N° 3448 - Rapport de M. Antoine Herth sur la proposition de loi , adoptée par le Sénat, en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire (n°3340)




N
° 3448

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 janvier 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
SUR LA PROPOSITION DE
LOI, adoptée par le Sénat, en faveur de la compétitivité
de l’
agriculture et de la filière agroalimentaire
(n° 3340)

Par M. Antoine HERTH,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 86, 216, 217 et T.A. 51.

Assemblée nationale : 3340.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LES FILIÈRES DE PRODUCTION TRAVERSENT UNE CRISE GRAVE, RÉVÉLATRICE DES FAIBLESSES DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE 9

A. LES FILIÈRES D’ÉLEVAGE SONT DIVERSEMENT TOUCHÉES 9

1. La filière porc 9

a. Une conjoncture néfaste 9

b. Des problèmes structurels 10

2. La filière bovine viande 10

a. Une conjoncture néfaste 10

b. Des problèmes structurels 12

3. La filière laitière 12

a. Une conjoncture néfaste 12

b. Des problèmes structurels 13

4. La filière avicole 15

B. LES PRODUCTIONS VÉGÉTALES SONT CONFRONTÉES À DE NOMBREUX DÉFIS 16

1. Viticulture : relever le défi climatique 16

2. Fruits et légumes : un coût de la main d’œuvre pénalisant 16

3. Céréales et oléoprotéagineux : à l’heure du marché mondial 17

4. Le cas particulier du secteur sucrier 18

C. LE DÉFICIT DE COMPÉTITIVITÉ EST COMMUN À L’ENSEMBLE DU SECTEUR AGRICOLE 19

1. Des rapports commerciaux difficiles : la pression sur les prix 19

a. Un consommateur dérouté 19

b. De l’amont à l’aval, des rapports commerciaux difficiles 20

2. Une performance commerciale qui s’érode 21

a. Les produits agricoles et agroalimentaires en déclin 21

b. La taille des structures est en cause 21

3. Le poids des charges administratives et fiscales 22

a. Les charges fiscales et administratives : un désavantage comparatif 22

b. Un endettement qui met en péril les jeunes agriculteurs et les petites exploitations 22

II. RESTAURER LA COMPÉTITIVITÉ PAR DES MESURES CIBLÉES SUR TROIS CHANTIERS 25

A. AMÉLIORER LES RELATIONS DU PRODUCTEUR AU CONSOMMATEUR 25

1. Améliorer la contractualisation (articles 1er, 1erbis et 2) 25

2. Améliorer la transparence sur le prix et les marges (articles 2 bis et 2 ter) 26

3. Améliorer l’information du consommateur (article 3) 26

B. MIEUX GÉRER LES RISQUES FINANCIERS ET FACILITER L’INVESTISSEMENT 27

1. Assouplir les conditions d’endettement (article 4) 27

2. Favoriser la mise en place d’assurances et la constitution d’une épargne de précaution (articles 5 bis, 6, 6 bis et 6 ter) 28

3. Favoriser l’investissement et attirer les capitaux (articles 5 et 7) 29

C. ALLÉGER LA RÉGLEMENTATION ET LES CHARGES 29

1. Limiter l’excès de réglementation (articles 8, 8 bis A, 8 bis et 12) 29

2. Alléger les charges (articles 9, 9 bis, 10, 11 et 11 bis) 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 33

II. EXAMEN DES ARTICLES 55

Chapitre Ier – Des relations plus justes et transparentes, du producteur au consommateur 55

Article 1er(article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime) : Intégration obligatoire des indicateurs d’évolution des coûts de production et des indices publics des prix des produits agricoles dans les contrats en agriculture 55

Article 1erbis (articles L. 631-24 et L. 671-9 du code rural et de la pêche maritime) : Lutte contre la cession de contrats laitiers à titre onéreux 58

Article 2 : Instauration d’une conférence de filière annuelle 60

Article 2 bis (article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques) : Obligation d’affichage, par les établissements, du refus de se soumettre aux enquêtes statistiques relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires 63

Article 2 ter (article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques) : Publication, par l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, de la liste des établissements refusant de se soumettre aux enquêtes statistiques 65

Article 3 (article L. 112-13 [nouveau] du code de la consommation) : Droit à l’information du consommateur sur l’origine des produits carnés et laitiers 67

Chapitre II – Faciliter l’investissement et mieux gérer les risques financiers en agriculture 73

Article 4 : Faculté de report de l’échéance des emprunts finançant l’investissement en cas de crise agricole 73

Article 5 (article L. 221-28 [nouveau] du code monétaire et financier) : Création d’un livret vert 76

Article 5 bis : Rapport sur l’ouverture de prêts de carrière pour les jeunes agriculteurs 78

Article 6 (articles 72 D bis et 72 D ter du code général des impôts) : Simplification des conditions d’utilisation de la déduction pour aléas 79

Article 6 bis (article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime) : Obligation d’assurance contre les risques climatiques pour les jeunes agriculteurs 82

Article 6 ter : (article 244 quater LA [nouveau] du code général des impôts) Instauration d’un crédit d’impôt pour la mise en place d’assurances couvrant l’approvisionnement ou la livraison des produits de l’exploitation 84

Article 7 (article 39 decies du code général des impôts) : Extension du mécanisme de sur-amortissement aux coopératives et aux bâtiments et installations de magasinage et de stockage de produits agricoles 85

Chapitre III – Alléger les charges qui pèsent sur les entreprises agricoles 87

Article 8 (article L. 515-27-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Alignement des seuils prévus par la législation nationale sur les seuils européens en matière d’autorisation des installations classées d’élevage 88

Article 8 bis : Obligation pour toute norme nouvelle d’en abroger une antérieure 92

Article 8 bis (article L. 122-3 du code de l’environnement) : Application des normes européennes en matière d’études d’impact dans le secteur agricole jusqu’en 2019 94

Article 9 (article L. 731-13-3 et L. 741-15-1 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime, article L. 241-13 du code de la sécurité sociale) : Exonération de cotisations sociales des employeurs relevant du régime de la protection sociale agricole 98

Article 9 bis (article 244 quater C du code général des impôts) : Application du crédit d’impôt compétitivité emploi aux exploitations agricoles 104

Article 10 (article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime) : Allongement de la période de bénéfice de l’exonération de cotisations sociales en faveur des jeunes agriculteurs 105

Article 11 : Possibilité exceptionnelle de révocation de l’option de calcul des bénéfices agricoles sur la base de la moyenne triennale 107

Article 11 bis (article 1394 D [nouveau] du code général des impôts) : Exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les soixante premiers hectares de chaque exploitation 108

Article 12(article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime) : Plan de simplification en agriculture 110

Chapitre IV – Dispositions finales 111

Article 13 : Gage 113

TABLEAU COMPARATIF 115

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 143

INTRODUCTION

Selon le rapport 2015 de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, au cours de l’année 2014, les prix à la production agricole ont baissé en moyenne de 5 %. L’élevage français est particulièrement touché. Aujourd’hui, près de 10 % des exploitations d’élevage font face à des difficultés, à des degrés divers. La situation conjoncturelle des trois filières est très différente, même si certaines difficultés structurelles sont partagées. En 2013 la France métropolitaine compte 452 000 exploitations agricoles (1). Leur nombre a baissé de 8 % sur les 3 dernières années et de plus de la moitié en 25 ans. Moins nombreuses, elles sont également plus fragiles, soumises à la concurrence des exploitations des pays européens, exposées à la volatilité des cours des produits agricoles et enjointes de se moderniser pour garantir leur compétitivité.

Une note du Conseil d’analyse économique de décembre 2015 (2) résume les difficultés du monde agricole et surtout les ambiguïtés des politiques publiques menées ces dernières années : « En dépit des aides publiques importantes dont elle bénéficie, l’agriculture française affiche des résultats insatisfaisants à plusieurs titres : un emploi en baisse, des revenus faibles dans certaines activités, une dégradation marquée de l’environnement, une performance commerciale qui s’érode. La complexité réglementaire et le coût du travail sont souvent mis en avant par la profession. Mais la prédominance des petites structures, en particulier dans les industries d’aval, l’atonie du progrès technique, un niveau de formation inégal des agriculteurs, le manque de coordination des filières et des stratégies de compétitivité hors-prix contestables sont aussi des facteurs contribuant à expliquer ces contre-performances. Dans ce contexte, il manque aux politiques publiques une orientation claire, leurs différents outils poursuivant parfois des objectifs contradictoires. La politique agricole doit aujourd’hui être clairement recentrée sur les objectifs clés à long terme. »

La compétitivité désigne la capacité d’une entreprise à faire face à la concurrence des autres entreprises nationales ou des entreprises étrangères. Elle se décompose en deux éléments : la compétitivité prix et la compétitivité hors-prix. Les pouvoirs publics doivent prendre conscience des handicaps de la France agricole en termes de compétitivité et recentrer leurs actions sur les trois chantiers les plus urgents : l’amélioration des relations commerciales entre les différents maillons d’une même filière jusqu’au consommateur, la sécurisation des risques financiers, l’allégement des charges et de la réglementation. C’est l’ambition de cette proposition de loi qui cible des dispositifs en faveur des jeunes agriculteurs et de l’investissement.

La France est le troisième producteur européen de porcs après l’Allemagne et l’Espagne. Selon Agreste, en 2014, le cheptel français comptait 13,3 millions de têtes. La production porcine française est en recul depuis une quinzaine d’années.

Le secteur porcin français est en crise depuis 2007. Cette crise s’est accentuée en 2014. Le revenu 2014 des éleveurs porcins est en baisse de 13,3 % en un an et atteint 24 800 € par actif non salarié (sans retrancher les prélèvements sociaux et fiscaux). La note de conjoncture 2016 du marché du porc breton à Plérin indique que la cotation moyenne pour 2015 était de 1,23 € le kilogramme, oscillant entre 1,06 € et 1,40 €. Par comparaison, la moyenne 2014 s’est établie à 1,32 € et la moyenne 2013 à 1,46 €.

La crise est liée à une surproduction au niveau européen : l’Allemagne et l’Espagne – et la France, dans une bien moindre mesure – ont augmenté leurs volumes de production. La France fournit l’Allemagne et l’Espagne en jeunes porcins. Ces pays ont accru leurs volumes d’abattage.

À la concurrence européenne s’ajoute la fermeture du marché russe. Le 7 août 2014, la Russie a décidé d’un embargo concernant notamment le bœuf, le porc, la volaille en provenance des États-Unis, de l’Union européenne, de l’Australie, du Canada et de la Norvège. Cette mesure a été reconduite, le 24 juin 2015, en représailles de la prolongation des sanctions sectorielles. Ces restrictions ont été étendues le 21 octobre 2014 aux abats, farines animales, lard et autres produits dérivés du porc et des poulets, pour « violations des normes de sécurité », notamment liées à une infection microbienne. Le marché russe est estimé, pour le porc, à 100 M€ par an.

En France, la production porcine pâtit de la pratique des promotions fréquentes dans la grande distribution sur la viande fraîche (soit 25 % du marché du porc français) que le Gouvernement a entendu encadrer en les limitant, par arrêté du 4 juin 2015 relatif à l’encadrement des opérations promotionnelles pour la vente de viande porcine fraîche, aux mois de janvier et septembre.

En 2015, les interventions politiques avaient permis l’engagement de l’aval de la filière mais sur un temps court qui ne s’est pas pérennisé à la rentrée de septembre.

Phénomène récent et assez inquiétant, alors que la charcuterie représente 70 % des débouchés du porc, sa consommation est en recul (– 1,9 % en premier trimestre 2015 (3)).

L’Allemagne et l’Espagne n’ont cessé de développer leurs productions, se spécialisant dans le secteur de l’abattage/découpe fortement consommateur en main-d’œuvre. Ces deux pays bénéficient d’avantages comparatifs par rapport à la France en ce qui concerne le coût de la main-d’œuvre employée.

En Espagne et en Allemagne, le coût de la main-d’œuvre est bien inférieur au salaire minimum français. La main-d’œuvre à bas coûts dans le secteur de la transformation de la viande y est le fait de trois particularités. Le salaire minimum en Allemagne est en cours de mise en place et soumis à de nombreuses dérogations. Le salaire minimum espagnol est de 752 € contre 1 445 € en France. L’Allemagne a largement recours aux travailleurs détachés, ce qui est permis par la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996du Parlement européen et du Conseil concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de service. Ces travailleurs temporaires sont employés aux conditions de leur pays d’origine. En Espagne, le travail dissimulé est encore très répandu.

Au final, alors que les producteurs de porc français se placent au premier rang pour les résultats techniques, cette performance ne rejaillit pas sur leurs résultats économiques. Une partie des gains est absorbée par l’amortissement des investissements en faveur du bien-être animal et de la préservation de l’environnement. Une autre partie est captée par l’aval, le seul surcoût lié aux abattoirs français étant estimé à 10€/porc charcutier.

En 2014, le cheptel bovin français atteint 19,3 millions de têtes, dont 47 de vaches laitières et 53 % de vaches allaitantes. La France est le premier pays européen producteur de viande bovine. La France a la particularité d’avoir développé un cheptel important de races à viande, les vaches allaitantes.

Les cours français des viandes bovines ont tendance à s’aligner sur l’abattage des races laitières, en particulier des vaches de réforme.

Les prix pays aux producteurs bovins ont peu évolué ces dernières années alors que les coûts de production n’ont cessé d’augmenter : fourrages, coûts vétérinaires, amortissement des mises aux normes et mécanisation.

Les prix de vente ne couvrent plus les coûts de production depuis 2012.

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Mais le rapport d’étape du médiateur des relations commerciales agricoles sur les filières bovine et porcine remis au Gouvernement le 22 juillet 2015 indique que : « S’agissant des filières bovines et porcines, les statistiques officielles sont peu nombreuses et notamment ne permettent pas de connaître l’évolution des coûts d’achat des produits carnés par les distributeurs. De même, les données statistiques disponibles ne donnent pas d’indications précises sur les coûts de production des bêtes abattues, sinon le fait qu’ils dépendent de la valorisation des produits de ces animaux (jeunes bovins notamment). »

Des facteurs propres à 2015 ont accentué les difficultés du secteur : des débouchés à l’export se sont réduits (l’Italie et la Grèce ont cessé d’importer de jeunes bovins) tandis que nos concurrents ont accru leurs productions. La France a également accru le volume des bovins abattus, notamment du fait de la sécheresse de l’été qui a précipité la décision de vendre des animaux en grand nombre. Enfin, la réapparition de la fièvre catarrhale ovine a entravé les exportations pour une partie importante du territoire national.

Les revenus des producteurs de bovins sont les plus bas de toutes les filières d’élevage. Leurs revenus ont nettement décroché de la moyenne de l’ensemble des agriculteurs français depuis 2007. Depuis lors, ils ne dépassent plus 20 000 € par travailleur familial à temps plein, et sont le plus souvent bien en dessous. Ces revenus bas augmentent les niveaux d’endettement et font disparaître les exploitations les plus petites.

La filière de viande bovine française est en décroissance depuis plusieurs années. La production est en décalage par rapport aux évolutions des besoins de la consommation. Les consommateurs français sont en demande de produits transformés tels que les boulettes ou les steaks hachés qui sont produits avec les morceaux avant de l’animal. Ces volumes de morceaux avant doivent être importés. La France exporte des broutards, de jeunes animaux destinés à être engraissés.

Le médiateur des relations commerciales agricoles suggère que soit établie une cotation des pièces de découpe des bovins en sortie d’abattoirs, notamment pour donner un prix juste et identifié aux pièces en fonction de leur demande et de leur valorisation. Mais ce travail suppose l’entente des acteurs de la filière et la transparence sur les marchés et les modalités de détermination des prix.

La réglementation nationale relative aux productions biologiques, au bien-être animal et aux aspects sanitaires est plus contraignante que ce que les directives européennes imposent. Les produits carnés français sont probablement de meilleure qualité que les productions européennes mais ils sont insuffisamment valorisés faute de segmentation des différents quartiers de viande et de valorisation par les distributeurs. Lorsque le marché n’est pas segmenté, les prix sont alignés sur le prix des pièces avant moins chères.

Le déséquilibre entre producteurs et transformateurs dans le partage de la valeur ajoutée s’explique par la structure de la filière qui est dominée par un acteur de la transformation qui impose un prix directeur à l’ensemble de la filière et, de ce fait, ne permet pas la valorisation des races à viande ni des pièces qualitatives.

La filière est divisée sur la stratégie à adopter et les organisations de producteurs sont peu développées. La coopération en viande bovine ne représente que 32 % de la mise sur les marchés (4). La contractualisation est également limitée. Ainsi selon le rapport d’étape du médiateur des relations commerciales précité, la grande distribution n’a recours à des contrats annuels ou infra-annuels que pour 30 % des volumes, les 70 % restants étant achetés « au jour le jour sur la base des prix du jour ». Pour 70 % des volumes, le déséquilibre dans le pouvoir de négociation au détriment des éleveurs s’exprime à plein.

La France est le deuxième producteur laitier de l’Union européenne, derrière l’Allemagne. Elle est le leader mondial dans le secteur agroalimentaire de la transformation du lait.

Selon FranceAgriMer, le prix des 1 000 litres de lait payés aux producteurs en novembre 2015 s’est établi à 299 €, en baisse de 38,2 € par rapport à l’année précédente. Ce seuil des 300 € les 1 000 litres avait été franchi en avril 2015.

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Le mois d’avril 2015 est une date importante dans le secteur du lait puisque c’est à cette date que les droits à produire du lait, les quotas laitiers, ont été supprimés. Instaurés en 1984, les quotas laitiers visaient à remédier à l’excès de l’offre observé sur le marché de l’Union européenne entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Les producteurs de lait se voyaient garantir un prix pour leurs productions (supérieur aux cours mondiaux), indépendamment de la demande. La forte augmentation de la demande de produits laitiers observée ces dernières années et la nécessité de rapprocher les prix européens des cours mondiaux ont conduit à la libéralisation du marché laitier.

Anticipant la fin des quotas, les producteurs européens ont commencé à accroître leurs productions dès l’année 2014. La filière laitière française a collecté 24,6 Md de litres de lait en 2014, en augmentation de près de 6 % par rapport à 2013. Parallèlement à cette hausse de la collecte, la demande mondiale a chuté, notamment du fait de la baisse de la demande chinoise en poudre de lait. Ces faits expliquent la baisse des cours du lait en 2015.

La carte de la production laitière est significative du modèle agricole français : le lait est produit sur l’ensemble du territoire où se maintiennent de petites structures, notamment dans les zones dites à handicap naturel comme les zones de montagne. C’est une des conséquences de 30 ans de politique publique de gestion des quotas marquée par une forte volonté de les lier au territoire ce qui a permis de maintenir une activité économique y compris dans des régions défavorisées. Néanmoins, plusieurs milliers d’exploitations laitières disparaissent chaque année et sont rachetées par d’autres producteurs qui agrandissent leur cheptel. La concentration de la production, en particulier dans l’ouest de la France, et l’augmentation du volume national de production sont allées de pair avec la disparition de près de la moitié du nombre d’exploitations laitières au cours de ces vingt dernières années.

Le prix de l’installation en exploitation laitière est l’une des plus coûteuses et n’a cessé de s’accroître ces dernières années. L’installation individuelle d’un jeune agriculteur en filière laitière en Normandie coûtait en 2014 en moyenne 348 000 euros (5), soit 30 % de plus que 8 ans auparavant.

Le coût de cette installation individuelle est ainsi réparti :

Le lait est un produit de base, non stockable, dont la transformation peut générer de fortes valeurs ajoutées. La fabrication de fromages sous signes de la qualité tels que les appellations d’origine contrôlée constituent la meilleure valorisation de la production de lait. Elle concerne 37 % du lait produit, 18 % est transformé en beurre, 14,5 % en poudre, 10,5 % en lait conditionné, 7,3 % en crème conditionnée, 7 % en yaourts et desserts. La France dispose d’une industrie agroalimentaire dynamique et diversifiée dans le domaine du lait. Le commerce extérieur des produits laitiers français a généré en 2014 un excédent de 3,8 milliards €.

Pour l’élevage laitier français la disparition de la gestion publique des volumes de production constitue un défi majeur et appelle une mutation profonde. Dorénavant il s’agit d’ajuster la production, en quantité et en qualité, selon le type de déboucher visé. En réalité il n’y a plus « un marché du lait » mais on assiste à une segmentation de ce marché selon qu’il s’agit de commercialiser son lait en circuit court, à destination de l’industrie fromagère, vers des transformations en produits banalisés ou encore à l’export. Ainsi, chaque bassin de production doit opérer des choix stratégiques dans le cadre des organisations de producteurs et, le cas échéant, se doter des outils industriels adaptés. De même, chaque éleveur doit réexaminer ses choix techniques pour les optimiser afin de maîtriser ses coûts de production. Le phénomène nouveau de la volatilité des prix constitue un élément très perturbateur pour une « profession » qui était habituée à sa « paie de lait » régulière. Nombre d’agriculteurs disent que leur formation ne les a pas préparés à gérer leur entreprise dans une telle situation de crise.

Au-delà des aides publiques, forcément limitées par les contraintes du budget national et par le cadre réglementaire européen, les producteurs attendent des pouvoirs publics un soutien dans cette phase critique où ils doivent se « réinventer un avenir ». Les attentes sont fortes dans le sens d’un allégement des contraintes administratives et réglementaires. Mais il pourrait aussi s’exprimer sous forme d’un ambitieux plan de formation continue, d’un appui à l’organisation des producteurs sous forme « d’OP commerciales », par une meilleure diffusion des innovations techniques, ou encore par l’encouragement au regroupement des exploitations pour optimiser les charges et alléger les contraintes de travail.

La France est le premier producteur de volailles de l’Union européenne et le cinquième producteur mondial. Ce secteur d’activité englobe les volailles de chair, la production d’œufs, celle de foies gras et l’élevage de lapins. Plus de 75 % des volailles abattues en France sont des poulets de chair.

Ce secteur a connu de grandes difficultés avec la décision de la Commission européenne de supprimer en juillet 2013 les restitutions aux exportations pour le poulet congelé. Cette décision a particulièrement fragilisé les deux groupes français Doux et Tilly-Sabco. Mis en redressement judiciaire, ce dernier a été repris par le groupe britannique MS Foods. Ce secteur agricole connaît depuis une embellie avec le développement des exportations notamment vers le Moyen-Orient. Les prospectives annoncent que la viande de volaille se hisserait en première place des consommations mondiales dès 2020.

Les enjeux principaux pour l’élevage français sont le maintien d’un haut niveau de performances techniques, la modernisation des bâtiments d’élevage et l’optimisation des outils d’abattage. Ce dernier point est particulièrement sensible puisqu’une fois de plus la concurrence allemande profite de ses coûts salariaux bas pour pénétrer le marché hexagonal. En réponse, les producteurs français souhaitent développer l’étiquetage « origine France » pour reconquérir une part des 40 % du marché intérieur qui leur échappe.

Mais la filière avicole n’est pas à l’abri de crises ponctuelles comme l’illustre actuellement la résurgence de la grippe aviaire dans le sud-ouest.

Si le secteur des productions animales, objet principal de ce rapport, est particulièrement chahuté par la conjoncture dégradée, il ne faut pas oublier le secteur des productions végétales qui doit lui aussi faire face à de nombreux défis.

Le réchauffement climatique constitue indéniablement le problème majeur de la production viticole française. L’année 2015 a ainsi été la plus chaude depuis le début des relevés climatiques en 1880. Si cette situation devait se confirmer, elle aurait des impacts forts sur les conditions de production des raisins et sur les techniques de vinification permettant de préserver la qualité des vins français. La profession réfléchit déjà à une évolution des cépages plantés pour conserver le caractère final des vins tout en s’adaptant mieux au changement des conditions de culture. Mais une telle mutation est un choix stratégique lourd qui ne peut s’opérer qu’à l’échelle d’une ou de deux décennies.

Rappelons que les vins et spiritueux pèsent pour 11 Mds € dans nos exportations agroalimentaires et représentent 83 % de l’excédent commercial de ce secteur. L’organisation commune de marché viti-vinicole connaît une évolution majeure en ce début 2016 avec la disparition des droits de plantation. Le nouveau cadre des autorisations de plantation, moins fermé à une augmentation des surfaces, devra être géré finement pour éviter un déséquilibre du rapport entre l’offre et la demande qui serait préjudiciable pour le niveau de qualité et de prix.

Le secteur des fruits et légumes est caractérisé par la saisonnalité des productions et la forte variabilité des prix. La qualité des organisations de producteurs et du dialogue interprofessionnel sont essentiels pour assurer une commercialisation évitant les phénomènes de pénurie ou d’engorgement des marchés. Tendanciellement la production française stagne et la balance commerciale se dégrade au profit de nos voisins de l’Union européenne. Le différentiel de coût de main d’œuvre en est la raison principale. Malgré les mesures d’allégement de charges en France et l’engagement du Gouvernement Allemand d’instaurer un salaire minimal, les écarts restent importants. Cet avantage concurrentiel a permis un fort développement de la production légumière outre-rhin.

Le secteur des productions maraîchères est également très sensible aux contraintes réglementaires. Ainsi, la perspective de mise en œuvre du compte pénibilité est mal vécue par les employeurs. De même, malgré un développement progressif de la culture biologique certifiée, ce secteur reste demandeur de solution de protection des cultures. Les distorsions intra-communautaires que la nouvelle réglementation sur les produits phytosanitaires n’a que partiellement résolue, les lourdeurs dans la gestion française des dossiers d’autorisation de nouveaux produits, l’apparition de nouveaux ravageurs (par exemple la Drosophila suzukii qui s’attaque à tous les fruits rouges) sont autant de facteurs de stress pour une profession qui pourrait paradoxalement générer un nombre important d’emplois agricoles. Sauf à voir se développer des robots pour l’entretien des cultures et les récoltes.

Le secteur des grandes cultures est traditionnellement un point fort de l’économie agricole française et la moitié de la production nationale est exportée pour une valeur annuelle de 4 à 4,5 Mds €. Mais là encore la situation est loin d’être figée. Grâce aux efforts de modernisation des grandes exploitations de sa partie orientale, l’Allemagne conteste progressivement la suprématie française sur le marché européen des céréales. Elle impose progressivement de nouveaux critères de qualité notamment sur les taux de protéines supérieurs aux standards français.

À l’international, les exportations de farine ont également connu un bouleversement avec l’apparition d’acteurs nouveaux comme la Turquie et le Kazakhstan qui se substituent aux produits européens.

Une part importante de la production céréalière française trouve son débouché dans l’alimentation animale : 45 % du blé tendre, 34 % du maïs grain, 13 % de l’orge. Il en résulte une interconnexion forte entre élevage et grandes cultures même si les intérêts peuvent apparaître contradictoire. Après avoir connu des prix historiquement élevés lors de la campagne 2007-2008, le marché des céréales est tiré vers le bas avec le repli généralisé du cours des matières premières et de l’énergie. À titre d’illustration le cours du blé tendre départ Beauce s’établissait à 280 €/tonne en janvier 2008, il est tombé à 100 €/tonne en janvier 2010 pour s’établir à 167 €/tonne en janvier 2015. Cette forte variabilité constitue un facteur d’incertitude pour les clients que sont l’industrie agroalimentaire et le secteur de l’élevage. Elle rend également aléatoire les choix d’investissement des producteurs de céréales qui manquent singulièrement de visibilité à long terme.

Source : Association générale des producteurs de blé (AGPB).

Pour la production d’oléagineux les cours sont tirés vers le bas par la baisse des prix du pétrole. En France, la forte implication des producteurs dans l’aval en fait cependant un exemple de structuration qui permet de rapatrier de la valeur ajoutée vers les exploitations agricoles.

Quant au secteur des protéagineux, il connaît un regain d’intérêt grâce au plan « protéine végétale » qui a pour objectif d’assurer une moindre dépendance de l’Union européenne au tourteau de soja importé tout en permettant une diversification des assolements.

Au niveau des exploitations de grandes cultures les défis sont nombreux :

– maîtrise des impacts climatiques par l’irrigation, la sélection variétale, la diversification des assolements ou encore par l’assurance ;

– intégration des nouvelles règles de la PAC, en particulier l’écoconditionnalité, avec une diminution des aides publiques ;

– révision des méthodes de culture sous la contrainte réglementaire, en particulier le plan Ecophyto qui préconise une forte réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires ;

– entrée progressive dans l’ère numérique qui apporte une plus grande précision dans les travaux agricoles mais qui pose aussi des questions de souveraineté quant à l’utilisation des données collectées.

À partir de 2017, la production de betteraves à sucre vivra une situation analogue à celle du lait avec la disparition des quotas de production. Mais là s’arrêtent les comparaisons. En effet, en dehors de la Limagne, la production de betteraves est concentrée dans le Centre, le Nord et l’Est de la France. De plus, la filière est fortement intégrée avec une implication des producteurs dans l’aval à travers deux grands groupes coopératifs qui dominent le paysage. Parfois impliqués à l’international, en particulier au Brésil, les groupes français sont concurrencés par les coopératives allemandes leader en Europe.

Même si l’interprofession est actuellement chahutée, la négociation entre acteurs est une pratique solidement ancrée. De même, le développement de la contractualisation a permis de segmenter les débouchés tant vers les usages alimentaires que non-alimentaires, en particulier l’alcool-carburant. L’économie sucrière conserve également un lien fort avec l’élevage puisque ses coproduits sont valorisés dans l’alimentation animale.

Notons également cette particularité française d’une production de sucre de canne dans les départements d’outre-mer.

À la suite des autres productions agricoles, la betterave à sucre va fermer le chapitre des prix relativement stables pour se rapprocher sur le prix mondial et subir ses fluctuations. Bien que préparée à cette échéance, la profession est inquiète au sujet des contraintes franco-françaises qui pourraient limiter ses capacités compétitives, en particulier les normes environnementales liées au plan Ecophyto.

La consommation européenne de produits carnés n’a cessé de décroître ces trente dernières années. Deux tendances se dégagent. D’une part les consommateurs préfèrent acheter moins de viande mais une viande plus qualitative, le succès des mentions valorisantes telles que les produits fermiers ou les produits sous signes de l’identification de la qualité et de l’origine tels que le Label Rouge en témoigne. D’autre part, les consommateurs les plus jeunes plébiscitent le steak haché qui est souvent produit à base de viande issue de l’élevage laitier.

L’image de la viande souffre beaucoup de l’action d’associations pour le bien-être animal, des scandales des conditions d’abattage dans certains abattoirs industriels ou encore des crises sanitaires récurrentes. Les effets du rapport de l’Organisation mondiale pour la santé publié en octobre 2015 ne sont pas encore connus mais devraient avoir un impact sur la consommation des pays développés soucieux des effets de l’alimentation sur leur santé (6). L’argument sur le coût environnemental de la production de viande contribue à la modification des habitudes alimentaires européennes. À l’inverse, avec l’augmentation du niveau de vie des habitants des pays en voie de développement, les quantités consommées augmentent.

Les consommateurs français sont soucieux de connaître l’origine de la viande qu’ils consomment, reliant qualité et origine géographique.

Les relations entre les acteurs d’une même filière, de l’amont à l’aval, sont souvent décrites comme étant la faiblesse des grands secteurs économiques français. Ce qui est vrai pour l’industrie, dont les groupes structurés et internationalisés bénéficient d’un rapport de force défavorable aux petites et moyennes entreprises auprès desquelles ils se fournissent est également applicable au secteur agricole.

Le secteur agricole et agroalimentaire, en particulier celui de l’élevage et des fruits et légumes, se décompose entre de très nombreux acteurs, du producteur au distributeur, en passant par les transformateurs dans le domaine du lait et de la viande ou par les revendeurs et grossistes dans le domaine des fruits et légumes. Ces nombreux acteurs captent de la valeur ajoutée qui, dans la chaîne de valeur de la filière, dépossède les producteurs. Les seuls contre-exemples concernent le sucre et les oléo-protéagineux.

Les producteurs de viande ont peu de marge de négociation face aux abatteurs/transformateurs et face à la grande distribution, concentrée en une poignée de centrales d’achat.

Les producteurs de lait sont liés par des contrats auprès de quelques laiteries, qui figurent d’ailleurs parmi les leaders mondiaux de la transformation du lait (7). Les contrats existent dans les différentes filières viande mais ne sont pas généralisés et surtout, n’impliquent que très rarement plus de deux acteurs au sein de la filière. Ainsi un contrat lie le producteur à l’abatteur/transformateur et un deuxième contrat lie l’abatteur/transformateur à la grande distribution. L’opacité des transactions domine encore largement ces rapports commerciaux et il est ainsi difficile de connaître la répartition exacte du partage de la valeur ajoutée.

C’est la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui a instauré une contractualisation entre producteurs, intermédiaires et acheteurs de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation. Elle a également créé l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Cet observatoire a permis de faire progresser la transparence et l’information dans le secteur agricole et agroalimentaire mais, si la grande distribution collabore efficacement avec les services publics de la statistique, plusieurs entreprises de transformation ne répondent pas aux enquêtes.

En 2014, le secteur agricole et agroalimentaire est le troisième excédent commercial sectoriel de la France (9,3 milliards d’euros) (8). Dans le détail, les produits agricoles ne contribuent qu’à hauteur du quart de cet excédent. Les trois quarts de l’excédent sont le fait du secteur agroalimentaire. En 15 ans, la France est passée de la troisième à la cinquième place mondiale en exportation de produits agroalimentaires.

Les excédents se concentrent sur trois types de produits : les boissons (vins et alcools), les céréales (blé et orge) et les produits laitiers (fromages). Les déficits concernent les produits carnés, les produits de la mer et les fruits et légumes.

Les produits laitiers transformés sont incontestablement l’atout du secteur agroalimentaire français. Ils sont l’exemple d’une industrie qui s’est concentrée est qui a bénéficié d’une stratégie de filière.

La taille des entreprises agroalimentaires française est une des causes de leur faible présence à l’international. Comme le soulignent J-C. Bureau, L. Fontagné et S. Jean (9) : « Les performances de l’industrie d’aval ne sont d’ailleurs pas neutres pour les producteurs agricoles. […] Globalement, peu de structures de l’agroalimentaire français atteignent une taille pouvant se comparer à celle des « global players » américains, brésiliens et désormais chinois qui dominent de plus en plus les marchés internationalisés. Dans quelques secteurs comme le sucre, les sites industriels français ont une taille au standard mondial, ce qui bénéficie aux planteurs de betterave. Les grandes entreprises du secteur laitier sont techniquement en pointe, mais cela n’a pas empêché la France de produire en dessous de son quota national pendant la campagne 20142015. Dans le secteur de la viande, les entreprises françaises les plus importantes (le privé Bigard en viande bovine, la coopérative Cooperl en viande porcine) ont une taille bien plus faible que celle des leaders mondiaux, chinois, américains et brésiliens. Elles sont aussi bien moins internationales que les groupes hollandais (Vion), danois (Danish Crown) ou espagnols (Campofrio, passé récemment sous contrôle chinois et mexicain). La situation est plus contrastée dans le secteur de la volaille. Les français Doux et LDC sont leaders sur le marché européen et ont une forte tradition d’exportation (Doux) qui assure un débouché aux éleveurs français. Toutefois, cette extraversion était alimentée par les subventions européennes à l’export, aujourd’hui disparues. […] Malgré la diversification de groupes céréaliers et sucriers dans ce secteur, la relative petite taille des groupes industriels français impliqués par rapport aux géants mondiaux risque d’être handicapante. »

La réglementation européenne et française est génératrice de coûts très élevés. Ces coûts administratifs, générés par le travail qu’impliquent les contacts avec l’administration ou les délais de réponse de celle-ci, sont aussi liés à la mise aux normes que rendent obligatoires les réglementations sanitaires et environnementales, fréquemment changeantes.

Par ailleurs et de l’aveu récent du Gouvernement, la France a tendance à sur-transposer les directives européennes créant des contraintes supplémentaires pour les agriculteurs français, que ce soit en matière environnementale, sanitaire ou sociale.

Comme le relève le rapport sur Les contrôles en agriculture (10) de la députée Mme Frédérique Massat, devenue depuis Présidente de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le zèle de l’administration française rend les contrôles fréquents et inefficaces. Les agriculteurs expriment leur mécontentement à être présumés délinquants quand les contrôleurs font part de leur malaise face aux agressions.

Le coût du travail est cause de désavantage comparatif pour les agriculteurs français. Les écarts de coût du travail par rapport à l’Allemagne, l’Espagne ou la Pologne sont très importants dans les secteurs intensifs en main-d’œuvre (fruits et légumes) ainsi que dans l’industrie de la première transformation animale.

Le résultat courant avant impôts (RCAI) par actif non salarié des exploitations agricoles de dimension moyenne ou grande s’élève à 25 200 euros en 2013, en baisse de 8 % par rapport à la moyenne 2000-2012. Pour 32 % des exploitations, le RCAI par actif non salarié est inférieur à 10 000 euros.

Comme le soulignait Dominique Lefebvre, président du conseil d’administration du Crédit agricole (11) en décembre 2015, les banquiers constatent une dégradation des trésoreries et des retards de remboursement des échéances.

Selon une étude de l’Institut national de la recherche agronomique présentée par Laurent Piet au congrès des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) le 3 décembre 2015, les exploitations françaises sont très endettées, en moyenne de 35 % pour les moyennes et grandes exploitations, soit deux à quatre fois plus endettées que la moyenne européenne.

La même étude souligne cependant que l’endettement est rapidement remboursable : il correspond en moyenne à un an de chiffre d’affaires.

Certaines exploitations nécessitent des investissements lourds qui, combinés avec le coût de reprise d’une exploitation, rendent l’installation des jeunes agriculteurs difficile. Une installation génère souvent une adaptation ou une modernisation : aménagements fonciers, bâtiments, cheptel, matériel, stocks. L’investissement, comme dans tout secteur d’activité, est nécessaire pour la compétitivité d’une entreprise agricole.

En Normandie par exemple, le financement est ainsi réparti (12) :

Le financement des installations est assuré à hauteur de 91 % par des prêts bancaires.

Globalement, compte tenu de la faible rémunération du capital et de la forte variabilité des revenus, la profession souffre d’un manque d’attractivité, en particulier dans le secteur de l’élevage.

Compte tenu de la puissance d’achat et du degré de concentration de la grande distribution face à des producteurs atomisés, les relations commerciales dans le secteur des produits alimentaires sont caractérisées par des tensions récurrentes entre les acteurs, rendues plus aiguës encore par la volatilité des cours des matières premières agricoles.

Les producteurs, intermédiaires et acheteurs de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation peuvent contractualiser leurs relations. Cette possibilité a été rendue obligatoire par accord interprofessionnel pour les fruits et légumes frais, le lait de vache et la viande ovine. La contractualisation a pour but de sécuriser les débouchés et les approvisionnements pour les différents acteurs de la filière. Elle a également vocation à remédier au déséquilibre contractuel entre acteurs en fixant leurs relations dans un cadre négocié et transparent.

Lorsque les relations contractuelles sont déséquilibrées, comme c’est le cas dans la filière du lait de vache, les négociations doivent pouvoir s’appuyer sur des éléments objectifs de détermination des prix des contrats.

La question des coûts de production en matière agricole, en particulier en ce qui concerne l’élevage, est problématique. Les éleveurs ont des charges fixes très importantes et les coûts de production dépendent énormément du coût de l’alimentation, notamment les fourrages. La détermination des coûts de production et l’information des éleveurs sont nécessaires pour qu’ils parviennent à tirer des revenus de leur entreprise agricole.

L’Institut de l’élevage aide les éleveurs à calculer ce coût de production en classant ces coûts par catégorie.

Achats d’alimentation

Achats d’aliments concentrés et de fourrages,
frais de mise en pension d’animaux

Approvisionnement des surfaces

Engrais, semences, produits phytosanitaires, …

Frais d’élevage

Frais vétérinaires, achat de litière, frais de reproduction, identification, groupements de défense sanitaire, contrôle de performance, …

Mécanisation

Travaux par tiers, carburants et lubrifiants, entretien du matériel, amortissement du matériel

Bâtiment et installations

Eau, électricité, gaz, entretien et location de bâtiments, amortissement des bâtiments et des installations

Frais divers de gestion

Assurances, frais de gestion, amortissements du matériel informatique, …

Foncier et capital

Fermage et frais du foncier, frais financiers, rémunération des terres en propriété et du capital propre

Travail

Salaires et charges salariales, rémunération du travail exploitant

En déterminant un coût de production, l’éleveur peut connaître le seuil en dessous duquel il vendrait sa production à perte.

L’amélioration de la contractualisation doit passer par la détermination de ces coûts de production et leur maîtrise par les éleveurs. La contractualisation perd de son intérêt si le prix fixé est déconnecté des réalités économiques de la production et du marché mondial.

La proposition de loi prévoit d’améliorer la contractualisation en prévoyant que les contrats prennent en compte les indicateurs d’évolution des coûts de production et les indices publics des prix des produits agricoles. Elle prévoit également que les repreneurs de contrats laitiers bénéficient des mêmes conditions d’achat de leur lait.

Le travail de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires vise à assurer la transparence des prix de production, des marges de chaque acteur dans la chaîne de production, de transformation et de distribution et ainsi avoir des informations sur la répartition de la valeur ajoutée dans chaque filière agricole.

Mais l’information statistique est incomplète et l’observatoire ne dispose pas d’outils contraignants pour s’assurer que tous les acteurs économiques communiquent les informations nécessaires au calcul des prix.

Prévoir un dispositif de sanction à l’encontre des établissements qui refusent de coopérer transformerait l’observatoire en un organisme de contrôle. Cette solution n’a pas été retenue et la proposition de loi prévoit un dispositif de « name and shame » qui obligerait les établissements à indiquer explicitement qu’ils refusent de transmettre les données demandées par les services de la statistique. Parallèlement, l’observatoire rendrait publique la liste de ces établissements.

Lorsque son souci premier n’est pas le prix, le consommateur français est de plus en plus soucieux de la qualité et de l’origine des produits agricoles qu’il consomme. En matière de sécurité sanitaire, les crises de ces dernières années ont rendu le consommateur suspicieux.

Les crises de la vache folle en 1996 et 2000 a été a été à l’origine de décès liés à une variante de la maladie neurodégénérative de Creutzfeldt-Jacob dans plusieurs pays de l’Union européenne. C’est à la suite de cette crise que les premiers systèmes d’étiquetage de l’origine ont été mis en place. Ils ont d’abord concerné la viande bovine.

En février 2013, les États membres de l’Union européenne ont été informés par le RASFF (le système d’alerte rapide de l’UE pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, selon son acronyme anglais) de la présence de viande de cheval dans des plats cuisinés dont l’étiquetage mentionnait une composition à base de seule viande bovine. Cette situation résultait d’un étiquetage frauduleux des produits concernés.

Ces épisodes ont conduit les consommateurs à vouloir connaître l’origine des produits carnés qu’ils consomment. Plus généralement, ils sont également soucieux de consommer des produits locaux et nationaux.

Ni les produits laitiers ni les produits transformés à base de viande (dont la charcuterie) ne sont concernés par l’étiquetage obligatoire de l’origine. Cet étiquetage se fait sur la base du volontariat et n’est que partiellement suivi. Plusieurs pays européens, dont la France, et le Parlement européen à travers une résolution du 11 février 2015 demandent une extension de l’obligation d’étiquetage aux produits transformés. La Commission européenne y est aujourd’hui défavorable et avance le fait qu’un élargissement de l’étiquetage impliquerait des charges supplémentaires pour l’industrie de la viande. Ainsi, l’industrie de la charcuterie signale que l’obligation d’étiquetage soulèverait d’importantes difficultés techniques liées aux multiples spécialités produites et à la diversité des circuits d’approvisionnement permettant de pallier le déficit de certaines pièces de viande sur le marché français.

Dans l’attente d’une évolution des règlements européens, la proposition de loi permet au consommateur d’obtenir sous un mois du distributeur ou du fabricant du produit qu’il a acheté, l’information sur l’origine des produits carnés ou laitiers.

Le dispositif de « l’année blanche » vise à faciliter la restructuration ou l’aménagement des prêts bancaires existants afin d’alléger, voire de reporter entièrement, les remboursements de l’année en cours.

Le Gouvernement a mis en place, en septembre 2015, un plan d’urgence qui comporte notamment ce dispositif. La prise en charge du surcoût correspondant à ce report (frais bancaires) est répartie entre l’État, les établissements bancaires et les agriculteurs (13).

Une année blanche complète permet aux agriculteurs en difficulté, en particulier aux éleveurs (concernés à hauteur de 70 % d’après le Crédit agricole (14)) de ne pas avoir à rembourser leurs prêts bancaires (capital et intérêts) pendant douze mois.

Ce dispositif est un ballon d’oxygène pour les éleveurs qui, loin de se soustraire de leurs dettes, peuvent bénéficier d’une pause durant une année dans une période qui s’annonce sans précédent dans le monde de l’élevage. En l’état actuel, cette mesure est envisagée comme une mesure conjoncturelle. La proposition de loi prévoit de pérenniser ce dispositif, dans des conditions sensiblement différentes, pour les secteurs déclarés en crise.

La possibilité de report existe déjà, mais elle doit avoir été souscrite au moment de la souscription du prêt.

Dans un contexte international marqué par une libéralisation croissante des marchés on assiste à la multiplication des mécanismes d’assurance pour limiter les effets négatifs induits par l’hyper volatilité des prix.

Le développement de l’assurance répond efficacement à la nécessité, pour les agriculteurs, de se prémunir contre les aléas et, pour l’État et les collectivités territoriales, de contenir les dépenses publiques par la privatisation de la gestion des risques.

À défaut d’avoir une politique agricole commune orientée vers des politiques contra-cycliques d’atténuation des fluctuations des prix agricoles, les agriculteurs doivent être incités à se constituer une épargne de précaution ainsi qu’à souscrire des assurances.

Le développement des instruments d’assurance témoigne des risques spécifiques auxquels font face les agriculteurs. En effet, l’agriculteur ne peut garantir, au moment du semis ou même en cours de saison, la quantité ou la qualité de sa production, ou le prix auquel il pourra la vendre. Outre l’aléa climatique, l’aléa économique lié à un marché mondialisé est également à prendre en considération.

La proposition de loi prévoit divers dispositifs tendant à favoriser la souscription d’assurances et la constitution d’une épargne de précaution, en particulier pour les jeunes agriculteurs.

Soutenir l’investissement productif et favoriser la modernisation de l’outil de production est autant nécessaire dans le secteur industriel que dans le secteur agricole. Les pays très compétitifs ont su réformer leurs outils de production pour gagner en technicité et en productivité. Pour cette raison, la proposition de loi étend un dispositif de sur-amortissement aux bâtiments et installations de magasinage et de stockage de produits agricoles. Les entreprises agricoles pourront bénéficier, sur la valeur de leur investissement, d’une déduction d’impôt.

Mais les investissements nécessitent l’implication des banques et surtout la viabilité des projets.

Il faut que le monde agricole se mobilise pour attirer des capitaux extérieurs au secteur, comme dans n’importe quel autre secteur économique.

Le rapport sur « Les défis de l’agriculture connectée dans une société numérique » (15) indique que « le crowdfunding [financement participatif] se développe de plus en plus dans le secteur agricole, pour soutenir une agriculture raisonnée ou innovante. Il pourrait donc être une piste pour soutenir également l’installation d’exploitations de toutes tailles, en s’inspirant notamment des projets de microfermes, à proximité des villes. » Le think tank recommande que start-up, collectivités territoriales, associations, coopératives se mobilisent pour créer des plateformes de financement participatif.

La simplification pour les entreprises est une politique structurelle qui stimule l’activité́ économique, en rendant les procédures plus faciles, plus rapides, sans diminuer les protections ou les droits essentiels. La complexité administrative et normative ressentie par les entreprises est réelle et pèse sur la capacité de notre économie à innover, à être compétitive et à créer des emplois.

L’inflation normative impacte particulièrement les filières agricoles. La moitié de la production normative européenne concerne ce domaine. Le nombre conséquent de règlements et de directives européennes conduit ainsi à une augmentation des règles applicables à ce secteur d’activité.

Cette inflation normative est amplifiée par la sur-transposition en droit interne. En effet, les pouvoirs législatif et réglementaire ont tendance à adopter des règles plus contraignantes que celles prévues par les autorités européennes.

Cette mauvaise transposition a des conséquences dommageables, parmi lesquelles se trouve l’atteinte portée à la compétitivité des filières agricoles.

Afin de respecter ces normes rigoureuses, les acteurs des filières agricoles françaises doivent engager des coûts toujours plus importants. Ces dépenses supplémentaires sont un frein supplémentaire à la compétitivité des exploitations nationales.

Outre l’insécurité juridique, l’adoption de règles plus strictes que celles négociées dans les instances européennes décourage les opérateurs économiques du monde agricole. Ces derniers dénoncent ainsi un carcan réglementaire et normatif illisible.

La perte de compétitivité due à la sur-transposition représente un frein. Les autres États européens, pourtant astreints au respect des mêmes directives, adoptent des règles moins contraignantes donnant un avantage concurrentiel à leurs filières agricoles.

Ce déficit de compétitivité des filières agricoles françaises comparé aux filières européennes est une source d’incompréhension pour les opérateurs agricoles français.

La sur-transposition vient également de l’adoption de normes différentes par des ministères qui ne se concertent pas suffisamment afin de rendre le cadre normatif global moins pesant.

La sur-transposition a également pour conséquence d’augmenter le nombre de contentieux coûteux dus à la complexité des normes adoptées.

Le problème de la sur-transposition se retrouve notamment dans le droit positif applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). La transposition des différentes directives concernant les seuils d’autorisation pour ce type de structures est un exemple de cet excès de zèle qui pénalise nos filières agricoles. Les textes listant les exigences quant au contenu des études d’impact relatives aux ICPE sont ainsi plus volumineux en droit interne que dans la directive qu’ils sont censés transposer.

Il est fondamental de lutter contre la sur-transposition des directives européennes afin de rendre nos filières agricoles plus compétitives.

La « déconstruction » des excès et des incohérences de la réglementation est cependant un exercice particulièrement complexe pour la représentation nationale alors qu’elle est la première exposée au mécontentement des citoyens insatisfaits. Beaucoup de normes qui font l’objet de critiques ne relèvent pas du domaine législatif mais sont du domaine réglementaire. Ainsi, les décrets et arrêtés sont modifiés sous la seule responsabilité de l’exécutif, conseillé par une administration qui bien souvent fonctionne « en silo ». Sur le terrain il en résulte une situation où même les Préfets sont d’un l’incapacité de coordonner les avis des différentes directions de l’administration déconcentrée. Il en résulte sclérose de l’action publique et une stérilisation de l’initiative privée.

Par ailleurs la Cours des comptes a relevé l’insuffisance des études d’impact permettant d’éclairer le travail législatif. À l’heure où la croissance reste en berne et où le nombre de chômeurs bat des records, il conviendrait de revisiter notre réglementation avec ce principe simple : « mettre le droit au service de la relance de l’économie nationale. »

L’allégement de charges sur les plus petites exploitations est conforme à la récente réforme de la politique agricole commune visant à passer à un système d’aides forfaitaires basées sur les surfaces. La France a choisi de majorer les aides aux premiers hectares, ce qui la conduit à allouer une partie de son budget aux plus petites exploitations. Les aides européennes et françaises sont déjà largement orientées vers les soutiens aux jeunes agriculteurs (moins de 40 ans) qui, pour les cinq premières années suivant leur installation, sont accompagnés par un parcours d’installation qui les guide vers les meilleurs choix.

La note du Conseil d’analyse économique, « L’agriculture française à l’heure des choix » précitée, formule la recommandation n° 6 de « privilégier le lissage fiscal, voire le report d’emprunts et de charges sociales sur plusieurs années comme outil de stabilisation au niveau national. »

De tels dispositifs permettent aux exploitants agricoles de faire face à des aléas temporaires sans risque de dérive budgétaire.

Suggestion du rapporteur :

À l’occasion de nos auditions, et comme s’en étonnent souvent les visiteurs étrangers de nos assemblées parlementaires françaises, il a été relevé qu’il n’existe aucune structure permanente de type « sous-commission » en charge de la veille sur les questions agricoles et agroalimentaires. Alors que ce secteur est la seconde industrie d’exportation de la France et qu’il traverse une profonde phase de mutation, il conviendrait de réfléchir à la correction de ce qui apparaît comme une anomalie. Un tel groupe de travail permettrait certainement de mieux assurer le suivi d’un champ économique qui ne manque pas d’actualité, de partager une même information entre tous les groupes politiques et enfin de contrôler de façon plus fine l’action du Gouvernement dans ce domaine.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 27 janvier 2016, la commission a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire (n° 3340) sur le rapport de M. Antoine Herth, rapporteur.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi, adoptée par le Sénat, en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, qui sera examinée en séance publique le jeudi 4 février 2016 dans le cadre de l’ordre du jour proposé par le groupe Les Républicains.

M. Antoine Herth, rapporteur. Au nom du groupe Les Républicains, j’ai l’honneur de vous présenter la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, transmise par M. le président du Sénat.

Ce sont nos collègues du Sénat qui, dans un esprit de consensus, face au contexte de grande incertitude sur l’évolution des marchés agricoles à la fin de l’été et durant l’automne, ont pris l’initiative de ce texte, qui préfigurait les mesures d’urgence annoncées par le Gouvernement, dont certaines ont été votées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2015 et du projet de loi de finances pour 2016. Hélas, malgré les mesures exceptionnelles annoncées, les difficultés du monde agricole perdurent : les marchés des produits animaux et végétaux ne connaissent aucun redressement, bien au contraire, les difficultés financières s’aggravent, les perspectives d’amélioration s’éloignent de jour en jour.

Le hasard du calendrier nous amène donc à examiner ce texte dans un contexte où les tensions redoublent et où le désespoir des agricultrices et des agriculteurs n’a jamais été aussi profond. Nous avons le devoir d’entendre ce cri de détresse. Nous devons comprendre et analyser les causes de cet effondrement durable des marchés agricoles. Et nous avons, j’en suis sûr, la volonté d’y répondre ensemble en votant à notre tour des mesures efficaces et courageuses.

La crise touche quasiment tous les secteurs de production, et d’abord le secteur de l’élevage. En effet, la production porcine française s’enfonce depuis plusieurs mois dans une crise structurelle, caractérisée par une érosion de la production nationale, alors que l’Allemagne et l’Espagne ne cessent d’accroître leurs volumes. Avec la fermeture du marché russe, la concurrence est déportée à l’intérieur de l’Union européenne, entraînant les prix dans une spirale déflationniste, si bien que l’on est à présent loin du prix de 1,40 euro par kilo souhaité par la profession et annoncé par le ministre de l’agriculture. À l’heure où nous parlons, 10 % des élevages sont au bord de la cessation d’activité. Il y a donc urgence.

Après s’être restructuré à la suite de la suppression des restitutions européennes à l’exportation et des importantes difficultés des entreprises Doux et Tilly-Sabco, le secteur de l’aviculture avait retrouvé quelques couleurs. Il vit à présent sous la menace de l’influenza aviaire, qui frappe les producteurs de foie gras de canard du sud-ouest.

La situation est bien plus préoccupante pour la viande bovine. Après une année de sécheresse et son cortège de pénuries fourragères, puis avec la résurgence de la fièvre catarrhale ovine qui a provoqué des surcoûts et des difficultés de commercialisation des animaux, les éleveurs bovins constatent à présent l’effondrement des cours. Le kilo de viande est ainsi passé de 3,70 euros cet automne, prix déjà jugé insuffisant, à 3,50 euros aujourd’hui.

La production laitière n’est pas épargnée. La sortie des quotas s’est traduite par une fuite en avant de la production européenne, excepté en France, alors qu’au même moment la Chine diminuait ses importations en raison du retournement de la conjoncture économique. Le marché européen est donc totalement engorgé. Là encore, les prix sont en forte baisse et ne permettent pas de couvrir les coûts de production.

Je ne voudrais pas limiter mon propos aux seules productions animales, même si leur situation est de loin la plus périlleuse, les productions végétales ne faisant malheureusement guère exception.

Le marché des céréales reste déprimé, alors que l’année agricole a été particulièrement difficile en raison de la sécheresse due à la canicule qui a frappé plusieurs régions françaises. Ce marché reste étroitement lié à l’élevage, puisque 45 % du blé produit en France est valorisé dans l’alimentation animale. Or, là aussi, les trésoreries sont à sec et le préfinancement de la campagne 2016 s’annonce difficile.

Le secteur sucrier est à l’aube d’une évolution comparable à celle du lait, puisqu’il sortira en 2017 du régime des quotas de production. Mais cette production semble avoir mieux anticipé cette échéance et a déjà une longue habitude des outils de contractualisation. Il devra cependant vivre avec une plus grande volatilité des prix.

Le secteur des fruits et légumes n’a jamais bénéficié d’une protection forte au travers de la politique agricole commune (PAC), et la concurrence frontale y est la règle. Le constat est malheureusement sans appel : alors que les surfaces progressent en Allemagne et dans le sud de l’Europe, elles stagnent, voire régressent en France.

Enfin, un mot sur la viticulture. Ce secteur phare, qui contribue pour une bonne part à l’excédent agroalimentaire français, vit à l’heure de la disparition des droits de plantation. Mais, grâce à une mobilisation politique forte, il pourra préserver un cadre réglementaire évitant une explosion des volumes produits au détriment de la qualité et des niveaux de prix.

En analysant les causes qui provoquent autant de difficultés à la ferme France, nous pouvons identifier plusieurs points.

Premièrement, la conjoncture est dégradée en raison du retournement de l’économie mondiale, qui réduit les échanges commerciaux et qui touche même le pouvoir d’achat des Français et donc notre marché domestique. Mais la conjoncture est mauvaise pour tout le monde et il faut d’abord y voir un révélateur des faiblesses structurelles françaises. La principale nouveauté est que cette conjoncture affecte totalement notre économie, depuis la disparition des protections aux frontières de l’Union européenne, et qu’elle amplifie les effets de manque d’anticipation ou des erreurs de stratégie commerciale.

Deuxièmement, il y a, non plus un marché, mais des marchés, chaque débouché nécessitant une parfaite adaptation du produit en gamme de qualité et en gamme de prix. Pour le dire de façon abrupte, les agriculteurs, les filières agricoles doivent désormais vendre avant de produire. L’identification du produit devient donc un élément clé de cette nouvelle approche du consommateur.

Troisièmement, l’organisation des filières est une des faiblesses de notre chaîne alimentaire. Malgré les lois et les règlements successifs, l’organisation des producteurs, la contractualisation avec l’aval, en particulier les industries de transformation, la négociation des prix, avec un déséquilibre manifeste entre partenaires, tous ces sujets restent en chantier.

Quatrièmement, la capacité d’adaptation et de modernisation des filières agroalimentaires est malheureusement entravée par un excès de réglementation et des surcoûts franco-français. Je pense à certaines transpositions de directives européennes ou encore au coût de la main-d’œuvre peu qualifiée. Ainsi, il en coûtera 10 euros de plus pour faire abattre un porc charcutier en France, autant de revenus en moins pour l’éleveur.

Cinquièmement, dans un contexte de prix fluctuants et de marges tendues, le modèle actuel de financement, de couverture des risques, de transmission des exploitations agricoles, trouve ses limites. Il est largement temps d’innover sur ces sujets.

La proposition de loi que je vous présente apporte des réponses sur l’ensemble de ces points. Elle s’inscrit dans la continuité de celle du groupe Écologiste, présentée récemment par Mme Brigitte Allain, texte adopté à l’unanimité et qui se concentrait sur un des aspects du problème, à savoir l’accroissement des débouchés de proximité. La présente proposition de loi en élargit simplement le propos en apportant des réponses sur les moyens à mobiliser pour atteindre cet objectif.

Être compétitif, ce n’est pas seulement être capable de vendre moins cher que son voisin. C’est être en mesure de se positionner sur un marché en qualité et en prix. C’est prendre les bonnes décisions au bon moment pour maîtriser ses coûts de production. C’est faire des choix d’investissement et les mettre en œuvre efficacement et rapidement. C’est être performant dans une démarche collective, car la production agricole sera toujours moins concentrée que son aval. C’est être en adéquation avec les attentes de ses clients, auxquels revient le dernier mot.

Le texte que je vous propose concerne l’ensemble des modes de production et de commercialisation présents en France. Même si chaque production a ses démarches propres, la préoccupation de la compétitivité est importante pour tous les produits bio et les appellations d’origine protégée (AOP), autant que pour les produits standard ou ceux destinés à l’export. Comme le résume souvent le ministre de l’agriculture, en matière de compétitivité, il y a le prix et le hors prix. Nous savons à présent que les prix ne se décrètent pas. Il nous faut donc nous pencher sur ce qui permettra de restaurer la compétitivité hors prix de notre agriculture.

Cette proposition de loi a pour ambition de répondre aux attentes de nos agriculteurs et de nos éleveurs, mais également, au regard de la crise que nous vivons, de compléter les mesures d’urgence engagées par le Gouvernement et qui ont encore fait l’objet d’annonces complémentaires hier.

À présent, permettez-moi de vous présenter synthétiquement les treize articles que nous allons examiner. Ils concernent trois thématiques : l’amélioration des relations du producteur au consommateur, la sécurisation des investissements et des risques financiers et l’allégement des charges et de la réglementation.

L’article 1er propose une contractualisation prenant en compte les coûts de production des agriculteurs.

L’article 1 bis vise à trouver une solution au problème de cession des contrats laitiers. En effet, comme me l’a indiqué le rapporteur du Sénat, on trouve des offres choquantes sur des sites internet de vente de gré à gré.

L’article 2 instaure une conférence agricole annuelle pour réunir tous les acteurs de chaque filière, afin de leur permettre de partager leur analyse sur l’évolution des marchés.

L’article 2 bis oblige les établissements ne respectant pas les obligations de transmission des données relatives à leurs prix et à leurs marges à indiquer qu’ils refusent de transmettre ces données.

L’article 2 ter prévoit que la liste de ces établissements, dans le cadre des travaux de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, est rendue publique.

L’article 3 propose une solution originale au refus actuel de l’Union européenne de généraliser l’identification de l’origine des matières premières agricoles. Il donne ainsi le droit au consommateur d’obtenir ces informations sur simple demande, obligeant les producteurs, transformateurs et distributeurs à fournir ces informations.

L’article 4 permet aux agriculteurs de mieux gérer les risques financiers liés à la souscription d’un emprunt. Ce dispositif devrait faciliter la négociation sur les « années blanches ».

L’article 5 a pour objectif de drainer l’épargne populaire vers l’agriculture, avec la création d’un livret vert.

L’article 5 bis prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur l’ouverture de prêts à longue durée, dits « prêts de carrière », pour les jeunes agriculteurs.

L’article 6 assouplit la déduction pour investissements et propose diverses modifications de dispositifs d’accompagnement fiscal. Je vous proposerai des amendements visant à rectifier cet article, du fait de l’application de dispositions prévues par la loi de finances rectificative pour 2015.

L’article 6 bis subordonne le bénéfice du soutien public aux jeunes agriculteurs à la souscription par ceux-ci d’une assurance aléa climatique.

L’article 6 ter instaure un crédit d’impôt pour la mise en place d’assurances couvrant l’approvisionnement et la livraison des produits de l’exploitation.

L’article 7 crée un étage supplémentaire au « suramortissement Macron », en l’étendant aux bâtiments d’élevage et en allongeant la période de bénéfices au 31 décembre 2016.

L’article 8 aligne les seuils du régime des installations classées pour la protection de l’environnement sur ceux permis par la directive européenne de 2011.

L’article 8 bis A limite l’excès de réglementation en prévoyant que, pour toute nouvelle norme créée dans le domaine agricole, une norme antérieure est abrogée.

L’article 8 bis prévoit l’expérimentation jusqu’en 2019 de l’alignement des exigences nationales sur les exigences européennes en matière d’étude d’impact.

L’article 9 réinstaure l’exonération dégressive des charges patronales pour les salariés permanents.

L’article 9 bis répartit le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) entre l’ensemble des associés d’une société de personnes.

L’article 10 étale sur six ans, au lieu de cinq, l’allégement des cotisations sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs.

L’article 11 crée une possibilité exceptionnelle de revenir au régime d’imposition sur la base des résultats de l’année d’imposition pour les agriculteurs ayant opté pour la moyenne triennale.

L’article 11 bis exonère totalement les exploitations agricoles de taxe foncière sur les soixante premiers hectares.

L’article 12 oblige le Gouvernement à présenter devant le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire un plan de simplification pour l’agriculture.

L’article 13, enfin, porte sur le gage.

Un sujet n’est pas abordé dans ce texte : le modèle de politique agricole commune que nous souhaitons construire - ou plutôt reconstruire - avec nos partenaires européens. Au-delà de la compétition interne et de l’exacerbation des distorsions de concurrence, que je déplore, il nous faudra porter un projet qui redonne toute sa place à la solidarité européenne au travers d’outils de régulation rénovés. Retrouver une ambition commune est la condition indispensable pour que l’Europe puisse s’imposer dans le concert mondial qui tend à la marginaliser.

M. Yves Blein. Monsieur le rapporteur, le groupe Socialiste, républicain et citoyen partage votre diagnostic : avec le retournement de l’économie mondiale, la conjoncture révèle les problèmes structurels de notre production agricole ; il n’y a pas un marché, mais des marchés, et l’identification du produit est un élément clé ; la question des chaînes de production et de l’équilibre des négociations est délicate ; les filières doivent s’adapter et ne pas être entravées par des normes supplémentaires ; la fluctuation des prix et des marges est une question essentielle, qui impose d’agir sur la compétitivité prix comme sur la compétitivité hors prix.

Toutefois, si l’objectif affiché de cette proposition de loi est de répondre à la crise que traverse le monde agricole, elle ne comporte aucune réponse nouvelle depuis les dispositions prises par le Gouvernement. Je pense d’abord au plan de soutien à l’élevage du 22 juillet dernier, qui mobilise plus de 700 millions d’euros sur trois ans, 150 millions d’allégements de charges sociales et bancaires, auxquels se sont ajoutés près de 63 millions de crédits européens dans le cadre de mesures décidées à la demande de la France.

Je rappelle aussi les mesures de soutien à l’investissement dans l’agriculture et l’agroalimentaire, avec 120 millions d’euros sur trois ans au travers du programme d’investissements d’avenir (PIA), 350 millions d’aides publiques par an sur trois ans au titre du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations, l’éligibilité au suramortissement de nombreux investissements productifs dans le secteur, le mécanisme d’amortissement accéléré des investissements et la réforme de la dotation pour aléas.

La situation nouvelle exige de la réactivité, des décisions immédiates, ce qu’a fait hier le ministre en annonçant un renforcement des mesures de soutien aux éleveurs et aux agriculteurs en difficulté. Le plan de soutien à l’élevage va être complété pour un montant de 125 millions d’euros et étendu à certaines filières végétales. Des aides à la trésorerie seront mises en place dans l’attente du paiement des aides de la PAC, conformément aux demandes de certains présidents de région, pour un montant de 500 millions d’euros. Enfin, des mesures ont été décidées pour répondre à l’épisode de sécheresse de cet été, ainsi qu’aux deux crises sanitaires majeures qui ont touché le monde agricole, en raison de la fièvre catarrhale ovine et de l’influenza aviaire dans le Sud-Ouest de la France.

Enfin, le ministre de l’agriculture a annoncé que le Gouvernement allait présenter un projet de décret en Conseil d’État pour étendre l’étiquetage de l’origine aux produits carnés transformés, initiative qui sera immédiatement notifiée à la Commission européenne.

Ainsi, les plans succèdent aux plans et répondent à la situation d’urgence dans laquelle est plongée notre agriculture. Cette proposition de loi n’apporte donc rien de nouveau. Les mesures qu’elle propose existent déjà, d’autres relèvent davantage du domaine réglementaire, d’autres encore ajoutent de la réglementation alors que les agriculteurs se plaignent déjà d’un excès de réglementation.

Je rappelle par ailleurs qu’une mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage a été confiée à nos collègues Annick Le Loch et Thierry Benoit.

Dans ces conditions, il ne nous semble pas nécessaire d’imposer aux agriculteurs un énième texte qui reviendrait sur des mesures déjà prises et dont les effets ne sont pas encore évalués.

M. Daniel Fasquelle. Nous pouvons en effet nous retrouver sur le constat : les agriculteurs souffrent et nous devons entendre leur cri de détresse. Pour autant, Monsieur Yves Blein, nous ne pouvons pas dire que le Gouvernement actuel a pris les bonnes décisions pour sauver notre agriculture. Année après année, les difficultés ne cessent d’empirer. Par conséquent, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Le groupe Les Républicains considère que cette proposition de loi apporte des réponses concrètes. Si vous pensez que ce texte ne va pas assez loin, chers collègues de la majorité, améliorez-le par voie d’amendements, mais ne bloquez pas son adoption par principe. Si nous pouvions sortir des postures partisanes, nous y gagnerions et en efficacité, et en crédibilité auprès de l’opinion publique. D’ailleurs, les sénateurs socialistes se sont abstenus sur ce texte, considérant qu’il contient des mesures positives.

En effet, l’agriculture française ne se bat pas à armes égales face à ses voisines européennes, notamment espagnole et allemande. Il y a encore vingt ans, la France était un grand pays agricole au sein de l’Europe, mais, aujourd’hui, elle continue à perdre du terrain. Oui, il faut des allégements de charges : le CICE doit s’appliquer à toutes les exploitations agricoles. Les mesures proposées dans ce texte sont attendues par les agriculteurs.

Ceux-ci se plaignent d’une trop grande complexité. Au lieu d’ajouter de la complexité à la complexité, comme cela a été fait avec le compte pénibilité, il faut simplifier. En la matière, la proposition de loi va dans le bon sens : je pense aux articles sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), sur la suppression d’une norme à chaque création de norme - pourquoi ne pas en supprimer deux, d’ailleurs ? -, ou encore sur le non-ajout de normes nationales aux normes européennes. On entend souvent dire que « c’est la faute à l’Europe » ; les règles européennes n’entravent pourtant pas l’agriculture allemande. C’est que, en France, on ajoute les normes françaises aux normes européennes.

En ce qui concerne les négociations avec la grande distribution, le rapport de force est déséquilibré. Les interrogations portent sur les marges, sur le décalage important entre le prix de vente des produits agricoles et leur prix de vente au consommateur. Là encore, la proposition de loi va dans la bonne direction.

Par ailleurs, les mises aux normes impliquent des investissements considérables. Or les agriculteurs qui ont dû investir peinent à faire face aux échéances de remboursement. Par conséquent, il faut des aides fortes à l’investissement, permettant d’alléger la charge de la dette dans les comptes des exploitations.

Dernier point : il faut que les consommateurs soient les alliés des agriculteurs. En indiquant plus clairement l’origine des produits, les consommateurs - de plus en plus soucieux de la qualité de ce qu’ils achètent - soutiendront l’agriculture française.

En conclusion, il serait fort dommage de ne pas voter cette proposition de loi qui comporte des mesures intéressantes.

Mme Jeanine Dubié. Les députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste pensent que l’agriculture est une composante essentielle de l’identité de la France, que ce soit en termes de superficie, de tradition, de savoir-faire, de vitalité de nos territoires ruraux, d’emplois, de balance commerciale ou de sécurité de notre approvisionnement. C’est pourquoi ils sont attentifs à toute mesure visant à soutenir l’agriculture. Je représente mon groupe au sein de la mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage, qui rendra prochainement ses conclusions au terme d’un important travail.

Le chapitre Ier de la proposition de loi vise à rendre plus justes et plus transparentes les relations existantes, du producteur jusqu’au consommateur. Malgré de nombreuses tentatives, nous n’avons toujours pas réussi à rééquilibrer les relations commerciales.

L’article 1er propose que la contractualisation prenne en compte les coûts de production des agriculteurs, pour mieux répartir les efforts à réaliser dans les filières. Si nous sommes favorables à toute mesure visant à favoriser l’entente entre les différents maillons de la filière, cet article ne semble pas apporter de véritable changement par rapport au droit positif, les références existant déjà dans les clauses relatives aux prix ou aux critères de détermination des prix.

L’article 1er bis vise à mettre fin à la cessibilité à titre onéreux des contrats laitiers. Nous y sommes favorables.

Pour améliorer les relations dans les filières, l’article 2 instaure une conférence agricole annuelle qui rassemblerait tous les acteurs de chaque filière, sous l’égide du médiateur des relations commerciales. Si cette proposition semble être une bonne idée, je veux toutefois préciser que, aujourd’hui, rien n’interdit aux acteurs de se réunir sous ce format. Il nous semble donc que cet article ne relève pas de la loi.

L’article 2 bis semble plus hasardeux, en proposant un affichage public par les acteurs eux-mêmes de leurs manquements aux obligations de réponse aux enquêtes statistiques réalisées par l’observatoire de la Formation des prix et des marges des produits alimentaires. L’Observatoire s’est amélioré, mais il peut encore progresser, et la priorité est d’abord de lui donner les moyens d’analyser des chiffres non maquillés, en tout cas plus transparents.

L’article 3 vise à permettre au consommateur de connaître l’origine des produits transformés à base de viande ou de lait. C’est une demande constante des acteurs de la production, que les députés de mon groupe ont systématiquement soutenue. Le dispositif présente toutefois un risque d’incompatibilité avec le droit européen, et les industriels prédisent une hausse des prix allant jusqu’à 30 %. Malgré ces risques, il faut soutenir l’idée. Le Gouvernement doit se battre à Bruxelles, peut-être avec une solution de compromis dans un premier temps, en commençant par une démarche volontaire, ensuite en obtenant à Bruxelles un étiquetage obligatoire au moins des ingrédients principaux. Les agriculteurs et les consommateurs ont tout à y gagner.

Sur le chapitre II visant à « faciliter l’investissement et mieux gérer les risques financiers en agriculture », les mesures paraissent plus fragiles.

La modulation automatique du remboursement du capital des emprunts souscrits par les agriculteurs pour financer l’investissement, lorsqu’une crise intervient dans leur secteur d’activité, est proposée à l’article 4. Si une telle mesure paraît utile, elle serait contestable juridiquement et ne vaudrait que pour les futurs prêts.

L’article 6 vise à améliorer la gestion des risques en agriculture. Il étend la déduction pour investissement et modifie le mécanisme de la déduction pour aléas (DPA) avec une réserve spéciale d’exploitation agricole (RSEA), d’utilisation simplifiée. En fait, c’est une réforme de la DPA proche de celle votée dans le projet de loi de finances pour 2016.

Concernant le chapitre III, l’allégement des charges et des normes, nous sommes favorables aux intentions, mais les articles posent plusieurs problèmes. La simplification, et notamment le classement ICPE, est d’ordre réglementaire. Même si nous avons souvent inséré dans la loi des dispositions de cet ordre, ces dispositions relèvent de la compétence du Gouvernement.

Cette proposition de loi est un travail parlementaire remarquable, que nous saluons. Elle comporte de bonnes intentions, des idées, mais aussi des mesures plus ou moins solides juridiquement, au chiffrage incertain, et parfois déjà mises en œuvre. Toute la question reste de savoir comment optimiser l’efficacité de l’argent mobilisé pour les agriculteurs, c’est-à-dire de trouver les solutions les plus efficientes.

Dans ces conditions, le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste s’abstiendra.

M. Thierry Benoit. Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je salue une proposition de loi qui est la parfaite illustration du travail parlementaire. Le texte issu du Sénat me convient, car nombre des mesures qu’il propose ne figuraient pas dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt que mon groupe a votée. Il manquait en effet à cette loi un volet sur la compétitivité, la fiscalité agricole, la relation amont-aval des filières agricoles. En pointant ces faiblesses, cette proposition de loi arrive à point nommé, c’est-à-dire au moment où les agriculteurs français témoignent de leur colère et réclament des mesures urgentes.

L’un des axes de ce texte concerne la répartition de la valeur ajoutée. De fait, lorsque le litre de lait est payé 28 centimes aux éleveurs et la brique de lait vendue 1 euro le litre au consommateur, cela représente une marge de 72 centimes ! Lorsque le kilo de porc est payé 1,22 euro aux éleveurs et la côtelette de porc achetée 7,50 euros par le consommateur, cela représente une marge de 6,28 euros ! Ce problème de répartition de la création de richesses entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs est crucial.

Deuxième sujet abordé par ce texte : l’information des consommateurs, l’étiquetage, la transparence. Là encore, le texte va dans le bon sens et soutient plutôt le label « Né, élevé et abattu en France » . Le groupe Union des démocrates et indépendants proposera un amendement visant à interdire le logo « Transformé en France », source de manipulations et de tromperies. En effet, l’étiquetage « Transformé en France » pour des produits d’origine inconnue, parfois douteuse, est susceptible d’induire le consommateur en erreur sur la qualité sanitaire de ces produits.

Troisième sujet : les mesures fiscales. Alors que la France était encore, il y a quelques années, le premier pays agricole en Europe, elle a perdu des parts de marché tant au plan national qu’à l’export. L’aide à l’investissement, la mobilisation du dispositif Macron de suramortissement pour les éleveurs, l’extension du CICE, sont autant de mesures propres à soutenir la compétitivité des agriculteurs.

En ce qui concerne la simplification, notre groupe propose un amendement limitant le nombre de contrôles à un par an. Nous voulons que la puissance publique, au plan national et régional, considère les éleveurs et les agriculteurs comme des gens honnêtes, de grands professionnels qui, depuis plus de quarante ans, ont su répondre à toutes les exigences européennes et françaises en matière de sécurité sanitaire et alimentaire, d’environnement, d’aménagement des paysages. Leurs efforts doivent être reconnus pour ce qu’ils sont.

Notons la grande qualité de ce texte, qui est digne de ce que pourrait proposer un ministre de l’agriculture. Je souhaite que nous puissions trouver les voies et moyens de convergence pour le faire aboutir, car les réponses qu’il apporte sont attendues de manière urgente par l’agriculture et la filière agroalimentaire.

Mme Michèle Bonneton. L’agriculture et l’agroalimentaire sont des composantes fondamentales pour la France et pour son économie. Beaucoup de nos agriculteurs sont en difficulté et le manque de visibilité pour l’avenir, même pour l’avenir proche, ajoute encore à leurs inquiétudes.

Cependant, alors même que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt commence à se mettre en place, on nous soumet une proposition de loi qui n’est pas tout à fait cohérente avec celle-ci. Votre texte nous entraîne vers une industrialisation de plus en plus poussée qui, dans nos élevages notamment, n’est bonne ni pour la qualité, ni pour les impacts sociaux et environnementaux. Ce n’est pas ainsi que l’agriculture sortira de la crise qu’elle traverse, car l’industrialisation conduirait à accélérer la disparition d’exploitations, sans apporter par ailleurs de solution pérenne. L’avenir n’est pas dans une fuite en avant, dans l’accroissement des volumes de production ; il faut au contraire orienter l’agriculture vers la qualité des produits et la qualité sociale, environnementale et économique. Il est nécessaire de s’orienter vers une forte valeur ajoutée pour le producteur et pour le consommateur. N’oublions pas, enfin – et surtout pas après la COP21 ! – que l’agriculture industrielle participe largement au dérèglement climatique.

Une partie de la réponse, en France, consistera à mettre en œuvre des projets alimentaires territoriaux. Bien sûr, les exportations sont importantes pour notre pays et pour ses agriculteurs. Cependant, on ne peut que s’interroger lorsqu’elles sont faites à perte ou avec des marges inférieures à celles du marché intérieur.

L’absence de chiffrage soulève également des interrogations, notamment en ce qui concerne les exonérations fiscales patronales pour les entreprises agricoles et agroalimentaires, ou le relèvement des seuils d’enregistrement des installations classées pour la protection de l’environnement. On explique, pour justifier cette dernière mesure, qu’il est temps de mettre fin à une surtransposition des directives européennes : c’était peut-être vrai par le passé, mais cela ne l’est plus aujourd’hui.

Ce texte tourne le dos à l’avenir en proposant des recettes qui ont conduit, en vingt ans, à la disparition d’une exploitation sur deux. Le secteur laitier continue de subir les plus fortes baisses, ce qui explique le désespoir de nombreux agriculteurs. Malheureusement, ce n’est pas en appliquant votre proposition de loi que nous trouverons des solutions sur le moyen terme.

Vous l’aurez compris, notre position sur ce texte est réservée.

M. André Chassaigne. La crise agricole est extrêmement grave et les cris de détresse qui s’élèvent expriment une réalité : les agriculteurs souffrent et vivent un véritable drame. Il est donc nécessaire de mener une réflexion, d’échanger des points de vue et d’essayer d’apporter des réponses. Et tout travail législatif mené en lien avec la profession agricole mérite d’être salué, même si nous pouvons avoir des divergences sur les solutions proposées. Ces divergences ne sont pas une posture, mais trahissent des visions distinctes de l’avenir de l’agriculture. La vôtre, bien différente de notre sensibilité, paraît empreinte de libéralisme.

Je pourrais, du reste, adresser le même reproche à certains choix du Gouvernement. La guerre économique que le libéralisme mène depuis trente ans est en train de tuer notre agriculture et des centaines de milliers d’exploitations familiales. Imaginer que la course à la compétitivité peut apporter une réponse à la crise est une erreur absolue. Cela n’aboutira qu’à une sorte de bascule continuelle qui ne résoudra pas fondamentalement le problème. Notre agriculture est porteuse de valeurs, de missions, qui ne sont pas compatibles avec une économie de marché mondialisée où la concurrence est libre et non faussée.

L’agriculture doit avant tout être exemptée des règles de la libre concurrence. Nous devons tous être vent debout contre l’article 101 du traité de Lisbonne sur le fonctionnement de l’Union européenne. Alors que l’agriculture est broyée par la libre concurrence, vous ne trouvez d’autre solution que de vouloir améliorer la compétitivité. Pour ma part, je considère que ce n’est pas le combat à mener.

Cependant, la proposition de loi comporte quelques éléments positifs. Ainsi, le chapitre Ier propose de prendre en compte les coûts de production, avec une rémunération de l’agriculture par le biais d’une conférence annuelle de filière, ce qui permettrait, par exemple, de fixer un prix plancher pour telle production dans telle région. Cependant, je m’adresse à ceux qui furent les auteurs de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, autrement dit la « loi Édouard Leclerc » de 2008. Aujourd’hui, les bonnes intentions ne suffisent pas. La réponse se situe aussi au niveau européen. Il faut fixer des prix planchers qui permettent aux agriculteurs de vivre.

Les propositions sur l’étiquetage vont également dans le bon sens, même si je les trouve un peu timides, puisqu’elles n’instaurent pas d’obligation. L’article 3 manque de flamme révolutionnaire…

J’en viens aux points négatifs. L’article 4, consacré aux banques, n’impose aucune contrainte, se contentant de faire appel à leur générosité. On voit ce que cela donne aujourd’hui : les banques refusent, par exemple, d’aider les agriculteurs en difficulté, bien que l’État prenne en charge les intérêts d’emprunt, et 50 % des demandes d’avance de trésorerie sont rejetées.

Les chapitres III et IV vont également dans le mauvais sens. Vous vous orientez vers la TVA sociale et remettez en cause les principes fondateurs de la sécurité sociale. Dans ces six articles, vous proposez une refonte de notre système de sécurité sociale en balayant d’un revers de main l’un de ses principes fondateurs : « Chacun cotise selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. » Si, pour résoudre tous les problèmes de notre pays, on n’a pas d’autre idée que de casser la sécurité sociale, on pourra sans doute faire plaisir à une corporation, mais je doute qu’on aille dans le sens de l’intérêt général !

Mme Annick Le Loch. La commission des affaires économiques a créé une mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage. Dans le cadre des auditions qu’elle mène, bien des sujets sont abordés : disparition des instruments de régulation à l’échelle européenne, surproduction, baisse de la consommation, concurrence exacerbée et politique libérale de l’Europe, politique du prix bas, toujours plus bas, suicidaire quand les charges augmentent, poids de la grande distribution et de ses quatre centrales d’achat qui sont désormais maîtres du jeu, manque d’organisation des filières, coopératives qui ne défendent pas leurs adhérents. Quels moyens préconisez-vous pour renforcer le pouvoir des producteurs dans le cadre européen ?

Malgré les lois, les ordonnances, les décrets, les tables rondes, le sentiment d’abandon qu’éprouve la population rurale laborieuse n’a jamais été aussi fort. Pour assurer un avenir à nos producteurs, il faudra bien plus que cette proposition de loi, même si elle présente quelques éléments positifs. La mission rendra son rapport le 2 mars prochain. Nous aurons donc l’occasion de vous en reparler.

M. Jean-Claude Mathis. L’article 10 de la proposition de loi prévoit un allégement des charges supportées par les jeunes agriculteurs en début de carrière. L’exonération dont ils bénéficient aujourd’hui passe de cinq à six ans.

Sans entrer dans le débat sur l’agriculture familiale et l’agriculture industrielle et dans le contexte actuel, pensez-vous que les mesures contenues dans ce texte soient suffisamment incitatives pour encourager les jeunes agriculteurs à reprendre les exploitations familiales ?

M. Dominique Potier. Notre débat est capital pour la sécurité du monde, en cela qu’il touche à l’équilibre agricole, c’est-à-dire à l’équilibre alimentaire, qui n’est pas une marchandise comme les autres. Monsieur André Chassaigne a raison, la compétitivité libérale n’est pas la solution aux problèmes structurels et à la profonde détresse que nous constatons dans nos circonscriptions. Ces propositions, qui ont le mérite de relancer le débat, ont un défaut fondamental : elles font porter par l’État et par la société des problèmes qui viennent d’une mauvaise régulation des marchés libéraux. La déréglementation des quotas a des conséquences sur tous les marchés et sur l’économie circulaire autour de l’alimentation animale et, donc, des céréales. Chaque fois qu’on dérégule, on casse nos territoires, on brise des vies et on attente à la sécurité du monde. Il faut plus que jamais se battre, comme le font Monsieur Stéphane Le Foll et la majorité, pour imposer de nouvelles régulations.

Enfin, il manque à ces propositions un volet essentiel, qui nous ramènerait à nos propres responsabilités et concerne les producteurs. Nous devons amplifier l’effort d’agro-écologie qui, loin d’être un handicap, est la solution. Nous devons hâter le retour à une agriculture de groupe, seule à même de résoudre le problème de surcapitalisation. Enfin, nous devons mener une véritable politique foncière de régulation : c’est la politique mère de l’avenir de l’agriculture.

M. Dino Cinieri. J’associe mon collègue Monsieur Paul Salen à mon intervention.

Les agriculteurs doivent faire face à diverses menaces : la concurrence de nouvelles puissances agricoles, s’agissant notamment du Brésil et de la Chine, la volatilité des prix et des cours, l’effondrement des revenus qui frappe toutes les exploitations, toutes les filières et toutes les familles de paysans depuis plusieurs décennies, sans parler des conséquences de l’embargo russe qui s’éternise sans réelle justification.

Depuis mon élection, j’ai eu à cœur de dialoguer régulièrement avec de nombreux arboriculteurs, éleveurs, producteurs laitiers, viticulteurs, sylviculteurs ou apiculteurs. On constate, au fil des ans, une déception croissante. Nous attendions beaucoup de la dernière loi d’avenir pour l’agriculture, puis des différents plans de sauvetage annoncés dans un grand battage médiatique par le Premier ministre et le ministre de l’agriculture. Mais ces mesurettes ne reposant sur aucune vision économique de l’agriculture ne permettront pas à notre pays de se moderniser, d’innover, de développer son activité ni de gagner des parts de marché à l’étranger.

Nos agriculteurs, toutes filières confondues, attendent que nous les aidions à renforcer la compétitivité et que nous mettions en œuvre un véritable choc de simplification pour qu’ils puissent lutter à armes égales face à la concurrence européenne.

Depuis trois ans, le Gouvernement met à mal le secteur agricole, avec la suppression de la TVA compétitivité qui aurait pu bénéficier à nombre d’entreprises du secteur.

M. Arnaud Viala. Notre débat s’inscrit hors de tout champ polémique, même si le hasard fait que les agriculteurs manifestent ces jours-ci. Ils ne sont pas habitués à manifester : s’ils le font, c’est que leur détresse est profonde.

La proposition de loi ouvre le débat sur trois points essentiels. Le premier touche à la perception que nous devons avoir de l’activité agricole. Celle-ci doit avant tout être économique. On ne peut imaginer, en effet, qu’elle ne soit régie que par des considérations agroenvironnementales et que les agriculteurs ne soient que des jardiniers de l’espace, auxquels on fixerait quelques règles pour le bon entretien des campagnes. La proposition de loi lance le nécessaire débat sur la compétitivité, sur l’allégement des normes et des charges, qui ne doit pas seulement être mené à propos de l’activité agricole.

Deuxième sujet à approfondir, nous devons réfléchir au format juridique des exploitations agricoles, afin de leur permettre de s’adapter à la réalité du jour, sans pour autant aller vers l’agriculture industrielle.

Enfin, la place de l’agriculture doit être aussi importante dans le milieu rural, en termes d’aménagement du territoire, que dans les discussions que nous avons avec l’Europe.

Pour ma part, je soutiens ce texte et j’espère que nous irons encore plus loin.

Mme Valérie Lacroute. Le monde agricole va mal. Il assiste, impuissant, au recul de notre agriculture tant au niveau européen que mondial. Notre pays manque de confiance, alors qu’il a pratiquement tous les atouts pour réussir : le climat, la terre, l’eau, le savoir-faire, l’histoire, les produits, la réputation, c’est-à-dire tout ce qui compte pour produire et vendre dans les meilleures conditions.

Mais, aujourd’hui, avoir des atouts ne suffit plus. Il faut avoir une vraie stratégie. La clé de la réussite des pays qui gagnent, c’est leur capacité à définir une stratégie et des objectifs clairs. L’Allemagne a traité son agriculture comme elle a traité son industrie, avec pour seul objectif d’être compétitive.

Quelle est la stratégie de la France ? Quelle est notre stratégie en termes de filières ? Nul ne le sait. C’est à l’État de la définir, avec les agriculteurs, les industriels et désormais les régions, qui sont les autorités de gestion du deuxième pilier de la PAC.

Je me félicite des dispositions de cette proposition de loi, s’agissant notamment de l’allégement des charges et des normes qui rendent la vie impossible aux agriculteurs. La création d’une nouvelle norme sera désormais subordonnée à l’abrogation d’une norme antérieure, les allégements de charges et l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties redonneront de la compétitivité à l’agriculture française.

Les agriculteurs attendent beaucoup de nous, tout en ayant conscience que nos marges de manœuvre sont limitées. Ce n’est pas nous qui changerons la PAC, mais peut-être pourrons-nous imaginer les moyens de nous y adapter.

M. Bernard Reynès. Une mission parlementaire sur la baisse des charges sociales agricoles, que j’ai pilotée avec Monsieur Charles de Courson, m’avait été confiée en 2010. Je regrette qu’elle n’ait pu aboutir, sous prétexte d’euro-incompatibilité.

La baisse des charges qui figure dans cette proposition de loi est un point fondamental pour la compétitivité d’un secteur dont on parle très peu aujourd’hui, celui des fruits et légumes. Mon collègue et ami de Cavaillon, Jean-Claude Bouchet, sera d’accord avec moi, la baisse des charges est essentielle dans ce secteur où le besoin de main-d’œuvre est le plus important. C’est le secteur de l’agriculture qui crée le plus d’embauche.

Je reprendrai la proposition formulée à l’époque dans le cadre de la mission parlementaire qui m’avait été confiée et qui visait à financer l’exonération de charges sociales agricoles par la fameuse « taxe Coca », laquelle a été finalement instaurée, mais n’a pas été fléchée vers le monde agricole. Je propose donc une exonération qui s’applique à tous les salaires sans dégressivité jusqu’à 1,2 SMIC.

M. Damien Abad. Cette excellente proposition de loi s’inscrit dans un contexte de crise à la fois conjoncturel et structurel.

En ce qui concerne les relations justes et transparentes du producteur avec le consommateur, il faut se demander quelle est l’efficacité de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

S’agissant de l’étiquetage, nous avons trop tardé. Les innombrables allers et retours entre les ministres de l’agriculture et la Commission européenne n’ont donné aucun résultat. On nous avait déconseillé d’aborder la question pour ne pas affaiblir les ministres. Résultat, il n’y a plus d’avancées en matière d’étiquetage.

Par ailleurs, il est nécessaire d’intégrer les coûts de production dans la contractualisation. Ce n’est pas un dossier facile, mais c’est une demande forte de nos producteurs, et cette proposition de loi va dans le bon sens.

Enfin, il faut se poser la question de la résilience du modèle français dans un contexte européen. Le système de garantie de revenu, la TVA compétitivité et le lien entre la France et l’Europe sont des sujets fondamentaux qui interrogent notre modèle agricole.

M. Lionel Tardy. La situation que connaissent nos agriculteurs appelle des réponses. Il s’agit parfois d’une question de survie. On ne pourra pas indéfiniment enchaîner les plans de soutien à coups de milliards, car ce ne sont que des solutions temporaires et bricolées sur un coin de table.

Le plan pour l’élevage de l’été dernier en est la preuve. Aujourd’hui, les agriculteurs qui travaillent à perte n’ont pas vu la couleur de ce plan et ne touchent aucune aide. Je ne dis pas que la solution est forcément dans la loi, mais tout de même, il y a matière à agir, et cette proposition de loi avance des pistes très constructives. Vu l’urgence, elles doivent recueillir le soutien de l’ensemble des députés.

Les exploitants agricoles sont aussi des entrepreneurs et leurs difficultés sont comparables à celles des dirigeants de très petites entreprises (TPE). Je soutiens donc particulièrement l’article 8 bis A qui prévoit que, pour toute nouvelle norme créée dans le domaine agricole, une norme antérieure doit être abrogée.

J’appelle également votre attention sur l’article 11 bis, qui prévoit une exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, dans la limite de soixante hectares de surface agricole utilisable. La fiscalité est un autre levier de soutien à ne pas négliger. En 2013, Monsieur Martial Saddier, Mme Virginie Duby-Muller et moi-même, nous étions battus pour que les terres agricoles ne soient pas soumises à la majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en zone tendue, ce qui avait été envisagé par le Gouvernement. C’est toute une logique qu’il faut inverser. Cette proposition de loi y contribue largement, au-delà de la compétitivité. Je dirais même qu’elle doit permettre de libérer l’agriculture et d’apporter à nos agriculteurs la bouffée d’oxygène dont ils ont besoin.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Les agriculteurs sont des entrepreneurs, et il semble que tout se ligue contre eux : le coût du travail, le code du travail, le code de l’environnement, les associations de sauvegarde, les organisations non gouvernementales (ONG) et l’acharnement thérapeutique de nos collègues Verts, rouges d’urticaire dès qu’on parle d’exonérations fiscales patronales.

Cher André Chassaigne, pour être compétitifs, nous ne devons pas négliger un facteur important, le prix. La loi d’avenir allait-elle dans le bon sens ? Je l’ignore. En tout cas, elle ne nous a pas conduits au bon endroit. Nous avons su voter, nous, la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, dont de nombreuses dispositions ne nous convenaient pourtant pas. Alors, chers collègues socialistes et écologistes, sachez à votre tour voter notre proposition de loi, fût-elle imparfaite, car il est urgent de sauver le monde agricole.

M. Jean-Claude Bouchet. Cette proposition de loi est très importante pour notre agriculture. Les éleveurs, les pêcheurs, les producteurs de fruits et légumes rencontrent régulièrement des difficultés. Ne serait-il pas judicieux de réunir des états généraux de l’agriculture, et plus généralement du monde rural, afin de traiter une bonne fois pour toutes les problèmes qui se posent ?

M. le rapporteur. Je suis presque d’accord avec vous, Monsieur Blein : la proposition de loi n’ouvre presque pas de nouveaux chantiers. En réalité, elle se penche sur le cadre réglementaire existant pour en adapter les dispositions aux retours d’expérience que nous avons et à la crise que nous traversons. Cela fait partie du travail des parlementaires. Notre mission est d’appuyer l’action du Gouvernement lorsque nous sommes dans la majorité et de faire des contre-propositions lorsque nous sommes dans l’opposition. Nous avons également la mission de contrôler. Ce qu’attendent aujourd’hui de nous les agriculteurs et, demain, d’autres catégories professionnelles et les Français en général, c’est que nous soyons à leur écoute, que nous puissions relayer les demandes et faire en sorte que les textes les accompagnent.

Ce qui est très difficile, c’est que nous avons l’impression que l’actualité s’accélère et qu’il faut faire ce travail de suivi parlementaire d’une façon beaucoup plus précise et plus fine. Les Parlements de pays voisins sont dotés de sous-commissions thématiques. Ne pourrions-nous nous inspirer de ces pratiques ?

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous avons les groupes d’études.

M. le rapporteur. Le secteur agricole et agroalimentaire est le deuxième secteur économique. Il est donc nécessaire de renforcer le travail parlementaire.

Vous dites ensuite, Monsieur Yves Blein, comme Madame Jeanine Dubié, que l’essentiel des mesures est d’ordre réglementaire. C’est vrai. Mais, quand nous allons sur le terrain, en tant que députés, on nous dit que cela ne marche pas bien et on nous demande de faire en sorte que cela change. Nous retournons à Paris, nous posons une question au Gouvernement ou une question orale sans débat, nous écrivons au ministre… À part cela, nous n’avons aucun levier pour agir. J’ai essayé, à travers les amendements que je propose, de voir ce que nous pouvions changer sur le plan législatif pour que la situation s’améliore ensuite sur le plan réglementaire. Mais vous avez, en effet, mis le doigt sur une difficulté : nous sommes en première ligne et nous n’avons pas les manettes. Comment mieux répondre aux attentes de nos concitoyens ?

M. Daniel Fasquelle a bien identifié le problème des charges et des règles. L’une de nos missions est d’accompagner les secteurs économiques français : nous parlons aujourd’hui de l’agriculture, mais, demain, ce sera du secteur aéronautique ou des télécommunications. Dans tous les cas, il faut faire en sorte que le cadre réglementaire permette à nos entreprises d’exprimer tout leur potentiel. L’agriculture française détient des atouts exceptionnels : il ne lui manque que la possibilité d’en jouer de la façon la plus efficace pour créer des emplois et relancer l’économie.

Je vous remercie, Monsieur Thierry Benoit, d’avoir rappelé votre attachement au fait que les étiquetages ne soient pas falsifiés. Vous vous opposez au logo « Transformé en France », qui peut malheureusement cacher des processus n’ayant aucun rapport avec la production nationale. Je vous rejoins tout à fait à ce propos.

Je vous remercie également d’avoir corrigé une omission en rappelant que la question des contrôles et les propositions que vous formulez sont aussi issues du travail de la députée Frédérique Massat, qui a été très peu citée ce matin, mais qui est également une grande source d’inspiration.

Madame Michèle Bonneton, je pense avoir largement répondu par anticipation à vos remarques, notamment sur la question de l’industrialisation. Il n’y a pas à opposer qualité et non-qualité. Il y a des qualités, avec des critères objectifs tels que la qualité sanitaire ou la qualité gustative, et des critères subjectifs, comme la qualité d’image, de réputation, de marque ou de démarche idéologique, qui sont rattachés à ces produits. Il y a de la place pour toutes ces qualités sur des marchés diversifiés.

Monsieur Chassaigne, je vous remercie pour la modération de votre propos, dont je serais tenté de dire que je le partage en grande partie. Moi non plus, je ne suis pas un fervent adepte du libéralisme. Ce n’est pas le code génétique de l’économie française. J’ai eu l’occasion d’aller à Reims l’automne dernier. En face de la gare, dans un parc, se dresse la statue de Jean-Baptiste Colbert. Je me suis dit que, finalement, c’était cela, le code génétique de la France : l’interaction entre les acteurs économiques et l’État. C’est la particularité de notre pays dans le concert européen, mais c’est aussi ce qui fait notre difficulté et qui explique que nous soyons minoritaires dans notre approche de ces sujets.

J’ai terminé mon propos liminaire en disant qu’il nous faudra reconstruire des outils de solidarité. Cela signifie qu’il faut que nous nous demandions comment convaincre nos partenaires européens que l’intervention de l’État est indispensable dans certains secteurs, en particulier dans le domaine agricole. Je pense, Monsieur André Chassaigne, que nous pouvons être d’accord sur ce point.

En ce qui concerne la remise en cause de la sécurité sociale, en revanche, je ne partage pas votre idée. Je sais que le parti communiste a été l’un des piliers de la construction de notre protection sociale à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, au côté d’un Gouvernement d’union nationale. Je vous rappelle que beaucoup de Français, aujourd’hui, disent qu’il serait bon de faire, comme à l’époque, l’union nationale pour apporter des réponses aux problèmes qu’ils vivent au quotidien.

Ce que nous proposons, avec la TVA sociale, ce n’est pas de casser le système, mais de le compléter, c’est-à-dire de créer une assiette supplémentaire par rapport à l’assiette essentielle, la taxation des salaires, complétée ensuite par la contribution sociale généralisée, à l’initiative de Michel Rocard. Aujourd’hui, nous proposons d’élargir cette assiette avec la TVA. Ce sont des organisations syndicales de gauche qui ont été les premières à proposer la TVA sociale comme réponse à notre déficit démographique, qui entraîne celui de la sécurité sociale. C’est encore plus vrai à propos des emplois peu qualifiés, pour lesquels se pose un problème de distorsion.

Madame Annick Le Loch, vous avez évoqué le sentiment d’abandon qu’éprouvent les agriculteurs, en particulier les éleveurs, et je salue le travail que vous menez avec Monsieur Thierry Benoit, sous la présidence de Monsieur Damien Abad, au sein de la mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage.

Monsieur Jean-Claude Mathis a parlé de la reprise des exploitations agricoles, un sujet que je vais aborder au moyen d’un amendement. Le bilan d’une exploitation est composé des capitaux propres – le passif –et de l’endettement – l’actif. Il me semble qu’il serait utile de pouvoir intégrer à ce bilan, comme on le fait pour d’autres types d’entreprises, des porteurs de capitaux extérieurs. Cela permettrait d’éviter qu’un agriculteur passe toute sa carrière à rembourser des prêts pour se retrouver, lorsqu’il cesse son activité, dans l’impossibilité de transmettre une structure complète et fonctionnelle.

Monsieur Dominique Potier ne dit pas autre chose quand il parle de surcapitalisation. Il n’est pas question du foncier dans cette proposition de loi, mais la loi d’avenir sur l’agriculture a déjà largement évoqué ce sujet, sur lequel il ne me paraît pas opportun de revenir dans la précipitation : les règles relatives au statut du fermage doivent être abordées avec la plus grande précaution. En dépit de l’évolution législative qui s’est accomplie en la matière au cours du demi-siècle qui vient de s’écouler, on s’aperçoit, lorsqu’on se rend sur le terrain, que certaines pratiques coutumières remontant parfois à l’Ancien Régime sont toujours d’actualité. C’est dire la capacité de résilience – pour ne pas dire de résistance – dans ce domaine.

Monsieur Dino Cinieri, je sais que la question des indications géographique protégée (IGP) vous motive tout particulièrement, et nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements.

Monsieur Arnaud Viala a évoqué les formats juridiques des exploitations agricoles, qui constituent un sujet très important. On oppose trop souvent l’agriculture familiale à l’agriculture sociétaire, alors que les deux formes d’exploitation sont complémentaires. Lorsqu’une exploitation sans structure sociétaire est confrontée à des difficultés et finit par être mise en liquidation, l’exploitant perd tout, y compris sa maison et ses effets personnels — même la niche du chien y passe ! Pour une exploitation familiale, le fait d’adopter la structure sociétaire permet d’écarter ce risque et de protéger les familles concernées, en séparant le bien professionnel du bien privé. Nous devons continuer à travailler sur cette question.

Madame Valérie Lacroute, vous avez introduit dans le débat le thème de la région, auquel je tiens beaucoup. En France, il est d’usage de discuter et de décider à Paris, avant que les règles ne s’appliquent sur l’ensemble du territoire. Si ce n’est pas une mauvaise chose, il faut reconnaître que, en matière d’agriculture, la diversité des territoires, des bassins et des types de production et de marché justifie que le débat national soit complété par un débat ancré au sein des territoires. Je n’étais pas favorable à la nouvelle carte des régions, mais, puisqu’elle est aujourd’hui une réalité, j’estime que les nouvelles régions ont vocation à constituer le support du débat d’orientation des stratégies sur les territoires agricoles.

Messieurs Bernard Reynès et Jean-Claude Bouchet ont exprimé de légitimes préoccupations relatives au secteur des fruits et légumes. À ce sujet, il me paraît important de rappeler que, à défaut de réponse rapide sur les charges de main-d’œuvre, le secteur des fruits et légumes va forcément subir un repli, à moins qu’il ne fasse le choix de la robotisation. J’ai eu l’occasion de voir l’année dernière, lors du salon de la machine agricole, les premiers robots servant à entretenir des rangées de légumes. Fort bien, mais ne perdons pas de vue que, en adoptant cette solution, nous perdrions l’un des principaux leviers de création d’emplois dans le monde rural ! Sachons donc revenir rapidement à l’essentiel, à savoir le niveau de charges sur les salaires des emplois peu qualifiés.

La question de la résilience évoquée par Monsieur Damien Abad est fondamentale. Nos concurrents américains ont basé l’essentiel de leur politique d’accompagnement sur la mise en œuvre de systèmes assurantiels, qui n’en sont qu’à leurs balbutiements en Europe. Bien que le ministre de l’agriculture travaille très régulièrement sur ce point, les avancées sont encore limitées et, de ce point de vue, je ne doute pas que les travaux de la mission d’information soient très utiles.

Messieurs Lionel Tardy et Jean-Charles Taugourdeau ont insisté sur le cadre fiscal de l’entreprise. J’ai beaucoup hésité au sujet de l’article de la proposition de loi exonérant les exploitants agricoles de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, dans la limite de soixante hectares de surface agricole utilisable : cette disposition me semble extrêmement compliquée à mettre en œuvre. En revanche, je reste persuadé qu’il est indispensable de réfléchir à un autre système fiscal, peut-être en nous inspirant de ce qui se fait dans le monde de l’entreprise en général, notamment en matière d’impôt sur les sociétés ou de contribution économique territoriale, ce qui a remplacé la taxe professionnelle. Remettre tout le dispositif à plat en partant d’un principe simple, à savoir que l’installation d’un élevage ou d’une unité de transformation de produits agricoles sur un territoire dégage des revenus dont la collectivité doit tirer un revenu, permettrait de régler nombre de questions, notamment celles relatives aux installations classées ou aux difficultés d’accompagnement du développement des activités agricoles.

Chapitre Ier
Des relations plus justes et transparentes,
du producteur au consommateur

Article 1er
(article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime)

Intégration obligatoire des indicateurs d’évolution des coûts de production et des indices publics des prix des produits agricoles dans les contrats en agriculture

1. L’état du droit

L’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime créé par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche instaure une contractualisation entre producteurs, intermédiaires et acheteurs de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation.

Cette possibilité peut être rendue obligatoire par décret en Conseil d’État ou par accord interprofessionnel. C’est aujourd’hui le cas pour les fruits et légumes frais, le lait de vache et la viande ovine.

L’objet de la contractualisation est de sécuriser les débouchés et les approvisionnements pour les différents acteurs de la filière. La contractualisation a également vocation à remédier au déséquilibre contractuel entre acteurs. La possibilité – dérogatoire du droit de la concurrence européen – de créer des organisations de producteurs pour notamment mieux négocier les contrats a accompagné la contractualisation.

Les contrats écrits comportent ainsi des clauses sur la durée du contrat, les volumes, les caractéristiques, les modalités de collecte, de livraison ou de paiement des produits, les règles de révision ou de résiliation. Ils comportent également et essentiellement des clauses relatives aux modalités de détermination du prix. À ce titre et afin de prendre en considération la forte volatilité des prix des produits agricoles, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a créé un article L. 441-8 au code de commerce. Cet article prévoit l’insertion d’une « clause relative aux modalités de renégociation du prix permettant de prendre en compte [les] fluctuations [des prix des matières premières] à la hausse comme à la baisse » pour tout contrat d’une durée de plus de trois mois.

Dans la pratique et en ce qui concerne les contrats longs, les prix ne sont pas intangibles mais ils sont le résultat de formules de calcul intégrant des indicateurs d’évolution des marchés.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

La rédaction adoptée par le Sénat propose d’ajouter, dans les contrats, que les clauses relatives aux prix ou aux critères et modalités de détermination du prix intègrent des indicateurs d’évolution des coûts de production en agriculture et des indices publics des prix des produits agricoles. Ce dispositif permet d’inclure des coûts de production et des indices des prix en fonction de la conjoncture économique sans entrer dans un mécanisme complexe de détermination stricte des coûts de production, difficiles à déterminer en matière agricole. L’article 1er prévoyait initialement l’intégration des coûts de production.

La détermination des indicateurs et des indices s’appuiera sur les accords interprofessionnels et sur l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

3. Position du rapporteur

La crise des secteurs de l’élevage en particulier dans la viande bovine, la viande porcine et la production laitière a montré que la détermination des coûts de production était primordiale dans la rémunération des producteurs tant leurs marges se sont réduites ces dernières années, en particulier en 2015. Le prix de vente des productions agricoles n’est supérieur aux coûts de production des producteurs que de quelques centimes. La crise a également montré qu’il était difficile de déterminer les coûts de production mais il est nécessaire d’utiliser des indicateurs sur les tendances de ces coûts et sur les indices des prix afin de fixer au mieux la rémunération de chacun des acteurs.

Ce dispositif participe à la fois de la transparence des rapports commerciaux et de la juste rémunération des producteurs récemment contraints de vendre en dessous de leurs coûts de production. Les prix de rémunération du lait, du bœuf ou du porc ont pu, en 2015, être inférieurs aux coûts de production des éleveurs. La péremption des produits agricoles, la volatilité des coûts et le pouvoir de l’aval (distribution et transformation) sur les producteurs réduisent les marges de négociation de ces derniers. Ces négociations doivent pouvoir s’appuyer sur des indicateurs et des indices fiables et unanimement reconnus.

La lisibilité des coûts, marges et rémunérations doit permettre de restaurer un équilibre entre les différents maillons de la filière et de répondre aux demandes des producteurs qui souhaitent « des prix et non des primes » afin, tout simplement, de pouvoir vivre de leur métier.

4. Position de la Commission

La Commission a considéré que cette demande était redondante avec les dispositions existantes qui permettent déjà aux opérateurs d’intégrer les coûts de production dans les contrats, à la condition que les parties contractantes en soient d’accord.

Elle a rejeté l’article 1er.

*

* *

M. le rapporteur. Sur la question de l’intégration des indicateurs d’évolution des coûts de production et des indices publics des prix des produits agricoles dans les contrats en agriculture, les sénateurs me semblent avoir effectué un travail précis et prudent, qui justifie que nous adoptions cet article à l’identique.

M. Yves Blein. Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, il est déjà possible de prendre en compte les prix de production dans les accords interprofessionnels. Alors que ce système fonctionne de manière satisfaisante, l’article 1er vise à introduire des critères supplémentaires, plus exactement le détail des critères des coûts de production et le détail des prix publics. Or, sur la seule question des critères de production, j’ai déjà relevé six critères pouvant entrer dans le calcul des coûts, à savoir le montant des amortissements du matériel, le coût de la main-d’œuvre, le prix d’achat des intrants, les variations climatiques, la géographie des lieux et le coût des matières premières utilisées - ces six critères pouvant être croisés de différentes manières, par exemple en les cumulant par deux ou par trois.

L’article 1er est typiquement le genre de disposition ayant pour effet d’augmenter de manière considérable le volume de la réglementation - précisément ce que les acteurs du secteur agricole souhaitent éviter. Les bonnes intentions de cet article nous conduisent tout droit en enfer, Monsieur le rapporteur, c’est pourquoi le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera contre.

M. le rapporteur. J’entends bien vos remarques, Monsieur Yves Blein, et, si nous n’étions pas en train de parler du secteur laitier, je vous rejoindrais sans réserve. Dans ce domaine, il existe une entreprise de transformation bien connue, implantée dans plusieurs pays européens, qui propose aux organisations de producteurs des contrats dans lesquels les formules de prix intègrent en partie les coûts de production. Le rapport de forces entre producteurs et transformateurs étant déséquilibré, cette entreprise va librement déterminer quels éléments du coût de production doivent entrer dans sa grille de prix.

Ce qui est ici proposé, c’est que nous fixions le cadre que devront respecter les entreprises comme celle-ci. Il faut en effet éviter que ces entreprises ne se prévalent, auprès des producteurs français, de coûts de production inférieurs dans d’autres pays, notamment l’Allemagne ou les Pays-Bas. Tel est l’objet de l’article 1er : mettre en place un garde-fou afin d’éviter que l’initiative privée ne devienne la norme.

La commission rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement CE21 de M. Damien Abad.

M. Jean-Claude Mathis. L’article L. 4418 du code de commerce, issu de la loi relative à la consommation du 17 mars 2014, prévoit une clause de renégociation des prix pour les contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la vente de certains produits alimentaires « dont les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires ».

Cet article avait pour objectif de répondre aux baisses considérables des prix subies par les éleveurs. Or, en pratique, il semble qu’il n’ait pas eu l’effet escompté. La situation des éleveurs continuant de se détériorer, il est impératif d’établir un bilan de l’application de ce dispositif et, le cas échéant, de le perfectionner dans les meilleurs délais.

M. le rapporteur. Le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement sur ce sujet particulièrement important doit se poursuivre. Avis favorable.

M. Yves Blein. Mme Annick le Loch et M. Thierry Benoit devant remettre, le 2 mars prochain, un rapport sur la question évoquée, nous ne voyons pas quelle serait l’utilité d’un autre rapport.

La commission rejette l’amendement.

Article 1erbis
(articles L. 631-24 et L. 671-9 du code rural et de la pêche maritime)

Lutte contre la cession de contrats laitiers à titre onéreux

1. L’état du droit

La contractualisation est obligatoire dans le secteur du lait de vache depuis le décret du 30 décembre 2010, pris en application de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

L’article L. 631-24 précité prévoit que les acheteurs de lait (les laiteries et les coopératives laitières) autorisent les vendeurs de lait à céder leur contrat en cours à d’autres producteurs. Les repreneurs de contrats, de jeunes agriculteurs engagés dans la production depuis moins de cinq ans, doivent satisfaire à des conditions de qualification et d’expérience professionnelles. Dans ce cas de reprise et pour la durée du contrat restant à courir, le contrat est prolongé sans que les conditions de prolongation du contrat soient précisées.

Depuis 1984 existaient dans l’Union européenne des droits à produire (quotas laitiers) qui ont été supprimés le 1er avril 2015. Le but des quotas laitiers était de limiter l’offre de lait au niveau européen afin de garantir un revenu aux agriculteurs. Avec la fin des quotas laitiers s’est développée la cession, à titre onéreux, des contrats laitiers.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Cet article, introduit par voie d’amendement du rapporteur en séance publique, vise à interdire la cession, entre producteurs et à titre onéreux, de contrats laitiers. L’article prévoit qu’un nouvel installé ou le producteur accroissant son volume de production par le rachat d’un contrat se verrait garantir la proposition d’un nouveau contrat, dans des conditions identiques à celles du précédent producteur, vendeur de lait. L’acheteur laitier se verrait contraint d’offrir les mêmes conditions d’achat au repreneur du contrat. Personne n’aurait alors d’intérêt à autoriser le transfert du contrat. Le repreneur se verrait juridiquement protégé sur les conditions de la reprise de son contrat.

La cession serait inefficiente sur le plan patrimonial et pourrait conduire la personne en cause à un emprisonnement de deux ans et à une amende de 300 000 €.

3. Position du rapporteur

Votre rapporteur a été interpellé par la mise en vente, notamment sur des sites de petites annonces, de contrats laitiers. La multiplication des offres de cession à titre onéreux de contrats ouvre la voie à la marchandisation des droits à produire. Elle représente une curiosité : la cessibilité des contrats donne une valeur marchande au droit de produire alors que cette valeur a disparu avec la fin de la limitation des droits à produire. Certes, les producteurs sont inquiets mais la marchandisation des contrats induit un nouvel engagement pour les producteurs repreneurs des contrats avec un renchérissement de ceux-ci. Ces ventes à titre onéreux renchérissent le coût de l’installation des nouveaux producteurs, dans un contexte déjà catastrophique lié à fin des contrats laitiers, à l’augmentation de la production de lait européenne et à la chute des prix.

L’abandon de la régulation du marché laitier européen ne doit pas laisser la place à une marchandisation à outrance et contraire aux intérêts des producteurs. Au contraire, ils doivent travailler ensemble dans l’intérêt de l’ensemble de la profession.

4. Position de la Commission

La Commission a dit partager les préoccupations du rapporteur sur la question de la cessibilité des contrats laitiers mais elle a relevé qu’il ne fallait pas faire peser de risque juridique sur cette proposition. Par ailleurs, le Gouvernement a engagé un travail juridique sur la question.

La Commission a rejeté l’article 1er bis.

*

* *

M. le rapporteur. Je propose d’adopter l’article 1erbis sans modification.

M. Yves Blein. Un travail est déjà en cours sur l’analyse juridique précise des conditions et du contexte dans lesquels la cessibilité des contrats peut être envisagée, afin de réduire l’insécurité juridique sur ce point. Il me semble prématuré de passer aujourd’hui par la loi pour faire avancer cette question.

M. le rapporteur. Certes, une réflexion est en cours, mais certains producteurs ont déjà commencé à mettre leurs contrats en vente sur internet. Il me paraît donc utile que le Parlement envoie un signal fort aux acheteurs potentiels, afin de les mettre en garde sur le caractère extrêmement incertain de la valeur de ces contrats. La question de la cessibilité des contrats en rappelle une autre, posée lors de l’examen de la loi d’orientation agricole de 2006, qui avait créé la notion de fonds agricole, ayant vocation à identifier les valeurs matérielles, mais aussi immatérielles d’une exploitation agricole, dans la perspective de la transmission de celle-ci en tenant compte de sa valeur économique, et non simplement de sa valeur patrimoniale. Toutes ces questions se trouvant à nouveau posées aujourd’hui, je suis favorable à l’adoption sans modification de l’article 1erbis.

La commission rejette l’article 1erbis.

Article 2
Instauration d’une conférence de filière annuelle

1. L’état du droit

Les interprofessions agricoles sont nées de la volonté des différents acteurs d’une filière de partager leurs positions afin de mettre en place une stratégie de filière. Elles sont construites sur la base du volontariat, en application de l’article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime, « par les organisations professionnelles représentant la production agricole et, selon les cas, la transformation, la commercialisation et la distribution ».

En application de l’article L. 632-2-1 du même code, elles peuvent aujourd’hui prévoir des accords interprofessionnels mettant en place des contrats types, prévoir les modalités de suivi de l’exécution des contrats, « élaborer et diffuser des indices de tendance des marchés concernés, ainsi que tout élément de nature à éclairer la situation de la filière ». Un accord conclu dans le cadre d’une organisation interprofessionnelle reconnue peut devenir un accord étendu lorsque, à la demande de l’interprofession, il est rendu obligatoire par arrêté interministériel à l’ensemble des membres des professions couvertes par le champ de l’interprofession.

Toutefois, certaines interprofessions n’intègrent pas tous les maillons d’une filière, de l’amont à l’aval. D’autres interprofessions sont bloquées et cristallisent les mécontentements. C’est ce qui a conduit le ministre de l’agriculture à organiser, en 2015 avec la crise des filières d’élevage, des tables rondes et des rencontres interprofessionnelles dans le secteur de l’élevage.

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a créé un médiateur des relations commerciales agricoles à l’article L. 631-7 du code rural et de la pêche maritime. Cet article lui attribue un rôle très large : « Il peut être saisi de tout litige relatif à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat ayant pour objet la vente ou la livraison de produits agricoles, ou la vente ou la livraison de produits alimentaires destinés à la revente ou à la transformation […] Il peut faire toutes recommandations sur l’évolution de la réglementation relative aux relations contractuelles […]. Il peut également émettre un avis sur toute question transversale relative aux relations contractuelles, à la demande d’une organisation interprofessionnelle ou d’une organisation professionnelle ou syndicale […] Il peut émettre des recommandations sur les modalités de partage équitable de la valeur ajoutée entre les étapes de production, de transformation, de commercialisation et de distribution des produits agricoles et alimentaires. » Le médiateur a un rôle fondamental dans les négociations commerciales et contractuelles et permet d’éviter des mécanismes d’entente, interdits par le droit européen et national de la concurrence. Il travaille avec les organisations professionnelles, interprofessionnelles et syndicales et avec le ministre de l’agriculture.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Dans sa version initiale, la proposition de loi déposée au Sénat, d’une part, instaurait une négociation annuelle sur les modalités de détermination des prix dans le cadre de la contractualisation et, d’autre part, identifiait les perspectives de développement des ventes et de mise en valeur des productions. La commission des affaires économiques du Sénat a relevé le risque d’entente généralisée sur les prix.

Réécrit en séance publique, cet article instaure une conférence de filière qui aurait l’obligation de se réunir annuellement sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles. Elle serait une instance de discussion par filière agricole et permettrait d’intégrer tous les acteurs d’une même production agricole, qu’ils soient membres d’une interprofession ou non : organisations de producteurs, entreprises et coopératives de transformation industrielle des produits, distribution et restauration hors domicile. Les discussions porteraient sur la situation et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés mais non sur les prix.

3. Position du rapporteur

L’absence de dialogue par filière est à l’origine de nombreux points de blocage dans le secteur agricole aujourd’hui. Toutes les interprofessions ne fonctionnent pas aussi bien et il n’est pas rare que certains acteurs quittent la table de discussion ou n’y participent pas. La conférence de filière prendrait le relais des tables rondes organisées en 2015 par les pouvoirs publics, qui ont permis aux professionnels de discuter et d’avancer sur les points de blocage. Toutefois, comme le démontre le changement de rédaction de la commission des affaires économiques du Sénat, il est important de ne pas exposer les filières à des risques juridiques concernant d’éventuelles ententes anti-concurrentielles. La Commission européenne a lancé, au début de l’année 2016 une enquête sur des « comportements anticoncurrentiels allégués ». L’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdit « tous accords entre entreprises […] qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ». Cet article interdit notamment de « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction », ou encore de « limiter ou [de] contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements ».

Cette conférence annuelle serait particulièrement utile pour la filière laitière, elle permettrait d’associer la grande distribution aux discussions et de renouer le dialogue au sein de l’interprofession, notamment entre producteurs et industriels.

La région est l’échelle pertinente de définition des politiques agricoles. C’est ce qu’a confirmé la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt adoptée en 2014, avec la création des plans régionaux de l’alimentation durable (PRAD). Votre rapporteur vous propose un amendement qui fait de la région le cadre des conférences de filières.

4. Position de la Commission

La Commission a relevé qu’il existait déjà un comité de suivi des négociations commerciales se réunissant en présence des ministres de l’agriculture et de l’économie une ou deux fois par an. Ce comité suit toute l’année le déroulement des négociations.

La Commission a rejeté l’article 2.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CE4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin de parvenir à une lecture plus fine des réalités agricoles et économiques, il est nécessaire que celle-ci se fasse à une échelle plus proche des territoires. La région ayant désormais vocation à instruire les dossiers et à mettre en œuvre les aides de la politique agricole commune relatives au deuxième pilier — le développement rural —, il me paraît justifié de faire de la région le lieu de définition des politiques agricoles et le cadre des conférences de filières.

M. Yves Blein. Dans la mesure où il existe déjà un comité de suivi des négociations commerciales, qui se réunit annuellement, il ne nous paraît pas utile de créer de nouveaux espaces de discussion. Surtout, cela n’irait pas dans le sens de l’efficacité attendue par la profession dans son dialogue avec les pouvoirs publics. Plutôt que de créer de nouveaux organes, faisons déjà fonctionner au mieux ceux qui existent déjà, et faisons confiance aux présidents des nouveaux conseils régionaux pour organiser des conférences réunissant l’ensemble des acteurs du monde agricole.

M. Damien Abad. En dépit des efforts de certains pour déposséder, avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), les départements de leurs compétences territoriales, notamment en matière agricole, l’ensemble des professions agricoles souhaite que le niveau départemental continue de jouer son rôle consistant à porter à l’échelon local les politiques définies au niveau national. Si cet amendement était adopté, il faudrait donc le décliner à l’échelon départemental.

M. le rapporteur. Tenant compte des observations de M. Yves Blein et de M. Damien Abad, je retire l’amendement, en me réservant la possibilité de poser en séance publique la question à laquelle il se rapporte.

L’amendement est retiré.

La commission rejette l’article 2.

Article 2 bis
(article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques)

Obligation d’affichage, par les établissements, du refus de se soumettre aux enquêtes statistiques relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires

1. L’état du droit

L’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a été créé par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. L’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime dispose qu’il « a pour mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires, qu’il s’agisse de produits de l’agriculture, de la pêche ou de l’aquaculture ».

L’observatoire s’appuie sur les données recueillies par l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) issues du service statistique public (SSP) et de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Il remet chaque année au Parlement un rapport. Ce rapport est un document de suivi de la conjoncture agricole et agroalimentaire et de description de la répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Il s’appuie sur l’analyse des coûts de production agricole, des coûts de transformation et des coûts de distribution.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’article 2 bis, introduit par voie d’amendement en séance publique au Sénat, prévoit que les établissements qui refusent de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public affichent publiquement leur refus afin que le public puisse en prendre connaissance.

3. Position du rapporteur

Dans son avant-propos, le rapport de l’observatoire au Parlement en 2015 pointait que sa création avait été justifiée par « l’absence de transparence et plus encore de confiance dans les relations entre acteurs au long de la filière ». Aujourd’hui, la fiabilité et l’efficacité de ses données sont reconnues par l’ensemble des acteurs du monde agricole.

Cependant, il est illusoire de croire que, en l’absence de contrôle ou de sanction, les établissements refusant de répondre aux enquêtes afficheraient d’eux-mêmes leur volonté de ne pas y participer. Le dispositif proposé à l’article 2 ter semble beaucoup plus intéressant et réalisable.

Pour cette raison, votre rapporteur propose un amendement de suppression de cet article.

4. Position de la Commission

En accord avec le rapporteur, la Commission a adopté l’amendement de suppression de l’article 2 bis.

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* *

La commission examine l’amendement CE5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose de supprimer l’article 2 bis, visant à instaurer des sanctions pour les établissements proposant de se soumettre à des enquêtes obligatoires, les dispositions proposées me semblant redondantes avec celles prévues à l’article 2 ter.

Cela dit, j’ai l’intention de déposer dès que possible un amendement prévoyant une aggravation des sanctions pour les entreprises de l’agroalimentaire refusant de publier leur bilan, car un tel comportement complique considérablement le travail d’analyse de la valeur ajoutée des entreprises concernées, et met les producteurs en difficulté quand il s’agit de négocier des contrats de livraison de façon annuelle ou pluriannuelle. Les sanctions prévues, dérisoires au regard des enjeux, sont insuffisamment appliquées, et j’estime nécessaire de remédier à cet état de fait.

M. Yves Blein. Nous voterons en faveur de cet amendement de suppression.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.

Article 2 ter
(article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques)

Publication, par l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, de la liste des établissements refusant de se soumettre aux enquêtes statistiques

1. L’état du droit

Comme exposé dans le descriptif de l’article 2 bis de la présente proposition de loi, l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires établit ses rapports grâce aux outils statistiques publics. Il n’a personnellement aucun pouvoir de contrainte sur les établissements qui refuseraient de transmettre des données statistiques.

L’article L. 621-8-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit qu’ « En cas de défaut de réponse à une enquête statistique obligatoire au sens de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 précitée, dont le résultat est transmis, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article L. 621-8, à l’établissement mentionné à l’article L. 621-1, le ministre chargé de l’économie peut, après avis du comité du secret statistique et du Conseil national de l’information statistique réuni en comité du contentieux des enquêtes statistiques obligatoires dans les conditions prévues en application du II de l’article 1erbis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 précitée, prévoir la publication par voie électronique par l’établissement susmentionné de la liste des personnes physiques ou morales. »

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Dans le même esprit que le dispositif de l’article 2 bis de la proposition de loi, cet article, également introduit par voie d’amendement en séance publique au Sénat, prévoit que la liste des établissements refusant de répondre aux enquêtes obligatoires fassent l’objet, par l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, d’une publication par voie électronique. L’objet de cet amendement est de désigner publiquement (par exemple, sur le site de l’observatoire) les établissements qui se soustraient à leurs obligations.

3. Position du rapporteur

Le refus de ces établissements de se soumettre aux enquêtes contribue aux tensions entre acteurs de la filière et à l’opacité des relations commerciales. Ce refus de transmission des données, alors que celles-ci ne figurent pas dans les rapports de l’observatoire, contribuent au climat de suspicion entre professionnels d’une même filière. Cet article constitue un dispositif efficace dans le renforcement de la transparence, d’autant que l’observatoire, appuyé par les services de statistiques, disposent de la liste de ces établissements.

4. Position de la Commission

La Commission a relevé qu’il n’y avait pas, d’après le Gouvernement, de manquements manifestes et répandus en la matière. Par ailleurs, les réponses aux enquêtes sont réalisées de manière anonymes et dans le respect du secret des affaires.

La Commission a rejeté l’article 2 ter.

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M. le rapporteur. Je propose de voter l’article 2 ter sans modification.

M. Yves Blein. La mise à jour des données de l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est une question qu’il convient de traiter. Les informations dont nous disposons ne font pas apparaître de manquement manifeste dans ce domaine. C’est pourquoi, en l’état actuel des choses, nous ne voterons pas l’article 2 ter. Je précise toutefois, Monsieur le rapporteur, que nous ne serions pas opposés à ce que les questions soulevées par les articles 2 bis et 2 ter soient regroupées pour faire l’objet d’une nouvelle réflexion.

La commission rejette l’article 2 ter.

Article 3
(article L. 112-13 [nouveau] du code de la consommation)

Droit à l’information du consommateur sur l’origine des produits carnés et laitiers

1. L’état du droit

L’article L.112-12 du code de la consommation créé par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation prévoit que « l’indication du pays d’origine est obligatoire pour toutes les viandes et pour tous les produits agricoles et alimentaires à base de viande ou contenant en tant qu’ingrédient de la viande, à l’état brut ou transformé ». Mais le second alinéa de cet article renvoie à un décret et surtout à la compatibilité de cette obligation au droit de l’Union européenne.

C’est le règlement n° 1169/2011/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires qui régit l’étiquetage des produits alimentaires, dit « règlement INCO ».

Certains produits sont concernés par l’étiquetage obligatoire de l’origine pays :

– la viande bovine crue (pays de naissance, d’élevage et d’abattage), depuis 2000 à la suite de la crise de la vache folle ;

– les viandes de porc, de mouton, de chèvre et de volaille vendues crues (pays d’élevage et d’abattage uniquement), depuis le 1er avril 2015.

Ni les produits laitiers, ni les produits transformés à base de viande (dont la charcuterie) ne sont concernés par l’étiquetage obligatoire de l’origine. Plusieurs pays européens et le Parlement européen demandent une extension de l’obligation d’étiquetage aux produits transformés. La Commission européenne y est aujourd’hui défavorable, comme elle le note en conclusion de son rapport du 20 mai 2015 (16) : « Actuellement, pour les denrées alimentaires visées par le présent rapport, les consommateurs ont la possibilité, s’ils le souhaitent, de choisir des produits laitiers ou à base de viande pour lesquels les exploitants du secteur alimentaire fournissent volontairement des informations sur l’origine. Il peut s’agir d’une solution satisfaisante qui n’impose pas de charges supplémentaires sur l’industrie et les autorités. L’indication obligatoire de l’origine sur l’étiquette entraînerait une hausse de la charge réglementaire pour la plupart des produits (…) ».

Les interprofessions ont mis en place une démarche « Viandes de France (17) », résultat d’un travail collectif associant l’ensemble des opérateurs des filières viandes, des éleveurs aux acteurs de la distribution.

Contrairement à la réglementation européenne, cette démarche englobe également les produits transformés mais elle se fait sur la base du volontariat.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’article 3 de la proposition de loi vise à satisfaire le droit à l’information des consommateurs sans pour autant contrevenir au droit européen interdisant l’étiquetage obligatoire de l’origine géographique des produits laitiers et des produits carnés transformés.

Il crée un article L. 112-13 au code de la consommation, qui permettrait aux consommateurs de demander aux distributeurs ou fabricants de produits alimentaires l’origine des produits carnés ou laitiers constituant l’ingrédient principal des produits alimentaires fabriqués ou distribués. Les distributeurs ou les fabricants auraient un mois pour leur répondre.

En outre, la liste des distributeurs ou fabricants ne respectant pas cette obligation serait tenue publique par le ministère en charge de l’alimentation.

Le dispositif prévoit que les produits faisant l’objet d’un étiquetage obligatoire sont réputés satisfaisant cette obligation d’information.

3. Position du rapporteur

La demande d’information sur l’origine des viandes par les consommateurs est très forte. Petit à petit et au gré des scandales alimentaires de ces quinze dernières années, l’étiquetage de l’origine des produits se met en place. Il permet d’informer les consommateurs et d’orienter leurs choix qui peuvent être influencés par les crises dont sont émaillés les différents secteurs agricoles, en particulier, en 2015, l’élevage français.

Le dispositif est une alternative efficace à l’interdiction édictée par la Commission européenne. En rendant obligatoire l’information du consommateur a posteriori, il complète le volontariat dans lequel se sont engagées les organisations interprofessionnelles françaises. Celles-ci auront à déterminer le périmètre de l’origine à savoir si le lieu de naissance est concerné (outre l’élevage et l’abattage, voire la transformation).

Dans la mesure où les distributeurs et les fabricants sont tenus de garantir une traçabilité de leurs approvisionnements, l’information que les consommateurs pourraient demander sera facilement communicable et ne devrait pas constituer un surcoût exorbitant, d’autant plus si les réponses sont, par exemple, communiquées électroniquement et donc rendues publiques. Il est important que des accords interprofessionnels déjà à l’origine des étiquetages facultatifs, définissent les modalités d’application du droit à l’information ainsi créé.

Le dispositif est équilibré en ce qu’il ne concerne que l’ingrédient principal du produit alimentaire.

La publication de la liste des établissements ne satisfaisant pas cette obligation aura un effet dissuasif et contraignant.

À terme, votre rapporteur considère que ce dispositif incitera les fabricants à étiqueter davantage leurs produits carnés transformés et laitiers, sans pour autant abandonner l’objectif d’une autorisation généralisée de l’étiquetage au niveau européen.

4. Position de la Commission

La Commission a relevé que le contexte autour de la question de l’étiquetage de l’origine avait changé. La majorité travaille en faveur de l’étiquetage obligatoire de l’origine depuis le début du mandat. Le ministre de l’agriculture a annoncé hier, lors d’une conférence de presse, son intention de prendre un décret sur le sujet de l’étiquetage de l’origine des ingrédients de produits transformés. Il devra être notifié à la Commission européenne.

La Commission a considéré que l’article 3 était satisfait et l’a rejeté.

*

* *

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE30, CE31 et CE29 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. En matière d’étiquetage des produits alimentaires, et notamment de la mention de l’origine des produits transformés, il nous a été expliqué au cours des années précédentes que le fait de rendre cette pratique obligatoire serait incompatible avec le droit européen. Le ministre Benoît Hamon avait conduit une délégation à Bruxelles – dont Germinal Peiro et moi-même faisions partie – afin de tenter d’obtenir une avancée sur ce point, et Stéphane Le Foll cherche lui aussi à faire progresser les choses. C’est également l’objet de l’amendement CE30, qui vise à ce que « les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires indiquent, sous forme d’étiquetage, l’origine des produits carnés et laitiers des produits alimentaires qu’ils ont fabriqués ou distribués ».

L’amendement CE31 est un amendement de repli, ne visant que les produits carnés et laitiers « constituant l’ingrédient principal des produits alimentaires » fabriqués ou distribués.

Enfin, l’amendement CE29 propose de ne pas limiter l’obligation d’information à l’ingrédient principal, afin que les industriels aient une obligation d’information portant sur l’ensemble des matières premières constituant les produits transformés.

M. le rapporteur. Ces amendements sont intéressants et anticipent ce que nous a annoncé M. le ministre hier, à savoir le projet d’un décret en Conseil d’État, dont l’Union européenne sera informée, sur les questions relatives à l’étiquetage.

Je voudrais attirer votre attention sur l’originalité de l’angle adopté par les sénateurs. D’une part, contrairement au ministre, nos collègues ont veillé à ne pas mettre la France en difficulté vis-à-vis de l’Union européenne : alors que le Parlement européen a voté l’année dernière une résolution sur l’étiquetage des constituants des produits alimentaires, la Commission européenne se refuse toujours à généraliser cette disposition, notamment pour les produits issus de l’élevage. Les sénateurs ont choisi de ne pas imposer d’obligation nouvelle, puisque l’Europe n’en veut pas, mais de donner un droit nouveau au consommateur, celui de demander quel est le constituant principal du produit.

Si intéressants qu’ils soient, vos amendements risquent de nous placer dans une situation difficile. Je vous propose que nous en reparlions en séance. Le ministre sera alors en mesure de nous indiquer le détail de sa démarche en termes de produits concernés : s’agira-t-il de tous les produits alimentaires – je pense notamment à la charcuterie, dont les fabricants sont très hostiles à une telle mesure – ou seulement des produits de base, ou encore des produits laitiers et carnés ? Le cas échéant, comment compte-t-il convaincre les industriels concernés à moins qu’il n’ait l’intention de les contraindre - de mettre en œuvre cette disposition ?

M. Thierry Benoit. J’entends bien ce que nous dit Monsieur le rapporteur et je retire mes trois amendements, en précisant toutefois que certains membres de l’Union européenne, notamment les Allemands, privilégient déjà les produits nationaux. Dans un contexte concurrentiel, marqué par des situations de distorsion de concurrence, il faut impérativement que nous trouvions le moyen de faire bouger les lignes. M. le ministre a déjà fait preuve de sa volonté d’agir en ce sens, et j’espère que la France saura prendre la tête d’un mouvement qui ne saurait être vraiment efficace que s’il est européen.

Les amendements sont retirés.

La commission examine ensuite les amendements CE22 et CE23 de M. Damien Abad, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Alain Suguenot. La France doit adopter une position claire et ferme en matière d’information des consommateurs, et mettre fin aux distorsions de concurrence que l’on constate entre les entreprises françaises et leurs concurrentes européennes. Pour notre part, nous proposons donc, avec l’amendement CE22, de supprimer l’alinéa 3 de l’article 3, qui prévoit d’établir une liste des distributeurs et fabricants ne respectant pas l’obligation d’information des consommateurs ; quant à l’amendement CE23, il a pour objet d’encourager les démarches volontaires des distributeurs et fabricants en matière d’information des consommateurs.

M. le rapporteur. Alors qu’il s’agissait uniquement, à l’article 2 ter, de publier la liste des établissements refusant de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public relatives aux prix et aux marges des produits agricoles, l’article 3 prévoit l’application d’un dispositif similaire s’appliquant aux distributeurs et fabricants qui refuseraient d’informer les consommateurs sur l’origine des viandes et des produits laitiers. Je ne suis pas persuadé du bien-fondé d’une telle sanction en termes d’image et, sur ce point, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Yves Blein. Au sujet de l’article 3 et des trois amendements qui viennent d’être présentés, je veux commencer par faire part à monsieur le rapporteur de notre conviction très ferme qu’une partie de la solution réside dans la traçabilité de la production agricole, et la confiance que nous avons tous dans cette forme de patriotisme des Français, qui préfèrent consommer les produits provenant de leur pays. Encore reste-t-il à trouver un terrain d’entente sur la terminologie. Comme vous l’avez dit, ce texte anticipait les décisions qui ont été annoncées hier.

De notre point de vue, il semble préférable de soutenir la voie réglementaire annoncée par le ministre de l’agriculture. M. Le Foll a indiqué très clairement sa décision de prendre un décret et de le notifier immédiatement à l’Europe, de façon que le principe du « Né, élevé, abattu et transformé en France » soit immédiatement opérationnel, alors que le recours à la voie législative prendrait des mois. Dans un souci d’efficacité, il ne semble pas opportun d’ouvrir deux voies différentes pour aboutir au même résultat. La voie réglementaire semblant la plus rapide et la plus efficace, je vous propose que nous nous y tenions.

M. Damien Abad. Vous parlez de rapidité et d’efficacité, Monsieur Yves Blein, mais, si tout le monde partage cette préoccupation, pourquoi le décret auquel vous faites référence n’a-t-il pas été pris plus tôt ? Dans le cadre de l’examen de la loi de 2014 relative à la consommation dite « Hamon », Marc Le Fur et moi-même avions déjà déposé des amendements visant à renforcer l’étiquetage relatif à l’origine de la viande. Une mission de négociation était alors en cours avec l’Union européenne, qui était favorable à l’indication d’une origine européenne, et non nationale. Aujourd’hui, nous sommes minoritaires au sein de l’Union européenne pour ce qui est de la volonté d’avancer sur ce point, ce qui oblige la France à faire preuve de volontarisme. La question du moyen à employer – la loi ou le décret – reste posée, puisque les ministres qui se succèdent ne sont pas tous du même avis. Dans l’immédiat, nous allons, comme le rapporteur nous a invités à le faire, retirer les amendements CE22 et CE23, en attendant de pouvoir interroger le ministre en séance publique.

Les amendements sont retirés.

La commission rejette l’article 3.

Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement CE28 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Parce qu’il ne signifie en rien que le produit alimentaire dont il est question est d’origine française, l’intitulé « Transformé en France » est trompeur. Pour que le consommateur ne soit pas induit en erreur, l’amendement propose d’interdire toute mention de ce type.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. Yves Blein. Mon opinion est autre. La difficulté tient à ce que l’intitulé « Transformé en France » ne s’applique pas uniquement à des productions agricoles. Le ministre a annoncé hier qu’un décret pris rapidement sécurisera toutes les productions alimentaires françaises ; cela rend d’une certaine manière ce débat caduc.

M. François Sauvadet. Comment cela ? Si vous êtes en mesure de nous indiquer ce que contiendra précisément le décret, faites-le. Si ce n’est pas le cas, l’Assemblée nationale est dans son rôle en soulignant qu’il convient d’éclairer le consommateur sur le fait qu’un produit alimentaire peut être dit « transformé en France » sans que cela garantisse son origine. Les signes distinctifs doivent avoir une signification pour les acheteurs. Que le Gouvernement fasse connaître ses intentions ; dans l’intervalle, le Parlement agit comme il le doit.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1 du rapporteur, CE2 de Mme Sophie Rohfritsch et CE25 de M. Éric Straumann.

Mme Sophie Rohfritsch. Qu’un produit bénéficie de la protection d’une indication géographique protégée (IGP) empêche d’utiliser la dénomination géographique ainsi protégée pour un produit similaire. Pour cette raison, les producteurs de la knack d’Alsace ont récemment renoncé à demander l’IGP : l’obtenir aurait eu pour conséquence que d’autres produits de charcuterie, tel le cervelas, n’auraient pu être vendus sous la dénomination « Alsace ». Le ministère et l’Institut national de l’origine et de la qualité ont admis que la définition de l’IGP devait être adaptée, la protection qu’elle procure étant maintenue. L’amendement CE2 clarifie ce qui doit l’être.

M. Éric Straumann. L’amendement CL25, qui a le même objet, va dans le sens souhaité par notre rapporteur, qui s’est beaucoup investi dans ce dossier. Le bon sens commande d’assouplir la définition de l’IGP de manière que la promotion de produits voisins des productions bénéficiant de cette protection ne soit pas entravée.

M. le rapporteur. Je rappelle les travaux faits à ce sujet par nos collègues Marie-Lou Marcel et Dino Cinieri dans le rapport d’information sur les signes d’identification de la qualité et de l’origine. Lors des auditions auxquelles j’ai procédé pour préparer le rapport, il m’a été dit que 3 % seulement des produits charcutiers français sont sous IGP, mais 23 % des produits charcutiers italiens ! Notre marge de progrès est donc considérable. L’exemple de la knack d’Alsace montre bien comment une interprétation excessivement frileuse du cadre européen de l’IGP dissuade nos producteurs de demander cette protection. Il faut débloquer cette situation d’urgence. Le ministre s’est engagé, à ses risques et périls, à définir et à appliquer un système d’identification des produits français, alors qu’un outil existe, validé par l’Union européenne, dont nous devrions nous saisir davantage. C’est ce à quoi incite l’amendement CE1.

M. Yves Blein. Nous adhérons à la démarche qui sous-tend ces amendements, mais, tels qu’ils sont rédigés, ils risquent d’amoindrir la protection conférée par l’IGP dans d’autres domaines que le secteur agroalimentaire. Aussi ne les soutiendrai-je pas en l’état, considérant qu’ils doivent être réécrits pour répondre à une exigence plus large.

La commission rejette les amendements.

Chapitre II
Faciliter l’investissement et mieux gérer
les risques financiers en agriculture

Article 4
Faculté de report de l’échéance des emprunts finançant l’investissement en cas de crise agricole

1. L’état du droit

Le recours à l’emprunt pour le financement de l’investissement : matériel d’exploitation ou de cheptel, acquisition ou rénovation de bâtiments d’élevage s’est très largement développé ces dernières années, créant parfois des situations de surendettement chez les éleveurs français lorsque les prix de vente des produits agricoles chutent durablement.

Le droit général des contrats s’applique aux crédits souscrits par les entreprises. Ainsi, la modulation des échéances peut être prévue par les contrats de prêt mais elle n’est pas généralisée. En outre et en l’absence d’une telle clause, l’article 1244 du code civil prévoit qu’un débiteur ne peut forcer son créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette. Le rééchelonnement d’une dette est donc soumis à l’accord du créancier, c’est-à-dire des banques.

À la suite de la crise de l’élevage en 2015, l’État a mis en place deux mesures relatives aux dettes bancaires. D’une part et afin d’accompagner la restructuration des dettes bancaires à moyen et long termes des éleveurs qui connaissent des difficultés temporaires de financement, l’État prend en charge une partie des charges financières liées aux reports d’échéances des éleveurs les plus endettés et fragilisés dans le cadre du fonds d’allégement des charges (FAC). D’autre part, le dispositif de « l’année blanche » permet aujourd’hui le report des annuités d’emprunt en fin de tableau, à la charge du secteur bancaire, de l’État et des éleveurs.

Lors de son audition par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2015, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt a indiqué que 4 700 exploitations avaient fait l’objet d’une restructuration bancaire, dont 312 avaient bénéficié d’une année blanche complète, « les autres visent à restructurer une partie des emprunts seulement, en ciblant ceux qui sont liés à des immobilisations, en particulier des bâtiments. Nous allons d’ailleurs recalibrer les aides, qui étaient initialement consacrées aux années blanches totales, ce qui était insatisfaisant. Les banques, notamment l’établissement concerné à titre principal – qui est plutôt en bonne santé – devront faire un effort, comme le fait l’État. Certaines d’entre elles offrent déjà des prêts modulables et renégocient les conditions d’emprunt. Nous leur demandons un effort supplémentaire concernant les années blanches qui, il est vrai, leur posent une difficulté technique liée au calcul des intérêts. »

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Le dispositif de l’article 4 prévoit de pérenniser, dans des conditions sensiblement différentes, et de rendre obligatoire à l’égard des créanciers, la mesure gouvernementale de « l’année blanche » annoncée le 3 septembre 2015 par le Premier ministre.

Le dispositif serait applicable à tout secteur déclaré en crise par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et des finances. La limite de cette modulation serait fixée à un cinquième de la durée du prêt restant à courir à la date de la demande. Le report ne concernerait que le capital, les intérêts d’emprunts restants dus sur la période initiale.

3. Position du rapporteur

Les éleveurs français sont pris en étau entre la course à la compétitivité européenne qui exige leur modernisation et le surendettement qui fragilise leur situation économique lorsque leurs marges sont affectées par des prix de vente faibles, voire inférieurs aux coûts de production.

Selon un sondage en ligne réalisé sur web-agri.fr, 31,4 % des éleveurs répondants indiquent qu’ils comptent solliciter le bénéfice de l’année blanche sur le remboursement de leurs annuités d’emprunt en 2015.

Un tel dispositif répondra efficacement à un besoin d’allégement de la trésorerie des agriculteurs sans que ce dispositif pèse sur les finances publiques. Certes, il pèsera sur le secteur bancaire mais on peut considérer que ce dernier a les moyens d’y faire face compte tenu du volume d’endettement des agriculteurs. La loi créera une possibilité, charge au secteur bancaire de proposer cette clause au tarif de son choix. Il ne s’agit pas d’effacer la dette mais de l’adapter aux situations de crise qui peuvent affecter les éleveurs.

Votre rapporteur vous propose un amendement prévoyant que c’est en amont que cette possibilité serait offerte à l’exploitant, lors de la négociation. Cet amendement permettra de sécuriser juridiquement l’environnement financier de la relation banque/exploitant agricole afin de faciliter la mise en place de ce nouvel instrument de modulation en cas de crise. En outre, cet amendement impose que cette possibilité soit obligatoirement proposée lorsqu’un agriculteur sollicite un tel emprunt pour les objets cités. Enfin, il intègre une précision rédactionnelle car cet instrument de modulation vise bien les échéances du prêt souscrit et non pas à l’ensemble des dettes de l’exploitant comme la formulation actuelle pourrait le laisser penser.

4. Position de la Commission

La Commission a relevé que cette proposition ne garantirait pas nécessairement l’égalité de traitement entre les agriculteurs et les autres secteurs, ce qui pourrait la rendre anticonstitutionnelle. Par ailleurs, toucher à ce domaine pourrait avoir pour effet de renchérir les prêts pour l’ensemble des agriculteurs. Enfin, il existe un risque d’effet d’aubaine pour des exploitants sans difficultés financières qui dépendraient d’une filière sinistrée.

La Commission a rejeté l’article 4.

*

* *

La commission est saisie de l’amendement CE6 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement précise les modalités du report du paiement des échéances.

M. Yves Blein. Je ne suis pas favorable à l’amendement, non plus qu’à l’article 4. Les dispositions prévues risquent de renchérir les crédits proposés ; il ne me paraît vraiment pas que ce soit le bon moment.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5
(article L. 221-28 [nouveau] du code monétaire et financier)

Création d’un livret vert

1. L’état du droit

Le chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier recense des produits d’épargne affectés à différentes actions décidées par l’État. En contrepartie de l’affectation d’une partie des sommes collectées, les épargnants bénéficient de l’absence de fiscalisation des produits de ces livrets d’épargne. Les sommes déposées sur ces livrets, tels que le livret A ou le livret de développement durable sont plafonnées et rémunérées à un taux défini par l’État.

Une partie de ces dépôts est, en application de l’article L. 221-5 du même code, centralisée à la Caisse des dépôts et consignations au sein d’un fonds d’épargne qui finance en priorité des projets tels que le logement social ou la politique de la ville en ce qui concerne le livret A ou, pour le livret de développement durable, des investissements dans les petites et moyennes entreprises ou des travaux d’économie d’énergie dans les bâtiments anciens.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’article 5 crée le livret vert, au sein du chapitre dédié aux produits d’épargne générale à régime fiscal spécifique. Dans le même esprit et sous des plafonnements et rémunérations comparables aux livrets précités, le livret vert serait un livret d’épargne défiscalisé dédié au financement d’investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire.

Les établissements bancaires affecteraient ces sommes à des investissements dont la liste serait fixée par voie réglementaire.

3. Position du rapporteur

Votre rapporteur s’interroge sur l’utilité d’une telle mesure. L’épargne des Français n’est pas extensible et le fléchage de l’épargne sur ce livret ne se fera qu’au détriment d’autres produits d’épargne. Ainsi, le livret A fait actuellement l’objet d’un mouvement de décollecte, son taux de rémunération n’étant plus jugé assez attractif.

En outre, le financement de l’agriculture est élevé, les crédits mobilisés pour le secteur sont en constante augmentation. D’après la Banque de France, la croissance des crédits en faveur de l’agriculture dépasse celle des crédits accordés aux entreprises ces dernières années.

Votre rapporteur vous propose un dispositif alternatif prévoyant qu’un rapport du gouvernement étudie la question du financement de l’agriculture et de l’agroalimentaire en prenant notamment le recul nécessaire pour examiner les nouvelles formes de financement participatif (dites « crowdfunding ») qui émergent.

Les citoyens français se disent solidaires des agriculteurs et tiennent à préserver les emplois dans les territoires ruraux, ils sont conscients que la France est un pays agricole et doit le rester. Il est intéressant de leur permettre de directement contribuer à l’investissement dans ce secteur, ainsi que dans le secteur agroalimentaire qui lui est lié.

D’autre part, de tels financements innovants permettraient aux agriculteurs de concentrer leurs moyens sur la seule rémunération du capital mis à disposition. Cela contribuerait enfin à alléger le coût des transmissions a de jeunes agriculteurs dont la capacité à acquérir des capitaux est par définition limitée.

4. Position de la Commission

La Commission a indiqué que la tendance était à la décollecte de l’épargne sur les livrets A et développement durable. Il semble peu propice de créer un nouveau produit d’épargne. Par ailleurs, les agriculteurs ont accès, avec la dotation pour aléas (DPA), à un produit d’épargne défiscalisé. Il n’y a par ailleurs aucun souci de financement de l’agriculture avéré alors que, selon la Banque de France, les crédits pour le secteur agricole cette année connaissent une croissance supérieure à la croissance générale des crédits accordés aux entreprises. Cette création d’un livret pourrait par ailleurs laisser penser que l’épargne est extensible à loisir et que chaque secteur pourrait en bénéficier, ce qui n’est pas le cas.

La Commission a rejeté l’article 5.

*

* *

La commission est saisie de l’amendement CE7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Pour faciliter le financement de l’agriculture et du secteur agroalimentaire, le Sénat propose de créer un livret vert inspiré du livret A. Je ne suis pas certain que cette option soit la plus judicieuse au moment où la décollecte des livrets A s’accélère. L’amendement propose donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le financement de ces secteurs, dans lequel il examinera en particulier la possibilité de recourir aux nouvelles formes de financement participatif.

M. Yves Blein. Comme le rapporteur, je pense inopportun de créer un support d’épargne dont on peut douter que, calqué sur un instrument qui connaît une désaffection marquée, il rencontre le succès souhaité. À cela s’ajoute que ce ne sont pas les liquidités qui font défaut, mais les capacités d’emprunt et de remboursement. C’est pourquoi je suis défavorable tant à l’amendement qu’à l’article 5.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 5.

Article 5 bis
Rapport sur l’ouverture de prêts de carrière pour les jeunes agriculteurs

1. L’état du droit

Outre la dotation jeune agriculteur (DJA), une aide en capital versée par l’État sous conditions, les jeunes agriculteurs peuvent bénéficier de prêts bonifiés afin de les aider à faire face au coût de leur installation, notamment leurs dépenses d’investissement.

Il en est ainsi des prêts à moyen terme spéciaux réservés aux jeunes agriculteurs (prêts MTS-JA) prévus à l’article article R. 343-13 du code rural et de la pêche maritime. Ces prêts peuvent être affectés au financement de leurs besoins en fonds de roulement au cours de la première année d’installation, à la reprise, la mise en état et l’adaptation du capital mobilier et immobilier, hors foncier, nécessaire à l’installation ou à l’acquisition de parts d’un groupement agricole d’exploitation en commun. Ils peuvent aussi être affectés au financement de l’acquisition de terres lorsqu’elles améliorent la viabilité de l’exploitation. Le taux des prêts est de 2,5 % en zone de plaine et de 1 % en zone défavorisée et de montagne. La prise en charge du différentiel de taux par rapport au taux du marché est assurée par l’État. Ces prêts sont remboursables sur une durée maximale de 15 ans.

Les jeunes agriculteurs bénéficient également de nombreux allégements fiscaux, notamment liés au foncier.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’article 5 bis demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la possibilité de mettre en place des prêts de carrière pour les jeunes agriculteurs.

Aujourd’hui, les prêts octroyés aux jeunes agriculteurs sont remboursables à courte ou moyenne échéance, ce qui, compte tenu des montants des fonds nécessaires lors d’une installation, porte les mensualités à des montants très élevés. Ces prêts de carrière de long terme permettraient aux éleveurs d’avoir plus de temps pour les rembourser et de rentabiliser plus rapidement leurs investissements.

3. Position du rapporteur

Les jeunes agriculteurs cristallisent les préoccupations de la profession. Certes, de nombreux dispositifs d’aide à l’installation existent mais il est important de prendre en considération l’importance des coûts d’installation, de plus en plus élevés avec la raréfaction des terres disponibles et la concurrence des exploitations existantes qui rachètent leurs concurrents.

Un tel rapport ne peut qu’être intéressant.

4. Position de la Commission

La Commission a considéré que cet article anticipait une question qui ne se pose pas aujourd’hui : celle du manque de financement par les banques et l’épargne, de l’agriculture.

Elle a rejeté l’article 5 bis.

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La commission rejette l’article 5 bis.

Article 6
(articles 72 D bis et 72 D ter du code général des impôts)

Simplification des conditions d’utilisation de la déduction pour aléas

1. L’état du droit

La déduction pour aléas (DPA) est une dépense fiscale instaurée par la loi de finances pour 2002. Il s’agit d’un dispositif de lissage de l’imposition des bénéfices des exploitants agricoles à travers la constitution d’une épargne professionnelle. Cette épargne est un outil de gestion des aléas pouvant survenir au sein d’une exploitation et permet d’atténuer les effets de la volatilité des revenus agricoles.

Prévue à l’article 72 D bis du code général des impôts, la DPA permet de réduire du revenu imposable des exploitations agricoles soumises à un régime réel d’imposition une somme pour faire face à un aléa climatique, économique ou sanitaire.

Pour en bénéficier, l’exploitant doit avoir inscrit à un compte ouvert auprès d’un établissement de crédit une somme, provenant des recettes d’exploitation, égale à 50 % du montant de la déduction. Les sommes ainsi placées au titre de la DPA sont exonérées d’impôt sur le revenu.

La DPA peut être utilisée dans trois cas : règlement au cours de l’exercice des primes et cotisations d’assurance ; acquisition de fourrages destinés à être consommés par les animaux de l’exploitation en cas de calamité agricole sur le canton de l’exploitation ou les cantons limitrophes ; dépenses résultant d’un aléa non économique assuré (incendie, dommage aux cultures, perte du bétail) ou non assuré (climatique, naturel ou sanitaire) ou encore d’un aléa économique. Un aléa économique est réputé survenir lorsque la différence positive entre la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents et la valeur ajoutée de l’exercice, excède 10 % de cette moyenne, dans la limite de cette différence.

Le plafond de la DPA est commun à celui de la déduction pour investissement (DPI), prévue à l’article 72 D ter du même code. La déduction cumulée des dispositifs DPI et DPA est limitée par trois plafonds dont le plus faible s’applique en priorité.

D’une part, le montant des déductions ne peut excéder celui du bénéfice imposable et les déductions cumulées ne peuvent jamais donner lieu à la constatation ou à l’augmentation d’un déficit.

D’autre part, la déduction cumulée des DPI et DPA est limitée à un montant de 27 000 euros sur un an (exercice de douze mois).

Enfin, la déduction cumulée des DPI et DPA est limitée à la différence positive entre la somme de 150 000 euros et le montant des déductions pratiquées au titre des exercices antérieurs et non encore rapportées au résultat, majorée des intérêts capitalisés non soumis à l’impôt. En d’autres termes, le montant cumulé total des DPI et DPA ne peut excéder 150 000 euros.

Les modalités de la DPA ont souvent été modifiées. Les nombreux changements dont elle a fait l’objet ont contribué à rendre le dispositif opaque et peu usité. Il n’a pas rencontré le succès escompté. À la suite du rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la fiscalité agricole, présenté par M. François André et adopté par la commission des finances le 15 avril 2015, un consensus s’est dégagé pour considérer que la réforme de la DPA était l’action prioritaire à mener en matière de fiscalité agricole. Ce rapport relevait d’ailleurs qu’ « En 2013, la déduction pour aléas a été utilisée par 5 800 entreprises, pour un coût total de 16 millions d’euros selon le ministère de l’agriculture. À titre comparatif, la déduction pour investissement était utilisée la même année par 114 000 bénéficiaires, pour un total de 260 millions d’euros. »

L’article 35 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a considérablement assoupli le régime applicable à la DPA.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’article 6 de la proposition de loi reprend un amendement adopté par le Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 2016 (article 8 bis) et supprimé par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Les débats en séance révèlent que l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement étaient favorables à un assouplissement de la DPA. L’amendement adopté par le Sénat en PLF pour 2016 n’a pas été retenu du fait de l’adoption, dans la loi de finances rectificative pour 2015 précitée, d’un article alternatif. La Commission des finances du Sénat avait émis un avis favorable à l’adoption de cet article, sans modification.

La proposition de loi que nous examinons propose à nouveau le dispositif adopté au Sénat dans le projet de loi de finances pour 2016, sans tenir compte du dispositif adopté en loi de finances rectificative pour 2015. Le dispositif ici proposé transforme la DPA en réserve spéciale d’exploitation agricole (RSEA) et l’assouplit sur plusieurs points. La RSEA pourrait être utilisée dans les mêmes conditions que la DPA, par affectation d’au moins 50 % du montant de la réserve bloquée. En 2015, ce taux ne pouvait excéder 50 %. Le dispositif en vigueur au 1er janvier 2016 est plus favorable pour l’exploitant que le dispositif proposé puisque la déduction pourrait être désormais comprise, au choix de l’exploitant, entre 50 % et 100 % du montant de la déduction.

Les conditions d’utilisation de la RSEA sont modifiées : il suffirait que la valeur ajoutée baisse de 10 % par rapport à la moyenne des trois exercices précédents pour que les sommes épargnées soient réintégrables. Le dispositif en vigueur depuis le 1er janvier 2016 a repris, peu ou prou, cet assouplissement.

En modifiant l’article 72 D ter précité, la proposition de loi revoit à la hausse les plafonds de DPI et de RSEA en proposant de pratiquer un complément de RSEA jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires au-delà de 200 000 euros.

3. Position du rapporteur

La DPA a souffert des multiples modifications de son dispositif et de l’opacité de son fonctionnement pour les exploitants agricoles. Un consensus s’est fait jour lors des discussions budgétaires de l’automne 2015. Le nouveau dispositif de la DPA, résultant de la loi de finances rectificative pour 2015, est entré en vigueur le 1er janvier 2016. Comme le relevait le rapport de la Commission des finances du Sénat, « la DPA doit être simple et facile à mobiliser. […] Le présent article poursuit des objectifs similaires. »

Votre rapporteur propose de renoncer au changement du dispositif de la DPA en réserve spéciale d’exploitation agricole, les conditions d’assouplissement étant satisfaites. Le dispositif entré en vigueur en 2016 est en effet plus favorable aux exploitants agricoles que celui envisagé par la proposition de loi.

Votre rapporteur vous propose de conserver le dispositif de l’article 72 D ter de la proposition de loi relatif à la hausse du plafond commun à la DPI. Il semble nécessaire de ne modifier que la mention de la RSEA, qui, compte tenu du maintien de la DPA, doit être remplacée par la mention de la DPA.

Ces corrections font l’objet de deux amendements.

La hausse du plafond commun de 27 000 euros à 35 000 euros ainsi que la proposition de pouvoir pratiquer un complément de RSEA/DPA jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires au-delà de 200 000 euros permettraient de ne pas pénaliser les grandes entreprises agricoles qui ne sont pas moins exposées aux risques économiques.

4. Position de la Commission

Suivant un travail mené en lien avec les syndicats agricoles, la DPA a été assouplie et simplifiée dans son utilisation dans la loi de finances rectificative pour 2016.

La Commission a rejeté l’article 6.

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La commission est saisie des amendements CE8 et CE9 du rapporteur, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. le rapporteur. Pour tenir compte des dispositions plus favorables de l’article 35 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, qui a assoupli le régime applicable à la déduction pour aléas, l’amendement CE8 tend à supprimer les alinéas 3 à 11.

L’amendement CE9 est un amendement de coordination avec le précédent.

La Commission rejette successivement les amendements.

M. Yves Blein. Comme l’a indiqué le rapporteur, la déduction pour aléas a été révisée il y a un mois à peine, après une ample concertation avec les intéressés. Laissons la réforme s’appliquer au lieu de prétendre la modifier avant que l’on puisse en mesurer les effets. Pour cela, supprimons l’article.

La commission rejette l’article 6.

Article 6 bis
(article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime)

Obligation d’assurance contre les risques climatiques pour les jeunes agriculteurs

1. L’état du droit

La politique d’installation est au cœur de la politique agricole française. Elle a été intégrée dans le code rural et de la pêche maritime sous cette dénomination, par la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture, qui a créé l’article L. 330-1. La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée a complété les conditions mises à l’inclusion dans le dispositif d’aide à l’installation. Elle a prévu que l’État détermine le cadre réglementaire national de la politique d’installation et de transmission en agriculture. Elle prévoit également que la reconnaissance de la capacité à réaliser un projet viable soit conditionnée à la détention d’une capacité professionnelle et à la réalisation d’un plan de développement de l’exploitation comprenant des aspects économiques et environnementaux.

Le dispositif d’aide à l’installation comporte plusieurs dimensions.

La dotation pour jeunes agriculteurs (DJA) définie aux articles R. 343-9 à R. 343-12 du code rural et de la pêche maritime prévoit un montant de DJA de l’ordre de 15 000 euros en moyenne. Elle est plus forte dans les zones défavorisées et en montagne (26 000 euros en moyenne). Elle est modulée pour aider les installations hors cadre familial, les projets répondant aux principes de l’agro-écologie et les projets générateurs de valeur ajoutée et d’emploi.

Les prêts MTS-JA (prêts à moyen terme spéciaux) définis aux articles R.343-13 à R. 343-16 du même code prévoient qu’à l’occasion de leur installation, les jeunes agriculteurs peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de prêts à moyen terme. Ils sont destinés à financer les dépenses afférentes à la première installation.

Outre ces deux dispositifs, des aides fiscales et sociales s’adressent spécifiquement aux jeunes agriculteurs : le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (environ 50 %), l’abattement sur les bénéfices (100 % la première année puis 50 % les 4 années suivantes) et l’exonération partielle et dégressive des cotisations sociales (pendant les 5 années qui suivent leur installation).

Il existe un Fonds national de garantie des risques en agriculture (FNGRA), prévu à l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime qui contribue au financement des dispositifs de gestion des aléas climatiques, sanitaires, phytosanitaires et environnementaux dans le secteur agricole. Le FNGRA prend en charge une partie des dommages matériels non assurables d’importance exceptionnelle qui sont la conséquence directe de phénomènes climatiques ayant de graves conséquences pour l’activité des agriculteurs. La reconnaissance du caractère de calamité agricole relève de la compétence du ministre chargé de l’agriculture.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’assurance contre les aléas climatiques en agriculture est toujours facultative. Elle est pourtant nécessaire au vu des nombreux aléas auxquels peuvent être exposées les exploitations agricoles.

La proposition de loi prévoit que pour bénéficier du dispositif d’aide à l’installation, les jeunes candidats doivent obligatoirement souscrire une assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles. Cette condition s’ajoutera à l’obligation de justifier d’un projet viable par la détention d’une capacité professionnelle.

3. Position du rapporteur

Le périmètre d’intervention du FNGRA n’a cessé de se restreindre avec le développement des produits d’assurance. Le fonds ne prend en charge qu’une partie des dommages non assurables et reconnus au titre de calamité agricole.

Si l’offre d’assurances s’est développée, les jeunes agriculteurs n’y ont que peu recours. Ils l’envisagent plus comme un coût que comme une protection pour l’avenir.

L’assurance a toute sa place dans le parcours d’installation dans la mesure où elle constitue un critère de solidité économique de l’exploitation. Elle permet de rendre l’exploitant moins vulnérable aux aléas et le sensibilise aux risques auxquels son exploitation est exposée.

4. Position de la Commission

La Commission a indiqué que cet article ne semblait pas conforme au droit communautaire, car il ne prévoit pas la possibilité de conditionner les aides aux jeunes agriculteurs. Par ailleurs, si le principe est intéressant, il est peu opportun de changer les règles concernant le public visé, à savoir les jeunes agriculteurs entre deux réformes de la PAC.

La Commission a rejeté l’article 6 bis.

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La commission rejette l’article 6 bis.

Article 6 ter
(article 244 quater LA [nouveau] du code général des impôts)

Instauration d’un crédit d’impôt pour la mise en place d’assurances couvrant l’approvisionnement ou la livraison des produits de l’exploitation

1. L’état du droit

Il n’existe aucun crédit d’impôt en faveur de l’assurance en approvisionnement ou en livraison des produits des exploitations agricoles.

Les approvisionnements concernent les semences, les produits phytosanitaires, le carburant, les emballages, etc. La livraison des produits peut également être entravée par des aléas divers. Les assurances concernant les approvisionnements ou les ventes des agriculteurs existent mais sont coûteuses.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Introduit par voie d’amendement en commission, cet article crée un crédit d’impôt en faveur de l’assurance des exploitations agricoles. Ce crédit d’impôt, égal à 35 % de ces dépenses d’assurance et plafonné à 10 000 euros par entreprise et par an, s’appliquera au titre des années 2016, 2017 et 2018. L’assurance devra couvrir l’approvisionnement ou la livraison des produits de l’exploitation. Les dépenses d’assurance concernées ne devront pas bénéficier du financement des aides au développement de l’assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles par le Fonds national de gestion des risques en agriculture.

Le principe de transparence des groupements agricoles d’exploitation en commun s’appliquera jusqu’à quatre associés.

3. Position du rapporteur

Dans le même esprit qu’à l’article 6, votre rapporteur est favorable à toute mesure susceptible de favoriser la souscription d’assurances. Un tel crédit d’impôt est incitatif.

4. Position de la Commission

Ce dispositif fait doublon d’une part avec la DPA qui est utilisable dans la prise en charge du coût des primes d’assurance et des franchises ; d’autre part avec l’assurance récolte. Le droit européen l’interdit.

La Commission a rejeté l’article 6 ter.

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La commission rejette l’article 6 ter.

Article 7
(article 39 decies du code général des impôts)

Extension du mécanisme de sur-amortissement aux coopératives et aux bâtiments et installations de magasinage et de stockage de produits agricoles

1. L’état du droit

Afin de soutenir l’investissement productif industriel et de favoriser la modernisation de l’outil de production l’article 142 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a créé une déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement (mécanisme de sur-amortissement) pour certains équipements, applicable aux investissements réalisés pendant un an.

Ce dispositif vise à faciliter l’accès des entreprises, soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon le régime réel d’imposition, à de nouveaux outils de production par une déduction exceptionnelle du résultat imposable s’ajoutant à celle pratiquée au titre de l’amortissement.

Les équipements concernés s’entendent des biens neufs éligibles à l’amortissement : matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, matériels de manutention, installations destinées à l’épuration des eaux et à l’assainissement de l’atmosphère, installations productrices de vapeur, de chaleur ou d’énergie à l’exception des installations utilisées dans le cadre d’une activité bénéficiant de l’application d’un tarif réglementé d’achat de la production, matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique.

La déduction, fixée à 40 % de la valeur d’origine des biens, s’applique aux biens acquis ou fabriqués par l’entreprise à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2016. Selon le Gouvernement, pour une entreprise imposée au taux normal de l’impôt sur les sociétés (33,33 %), la mesure assurera une réduction d’impôt de plus de 13 % de la valeur de l’investissement.

Jusqu’à la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, le dispositif ne s’appliquait qu’aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés. Par conséquent, les investissements réalisés par les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), exonérées d’impôt sur les sociétés, ne pouvaient pas bénéficier de la déduction. Or les CUMA sont organisées pour permettre à des exploitants agricoles d’investir ensemble ; elles mettent ensuite à disposition de ces derniers les matériels agricoles.

L’article 25 de la loi de finances pour 2016 précitée accorde aux associés coopérateurs des CUMA, à proportion de l’utilisation des biens éligibles par lesdits associés, la déduction exceptionnelle qui ne peut pas être pratiquée par les CUMA elles-mêmes compte tenu de leur exonération d’impôt sur les sociétés. Un amendement de seconde délibération a précisé le mode de répartition entre associés coopérateurs de la déduction exceptionnelle afférente à un bien éligible acquis par une coopérative autre qu’une CUMA.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Avant l’adoption de ladite loi de finances pour 2016, l’acquisition de matériels affectés à une même activité agricole pouvait ouvrir droit à la déduction si elle était effectuée directement par une entreprise agricole mais non lorsqu’une CUMA se portait acquéreur. Cette distinction selon le mode de détention juridique des matériels n’avait pas de sens du point de vue économique. Elle était en outre contradictoire avec l’effort de rationalisation de la dépense que font les exploitants en choisissant d’être associés coopérateurs.

L’article 7 de la proposition de loi prévoit un dispositif analogue à celui adopté à l’article 25 de la loi de finances pour 2016 précitée. Mais il prévoit, en outre, l’extension du bénéfice du sur-amortissement aux bâtiments et installations de magasinage et de stockage de produits agricoles dont la construction ou la rénovation a été engagée entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 et aux matériels y afférents acquis durant la même période.

3. Position du rapporteur

Votre rapporteur est entièrement favorable au dispositif prévu par cet article. Par coordination avec le dispositif adopté en loi de finances pour 2016, les alinéas de l’article consacrés à l’extension du « sur-amortissement Macron » aux coopératives d’utilisation de matériels agricoles et aux coopératives agricoles doivent être supprimés.

Votre rapporteur vous propose un amendement d’actualisation de l’article afin de ne garder que le dispositif étendant le bénéfice du sur-amortissement aux bâtiments et installations de magasinage et de stockage de produits agricoles.

4. Position de la commission

La mesure de déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement était volontairement restreinte dans son champ de manière transversale. La proposition est principalement destinée aux grandes cultures qui sont les agriculteurs qui stockent le plus. Par ailleurs, l’extension de la mesure de suramortissement aux adhérents des coopératives agricoles a été adoptée lors de l’examen de la loi de finances pour 2016, en accord avec le Gouvernement. Un dispositif d’amortissement accéléré pour les bâtiments d’élevage, leur rénovation, et les installations de stockage d’effluents a été adopté en loi de finances rectificative pour 2015. Le travail réalisé à la fois par le Gouvernement avec les organisations professionnelles et par la majorité en lois de finances a déjà répondu à ces préoccupations.

La Commission a rejeté l’article 7.

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* *

La commission examine l’amendement CE11 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le dispositif prévu aux alinéas 1 à 9 ayant été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2016, il convient de supprimer ces alinéas redondants.

La commission rejette l’amendement.

M. Yves Blein. De nombreuses mesures figurant dans le texte qui nous est soumis ont été prises dans la loi de finances pour 2016 – ainsi du suramortissement désormais possible pour les associés coopérateurs des coopératives d’utilisation de matériel agricole. Une nouvelle fois, il est proposé de modifier un mécanisme de création trop récente pour que son effet soit déjà quantifiable. J’en appelle à votre sagesse : évitons d’alimenter la surabondance de textes dont se plaignent nos concitoyens !

Mme Jeanine Dubié. Pour ce qui nous concerne, nous saluons la volonté du rapporteur d’actualiser le texte du Sénat pour tenir compte des mesures adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2015 et dans la loi de finances pour 2016.

La commission rejette l’article 7.

Chapitre III
Alléger les charges qui pèsent sur les entreprises agricoles

Article 8
(article L. 515-27-1 [nouveau] du code de l’environnement)

Alignement des seuils prévus par la législation nationale sur les seuils européens en matière d’autorisation des installations classées d’élevage

1. L’état du droit

Toute activité agricole est soumise au respect de prescriptions techniques qui, selon la nature ou la taille de l’exploitation et l’impact des risques peuvent relever de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). En application de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, les installations classées sont « toutes les installations pouvant présenter des dangers ou des inconvénients pour la commodité, la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, l’environnement, la conservation des sites et des monuments, ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».

Les règles applicables aux installations classées d’élevage concernent les règles d’implantation, les règles d’aménagement et les règles d’exploitation.

Le droit français se doit d’être en conformité avec les directives européennes notamment la directive 2010/75/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles et la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

Le titre Ier du livre V du code de l’environnement dispose que les ICPE peuvent, en fonction de seuils fixés par décrets, être soumis à :

– aucune mesure particulière ;

– déclaration (effectuée auprès du représentant de l’État dans le département) ;

– déclaration avec contrôle (régime similaire à celui de la déclaration mais comprenant également un contrôle périodique effectué par un organisme agréé par le ministère du développement durable) ;

– enregistrement (le représentant de l’État dans le département statue sur la demande après consultation des conseils municipaux concernés et du public) ;

– autorisation (le représentant de l’État dans le département, s’il statue dans le sens de l’autorisation, prend un arrêté préfectoral d’autorisation accordé au cas par cas).

La nomenclature nationale des installations classées concernant l’élevage prévoit aujourd’hui :

– en matière d’élevage porcin : un seuil d’autorisation fixé à 2 000 porcs et 750 truies et un seuil d’enregistrement fixé à 450 animaux en vertu du décret n° 2013-1301 du 27 décembre 2013 (avant 2013, le seuil d’autorisation était fixé à 450 animaux) ;

– en matière de volaille : un seuil d’autorisation fixé à 40 000 places et un seuil d’enregistrement fixé à 30 000 places en vertu du décret n° 2015-1200 du 29 septembre 2015 alignant lesdits seuils sur ceux de la directive 2010/75/CE précitée ;

– en matière d’élevage bovin : un seuil d’autorisation fixé à 200 vaches laitières et 400 bovins à l’engraissement.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Afin de lutter contre la sur-transposition des normes environnementales européennes, la proposition de loi prévoyait initialement d’interdire de soumettre à la procédure d’autorisation les projets d’installations se situant en dessous des seuils prévus par la directive 2010/75/CE précitée.

Le texte de la proposition de loi créait un article L. 511-3 prévoyant que les installations d’élevage seraient soumises à la procédure de déclaration sauf si le droit européen (notamment la directive 2010/75/CE) impose la procédure d’autorisation.

Cependant, une telle disposition législative risquait de méconnaître l’exigence formulée par le droit européen de prévoir un examen au cas par cas des situations non listées par l’annexe I à la directive 2010/75/CE.

Afin d’éviter une condamnation de la France à la suite d’un recours en manquement dû à une mauvaise transposition des directives, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement créant un article
L. 515-27-1 en remplacement de l’article L. 511-3 évoqué. Le seuil d’autorisation en matière d’élevage bovin serait ainsi fixé à 800 animaux. En dessous de ce seuil, les élevages seraient soumis à la procédure d’enregistrement.

3. Position du rapporteur

La lutte contre la sur-transposition des directives européennes, particulièrement dans le contexte difficile auquel sont confrontés les éleveurs est un objectif qui doit être poursuivi.

L’adaptation des seuils français aux seuils européens a été faite dans les secteurs du porc et de la volaille. Grâce à cet article, la procédure d’autorisation est relevée à 800 animaux dans le secteur bovin. En dessous de ce seuil, une simple procédure d’enregistrement s’appliquera aux élevages.

Votre rapporteur vous propose cependant par amendement de distinguer les installations en vaches laitières de celles des autres bovins (dans l’esprit du droit existant). Le seuil d’application du régime d’autorisation doit être inférieur pour les vaches laitières : les vaches laitières sont trois fois plus productrices d’azote que les autres bovins et les exploitations en vaches laitières de taille supérieure à 800 animaux sont quasi inexistantes. 400 animaux est un seuil significatif.

4. Position de la Commission

Les seuils de déclenchement des régimes d’enregistrement relèvent strictement du pouvoir réglementaire. De plus, les seuils déjà fixés, que ce soit pour les porcins, les volailles ou les vaches laitières, ne posent aucun problème. Le Gouvernement a déjà annoncé au Sénat qu’il menait un travail de concertation avec les acteurs sur d’autres secteurs et notamment pour les veaux de boucherie ou les bovins à l’engraissement.

La Commission a rejeté l’article 8.

*

* *

La commission est saisie de l’amendement CE15 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de distinguer, pour le seuil d’application du régime d’autorisation, les installations en vaches laitières de celles des autres bovins.

M. Yves Blein. Lors du débat au Sénat, le Gouvernement a indiqué qu’une concertation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement est engagée avec les professionnels. Ne légiférons pas de manière arbitraire sans même attendre que les discussions en cours ne débouchent sur un consensus.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 8.

Après l’article 8

La commission est saisie de l’amendement CE13 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. L’objectif de l’amendement est limpide : éviter que les agriculteurs soient empêchés de travailler. Avec 56 000 emplois, 1,5 million de tonnes produites et 650 000 tonnes exportées, la pomiculture française est une de nos fiertés nationales. Mais cette bonne santé apparente est trompeuse, car la réglementation est si étouffante que produire des pommes relève de plus en plus du parcours du combattant. J’en donnerai un seul exemple : les pomiculteurs ont l’interdiction de cueillir une pomme sur un escabeau, sur une échelle ou même sur un marchepied, et doivent se servir de plateformes élévatrices. Il y a fort à parier que les auteurs de ces remarquables prescriptions n’ont pas souvent mis le pied dans une pommeraie.

Par ailleurs, la réglementation – spécifiquement française – relative aux traitements phytosanitaires découlant de l’arrêté du 12 septembre 2006 est ainsi conçue que la production d’un verger témoin a été entièrement perdue. En effet, après un traitement phytosanitaire, il est interdit à toute personne d’entrer dans les vergers avant six, vingt-quatre ou quarante-huit heures, en fonction de la molécule utilisée et de la vitesse du vent. Adopté avec le souci légitime de protéger la santé des agriculteurs et de leurs salariés, cet arrêté plonge les producteurs dans l’impasse : dans certains cas, maladies et ravageurs se développent et peuvent détruire toute la récolte ; dans d’autres cas, ces délais obligatoires retardent irrémédiablement les tâches à accomplir.

Réaliste, une réglementation est applicable. Mais, lorsqu’elle est irréaliste, comme celle que je vous ai décrite, elle peut être très dangereuse pour les producteurs et pour l’économie nationale. C’est ce que l’amendement tend à empêcher.

M. le rapporteur. Avis très favorable à l’amendement « escabeau ». Il y a vraiment matière à améliorer la réglementation - je citerai notamment celle qui restreint sévèrement les tâches qui peuvent être confiées aux apprentis - et nous devons avancer rapidement. Je suis plus réservé sur la deuxième partie de l’amendement : il concerne la réglementation phytosanitaire, que nous pouvons difficilement remettre en cause au détour d’un amendement. Je vous suggère donc de représenter en séance publique l’amendement scindé.

L’amendement est retiré.

Article 8 bis A
Obligation pour toute norme nouvelle d’en abroger une antérieure

1. L’état du droit

Hormis l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, aucun dispositif spécifique ne limite la production normative.

Le nombre de normes réglementant les activités agricoles augmente ainsi considérablement au fil des années.

Les obligations d’ordre législatif et réglementaire sont ainsi difficilement lisibles pour les opérateurs économiques. Les modifications récurrentes de la législation engendrent également des surcoûts liés à l’adaptation.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’article 8 bis A inséré par voie d’amendement prévoit de conditionner l’adoption d’une nouvelle norme en matière agricole à l’abrogation d’une norme antérieure.

Un bilan annuel des normes créées et abrogées afin de vérifier la bonne application du nouveau dispositif sera institué.

3. Position du rapporteur

La lutte contre la surrèglementation et l’inflation législative est un réel problème en matière agricole.

Le dispositif proposé permettra d’examiner le volume des normes existantes, la surproduction normative et la simplification mise en œuvre.

C’est un dispositif qui a fait ses preuves au Royaume-Uni mais dans ce pays le mécanisme est plus sévère et applicable à tous les secteurs économiques (« One-in, two-out rule for business regulation »).

4. Position de la Commission

La Commission a considéré que cet article relevait d’une simple déclaration d’intention sans valeur juridique.

Elle a rejeté l’article 8 bis A.

*

* *

La commission est saisie de l’amendement CE27 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. En mars 2013, le Président de la République a annoncé un « choc de simplification » dont on ne voit guère les effets. L’amendement propose donc, pour chaque norme nouvelle adoptée, la suppression obligatoire de deux normes antérieures. Ainsi parviendrait-on réellement au résultat escompté.

M. le rapporteur. Avis très favorable.

M. Yves Blein. La surenchère est inutile quand les faits s’imposent. Nous avons auditionné hier Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification. Elle nous a dit l’étendue des chantiers en cours et a démontré l’efficacité de l’action entreprise. La simplification de l’État s’impose à tous et en tous lieux, si bien que le nombre de normes supprimées pour une nouvelle adoptée est parfois largement supérieur à deux. Nous ne soutiendrons donc pas un article qui n’est rien d’autre qu’une déclaration d’intention.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mme la secrétaire d’État nous a transmis un document très volumineux sur lequel figure l’état d’avancement de la simplification. Je rappelle d’autre part qu’un agriculteur siège au Conseil de la simplification pour les entreprises. La communication en ce domaine est compliquée et nous souhaiterions tous aller plus vite, mais les avancées sont réelles.

M. Arnaud Viala. Je déplore que l’amendement soit ainsi écarté, car l’agriculture souffre d’un empilement de normes et de réglementations départementales, régionales, nationales et européennes hors du commun, et les exploitants ne voient venir aucun allègement. Comment leur dire, alors qu’ils manifestent à nouveau dans la rue, que l’on ne fera rien de plus ?

Mme Laure de La Raudière. Pour être membre du Conseil de la simplification pour les entreprises, comme vous l’avez été, Madame la présidente, je constate que les méthodes de travail y sont intéressantes, mais je tempérerai ce propos par deux observations. D’une part, les mesures de simplification concernent peu l’agriculture, ce qui dit la pertinence de l’amendement. D’autre part, Mme la secrétaire d’État nous a fait part du nombre de simplifications entrées en vigueur, mais elle ne nous a rien dit du « flux entrant », ministère par ministère. Le Conseil de la simplification pour les entreprises devrait mettre les deux nombres en regard pour vérifier que l’on simplifie véritablement — et je pense que ce n’est toujours pas le cas, et que l’on continue, en légiférant, de créer plus de normes et de réglementations qu’on n’en supprime.

M. Thierry Benoit. Dans le secteur agricole et agroalimentaire, il existe un extraordinaire décalage entre les textes voulus par le législateur et leur interprétation par les services déconcentrés de l’État. Il en résulte une complexité singulière qui nuit à l’activité des éleveurs et des agriculteurs. S’ils manifestent leur désespoir et leur désarroi, c’est bien sûr en raison de l’érosion constante de leur revenu, mais aussi d’une complexité légale et réglementaire devenue invivable. J’ai assisté, en Ille-et-Vilaine, à une assemblée générale d’éleveurs de chevaux de trait, au cours de laquelle des représentants de l’administration sont venus livrer leur interprétation, absolument indigeste, de textes réglementaires. Ce n’est pas ainsi que nous réconcilierons nos concitoyens avec l’action publique. Voilà pourquoi je maintiens l’amendement.

M. Yves Blein. Notre collègue Thierry Benoit a bien décrit les maux dont nous souffrons : les interprétations des intentions du législateur et du Gouvernement et l’ajout, parfois, de dispositions qui ne figuraient pas dans le texte initial. Cela étant, l’utilité de l’amendement n’a pas été démontrée : alors que l’on parle de manière si véhémente de supprimer des normes, est-ce bien le moment d’en créer une nouvelle ? Les errements éventuels de l’administration n’en seront pas réglés pour autant. Exerçons nos responsabilités respectives, et veillons à ce que les intentions premières du législateur ne soient pas dévoyées ou complétées par des interventions qui n’ont pas lieu d’être.

M. Thierry Benoit. Puis-je rappeler une fois encore que le Président de la République lui-même a exprimé la volonté d’un « choc de simplification » ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 8 bis A.

Article 8 bis
(article L. 122-3 du code de l’environnement)

Application des normes européennes en matière d’études d’impact dans le secteur agricole jusqu’en 2019

1. L’état du droit

Le 2° de l’article L. 122-3 du code de l’environnement détermine les normes applicables au contenu des études d’impact. Les dispositions législatives sont complétées par les articles R. 122-4 et R. 122-5 du même code.

La directive 2011/92/CE précitée prévoit également un cadre pour le contenu des études d’impact.

Le régime prévu par le code de l’environnement est conforme aux objectifs de la directive 2011/92/CE précitée.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

L’article 8 bis, inséré par voie d’amendement en commission, prévoit d’aligner le contenu des études d’impact pour les projets agricoles, sylvicoles et piscicoles sur ce qui est strictement prévu par l’annexe IV à la directive 2011/92/UE précitée.

L’article L. 122-3 du code de l’environnement est ainsi complété, à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2019.

3. Position du rapporteur

Afin d’éviter les contentieux et la sur-transposition, il est souhaitable de rapprocher le droit interne du droit européen.

Il convient de mentionner explicitement les installations destinées à l’élevage intensif de volailles ou de porcs visées à l’annexe I et non seulement à l’annexe II qui ne concerne que marginalement les installations d’élevage intensif (ceux non visés à l’annexe I). C’est le contenu de l’amendement de précision proposé par votre rapporteur.

4. Position de la Commission

La Commission a relevé que cet article avait pour effet de complexifier à l’excès le contenu des études d’impact, en intégrant à celles-ci de nombreux éléments non obligatoires aujourd’hui.

Elle a rejeté l’article 8 bis.

*

* *

La commission rejette l’amendement de précision CE10 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 8 bis.

Après l’article 8 bis

La commission est saisie de l’amendement CE19 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement répond en quelque sorte à la préoccupation exprimée par Monsieur Yves Blein, en demandant que le préfet de la région coordonne l’action des services déconcentrés de l’État.

M. Yves Blein. Ne vous semble-t-il pas exagéré de prétendre rappeler dans la loi ce que la loi dit du rôle des préfets ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE18 du rapporteur.

M. le rapporteur. Simplifions donc gaiement : cet amendement vise à modifier les articles L. 214-4 et L. 512-2 du code de l’environnement qui fixent les modalités applicables aux enquêtes publiques relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement. Je propose tout simplement de remplacer l’enquête publique par une consultation du public.

En effet, le code de l’environnement prévoit qu’une même procédure soit appliquée à tous les types d’installation, qu’il s’agisse d’une centrale nucléaire ou d’une porcherie ; cela me semble disproportionné.

D’autre part, l’enquête publique s’accompagne de nombreuses démarches administratives qui, en cas de contestation des résultats de l’enquête, provoquent bien souvent l’annulation de l’autorisation pour vice de forme, de sorte que les critères déterminants n’ont plus trait au fond, mais à la forme.

Pour simplifier ce dispositif et le faire passer à l’ère numérique, je vous propose donc de procéder à des consultations du public en lieu et place des enquêtes, le reste de la procédure demeurant inchangé - c’est naturellement au préfet qu’il reviendra, après analyse des résultats de l’enquête, de délivrer ou non les autorisations demandées.

M. Yves Blein. À ce stade, il ne me semble pas utile de remplacer les enquêtes par des consultations. La procédure en vigueur est connue ; en quoi serait-elle allégée si elle se changeait en consultation ? S’il fallait revenir sur l’enquête publique, alors c’est l’ensemble du dispositif qu’il faudrait revoir – la question serait légitime, en effet. En l’espèce, elle est envisagée par le petit bout de la lorgnette.

M. Damien Abad. Êtes-vous, Monsieur Yves Blein, le porte-parole du groupe socialiste ou celui du Gouvernement ? En tout état de cause, vous vous faites l’incarnation de la technocratie. L’enquête publique serait une question négligeable et mieux vaudrait laisser les procédures suivre leur cours habituel, nous dites-vous ; dans ce cas, ne nous servez pas un couplet sur la simplification administrative, comme vous venez de le faire il y a quelques instants ! S’il y a une procédure qui gêne tous les producteurs, tous les exploitants et de nombreux autres professionnels, c’est bien celle de l’enquête publique, qui dure plusieurs mois ! S’il y a un domaine dans lequel la simplification administrative peut progresser, c’est bien celui-là !

Je comprends que mes collègues du groupe majoritaire doivent voter comme un seul homme, mais je les alerte sur le fait qu’il faudra bien, lors des tables rondes agricoles qui se déroulent dans leurs circonscriptions, expliquer aux uns et aux autres qu’ils sont favorables au maintien de la procédure d’enquête publique dans les exploitations agricoles ! Voici pourtant une mesure concrète de simplification administrative. Les divergences d’opinions peuvent naturellement se concevoir à propos de tel ou tel autre amendement, mais, en l’occurrence, chacun - tous ceux qui sont sur le terrain, tout au moins - convient que la procédure d’enquête publique est coûteuse, bien souvent illégitime et surtout source de complexité. S’il ne fallait avancer que sur un seul chantier, ce serait celui-là !

En clair, c’est un excellent amendement. Je regrette que nous ne puissions nous prononcer par scrutin public, car cela permettrait à chacun de prendre ses responsabilités.

M. Yves Blein. Rassurez-vous, Monsieur Damien Abad : je pense tout seul et ne vais pas chercher mes idées ici ou là. Sans doute n’avez-vous pas écouté la réponse que j’ai faite à monsieur le rapporteur : s’il nous avait proposé d’alléger et de toiletter l’ensemble du dispositif d’enquête publique, il aurait certainement suscité l’unanimité de la commission. En revanche, le simple remplacement qu’il propose ne changerait pas la face du monde et ne modifierait pas l’équilibre général de l’enquête publique. Nous sommes tout à fait prêts à travailler sur une refonte générale du mécanisme d’enquête publique, mais ne le modifier que dans un domaine parmi d’autres ne constitue pas une mesure opérante.

M. Damien Abad. Si nous avions formulé une proposition portant sur le dispositif dans son ensemble, vous nous auriez accusés de vouloir faire passer un cavalier législatif qui n’aurait pas sa place dans une loi sur la compétitivité de l’agriculture. Il ne s’agit là que d’un premier pas et, sur ce sujet, nous travaillons par secteur - car la « sectorisation » n’est pas un gros mot. En affirmant sa volonté unanime de revoir l’enquête publique et en faisant de l’agriculture un exemple, le législateur permettrait que s’enclenche ainsi une approche globale de la question. Il arrive que la politique des petits pas permette in fine de faire un grand pas. Monsieur Yves Blein emploie de faux arguments et se cache derrière des artifices juridiques pour esquiver la réalité, qui est celle-ci : cet amendement de bon sens est soutenu par tous les acteurs concernés et nous devrions le soutenir ensemble pour illustrer la volonté qu’a le législateur d’avancer dans ce sens.

M. Arnaud Viala. Il n’existe pas en France une seule préfecture où les parlementaires de tous bords ne se sont pas mobilisés pour faire avancer des procédures relatives aux ICPE agricoles qui sont souvent très longues, au point qu’elles finissent par dissuader les porteurs de projet lorsque l’autorité politique ne s’implique pas pour arrondir les angles. Je ne comprends donc pas du tout la posture du groupe majoritaire.

Quant à la vision plus générale que vous appelez de vos vœux, comme sur tous les articles du texte – que vous démantelez intégralement –, nous l’attendons toujours. Voici quatre ans, en effet, que nous attendons les mesures globales qui permettront aux différents secteurs économiques du pays de constater que vous agissez pour répondre à leurs attentes.

M. le rapporteur. Monsieur Yves Blein me semble cerné par les arguments de l’opposition et le silence de la majorité, mais surtout par la réalité du terrain. Nous savons parfaitement que, pour répondre à la crise, il faudra améliorer la structure des exploitations agricoles et moderniser les bâtiments, ce qui suscitera des demandes d’autorisation et de permis de construire. S’il faut deux, voire trois ans pour y répondre, les agriculteurs seront morts avant.

C’est pourquoi je vous propose d’alléger les procédures sans remettre en cause leur esprit. En outre, Monsieur Yves Blein me reprochait d’aborder un sujet relevant du domaine réglementaire, et non du domaine de compétence du législateur ; je vous apporte ici la preuve que, pour faire notre travail de parlementaire, nous pouvons aussi trouver des accroches législatives, ce que je fais avec cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE20 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les agriculteurs nous indiquent que la surface nécessaire à l’épandage des effluents a été étendue d’un trait de plume à partir du 1er janvier. Ayons soin de ne pas laisser une réglementation dériver hors de tout contrôle. Je propose donc que l’article du code de l’environnement qui la fixe fasse mention de son impact économique.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE24 du rapporteur.

M. le rapporteur. D’une saveur toute différente, cet amendement a de quoi faire plaisir à M. Blein puisqu’il se contente de proposer la présentation d’un rapport. Simple gesticulation, il illustre une forme d’impuissance des parlementaires qui nous est tant reprochée dans les urnes. Par dépit, je le retire.

L’amendement est retiré.

Article 9
(article L. 731-13-3 et L. 741-15-1 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime, article L. 241-13 du code de la sécurité sociale)

Exonération de cotisations sociales des employeurs relevant du régime de la protection sociale agricole

1. L’état du droit

L’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime étend aux cotisations dues au titre des salariés agricoles les dispositifs d’exonération de cotisations sociales de droit commun prévus dans le code de la sécurité sociale :

– l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale permet une réduction des cotisations patronales au titre des cotisations famille, maladie-maternité-invalidité-décès, vieillesse, accident de travail et maladies professionnelles, contribution de solidarité pour l’autonomie et fonds national d’aide au logement ;

– l’article L. 241-18 prévoit l’exonération partielle des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés ;

– l’article L. 242-4-3 prévoit l’exonération de la rémunération due en contrepartie des droits constitués par un salarié sur son compte épargne-temps dès lors qu’elle est utilisée pour alimenter un plan d’épargne pour la retraite collectif ou pour contribuer au financement de prestations de retraite.

L’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les employeurs agricoles sont exonérés des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient.

En outre, les employeurs de salariés agricoles bénéficient, depuis le 1er janvier 2016, de la réduction générale des cotisations familiales pour les salaires allant jusqu’à trois fois le salaire minimum de croissance (SMIC).

L’article 114 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 a mis en place, par la création d’un article L. 741-15-1 du code rural et de la pêche maritime, un abaissement des charges sociales patronales sur les contrats à durée indéterminée de tous les salariés relevant du régime agricole, dans la limite de vingt salariés par entreprise. Ce dispositif était le complément d’un dispositif visant l’emploi non permanent dans l’agriculture. Cette exonération était totale pour les rémunérations fixées à 1,1 SMIC puis dégressive jusqu’aux rémunérations fixées à 1,4 SMIC.

Le même article 114 subordonnait son entrée en vigueur à la confirmation, par la Commission européenne, de sa compatibilité avec l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui dispose, au 1, que « sont incompatibles avec le marché intérieur (…) les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Le dispositif a été notifié à la Commission européenne le 15 février 2012 mais le Gouvernement, considérant les risques juridiques qu’une réponse négative de la Commission aurait impliquée, n’a pas répondu aux questions complémentaires de la Commission. La Commission n’a ainsi jamais validé ce dispositif. Celui-ci a été supprimé par l’article 6 de l’ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

La proposition de loi du Sénat prévoit la réintroduction de l’article L. 741-15-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet article exonèrerait les entreprises du secteur agricole de la part patronale des cotisations sociales dans la limite de vingt salariés employés en contrat à durée indéterminée. Lesdites cotisations sont les suivantes : cotisation à la médecine du travail (0,42 %), cotisation de retraite complémentaire (de 3,875 % à 12,75 % selon les cas), cotisation à l’assurance contre le risque de non-paiement des salaires (0,30 %), cotisation d’assurance-chômage (4 %), cotisation au titre de la formation professionnelle (0,036 % à 0,35 % selon les cas). Un amendement en séance a étendu l’exonération au fonds paritaire chargé du financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs (0,016 %). L’exonération est totale pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,1 fois le SMIC puis dégressive jusqu’à 1,5 SMIC. Le dispositif est un peu plus large que celui adopté en 2011 dont la dégressivité allait jusqu’à 1,4 SMIC. La mesure décidée en 2011 devait représenter environ 1 € d’allégement de charges par heure travaillée.

Un amendement en séance a complété l’article 9 d’un dispositif (au 1°A) de baisse des charges sociales pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. Cette exonération partielle des charges fixes permettrait de couvrir les exploitations sans salarié qui constituent la majorité des exploitations (exploitations familiales). La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale serait compensée par une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée. Le taux de cette exonération serait défini par décret.

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt précitée a permis à certains exploitants non retraités et cotisants solidaires d’accéder au statut de chef d’exploitation agricole et de leur ouvrir une protection sociale plus complète. Une partie de ces exploitants reste encore dans la précarité. Un autre amendement en séance a prévu la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement sur la protection sociale de ces cotisants solidaires. On compte environ 100 000 cotisants de ce type.

3. Position du rapporteur

Les dispositifs prévus à l’article 9 devraient permettre de limiter le différentiel du coût du travail des salariés permanents avec les pays agricoles concurrents de la France. Ces derniers, notamment l’Allemagne et l’Espagne, ont des charges patronales bien inférieures à celles pratiquées en France. L’Allemagne bénéficie par exemple d’une application favorable de la directive 96/71/CEdu Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de service. Cette concurrence déloyale ne doit pas conduire à réduire les conditions de protection sociale des salariés en France mais l’adoption de mesures ciblées visant à réduire le coût du travail est de nature à restaurer des marges de compétitivité pour le secteur agricole.

L’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que « sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Votre rapporteur propose de s’assurer de l’euro-compatibilité du dispositif en prévoyant que « le présent article s’applique dès lors que la Commission européenne a confirmé que cette mesure est compatible avec le 1 de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». C’est ce qui était prévu dans le dispositif adopté en 2011. L’ajout de cet alinéa donnera une nouvelle chance au Gouvernement de s’assurer de l’euro-compatibilité de ce dispositif afin de ne pas s’exposer à ce risque juridique, dans le contexte d’enquête de la Commission européenne sur l’euro-compatibilité des tables rondes organisées cet été par le Gouvernement relatives au prix du porc et du bœuf. La crise de l’élevage ne permet pas de prendre davantage de risque.

Votre rapporteur propose un deuxième amendement à cet article, afin de réparer une erreur technique concernant les caisses de mutualité sociale agricole. Celles-ci doivent être enjointes de verser à leurs attributaires, pour le compte de l’État, les sommes correspondant aux cotisations et contributions exonérées en application de cet article. Il convient de veiller à ce que les personnes prises en charge par la mutualité sociale agricole continuent à bénéficier du versement de leurs droits même en l’absence de participation aux cotisations qui leur sont liés.

Votre rapporteur considère que le dispositif d’allégement des charges fixes des exploitants agricoles est une bonne chose, à condition que le taux défini par décret soit significatif. Il est important de prévoir un dispositif d’allégement des charges pour les exploitants agricoles non-salariés, qui constituent les deux tiers des effectifs agricoles.

RÉPARTITION DU VOLUME DE TRAVAIL AGRICOLE EN 2013 (18)

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4. Position de la Commission

Cette proposition réinstaurerait un dispositif qui n’a jamais été appliqué car non conforme au droit européen. La précédente majorité l’avait instauré mais jamais mis en œuvre.

La Commission a rejeté l’article 9.

*

* *

La commission se saisit de l’amendement CE33 de M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. La mission parlementaire sur les « enjeux du coût de la main-d’œuvre dans le secteur de la production agricole », conduite en 2010, avait proposé d’éviter l’effet de « trappe à bas salaires » et, pour encourager les exploitants agricoles à mieux rémunérer leurs salariés permanents, de suivre des recommandations, formulées dès 2001, qui consistaient à alléger les charges sans dégressivité jusqu’à 1,2 SMIC.

Cette proposition avait été formulée en son temps avec l’ensemble de la profession agricole, mais aussi en lien avec la commission des finances, alors représentée par M. Charles de Courson. Je la renouvelle aujourd’hui par cet amendement.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE34 de M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. Sur le même principe, la mission de 2010 avait prôné la dégressivité de l’exonération de cotisations sociales des rémunérations comprises entre 1,2 et 1,6 SMIC. Cet amendement doit permettre d’inciter la profession agricole – en particulier la filière des fruits et légumes – à embaucher, car c’est une nécessité absolue.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement CE16 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement complète une disposition issue du Sénat et vise à préciser que les couvertures sociales sont maintenues malgré les exonérations de cotisations.

M. Yves Blein. L’article 9 vise à réinstaurer un dispositif qui n’a jamais été appliqué parce qu’il n’est pas conforme au droit européen ; la précédente majorité l’avait déjà adopté sans jamais le mettre en œuvre pour la même raison. Les choix qui ont été faits depuis lors ont permis d’aider les entreprises par d’autres biais, qu’il s’agisse du pacte de responsabilité et du CICE ou des allégements supplémentaires spécifiquement consacrés depuis 2012 au secteur de la production agricole, qui représentent pour la nation une dépense de l’ordre de 800 millions d’euros. Nous ne voyons donc pas l’utilité de réintroduire dans la loi une disposition qui a déjà été testée sans jamais être appliquée.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE17 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement répond à l’argumentation de Monsieur Yves Blein, puisqu’il précise que l’article 9 ne s’applique que dès lors que la Commission européenne a confirmé sa compatibilité avec le droit européen. J’ajoute que, concernant ce que l’on a appelé la « TVA emploi », le Président de la République a récemment battu sa coulpe en regrettant de l’avoir abrogée. Il n’est pas trop tard pour nous rassembler tous autour de ce sujet et le remettre à l’ordre du jour.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 9.

Après l’article 9

La commission examine l’amendement CE32 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet amendement vise à permettre aux travailleurs agricoles indépendants – qui représentent 10 % de la force de travail de la France – de bénéficier des exonérations de charges du CICE. Le CICE a une vocation universelle et s’applique à l’ensemble des entreprises, quels que soient leur statut juridique et leur mode d’imposition. Il a été créé pour favoriser l’emploi et le retour à la compétitivité de nos entreprises. Or une catégorie d’acteurs économiques n’y a pas accès : les travailleurs indépendants. Dans le secteur agricole, le fait qu’ils ne puissent pas en bénéficier est une source d’injustice flagrante. Ces travailleurs sont en effet des acteurs de notre économie comme les autres et contribuent au développement de l’agriculture, au retour de la croissance ainsi qu’à l’affirmation et à la consolidation de la compétitivité agricole.

M. le rapporteur. Il semble que cette disposition figure déjà plus loin dans le texte et qu’il ne soit pas utile de créer un article nouveau.

M. Thierry Benoit. Cet amendement a été examiné au Sénat avant d’être rejeté à une courte majorité. C’est ce qui motive sa présentation.

M. le rapporteur. Soit ; avis favorable, même si le rapport de force me semble encore plus défavorable qu’au Sénat.

M. Yves Blein. Le CICE s’inscrit dans un dispositif global, le pacte de responsabilité, qui comporte des mesures particulières destinées aux travailleurs indépendants, lesquels - cela ne nous a pas échappé - doivent également bénéficier de l’effort d’allégement de charges que la nation consent en faveur des entreprises et des entrepreneurs, dont ils font naturellement partie. Ils bénéficient également de la baisse des cotisations familiales qui s’applique à l’ensemble des entreprises, y compris les travailleurs indépendants, depuis le 1er janvier 2015. Dans ces conditions, ils sont placés sur un pied d’égalité par rapport aux autres entrepreneurs au regard de l’objectif d’allégement de charges fixé par le Gouvernement et la majorité.

La commission rejette l’amendement.

Article 9 bis
(article 244 quater C du code général des impôts)

Application du crédit d’impôt compétitivité emploi aux exploitations agricoles

1. L’état du droit

L’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a créé un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) des entreprises, codifié à l’article 244 quater C du code général des impôts. Il a « pour objet le financement de l’amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ». Le CICE a pour objet, en diminuant le coût du travail des salariés rémunérés jusqu’à 2,5 SMIC, d’améliorer la compétitivité des entreprises. Il s’applique au secteur agricole.

En ce qui concerne les sociétés de personnes ou les groupements, le crédit d’impôt « peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou groupements, à condition qu’il s’agisse de redevables de l’impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l’exploitation ».

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Introduit par voie d’amendement en commission, l’article 9 bis répartit le CICE à l’ensemble des associés d’une société de personnes ou d’un groupement, y compris à ceux qui ne participent pas effectivement à l’exploitation mais y apportent des capitaux.

Les associés simples apporteurs de capitaux dans les sociétés de personnes sont aujourd’hui pénalisés, le bénéfice du CICE ne pouvant leur être octroyé.

Cet article s’appliquerait non seulement aux sociétés de personnes agricoles mais aussi aux autres secteurs économiques.

3. Position du rapporteur

La législation en matière agricole a encouragé la constitution de sociétés de personnes. Il est important que le crédit d’impôt du dispositif du CICE ne pénalise pas les personnes qui apportent des capitaux aux entreprises agricoles, en particulier dans un contexte de crise agricole. L’apport de capitaux extérieurs est important pour l’installation des jeunes agriculteurs mais aussi pour la croissance des sociétés agricoles dont les besoins d’investissements sont importants.

Le dispositif proposé rétablit l’équité entre exploitations agricoles soumises au régime fiscal des sociétés de personnes et à celles soumises à l’impôt sur les sociétés pour lesquelles le crédit d’impôt est imputé à la structure.

4. Position de la Commission

La Commission a considéré que ce dispositif allait à l’encontre de la défense du modèle d’exploitation familiale et inciterait à la spéculation dans le secteur agricole.

Elle a rejeté l’article 9 bis.

*

* *

La commission rejette l’article 9 bis.

Article 10
(article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime)

Allongement de la période de bénéfice de l’exonération de cotisations sociales en faveur des jeunes agriculteurs

1. L’état du droit

En application de l’article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime, les jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole bénéficient d’une exonération partielle des cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité, à l’exception de la cotisation prévue pour financer les indemnités journalières maladie, et des cotisations de prestations familiales et d’assurance vieillesse agricole dont ils sont redevables pour eux-mêmes et au titre de leur exploitation.

Ce dispositif est applicable aux agriculteurs âgés de 18 à 40 ans.

Cette exonération est applicable pendant cinq années. Elle est dégressive : l’article D. 731-52 du même code prévoit que les cotisations dont il est question sont réduites de 65 % au titre de la première année civile au cours de laquelle est accordée l’exonération, de 55 % au titre de la deuxième, de 35 % au titre de la troisième, de 25 % au titre de la quatrième et de 15 % au titre de la cinquième.

MONTANTS POUR L’ANNÉE 2015

Année d’exploitation

Taux d’exonération

Montant maximal (plafond)

1re année

65 %

3 254 €

2e année

55 %

2 753 €

3e année

35 %

1 752 €

4e année

25 %

1 252 €

5e (et dernière) année

15 %

751 €

Source : Mutualité sociale agricole.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Ce dispositif étend de 5 à 6 années la durée de l’exonération partielle.

Il avait été adopté en séance en première lecture au Sénat sous forme d’un amendement portant article additionnel au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. La commission mixte paritaire n’avait pas retenu ce dispositif.

3. Position du rapporteur

Le soutien aux jeunes agriculteurs est nécessaire pour réduire le risque d’échec à l’installation. Cet allongement est justifié par le contexte de renchérissement du coût de l’installation, les capitaux à investir dans le matériel comme dans les bâtiments ne cessent de croître. Un tel allongement ne peut qu’aller dans le bon sens.

4. Position de la Commission

La Commission a indiqué que l’ensemble des dispositifs d’aide aux jeunes agriculteurs était prévu sur cinq années.

Elle s’est opposée à complexifier le dispositif et a rejeté l’article 10.

*

* *

La commission rejette l’article 10.

Article 11
Possibilité exceptionnelle de révocation de l’option de calcul des bénéfices agricoles sur la base de la moyenne triennale

1. L’état du droit

Les impôts dus par les agriculteurs au titre des bénéfices agricoles sont en principe calculés sur la base des revenus de l’année n-1. Toutefois, en application de l’article 75-0 B du code général des impôts, « sur option des contribuables titulaires de bénéfices agricoles soumis à un régime réel d’imposition, le bénéfice agricole retenu pour l’assiette de l’impôt progressif est égal à la moyenne des bénéfices de l’année d’imposition et des deux années précédentes ». Cette option est valable pour cinq ans et reconduite par tacite reconduction.

À l’inverse, en ce qui concerne le calcul des cotisations sociales, l’article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime prévoit que l’assiette soit calculée sur la moyenne triennale des revenus. L’article L. 731-19 prévoit d’opter pour une assiette calculée sur l’année n - 1. L’article D. 731-26 prévoit que la possibilité de changer pour une assiette calculée en n - 1 doit être exercée avant le 30 novembre de l’année précédente et vaut également pour cinq ans, reconduite par tacite reconduction.

Le plan de soutien à l’élevage a prévu un droit d’option exceptionnel pour l’assiette des cotisations sociales de 2015.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Le dispositif de l’article 11 prévoit, pour les contribuables soumis à un régime réel d’imposition et ayant choisi, en application de l’article 75-0 B du code général des impôts, le calcul de leur imposition sur la moyenne triennale de leurs revenus, de revenir sur cette option au titre de 2015. L’option devrait dans ce cas être révoquée avant le 30 mars 2016.

Le dispositif s’inscrit en complément du plan de soutien à l’élevage. Le choix de l’option d’un calcul d’imposition sur l’année 2015 au lieu des trois dernières années permettra d’atténuer l’imposition, dans la mesure où les revenus de l’année 2015 ont chuté.

3. Position du rapporteur

La mesure conjoncturelle proposée a vocation à ne concerner que l’imposition 2015 qui a été une année de crise sans précédent dans le monde agricole, en particulier dans le secteur de l’élevage.

Il s’agit d’un dispositif exceptionnel mais qui soulagera, dans l’immédiat, la trésorerie des agriculteurs ayant fait un choix de calcul d’imposition défavorable.

4. Position de la Commission

La Commission a relevé, d’une part, que ce dispositif serait obsolète, si adopté, au 30 mars 2016 et que d’autre part il pourrait coûter très cher. Le Gouvernement a mis en place ce système, dès 2015 et pour deux ans, sur les cotisations sociales, qui permet un ciblage des exploitants en difficulté ou dont les revenus sont effectivement faibles.

La Commission a rejeté l’article 11.

*

* *

La commission rejette l’article 11.

Article 11 bis
(article 1394 D [nouveau] du code général des impôts)

Exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les soixante premiers hectares de chaque exploitation

1. L’état du droit

Il existe deux dispositifs d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

D’une part, une exonération concerne temporairement les installations liées à la méthanisation agricole. Ce dispositif a été étendu par la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 précitée.

D’autre part, les parcelles exploitées par les jeunes agriculteurs bénéficiaires de la dotation d’installation pour une période ne pouvant excéder cinq ans à compter de l’année suivant celle de l’installation peuvent faire l’objet d’un dégrèvement en deux fois :

– un dégrèvement systématique de 50 % du montant de la taxe à la charge de l’État. Il concerne 62 221 bénéficiaires, pour un coût budgétaire annuel de 7,1 millions d’euros en 2013 ;

– un dégrèvement de la fraction restante, soit 50 %, qui peut être accordé par les collectivités territoriales, à leur charge. Cette prise en charge n’est pas systématique et relève du choix de la collectivité ou de son groupement.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Introduit par voie d’amendement en séance publique au Sénat, l’article 11 bis a pour objectif de réduire les charges fixes des exploitants agricoles en instaurant une exonération des soixante premiers hectares de chaque exploitation au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

La perte de recettes pour les collectivités territoriales serait compensée par une majoration de la dotation globale de fonctionnement. La perte de recettes pour l’État serait compensée par une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée.

Le seuil des soixante hectares permettrait d’exonérer les plus petites exploitations, les plus touchées par la crise.

3. Position du rapporteur

Cette mesure est favorable à la compétitivité des exploitations. Pour autant, elle créerait un effet d’aubaine pour l’ensemble des exploitations agricoles, une majorité étant d’ailleurs de taille inférieure à 60 hectares et ferait perdre un avantage comparatif aux jeunes agriculteurs qui bénéficient déjà d’une exonération, pendant cinq ans, de cette taxe.

En outre, cette taxe constitue une recette importante pour l’État et les collectivités territoriales. Une fraction est affectée au financement des chambres d’agriculture.

Son coût pour les finances publiques, d’après les chiffres avancés par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt en séance publique au Sénat à l’occasion de la discussion de la proposition de loi, pourrait s’établir entre 500 et 700 millions d’euros, au détriment de l’État et des collectivités territoriales.

4. Position de la Commission

Le dispositif proposé est compensé par une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation sociale généralisée, alors que la taxe sur le foncier non bâti est une ressource des collectivités territoriales. Le ministre de l’agriculture a indiqué que le coût de ce dispositif s’établirait entre 500 et 700 M€.

Cet article ferait en outre perdre aux jeunes agriculteurs un avantage qui leur est réservé puisqu’ils sont exonérés de taxe sur le foncier non bâti durant 5 ans.

La Commission a rejeté l’article 11 bis.

*

* *

La commission rejette l’article 11 bis.

Article 12
(article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime)

Plan de simplification en agriculture

1. L’état du droit

L’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime concerne le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire (CSO), instance de dialogue et de débat en matière agricole et alimentaire. Celui-ci « participe à la définition, à la coordination, à la mise en œuvre et à l’évaluation de la politique d’orientation des productions et d’organisation des marchés ». Il rend des avis sur les orientations économiques de la politique agricole et agroalimentaire et veille à la cohérence des actions menées en ce domaine.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

La simplification des normes est un chantier dans de nombreux secteurs économiques. Les secteurs agricole et agroalimentaire doivent également être concernés afin de gagner en compétitivité. Le Premier ministre lui-même a annoncé un plan de simplification, le 3 septembre 2015, associant les professionnels agricoles aux mesures qui les concernent.

Cet article prévoit que le conseil adopte chaque année un plan de simplification des normes dans son domaine de compétence : les filières agricole et agroalimentaire. Ce plan serait rendu public. Il donnerait un cadre institutionnel associant les professionnels et assurant la transparence des décisions.

3. Position du rapporteur

Le CSO associe de nombreux professionnels du monde agricole et agroalimentaire. Il est l’instance idoine pour associer un nombre très large d’acteurs du secteur et assurer le consensus sur les normes devant faire l’objet d’un plan stratégie de simplification.

Un tel plan stratégique permettra de conférer un caractère permanent au souci de simplification, de faire du CSO un organe de veille sur cette question et un forum pour les acteurs du secteur. Le suivi du plan stratégique sera d’autant plus aisé qu’il concernera tous les acteurs. La remise d’un rapport annuel permettra en outre de définir la stratégie et de faire le point sur les actions menées depuis la publication du dernier rapport.

4. Position de la Commission

La Commission a considéré que cet article était intéressant mais qu’il existait déjà un conseil de la simplification agricole qui devrait être renforcé à la suite des annonces du Premier ministre le 3 septembre 2015.

La Commission a rejeté l’article 12.

*

* *

La commission rejette l’article 12.

Après l’article 12

La commission examine l’amendement CE26 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Nous sommes favorables aux contrôles, mais ceux-ci doivent être coordonnés et fondés sur le principe de la confiance. Les contrôles administratifs, environnementaux et sanitaires pourraient se résumer à un contrôle par an ; c’est le sens de cet amendement. Il existe aujourd’hui une profusion de contrôles. Or les exploitants agricoles français figurent parmi les meilleurs du monde et d’Europe. Si les contrôles doivent avoir pour but d’élever la production vers l’excellence agricole et alimentaire, alors il faut les simplifier et les coordonner, plutôt que les multiplier dans un climat de suspicion ; il faut aussi bannir les comportements visant à chercher la faille à tout prix. Un contrôle coordonné par an devrait suffire.

M. le rapporteur. Il conviendrait d’une part de préciser que le seuil d’un contrôle par an n’est pas un plancher : il peut s’en produire moins souvent.

M. Thierry Benoit. Au contraire, c’est un plafond.

M. le rapporteur. La précision est importante. Deuxième remarque : je constate que vous n’avez pas pris le soin de faire cosigner cet amendement par la présidente Frédérique Massat, qui y aurait d’autant plus adhéré que vous vous êtes vraisemblablement inspiré du rapport de la mission parlementaire qu’elle a animée. Cela aurait peut-être permis à Monsieur Yves Blein et à ses collègues de la majorité d’accepter enfin l’un de nos amendements. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à celui-ci.

Mme la présidente Frédérique Massat. La mission que nous avons conduite sur les contrôles a duré plus de six mois et nous a permis de travailler intelligemment sur le terrain. Comme l’indique le rapport de la mission, les contrôles sont de natures diverses : il existe des contrôles de niveau européen qui sont dus au versement des aides de la politique agricole commune, dont personne ne conteste la légitimité ; une multitude d’autres contrôles sont conduits au titre de différentes activités. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à instaurer un système fondé sur le dialogue, où les agriculteurs et les organismes professionnels travaillent en bonne intelligence avec les services départementaux et ceux de l’État, au point, parfois, d’ôter toute raison d’être aux contrôles – ainsi, il est proposé dans certains cas de remplacer les contrôles sur place par des contrôles sur pièces.

En clair, nous avançons dans ce domaine. Le Premier ministre a pris une circulaire pour rationaliser le dispositif. À titre personnel, je ne suis donc pas favorable à cet amendement, même si l’avis du rapporteur prime.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CE14 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement prospectif vise à ce que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la gestion des données agricoles de masse. Nous venons d’examiner le projet de loi pour une République numérique, qui aborde cette question ; d’autre part, notre commission a ce matin même créé une mission sur les objets connectés. Aujourd’hui, les agriculteurs, qu’ils soient cultivateurs ou éleveurs, utilisent de nombreux outils de collecte de données qui peuvent susciter non seulement notre intérêt, mais aussi celui, hélas, de concurrents étrangers. Dès lors qu’elles sont collectées, traitées et interprétées, ces données peuvent constituer une source d’informations particulièrement sensibles. Le moment me semble venu de nous pencher sur la dimension agricole de cette question.

M. Yves Blein. Le Premier ministre a annoncé la création au 1er janvier 2017 d’un portail qui regroupera l’ensemble des données relatives à l’agriculture ; la question nous semble donc réglée.

M. le rapporteur. Je ne crois pas que le portail pourra couvrir la question dans son intégralité, car il ne permettra de consulter que les données publiques en libre accès. Or chaque moissonneuse-batteuse, chaque tracteur agricole est doté de logiciels d’enregistrement interne qui sont exploités tantôt par le constructeur, tantôt par le service de maintenance et qui peuvent constituer des sources de données qui ne figureront pas dans le portail en question et dont nous devrions définir le statut, la propriété et les usages possibles.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je comprends votre préoccupation, mais la mission qui vient d’être créée pourra élargir son spectre et travailler plus largement avec le Parlement et le Gouvernement afin d’éviter les dangers que vous indiquez.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre IV
Dispositions finales

Article 13
Gage

1. L’état du droit

En application de l’article 40 de la Constitution, une initiative parlementaire (amendement ou proposition de loi) n’est pas recevable si elle entraîne une diminution des ressources publiques (État, collectivités territoriales ou organismes de sécurité sociale) ou la création ou l’aggravation d’une charge publique.

Cependant, la jurisprudence constitutionnelle admet la compensation d’une baisse de recettes fiscales ou sociales par l’augmentation d’autres recettes à due concurrence.

2. Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

Cet article comporte les gages des pertes de recettes de la proposition de loi.

Les pertes seraient compensées par une augmentation du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de la contribution sociale généralisée (CSG). Le produit supplémentaire de la TVA bénéficierait aux collectivités territoriales (à travers une majoration de leur dotation globale de fonctionnement). Le produit supplémentaire de la CSG compenserait les pertes de recettes des organismes de sécurité sociale.

L’évaluation du coût de la perte des recettes fiscales et sociales est difficilement chiffrable a priori. Le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat sur la présente proposition de loi avance le chiffre de 200 à 300 millions d’euros mais il ne s’agit que d’une estimation.

3. Position du rapporteur

L’ampleur du relèvement nécessaire de TVA n’est pas précisée. L’assiette de la TVA étant très large, un relèvement de son taux permet de gager un volume important de pertes de recettes. Un point de TVA rapporte environ 10 milliards d’euros. La TVA fait reposer le financement des collectivités publiques sur le consommateur et non sur les producteurs, ce qui a pour avantage de tirer des recettes non seulement de la valeur ajoutée nationale mais aussi des produits importés, contrairement à la taxation du travail.

L’assiette de la CSG est également très large. Le relèvement de son taux semble également de nature à compenser efficacement les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale.

La proposition de loi déposée au Sénat et les amendements introduits en première lecture au Sénat ont été soumis au contrôle de leur recevabilité financière. Le président du Sénat a jugé que les gages créés couvraient les pertes de recettes qu’engendrerait l’adoption définitive de la proposition de loi. Votre rapporteur fait confiance à ses collègues sénateurs.

Il reviendra au Gouvernement de décider de ces relèvements de taux ou de toute autre mesure fiscale ou sociale. L’article 40 de la Constitution ne s’applique pas au Gouvernement.

4. Position de la Commission

La Commission a indiqué que l’adoption de cet article augmenterait les prélèvements obligatoires de plusieurs centaines de millions d’euros.

Elle a rejeté l’article 13.

*

* *

M. Yves Blein. Nous observerons avec attention le vote sur cet article, afin de savoir qui se prononce en sa faveur, autrement dit, qui vote en faveur d’une hausse d’impôts.

La commission rejette l’article 13.

L’ensemble des articles ou des amendements portant articles additionnels ayant été rejetés ou supprimés, la proposition de loi est rejetée.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi adoptée par le Sénat

___

Texte adopté par la Commission

___

 

PROPOSITION DE LOI EN FAVEUR DE LA COMPÉTITIVITÉ DE L’AGRICULTURE ET DE LA FILIÈRE AGROALIMENTAIRE

 
 

Chapitre Ier

 
 

Des relations plus justes et transparentes, du producteur au consommateur

 
 

Article 1er

Article 1er

Code rural et de la pêche maritime

Livre VI : Production et marchés

Titre III : Contrats et accords interprofessionnels portant sur des produits agricoles ou alimentaires

Chapitre Ier : Le régime contractuel en agriculture

Section 2 : Les contrats de vente de produits agricoles

 

Supprimé

Art. L. 631-24. – I. – […]

Les contrats écrits mentionnés au 1° ou la proposition de contrats écrits mentionnée au 2° comportent des clauses relatives à la durée du contrat, aux volumes et aux caractéristiques des produits à livrer, aux modalités de collecte ou de livraison des produits, aux prix ou aux critères et modalités de détermination du prix, aux modalités de paiement, aux règles applicables en cas de force majeure et aux modalités de révision et de résiliation du contrat ou au préavis de rupture. Sauf stipulations contraires, ces contrats sont renouvelables par tacite reconduction pour une période équivalente à celle pour laquelle ils ont été conclus. Les trois premiers alinéas de l’article L. 441-8 du code de commerce leur sont applicables.

[…]

À la première phrase du quatrième alinéa du I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « modalités de détermination du prix », sont insérés les mots : « qui font référence à un ou plusieurs indicateurs d’évolution des coûts de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires, pouvant être établis par accords interprofessionnels ou par l’observatoire de la formation des prix et des marges ».

 
 

Article 1erbis (nouveau)

Article 1erbis

 

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

Supprimé

 

1° Le I de l’article L. 631-24 est ainsi modifié :

 

Art. L. 631-24. – I. – […]

a) La seconde phrase du huitième alinéa est ainsi rédigée :

 

Le décret mentionné au cinquième alinéa fixe le délai de mise en conformité des contrats en cours à la date de son intervention conclus avec un producteur ayant engagé la production depuis moins de cinq ans. Dès lors que l’acheteur a donné son accord à la cession d’un contrat à un nouveau producteur satisfaisant aux conditions de qualification ou d’expérience professionnelle prévues à l’article L. 331-2 engagé dans la production depuis moins de cinq ans, la durée restant à courir du contrat cédé, si elle est inférieure à la durée minimale, prévue par le décret mentionné au cinquième alinéa est prolongée pour atteindre cette durée.

« Dès lors que l’acheteur a donné son accord au changement de producteur dans le cadre d’une reprise à un nouveau producteur satisfaisant aux conditions de qualification ou d’expérience professionnelle prévues à l’article L. 331-2 engagé dans la production depuis moins de cinq ans, l’acheteur est tenu de proposer au producteur un contrat d’une durée minimale prévue par le décret mentionné au cinquième alinéa du présent I, dont les conditions sont identiques à celles convenues avec le précédent producteur. » ;

 
 

b) Le neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

 

Un décret en Conseil d’Etat précise les produits considérés comme relevant de la même production pour l’application du présent article.

[…]

« Ce décret peut rendre incessibles les contrats de vente conclus entre producteurs et acheteurs de produits d’une ou de plusieurs productions. » ;

 

Art. L. 671-9. – I.-Est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 €, dont le montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits :

1° et 2° […]

2° Le I de l’article L. 671-9 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

 
 

« 3° Le fait, pour tout bailleur, tout preneur sortant, tout exploitant agricole, tout intermédiaire ou tout acheteur de produits agricoles soit, d’avoir, directement ou indirectement obtenu une remise d’argent ou de valeurs en vue de procéder au transfert entre producteurs d’un contrat rendu obligatoire au titre du I de l’article L. 631-24, soit d’imposer ou tenter d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci.

 
 

« Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition et majorées d’un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l’intérêt légal mentionné à l’article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points.

 
 

« En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l’action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10 %.

 

II. – […]

« L’action en répétition exercée demeure recevable pendant toute la durée du contrat transféré et de ses renouvellements ou reconductions successifs. »

 
 

Article 2

Article 2

 

I. – Une conférence de filière est réunie chaque année avant le 31 décembre sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles institué par l’article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime pour chacune des filières agricoles.

Supprimé

 

Elle réunit les représentants des organisations de producteurs, des entreprises et des coopératives de transformation industrielle des produits concernés, de la distribution et de la restauration hors domicile.

 
 

La conférence de filière examine la situation et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés au cours de l’année à venir.

 
 

II. – Les modalités d’application du I, notamment la délimitation des filières agricoles et la composition de la conférence, sont définies par décret.

 
 

Article 2 bis (nouveau)

Article 2 bis

Loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques

Après le sixième alinéa de l’article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Supprimé

amendement CE5

Art. 7 – En cas de défaut de réponse après mise en demeure, dans le délai imparti par ladite mise en demeure, ou de réponse sciemment inexacte, les personnes physiques ou morales peuvent être l’objet d’une amende administrative prononcée par le ministre chargé de l’économie sur avis du conseil national de l’information statistique réuni en comité du contentieux des enquêtes statistiques obligatoires dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 1er bis.

   

L’avis du comité est communiqué au ministre, accompagné, le cas échéant, des observations de l’intéressé.

   

La décision du ministre prononçant une amende est motivée ; le recours dirigé contre cette décision est un recours de pleine juridiction.

   

Passé un délai de deux ans à compter de la date de réception de la mise en demeure, le ministre ne peut plus infliger d’amende.

   

Le montant de la première amende encourue à ce titre par une personne physique ou morale ne peut dépasser 150 euros.

   

En cas de récidive dans le délai de trois ans, le montant de l’amende est porté à 300 euros au moins et 2250 euros au plus pour chaque infraction.

   
 

« Les établissements refusant de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, pour les besoins de la mission de l’organisme mentionné à l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, affichent leur manquement, de manière à ce que le public puisse en prendre connaissance. »

 
 

Article 2 ter (nouveau)

Article 2 ter

 

Après le sixième alinéa de l’article 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Supprimé

[…]

« La liste des établissements refusant de se soumettre aux enquêtes obligatoires du service statistique public relatives aux prix et aux marges des produits agricoles et alimentaires, pour les besoins de la mission de l’organisme mentionné à l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, fait l’objet d’une publication par voie électronique par cet organisme. »

 
 

Article 3

Article 3

Code de la consommation

Livre Ier : Information des consommateurs et formation des contrats

Titre Ier : Information des consommateurs

Chapitre II : Modes de présentation et inscriptions

Le chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de la consommation est complété par un article L. 112-13 ainsi rédigé :

Supprimé

 

« Art. L. 112-13. – Les distributeurs et les fabricants de produits alimentaires indiquent à tout consommateur qui en fait la demande, dans un délai n’excédant pas un mois, l’origine des produits carnés et laitiers constituant l’ingrédient principal des produits alimentaires qu’ils ont fabriqués ou distribués.

 
 

« La liste des distributeurs et des fabricants de produits alimentaires qui ne respectent pas cette obligation est tenue publique par le ministère en charge de l’alimentation.

 
 

« Les modalités d’application du premier alinéa sont définies par accords interprofessionnels, ou à défaut par décret.

 
 

« Lorsque l’indication de l’origine fait l’objet d’un étiquetage lors de la vente, l’obligation d’information du consommateur figurant au même premier alinéa est réputée satisfaite. »

 
 

Chapitre II

 
 

Faciliter l’investissement et mieux gérer les risques financiers en agriculture

 
 

Article 4

Article 4

 

Par exception à l’article 1244 du code civil, tout exploitant agricole ayant souscrit un emprunt affecté exclusivement au financement de l’acquisition de matériel d’exploitation ou de cheptel ou de l’acquisition ou de la rénovation de bâtiments d’élevage, dont la moitié au moins du chiffre d’affaires est réalisé dans un secteur déclaré en crise par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et des finances, peut reporter le paiement de sa dette pour une durée maximale qui ne peut excéder un cinquième de la durée du prêt restant à courir à la date de la demande. Le paiement des intérêts reste dû durant l’ensemble de la période d’exécution du prêt.

Supprimé

 

Article 5

Article 5

 

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

Supprimé

Code monétaire et financier

Livre II : Les produits

Titre II : Les produits d’épargne

Chapitre Ier : Produits d’épargne générale à régime fiscal spécifique

Section 4 : Le livret de développement durable

1° Après la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :

 
 

« Section 4 bis

 
 

« Le livret vert

 
 

« Art. L. 221-28. – Le livret vert est ouvert par les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France dans les établissements et organismes autorisés à recevoir des dépôts.

 
 

« Les versements effectués sur un livret vert ne peuvent porter le montant inscrit sur le livret au-delà d’un plafond fixé par voie réglementaire.

 
 

« Il ne peut être ouvert qu’un livret par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune.

 
 

« Les modalités d’ouverture et de fonctionnement du livret vert, ainsi que la liste des investissements dans le secteur agricole et agroalimentaire auxquels sont affectées les sommes déposées sur ce livret, sont fixées par voie réglementaire.

 
 

« Les opérations relatives au livret vert sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l’inspection générale des finances. »

 
 

Article 5 bis (nouveau)

Article 5 bis

 

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, un rapport dont l’objet est de prévoir l’ouverture de prêts de carrière pour les jeunes agriculteurs.

Supprimé

 

Article 6

Article 6

Code général des impôts

Livre premier : Assiette et liquidation de l’impôt

Première Partie : Impôts d’État

Titre premier : Impôts directs et taxes assimilées

Chapitre premier : Impôt sur le revenu

Section II : Revenus imposables

1re Sous-section : Détermination des bénéfices ou revenus nets des diverses catégories de revenus

IV : Bénéfices de l’exploitation agricole

3 : Imposition d’après le bénéfice réel

B : Détermination du résultat imposable

Le code général des impôts est ainsi modifié :

Supprimé

Art. 72 D. – I. – Les exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition peuvent pratiquer une déduction pour investissement dans les limites et conditions prévues à l’article 72 D ter.

1° Supprimé

 

Cette déduction est utilisée au cours des cinq exercices qui suivent celui de sa réalisation pour :

   

1° L’acquisition et la production de stocks de produits ou animaux dont le cycle de rotation est supérieur à un an ;

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   
 

2° L’article 72 D bis est ainsi rédigé :

 

Art. 72 D bis. – I. – 1. Les exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition peuvent pratiquer une déduction pour aléas dans les limites et conditions prévues à l’article 72 D ter.

« Art. 72 D bis. – I. – Les exploitants agricoles soumis à un régime réel d’imposition peuvent constituer une réserve spéciale d’exploitation agricole dans les limites et conditions prévues à l’article 72 D ter.

 

La déduction pour aléas s’exerce à la condition que, dans les six mois de la clôture de l’exercice et au plus tard à la date de dépôt de déclaration des résultats se rapportant à l’exercice au titre duquel la déduction est pratiquée, l’exploitant ait inscrit à un compte d’affectation ouvert auprès d’un établissement de crédit une somme égale à 50 % du montant de la déduction. L’épargne professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l’actif du bilan de l’exploitation. Les intérêts produits par cette épargne professionnelle et qui sont capitalisés dans le compte d’affectation ne sont pas soumis à l’impôt.

« Dans les six mois de la clôture de l’exercice et, au plus tard, à la date de dépôt de déclaration des résultats se rapportant à l’exercice au titre duquel la réserve spéciale d’exploitation agricole est dotée, l’exploitant inscrit à un compte d’affectation ouvert auprès d’un établissement de crédit une somme au moins égale à 50 % du montant de la réserve. L’épargne professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l’actif du bilan de l’exploitation. Les intérêts produits par cette épargne professionnelle et qui sont capitalisés dans le compte d’affectation ne sont pas soumis à l’impôt.

 

La condition d’inscription au compte d’affectation visé au deuxième alinéa est réputée respectée à due concurrence de l’accroissement du stock de fourrages destiné à être consommé par les animaux de l’exploitation par rapport à la valeur moyenne du stock en fin d’exercice calculée sur les trois exercices précédents.

En cas de vente de ces stocks de fourrage lors des sept exercices suivant celui de la déduction, le produit de la vente doit être inscrit au compte d’affectation dans la limite du montant ayant été dispensé de l’inscription au compte d’affectation, déduction faite des montants exemptés de l’obligation d’inscription et utilisés de façon conforme.

« La condition d’inscription au compte d’affectation mentionné au deuxième alinéa est réputée respectée à due concurrence de l’accroissement du stock de fourrages destiné à être consommé par les animaux de l’exploitation par rapport à la valeur moyenne du stock en fin d’exercice calculée sur les trois exercices précédents. En cas de vente de ces stocks de fourrage lors des sept exercices suivant celui de la constitution de la réserve, le produit de la vente doit être inscrit au compte d’affectation dans la limite du montant ayant été dispensé de l’inscription au compte d’affectation.

 

2. Les sommes déduites et leurs intérêts capitalisés non soumis à l’impôt peuvent être utilisés au cours des sept exercices qui suivent celui au cours duquel la déduction a été pratiquée :

a) Au titre de chaque exercice, pour l’acquisition de fourrages destinés à être consommés par les animaux de l’exploitation dans les six mois qui précèdent ou qui suivent la reconnaissance du caractère de calamité agricole sur le canton de l’exploitation ou les cantons limitrophes ;

b) Pour le règlement au cours de l’exercice des primes et cotisations d’assurance de dommage aux biens ou pour perte d’exploitation souscrite par l’exploitant ;

c) Au titre de l’exercice de survenance d’un incendie ou d’un dommage aux cultures ou de perte du bétail assuré, dans la limite des franchises, pour le règlement des dépenses en résultant ;

« La réserve spéciale d’exploitation agricole est utilisée au cours des sept exercices qui suivent celui de sa constitution pour le règlement de toute dépense, lorsque la valeur ajoutée de l’exercice, réalisée dans des conditions comparables à celles de l’année précédente, a baissé de plus de 10 % par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents ou, lorsqu’au titre de deux années consécutives, la somme arithmétique des baisses de valeur ajoutée mesurées excède 10 %. La valeur ajoutée s’entend de la différence entre, d’une part, la somme hors taxes des ventes, des variations d’inventaire, de la production immobilisée et autoconsommée et des indemnités et subventions d’exploitation et, d’autre part, la somme hors taxes et sous déduction des transferts de charges d’exploitation affectés du coût d’achat des marchandises vendues et de la consommation de l’exercice en provenance de tiers. Les intérêts capitalisés dans le compte d’affectation sont utilisés dans les mêmes conditions.

 

d) Au titre de l’exercice de survenance d’un aléa non assuré d’origine climatique, naturelle ou sanitaire, reconnu par une autorité administrative compétente pour le règlement des dépenses en résultant ;

   

e) Au titre de l’exercice de survenance d’un aléa économique lorsque la différence positive entre la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents et la valeur ajoutée de l’exercice, réalisée dans des conditions comparables, excède 10 % de cette moyenne, dans la limite de cette différence. Pour l’application du présent d, la valeur ajoutée s’entend de la différence entre d’une part, la somme hors taxes, des ventes, des variations d’inventaire, de la production immobilisée et autoconsommée et des indemnités et subventions d’exploitation et, d’autre part, la somme hors taxes et sous déduction des transferts de charges d’exploitation affectés, du coût d’achat des marchandises vendues et de la consommation de l’exercice en provenance de tiers.

   

3. Les sommes déduites et les intérêts ainsi utilisés sont rapportés au résultat de l’exercice au cours duquel leur utilisation est intervenue.

« Les sommes ainsi utilisées sont rapportées au résultat de l’exercice au cours duquel leur utilisation est intervenue.

 

Lorsque ces sommes et intérêts ne sont pas utilisés au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction a été pratiquée, ils sont rapportés aux résultats du septième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée et majorés d’un montant égal au produit de ces sommes et intérêts par le taux d’intérêt légal.

« Lorsque ces sommes ne sont pas utilisées au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction a été pratiquée, elles sont rapportées aux résultats du septième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée.

 

Lorsque ces sommes et intérêts sont prélevés dans des cas autres que ceux mentionnés au 2 du présent I, ils sont rapportés au résultat de l’exercice au cours duquel cette utilisation a été effectuée et majorés d’un montant égal au produit de ces sommes et intérêts par le taux de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727.

   

II. – L’apport d’une exploitation individuelle dans les conditions visées au I de l’article 151 octies, à une société civile agricole par un exploitant agricole qui a pratiqué la déduction au titre d’un exercice précédant celui de l’apport n’est pas considéré pour l’application du I comme une cessation d’activité si la société bénéficiaire de l’apport en remplit les conditions et s’engage à utiliser les sommes déposées sur le compte au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction correspondante a été pratiquée.

« II. – L’apport d’une exploitation individuelle, dans les conditions mentionnées au I de l’article 151 octies, à une société civile agricole par un exploitant agricole qui a constitué une réserve spéciale d’exploitation agricole au titre d’un exercice précédant celui de l’apport n’est pas considéré pour l’application du I du présent article comme une cessation d’activité si la société bénéficiaire de l’apport en remplit les conditions et s’engage à utiliser la réserve au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction correspondante a été pratiquée.

 

La transmission à titre gratuit d’une exploitation individuelle dans les conditions prévues à l’article 41 par un exploitant agricole qui a pratiqué la déduction au titre d’un exercice précédant celui de la transmission n’est pas considérée pour l’application du I comme une cessation d’activité si le ou les bénéficiaires de la transmission remplissent les conditions ouvrant droit à la déduction et s’engagent à utiliser les sommes déposées sur le compte au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction correspondante a été pratiquée dans les conditions et les limites définies au I.

« III. – La transmission à titre gratuit d’une exploitation individuelle dans les conditions prévues à l’article 41 du présent code par un exploitant agricole qui a constitué une réserve spéciale d’exploitation agricole au titre d’un exercice précédant celui de la transmission n’est pas considérée pour l’application du I comme une cessation d’activité si le ou les bénéficiaires de la transmission remplissent les conditions ouvrant droit à la constitution de la réserve et s’engagent à utiliser celle-ci au cours des sept exercices qui suivent celui au titre duquel elle a été constituée dans les conditions et les limites définies au même I. » ;

 

III. – Le compte ouvert auprès d’un établissement de crédit est un compte courant qui retrace exclusivement les opérations définies au I.

   
 

3° L’article 72 D ter est ainsi rédigé :

 

Art. 72 D ter. – I. – Dans la limite du bénéfice, les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis sont plafonnées à un montant global fixé, par exercice de douze mois, à 27 000 €. Pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée qui n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, ce montant est multiplié par le nombre des associés exploitants, dans la limite de quatre.

« Art. 72 D ter. - I. - Dans la limite du bénéfice, les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis sont plafonnées à un montant global fixé, par exercice de douze mois, à 35 000 €.

 

Lorsque le résultat de l’exercice est supérieur d’au moins 20 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents, l’exploitant peut pratiquer un complément de déduction pour aléas, dans les conditions prévues à l’article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, à hauteur de 500 € par salarié équivalent temps plein. Pour le calcul de la moyenne des résultats des trois exercices précédents, il n’est pas tenu compte des reports déficitaires.

Lorsque le ou les salariés de l’exploitation ne sont employés qu’à temps partiel ou sur une fraction seulement de l’année civile, la conversion en équivalent temps plein résulte, pour chaque salarié, du rapport entre le nombre d’heures travaillées pour lesquelles une dépense a été engagée au cours de l’exercice et 1 607 heures. Cette conversion n’est pas effectuée si ce rapport est supérieur à un. Le total obtenu est arrondi à l’unité supérieure.

« Lorsque le chiffre d’affaires excède 200 000 € hors taxes, l’exploitant peut pratiquer un complément de réserve spéciale d’exploitation agricole, dans les conditions prévues au même article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, jusqu’à un montant de 5 % du chiffre d’affaires hors taxe au-delà de 200 000 €.

 

Pour les exploitants individuels, les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis, majorées, le cas échéant, du complément de déduction pour aléas, sont plafonnées à la différence positive entre la somme de 150 000 € et le montant des déductions pratiquées et non encore rapportées au résultat, majoré, le cas échéant, des intérêts capitalisés en application du deuxième alinéa du 1 du I de l’article 72 D bis.

   

Pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée qui n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis, majorées, le cas échéant, du complément de déduction pour aléas, sont plafonnées à la différence positive entre la somme de 150 000 €, multipliée par le nombre des associés exploitants, dans la limite de quatre, et le montant des déductions pratiquées et non encore rapportées au résultat, majoré, le cas échéant, des intérêts capitalisés en application du deuxième alinéa du 1 du I du même article 72 D bis.

« Pour les exploitations agricoles à responsabilité limitée qui n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, les montants mentionnés aux deux premiers alinéas du présent I sont multipliés par le nombre des associés exploitants, dans la limite de quatre.

 

II. – Les déductions mentionnées au premier alinéa du I sont pratiquées après application des abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 73 B.

« II. – Les déductions mentionnées au I du présent article sont pratiquées après application des abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 73 B. »

 
 

II (nouveau) - La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 
 

Article 6 bis (nouveau)

Article 6 bis

Code rural et de la pêche maritime

Livre III : Exploitation agricole

Titre III : La politique d’installation et le contrôle des structures et de la production

Chapitre préliminaire : La politique d’installation et de transmission en agriculture

Après la première phrase du second alinéa de l’article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, est insérée une phrase ainsi rédigée :

Supprimé

Art. L. 330-1. – L’État détermine le cadre réglementaire national de la politique d’installation et de transmission en agriculture, notamment la nature et les critères d’attribution des aides à l’installation. La mise en œuvre en est assurée à l’échelon régional sous l’autorité conjointe du préfet de région et du président du conseil régional ou, pour la Corse, sous l’autorité du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse. Cette politique comprend un volet relatif à l’installation des jeunes ne disposant pas des diplômes requis, mais engagés dans le cadre d’une formation.

Pour bénéficier du dispositif d’aide à l’installation, les candidats doivent justifier de leur capacité à réaliser un projet viable par la détention d’une capacité professionnelle. Les candidats élaborent un projet global d’installation couvrant les aspects économiques et environnementaux.

« Ils doivent également souscrire une assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles mentionnée au premier alinéa de l’article L. 361-4. »

 
 

Article 6 ter (nouveau)

Article 6 ter

Code général des impôts

Livre premier : Assiette et liquidation de l’impôt

Première Partie : Impôts d’État

Titre premier : Impôts directs et taxes assimilées

Chapitre IV : Dispositions communes aux impôts et taxes, revenus et bénéfices visés aux chapitres I à III

Section II : Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés

XXXVII : Crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique

Après le XXXVII de la section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du code général des impôts, il est inséré un XXXVII bis ainsi rédigé :

Supprimé

 

« XXXVII bis

 
 

« Crédit d’impôt en faveur de l’assurance des exploitations agricoles

 
 

« Article 244 quater LA. – Les entreprises agricoles peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de chacune des années 2016 à 2018 lorsqu’elles souscrivent une assurance couvrant leur approvisionnement ou la livraison des produits de l’exploitation.

 
 

« Les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont constituées des primes d’assurances versées, à condition que ces primes ne bénéficient pas déjà de la prise en charge prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime.

 
 

« Le crédit d’impôt, calculé au titre de chaque période d’imposition ou exercice clos au cours desquels des dépenses éligibles ont été exposées, est égal à 35 % de ces dépenses.

 
 

« Le crédit d’impôt est plafonné à 10 000 € par entreprise et par an.

 
 

« Pour le calcul du crédit d’impôt des groupements agricoles d’exploitation en commun, le montant du crédit d’impôt est multiplié par le nombre d’associés, sans qu’il puisse excéder quatre fois le plafond mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent article. »

 
 

Article 7

Article 7

Chapitre premier : Impôt sur le revenu

Section II : Revenus imposables

1re Sous-section : Détermination des bénéfices ou revenus nets des diverses catégories de revenus

II : Bénéfices industriels et commerciaux

2 : Détermination des bénéfices imposables

L’article 39 decies du code général des impôts est ainsi modifié :

Supprimé

Art. 39 decies. – Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel d’imposition peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur d’origine des biens hors frais financiers, affectés à leur activité et qu’elles acquièrent ou fabriquent à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2016 lorsque ces biens peuvent faire l’objet d’un amortissement selon le système prévu à l’article 39 A et qu’ils relèvent de l’une des catégories suivantes :

1° Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation ;

2° Matériels de manutention ;

3° Installations destinées à l’épuration des eaux et à l’assainissement de l’atmosphère ;

4° Installations productrices de vapeur, de chaleur ou d’énergie à l’exception des installations utilisées dans le cadre d’une activité de production d’énergie électrique bénéficiant de l’application d’un tarif réglementé d’achat de la production ;

5° Matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique ou technique.

La déduction est répartie linéairement sur la durée normale d’utilisation des biens. En cas de cession du bien avant le terme de cette période, elle n’est acquise à l’entreprise qu’à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de la cession, qui sont calculés pro rata temporis.

1° Au début du premier alinéa, est insérée la mention : « I. – » ;

 

L’entreprise qui prend en location un bien neuf mentionné au premier alinéa du présent article dans les conditions prévues au 1 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier en application d’un contrat de crédit-bail ou dans le cadre d’un contrat de location avec option d’achat, conclu à compter du 15 avril 2015 et jusqu’au 14 avril 2016, peut déduire une somme égale à 40 % de la valeur d’origine du bien hors frais financiers, au moment de la signature du contrat. Cette déduction est répartie sur la durée mentionnée au septième alinéa du présent article. Si l’entreprise crédit-preneuse ou locataire acquiert le bien, elle peut continuer à appliquer la déduction. La déduction cesse à compter de la cession ou de la cessation par celle-ci du contrat de crédit-bail ou de location avec option d’achat ou du bien et ne peut pas s’appliquer au nouvel exploitant.

2° Aux deux premières phrases de l’avant-dernier alinéa, la référence : « présent article » est remplacée par la référence : « présent I » ;

 

L’entreprise qui donne le bien en crédit-bail ou en location avec option d’achat ne peut pas pratiquer la déduction mentionnée au premier alinéa.

3° Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :

 
 

« II. – Les associés coopérateurs des coopératives d’utilisation de matériel agricole et les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 du présent code peuvent bénéficier de la déduction prévue au I du présent article à raison des biens acquis, fabriqués ou pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat par ces coopératives du 15 octobre 2015 au 14 avril 2016.

 
 

« Chaque associé coopérateur peut déduire une quote-part de la déduction, déterminée à proportion de l’utilisation qu’il fait du bien.

 
 

« La proportion d’utilisation d’un bien par un associé coopérateur est égale au rapport entre le montant des charges attribué à cet associé coopérateur par la coopérative au titre du bien et le montant total des charges supporté par la coopérative au cours de l’exercice à raison du même bien. Ce rapport est déterminé par la coopérative à la clôture de chaque exercice.

 
 

« La quote-part est déduite du bénéfice de l’exercice de l’associé coopérateur au cours duquel la coopérative a clos son propre exercice.

 
 

« Les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 du même article 207 du présent code et les associés coopérateurs sont tenus de produire, à toute réquisition de l’administration, les informations nécessaires permettant de justifier de la déduction pratiquée.

 
 

« III. – La déduction prévue au premier alinéa du I est applicable, par dérogation, aux bâtiments et installations de magasinage et de stockage de produits agricoles dont la construction ou la rénovation a été engagée entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 et aux matériels y afférents acquis durant la même période.

 
 

« Elle peut être pratiquée par les associés coopérateurs des coopératives d’utilisation de matériel agricole et les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 dudit article 207 dans les conditions fixées au II du présent article. »

 
 

CHAPITRE III

 
 

Alléger les charges qui pèsent sur les entreprises agricoles

 
 

Article 8

Article 8

Code de l’environnement

Livre V : Prévention des pollutions, des risques et des nuisances

Titre Ier : Installations classées pour la protection de l’environnement

Chapitre V : Dispositions particulières à certaines installations

Section 7 : Installations d’élevage

La section 7 du chapitre V du titre Ier du livre V du code de l’environnement est complétée par un article L. 515-27-1 ainsi rédigé :

Supprimé

 

« Art. L. 515-27-1. – Les élevages de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches laitières ne sont soumis à la procédure d’autorisation mentionnée à la section 1 du chapitre II du présent titre que lorsque les effectifs d’animaux susceptibles d’être présents sont supérieurs à 800.

 
 

« Les autres élevages de veaux de boucherie, de bovins à l’engraissement et de vaches laitières précédemment soumis à la procédure d’autorisation sont soumis à la procédure d’enregistrement mentionnée à la section 2 du même chapitre. »

 
 

Article 8 bis A (nouveau)

Article 8 bis A

 

Pour toute nouvelle norme créée dans le domaine agricole, une norme antérieure est abrogée.

Supprimé

 

Chaque année, un bilan de cette balance entre normes créées et normes abrogées est rendu public.

 
 

Article 8 bis (nouveau)

Article 8 bis

Code de l’environnement

Livre Ier : Dispositions communes

Titre II : Information et participation des citoyens

Chapitre II : Evaluation environnementale

Section 1 : Etudes d’impact des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements

L’article L. 122-3 du code de l’environnement est complété par un V ainsi rédigé :

Supprimé

Art. L. 122-3. – I. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente section.

II. –  Il fixe notamment :

1° Les catégories de projets qui, en fonction des critères et des seuils déterminés en application de l’article L. 122-1 et, le cas échéant après un examen au cas par cas, font l’objet d’une étude d’impact ;

2° Le contenu de l’étude d’impact, qui comprend au minimum une description du projet, une analyse de l’état initial de la zone susceptible d’être affectée et de son environnement, l’étude des effets du projet sur l’environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d’autres projets connus, les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine ainsi qu’une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur l’environnement ou la santé humaine.

L’étude d’impact expose également une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l’environnement ou la santé humaine ; en outre, pour les infrastructures de transport, elle comprend une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter ; elle comprend un résumé non technique des informations prévues ci-dessus ;

3° Les conditions dans lesquelles le ministre chargé de l’environnement peut se saisir ou être saisi, pour avis, de toute étude d’impact.

II bis. – Il fixe les conditions dans lesquelles, dans le cas d’une opération d’aménagement réalisée dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté créée en application de l’article L. 311-1 du code de l’urbanisme, l’avis de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement sur l’étude d’impact préalable à la création de la zone peut tenir lieu d’avis pour les études d’impact afférentes aux acquisitions foncières, travaux et ouvrages réalisés au sein de la zone.

III. – Le décret en Conseil d’Etat fixe les modalités de saisine de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement en application du III de l’article L. 122-1 et détermine les conditions dans lesquelles cet avis est élaboré et mis à la disposition du public.

IV. – Si nécessaire, ce décret précise celle des décisions de l’autorité compétente pour autoriser ou approuver le projet qui fixe les mesures destinées à éviter, réduire et, lorsque c’est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l’environnement ou la santé humaine.

« V. – Par dérogation au 2° du II, à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2019, pour les projets agricoles, sylvicoles et piscicoles visés au 1 de l’annexe II de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, le contenu des études d’impact est défini par l’annexe IV de la même directive. »

 
 

Article 9

Article 9

Code rural et de la pêche maritime

Livre VII : Dispositions sociales

Titre III : Protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles

Chapitre Ier : Financement

Section 2 : Cotisations

Sous-section 1 : Dispositions générales

I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

Supprimé

 

1° A (nouveau) La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VII est complétée par un article L. 731-13-3 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 731-13-3. – Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole bénéficient d’une exonération partielle des cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité, à l’exception de la cotisation prévue pour financer les prestations mentionnées à l’article L. 732-4, et des cotisations de prestations familiales et d’assurance vieillesse agricole dont ils sont redevables pour eux-mêmes et au titre de leur exploitation ou entreprise.

 
 

« Les taux d’exonération, le plafond des exonérations et le montant minimal des cotisations dont les chefs d’exploitation sont redevables sont déterminés par décret. »

 

Livre VII : Dispositions sociales

Titre IV : Protection sociale des personnes salariées des professions agricoles

Chapitre Ier : Cotisations et autres financements

Section 3 : Assurances sociales.

   
 

1° L’article L. 741-15-1 est ainsi rétabli :

 
 

« Art. L. 741-15-1. – I. – Les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés du paiement de la part patronale des cotisations et contributions mentionnées au II du présent article dans la limite de vingt salariés agricoles employés en contrat à durée indéterminée par entreprise.

 
 

« Pour les employeurs appartenant à un groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l’article L. 2331-1 du code du travail, la limite de vingt salariés s’apprécie au niveau du groupe.

 
 

« II. – Les cotisations exonérées en application du I du présent article sont les suivantes :

 
 

« 1° La cotisation due au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail prévue au deuxième alinéa de l’article L. 717-2 ;

 
 

« 2° La cotisation de la retraite complémentaire obligatoire des salariés versée aux institutions de retraite complémentaire mentionnées au I de l’article L. 727-2 ;

 
 

« 3° La cotisation versée à l’Association pour la gestion du fonds de financement rendue obligatoire, en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale ;

 
 

« 4° La cotisation due au titre de l’assurance contre le risque de non-paiement des salaires prévue à l’article L. 3253-18 du code du travail ;

 
 

« 5° La contribution due au titre de l’assurance chômage prévue à l’article L. 5422-9 du même code ;

 
 

« 6° La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue prévue à l’article L. 6331-1 dudit code ;

 
 

« 7° La cotisation versée à l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture rendue obligatoire, en application de l’article L. 2261-15 du même code ;

 
 

« 8° La cotisation versée au conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement, dénommé "PROVEA", rendue obligatoire, en application du même article L. 2261-15 ;

 
 

« 9° La cotisation versée à l’Association nationale paritaire pour le financement de la négociation collective en agriculture rendue obligatoire, en application dudit article L. 2261-15.

 
 

« 10° La contribution au fonds paritaire chargé du financement mutualisé des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs, prévue à l’article L. 2135-10 du même code.

 
 

« III. – L’exonération mentionnée au I du présent article est calculée chaque année civile pour chaque salarié dans la limite des effectifs mentionnés au même I. Son montant est égal au produit de la rémunération annuelle, telle que définie à l’article L. 741-10 du présent code, par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d’une formule fixée par décret. Il est fonction du rapport entre la rémunération du salarié et le salaire minimum de croissance, lesquels sont appréciés selon les modalités prévues au III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Ce coefficient est maximal pour les rémunérations inférieures ou égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 10 %. Il est dégressif à compter de ce niveau de rémunération puis devient nul pour les rémunérations égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 50 %.

 
 

« IV. – Cette exonération est cumulable avec le bénéfice de la réduction dégressive de cotisations prévue au même article L. 241-13 ainsi qu’avec la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18 du même code.

 
 

« V. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. »

 

Code de la sécurité sociale

Livre 2 : Organisation du régime général, action de prévention, action sanitaire et sociale des caisses

Titre 4 : Ressources

Chapitre 1er : Généralités

Section 4 : Dispositions communes

   

Art. L. 241-13. – […]

VI. – Le bénéfice des dispositions du présent article est cumulable avec les déductions forfaitaires prévues à l’article L. 241-18.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

II. – Le premier alinéa du VI de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et avec l’exonération prévue à l’article L. 741-15-1 du code rural et de la pêche maritime ».

 
 

III (nouveau). – Dans un délai d’un an suivant l’adoption définitive de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la protection sociale des cotisants solidaires.

 
 

IV (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 
 

Article 9 bis (nouveau)

Article 9 bis

Code général des impôts

Livre premier : Assiette et liquidation de l’impôt

Première Partie : Impôts d’État

Titre premier : Impôts directs et taxes assimilées

Chapitre IV : Dispositions communes aux impôts et taxes, revenus et bénéfices visés aux chapitres I à III

Section II : Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés

XXVIII : Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Le IV de l’article 244 quater C du code général des impôts est ainsi modifié :

Supprimé

Article 244 quater C. – […]

IV. – Le crédit d’impôt calculé par les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8,238 bis L, 239 ter et 239 quater A ou les groupements mentionnés aux articles 238 ter, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C et 239 quinquies qui ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou groupements, à condition qu’il s’agisse de redevables de l’impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l’exploitation au sens du 1° bis du I de l’article 156.

1° Les mots : « proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou groupements, à condition qu’il s’agisse de » sont supprimés ;

 
 

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« L’intégralité du crédit d’impôt calculé pour la société ou le groupement se répartit entre les redevables mentionnés au premier alinéa du présent IV. »

 
 

Article 10

Article 10

Code rural et de la pêche maritime

Livre VII : Dispositions sociales

Titre III : Protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles

Chapitre Ier : Financement

Section 2 : Cotisations

Sous-section 1 : Dispositions générales.

 

Supprimé

Art. L. 731-13. – […]

Cette exonération est applicable pendant cinq années civiles aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre principal à compter de la première année au titre de laquelle des cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité, de prestations familiales et d’assurance vieillesse agricole sont dues. Toutefois, en cas de cessation temporaire d’activité avant la fin de la période d’exonération, le bénéfice de celle-ci est suspendu. Il est rétabli à la reprise d’activité pour la durée d’exonération restant à courir à condition que la cessation d’activité n’excède pas une durée fixée par décret. Pour bénéficier de l’exonération, ils doivent être âgés de dix-huit ans au moins et de quarante ans au plus à la date de leur affiliation au régime de protection sociale des personnes non salariées agricoles ; un décret détermine les dérogations qui peuvent être apportées à ces limites d’âge.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « cinq années » sont remplacés par les mots : « six années ».

 
 

Article 11

Article 11

 

Les contribuables titulaires de bénéfices agricoles soumis à un régime réel d’imposition qui ont opté pour le calcul des bénéfices agricoles selon les modalités prévues à l’article 75-0 B du code général des impôts peuvent renoncer à l’option au titre de l’exercice 2015 et des exercices suivants.

Supprimé

Code général des impôts

Livre premier : Assiette et liquidation de l’impôt

Première Partie : Impôts d’État

Titre premier : Impôts directs et taxes assimilées

Chapitre premier : Impôt sur le revenu

Section II : Revenus imposables

1re Sous-section : Détermination des bénéfices ou revenus nets des diverses catégories de revenus

IV : Bénéfices de l’exploitation agricole

4 : Dispositifs de lissage ou d’étalement

Cette renonciation est déclarée par les contribuables concernés avant le 30 mars 2016.

 

Art. 75-0 B. – […]

En cas de renonciation, une nouvelle option ne peut être exercée avant l’expiration d’une période de cinq ans.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 75-0 B du code général des impôts est applicable en cas de renonciation.

 
 

Article 11 bis (nouveau)

Article 11 bis

Code général des impôts

Livre Ier : Assiette et liquiditation de l’impôt

Deuxième partie : Impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes

Titre premier : Impositions communales

Chapitre premier : Impôts directs et taxes assimilées

Section II : Taxes foncières

II : Taxe foncière sur les propriétés non bâties

B : Exonérations permanentes

 

Supprimé

 

I. – Le B du II de la section II du chapitre Ier du titre Ier de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un article 1394 D ainsi rédigé :

 
 

« Art.1394 D. – Les exploitants agricoles sont exonérés en totalité de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, dans la limite de soixante hectares de surface agricole utilisable. »

 
 

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

 
 

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 
 

Article 12

Article 12

Code rural et de la pêche maritime

Livre VI : Production et marchés

Titre Ier : Dispositions générales.

Chapitre Ier : Organisation générale de la production et des marchés

Avant le dernier alinéa de l’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Supprimé

Art. L. 611-1. – […]

« Le conseil adopte chaque année un plan de simplification des normes applicables aux filières agricole et agro-alimentaire. Le plan adopté par le conseil est rendu public. »

 

Certaines attributions du conseil peuvent être exercées, dans les conditions fixées par décret, par des commissions techniques spécialisées comprenant pour partie des personnalités extérieures au conseil.

   
 

CHAPITRE IV

 
 

Dispositions finales

 
 

Article 13

Article 13

 

La perte de recettes résultant pour l’État et les organismes de sécurité sociale des chapitres I à III de la présente loi est compensée à due concurrence par la majoration du taux de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l’article 278 du code général des impôts et des taux des contributions sociales mentionnés à l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.

Supprimé

 

La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de la présente loi est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Mme Christine Avelin, directrice-adjointe du Cabinet

Mme Claire Brennetot, conseillère parlementaire

Direction générale de la prévention des risques du ministère de l’écologie et du développement durable (DGPR)

M. Cédric Bourillet, chef du service prévention des nuisances et de la qualité de l’environnement

M. Loïc Malgorn, chef du bureau des biotechnologies et de l’agriculture

Caisse centrale de la mutualité sociale agricole *

M. Pascal Cormery, président

M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

Médiateur des relations commerciales agricoles

M. Pierre Debrock, médiateur délégué

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *

M. Henri Brichart, vice-président

M. Antoine Suau, directeur département économie et développement durable

M. Jean-Louis Chandellier, directeur du département de l’entreprise et des territoires

Mme Nadine Normand, attachée parlementaire

Syndicat national Jeunes Agriculteurs (JA) *

M. Antoine Daurelle, membre du bureau de Jeunes Agriculteurs

Mme Claire Cannesson, responsable du service communication et affaires publiques

Coordination rurale (CRUN)

M. François Lucas, premier vice-président

Mouvement des exploitants familiaux (MODEF)

M. Jean Mouzat, président

M. Alain Gaignerot, directeur

Fédération du commerce et de la distribution (FCD) *

M. Jacques Creyssel, délégué général

M. Mathieu Pecqueur, directeur agriculture et qualité

M. Antoine Sauvagnargues, responsable des affaires publiques

L’Alliance 7

Mme Florence Pradier, directrice générale

M. Thierry Marchal-Beck, responsable des affaires publiques

M. Gilles Groleau, directeur réglementation et qualité chez Blédina

Fédération nationale des industries laitières (FNIL)

M. Olivier Picot, président

M. Jehan Moreau, directeur

Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL)

M. Dominique Chargé, président,

Mme Mélodie Deneuve, responsable des affaires publiques et institutionnelles

INTERBEV *

M. Guy Hermouet, président d’INTERBEV Bovins

Mme Marine Colli, chargée des relations avec le Parlement

INAPORC *

M. Thierry Meyer, premier vice-président

M. Daniel Delzescaux, directeur

COOP DE FRANCE *

M. Michel Prugue, président,

M. Pascal Viné, délégué général

Mme Irène de Bretteville, responsable des relations parlementaires

Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA) *

Mme Gaëlle Regnard, directrice de l’agriculture à Crédit agricole SA

Mme Catherine Migault, responsable des affaires agricoles et alimentaires

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *

Contribution écrite

Fédération bancaire française (FBF) *

Contribution écrite

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale