intégré dans son projet de loi relatif au « paquet d’avenir » accompagnant le budget 2015 – tous deux adoptés le 18 décembre 2014 par la Chambre des députés – un certain nombre de modifications qui visent à « moderniser le système des décisions anticipées » et à « formaliser la pratique existante » en l’inscrivant dans la loi.

Ajoutons que le 21 octobre 2015, la Commission européenne a décidé que le Luxembourg et les Pays Bas ont accordé des avantages fiscaux sélectifs respectivement à Fiat Finance and Trade et à Starbucks, avantages illégaux au regard des règles de l’UE en matière d'aides d'État. Les deux rescrits fiscaux examinés approuvent en effet des méthodes de détermination des bénéfices imposables des entreprises concernées, complexes et artificielles, avec des prix de transfert qui ne correspondent pas aux règles du marché, n’ont donc aucune justification économique et faussent la répartition des bénéfices afin de réduire les impôts payés par l'entreprise concernée.

Par ailleurs, en juin 2015, la Commission a dévoilé une série d’initiatives visant à lutter contre l'évasion fiscale, à assurer des recettes fiscales durables et à renforcer le marché unique pour les entreprises. Les mesures proposées, qui s’inscrivent dans le cadre du plan d’action de la Commission pour une fiscalité des entreprises équitable et efficace, ont pour ambition d’améliorer sensiblement l’environnement fiscal des entreprises au sein de l’UE en le rendant plus équitable, plus efficace et plus propice à la croissance. Parmi les actions clés figurent un cadre permettant d'assurer une imposition effective là où les bénéfices sont réalisés, ainsi qu’une stratégie visant à relancer l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS), qui devrait faire l’objet d’une nouvelle proposition dans le courant de l’année 2016.

L’avenant soumis à ratification a pour objet d’ajouter à l’article 3 relatif aux revenus immobiliers de la convention en vigueur une disposition couvrant les sociétés à prépondérance immobilière. Il permettra à la France de récupérer le droit d’imposer les gains provenant de l'aliénation d'actions, de parts ou autres droits dans une société ou une personne morale, quelle que soit sa résidence, dont l'actif ou les biens sont constitués principalement d'immeubles situés sur son territoire ou de droits portant sur ces derniers.

L’article 1er de l’avenant introduit à l’article 3 de la convention un nouveau paragraphe 4 relatif aux gains résultant de la cession de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière.

Le premier alinéa précise que les gains provenant de l’aliénation d’actions, de parts ou autres droits dans une société ou une personne morale, quelle que soit sa résidence, dont l’actif ou les biens sont constitués principalement d’immeubles situés dans un État contractant ou de droits portant sur ces derniers, seront imposables dans cet État.

Les biens immobiliers qu’une société affecte à sa propre activité d’entreprise ne sont pas pris en compte pour déterminer la prépondérance immobilière. Cette exclusion est prévue en droit interne comme indiqué précédemment.

Le deuxième alinéa prévoit que les dispositions du premier alinéa s’appliquent également à la cession de parts par une entreprise, en cohérence avec le deuxième alinéa de l’article 3 et le paragraphe 5 de l’article 4 de la convention de 1958.

S’agissant des revenus couverts, la rédaction retenue est conforme à la formulation que la France propose systématiquement à ses partenaires et a une portée plus large que celle figurant actuellement dans le modèle de convention de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En effet, elle couvre non seulement les gains réalisés sur des actions mais aussi ceux qui résultent de l’aliénation d’intérêts dans d’autres entités n’émettant pas ce type de titres (fiducie par exemple). Ce faisant, elle tient compte des préconisations en cours d’élaboration dans le cadre des travaux de lutte contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices de l’OCDE qui s’étendent sur 2014 et 2015.

Le troisième alinéa de l’avenant précise que les stipulations nouvellement introduites dans la convention fiscale s’appliquent sans préjudice des dispositions prévues par la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 (directive « fusions » (3)), telles que transposées dans les droits internes des deux États.

Cette précision a été apportée à la demande de la partie luxembourgeoise qui souhaitait initialement que les dispositions nouvelles ne s’appliquent pas en cas de fusion ou d’opération assimilée. Ceci est conforme à la législation fiscale française puisque, dès lors qu'une opération serait dans le champ prévu par la directive « fusions », le prélèvement prévu en droit interne (article 244 bis A du CGI) ne serait en principe pas dû au moment de l'opération.

L’article 2 précise les modalités d’entrée en vigueur de l’avenant et les dates de prise d’effet des stipulations conventionnelles pour les différents impôts. L’avenant entre en vigueur le premier jour du mois suivant le jour de réception de la dernière des notifications d’achèvement des procédures internes.

S’agissant des impôts sur le revenu perçus par voie de retenue à la source, l’avenant s’applique en France aux sommes imposables après l’année civile au cours de laquelle l’avenant est entré en vigueur. S’agissant des autres impôts sur le revenu, l’avenant s’applique aux revenus afférents à toute année civile ou tout exercice commençant après l’année civile au cours de laquelle l’avenant est entré en vigueur. Pour les autres impôts, l’avenant s’applique aux impositions dont le fait générateur intervient après l’année civile au cours de laquelle l’avenant est entré en vigueur.

C’est la raison pour laquelle il serait souhaitable que l’avenant puisse être ratifié par les deux parties avant la fin de l’année. La procédure est en cours au Luxembourg.

CONCLUSION

Cet avenant vient opportunément mettre un terme à des schémas d’optimisation fiscale qui permettent aujourd’hui d’échapper à l’imposition de plus-values immobilières réalisées en France par cession de parts de sociétés à prépondérance immobilières détenues par des entités intermédiaires résidant au Luxembourg. Votre Rapporteur ne peut que donner un avis favorable à l’adoption du projet de loi de ratification et se féliciter du virage pris par ce pays ces dernières années en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, que le présent avenant vient souligner.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mardi 8 décembre à 18 heures.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Merci pour ces précisions. Nous y voilà enfin. J’ai le souvenir que cette question a commencé à être posée dès les années 1980 et que nous y travaillions encore lorsque j’étais ministre des Affaires européennes dans la décennie suivante. Je crois que nous sommes arrivés à un système bien cadré.

M. Thierry Mariani. « Enfin » est le mot juste, en effet. Le rapporteur a évoqué la question du « Luxembourg Leaks ». Existe-t-il un lien avec l’accélération des négociations sur ce texte ? Des accords préférentiels, signés sous la responsabilité de M. Juncker, me semble-t-il, ont été révélés à l’occasion de ce scandale. Cela va-t-il réellement changer la situation pour la domiciliation des bénéfices des sociétés concernées par ces accords ?

M. Jean-Pierre Dufau. Il s’agit du quatrième avenant. Peut-on réellement dire : « enfin », ou bien y aura-t-il d’autres accords par la suite ? J’aimerais partager votre optimisme.

M. Philip Cordery, rapporteur. Nous avançons dans les échanges d’informations et la lutte contre l’optimisation fiscale. Nous légiférons à l’occasion de chaque loi de finances pour aller plus loin en France et la lutte s’intensifie aussi au plan européen.

Il n’y a pas de lien direct entre l’avenant et l’affaire « LuxLeaks », mais ces deux éléments montrent que le Luxembourg est en train d’évoluer. Les rescrits fiscaux ou « tax rulings » sont couverts par le paquet « transparence fiscale » qui a été adopté dans un temps record. Ces pratiques ne concernent d’ailleurs pas que le Luxembourg mais aussi d’autres États, tels que les Pays-Bas.

Il reste encore du travail à accomplir au plan bilatéral et au niveau européen pour arriver à une transparence totale et faire en sorte qu’il n’y ait plus de schémas d’optimisation fiscale possibles, avec les manques à gagner qui en résultent au plan budgétaire et les difficultés pour mener à bien les politiques d’investissement.

Il n’en reste pas moins que le chapitre de l’immobilier est désormais fermé grâce à l’avenant.

M. Jean-Pierre Dufau. Donc, fin du chapitre 1.

M. Philip Cordery, rapporteur. C’est la fin d’un chapitre important.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Cet accord est à saluer. On avance aussi au plan européen et au plan international dans la lutte contre la fraude, qui est purement illégale, mais aussi contre ce que l’on appelle pudiquement l’optimisation fiscale, qui résulte de l’exploitation des différences de législations entre Etats.

M. Jean-Pierre Dufau. Puisque nous avançons dans ce domaine important, ne pourrait-on pas faire un point précis sur les progrès accomplis ? Ne faudrait-il pas une synthèse globale ? Dans les temps actuels, nos concitoyens ont besoin de précisions concrètes.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Vous avez tout à fait raison. Ce sujet mériterait un rapport d’information.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n°2925).

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Néant

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation du quatrième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Paris le 1er avril 1958 modifiée par un avenant signé à Paris le 8 septembre 1970, par un avenant signé à Luxembourg le 24 novembre 2006 et par un avenant signé à Paris le 3 juin 2009, signé à Paris le 5 septembre 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Les textes de l’accord figurent en annexe au projet de loi (n° 2925)

© Assemblée nationale