N° 3743 - Rapport de M. Pierre-Yves Le Borgn' sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 (n°3719).




N
° 3743

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mai 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015,

PAR M. Pierre-Yves LE BORGN’

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3719, 3733

SOMMAIRE

___

Pages

I. UN ACCORD UNANIMEMENT SALUÉ, CAR INDISPENSABLE 11

A. UNE URGENCE CLIMATIQUE SANS CESSE PLUS AVÉRÉE 11

1. Des indicateurs qui se dégradent 11

2. Trois éléments nouveaux qui confirment l’aggravation rapide des dérèglements climatiques 12

a. Une élévation du niveau des mers jusque-là sous-estimée : la fonte accélérée des glaces antarctiques 12

b. La réévaluation des conséquences de l’augmentation de la population mondiale et du rythme de la transition énergétique : l’obligation probable de recourir à la captation du carbone 12

c. La biodiversité atteinte au cœur : la disparition annoncée de la grande barrière de corail au large de l’Australie 13

B. UNE PRISE DE CONSCIENCE RÉELLE 13

1. La signature de l’accord de Paris : un niveau de mobilisation exceptionnel et comparable à l’ouverture de la conférence de Paris 13

2. L’engagement et l’appel de la finance, reflets de facteurs économiques essentiels 14

3. Le changement de cap de pays jusque-là réticents à se désengager des énergies fossiles 16

II. UN ACCORD UNIVERSEL, AMBITIEUX, ÉQUITABLE ET AVEC DES ÉLÉMENTS JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANTS 19

A. UN TEXTE DE COMPROMIS ISSU D’UN PROCESSUS DE PLUSIEURS ANNÉES 19

B. DES OBJECTIFS AMBITIEUX ET DES MOYENS ADAPTÉS 20

1. Un objectif climatique bien affirmé 20

2. Des transferts financiers de nature solidaire au profit des pays du Sud 21

a. Les transferts aux pays en développement 21

b. La prise en compte des pertes et dommages 22

3. Un accord universel avec des obligations différenciées selon les situations et les capacités 22

a. L’universalité 22

b. La différenciation 22

4. Des principes et des mécanismes clairs 23

a. La prise en compte des puits de carbone 23

b. L’incitation au développement des marchés carbone 23

c. Une approche précise de l’adaptation 23

d. Les transferts de technologies 24

e. Le renforcement des capacités des pays qui en ont besoin 24

f. Une dimension citoyenne 24

5. Des règles institutionnelles et de procédures précises 24

a. Le cadre institutionnel : les fonctions des futures COP 24

b. Les règles de procédure 25

c. Une faculté de retrait encadrée 26

d. Une entrée en vigueur soumise à deux conditions : l’une tenant au nombre des États, l’autre au niveau des émissions concernées 26

C. DEUX ÉLÉMENTS DE RELÈVEMENT PROGRESSIF DE L’AMBITION, AU CœUR DE L’ACCORD 27

1. Une contribution climat de la part de chaque pays 27

a. L’obligation d’une contribution climat (CDN) 27

b. Des stratégies de long terme en complément, sur une base volontaire 28

c. Un mécanisme de facilitation et de mise en œuvre et de conformité 28

d. Un cadre de transparence et de contrôle 28

2. Une dynamique de révision régulière et donc de progrès 29

a. Un réexamen quinquennal des contributions 29

b. Un bilan mondial et un mécanisme de revue par les pairs 30

c. L’importance et l’efficacité de la pression des pairs pour les accords internationaux 31

D. UNE RATIFICATION NÉCESSAIREMENT PAR LA VOIE PARLEMENTAIRE, EN FRANCE 31

III. PLUSIEURS POINTS MAJEURS À APPROFONDIR ET CHANTIERS À ENGAGER DANS LES TOUTES PROCHAINES ANNÉES, AVANT 2020 33

A. SUR LE PLAN INSTITUTIONNEL 33

Le calendrier de ratification des autres pays, notamment de l’Union européenne 33

a. Un enjeu essentiel : atteindre le niveau des 55 pays représentant 55% des émissions 33

b. Quinze ratifications déjà acquises 33

c. Les annonces des États-Unis et de la Chine : une ratification dès cette année 34

d. Les incertitudes actuelles sur les pays européens et l’Union européenne : l’exemple de la France sera-t-il suivi ? 34

e. Les autres grandes régions : des procédures annoncées comme rapides dans plusieurs pays, sur tous les continents 36

f. Le maintien dans la durée de la capacité à dégager durablement un groupe de pays moteurs 36

2. Le changement de titulaire au secrétariat exécutif de la CNUCC 37

3. Les futurs rendez-vous et le maintien des conditions à l’origine du succès de Paris 38

a. Les grands rendez-vous internationaux de 2016 38

b. Les réunions de Bonn : la mise en place de du groupe de travail ad hoc sur l’après Paris 38

c. La préparation de la COP 22 40

d. Le maintien de la mobilisation des acteurs de la société civile, des collectivités locales et des entreprises autour de l’Agenda des solutions 40

4. Les financements en faveur des pays du Sud : leur niveau, leur composition et leur affectation 43

B. SUR LE NIVEAU DES ÉMISSIONS ET LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 45

1. Le franchissement mondial du pic des émissions : l’impératif d’une réévaluation très rapide des contributions vers davantage d’ambition 45

a. La logique implacable du budget carbone : la nécessité d’un pic d’émissions très rapidement et d’une forte décroissance ensuite pour atteindre la neutralité carbone 45

b. La date de la première réévaluation des contributions climat : dès 2018 plutôt qu’à partir de 2023 48

c. La crédibilité des États : l’importance des règles adoptées au niveau national en matière de transition énergétique 49

d. L’enjeu européen : une relance du couple franco-allemand, associant si possible le Royaume-Uni, pour aller vers davantage d’ambition ? 50

2. Les mesures de contrôle et de confiance 51

3. La teneur de l’avant-2020 : un élément stratégique pour agir à temps 52

4. Le rôle des grandes initiatives 53

a. L’alliance solaire internationale 53

b. L’initiative « Énergies pour l’Afrique » 53

c. La Mission innovation 54

5. La sortie ordonnée des combustibles fossiles et le développement des renouvelables et autres énergies décarbonées 54

a. La gestion et l’anticipation de l’usage croissant des sources d’énergie les moins carbonées 54

b. Le prix du carbone : une nécessité paradoxalement facilitée par le faible cours actuel des énergies fossiles 55

c. L’inclusion des transports aérien et maritime 58

d. La recherche avec en priorité le stockage de l’électricité et la captation du carbone 59

TRAVAUX DE LA COMMISSION 61

ANNEXES 69

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 69

ANNEXE N° 2 : COMPTE-RENDUS DES TRAVAUX DE LA COMMISSION 71

1. Mercredi 3 février 2016, séance de 16h30, compte-rendu n° 46 : Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et la commission des affaires européennes, de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur l’Accord de Paris adopté par la Conférence des Parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. 73

2. Mercredi 6 avril 2016, séance de 9h45, compte-rendu n° 62 : Audition, ouverte à la presse, de Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, sur le bilan et les enjeux du suivi de la Conférence de Paris sur le climat. 97

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 109

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’accord adopté à l’occasion de la Conférence Paris Climat, la COP 21, le 12 décembre 2015, marque une évolution fondamentale de la société internationale.

D’abord, sur le fond, il représente un nouveau pacte avec le futur, selon les mots du secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon. Il donne en effet au monde les bases d’une maîtrise des émissions de gaz à effet de serre à l’origine des dérèglements climatiques. C’est indispensable pour éviter que l’habitabilité de la planète ne soit menacée d’une manière irréversible.

Ensuite, il a reçu l’approbation de 195 pays et ce consensus remarquable vient d’être renouvelé le 22 avril, lorsqu’à New York, 175 pays l’ont signé, parmi lesquels près de soixante chefs d’État et de Gouvernement, à l’occasion de la cérémonie solennelle. Quinze pays ont même déposé le même jour leur instrument de ratification. C’est la première fois qu’un accord international fait l’objet d’un tel niveau de mobilisation et de soutien. Ce soutien a d’ailleurs dépassé le seul cercle des gouvernements. L’accord a été unanimement salué comme un succès par la presse, dans tous les pays.

Ainsi, à la géopolitique des rapports de force entre les puissances, même pacifiés au sein de l’ONU, et à la géo-économie des grandes négociations commerciales et financières et des sommets sur la croissance, lesquels ne dépassent que trop rarement les intérêts immédiats des États et des peuples et ne parviennent pas structurer la communauté internationale, il ajoute une nouvelle géo-écologie qui, comme le souligne dans son dernier ouvrage, Le monde au défi¸ M. Hubert Védrine, appelle l’humanité à agir collectivement pour faire face à l’urgence écologique qui s’impose à elle.

C’est l’achèvement d’une mutation qui a débuté en 1992 avec la conférence de Rio, le sommet de la Terre, où la France était représentée par Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, ainsi que la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), et s’est poursuivi ensuite avec le protocole de Kyoto de 1997, premier texte contraignant en matière de gaz à effet de serre, mais limité aux pays développés.

Par ailleurs, l’accord de Paris est un succès de méthode. Après l’échec de la tentative d’un accord imposé ex cathedra par le sommet, par les chefs d’État et de Gouvernement des pays les plus influents, à Copenhague, en 2009, la réussite de Paris montre toute la pertinence d’une démarche beaucoup plus pragmatique et efficace fondée sur la préparation très en amont d’une prise de conscience citoyenne, à l’échelle du monde, et d’une mobilisation de l’ensemble des acteurs, la société civile, les entreprises comme les collectivités territoriales et les villes, autour d’un objectif commun que seuls quelques climato-sceptiques maintenant assez isolés contestent.

Enfin, c’est un succès de la diplomatie française, notamment du ministre des affaires étrangères d’alors, M. Laurent Fabius, qui a présidé la conférence, et de Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques, succès qui montre que le rôle de notre pays dans la société internationale se maintient sur des bases aussi solides que renouvelées. C’est également un succès de l’ONU et notamment de son actuel secrétaire général, M. Ban Ki-Moon, qui s’est beaucoup engagé et de la secrétaire exécutive de la CNUCC, Mme Christiania Figueres, auxquels il convient de témoigner toute notre gratitude.

Sur le fond, l’accord de Paris prévoit en effet l’essentiel.

D’abord, il confirme l’objectif de contenir la hausse des températures bien en-deçà de 2°Celsius, et même de s’efforcer de la limiter à 1,5°, et il appelle à ce que le pic des émissions de gaz à effets de serre, de CO2 pour l’essentiel, soit franchi le plus tôt possible, de manière à atteindre la neutralité des émissions dans la deuxième moitié du siècle.

Le respect de ce seuil de 2° Celsius est identifié depuis longtemps par les scientifiques comme indispensable pour éviter que les dérèglements climatiques ne s’emballent jusqu’à menacer l’habitabilité de la terre.

Ensuite, il indique que la contribution climat de chaque pays doit être mise à jour tous les cinq ans et de façon toujours plus ambitieuse, et prévoit également un bilan collectif au niveau mondial, tous les cinq ans, afin de faire un point global sur les engagements des pays. Le premier bilan aura lieu en 2023. Auparavant, la décision qui accompagne l’accord prévoit que les États se rencontrent une première fois en 2018 pour évaluer leurs progrès.

Par ailleurs, il prévoit des financements pour l’atténuation, c’est-à-dire la transition énergétique, comme pour l’adaptation aux conséquences des dérèglements climatiques. Les pays développés doivent fournir et mobiliser des financements qui devront progressivement augmenter. Les fonds publics doivent constituer une part significative de ces financements consacrés au climat. La décision qui accompagne l’accord maintient jusqu’en 2025 l’engagement d’un financement de 100 milliards de dollars par an, somme qui servira de base à une cible plus ambitieuse. La nécessité de rééquilibrer les financements, notamment publics et sous forme de dons, en faveur de l’adaptation est affirmée. L’accord mentionne aussi que certains pays en développement pourront, sur une base volontaire, devenir des donateurs pour aider les pays les plus pauvres.

S’agissant de la transparence, un cadre est mis en place, tant pour construire la confiance entre les pays que pour s’assurer de l’efficacité de l’accord. Ce cadre s’appliquera à tous, mais tiendra compte des capacités des pays.

Un mécanisme de contrôle de la mise en œuvre et de la conformité de l’accord est établi. Ses règles de procédure seront définies afin qu’il puisse être mis en œuvre dès 2020. 

L’accord de Paris ne règle cependant pas à lui seul la question climatique.

Il convient maintenant de définir les modalités permettant de passer des contributions climat actuelles, qui impliquent une augmentation de la température terrestre de 3° C, à la trajectoire énergétique garantissant de rester au niveau mondial en deçà de 2° C.

Il reste ainsi beaucoup à faire, voire tout, pour la mise en application de l’accord et, surtout, pour que soit maintenue la dynamique de Paris, dynamique nécessaire à l’accomplissement par l’homme, en quelques décennies, c’est-à-dire très peu de temps, d’une nécessaire transition énergétique pour laquelle l’histoire ne fournit aucun élément de comparaison.

C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la volonté du Gouvernement, notamment de la ministre de l’écologie, de l’énergie et de la mer, chargée des négociations internationales sur le climat, Mme Ségolène Royal, qui assure en outre la présidence de la COP jusqu’au début de la prochaine COP à Marrakech, en novembre prochain, de procéder à une ratification rapide de l’accord de Paris.

C’est dans la même perspective que votre rapporteur, après avoir réalisé plusieurs auditions et s’être concerté avec ses homologues du Bundestag, MM. Andreas Jung (CDU) et Frank Schwabe (SPD), propose que tant la commission des affaires étrangères que l’Assemblée nationale, se prononce d’une manière aussi claire et franche que massive en faveur de ce texte si nécessaire à la sérénité de notre futur.

Les relevés des concentrations de gaz à effet de serre de l’atmosphère ne cessent de montrer l’ampleur de l’élévation.

Les niveaux actuels sont de l’ordre de 400 ppm (parties par million) alors qu’ils étaient de 270-280 avant la Révolution industrielle, sans jamais excéder 300, et que le niveau maximum pour tenir l’objectif des 2° Celsius est de 450 ppm.

L’humanité a donc déjà franchi l’essentiel de la trajectoire entre le climat sans émissions de gaz à effet de serre et le climat après émissions de gaz à effet de serre.

Pour conserver 50 % de chances de tenir l’objectif des 2° Celsius, l’humanité ne devra pas avoir émis plus de 2 900 gigatonnes de CO2 depuis 1870. Entre 1870 et 2010, près de 1 900 gigatonnes de dioxyde de carbone ont été émis dans l’atmosphère et le rythme actuel des émissions ne fait qu’augmenter.

b. Des températures en élévation qui rendent les climats plus variables

L’élévation des températures est également constatée en moyenne sur l’ensemble de la terre.

D’une part, les années chaudes se succèdent, et elles le sont dans l’ensemble de plus en plus. 2015 a été l’année la plus chaude enregistrée depuis que les relevés interviennent, et même si elle est exceptionnelle en raison de l’ampleur du phénomène d’El Nino dans le Pacifique, les dix années les plus chaudes enregistrées en France depuis 1900 sont toutes comprises entre 1990 et 2015. Après 2015, 2014, 2011, il y a dans l’ordre 2003, 1994, 2006, 2002, 2000, 1997 et 1990.

Ensuite, on observe des réchauffements importants dans la période de l’hiver de l’hémisphère nord. Ainsi février dernier a-t-il été le plus chaud dans le monde depuis le début des relevés de température, en 1880, selon l’Agence océanique et atmosphérique des États-Unis (National Oceanic and Atmospheric Administration - NOAA).

Cette évolution peut receler des surprises car la météorologie ne se confond pas avec le climat.

C’est dans la variabilité accrue et le développement des phénomènes peu habituels que l’on constate le dérèglement climatique et c’est ainsi qu’en France avril 2016 a été, de manière surprenante, nettement plus froid que décembre 2015.

Face aux climato-sceptiques, les scientifiques du climat, notamment au sein du GIEC, ont toujours fait preuve de prudence, en s’exprimant avec des fourchettes et en restant mesurés dans leurs estimations, au risque de sous-estimer.

La récente réévaluation des estimations de l’élévation à venir du niveau des mers et des océans en offre une illustration.

Une étude publiée jeudi 31 mars dans la revue Nature par MM. Robert DeConto, de l’université du Massachusetts, et David Pollard, de l’université de Pennsylvanie, a révélé que l’effet de la fonte de l’Antarctique, qui n’avait jusque-là pas été prise en compte faute de modélisation adaptée, n’est pas négligeable.

Les mécanismes complexes dont le continent fait l’objet conduisent ainsi à réévaluer jusqu’à 1 mètre de plus l’élévation océanique en 2100. Les estimations, jusque-là comprises entre 40 centimètres dans l’hypothèse basse et 1 mètre dans l’hypothèse haute, sont ainsi relevées à 60 centimètres et 2 mètres respectivement.

Comme la indiqué Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques, c’est l’une des mauvaises surprises de l’année.

L’hypothèse jusque-là retenue notamment par le GIEC d’un effet sinon compensateur au moins neutre de l’Antarctique doit donc être exclu.

Une autre « mauvaise surprise » a été la confirmation de l’exercice consistant à mener de front le développement économique de l’ancien tiers monde, dont la population s’accroît, et la transition énergétique nécessaire pour parvenir à la neutralité en carbone et la stabilité du climat.

Dans un article publié dans la revenue Energy Policy au début du mois d’avril dernier, MM. Glenn Jones et Kevin Warner de l’université A&M du Texas (laquelle s’appelait auparavant The Agricultural and Mechanical College of Texas), estiment que, pour subvenir aux besoins d’une population mondiale estimée à 11 milliards à la fin du siècle contre 7,2 milliards actuellement, il conviendrait que la moitié de l’énergie soit dès 2028 d’origine renouvelable, ce qui exigerait selon leurs estimations 600.000 kilomètres carrés de panneaux solaires et 13 millions d’éoliennes.

Pour eux, c’est inatteignable et il faudra recourir aux mesures de captation du carbone, à sa source, mais aussi du carbone déjà émis et présent dans l’atmosphère.

Très récemment, le Centre pour la science du système climatique (ARCCSS), organisme financé par le gouvernement australien, a révélé que la grande barrière de Corail, longue de 2 300 kilomètres et élément essentiel de la biodiversité, avec 400 espèces de coraux et 1 500 espèces de poissons, était très gravement menacée. Elle a perdu la moitié de ses coraux au cours des dernières décennies et 93 % de ses actuels coraux ont blanchi, dont 55% très gravement. Sa partie Nord, la plus à l’écart des activités industrielles du Queensland, est la plus atteinte. C’est l’effet de températures de l’eau trop élevées.

La disparition de cet élément si essentiel du patrimoine mondial pourrait être totale d’ici vingt ans environ.

La prise de conscience de l’urgence climatique mondiale a été au cœur de l’accord de Paris. Elle a été l’élément présent à Paris et rétrospectivement absent à Copenhague.

Conformément au souhait du secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon, la mobilisation au plus haut niveau a commencé dès le 23 septembre 2014, lors du sommet en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.

Elle s’est ensuite maintenue jusqu’à ce moment exceptionnel qu’a été l’accord de Paris. Les 195 pays ont accepté l’accord par consensus, et en outre 187 contributions nationales climat ont alors été présentées.

La crainte que celle-ci s’étiole ensuite a été jusqu’à maintenant levée par la très forte mobilisation que l’on a constatée lors de la cérémonie d’ouverture de l’accord à la signature, le 22 avril dernier, « Journée de la Terre », aux Nations unies, à New York.

La participation a en effet très élevée non seulement en raison de la présence de 175 parties, à raison de 174 pays et de l’Union européenne, qui est une organisation d’intégration régionale.

C’est un record de mobilisation qui surclasse le précédent, celui de la signature de la convention des Nations unies sur le droit de la mer (la CNUDM) en 1982, à raison de 119 signataires le premier jour.

Le niveau de la représentation des pays a été particulièrement élevé : 55 chefs d’État et de Gouvernement, dont le président de la République française, M. François Hollande, le vice-premier ministre chinois, M. Zhang Gaoli, et le Premier ministre canadien, M. Justin Trudeau, qui ont fait le déplacement à New York.

Dans l’ensemble, les représentations des pays étaient de très haut niveau à raison de 31 chefs d’État, 2 vice-présidents, 24 chefs de Gouvernement, 9 vice-premiers ministres, 29 ministres des affaires étrangères, dont le secrétaire d’État, M. John Kerry, 59 ministres, 20 représentants permanents auprès de l’ONU et un ancien chef d’État.

Depuis lors, deux États supplémentaires se sont joints aux signataires, les Seychelles et la Gambie.

Comme pour l’accord en décembre dernier, la presse s’est fait l’écho de l’opinion internationale pour saluer ce maintien de la mobilisation et l’ampleur de ce résultat.

Les éloges ne tarissent pas et aucune voix discordante ne se manifeste.

La conclusion de l’accord de Paris a été facilitée par l’engagement de la finance. Il en a été de même de sa signature puisque dans les jours qui ont précédé le 22 avril, sept organisations régionales d’investisseurs ont adressé aux membres du G 20, ainsi qu’aux Pays-Bas et à la Suisse, une lettre les appelant à signer dès le 22 avril.

Même si les craintes d’une posture et d’un verdissement (« green washing ») de la part de certaines entreprises ont pu être exprimées, des éléments structurels sont à l’origine de l’engagement de la finance privée en faveur du climat.

Ils ont été notamment exprimés lors de son audition par M. Daniel Lebègue.

L’initiative clé a été prise en septembre 2015 par le Gouverneur de la Banque d’Angleterre et président du Conseil de stabilité financière, M. Mark Carney, qui a mis en garde la finance contre une sous-évaluation, qu’il estimait de l’ordre de 50 %, du risque climatique. Les engagements antérieurs de certains acteurs ont ainsi été consolidés et relayés. Le cadre institutionnel dans lequel ils pouvaient s’inscrire a également été posé.

Cet appel n’aurait pas eu l’écho qu’il a eu si l’environnement économique et social ne recelait pas deux facteurs favorables.

Le premier tient au manque de dynamisme de l’économie mondiale et en l’absence d’autre cycle ou facteur de croissance qui s’imposerait de lui-même, la transition énergétique et l’investissement en équipements d’énergies renouvelables s’imposent comme une activité en développement susceptible de faire l’objet d’un cycle de croissance au niveau mondial, d’autant que le très faible niveau des taux d’intérêts favorise la réalisation des investissements exigés.

Le second facteur tient à la crise de confiance dont les banques et le secteur financier ont fait l’objet depuis 2008, et dont ils ne sont toujours pas totalement remis.

Le rétablissement de l’image de l’ensemble du secteur exige qu’il montre sa capacité à exercer sa responsabilité sociale. La grande cause qu’est la lutte pour le climat lui en donne l’occasion. C’est d’autant plus important que la mondialisation est aussi une mondialisation des mentalités autour du modèle anglo-saxon, lequel accorde une large place au risque de réputation, au name and shame, et au jugement par les pairs et par les clients.

Les travaux qui ont depuis été menés depuis lors, et qui sont toujours en cours, montrent la profondeur de cet engagement.

Ils portent, en effet, sur plusieurs thèmes clef :

– la mesure de la teneur carbone. Cette évaluation est un puissant vecteur pour entamer ensuite le désengagement du risque CO2, non seulement pour les banques et les assureurs, mais aussi pour les investisseurs ;

– le développement de la transparence, du «reporting », ce qu’a d’ailleurs engagé la France dans le cadre de l’article 173 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, qui impose aux investisseurs la  transparence sur l’empreinte carbone de leurs portefeuilles, et dont le décret d’application a été publié en décembre dernier ;

– la mesure de l’exposition au risque climat, avec la réalisation de tests de résistance, de stress tests, élément sur lequel l’intervention précitée de M. Mark Carney a été essentielle ;

– les produits et services, avec la capacité de flécher, de labelliser voire de certifier ce qui est proposé à la clientèle. La vérification est déjà possible grâce au concours d’un organisme comme Novethic, qui délivre depuis quelques années le label ISR (investissement socialement responsable).

C’est dans ce contexte structurel et de fond que s’inscrivent plusieurs annonces plus ou moins médiatisées, comme celle du fonds souverain norvégien qui a indiqué en février dernier se désengager de 22 entreprises fortement émettrices de CO2, ou encore les annonces de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que la vente de la totalité des actions d’Exxon Mobil par l’un des fonds d’investissement de la famille Rockfeller, dont la fortune a été à l’origine fondée sur le monopole du pétrole avant la guerre de 1914, lorsque les États-Unis étaient eux-mêmes le producteur dominant.

L’offre publique d’achat (OPA) amicale de Total sur SAFT, le fabricant de batteries, relève de la même approche avec un repositionnement partiel de l’entreprise pétrolière sur les énergies nouvelles, dont le développement du stockage de l’électricité est la clé.

Un troisième facteur favorable à l’accord climat est le désengagement de certains pays clefs vis-à-vis des énergies fossiles.

Parmi les exemples les plus significatifs, il faut mentionner la Chine qui se désengage du charbon. Elle est actuellement le premier producteur de charbon, qui est sa première source d’énergie (64,4% du mix énergétique), et elle est le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre depuis plus de 10 ans. Après avoir ainsi fondé sa croissance sur le charbon (+8% par an), la Chine s’en désengage. Ainsi, selon les statistiques disponibles, sa production de charbon aurait diminué l’an dernier et près d’un millier de mines vont être fermées cette année, pour une capacité de production de 60 millions de tonnes, dans le cadre d’un plan pluriannuel visant à réduire d’ici trois ans cette capacité de 500 millions de tonnes au total. L’objectif est de limiter la consommation à 5 milliards de tonnes.

Le franchissement du pic des émissions est maintenant anticipé pour 2025 plutôt que pour 2030.

De même, dans le cadre de son grand projet de modernisation économique de l’Arabie saoudite, le prince Mohammed bin Salman, deuxième vice-président du Conseil des ministres, a récemment exposé les trois éléments du désengagement de son pays, actuellement au premier rang des producteurs de pétrole avec la Russie et les États-Unis, vis-à-vis des hydrocarbures dans le cadre de son programme de réforme économique intitulé « vision 2030 » : la constitution d’un fonds souverain doté de 2 000 milliards de dollars et investi notamment hors du secteur énergétique ; la diversification économique pour réduire la dépendance actuelle vis-à-vis du pétrole et de ses ressources ; la diversification énergétique, notamment vers le solaire et aussi le nucléaire.

Parmi les grands pays, il faut aussi rappeler que depuis l’élection de M. Justin Trudeau comme Premier ministre, le Canada, exportateur traditionnel d’hydrocarbures, a noué un partenariat mondial avec 19 pays pour investir dans les énergies propres. Sur le plan intérieur, la notion de « fournisseur énergétique responsable » est le point d’équilibre autour duquel se construit la nouvelle approche énergétique du Canada en matière d’exportation. Par ailleurs, au niveau fédéral, des investissements nouveaux et importants dans l’infrastructure verte et les technologies propres sont prévus. Les projets de réduction des émissions seront financés par un Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone doté de 2 milliards de dollars. En application des engagements pris dans le cadre du G20, par ailleurs, les subventions pour l’industrie des combustibles fossiles seront progressivement éliminées. Au niveau des provinces, avec le Premier ministre, les 13 chefs des gouvernements se sont engagés à « développer un cadre pan-canadien sur la croissance propre et les changements climatiques, et de le mettre en œuvre d'ici le début 2017 ».

C’est avec satisfaction que l’on constate que trois pays clefs du G20 ont récemment changé d’approche et s’engagent pour le climat.

L’accord de Paris est sur le plan formel un texte complexe à raison de ses 29 articles précédés de 17 considérants.

En outre, il n’est compréhensible que si l’on se reporte également à la décision 1/CP.21 qui comprend plusieurs éléments essentiels.

Chacun de ses articles est également complexe, car résultat d’un compromis.

C’est assez naturel pour le résultat d’un processus de si longue haleine.

L’échec de la Conférence de Copenhague en 2009 a montré que l’on ne passerait pas rapidement du protocole de Kyoto qui ne concernait que les seuls pays développés, et dont la portée a été considérablement réduite par le refus de ratification par les États-Unis, à un dispositif universel de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

Ce diagnostic a été confirmé par l’amendement de Doha, qui fait la liaison entre la fin de la période d’engagement du protocole de Kyoto, en 2012, et l’année 2020, dans le cadre duquel le nombre de pays se réengageant a été réduit, notamment après la décision du Canada de se retirer en 2011 du protocole.

C’est ainsi que le contenu de l’accord politique a pu être défini assez tôt, dès 2010, lors de la COP 16 à Cancun, autour des éléments suivants : l’objectif de limiter à long terme l’augmentation moyenne de la température mondiale en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels ; la nécessité d’atteindre le plus vite possible un pic des émissions ; la création du Fonds vert pour le climat et du mécanisme technologique ; l’engagement des pays développés de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars américains par an d’ici à 2020 à partir de sources publiques, privées, bilatérales, multilatérales, y compris les sources alternatives, pour répondre aux besoins des pays en développement.

Cependant, ce n’est qu’en 2011, lors de la COP 17, à Durban, qu’un consensus a pu être constaté sur la nécessité d’élaborer et d’adopter, lors de la COP 21, en 2015, un accord climat applicable à partir de 2020.

En septembre 2012, le président de la République a ainsi fait part de la disponibilité de la France, et c’est en novembre 2013, lors de la COP 19, à Varsovie, que la France a été officiellement désignée comme pays hôte.

C’est au cours de ces différentes COP, et en particulier au cours de la COP 20 à Lima, en 2014, que les contours de l’accord de Paris ont été progressivement établis.

Pour ce qui concerne la limitation de l’évolution des températures terrestres, l’accord de Paris ne se limite pas à reprendre l’objectif affirmé dès la COP 15 de Copenhague en 2009 et confirmé à Cancun d’une limitation de 2° Celsius de l’augmentation des températures terrestres par rapport à la période préindustrielle.

Il est en effet beaucoup plus ambitieux et détaillé dans ses articles 2 et 4.

Ainsi les 2°C ne sont plus l’objectif mais le maximum puisque le a) du 1 de l’article 2 de l’accord vise à contenir « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels » et qu’il vise même, en poursuivant l’action menée, à la contenir à 1,5°C, de manière à réduire « sensiblement les risques et les effets des changements climatiques ».

Ensuite, les modalités pour parvenir à cet objectif sont aussi précisées. La transition économique, et la transition énergétique, sont indirectement mentionnées au b) du 1 de ce même article, qui prévoit « un développement à faible émission de gaz à effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ».

Enfin, au 1 de l’article 4, l’accord définit une stratégie de long terme avec d’abord l’objectif d’un pic carbone le plus tôt possible, en mentionnant un « plafonnement des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais » et ensuite, une stratégie progressive bas carbone, avec « la neutralité des émissions de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle, par l’atteinte d’un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques par des puits de gaz à effet de serre ».

C’est donc clairement une trajectoire avec l’objectif de franchir le pic mondial des émissions, c’est-à-dire d’arrêter leur croissance dans les meilleurs délais, et ensuite d’organiser leur décroissance jusqu’à l’objectif d’une annulation des émissions nettes, et d’un point de vue plus technique, une cible dans le cadre d’une fourchette, d’une méthode et d’une trajectoire, lesquels sont en outre assortis d’un mécanisme de relèvement de l’ambition abordés au B ci-après.

L’article 9 traite de la question des transferts financiers aux pays du Sud, laquelle a été au cœur des négociations. Cet élément est, en effet, nécessaire pour nouer la relation de confiance entre les pays développés, qui sont historiquement les premiers émetteurs de gaz à effet de serre, et les pays en développement qui doivent mener de front une triple transition : leur développement économique, leur transition démographique et leur transition énergétique.

Il le fait d’une manière assez complexe, mais dans le respect du principe de solidarité qui inspire ces transferts.

D’abord, il différencie la provision de soutien financier, qui est une obligation des pays développés au titre de la convention (les pays en développement étant encouragés à fournir du soutien de manière volontaire), et la mobilisation des moyens de financement qui est un effort commun de toutes les parties, les pays développés montrant la voie, et il vise une progression par rapport aux niveaux d’efforts précédents.

Ensuite, pour répondre à la demande des pays du Sud, il mentionne l’objectif d’atteindre un équilibre entre financement de l’atténuation et de l’adaptation en prenant en compte les priorités et besoins des pays, en particulier les plus vulnérables (pays les moins avancés et petits États insulaires en développement) et souligne notamment l’importance des besoins de financements publics, notamment sous forme de dons.

Enfin, et c’est au cœur de la relation de confiance précitée, l’accord prévoit pour les pays développés une obligation de transparence, leur imposant de communiquer tous les deux ans des informations quantitatives et qualitatives à caractère indicatif sur les ressources financières fournies et mobilisées en soutien des actions d’atténuation et d’adaptation des pays en développement, incluant, s’ils sont disponibles, les montants prévus des ressources financières publiques à accorder à ces pays.

Il mentionne par ailleurs l’objectif d’assurer un accès efficace au mécanisme financier de la convention (remplissant les fonctions de mécanisme financier de l’accord), en particulier pour les plus vulnérables.

La question clef du montant des transferts n’est pas abordée dans l’accord. Elle est en effet précisée dans le cadre de la décision précitée 1/CP.21.

C’est dans son paragraphe 53 qu’est affirmé le maintien de l’objectif de 100 milliards de dollars par an de transferts jusqu’en 2025, mais en prévoyant avant cette date, la fixation d’un nouvel objectif, plus ambitieux, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement.

C’est selon une approche de solidarité, et non de responsabilité juridique des émetteurs historiques, que l’article 8 de l’accord reconnaît la nécessité d’éviter, de réduire au minimum et de remédier aux pertes et préjudices liés aux effets néfastes des changements climatiques.

Pour cela, le rôle du mécanisme international de Varsovie dit de pertes et dommages, relatif à ces pertes et préjudices liés aux incidences des changements climatiques est renforcé et placé sous l’autorité de la COP.

Le dispositif prévoit des domaines de coopération et de facilitation tels que les systèmes d’alerte précoce, la préparation aux situations d’urgence, l’évaluation et la gestion des risques, les dispositifs d’assurance et de mutualisation des risques, la résilience des populations (leur capacité à faire face aux effets du dérèglement climatique), ainsi que celle des moyens d’existence et des écosystèmes.

L’article 3, qui est un article chapeau pour l’ensemble des articles suivants, affirme la vocation d’universalité de l’accord de Paris puisque l’ensemble des parties doit entreprendre des efforts ambitieux.

Il prévoit aussi le principe de progression dans le temps des efforts individuels de chacun des pays, mais il introduit aussi le principe de différenciation car il reconnaît les besoins des pays en développement en termes de soutien.

L’article 2 indique que l’accord sera appliqué conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux contextes nationaux différents.

Directement issu de la CNUCC, le principe des responsabilités communes mais différenciés est au cœur de l’équilibre, et donc de l’équité, de l’accord, car il est pour les pays en développement la garantie de pouvoir poursuivre leur développement sans devoir assumer les conséquences des émissions historiques qui sont le fait des pays développés, et il est aussi la garantie de l’accès aux aides financières et aux transferts de technologies nécessaires à leur transition énergétique.

C’est dans cette perspective que l’article 2 reconnait, comme on l’a vu, les besoins des pays en développement en termes de soutien, et que plusieurs articles prévoient des modulations ou des dispositions spécifiques.

L’article 5 traite de la question des puits de carbone, notamment des forêts. Il incite les pays à leur préservation et, le cas échéant, à leur renforcement. Il encourage les pays à mettre en œuvre et à financer un dispositif volontaire de lutte contre la déforestation dans les pays en développement (REDD+), y compris des actions alternatives (approches combinant adaptation et atténuation), en soulignant l’importance des co-bénéfices non liés au carbone (comme la conservation de la biodiversité).

Le recul de la forêt est au cœur de la question climatique. Comme l’a rappelé à New York, le 22 avril, le président de la République, M. François Hollande : « Chaque année 20 millions d’hectares de forêts partent en fumée en Asie du sud-est, en Amérique latine, en Afrique. Alors voilà pourquoi nous sommes réunis aujourd'hui. »

L’article 6 concerne les marchés carbone, dont il incite au développement.

En effet, il établit une base juridique pour leur connexion, avec des échanges volontaires de réductions d’émissions (quotas, crédits de CO2) dans le cadre d’un mécanisme centralisé sous l’égide de la COP. Les modalités de ce mécanisme seront précisées dans le cadre de décisions ultérieures, mais elles devront veiller, en tout état de cause, à respecter le principe d’intégrité environnementale, c’est-à-dire à garantir un impact environnemental positif sans dégradation concomitante de l’environnement, et éviter le double-comptage de crédits au niveau international, à savoir la situation dans laquelle des crédits sont émis par un État et comptabilisés par un autre. Il confirme également la reconnaissance des approches non marchandes de l’action climatique.

L’article 7 donne une approche précise de l’adaptation aux impacts du changement climatique. Il définit ainsi un objectif mondial en matière d’adaptation, établit un lien entre les niveaux d’atténuation et les besoins d’adaptation, définit des principes collectifs et propose une intensification de la coopération internationale dans ce domaine avec l’appui des institutions et organisations spécialisées des Nations unies.

Il reconnaît l’importance de communiquer les besoins et les progrès réalisés, par des communications qui seront prises en considération lors du bilan mondial prévu à l’article 14.

En complément des aides financières, les transferts de technologies sont au cœur de l’accord climat, car ils sont la clef de la transition énergétique et de la poursuite du développement économique des pays du Sud selon une trajectoire sobre en carbone.

L’article 10 leur est dédié. Il met l’accent sur l’importance de l’innovation, qui doit être favorisée, encouragée et même accélérée à des fins d’atténuation et d’adaptation.

Il énonce des principes (vision de long terme), des engagements (soutien, y compris financier, aux pays en développement en matière technologique, inclusion dans le bilan mondial des éléments relatifs à la mise au point et le transfert de technologies), mais également des actions concrètes (renforcement de l’action concertée sur la mise au point et le transfert de technologies, coopérations Nord/Sud à toutes les étapes du cycle technologique).

L’article 11 sur le renforcement des capacités définit les principes qui devraient être suivis au niveau national dans ce domaine, propose un appui accru des pays développés en faveur des pays en développement, encourage la communication des actions (plans, politique, initiatives ou mesures de renforcement des capacités) qui permettent de mettre en œuvre l’accord et propose d’étoffer le dispositif institutionnel en place à ces fins.

L’article 12 concerne les questions d’éducation, de formation, de sensibilisation, de participation du public, d’accès à l’information et de coopération entre les parties dans ces secteurs. Il développe l’article 6 de la CCNUCC dédié à ces sujets.

Sur les aspects institutionnels, l’article 16 prévoit les modalités du suivi institutionnel de l’accord. Il prévoit ainsi que la Conférence des parties (COP) de la CCNUCC sert de réunion des parties à l’accord comme cela était le cas pour le protocole de Kyoto. Les principales attributions de la COP, agissant comme réunion des parties à l’accord de Paris, sont ainsi de faire régulièrement le point sur la mise en œuvre de l’accord, d’adopter, dans les limites de son mandat, les décisions nécessaires pour en promouvoir la mise en œuvre, de créer les organes subsidiaires jugés nécessaires pour la mise en œuvre de l’accord, ainsi que d’exercer toute autre fonction qui apparaîtrait nécessaire pour assurer cette mise en œuvre.

Il est aussi prévu que les Etats parties à la convention mais pas à l’accord peuvent être observateurs auprès de la réunion des parties de même que l’ONU, ses institutions spécialisées, l’Agence internationale de l’énergie atomique, ainsi que tout État membre ou observateur auprès de l’une de ces organisations ou encore tout organisme, national ou international, gouvernemental ou non, compétent dans les domaines visés par l’accord.

Dans la mesure où la COP sert de réunion des parties à l’accord de Paris, celle-ci siège de façon concomitante à la COP de la CCNUCC.

La présidence de la COP est assistée d’un bureau rassemblant plusieurs représentants d’États membres. Si l’un des représentants est issu d’un État non membre de l’accord, alors celui-ci sera remplacé pour les sessions de la réunion des parties à l’accord de Paris.

Enfin, il est prévu que le règlement intérieur de la COP et ses procédures financières s’appliquent mutatis mutandis au titre de l’accord, sauf si la réunion des parties en décide autrement.

Les articles 17 et 18 prévoient que le secrétariat de la CCNUCC et les organes subsidiaires de la convention servent également l’accord de Paris. Les organes subsidiaires dont il est question ici sont l’Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique (SBSTA en anglais) et l’Organe subsidiaire de mise en œuvre (SBI en anglais) créés respectivement par les articles 9 et 10 de la CCNUCC. Ces organes donnent un avis à la COP et chacun dispose d’un mandat spécifique. Ils sont ouverts à la participation de toutes les parties et sont chargés de travailler sur les points que leur soumet la COP. Ces organes siègent deux fois par an : au mois de juin à Bonn pour une durée de quinze jours et une fois de façon concomitante avec la COP de la CCNUCC.

La même règle que celle prévue pour la réunion des parties s’applique s’agissant des bureaux des organes subsidiaires dans l’hypothèse où l’un des représentants est issu d’un État non membre de l’accord.

L’article 19 énonce que la réunion des parties à l’accord décide du rôle à jouer par les autres organes et dispositifs institutionnels relevant de la CCNUCC et non mentionnés.

Sur la procédure, les articles 22 (amendements), 23 (annexes), 24 (règlement des différends), 26 (dépositaire, lequel est le secrétaire général de l’ONU), 27 (interdiction de toute réserve) et 29 (langues) sont des reprises ou applications mutatis mutandis des dispositions de la CCNUCC. A ce titre, ils reproduisent dans l’accord des procédures connues et déjà appliquées. L’article 25 organise la règle générale de vote au sein de la réunion des parties selon laquelle chaque partie dispose d’une voix.

L’article 28, enfin, prévoit une possibilité de retrait pour les Etats mais précise que celui-ci ne peut intervenir moins de trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord à l’égard de cet État. De plus, le retrait ne prendra effet qu’un an après réception, par le dépositaire, de la notification de retrait.

S’agissant de sa signature, l’article 20 prévoit que l’accord a été ouvert à signature lors d’une cérémonie aux Nations unies, à New York, le 22 avril 2016 et soumis à ratification, approbation ou acceptation, et qu’il restera ouvert à la signature jusqu’au 21 avril 2017. Pour les États non signataires à l’issue de cette période, l’accord restera ouvert à l’adhésion.

Pour ce qui concerne son entrée en vigueur, l’article 21 de l’accord prévoit deux conditions :

– un nombre minimum de 55 parties, ce qui vise les États mais aussi l’Union européenne ;

– un niveau minimal d’émissions : les 55 parties signataires doivent être à l’origine d’au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sachant qu’il devra s’agir de la quantité la plus récemment communiquée.

Il est précisé que l’accord entrera en vigueur le trentième jour suivant la date du dépôt des instruments de ratification, d’approbation ou d’adhésion.

Pour ce qui concerne les États, la date d’entrée en vigueur prévue pour toute partie accomplissant ses formalités internes de ratification, approbation, acceptation ou adhérant après que les conditions fixées au paragraphe ont été remplies est le trentième jour suivant la date de dépôt de son instrument.

Même si les conditions d’entrée en vigueur sont rapidement acquises, l’accord ne concerne cependant que la période ultérieure à 2020.

L’universalité tient à ce que chaque partie, c’est-à-dire chaque pays ou chaque organisation d’intégration régionale comme l’Union européenne, doit déposer une contribution climat appelée contribution déterminée au niveau national (CDN).

Ce terme a été choisi car il ne s’agit pas d’un engagement, ce qui a été jugé trop contraignant, et tel a notamment été le cas pour éviter que l’accord ne doive ensuite recevoir l’assentiment du Sénat américain et ne risque de subir le sort du traité de Versailles, et aussi pour tenir compte de la volonté de la Chine.

Il désigne ainsi une contribution volontaire. Son objet est l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire la maîtrise de leur croissance ou bien, et il faut espérer que ce sera de plus en plus le cas dans le futur, leur plafonnement et leur décroissance.

Si elles ne sont pas juridiquement contraignantes, les contributions nationales sont toutefois associées à un certain nombre d’obligations juridiques découlant directement des dispositions du traité. Contrairement au protocole de Kyoto qui imposait aux seuls pays développés de prendre des engagements chiffrés de réduction d’émissions, l’article 4 paragraphe 2 établit pour toutes les Parties l’obligation de préparer, communiquer et d’actualiser les contributions. Elles doivent par ailleurs prendre des mesures domestiques en matière d’atténuation afin de réaliser les objectifs chiffrés de réductions des émissions fixés dans leur contribution. Elles ont enfin une obligation de transparence et doivent communiquer les informations nécessaires à la clarté et à la compréhension de ces contributions, dont elles doivent par ailleurs rendre compte régulièrement.

L’article 4 prévoit ainsi que les parties s’engagent à préparer, communiquer et actualiser des contributions nationales tous les cinq ans.

Les pays développés s’engagent à continuer à montrer la voie en adoptant des efforts de réduction d’émission formulés à l’échelle de tous les secteurs de l’économie ; les pays en développement, de leur côté, disposent d’une certaine latitude sur le type d’engagement qu’ils adoptent, mais sont encouragés à passer progressivement à des objectifs similaires à ceux des pays développés.

Les contributions nationales sont centralisées par le secrétariat de la CCNUCC, car elles représentent le socle de l’action climatique des parties à l’accord. Un bilan mondial quinquennal constituera le fondement de la révision des contributions pour relever l’ambition collective et permettre de respecter la limite de 2 ou 1,5°Celsium.

Les États autorisent la publication de leurs contributions sur un registre public et s’engagent à divulguer l’information nécessaire à l’évaluation collective des efforts nationaux.

Il faut noter que l’accord prévoit les dispositions nécessaires à la participation conjointe des États membres d’organisations régionales d’intégration économique telles que l’Union européenne aux paragraphes 16, 17 et 18.

En complément des contributions climats, l’article 14 prévoit que tous les pays peuvent, sur une base volontaire, publier avant 2020 des stratégies à long terme, à l’horizon 2050, de développement national, faiblement émettrices en gaz à effet de serre.

Dans une logique facilitatrice et non punitive, l’article 15 de l’accord de Paris établit un mécanisme de facilitation de la mise en œuvre et de conformité. Celui-ci a pour objectif de promouvoir le respect des obligations découlant des dispositions de l’accord par les États. Il s’appliquera à toutes les parties mais devra accorder une attention particulière aux circonstances nationales et aux capacités respectives des pays (notamment en développement) lors de l’examen des cas de non-conformité. Il prendra la forme d’un comité d’experts et fonctionnera de façon transparente, non accusatoire et non punitive. Ses modalités précises de fonctionnement et ses procédures seront adoptées lors de la première session de la Conférence des parties agissant comme réunion des parties à l’accord de Paris. Le comité rendra compte à cette dernière chaque année.

L’accord met en place un cadre de transparence à la fois universel, puisqu’il s’applique à tous, et flexible, permettant de s’assurer de l’efficacité des mesures prises, au fil du temps, et de renforcer la confiance entre les pays.

Il permet de suivre les progrès de chaque pays en matière d’atténuation, d’adaptation et de soutien, tout en tenant compte des capacités des pays.

De manière complémentaire à l’article 4 qui prévoit la publication des contributions climat, des CDN, l’article 13 prévoit la création d’un cadre de transparence visant à renforcer la confiance mutuelle, à promouvoir une mise en œuvre efficace de l’accord et à fournir une image claire des actions (atténuation et adaptation) et des moyens auxquels il est fait recours (financement, transfert de technologies et renforcement de capacités).

Il précise que toutes les parties devront suivre des modalités communes.

Chaque partie devra ainsi régulièrement fournir un rapport national d’inventaire des émissions et des absorptions conforme aux lignes directrices établies par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et des informations nécessaires au suivi des progrès accompli.

Les modalités, procédures et lignes directrices communes de ce cadre de transparence seront préparées d’ici 2018, avant d’être adoptées par la COP.

Elles seront fondées sur les modalités de transparence existantes et les remplaceront après 2020, comme précisé au paragraphe 99 de la décision précité 1/CP.21.

Les pays en développement disposeront de certaines flexibilités en fonction de leurs capacités, sur la portée, la fréquence et le niveau de détail des informations rapportées, et bénéficieront de soutiens pour mettre en œuvre ces nouvelles modalités

Les pays étaient tenus de déposer avant la conférence Paris Climat une contribution nationale.

Presque tous l’ont fait à raison de 186 pays et l’Union européenne pour la conférence, et de trois pays ultérieurement, et la compilation des intentions ainsi exposées a montré que l’augmentation des températures serait maîtrisée, puisqu’elle serait de 3° Celsius vers 2100 si elles étaient mises en œuvre telles quelles, et non de 4° Celsius, niveau qui serait atteint si l’on ne faisait rien.

La moitié du chemin a donc été faite sur une base volontaire.

Pour améliorer encore la situation, l’accord de Paris a prévu une clause de révision des contributions, révision nécessairement « à la hausse », vers davantage d’ambition.

Cette « clause de revoyure » est à l’article 4, dont une disposition prévoit ainsi que les parties s’engagent à préparer, communiquer et actualiser des contributions nationales, successives tous les cinq ans, au paragraphe 2, en lien avec l’article 14, en respectant un principe de progression à la hausse de ces engagements, selon un mécanisme de cliquet.

Il faut relever que chaque pays peut aussi, s’il le souhaite, relever à tout moment le niveau de son ambition.

En complément de cette clause de revoyure, il faut mentionner que l’accord prévoit un bilan mondial et un mécanisme collectif de revue par les pairs.

L’article 14 prévoit pour sa part un bilan mondial quinquennal de la mise en œuvre de l’accord portant aussi bien sur l’atténuation que sur l’adaptation et les moyens de mise en œuvre (financement, transfert de technologies et renforcement de capacités).

Son objectif principal est d’évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation de l’objet de l’accord et de ses buts à long terme.

Le bilan mondial devra respecter le principe, exigeant, de l’équité et tenir compte des meilleures données scientifiques disponibles.

Organisé deux ans avant la remise des contributions nationales du cycle suivant (2025-2030, conformément au paragraphe 23 de la décision 1/CP.21), il sera le fondement de la révision à la hausse des contributions nationales, afin de relever l’ambition collective nécessaire pour atteindre l’objectif de limitation de la hausse des températures à 2°Celsius et même 1,5° d’ici la fin du siècle.

Le premier bilan mondial quinquennal sous l’empire de l’accord aura lieu en 2023.

En fait, le premier exercice de ce type aura lieu avant même que l’accord de Paris ne prenne effet, en 2018, sur la base des 190 contributions remises et publiées pour la conférence de décembre dernier, ou peu après, de leurs améliorations éventuelles, et de celles qui seront le cas échéant déposées d’ici là.

La décision précitée 1/CP.21 prévoit, en effet, dans ses paragraphes 20 et 21, l’organisation en 2018 de deux événements clefs qui relèvent de la même perspective :

– il s’agit, d’une part, d’un « dialogue de facilitation pour faire le point (…) des efforts collectifs déployés par les Parties en vue d’atteindre l’objectif à long terme (…) et d’éclairer l’établissement des contributions déterminées au niveau national » ;

– il s’agit, d’autre part, d’un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à présenter un rapport spécial « sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre ». 

C’est donc, complété par les mesures de publicité des contributions, et de transparence et de contrôle, un mécanisme de revue par les pairs, avec en outre une référence scientifique pour 2018, qui est mis en place.

Plusieurs des personnes auditionnées ont observé, avec parfois une certaine nuance de regret, que l’accord ne comprenne pas de sanction.

Ce n’est pas inhabituel pour les accords multilatéraux, et même pour les accords bilatéraux.

La société internationale repose largement sur l’effet de réputation, appelé par les anglo-saxons, le name and shame, qui a montré une grande efficacité dans d’autres domaines, notamment en matière de fiscalité et de transparence financière.

Dans un domaine où aucun pays ne peut espérer échapper aux conséquences des dérèglements climatiques présents et à venir, on mesure comment il est difficile pour l’un d’entre eux de prendre le risque de s’isoler face à la communauté internationale.

Cette contrainte d’ordre politique est à n’en pas douter un facteur très puissant de persuasion pour la mise en œuvre de l’accord de Paris.

L’accord de Paris prévoit comme on l’a vu des transferts financiers. Il engage donc les finances de l’État. Par ailleurs, il comporte des dispositions de nature législative, puisque, selon l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement.

Par conséquent, sa ratification doit nécessairement faire l’objet d’une autorisation parlementaire préalable, conformément à l’article 53 de la Constitution.

Ce n’est pas le cas dans tous les pays. En effet, certains d’entre eux peuvent ratifier par la voie exécutive, et tel est le cas des États-Unis, notamment.

Comme on l’a vu, l’article 21 prévoit que l’accord de Paris entrera en vigueur lorsqu’il aura été ratifié par 55 Parties, c’est-à-dire 55 États, ou bien 54 États ou et l’Union européenne, représentants 55 % des émissions de gaz à effet de serre.

L’enjeu est d’atteindre ce double seuil le plus rapidement possible pour garantir l’application de l’accord en 2020.

Cela repose sur un arbitrage entre les émissions et le nombre des pays, dont les premiers termes sont déjà connus.

Un élément est plutôt rassurant. La liste des vingt-deux pays qui n’ont pas signé d’emblée l’accord de Paris ne comprend qu’un seul membre du G 20, l’Arabie saoudite, et aucun émetteur important de gaz à effet de serre, comme l’indique le tableau suivant :

Pays n’ayant pas signé l’Accord de Paris au 25 avril 2016

Arabie Saoudite

Arménie

Chili

Equateur

Gambie

Iles Cook

Irak

Kazakhstan

Kirghizistan

Malawi

Moldavie

Nicaragua

Nigeria

Ouzbékistan

Saint Marin

Seychelles

Sierra Leone

Syrie

Togo

Turkménistan

Yémen

Zambie

Source : Ministère des affaires étrangères

Depuis, les Seychelles et la Gambie ont en outre signé et le Nigéria a indiqué vouloir réviser à la hausse sa contribution climat.

Quinze États dont la Constitution le permet, ce qui n’est pas le cas du plus grand nombre, dont la France, ont pu déposer leur instrument de ratification dès la cérémonie d’ouverture à la signature, dès le 22 avril.

Ce sont les pays suivants : les Îles Marshall ; Nauru ; Palau ; la Somalie ; la Palestine ; la Barbade ; Belize ; Fidji ; Grenade ; Saint-Christophe-et-Nevis ; Samoa ; Tuvalu ; les Maldives ; Sainte-Lucie ; Maurice.

Ce sont essentiellement des États insulaires, particulièrement menacés par la montée des eaux, et ils ne représentent qu’une très faible proportion des émissions carbone (0,03 %), mais c’est néanmoins essentiel sur le plan de la dynamique de l’accord.

La ratification rapide par les 28 pays membres de l’Union européenne, les pays européens non membres, la Chine, et les États-Unis un petit nombre d’autres pays permettrait de garantir rapidement l’entrée en vigueur comme prévu, en 2020, de l’accord.

Lors de la cérémonie de signature, le 22 avril, M. Zhang Gaoli, Vice-premier ministre de Chine, et M. John Kerry, secrétaire d’État des Etats-Unis, ont indiqué que leurs pays ratifieraient dans l’année, avant le sommet du G 20 de septembre pour le premier, et « dans l’année » pour le second.

S’agissant des États-Unis, l’accord est ainsi considéré comme un executive agreement et non comme un traité, et peut être ratifié par executive order.

Ce double engagement est important car ce sont les deux premiers émetteurs mondiaux, à raison de 20 % pour la Chine et 18 % pour les États-Unis.

De ce point de vue, les deux pays qui ont joué un rôle moteur dans l’accord du 12 décembre dernier en concluant un accord politique bilatéral dès le 12 novembre 2014, esquissant les termes de leurs contributions climat respectives, ont repris un rôle moteur.

Tel est d’autant plus le cas que, si l’on excepte la France, l’Union européenne reste encore dans le flou.

La France a décidé de ratifier l’accord de Paris d’une manière aussi brève que lui permettent ses procédures constitutionnelles.

C’est un délai peu habituel, puisque l’Assemblée nationale aura adopté le projet de loi de ratification moins d’un mois après la signature de l’accord, qui ne pouvait intervenir avant le 22 avril. Le Conseil d’État aura été, comme il se doit, saisi du projet de loi.

Pour l’Union européenne, la situation est plus complexe.

D’abord, l’accord est un accord mixte qui intervient dans un domaine non pas de la compétence exclusive communautaire, mais dans un domaine de compétence partagée.

Il y a donc deux niveaux de ratification : d’une part, les vingt-huit États membres ; d’autre part, l’Union elle-même, avec une décision du conseil à la majorité qualifiée.

Ensuite, l’accord concerne la trajectoire de réduction des futures émissions de CO2, et certains pays souhaient d’abord achever les négociations fixant la répartition entre les vingt-huit de l’effort hors système d’émission de quotas.

Enfin, il y a la sensibilité allemande pour un renforcement de l’effort européen, pour aller au-delà des trois niveaux prévus par le cadre énergie climat pour 2030 : réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % (par rapport au niveau de 1990) ; porter la part des énergies renouvelables à 27 % au moins ; améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 27 % aussi, en se fondant sur l’objectif de se rapprocher le plus possible du seuil de 1,5° Celsius.

Il y a donc trois groupes de pays.

Le premier groupe comprend ceux qui souhaitent déconnecter, comme la France, la ratification de l’accord de Paris des négociations internes à l’Union, de manière à ce que celle-ci joue pour les années qui viennent le rôle moteur que son effort unique de réduction des émissions de gaz à effet de serre justifie.

C’est une position très fondée, dès lors qu’avec 11 % des émissions totales de gaz à effet de serre, l’Union permet d’atteindre très vite le niveau des 55 % exigés pour l’entrée en vigueur de l’accord. Avec la Chine et les États-Unis, elle représente près de la moitié des émissions mondiales.

Elle est partagée notamment par le Portugal, l’Espagne, la Belgique, le Danemark, la Finlande et la Slovaquie.

Le deuxième groupe concerne les pays qui souhaitent que la négociation sur les émissions précède la ratification, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, l’Autriche, la Roumanie, la République tchèque, l’Irlande et la Bulgarie.

Le troisième groupe concerne les pays à la problématique plus complexe, à savoir la Pologne, qui soutient l’accord de Paris, mais insiste sur le fait que sa sécurité énergétique repose sur le charbon et le lignite, en partie importés d’ailleurs, pour environ 10% de sa consommation, selon les données de l’Energy Information Agency des États-Unis, ainsi que l’Italie, qui souhaite que l’accord n’entre en vigueur que si l’Union l’a ratifié.

Une telle situation de dispersion est très dommageable car une fois de plus, la complexité et le manque d’harmonisation au sein de l’Union européenne font que notre continent, qui est le premier à avoir entrepris avec succès des efforts significatifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est pas en mesure de prendre le leadership qui lui revient, laissant ce rôle aux États-Unis et à la Chine.

Pour ce qui concerne les grands émetteurs de gaz à effet de serre, autres que les États-Unis, la Chine et les pays de l’Union européenne, seule la Russie n’a pas à ce stade communiqué de calendrier, souhaitant, selon les éléments communiqués, des précisions, avant de ratifier.

Selon ces mêmes éléments communiqués, l’accord de Paris jouit d’un fort soutien politique dans la région latino-américaine. Un grand nombre de ministres du sous-continent s’étaient d’ailleurs personnellement impliqués dans les négociations à Paris, et un tiers des facilitateurs ayant animés les débats en seconde semaine étaient latino-américains. La ratification ne devrait donc pas poser de difficulté particulière dans ces pays, à l’exception du Nicaragua, dont les positions peu allantes se sont exprimées bien en amont de Paris.

La Bolivie, l’Uruguay, le Paraguay et la République Dominicaine penchent pour une ratification dans l’année. Plusieurs enjeux de politique intérieure pourraient toutefois ralentir certains processus notamment en Jamaïque, au Pérou et au Brésil. Le Guatemala, le Chili et le Mexique, où l’accord a été bien accueilli, verront quant à eux leurs processus toutefois allongés par des délais de procédures nationales incompressibles.

Pour ce qui concerne l’Asie, de nombreux États insulaires d’Asie du Sud-Est comptent d’ores et déjà parmi les premiers pays à avoir ratifié l’accord. Singapour, les Philippines et l’Indonésie ont fait part de leur volonté de ratifier rapidement, probablement en 2016.

Pour ce qui concerne l’Inde, le processus devrait aboutir en 2016, car la ratification n’exigerait pas une procédure parlementaire.

S’agissant enfin de l’Afrique, les premières informations disponibles à ce stade concernant onze États montrent une volonté d’avancer vers une ratification rapide. Ainsi, la Namibie, le Sénégal, l’Éthiopie, le Ghana et le Kenya prévoient de ratifier d’ici la fin de l’année 2016. L’Afrique du Sud et le Zimbabwe prévoient de ratifier pour la fin de l’année 2017.

L’accord de Paris a été très largement favorisé par le regroupement des pays les plus déterminés dans le cadre d’une coalition, dite coalition de l’ambition ou des pays les plus ambitieux.

Dès la fin de la COP, il est apparu nécessaire de conserver ce groupe de pays moteurs de manière à ce que l’ensemble de la communauté internationale bénéficie de la dynamique des pays les plus avancés en matière d’engagement climatique.

La réunion de ces pays dit de la High Ambition Coalition en marge de la cérémonie des Nations unies en avril dernier est un point très positif, d’autant que le représentant spécial des États-Unis pour le changement climatique, M. Jonathan Pershing, était présent et que, se joignant ainsi au point de vue français, il a souhaité que ce groupe de pays pionnier se maintienne.

Il convient de veiller que tel soit le cas dans la durée, de manière notamment à assurer sur les mêmes bases, la continuité de la dynamique des négociations climat.

Arrivant au terme de son mandat et ne souhaitant pas le renouveler, l’actuelle secrétaire exécutive de la CNUCC, Mme Christiana Figueres (Costa-Rica), en poste depuis 2010, va quitter ses fonctions.

La procédure pour son remplacement a été ouverte en février dernier. Il faut rappeler que le secrétaire exécutif de la CCNUCC, a le grade de sous-Secrétaire général (ASG), et qu’il est nommé par le secrétaire général des Nations Unies pour un mandat de trois ans, en consultation avec le bureau des États parties à la convention.

Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations climatiques, représentante spéciale pour la COP21 et championne de haut niveau pour l’action pré-2020, nommée par M. Laurent Fabius en qualité de président de la COP 21, a manifesté son intérêt, tout à fait légitime.

Il est clair que le nom de Mme Tubiana était parmi le très faible nombre qui s’imposait indépendamment de ce qu’elle est française, non seulement en raison de son expérience et de sa connaissance de longue date des principaux interlocuteurs sur le climat sur le plan international, mais aussi en raison du succès de la conférence de Paris dont elle a été l’un des principaux artisans, aux côtés de M. Laurent Fabius.

C’est donc avec satisfaction que l’on avait appris le 6 avril dernier que le Gouvernement soutenait bien cette candidature.

Le 29 avril, le secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon a informé la ministre de l’écologie, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, Mme Ségolène Royal, que son choix se portait sur Mme Patricia Espinosa Cantellano, originaire du Mexique, et dont le parcours est marqué par la réussite de la COP 16 à Cancun en 2010.

C’est un choix pertinent dès lors qu’il assure une continuité essentielle dans les négociations climatiques d’application de l’accord de Paris.

De même que 2014 et 2015, l’année 2016 est marquée par plusieurs rendez-vous internationaux essentiels ayant valeur de test.

Le premier est très proche, car il s’agit du sommet humanitaire qui aura lieu à Istanbul les 23 et 24 mai. L’objectif est une meilleure articulation des agendas humanitaire et de développement des agences multilatérales comme des États.

Le deuxième est l’Assemblée générale des Nations unies pour l’environnement à Nairobi, du 23 au 27 mai.

Le troisième est le Forum de haut niveau sur l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, à New York, du 11 au 20 juillet, qui a été précédé du premier forum annuel de suivi de la conférence d’Addis Abeba en avril dernier. L’objectif de montrer que l’on passe des intentions aux actes.

Le quatrième rendez-vous est la conférence Habitat III, à Quito, au cœur de l’engagement des villes dans l’agenda climatique comme dans l’agenda de développement.

Plusieurs réunions non moins importantes, sont déjà intervenues ou vont intervenir, notamment le sommet du G7 les 26 et 27 mai au Japon, et la réunion du Conseil du Fonds vert en Corée des 28 au 30 juin.

La succession de ces rendez-vous représente certes un agenda chargé, mais c’est un élément essentiel du maintien de la mobilisation, notamment parce que la société civile, les ONG, mais aussi les acteurs locaux les suivent avec attention.

Cette année, la réunion de Bonn des organes subsidiaires de la CNUCC, sur les changements climatiques, n’a pas uniquement son rôle de suivi et de préparation de la prochaine COP, mais elle a une mission particulière.

Organisée du 16 et au 26 mai, elle a en effet pour mission la mise en place du groupe de travail ad hoc sur l’accord de Paris (APA).

Institué par la décision précitée 1/CP.21, il est créé sur le modèle de groupe de travail spécial de la plateforme de Durban pour une action renforcée (ADP), organe au sein duquel avait été conduite la négociation de l’Accord de Paris. Le paragraphe 7 de la décision précise ainsi que les dispositions régissant l’élection des membres du Bureau de l’ADP s’appliquent mutatis mutandis à l’APA. L’APA est ainsi un organe subsidiaire non-permanent de la CCNUCC.

Le mandat de l’APA est de préparer l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, ainsi que d’élaborer les projets de décision que la COP.

Ce mandat est donc encadré dans le temps : il est prévu que le groupe mène à bien ses travaux avant la première session de la CMA, ce que confirme le paragraphe 10 de la décision. Il est également encadré politiquement puisque le même paragraphe 10 oblige l’APA à rendre compte régulièrement de l’avancement de ses travaux à la COP.

Enfin, la décision 1/CP.21 précise que le groupe de travail tiendra ses sessions à partir de 2016, parallèlement aux sessions des organes subsidiaires de la CNUCC.

De fait, il y aura au moins deux sessions de l’APA chaque année puisque les organes subsidiaires se réunissent une fois en mai/juin à Bonn, siège du secrétariat de la convention, et une fois en conjonction avec la COP. La première session de l’APA aura donc lieu en mai 2016 à Bonn et une autre session aura lieu en novembre à Marrakech parallèlement à la COP22. Toutefois, l’APA, comme l’ADP avant lui, a la possibilité de convoquer des sessions supplémentaires. C’est ainsi qu’au cours de l’année 2015, dans la dernière année de négociation de l’accord de Paris, l’ADP s’était réuni cinq fois.

Le secrétariat de la convention a publié l’ordre du jour provisoire de l’APA pour sa première session de mai. Deux phases se distinguent clairement dans cet ordre du jour. Tout d’abord une phase procédurale. En effet, l’APA, en tant qu’organe nouvellement créé, devra élire son Bureau et ensuite les cinq grands thèmes de travail que la Décision 1/CP.21 a confié à cet organe :

– la détermination de nouvelles lignes directrices concernant les contributions déterminées au niveau national visées à l’article 4 de l’accord ;

– la définition de modalités, procédures et lignes directrices aux fins du cadre de transparence des mesures et de l’appui visé à l’article 13;

– des questions relatives au bilan mondial prévu à l’article 14 de l’accord de Paris ;

– la définition des modalités et procédures pour le bon fonctionnement du mécanisme pour faciliter la mise en œuvre des dispositions de l’accord de Paris et en promouvoir le respect visé à l’article 15 ;

– la préparation de l’entrée en vigueur de l’accord de Paris et la convocation de la première session de la COP agissant comme réunion des parties à cet accord.

La COP 22 aura lieu à Marrakech du 7 au 18 novembre prochain.

La préparation en est assuré par l’actuelle présidence de la COP21, c’est-à-dire par la France, qui assure cette fonction jusqu’au 7 novembre (celle-ci est exercée par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, Mme Ségolène Royal, depuis que M. Laurent Fabius, nommé président du Conseil constitutionnel, n’est plus ministres des affaires étrangères), et la présidence marocaine, dite présidence montante.

Selon les éléments communiqués, les priorités sont les suivantes :

– les actions pré-2020 ;

– les mécanismes de renforcement des capacités : gouvernance, financements et programme de travail ;

– l’accès aux financements climat ;

– les transferts de technologies, et notamment la technologie de base pour les pays les plus vulnérables ;

– le plan d’action Lima-Paris (PALP ou LPAA en anglais), l’Agenda des solutions, qui fait en raison de son importance l’objet des développements qui suivent.

L’une des clefs de la réussite de Paris a été de pouvoir mobiliser l’ensemble des acteurs qui sont au cœur de la transition énergétique, les acteurs de la société civile, les collectivités locales et les entreprises, autour des solutions climatiques concrètes.

C’est grâce à l’initiative du plan d’action Lima-Paris, lancé au Pérou en 2014, lors de la COP20, par le secrétariat général des Nations unies, le secrétariat exécutif de la CCNUCC, la présidence péruvienne de la COP20 et la présidence française de la COP21.

L’objectif est de stimuler les actions, les engagements et la coopération des acteurs étatiques et non-étatiques - villes, régions, entreprises, investisseurs, organisations de la société civile - qui contribueront à la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre et à l’adaptation, avant 2020 et ensuite sur le long-terme. Rassembler toutes les parties prenantes dans une logique inclusive a été un processus long et exigeant, qui a culminé avec la séquence de 12 « focus » thématiques et la journée d’action organisée à Paris à l’occasion de la COP21.

Au total, le Plan d’Action Lima-Paris compte aujourd'hui 70 coalitions, rassemblant près de 10 000 acteurs issus de 180 pays, ainsi que 11 000 engagements individuels enregistrés sur la plateforme électronique NAZCA par plus de 2 000 collectivités et plus de 2 000 entreprises.

La décision précitée 1/CP.21 a prévu de nommer des « champions » afin de pérenniser et de promouvoir la vision portée par la présidence française d’un « Agenda de l’Action » venant renforcer les engagements à long terme des pays. La France a nommé son champion dès février 2016. Il s’agit de Mme Laurence Tubiana, comme on l’a vu.

Le rôle de champion est non seulement de collaborer avec les acteurs étatiques, non-étatiques et les coalitions pour renforcer l’Agenda de l’Action, mais également d’orienter les réunions d’experts techniques organisées sous la CCNUCC.

Plusieurs rendez-vous importants sont prévus ou ont été organisés cette année :

– le 21 avril à New York: une journée de débats de haut niveau organisée par le président de l’Assemblée générale des Nations unies sur le thème de la mise en œuvre des objectifs de développement durable et, en particulier, les objectifs dans le domaine du climat. ;

– le 22 avril à New York : la Journée de la Terre, journée de l’action climat organisée par le secrétaire général des Nations unies et présidée avec le Président de la République française: ouverture à New York du registre des signatures de l’Accord de Paris ; tables rondes sur l’Agenda de l’Action. L’objectif de cette journée était double : obtenir le plus grand nombre de signatures de l’accord par les chefs d’État et de gouvernement ou leurs représentants ; relancer la mobilisation des acteurs de la société civile ;

– les 5 et 6 mai à Washington : « Climate Action Summit ». Cette réunion est organisée par le secrétariat général des Nations unies ; elle a été dominée par une participation des USA et des institutions onusiennes. Un certain nombre de représentants de la société civile internationale y ont été conviés ; la France n’a pas été invitée à participer au comité de pilotage

– les 1er et 2 juin à San Francisco : la réunion « Clean Energy Ministerial » présidée par le Secrétaire américain à l’énergie, M. Ernest Moniz. Les États-Unis souhaitent en faire le lieu de rencontres des ministres de l’énergie pour la mise en œuvre de l’accord de Paris, et un centre d’impulsion pour les initiatives relatives à l’efficacité énergétique, parmi lesquelles figure notamment la Mission Innovation, évoquée ci-après ;

– les 28 et 29 juin à Londres : la « Business Climate Week » ; programme en cours d’élaboration par le Groupe Climat Climate Group ; (pour mémoire : le referendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne aura lieu le 23 juin) ;

– les 7 et 8 juillet à Paris : la Conférence Santé et Climat avec l’OMS.

– du 11 au 13 juillet au Maroc : la Conférence Eau et Climat en lien avec le Conseil Mondial de l'Eau ;

– du 11-20 juillet à New York : le Forum de haut niveau des Nations unies sur le développement durable

– les 16 et 17 juillet à Tanger : MEDCOP22 – événement visant à valoriser l’action des collectivités locales, des entreprises et des associations, aux côtés des États de la Méditerranée, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de répondre aux enjeux de la résilience face aux impacts du changement climatique.

– les 28-29 Septembre à Nantes : le Sommet des collectivités locales pour le climat : « Climate Chance Summit ».

– du 17 au 20 Octobre à Quito : Habitat III, conférence des Nations unies sur le logement, comme on l’a vu.

Par ailleurs, la France s’est particulièrement investie dans un certain nombre d’initiatives en raison de leur caractère stratégique. Ce sont en majorité des initiatives nouvelles dont la structuration est encore fragile. Celles-ci font l’objet d’une attention prioritaire. La liste en est la suivante :

Initiatives particulièrement portées par la France

Secteur

Nom de l’initiative

Entreprises

Coalition pour le prix du carbone

Agriculture

Initiative 4 pour 1000 (séquestration du carbone à travers des pratiques agricoles adaptées)

Résilience

Réseau d’alerte météorologique (CREWS)

Pacte de Paris sur l’eau 

Protection des Océans pour le climat

Transport

Mobilise Your City (transports urbains dans les pays en développement)

Déclaration sur la mobilité électrique, appel d’offre pour un véhicule électrique à moins de 7000€

Bâtiment

Alliance mondiale sur les Bâtiments et la Construction

Énergie

Initiative africaine pour les énergies renouvelables

Alliance mondiale pour la Géothermie

Alliance solaire internationale

Innovation

Mission innovation (recherche et développement)

Villes et Territoires

Action à court terme des collectivités territoriales (plan à cinq ans)

Mobilisation citoyenne (2016)

Source : Ministère de l’écologie, de l’énergie et de la mer

En vue d’assurer leur suivi et de préparer la journée d’action qui aura lieu à Marrakech en novembre, une feuille de route par initiative a été élaborée pour l’année 2016. Le 23 juin prochain, une réunion des porteurs de ces différentes initiatives sera organisée conjointement avec le Maroc, à Tanger.

Par ailleurs, pour maintenir la dynamique à terme, une réflexion sur le futur du LPAA a commencé, essentiellement axée sur la mise en œuvre et le renforcement des capacités. Le LPAA aura en effet un rôle de trait d’union entre l’action réelle et le processus formel, grâce à la coopération, à la mobilisation politique de l’ensemble des acteurs et à une approche tournée vers la résolution concrète de problèmes spécifiques.

Comme on l’a vu, les financements sont au cœur de l’accord, car ils représentent l’élément de confiance des pays du Sud envers les pays du Nord.

L’accord en lui-même, de même que la décision 1/CP.21, ne précisent ni les sommes, ni leur ventilation entre adaptation et atténuation, ni entre fonds publics et fonds privés, ni entre prêts et dons, pour les premiers, ni encore les modalités de leur affection.

Le Fonds vert, doté d’un peu moins de 10 milliards de dollars, ne joue qu’un rôle moteur mais partiel dans l’enveloppe totale de l’ordre de 100 milliards de dollars.

Sur la période pré-2020, l’objectif financier pris par les pays développés à Copenhague et confirmé dans la décision de la COP de Cancún est de mobiliser collectivement 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, afin de financer des actions de lutte contre le dérèglement climatique dans les pays en développement, dans le cadre d’une mise en œuvre transparente.

Il convient de noter :

– s’agissant de la nature de cet objectif : sous réserve de précisions ultérieures, l’objectif des 100 milliards sur la période pré-2020 est un objectif collectif des pays développés de transfert et de mobilisation de fonds publics et privés, y compris innovants, sans répartition fixée entre sources ou pays ;

– s’agissant du niveau global actuel : en 2014, le comité permanent sur les financements de la CCNUCC a conclu que les financements climat des pays développés vers les pays en développement, publics et privés, étaient, en moyenne annuelle sur 2010-2012, compris entre 40 et 175 milliards de dollars. En octobre 2015, à la demande de la présidence péruvienne de la COP20 et de la présidence montante française de la COP21, l’OCDE, avec l’appui du Think Tank Climate Policy Initiative, a estimé les financements climat des pays développés vers les pays en développement à 61,8 milliards de dollars en 2014 (moyenne annuelle de 57 Mds de dollars sur la période 2013-2014) ;

– s’agissant de l’évolution attendue : dans la perspective de la COP21 et lors de la COP21, plusieurs annonces financières ont été faites par les pays développés et les institutions financières internationales.

Une page Internet y est dédiée sur le site du secrétariat de la CCNUCC. Par ailleurs, la décision accompagnant l’accord de Paris (le paragraphe 114) demande clairement aux pays développés d’amplifier leur aide financière en suivant une feuille de route concrète pour atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars, sans cependant préciser de date.

S’agissant des efforts prévus pour la France, le Président de la République a annoncé le 28 septembre 2015 devant l’Assemblée générale des Nations Unies que les financements français pour le climat en faveur des pays en développement passeront d’environ 3 milliards d’euros à 5 milliards d’euros en 2020, dans le cadre de financements en faveur du développement croissants. Ces financements seront mis en œuvre principalement à travers l’Agence française de développement (AFD), ainsi que des fonds et initiatives multilatéraux. La capacité annuelle de prêts de l’AFD pour l’ensemble de ses activités en faveur des États étrangers croîtra progressivement de 4 milliards d’euros jusqu’en 2020. La moitié sera engagée au bénéfice du climat. En outre, les financements français en faveur de l’adaptation au changement climatique devront atteindre 1 milliard d’euros d’ici 2020. Un comité interministériel de la coopération internationale et du développement se tiendra d’ici la fin de l’année afin de préciser la trajectoire de hausse des financements et des moyens associés pour la période 2017-2020.

Concernant la période post-2020, les pays développés entendent poursuivre cet objectif des 100 milliards jusqu’en 2025 comme le précise le paragraphe 53 de la décision 1/CP.21. Après cette date, l’effort global de mobilisation devra augmenter à partir de ce plancher et constituer une progression par rapport aux niveaux d’efforts précédents. Au-delà des pays développés, les contributeurs, qui seront volontaires, à cet effort de mobilisation ne sont pas explicitement définis.

Les précisions relatives aux modalités et à l’affectation de cet effort seront au cœur des prochaines COP.

Le lien entre le niveau de concentration des gaz à effet de serre, principalement le CO2, dans l’atmosphère et les températures terrestres est tel que l’on peut calculer la quantité maximale que peuvent émettre les activités humaines pour rester en-deçà de la limite des 1,5° Celsius ou de celle des 2° Celsius.

Le budget carbone de la terre a ainsi été estimé par le GIEC à 3 670 gigatonnes de CO2, réduit en fait à 2 900 en raison des émissions de gaz autres que le CO2.

Le niveau des émissions a été tel qu’il restait environ 1 000 gigatonnes de CO2 à émettre en 2012. Avec un rythme de l’ordre de 44 milliards par an, on pouvait estimer à 25 ans environ l’épuisement du budget carbone.

En effet, hors changement d’usage des terres (UTCF), les émissions de GES mondiales étaient estimées à environ 44,8 milliards de tonnes équivalent CO2 en 2012, en progression de 1,3 % par rapport à 2011 (44,2 milliards).

Ce diagnostic n’a pas changé et la stabilisation des émissions à leur niveau actuel est estimée conduire à la consommation totale du budget carbone un peu avant 2040, vers 2038.

Il est par conséquent impératif que les émissions franchissent au niveau mondial un pic des émissions le plus rapidement possible.

En l’état des quelque 190 contributions déposées, ce ne serait qu’en 2030 avec un pic d’émissions de l’ordre de 50 gigatonnes par an, ce qui serait trop tard : le pic serait franchi juste avant l’épuisement du budget carbone.

Il n’est pas impossible de réduire les émissions puisque comme l’indique le graphique suivant, l’Union européenne surtout, mais aussi les États-Unis, l’ont fait.

Source : Ministère de l’écologie, de l’énergie et de la mer.

Les pays européens, grâce à l’engagement dans le cadre du protocole de Kyoto et à la stratégie énergie-climat de 2008, ont obtenu les résultats les plus significatifs.

Les émissions de l’Union européenne en 2014 sont ainsi estimées à 4,284 milliards de tonnes équivalent CO2 - soit -6 % par rapport à 2012, de -17,9 % par rapport à 2005 et -24,4 % par rapport à 1990.

Pour les États-Unis, le franchissement du pic autour de 2005 fait que les émissions de GES hors UTCF s’établissent à 6,870 milliards en 2014 - soit une évolution de +3,42 % par rapport à 2012, de -6,89 %  par rapport à 2005 et de +7,4 % par rapport à 1990.

Par ailleurs, le niveau mondial des émissions liées à l’énergie, qui représentent plus des deux tiers des émissions totales et sont disponibles pour une période allant jusqu’à l'année 2015, tend à stagner. Celles-ci se sont maintenues à 32,14 milliards de tonnes de CO2, contre 32,13 en 2014 et 32,07 en 2013, alors que l’économie mondiale enregistrait une croissance économique de plus de 3 %.

Ensuite, dans le cadre des stratégies de long terme, il est impératif que les pays s’orientent le plus vite possible vers la neutralité carbone, c’est-à-dire vers une stabilité de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, les émissions étant compensées par les absorptions naturelles. Ce niveau de long terme se situerait autour de 1 million de tonnes de CO2 par habitant.

Sur le fond, la complexité de la répartition du budget carbone restant tient à trois éléments.

Il s’agit d’abord des besoins des émergents, et notamment des deux plus peuplés, la Chine et l’Inde, dont le graphique précédent montre l’ampleur de l’évolution ces dernières années.

Il s’agit ensuite des inégalités d’émissions par tête et par unité produite, avec ainsi des écarts selon la structure de la production et les niveaux de vie.

Emissions de gaz à effet de serre par tête et par entité du PIB

Source : AIE rapport 201, communiqué par M. Philippe Jurgensen- devant, émissions par unité de PIB ; en arrière-plan, émissions par tête.

Enfin, il faut mentionner la part de chaque pays dans le cumul historique des émissions de gaz à effet de serre.

Le graphique suivant montre ces inégalités, sachant que la Chine est aussi concernée en dépit de son développement récent.

Source : Netherland Environnemtal Assessment Agency et Commission européenne, transmis par M. Philippe Jurgensen

Cependant, il est clair que l’urgence est à l’action avant qu’il ne soit trop tard.

La phrase de Talleyrand suivant laquelle « quand il est urgent, c’est déjà trop tard », s’applique clairement au climat.

Juridiquement, l’entrée en en vigueur de l’accord interviendra en 2020. Les premières révisions des contributions climat CDN devraient ainsi être effectuées en 2025 avec un bilan des engagements en 2023.

Les contributions déposées dans le cadre de la conférence Paris-Climat sont à échéance de 2030, sauf quelques-unes très rares, dont celle des États-Unis, sui ont un objectif pour 2025.

Or, ces contributions placent les émissions sur la trajectoire des 3° Celsius, et il est clair que le risque d’épuisement du budget carbone entre 2035 et 2040 fait qu’il sera trop tard d’opérer vers 2025 les inflexions nécessaires.

Il convient par conséquent de procéder avant 2020 à la révision des contributions déposées de telle sorte celles qui seront alors présentées au titre de l’accord relèvent d’un ensemble cohérent et crédible au niveau mondial.

L’échéance de 2018, avec le rapport du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement supérieur à 1,5° Celsius et le dialogue facilitateur apparaît clairement comme l’occasion de prendre en compte les progrès possibles.

Idéalement, les pays moteurs se présenteraient dès cette échéance avec une nouvelle stratégie révisée.

Celle-ci devrait d’ailleurs, comme le fait l’Union européenne, prévoir le délai de passage à la décarbonation de l’économie, et de la réduction massive des émissions qui est nécessaire.

L’adoption au niveau de l’Union européenne du paquet énergie-climat 2008 et la stratégie énergie-climat 2030 ont imposé l’adoption de stratégies de transition énergétique au niveau des États membres.

Dans le cadre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, la France s’est ainsi fixé pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (pour tous les secteurs, SEQE et hors SEQE) de 40 % entre 1990 et 2030 et de 75 % entre 1990 et 2050. Cela correspond à des baisses équivalentes par rapport à 2005, dans la mesure où les émissions françaises sont restées pratiquement inchangées entre ces deux dates.

En application de cette même loi, la France a publié le 18 novembre 2015 une stratégie nationale bas-carbone, qui définit la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes. La trajectoire de réduction des émissions françaises y est déclinée sous forme de budgets carbone, plafonds d’émissions à ne pas dépasser sur des périodes de quatre puis cinq ans (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028), en vue d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France aux horizons 2030 et 2050. L’évaluation des impacts macroéconomiques du scénario de référence de la stratégie nationale bas-carbone, en écart au scénario tendanciel, aboutit à des résultats positifs tant sur le PIB que sur l’emploi, avec un supplément annuel moyen de PIB estimé à 25 milliards d’euros sur la période 2014-2035 et un supplément annuel moyen de 100 000 à 350 000 emplois sur la même période.

Le Gouvernement a prévu de présenter bientôt le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, très attendu par les associations de défense de l’environnement. Au début du mois d’avril, il a déjà présenté un projet d’arrêté relatif à la programmation des capacités de production d’énergie renouvelable, qui relève d’une logique moins large.

En Allemagne, le changement énergétique remonte aux années 2000 avec la volonté de développer les renouvelables dans le cadre de l’Energiewende, et la stratégie a été révisée au début de la décennie avec le choix de la sortie du nucléaire avant la fin de l’année 2022.

Comme l’ont indiqué lors de leur entretien téléphonique avec le rapporteur MM. Frank Schwabe et Andreas Jung, rapporteurs du Bundestag, la perspective de la ratification de l’accord de Paris suscite en Allemagne un débat sur la nécessité de relever d’ores et déjà l’ambition de réduction des émissions sur le plan interne en affichant pour l’objectif de long terme à l’horizon 2050, une fourchette réduite allant de 90 à 95 % des émissions, contre 80 à 95 % actuellement. Les émissions seraient en fin de parcours de l’ordre d’une tonne par habitant.

Lors du sommet du G7 à Elmau en Allemagne en juin dernier, l’engagement a été pris d’une réduction des émissions de 40 % à 70 % d’ici 2050 par rapport à 2010, mais on mesure en fonction des projections relatives aux contributions climat déposées dans la perspective de la conférence Paris Climat l’an dernier que ce n’est qu’une étape avant la fixation d’un objectif plus ambitieux.

Il appartient en effet, au-delà de ces seuls exemples, à l’ensemble des États de définir une stratégie de long terme et crédible de décarbonation.

Le cadre énergie-climat doit permettre à l’Union européenne de respecter collectivement l’engagement qu’elle a pris dans le cadre de l’accord de Paris.

L’objectif de réduction des émissions d’au moins 40 % a ainsi été scindé en deux parties : un objectif européen, fixé à -43 % en 2030 par rapport à 2005, dans le cadre du Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne (le SEQE, c’est-à-dire le marché carbone européen qui couvre les secteurs de la production d’énergie, de l’industrie manufacturière et de l’aviation civile pour les vols intra-UE) ; un objectif de -30 % pour les secteurs non soumis au marché carbone européen (transports, bâtiments, agriculture, déchets notamment), qui sera traduit en objectifs nationaux dans une directive européenne à venir, en fonction des PIB par habitant des États membres et de leur potentiel de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Selon l’étude d’impact de la Commission européenne sur le cadre énergie-climat 2030, la réduction de 30 % des émissions à l’échelle de l’Union sur les secteurs non soumis au marché carbone européen correspondrait en France à des réductions de 34 à 38 % à l’horizon 2030 par rapport à 2005 pour les secteurs non couverts par le SEQE. Cet objectif sur les secteurs non soumis au marché carbone européen sera contraignant pour la France. Si les émissions de la France sur la période 2021-2030 sont supérieures à l’objectif qui lui sera fixé, la France aura l’obligation d’acheter des quotas à un autre État membre ; à l’inverse, elle pourra vendre des quotas si ses émissions sont inférieures à son objectif.

Certains pays comme l’Allemagne peuvent être tentés de renforcer dans les années qui viennent, d’ici 2020, la stratégie énergie climat de telle sorte que l’objectif de réduction des émissions de 40 %, qui est un minimum, soit en tout état de cause dépassé en jouant notamment sur les deux autres objectifs relatifs aux deux fois 27 % : 27 % d’énergie d’origine renouvelable en 2030 et 27 % de gain d’efficacité énergétique.

Un tel débat suscite cependant des réserves et des craintes, car c’est rouvrir clairement la boîte de Pandore alors que les négociations ne sont pas achevées sur la répartition de l’effort au niveau européen et qu’il convient d’éviter qu’un pays européen ne puisse être tenté de ne pas procéder à la ratification de l’accord de Paris.

La question mérite cependant d’être posée et il est clair qu’elle relève auparavant d’un dialogue franco-allemand, seule une initiative des deux pays pouvant avoir un effet d’entraînement sur les autres. Ce serait d’ailleurs de manière très opportune une relance du couple franco-allemand sur un projet clairement mobilisateur pour l’Europe.

Dans l’hypothèse où le Royaume-Uni resterait dans l’Union européenne, à l’issue du référendum du 23 juin, celui-ci pourrait être associé à l’initiative compte tenu de son très fort investissement sur les renouvelables, en particulier sur l’éolien en mer qui donne une autre image des capacités économiques de la mer du Nord que celle du pétrole.

Les mesures de transparence en matière d’émissions de gaz à effet de serre sont prévues pour 2018. La difficulté de les définir est perçue depuis quelques années. Elles sont en effet mentionnées dans les différents documents des COP sous le sigle anglais MRV : mesure ; compte rendu ou reporting ; vérification.

C’est un élément essentiel de la lutte pour le climat.

L’an dernier, en novembre, la Chine a en effet révélé avoir sous-évalué ses émissions dans des proportions assez significatives, en raison d’une mauvaise estimation de sa consommation de charbon, avec un écart de 17 %. En conséquence, les émissions chinoises de CO2 ont été minorées de deux fois celles de la France, et plus exactement de neuf fois les émissions de la France pendant sept ans.

Cet élément, a priori dû à des difficultés dans l’organisation statistique, montre l’ampleur de la tâche à effectuer.

Tel est d’autant plus le cas que c’est ce même outil statistique qui va permettre aux différents pays de s’approprier la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Pour ce qui concerne le contrôle scientifique, le développement de la technique satellitaire permet d’effectuer des mesures et des contrôles. La NASA a lancé dès le mois de juin 2014 un satellite de mesure des rejets de CO2. La France a lancé en décembre dernier le développement par le Centre national d’études spatiales (CNES) d’un tel projet avec la mission MicroCarb financée sur les budgets dédiés à la transition énergétique dans le programme d’investissement d'avenir. L’objectif est de mesurer les émissions des villes, de la végétation et des océans.

Il est avant tout scientifique, sachant que depuis l’origine, avec le GIEC la question climatique au niveau international est traitée sous cet angle, et non sous l’angle de mesures de contrôle à vocation punitive.

Les émissions de gaz à effet de serre sont pour l’essentiel liés à la production d’énergie, que celle-ci soit économiquement de la production d’électricité ou que cette énergie soit produite et utilisée de manière tout à fait décentralisée dans les transports ou dans le secteur industriel ou tertiaire.

Or, ces dispositifs sont soumis à une très grande inertie car les investissements sont très lourds et les équipements rentabilisés sur plusieurs années.

C’est mesurer l’importance de l’effort pour opérer la transition énergétique qu’exige l’urgence climatique. Il a déjà été entamé avec un investissement massif dans les énergies renouvelables mais comme on l’a vu, celui-ci est encore insuffisant et il doit être accru sans délai au niveau mondial.

Selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie, si aucune inflexion majeure n’intervient, le mix énergétique au niveau mondial serait à peu près réparti à l’horizon 2040 en quatre parties égales, dont trois pour chacun des combustibles fossiles, : gaz naturel, pétrole, charbon, avec une augmentation de la demande d’énergie qui aurait crû de 37 %.

Un tel scénario n’est pas envisageable pour le climat. Il faut clairement en envisager d’autres plus volontaristes et qui auraient l’avantage de ne pas s’accompagner d’une régression économique.

C’est ce qu’illustre l’étude d’impact de la Commission européenne sur le cadre énergie-climat 2030, avec une réduction des émissions d’au moins 40 % sur la base de celles de 1990. Dans le scénario retenu figurent, au niveau européen, une hausse des coûts liés au système énergétique résultant de plus faibles dépenses énergétiques compensées par d’importants investissements, ainsi qu’une hausse modérée du prix de l’électricité et du prix du carbone dans le marché carbone européen.

L’impact sur les principales industries intensives en énergie (métaux ferreux et non ferreux, chimie, produits minéraux non métalliques) serait modéré et pourrait être atténué par l’allocation gratuite de quotas dans le cadre du marché du carbone européen : l’étude d’impact prévoit ainsi une diminution de la production comprise entre 0 et -3 %.

De même, sur le plan macro-économique, les modèles utilisés par la Commission européenne concordent sur le scénario d’un impact limité sur le PIB, compris entre -0,45 % et -0,10 % du PIB calculé en 2030 par rapport au scénario de référence, voire un impact légèrement positif, compris entre 0,0 % et +0.2 % du PIB. En 2030, ainsi, la déviation du PIB de l’UE par rapport au scénario de référence serait de -0,45 % à +0,2 % de la valeur du PIB de l’Union sur une année. La stratégie de décarbonation peut donc être neutre en termes d’impact économique.

Pour organiser et faciliter la transition énergétique, plusieurs initiatives majeures sont intervenues. On se limitera ici à citer trois d’entre elles, emblématiques.

L’Alliance solaire internationale a été présentée à l’occasion de la conférence de Paris.

Imaginée et conçue par les Indiens, elle se veut une plateforme de coopération entre des pays développés disposant de technologies dans le solaire et des pays riches en énergie solaire et désireux d’investir dans cette énergie comme source de substitution pour la production de l’électricité. C’est le cas de l’Inde, mais aussi de nombreux pays africains et latino-américains qui soutiennent l’initiative.

C’est un exemple emblématique des capacités du Sud à s’organiser pour la transition énergétique.

Le président François Hollande l’a inaugurée lors de sa visite en Inde, le 25 janvier dernier.

L’initiative « Énergies pour l’Afrique », pour laquelle a été créé une fondation, provient de M. Jean-Louis Borloo, notamment pour faire passer grâce au développement des réseaux, mais pas uniquement, l’Afrique directement de la pénurie d’énergie à l’électricité de demain, compte tenu du potentiel extraordinairement élevé du continent en renouvelables.

Le projet part du constat que près de 650 millions d’habitants sur 1,2 milliards d’habitants n’ont actuellement pas accès à l’électricité sur le continent et que la situation va s’aggraver avec 1 milliard d’habitants supplémentaires d’ici 30 ans.

L’objectif est donc de faire d’emblée du développement durable et de faire passer le taux d’électrification du continent de 30 % à 80 % d’ici à 2025, pour une enveloppe totale de 250 milliards de dollars.

Beaucoup d’observateurs estiment cependant que l’Afrique devra aussi s’électrifier par des projets locaux compte tenu de la dispersion de la population sur des espaces immenses.

Le constat reste cependant le même : la terre ne peut se permettre que le développement nécessaire de l’Afrique ne fasse pas l’économie du passage par recours massif aux combustibles fossiles.

L’accord de Paris mentionne ainsi les énergies renouvelables, pour aider à l’électrification de l'Afrique.

La mission innovation a été lancée le 30 novembre 2015 à Paris, par le président Obama et le président de la République, M. François Hollande, ainsi que par M. Bill Gates, le fondateur de Microsoft.

L’initiative rassemble 20 pays dont la France, les États-Unis, le Royaume Uni, le Japon et les Émirats arabes unis, qui s’engagent à doubler leurs investissements dans la recherche et développement des énergies propres.

Elle est, pour ce qui concerne M. Bill Gates, doublée par la création, avec la participation et la mobilisation des plus grands chefs des entreprises de l’économie numérique, d’un fonds d’investissement privé, la Breakthrough Energy Coalition, destiné à financer les entreprises qui commercialisent les solutions du secteur des énergies propres.

Le charbon est chaque année responsable de 44 % des émissions de CO2 liées à l'énergie, contre 35 % pour le pétrole et 20 % pour le gaz naturel.

Chacun d’entre eux n’a pas le même pouvoir sur l’effet de serre. Pour une même production d’énergie, le charbon émet deux fois plus de CO2 que le gaz naturel et le pétrole situe entre les deux, à raison d’émission supérieures d’environ 50% à celles du gaz.

Directrice générale d’Engie depuis peu, Mme Isabelle Kocher a souligné dans un entretien au quotidien Le Monde que le XXIe siècle signerait la fin des énergies fossiles, essentiellement au profit des énergies décarbonées renouvelables comme le solaire.

Avec la gestion intelligente des réseaux, elle complète en indiquant que renouvelable et numérique seront les deux énergies du futur.

Ces tendances lourdes sont effectivement inéluctables, mais elles supposent au niveau des Etats des réflexions sur leur organisation.

La priorité paraît ainsi de devoir se désengager du charbon. Bien qu’une telle hypothèse ne soit pas réaliste, le simple remplacement du charbon par du gaz naturel permettrait de réduire de 20% les émissions mondiales de gaz à effet de serre et de gagner ainsi par rapport au budget carbone une année tous les cinq ans.

Certaines options sont ensuite plus ouvertes, comme celle du gaz grâce la valorisation des déchets agricoles pour la production de biogaz. Dans ce cas, les émissions de CO2 n’ont pas le même inconvénient que celles de gaz naturel fossile, car le carbone ainsi rejeté dans l’atmosphère y a déjà été capté par les plantes lors de leur croissance. C’est donc une forme d’économie circulaire.

Enfin, s’agissant des énergies renouvelables, il est essentiel que les réductions de prix dont elles ont fait l’objet ces dernières années bénéficient à la filière, ce qui n’est actuellement pas le cas en raison de la baisse des prix du pétrole depuis 2014, et par conséquent de celle du gaz naturel, qui lui est lié. En outre, depuis plusieurs années, le prix du charbon était faible au niveau mondial en raison de la surproduction de gaz de schiste sur le marché américain et de la nouvelle faculté pour les producteurs américains exploitant à bas prix les mines à ciel ouvert d’exporter massivement sur le marché mondial.

Dans une situation aussi complexe, il est essentiel de fixer un prix du carbone de manière que les entreprises puissent faire leurs investissements dans les filières sans carbone en toute sécurité.

Rétrospectivement, l’accumulation d’émissions de CO2 dans l’atmosphère est le résultat de l’absence de prix donné au carbone. Un tel prix est tout à fait justifié sur le plan économique selon le principe dit de la prise en compte des externalités ou du « pollueur-payeur ».

Actuellement, seules 12% des émissions mondiales de CO2 sont couvertes par un dispositif de prix du carbone, mécanisme de marché et impôt.

Parmi les instruments développés par l’Union européenne pour atteindre ses objectifs climatiques, le principal a été à partir de 2005 la mise en place du système européen d’échange de quotas d’émissions, le SEQE, qui a permis de mettre en place une limitation des émissions pour les secteurs économiques les plus concernés, avec une régulation par le marché.

Ce dispositif a été critiqué car il n’est pas complet, d’autant que l’inclusion d’une composante carbone dans la directive européenne sur la taxation de l’énergie n’a pas abouti, et car il a échoué à donner au carbone un prix significatif. Celui-ci est de l’ordre de 5 euros la tonne de CO2 (6 euros le 9 mai) alors que comme le rappelle l’ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie, M. Claude Mandil dans une tribune publiée dans Le Monde le 7 mai, les attentes initiales se situaient aux alentours de 50 euros la tonne.

Pour être exhaustif, il faut rappeler que dans le cadre de la mise en œuvre du cadre énergie-climat 2030, l’Union européenne prévoit à l’horizon 2030 que toutes les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne seront couvertes par un dispositif carbone, y compris celles du secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la forêt (UTCATF), ce qui n’était pas le cas dans le paquet énergie-climat 2020.

La principale conséquence de l’absence de prix crédible du carbone donnant aux investisseurs le signal nécessaire pour réduire les investissements dans les technologies carbonées, est que les énergies renouvelables doivent continuer à être subventionnées, car c’est sur elles qu’a porté la totalité de l’effort de réduction des émissions.

Lors de la dernière conférence environnementale, le 25 avril dernier, le président de la République, M. François Hollande, a indiqué qu’il souhaitait un prix minimum pour le carbone sur le marché. C’est une mesure qui a été unanimement saluée. Le Royaume-Uni a introduit en 2013 un dispositif similaire de prix plancher.

C’est le complément de la taxe carbone mise en place par notre pays, sous la forme de la contribution énergie climat, assise sur les produits énergétiques carbonés, et qui après avoir été fixée à 7 euros la tonne de CO2 en 2014, 14,5 en 2015 et 22 euros cette année. Elle est prévue pour être portée à 30,5 euros la tonne l’année prochaine. La loi de finances rectificative pour 2015 prévoit la prolongation de la trajectoire de la composante carbone, pour atteindre l’objectif de 56 euros par tonne de CO2 en 2020 fixé par la loi de transition énergétique.

Actuellement, 18 pays sont recensés comme ayant une taxe carbone.

Pour ce qui concerne son niveau, l’exemple de la Suède, qui a introduit une telle taxe dès 1991, montre que l’économie peut supporter des niveaux très élevés puisque son taux y était de l’ordre de 125 euros dès 2014, avec cependant des taux réduits pour les secteurs exposés à la concurrence internationale, et qui ne sont pas dans le SEQE.

Il n’y a donc pas d’obstacle à une généralisation des mécanismes économiques de maîtrise des émissions, mécanismes de marché ou taxation.

L’absence de mention du prix du carbone dans l’accord de Paris ne constitue pas un obstacle, car c’est la conséquence de l’objectif partagé d’une limitation des hausses de températures terrestres.

Elle est même un élément de souplesse appréciable puisque c’est à chaque pays de mettre en place son propre dispositif, marché ou taxation.

De même, il est encore prématuré d’envisager un prix unique du carbone dans le monde. Les différences économiques, notamment les différences de pouvoir d’achat, sont trop fortes.

Néanmoins, à terme, le prix mondial du carbone devrait au moins partiellement converger. Le premier élément de convergence va être l’interconnexion des marchés de quotas d’émission, qui n’a été pour l’instant qu’amorcée entre certains États américains et le Canada.

Le deuxième va être la question de la concurrence internationale. Les pays qui ne prendront pas les mesures nécessaires à la protection du climat courront le risque d’être désignés comme non coopératifs en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, car cherchant à capter chez eux les activités émettrices et organisant ainsi les fuites de carbone.

En toute logique d’ailleurs, et comme il semble que les règles de l’OMC le permettent, les pays ayant mis en place des mécanismes de marché ou des taxations devraient mettre en place des mécanismes d’inclusion carbone, de taxation compensatrice aux frontières, de manière à éviter les fuites de carbone vers les pays qui ne sont pas en mesure de prévoir de tels dispositifs.

La troisième question est celle de l’amélioration des modalités de fonctionnement des marchés du carbone dont le prix d’équilibre est insuffisant pour donner les signaux nécessaires. C’est le problème structurel du SEQE. Il tient d’ailleurs à ce que les baisses d’émissions ont déjà atteint, à raison de 21 %, le niveau de réduction anticipé pour 2020 seulement.

C’est le résultat d’une insuffisance de pilotage du marché, qui devrait pouvoir intervenir plus fréquemment que dans le cadre des réformes des directives européennes. Idéalement, les quotas d’émission feraient l’objet d’une instance de régulation intervenant fréquemment pour octroyer ou au contraire reprendre des quotas d’émission en fonction d’un niveau cible. Avec la baisse prévisible des émissions, les marchés du carbone devraient être structurellement orientés à la baisse et seul un pilotage très fin permettrait de conserver les cours au niveau souhaitable.

Comme le montre une étude de l’ADEME de mars 2016 et intitulée Signal prix du CO2 : Analyse de son impact sur le système électrique européen, définir un objectif de prix du CO2 est indispensable, car celui-ci commande les deux facteurs essentiels de la transition énergétique.

D’abord, il commande la hiérarchie de prix des centrales thermiques de production d’électricité. Le gaz ne devient compétitif par rapport au charbon de manière pérenne qu’à compter de 50 euros la tonne, ce qui correspond au niveau d’ailleurs mentionné par M. Claude Mandil, ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie. C’est essentiel puisque le gaz émet deux fois moins que le charbon. En outre, les centrales thermiques sont actuellement les plus adaptées, après l’hydroélectricité, pour compenser les intermittences de l’énergie renouvelable, éolienne et solaire. Ce sont donc les centrales au gaz qui sont les plus recommandées pour fournir les mécanismes dits de capacité intervenant en appoint aux périodes de pointe.

Ensuite, plus le prix du CO2 est élevé, plus la rentabilité des énergies renouvelables, éoliens et solaire, est garantie, ce qui rend inutile le versement de subventions. Elle l’est toujours pour un prix de CO2 extrême de 100 euros la tonne, selon l’étude précitée de l’ADEME, mais certaines installations sont compétitives à moins.

Pour être exhaustif, il faut cependant signaler que de plus en plus, en particulier dans les pays en développement, les équipements solaires et éoliens sont compétitifs, en raison notamment de la baisse significative du prix des panneaux solaires intervenue au cours des dernières années.

Enfin, il faut relever que le faible niveau actuel des cours des combustibles fossiles recommande de mettre en place des mécanismes de prix du CO2.

D’une part, ceux-ci peuvent intervenir sans mettre en cause l’équilibre économique des utilisateurs. Les baisses de prix du pétrole et du gaz depuis 2014 n’ont pas été prévues, et ainsi représentent parfois pour leurs bénéficiaires un effet d’aubaine dont il n’est pas illégitime de prélever une fraction pour la défense du climat.

Ensuite, cette baisse des sources d’énergies carbonées masque la baisse des coûts de production intervenue depuis plusieurs années sur le solaire, et donc envoie sur le marché un très mauvais signal, clairement contreproductif.

Le transport aérien contribue à hauteur de 2,5 % des émissions mondiales de CO2 et le transport maritime à raison de 2,2 %. Mais, surtout, leurs rejets augmentent deux fois plus vite que ceux de la moyenne mondiale.

Il convient donc de prévoir pour eux, ce que l’accord de Paris n’a pas été en mesure de faire, des mécanismes de limitation des émissions.

Les avancées sont réelles mais insuffisantes car encore trop peu précises, pour l’aviation. Un projet d’accord est en cours au sein de l’organisation aviation civile internationale (OACI), pour avancer sur les normes. Comme l’a indiqué lors de son audition le 6 avril Mme Laurence Tubiana, « c’est une bataille industrielle, elle est rude ». Par ailleurs, il s’agit d’intégrer le transport aérien dans les marchés carbone. La situation évolue. A l’occasion d’une réunion qui se tient cette semaine à Montréal, un mécanisme de compensation des émissions de CO2 serait adopté, malgré l’opposition de certains pays. La Chine aurait – chose importante – donné des signaux quant à sa volonté de s’engager. Le mécanisme serait entériné en octobre à l’assemblée générale de l’OACI.

Sur le transport maritime, la partie est plus difficile notamment en raison de l’importance des Etats qui se sont spécialisés dans les pavillons dits de complaisance. Il faut faire un important travail de conviction auparavant. S’agissant des carburants, il existe des nouveaux carburants et il faut compter aussi sur les énergies renouvelables.

Un premier pas intéressant a été fait en avril avec la mise en place d’un système obligatoire de collecte des données. De même, un groupe de travail chargé de réfléchir à la contribution du secteur maritime à la réduction des émissions globales de gaz à effet de serre a été créé au sein de l’organisation.

Avec plus de 3 % du PIB pour la recherche et de développement, la Suède est l’un des premiers pays de l’OCDE en la matière et sa réussite en matière énergétique est notamment due à la recherche dans ce secteur.

Depuis plusieurs années, deux éléments sont identifiés comme critiques pour la réussite de la transition énergétique.

Le premier concerne les énergies renouvelables, qui pâtissent de ce qu’elles produisent l’électricité par intermittence, et de manière au moins partiellement déconnectée avec les besoins. La solution serait de pouvoir stocker l’électricité produite en excédent pendant les périodes de pics de production et plus généralement lorsque la production excède les besoins, et de pouvoir ensuite l’utiliser pendant les périodes inverses où la production est inférieure à la consommation.

En l’état, les solutions de stockage par batterie s’améliorent, et certaines sont même commercialisées, mais aucune batterie n’est aisée à produire à un coût abordable et de manière pérenne. En effet, les techniques actuelles reposent notamment sur le recours aux métaux rares ou critiques, comme le lithium, ce qui laisse augurer dans le futur des pénuries et des augmentations de prix très élevées qui ne seront pas que d’origine spéculative.

Il convient clairement dans ce domaine de poursuivre la recherche.

Tel est aussi le cas pour la capture et la séquestration du CO2 qui est la seule solution à relativement court terme pour conserver le recours au charbon sans risquer d’épuiser prématurément le budget carbone qui reste à la terre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 11 mai 2016 à 16h30.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je remercie notre rapporteur qui dans un délai très court a su mener des auditions et rédiger un rapport très précis.

Le Gouvernement a souhaité une ratification dans des conditions particulièrement rapides, et il est fondé à le faire, pour trois raisons.

D’abord, la France s’est fortement engagée pour parvenir à cet accord dont elle est le premier signataire. Il convient qu’elle soit le premier pays à le ratifier, si l’on excepte les 15 pays dont les procédures constitutionnelles ont permis le dépôt de l’instrument de ratification le jour même où l’accord a été ouvert à la signature.

Ensuite, la clause d’entrée en vigueur de l’accord exige la ratification de 55 pays représentant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Si dès avant la fin de l’année, la Chine, les États-Unis, et les vingt-huit États membres de l’Union européenne, soit 31 signataires qui totalisent environ 50% des émissions mondiales, ratifient l’accord de Paris, son entrée en vigueur sera acquise. Il est très important que les plus gros émetteurs de carbone soient parmi les premiers à ratifier cet accord.

Enfin, l’urgence climatique recommande une ratification rapide. Il convient de faire sans délai le nécessaire pour que la transition énergétique avance au niveau mondial. Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre, dans 25 ans, nous aurons dépassé l’objectif des 2 degrés de réchauffement.

Si l’accord entre en vigueur en 2020, il convient néanmoins de prendre d’ores et déjà des mesures pour avancer sur la voie de la décarbonation de notre économie bien avant cette échéance, et la ratification de l’accord est un test de la volonté politique des États à se montrer à la hauteur de l’enjeu.

M. Noël Mamère. Merci Madame la Présidente, et merci à notre collègue pour la qualité du rapport qu’il vient de présenter. Il faut évidemment ratifier cet accord. Je constate d’ailleurs que nous sommes quatre pour discuter d’un projet qui engage l’avenir de l’humanité, ce qui doit nous inquiéter sur la mobilisation des responsables politiques de par le monde pour parler d’engagements contraignants en matière de lutte contre le réchauffement climatique, dont nous connaissons les conséquences économiques, écologiques et sociales.

Pourquoi parler d’engagements contraignants ? Parce que cette COP21 n’a justement pas abouti à un engagement contraignant. Souvenons-nous des discussions sans fin sur « shall » et « should ». C’est « should » qui a été retenu, et non pas « shall ».

S’il n’y a pas d’accord contraignant, il faudra miser sur la volonté politique. Certains pays loin d’être démocratiques, comme la Chine, sont confrontés à des problèmes d’environnement tels qu’ils ne se posent plus aujourd’hui des questions d’environnement ou de santé publique, mais des questions d’ordre social, avec des soulèvements dans certaines parties du pays. Paradoxalement, les démocrates, qui réclament une transition par les voies de la démocratie, sont finalement beaucoup plus faibles que ceux qui ont aujourd’hui des régimes autoritaires pouvant appliquer une forme d’écototalitarisme. Nous avons vu, par exemple, comment nous avons évité des conséquences dramatiques de Tchernobyl, lorsque le régime soviétique a envoyé des milliers de mineurs pour cimenter le socle de cette centrale nucléaire, provoquant des milliers de morts qui se seraient bien dispensés d’être envoyés de force dans cet endroit.

Il n’y a rien dans la COP21 sur la question des énergies fossiles, principalement à la demande de l’Arabie saoudite et du Canada de Harper. On voit bien les conséquences de cette voracité de nos sociétés modernes ou qui se disent telles à Fort McMurray, dans l’Alberta, qui n’était qu’un petit poste dans la Taïga, dans la forêt boréale, qui est devenu la capitale des sables bitumineux, ce qui a entraîné une énorme consommation d’eau, la déforestation de la forêt boréale, la production d’énormément de déchets toxiques que l’on entrepose dans des lacs, sans même parler des conséquences pour les peuples premiers qui vivent à ces latitudes très élevées. Cet incendie majeur n’est ni un fait divers, ni un phénomène naturel. Il est lié à un type d’extraction d’énergie fossile dont on ne voudrait pas se passer. Fort McMurray sera le Prypiat du réchauffement climatique. La ville de Prypiat a été évacuée et plus personne n’y reviendra après la catastrophe de Tchernobyl. On peut dire qu’il se passera à peu près la même chose à Fort McMurray. Il faut aussi rappeler que la température moyenne dans l’Alberta au printemps 2016 était de 30 °, alors qu’elle est normalement de 15° en cette saison. C’est sans doute l’effet d’El Niño, mais c’est aussi l’effet du réchauffement climatique, puisque l’extraction des gaz de schiste et des sables bitumineux conduit au réchauffement climatique.

Pourquoi parler de la forêt boréale ? Parce que la question de l’Arctique et de l’Antarctique n’a pas été évoquée lors de la COP21. Nous avons beaucoup tardé en France à mettre en place ce que l’on appelle la feuille de route. Le rapport que nous avons rédigé avec mon collègue Hervé Gaymard sur les effets du réchauffement climatique sur l’Arctique et l’Antarctique montre que ce sont des régions extrêmement sensibles et que l’effet du réchauffement climatique y est multiplié par deux ou trois. C’est donc un excellent baromètre, si je puis m’exprimer ainsi, des effets du réchauffement climatique.

Je regrette, comme beaucoup, ou comme trop peu de gens, que l’on ait procédé à la prorogation de l’état d’urgence, qui a empêché que la société civile participe activement à la COP21. Or, nous savons qu’on ne changera pas le climat par le haut mais avec les peuples, et que les organisations non gouvernementales qui se mobilisent de par le monde – un effet positif de la mondialisation – n’ont finalement pas pu accéder à cette COP21 et y faire non pas des contre-propositions, mais des propositions alternatives telles que celles formulées en France par des organisations telles qu’Alternatiba, France Nature Environnement ou la Fondation Nicolas Hulot.

On peut sans doute se féliciter de ce que la France soit l’un des premiers pays à ratifier l’accord de la COP21. Nous avons enfin obtenu de Mme la Ministre de l’écologie hier, parce que nous lui avons posé la question, qu’EDF, que l’État détient à 82 %, cesse d’importer des gaz de schiste dans son gaz liquéfié. L’engagement a été pris devant la représentation nationale que ces 40 % de gaz de schistes seraient supprimés. Nous savons que le gaz de schiste est un acteur du réchauffement climatique. Lorsque la France se présente comme le pays de l’excellence écologique, il y a donc très loin de la coupe aux lèvres. La France est très en retard en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, pas simplement par rapport à l’Allemagne ou à l’Espagne, mais par rapport à des pays que l’on considère comme de mauvais élèves. La loi sur la transition énergétique n’est qu’un chiffon de papier depuis que le Gouvernement a décidé de reporter à 2019, c’est-à-dire aux gouvernements qui suivront, la question du nucléaire. Et quand on voit l’acharnement du ministre de l’Économie et d’EDF à vouloir continuer à exporter des centrales nucléaires dans des pays qui n’en veulent plus, comme par exemple la Chine, on se dit que tout cet argent dépensé serait mieux investi dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

Voilà pourquoi je doute de la sincérité de la France dans son engagement pour lutter contre les effets du réchauffement climatique. Je souhaitais formuler ces observations devant vous pour qu’elles soient notées au nom des Écologistes. Bien évidemment, nous accorderons le bénéfice de la bonne foi, plutôt que celui du doute, à ce gouvernement qui nous demande de ratifier cette COP21, car il faut le faire, et nous savons qu’il y a encore un long chemin à parcourir.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci cher collègue. Compte-tenu de votre engagement ancien et réitéré sur ce sujet, je vous ai laissé parler longtemps.

M. André Schneider. Merci Madame la présidente. Je voudrais avant toute chose féliciter le rapporteur. Ayant l’habitude de travailler avec lui ici, ainsi qu’à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je ne suis pas surpris par la qualité de son propos. On ne peut être que sensible également à ceux tenus par Noël Mamère, qui a raison de dire que nous aimerions que cela aille plus vite. Mais il ne faut pas toujours regarder le verre comme à moitié vide quand il est aussi à moitié plein. Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement transmis l’idée que cet accord est une avancée, bien qu’elle en appelle bien sûr beaucoup d’autres.

Je voudrais ajouter un élément : les migrations de populations que nous connaissons aujourd’hui ne sont rien à côté des migrations climatiques qui nous attendent si la sagesse ne triomphe pas dans le monde.

La géopolitique mondiale change beaucoup : j’entends encore de mes propres oreilles Madame Merkel il y a dix ans s’opposer à l’énergie nucléaire et s’engager pour une réduction de la pollution, alors qu’elle soutient aujourd’hui l’exploitation du charbon et du gaz de schiste.

Il y a beaucoup de choses à faire et je suis sensible au fait que des engagements ont été pris par des pays tels que la Chine et les États-Unis. Mais vont-ils ratifier l’accord ? Je ne pourrai absolument le croire que lorsque j’aurai vu la signature. Dans tous les cas, je me félicite que cet accord soit signé. J’ai pu constater, notamment auprès des chefs d’États africains que j’ai vus, une grande émotion devant cette volonté commune. Monsieur le rapporteur, je pense qu’à l’unanimité nous serons derrière vous pour soutenir ce rapport d’une grande qualité.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Merci cher collègue. Je redis à quel point votre rapport était à la fois important, intéressant et percutant. J’espère qu’il recevra une approbation unanime de cette commission.

M. Philippe Gomes. Merci, Madame la présidente et Monsieur le rapporteur. Je voudrais dire un mot pour situer la place particulière des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, ainsi que la Nouvelle-Calédonie par son Titre XIII dans le cadre de l’application de l’accord résultant de la COP 21. Plusieurs possibilités s’offrent à nous.

La première est d’être exclus du champ d’application de l’accord de Paris. C’est ce qui avait été fait concernant le protocole de Kyoto en 1997 : une déclaration interprétative avait été déposée à l’ONU de façon à exclure certaines collectivités ultramarines françaises, dont la Nouvelle-Calédonie.

La deuxième possibilité est d’accepter d’être dans le champ de l’accord de Paris. Dans cette hypothèse, deux démarches sont susceptibles d’être mises en œuvre. La première est d’être intégrée dans la bulle européenne, ce qui nous soumettrait à l’ensemble des objectifs en termes de réduction qui ont été définis, mais qui n’apporterait pas aux collectivités concernées la flexibilité dont elles pourraient avoir besoin par rapport à leurs propres objectifs de réduction des émissions. La deuxième hypothèse, qui est à mon avis la plus probable et la plus pertinente, est que la France dépose une contribution spécifique pour la réduction des émissions des collectivités de l’article 74 et de la Nouvelle-Calédonie. Si tel est le cas, il faudrait d’ailleurs que la contribution s’applique à l’ensemble des collectivités et non à une seule, même si chacune d’entre elles pourra définir ses propres objectifs de réduction de ses émissions. Je crois que c’est le dispositif le plus pertinent, qui permet d’adapter l’esprit et les objectifs de l’accord de Paris à chacune des collectivités ultramarines. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie, en ce qui me concerne, délibérera sur le sujet dans les prochains jours pour exprimer son avis sur la question. Sans préjuger de la décision finale, c’est en tout état de cause le chemin qu’il est susceptible de prendre pour faire en sorte que l’accord de Paris soit également applicable à notre île. Je rappelle que nos contraintes sont particulières : il y a en Nouvelle-Calédonie trois usines métallurgiques, lesquelles sont susceptibles de représenter une production de 180 000 tonnes de nickel, soit près de 10% de la production mondiale, qui sont alimentée par une centrale électrique pour la première, au charbon pour la deuxième, et au fuel lourd pour la troisième. En tant que gros contributeur de gaz à effet de serre à l’échelle de la planète et de la zone Pacifique en particulier, nous aurons des efforts particuliers à mener pour faire en sorte que dans les décennies à venir, notre position se rapproche des objectifs d’intérêt général qui ont été rappelés par le rapporteur et qui sont les objectifs fixés par l’accord de Paris. Merci Madame la présidente.

Mme Odile Saugues, présidente. Je voudrais vous féliciter, monsieur le rapporteur, pour votre enthousiasme et votre optimisme. Dans ma famille politique, j’ai fait preuve d’un certain pessimisme concernant cette COP21. Malgré la différence de nos points de vue, due sans doute à notre différence d’âge, je voudrais cependant y croire et vous m’y encouragez. Je vous remercie. Vous avez la parole monsieur le rapporteur.

M. Pierre-Yves Le Borgn'. Je vous remercie madame la présidente. Je répondrai d’abord à Noël Mamère qui a été le premier à prendre la parole.

Vous dites que l’accord n’est pas contraignant, ce qui est vrai, pour une partie. Néanmoins, certains aspects peuvent l’être. Nous étions comme « dans une seringue » au Bourget, avec notamment un obstacle qui n’est pas sans rappeler les difficultés de Kyoto, qui est la question de la ratification américaine. En fonction de ce que l’on écrivait ou pas dans l’accord, on se retrouvait ou non dans le champ d’un executive order, lequel est le choix retenu par l’administration Obama pour ne pas passer par le cadre d’une ratification sénatoriale classique, dont le résultat serait malheureusement prévisible. Tout l’exercice des négociateurs et rédacteurs a consisté par conséquent à trouver mot par mot les éléments permettant au président des États-Unis de rendre possible une entrée en vigueur de l’accord sans passer par le Sénat et de traiter les points difficiles, c’est-à-dire les intérêts et conditions de tous les États. En ce sens, Laurent Fabius nous a rappelé récemment, devant notre commission, la discussion sur les termes « shall » et « should », un moment rédactionnel déterminant car l’un désigne l’obligation de résultats et l’autre obligation de moyens.

Je crois profondément que l’absence même de mécanisme de sanctions n’est pas si conséquente, dès lors que cet exercice a lieu au vu et au su de la communauté internationale et s’inscrit dans un exercice de transparence. La société civile, et notamment les ONG, ont une capacité de « rameuter » les peuples dans une pratique de name and shame, ce qui vaut toutes les sanctions.

Les énergies fossiles ne sont effectivement pas mentionnées sur demande de plusieurs pays comme l’Arabie saoudite et le Canada. Je précise que c’était le Canada de M. Harper et non pas de M. Trudeau. Laurent Fabius a rappelé qu’il est très difficile pour un certain nombre d’États, qui dépendent à 95% des hydrocarbures, de consentir des efforts sur ce sujet. Je ne défends bien évidemment pas ces États, mais je crois que chacun a fait un bout du chemin, y compris ces pays-là. Il faut en prendre acte et s’en réjouir. Néanmoins, ce qui se passe dans l’Alberta depuis une semaine est révélateur de tous les désastres que l’exploitation des gaz de schiste et des sables bitumineux peut provoquer. C’est un drame.

Il y a peu de choses sur les Pôles dans l’accord. Néanmoins, il y a de multiples références à l’Antarctique là où il est question de l’évolution du réchauffement de la planète. Longtemps, nous avons considéré que son rôle était neutre, en réalité tel n’est pas le cas. La fonte des glaciers en Antarctique est réelle et rapide, et alimente d’autant plus la remontée du niveau des mers.

Il est possible que l’état d’urgence ait limité la présence des ONG. J’ai veillé, lors des auditions que j’ai conduites, à rencontrer un grand nombre d’ONG et à m’inspirer de leur point de vue sur ce qui s’était passé au Bourget. Mais je les ai également sollicitées sur les relations qu’elles avaient pu avoir les unes avec les autres, notamment celles qui n’ont pas pu être présentes. J’ai eu un bon retour sur la conférence de la part de la Fondation Nicolas Hulot, de France Nature Environnement et du WWF, notamment en ce qui concerne l’application de l’accord, y compris dans notre propre pays.

Lors de la dernière audition, ce matin, M. Jean-Pascal van Ypersele, ancien vice-président du GIEC, pointait la pertinence d’un investissement dans l’efficacité énergétique, notamment en raison de l’écart qui existe entre l’investissement dans l’efficacité énergétique, d’une part, et celui dans les énergies renouvelables, d’autre part. Il serait utile de le faire revenir devant la commission pour présenter son point de vue, car il a pris part à toutes les COP depuis le Sommet de la Terre, pour partager avec nous son recul et ses analyses.

S’agissant de la question d’André Schneider, c’est vrai que nous avons l’habitude de travailler ensemble, notamment au Conseil de l’Europe. En effet, il y a des avancées majeures et c’est pour cela qu’il faut rapidement ratifier cet accord. J’ai relevé la phrase d’André Schneider sur le fait que les migrations climatiques qui nous attendent sont sans commune mesure avec les migrations auxquelles on fait face aujourd’hui. C’est parfaitement vrai. Hier, j’ai rencontré Jean-Louis Borloo, au titre de la fondation Énergie pour l’Afrique. L’un des éléments les plus marquants lors son intervention était le fait que l’électrification de l’Afrique permettrait de fixer les gens sur ce continent. Il est important aujourd’hui d’électrifier les villages, les lieux de vies comme les écoles, ou encore les lieux de soins. Je crois également que c’est l’un des thèmes majeurs de l’application vigilante de l’accord de Paris. J’espère que nous aurons l’occasion d’échanger encore avec Jean-Louis Borloo dans ce cadre.

Un thème que je n’ai pas abordé dans mon propos liminaire, est la position de l’Allemagne, et du reste de l’Europe. Il est évident que la ratification rapide, que nous mettons en place en France, devrait inciter les vingt-sept autres membres de l’Union européenne (UE). L’objectif étant que tous ces pays ratifient l’accord avant la COP22 à Marrakech et que nous déposions ensemble nos instruments de ratification pour associer l’UE. Dans l’accord, il y a des compétences qui relèvent de l’UE.

Que fera la Chine ? Je me tiens aux informations qui m’ont été transmises, selon lesquelles la Chine devrait ratifier l’accord avant le G20. Si la Chine y parvient, ce serait un grand signal politique, mais aussi économique.

Je remercie Philippe Gomes pour la question sur la Nouvelle-Calédonie. Il a rappelé le choix qui avait été fait pour ce territoire lors de la conférence de Kyoto, c’est-à-dire d’être en-dehors, et la possibilité aujourd’hui d’être dedans, ce que je préfère. Dans ce cas, elle peut être soit dans la « bulle » avec l’ensemble des objectifs et contraintes du cadre européen, soit dans un cadre sui generis avec une contribution spécifique, déposée par la France, pour les collectivités territoriales couvertes par l’article 74 et le Titre XIII de la Constitution. Si telle est la manière la plus aisée pour faire contribuer la Nouvelle-Calédonie à l’effort international, et en même temps qui fasse valoir la spécificité industrielle de ce territoire, je pense qu’il est nécessaire d’aller vers ce cadre. Je suivrai avec attention le débat et le vote du Congrès de la Nouvelle-Calédonie dans les prochains jours.

Enfin, si j’ai pu communiquer de l’enthousiasme, j’espère du moins que je n’en ai pas fait trop, car cela reste un sujet très sérieux et rempli d’incertitudes. Néanmoins, je suis heureux du vent d’optimisme que j’ai pu transmettre. Je crois qu’effectivement, au regard du résultat de la conférence de Paris, qu’une nouvelle méthode en matière de relations internationales est apparue. Celle-ci veut que les chefs d’États et de gouvernements viennent au début de la conférence et non pas à la fin, comme c’était le cas à Copenhague. Concrètement, il y a un message adressé pour l’ensemble des acteurs de la vie civile, les ONG notamment, qui ont joué un rôle majeur, et les industries, qui détiennent les clés pour réussir la transition énergétique. Derrière le combat pour la planète, il y aussi une volonté de développer une économie décarbonée, inclusive et qui crée des emplois, notamment là il y en a peu, comme en Afrique. Je vous remercie.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte à l’unanimité le projet de loi (n° 3719) sans modification.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

– M. Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables (28 avril 2016)

– M. Jean-Baptiste Poncelet, coordinateur climat de France nature environnement (FNE) et M. Pierre Canet, Responsable de Programme Climat, Énergie et Infrastructures durables du WWF (28 avril 2016)

– M. Daniel Lebègue, ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, président de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (28 avril 2016)

– MM. Andreas Jung et Frank Schwabe, députés au Bundestag, rapporteurs sur l’accord de Paris (entretien téléphonique du 28 avril 2016)

– M. Philippe Jurgensen, ancien directeur général de la Caisse française de développement, auteur de L'Économie verte, éditions Odile Jacob, février 200 (3 mai 2016)

– Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section Environnement du Conseil économique, social et environnemental, et M. Jean Jouzel, directeur de recherhe émérite, climatologue, vice-président du conseil scientifique du GIEC, membre du conseil économique, social et environnemental (3 mai 2016)

– M. Denis Voisin, fondation Nicolas Hulot (3 mai 2016)

– M. Jean-Louis Borloo, ancien ministre, président de la fondation Énergies pour l’Afrique (10 mai 2016)

– S.E. M. Philippe Lacoste, Ambassadeur, chargée des relations internationales pour le climat, chef de l’équipe COP, et M. Stéphane Crouzat, conseiller diplomatique, au cabinet de Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat (10 mai 2016)

– M. Jean-Pascal Van Ypersele de Strihou, professeur de climatologie et de sciences de l'environnement à l’Université catholique de Louvain, membre du Centre de recherche sur la Terre et le climat Georges Lemaître, ancien vice-président du GIEC (11 mai 2016)

Par ailleurs, le rapporteur a reçu des contributions du Medef, ainsi que du Forum européen sur les énergies renouvelables European Renewable Energy Forum ( EREF), de la Fondation européenne pour le climat European Climate Foundation (ECF) et du parti allemand des Grünen.

ANNEXE N° 2 :
COMPTE-RENDUS DES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La présidente Élisabeth Guigou. Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, quatre commissions sont réunies cet après-midi pour vous accueillir : la commission des affaires étrangères, la commission du développement durable, la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes.

Nous vous renouvelons nos félicitations pour le résultat absolument remarquable de la Conférence de Paris. Personne n’aurait osé parier sur un aussi beau succès : le secrétaire général de l’ONU a qualifié l’accord de Paris d’« ambitieux et équilibré », les États ayant accepté de dépasser leurs stricts intérêts nationaux. Il a salué une grande réussite de l’humanité.

J’adresse également nos remerciements et nos félicitations à Mme Laurence Tubiana, qui a joué un rôle important, et que vous venez de nommer championne pour le climat.

Monsieur le ministre, il ne serait sans doute pas inutile de rappeler les grandes lignes de cet accord. C’est un accord différencié et solidaire – 100 milliards de dollars par an doivent être versés aux pays du Sud. Bien sûr, certaines interrogations ou critiques ont été émises, par exemple à propos de l’insuffisance des engagements actuels concernant le niveau des émissions ou de l’absence de dispositions sur une tarification du carbone. Vous nous direz s’il sera possible de revenir sur ces points.

Je souligne l’importance de l’Agenda des solutions, qui mobilise la société civile, et dont l’application sera fondamentale pour réussir celle de l’accord de Paris.

Car il faut maintenant passer à la phase suivante. L’accord sera signé le 22 avril 2016 à New York, puis ouvert à la ratification. Pour la France, nous croyons savoir que le projet de loi de ratification devrait être examiné en conseil des ministres dès le 4 mai : pouvez-vous nous le confirmer ?

Je rappelle brièvement d’autres grandes échéances. D’abord la conférence de Marrakech, du 7 au 18 novembre 2016 puisque le Maroc prendra le relais de la France quand votre présidence s’achèvera. Un groupe de travail sur l’Accord de Paris doit tenir sa première réunion à Bonn du 16 au 26 mai. Enfin, le Forum politique de haut niveau se tiendra à New York du 11 au 20 juillet, afin de préparer la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable, et la conférence Habitat III aura lieu à Quito, la ville durable constituant l’une des clefs de la transition énergétique.

Tout ce que vous pourrez nous dire sur les dispositifs que vous avez prévus en tant que président de la COP – fonction que vous occuperez jusqu’au moment où vous passerez le relais au Maroc, à l’automne prochain – nous intéressera naturellement.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Mesdames les présidentes, messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, je vous prie par avance de m’excuser : je devrai vous quitter peu après dix-huit heures, car je reçois un prix, décerné par des journalistes, celui du « ministre de l’année » – justement en raison de mon action lors de la COP21. Or lorsque j’ai été désigné « parlementaire de l’année », j’ai été très sensible à la récompense, naturellement, mais c’était la seule année où je n’avais pas pris la parole à l’Assemblée nationale ! Mon absence n’étant pas toujours remarquée, il faut donc absolument que j’assiste à la remise de ce prix. (Rires.)

Je suis très heureux de venir vous présenter ici les grandes lignes de l’accord du 12 décembre, mais aussi les étapes à venir, car vous connaissez assez ce sujet pour ne pas vous contenter de généralités.

Nous avons eu le bonheur d’aboutir à un accord. La diplomatie et le multilatéralisme peuvent donc, sous certaines conditions, obtenir d’importants résultats : c’est plutôt encourageant pour les thèses que défend traditionnellement la France. Ce succès a eu aussi, me semble-t-il, un puissant écho dans l’opinion, dans de nombreux milieux ; il faut maintenant transformer l’essai.

J’avais déjà fait le point devant vos commissions sur les enjeux de la COP21. Un rapport d’information parlementaire, déposé quelques jours avant le début de la conférence proprement dite, avait également décrit ces enjeux de façon très complète. Nous avions tous, je crois, à peu près la même idée de ce que serait un bon accord à Paris, et des critères qui permettraient d’en juger.

Avec le recul, et sans triomphalisme déplacé, nous pouvons dire que cet accord est une réussite. C’était d’ailleurs ce défi que nous avions à relever : je ne croyais pas pour ma part à un échec, car les volontés d’obtenir un accord étaient bien là. Mais quel type d’accord ? C’était toute la question. Or nous n’avons pas obtenu un accord au rabais, mais bien l’accord le plus exigeant que nous pouvions espérer : c’est là notre véritable succès, au-delà du fait que 195 pays se sont engagés.

Cet accord est universel ; il n’y a pas d’opposition, puisque la règle est celle du consensus. Il faut souligner qu’il est accompagné de 187 INDC (Intended Nationally Determined Contributions), ce qui, pour le coup, va très au-delà de nos attentes ! Au moment où, au Pérou, mon collègue Manuel Pulgar Vidal et moi-même avions précisé ce que seraient ces contributions nationales, nous en attendions peut-être quatre-vingts ou cent… Cela signifie que, dans 186 pays sur 195, le Gouvernement – et, souvent, la société – s’est demandé quelle était sa vision en matière d’énergie, de gaz à effet de serre, quels étaient les objectifs à fixer et quels moyens l’on pouvait se donner pour les atteindre. Qu’une telle démarche soit engagée, c’est très positif.

Si ces contributions sont mises en œuvre – et tout est fait pour qu’elles le soient –, leur effet cumulé nous éloignera à tout le moins du pire, c’est-à-dire de la hausse des températures de 4, voire 5 degrés que prédisait le Groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) si aucune action n’était menée.

La trajectoire climatique, compte tenu de ces contributions, est celle d’un réchauffement de l’ordre de 3 degrés en 2100. Tout le travail effectué à partir des engagements de l’Accord de Paris vise à corriger cette courbe pour aller vers un réchauffement de 2, voire de 1,5 degré – l’ajout de ce chiffre ayant été l’un des grands enjeux de cette COP, et la rédaction de ce dernier objectif étant, vous l’avez remarqué, différente.

Lorsque j’évoque « l’accord », je fais d’ailleurs aussi bien référence aux 29 articles de l’accord qu’aux 140 paragraphes de la décision. Il faut lire ces deux textes ensemble – même si, je vous le concède, ce n’est pas du Flaubert. J’insiste sur un point qui fut très difficile à obtenir : la neutralité des émissions de gaz à effet de serre dans la seconde moitié du siècle. Vous imaginez qu’un pays dont 95 % des ressources viennent du pétrole n’est pas spontanément enclin à approuver une clause condamnant à terme les énergies fossiles ! Pour que tous les pays puissent tomber d’accord, il a donc fallu trouver, sans artifice, une rédaction qui permettait une inflexion sans obliger à cesser du jour au lendemain l’exploitation d’énergies fossiles.

L’accord est également dynamique – c’est un point qui avait été évoqué lors de mon audition précédente. Un mécanisme de revue quinquennale des engagements a été prévu, avec un premier rendez-vous fixé en 2023, mais aussi un bilan des efforts dès 2018. C’est un point crucial, car mon sentiment personnel est que le dérèglement climatique ira encore plus vite que ce qui est dit aujourd’hui ; les actions contre le dérèglement climatique devront donc être elles aussi plus rapides que ce qui est dit. Ainsi, les efforts de la France, comme d’autres pays aussi allants, pourront mener à une inflexion, et à la révision à la hausse de nombreux engagements, avant même 2023.

En ce qui concerne le suivi des engagements, un cadre de transparence est mis en place ; il faudra le préciser cette année. Nous allons devoir travailler sur le reporting, sur le financement : si l’Accord de Paris était une loi, je dirais qu’il faut maintenant prendre les décrets d’application.

L’accord est, autant qu’il était possible, juridiquement contraignant, de façon différente selon les phases. Il est généralement considéré, y compris par les ONG, qui n’ont pas l’habitude d’être particulièrement élogieuses, comme un accord juste. En particulier, la notion de différenciation est déclinée partout et les pays riches doivent être solidaires envers les pays les plus vulnérables : c’est la fameuse affaire des 100 milliards. Il est répété que cette somme doit être atteinte en 2020, mais qu’il faudra fixer avant 2025 un nouvel objectif, qui sera nécessairement plus élevé.

Plus largement, la COP21 a permis de rallier à la cause climatique un nombre exceptionnel d’acteurs non gouvernementaux. Beaucoup d’entre vous sont venus au Bourget, ont pu participer à de nombreux débats et événements. À la fin de l’année 2015, plus de 5 000 villes, régions, entreprises et ONG, issues de 180 pays, avaient pris des engagements précis – ce nombre a dû encore augmenter depuis. C’est évidemment quelque chose qu’il faut suivre de très près, et ce sera l’une des tâches de Mme Tubiana. Car si les gouvernements peuvent prendre des mesures qui freinent ou au contraire qui accentuent, la pollution, ce ne sont pas eux qui polluent directement ! Les émissions de gaz à effet de serre sont surtout le fait des collectivités locales – qui peuvent adopter des politiques plus ou moins vertueuses en matière de transport, de logement… – comme des entreprises et des particuliers. Il est donc crucial que les acteurs non gouvernementaux, que la société civile en général, s’engagent. C’est ce que nous avons appelé le Plan d’action Lima-Paris. Ces engagements sont résumés sur le portail NAZCA (Zone des acteurs non-étatiques pour l’action pour le climat).

D’autres projets plus généraux ont été lancés à l’occasion de la COP21. L’un d’eux concerne l’accès à l’énergie en Afrique : la France, très directement concernée, devra être extrêmement active. Un autre, qui a été rappelé lors de la visite du Président de la République en Inde, concerne l’énergie solaire : l’Alliance solaire internationale. Un autre encore, notamment franco-américain, soutenu par Bill Gates et d’autres milliardaires, vise à développer la recherche et l’investissement dans le secteur des technologies propres. La solution, nous en sommes persuadés, viendra de sauts technologiques. Pour cela, il faut investir, et mettre en place des partenariats entre le public et le privé.

Plus ponctuellement, l’initiative CREWS vise à mettre en place des systèmes d’alerte précoce lors de catastrophes climatiques, comme des typhons. Nous allons également instaurer un mécanisme d’assurance, en particulier pour les petites îles et les territoires inondables.

Il n’y a dans l’accord qu’une toute petite mention – mais j’ai beaucoup insisté pour qu’elle y figure – de la tarification du carbone, qui est l’un des points principaux pour le futur.

L’Accord de Paris est le premier accord environnemental à vocation universelle qui fait explicitement référence au nécessaire respect des droits de l’homme. Ce point a été très disputé, mais nous avons finalement trouvé une formulation acceptée par tous.

Je veux saluer ici le rôle joué par le Parlement dans la mobilisation en faveur du climat, en France comme auprès des parlementaires du monde entier. De nombreuses réunions se sont tenues à l’étranger, puis en France en marge de la COP21. Plusieurs d’entre vous ont participé à celles du comité de pilotage que j’ai organisées chaque mois, et qui ont rassemblé les administrations concernées, des scientifiques, des parlementaires… L’Union interparlementaire (UIP) a également beaucoup travaillé. C’est peut-être la première fois que le volet parlementaire était aussi étoffé.

Il reste, vous l’avez dit, madame la présidente, beaucoup de travail. L’année 2016 devra être celle des « quatre P ».

Il y aura d’abord le processus de signature et de ratification. Cela vous concerne, en tant que parlementaires, tout particulièrement. Pour que l’accord entre en vigueur, il doit être ratifié par au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre. La signature est en effet prévue à New York le 22 avril ; quant à la ratification, je l’espère la plus rapide et la plus large possible. Je souligne que, pour que l’Union européenne ratifie l’accord, tous les pays membres devront l’avoir ratifié : cela ne sera donc pas très rapide. Mais la France, qui a été à l’avant-garde des négociations, doit être exemplaire – même si nous rencontrons des problèmes spécifiques, juridiques, pour ce qui concerne l’outre-mer. Notre objectif est que la ratification soit acquise avant les vacances parlementaires d’été, ce qui aura un effet d’entraînement auprès de nos partenaires d’Europe et du monde.

La décision qui accompagne l’accord prévoit que le président en exercice, ainsi que son successeur, désigneront chacun un « champion », chargé essentiellement du suivi de la mise en œuvre. C’est une demande qui a été formulée par l’Alliance des petits États insulaires (Alliance of Small Island States, AOSIS). En effet, on peut toujours signer des accords, mais encore faut-il qu’ils soient appliqués.

Notre première championne sera donc Mme Tubiana, dont les fonctions dureront jusqu’à la COP22 de Marrakech, en novembre de cette année. Elle travaillera avec le champion ou la championne que désigneront les Marocains, qui sera, lui, nommé pour deux années – de notre côté, comme nous lançons le processus, nous n’avons qu’un an.

Les ministères concernés ont aussi une lourde tâche devant eux.

Je saisis d’ailleurs cette occasion de vous remercier des moyens budgétaires que vous nous avez alloués pour l’organisation de la COP21. Je rends ici hommage à M. Pierre-Henri Guignard et à son équipe, dont le travail a été formidable. Nous tiendrons notre budget, et je crois même que nous serons un peu en deçà.

Le deuxième P, ce sont les précisions qui doivent être apportées à l’accord de Paris. Il faut maintenant entrer dans les détails, en définissant précisément ce que nous comprenons, par exemple, dans les financements des pays riches en faveur du climat. J’ai également fait allusion tout à l’heure à la revue quinquennale des engagements nationaux et au mécanisme de transparence : là encore, il faudra en préciser les modalités. Cela promet des débats qui ne seront pas nécessairement faciles.

Mon rôle en tant que président de la COP21 – ce qui n’est pas la même chose, on l’a bien compris, que la présidence de la délégation française – est de veiller au bon déroulement de ces négociations.

Le troisième P renvoie à la période pré-2020 : elle sera cruciale. L’accord n’entrera certes en vigueur qu’en 2020, mais nous souhaiterions que certaines mesures soient prises avant cette date. Si nous voulons être efficaces en 2020, il nous faut nous préparer bien en avance : ce sera la tâche du ministère de l’écologie, des champions, de tous.

Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé à augmenter nos financements, en lien avec la réforme, que vous allez bientôt examiner, qui vise à rapprocher l’Agence française de développement (AFD) de la Caisse des Dépôts (CDC).

Le dernier P, c’est la préparation de la COP22, qui aura lieu à Marrakech en novembre 2016. C’est un gros travail, que nous allons mener avec nos amis marocains, comme nos amis péruviens nous ont beaucoup aidés à préparer la COP21. Tout cela se fera en coordination avec la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), organisme permanent chargé de tous les aspects juridiques, qui siège à Bonn.

Deux domaines économiques importants ne sont pas compris dans l’Accord de Paris, ni dans la décision : le transport maritime et le transport aérien. Ce dernier relève de la compétence de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui doit conclure d’ici à septembre 2016 un accord sur la régulation des émissions. Mme Ségolène Royal et moi-même avons demandé à nos services d’être très en pointe sur ces sujets : cela représente des niveaux d’émission non négligeables, et appelés à se développer. Il faut donc veiller à ce que ce sujet soit traité. Quant au transport maritime, il revient à l’Organisation maritime internationale (OMI) d’engager des travaux similaires.

Ce sont là des travaux parallèles à la COP proprement dite ; mais, si nous voulons être efficaces, il faut éviter les trous dans la raquette.

Bien sûr, toutes les félicitations adressées à notre pays et à sa capacité d’organiser un tel événement nous ont fait très plaisir. J’y ai été très sensible ; j’ai reçu des lettres officielles et des lettres très émouvantes – ces deux ensembles ne coïncidant pas toujours. C’est un lieu commun de dire que nous engageons là l’avenir de nos enfants, mais c’est vrai. Cet accord représente un espoir : dans un monde dangereux, incertain, où la politique est souvent rejetée, nous avons montré tous ensemble – et grâce à vous, parlementaires, en particulier – que nous pouvions faire des progrès pour nous et nos enfants, que nous pouvions nous entendre pour que la planète reste vivable.

Cet accord ne concerne pas seulement le climat ; la sécurité alimentaire, les migrations, la guerre et la paix sont aussi en jeu. Chacun ici est convaincu que si nous ne contrôlions pas le dérèglement climatique, nous vivrions des explosions, des conflits effrayants.

L’Accord de Paris est un succès. Nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers : continuons d’être très actifs. Je sais que vous le serez, et vous pouvez compter sur le Gouvernement français pour l’être également.

La présidente Danielle Auroi. Merci, monsieur le ministre, de ce tableau plein d’espoir. Il nous reste en effet à transformer l’essai ! En particulier, il nous faut clarifier le calendrier. Nous ne réussirons pas non plus à enrayer le dérèglement climatique sans préserver la biodiversité ; or il a été extrêmement difficile de faire ratifier le protocole de Nagoya. La lutte contre la biopiraterie est pourtant essentielle : est-elle prise en charge dans le cadre de la COP ?

Vous avez évoqué l’Inde. Les Indiens nous ont bien dit qu’ils attendaient de nous, Occidentaux, qui avons été historiquement les plus grands pollueurs, que nous soyons tout à fait exemplaires. La France, je crois, est prête à l’être. Mais l’Union européenne doit être à mon sens le fer de lance de la lutte contre le changement climatique. Une Union européenne de l’énergie ne peut qu’être positive, et que plus contraignante que ce qui est aujourd’hui proposé. Il faut aussi établir une solidarité avec les pays du Sud, en particulier avec l’Afrique.

En ce sens, quel est votre regard sur la taxe sur les transactions financières, qui va bientôt, enfin, exister ? Quel rôle pourrait-elle jouer pour abonder le Fonds vert, par exemple ? L’Union européenne pourrait, par ce biais, démontrer dès 2018 toute l’importance qu’elle attache à la lutte contre le changement climatique.

M. Jean Grellier, président. Je commence par vous prier d’excuser Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, qui ne peut assister à cette réunion.

Merci, monsieur le ministre, de votre exposé. Nous vous avions déjà félicité pour ces beaux résultats lors de votre récente audition par la commission des affaires économiques.

Le Président de la République a appelé les pays volontaires à former une coalition pour établir un prix du carbone – enjeu essentiel, après la COP21 – et à créer un système financier pour le climat. Vous l’avez dit, des engagements ont été pris sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que sur une contribution financière destinée aux pays les plus vulnérables.

Ces engagements peuvent avoir des effets significatifs pour l’activité économique de notre pays – pour ses filières industrielles, mais aussi pour son agriculture, pour le secteur de la construction… De quelle manière le Gouvernement et les pouvoirs publics en général anticipent-ils ces mutations inévitables, dans un contexte où la concurrence internationale est exacerbée, et touche presque tous les acteurs importants de notre économie ?

Le président Jean-Paul Chanteguet. Nous entendons maintenant les orateurs des groupes, en commençant par le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Bouillon. « Manier des couleurs et des lignes, n’est-ce pas une vraie diplomatie ? Car la vraie difficulté, c’est justement d’accorder tout cela » écrivait Raoul Dufy. Monsieur le ministre, vous avez réussi le tour de force d’accorder 195 pays, maintenant signataires de l’Accord de Paris. Il y avait la couleur de l’urgence, celle des changements climatiques, devenus incontestables, et dont les effets frappent déjà des territoires et des populations. Quant aux lignes, vous les avez fait bouger : pendant plus d’un an, vous avez déployé la puissance diplomatique de la France, ne ménageant ni vos efforts, ni votre énergie, avalant les kilomètres, rétrécissant les nuits de sommeil et tirant les enseignements des échecs passés, identifiant les freins, les obstacles et construisant les leviers nécessaires pour aboutir à cet accord historique.

Comme un peintre impressionniste, vous avez agi par petites touches pour faire apparaître aux yeux de tous un tableau qui non seulement corresponde à nos attentes, mais soit surtout à la hauteur des enjeux. Cet accord, vous l’avez rappelé, est universel, ambitieux, différencié, contraignant et dynamique.

Pouvez-vous nous dire ce qui, au cours de la COP21, a permis le basculement vers un accord ? Nous connaissons bien la dramaturgie qui entoure ces grands rendez-vous internationaux. Qu’est-ce qui a permis d’entraîner tous les pays de la planète, et de contourner les plus grandes réticences ?

Quant à l’avenir, l’agenda que vous avez décrit est bien fourni. De nouveaux grands rendez-vous succéderont à la conférence de Paris : la COP21 était un tournant historique, mais ce n’était pas un aboutissement. Concrètement, l’engagement des États pourrait-il être remis en cause ? Vous avez rappelé le rôle déterminant des collectivités territoriales et des entreprises, et le caractère innovant de leurs démarches lors de la COP21. Le rôle des opinions publiques est également essentiel : face aux conséquences du dérèglement climatique, les populations ne vont-elles pas faire utilement pression sur leurs gouvernements ? Je pense notamment à la question de la pollution de l’air dans les grandes aires urbaines.

À vos quatre P, monsieur le ministre, on pourrait en ajouter un cinquième : le P de « paix » car, vous l’avez bien montré, le lien est étroit entre les enjeux climatiques et les enjeux géopolitiques. Ne pourrions-nous pas nous inspirer de la méthode mise en œuvre lors de la COP21 pour régler d’autres problèmes diplomatiques de par le monde ?

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, merci de cet exposé. Au nom du groupe Les Républicains, j’apprécie que vous ayez rappelé le cap ambitieux que représente l’accord. Mais, à nos yeux, l’Accord de Paris ne sera vraiment un succès que si les engagements des signataires se traduisent concrètement.

Nous voudrions également rappeler que la France souhaitait un accord contraignant ; ce point a fait l’objet de longues discussions en amont de la conférence elle-même, et d’interventions du Président de la République et du Gouvernement. Or nous considérons, à ce stade, qu’il ne l’est ni sur les contributions financières, ni sur le contrôle, ni sur d’éventuelles sanctions. Monsieur le ministre, vous avez à plusieurs reprises pris la précaution de commencer vos phrases par « si », et je vous en remercie. Je relis le texte : l’accord « ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation ». Cet accord n’est donc pas juridiquement contraignant.

Vous avez fait preuve de transparence, monsieur le ministre, en précisant que l’addition des contributions nationales mènerait à une élévation des températures de 3,5 degrés – alors même que l’accord affiche une ambition d’élévation de 1,5 degré seulement. L’accord, au moment même de sa signature, prévoit pour cette raison des révisions régulières ; mais celles-ci se font sur la base du volontariat. Pourtant, certains territoires, y compris en France, dans des zones de montagne que je connais bien, connaissent déjà des hausses des températures de 2 degrés.

L’accord vise à plafonner les émissions de gaz à effet de serre « dans les meilleurs délais » : là encore, ce n’est pas vraiment une contrainte.

S’agissant de l’aide internationale et des fameux 100 milliards, de même, l’accord stipule que les États devront continuer de « fournir ce type d’appui, à titre volontaire ». Encore une fois, seuls les États volontaires agiront.

Enfin, nous regrettons qu’aucune harmonisation du prix du carbone ne soit envisagée. C’est là un enjeu essentiel ; il n’y a pourtant là ni ambition, ni accord.

Nous souhaitons bien évidemment la réussite de l’Accord de Paris. Mais, à ce stade, je me devais de rappeler ces motifs d’inquiétude.

M. Denis Baupin. Je suis heureux d’intervenir après mon collègue du groupe Les Républicains : pour ma part, comme écologiste, je n’ai jamais pensé que l’environnement, ça commençait à bien faire ; je salue donc le succès de l’Accord de Paris, monsieur le ministre. Je me souviens avec émotion du moment où vous avez annoncé la réussite du sommet.

On peut évidemment voir le verre à moitié vide, et dresser la liste de tout ce qui reste à faire. Cette liste est longue, c’est vrai ; nous en sommes tous conscients ; et cet accord n’est pas assez contraignant juridiquement.

Mais cet accord est d’abord politique : c’est le basculement des consciences qui compte. Ce jour-là, les États ont décidé qu’il fallait lutter contre le dérèglement climatique, et c’est cet engagement fort qu’il faut retenir.

C’est d’autant plus important que ce basculement se fait en même temps que le passage des vieilles énergies aux nouvelles énergies : les coûts des premières ne cessent d’augmenter, quand ceux des secondes ne cessent de diminuer. Beaucoup d’investisseurs, aujourd’hui, s’intéressent aux énergies résilientes à moyen terme, et donc aux énergies renouvelables.

Toutes ces évolutions coïncident, et ce qui s’est passé à Paris sera à cet égard très important pour l’avenir. Vous avez rappelé toutes les initiatives parallèles à la conférence du Bourget, notamment celle de l’Alliance solaire internationale. Nous pouvons donc concevoir beaucoup d’espoirs.

S’agissant de l’accompagnement financier, comment accélérer le désinvestissement des énergies fossiles et l’investissement dans les énergies renouvelables ? L’article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte que nous avons votée pose les bases d’une prise en considération de l’empreinte carbone par les investisseurs institutionnels. Comment faire pour que de tels dispositifs puissent, d’ici à la COP22, s’étendre à d’autres pays ?

J’avais par ailleurs évoqué avec vous la mise en place d’un dispositif de « prix positif » du carbone, plus facile à mettre en place qu’un prix universel. Ce point figure maintenant dans l’accord : comment imaginer que, d’ici à la COP22, des mécanismes concrets voient le jour ?

Enfin, le Président de la République avait annoncé que la France prendrait, au sein de la Coalition pour une haute ambition, des initiatives pour renforcer les efforts en faveur du climat. Quelles seront les traductions concrètes de cette ambition dans l’année qui vient ?

M. Arnaud Richard. Merci, monsieur le ministre, de ces propos très complets. Je vais essayer de ne pas être redondant.

Au nom du groupe UDI, je souhaite d’abord vous demander de préciser l’état des discussions autour du plan – urgent – d’accès à l’électricité et à la lumière pour le continent africain, qui a été récemment présenté à l’Assemblée nationale par M. Roger Nkodo Dang. Comment l’accord trouvé sous votre présidence permettra-t-il de soutenir les grands projets de développement ? Ce sont des populations entières qui pourraient alors vivre dans de bonnes conditions dans leur pays d’origine, au lieu d’être contraintes à l’exil.

L’accord de Paris ne prévoit pas d’outils clef en main pour drainer les investissements et les financements indispensables pour réussir la transition énergétique. Il n’en pose pas moins des jalons essentiels pour stimuler la création de nouveaux instruments financiers. À cet égard, où en sont les négociations européennes sur la taxe sur les transactions financières ?

Enfin, au niveau européen, la France entend-elle œuvrer en faveur de l’instauration d’un prix plancher du carbone, afin de pallier les difficultés rencontrées par le système d’échange des quotas européens, ou encore de l’augmentation de la composante carbone des taxes sur les énergies fossiles ?

M. André Chassaigne. Lors de la législature précédente, j’avais participé, en tant que membre de la commission du développement durable, aux Conférences des Parties de Copenhague en 2009 et de Durban en 2011. Nous étions revenus assez dépités, avec l’impression d’avoir assisté à un jeu de rôles où chacun venait faire des promesses et montrer ses muscles… et à la fin duquel rien ne s’était conclu. Le groupe GDR ne boude donc pas son plaisir : cet accord universel est une étape importante.

Bien sûr, on ne peut que constater que beaucoup reste à faire. On estime à 350 à 450 milliards de dollars par an les besoins des pays les plus en difficulté. L’accord mentionne une somme de 100 milliards de dollars par an. Mais il est, vous l’avez dit, dynamique. Pouvez-vous préciser la différence entre ces 100 milliards et le Fonds vert, qui doit à la fois financer à la fois des mesures d’adaptation au changement climatique et des mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Comment s’articulent-ils ? Quelle chance avons-nous de voir ces engagements financiers se traduire concrètement ? Comment seront réparties les dépenses du Fonds vert ?

Le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons aux questions des députés.

Mme Delphine Batho. Il ne faut pas bouder notre plaisir. Il y a des jours où l’on peut s’écrier « Vive la France ! » Et je veux saluer, monsieur le ministre, cher Laurent Fabius, la façon magistrale dont vous avez conduit ce processus. Tous ceux qui ont un jour eu en charge des négociations internationales sur le climat en connaissent la complexité ; ils savent que la moindre anicroche peut tout faire échouer. Vous avez su être à l’écoute des différentes parties, tout en restant très ferme sur nos exigences, et assez directif dans le déroulement des travaux. Cela a permis ce résultat, qui n’est pas un accord au rabais – même s’il est scientifiquement insuffisant, puisque les scientifiques soulignent que bien des choses vont se jouer entre maintenant et 2020, puis entre 2020 et 2025. Vous avez évoqué le dérèglement climatique en cours de façon très lucide ; mais le sens de l’Accord de Paris, au-delà même de son caractère historique, est bien de dire que tout n’est pas perdu.

L’élan ne doit pas retomber. Comme certains de mes collègues, je voudrais revenir sur la question du prix du carbone. Le paragraphe 137 de la décision est faible, c’est vrai, alors même que la baisse du prix du pétrole entraîne une perte de rentabilité de tous les projets qui visent à lutter contre le réchauffement climatique. Mais cette situation est aussi une occasion historique d’introduire un prix du carbone sans entamer le pouvoir d’achat ni déséquilibrer nos économies.

Le Président de la République a appelé de ses vœux la création d’un groupe de pays volontaires. Comment pouvons-nous avancer concrètement sur ce front ?

Quelles leçons tirez-vous de la COP21 en matière de multilatéralisme ? Nous sommes nombreux à critiquer le processus de négociation du TAFTA (Trans Atlantic Free Trade agreement) ou TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), à la fois parce que ces négociations marquent un abandon du multilatéralisme et parce que nous nous inquiétons de leurs conséquences sur l’environnement.

M. Yannick Favennec. Le 12 décembre dernier, les gouvernements de 195 États du monde ont conclu un accord historique pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais cet accord n’entrera en vigueur qu’en 2020. À l’issue de la COP21, le Président de la République a proposé aux pays volontaires d’aller plus vite et de revoir leurs engagements avant cette date. Sachant que le calendrier d’application de l’accord est déjà arrêté, quelles initiatives envisagez-vous afin d’accélérer les choses, monsieur le ministre ?

Chaque pays, selon ses capacités et ses moyens, va devoir fournir régulièrement un inventaire de ses émissions de gaz à effet de serre, ainsi que des informations permettant de mesurer les progrès qu’il aura accomplis dans le cadre de son engagement national. Mais comment s’assurer que ces engagements seront respectés ? Qui s’en chargera ? Et par quels moyens vérifier la fiabilité des chiffres donnés ?

M. Joaquim Pueyo. La COP21 a indéniablement été une réussite. Elle a permis de fixer deux objectifs majeurs : d’abord, contenir l’augmentation des températures ; ensuite, allouer au climat 100 milliards de dollars par an. La volonté d’instaurer un mécanisme de révision me semble également essentielle.

Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, de ces résultats qui doivent beaucoup à votre détermination et à votre engagement total.

Si ce grand progrès a été salué par tous, certains de nos compatriotes craignent qu’il ne soit remis en cause par la mise en œuvre d’accords commerciaux, notamment le traité entre les États-Unis et l’Europe dont le douzième cycle de négociations aura lieu ce mois-ci. Je sais, pour faire partie du groupe de travail chargé du suivi des négociations, que votre secrétaire d’État est très investi dans ce dossier. Par ailleurs, la commission des affaires européennes m’a confié, ainsi qu’à Hervé Gaymard, une mission d’évaluation des accords de libre-échange.

Au-delà des bénéfices potentiels de ce type d’accords, il me paraît essentiel de tenir aussi compte de leurs conséquences économiques, sociales et environnementales. De ce point de vue, nous devons toujours garder à l’esprit les lignes rouges tracées par l’Assemblée nationale dans deux résolutions datant l’une de mars 2013, l’autre de mai 2014.

Les craintes exprimées par les associations locales et par les citoyens ont trait aux réglementations environnementales, à l’alimentation, aux circuits courts. D’une manière générale, il importe que les intérêts environnementaux en jeu dans la COP21, les engagements et les normes qui ont résulté soient bien pris en considération lors des négociations, afin que les efforts consentis depuis plus d’un an ne soient pas compromis.

Mme Brigitte Allain. La lutte contre le réchauffement climatique suppose un vaste déploiement des énergies renouvelables. Mais elle dépend aussi en grande partie de la capacité des sols à capter le carbone, alors que le secteur agro-alimentaire contribue à hauteur de 30 % aux émissions de gaz à effet de serre en France. Ainsi le ministre de l’agriculture a-t-il défendu lors de la COP21 l’idée qu’une augmentation de 4 ‰ par an des stocks de matière organique des sols suffirait à compenser l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Cette idée devrait encourager le Gouvernement à favoriser l’agroécologie.

J’insiste sur l’intérêt environnemental d’une telle démarche dans mon rapport d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires qui a débouché sur la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation, laquelle a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Notre code des marchés publics continue malheureusement d’y faire obstacle. Pourtant, ailleurs en Europe, la Vénétie a voté une loi régionale aux termes de laquelle 30 % des produits servis dans la restauration collective doivent être issus de la région et, en Allemagne, l’accord de coalition gouvernementale mentionne la relocalisation des marchés publics. Le Brésil, mais aussi de nombreux États américains, au nom du Buy American Act, introduisent 30 % de produits locaux dans la commande publique. Qu’est-ce qui nous empêche donc de faire de même en France ?

M. Guillaume Chevrollier. On ne peut que se féliciter de la COP21, qui a fixé un cap ambitieux. C’est bénéfique pour notre pays, son pays d’accueil, comme pour le monde. Car les conséquences du changement climatique sont nombreuses et multiformes, touchant la sécurité, les migrations, les équilibres géopolitiques.

Ces 187 pays qui s’engagent ou qui disent s’engager, c’est bien ; le faire, c’est mieux ! Du concret : voilà ce qu’attendent nos concitoyens – ici comme dans l’ensemble des politiques publiques, d’ailleurs. Nous, parlementaires, sommes chargés du contrôle. Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous en dire plus sur le contrôle de l’action des États en la matière, ainsi que sur le contrôle par les instances internationales de ceux – entreprises ou États – qui pratiquent le greenwashing, l’écologie de façade, mettant ainsi à mal la confiance que suscite ce type de réunions internationales ?

M. Jean-Jacques Cottel. À l’issue de la COP21, nous avons ressenti une forme de fierté et un espoir – lequel doit maintenant se concrétiser. Il me semble que l’on n’a pas suffisamment insisté sur la réussite de la conférence : on parle toujours de ce qui ne va pas, pas assez de ce qui va bien.

Néanmoins, nous avons encore de mauvais exemples sous les yeux. Je songe à celui qui a été cité cet après-midi lors des questions au Gouvernement, à la suite de la diffusion hier soir à la télévision d’une émission faisant état de l’abondance de pesticides dans notre pays et en Europe. Ma région, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et notamment le département du Pas-de-Calais, est très touchée par ces substances qui polluent l’air et dégradent nos sols, nos sous-sols et nos nappes phréatiques. Alors même que nous voudrions montrer la voie, cette situation est très inquiétante pour notre santé comme pour l’environnement.

Les tentatives de limiter le recours à ces pesticides se heurtent à des lobbies, notamment au niveau européen. Il faut absolument un gros effort de pédagogie et de prévention, mais aussi une réglementation et une harmonisation des règles entre pays frontaliers.

Comment trouver rapidement des solutions, sans doute contraignantes, à ce problème, pour une planète durable, et pour montrer l’exemple en France et en Europe ?

M. Yves Daniel. Le Plan d’action Lima-Paris, également appelé Agenda des solutions, avait pour but de renforcer l’action climatique entre la présidence péruvienne de la COP20, en 2014, et la présidence française de la COP21, en 2015, mais aussi au-delà de cette date.

Parmi les initiatives soutenues figure le programme d’adaptation de l’agriculture paysanne, lancé en 2012 par le Fonds international de développement agricole (FIDA) pour financer les initiatives des petits exploitants dans les domaines du climat et de l’environnement. Ce programme est indispensable : le changement climatique va poser problème aux 500 millions de petites exploitations agricoles en activité dans le monde, alors même que certaines d’entre elles, en Afrique subsaharienne et dans certaines parties de l’Asie, fournissent jusqu’à 80 % de l’alimentation.

À quel niveau la France est-elle engagée dans ce programme et quelles actions met-elle en œuvre dans ce cadre ?

M. Michel Vauzelle. Je tiens à vous remercier particulièrement, monsieur le ministre, de la victoire que la France vous doit en grande partie, dans un domaine essentiel ; il y va du renom de notre pays et de son influence dans le monde, au-delà même de l’objet de la conférence. Vous avez ainsi montré que l’on peut conduire une action forte sans cesser d’être un grand diplomate.

Vous seriez surpris que je ne vous interroge pas sur les suites de la MEDCOP qui s’est tenue à Marseille. C’est une étape importante dans la prise de conscience par les peuples du bassin méditerranéen, à un moment particulièrement violent de leur histoire, de leur communauté de destin en matière de climat. Où en est l’idée, qui avait été évoquée à Marseille et à Paris, d’une MEDCOP22 à Tanger ?

Le président Jean-Paul Chanteguet. L’accord entrera en vigueur lorsqu’il aura été ratifié par 55 pays représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Parmi ces 55 États, comment l’Union européenne sera-t-elle prise en compte ? C’est un point que nous avons évoqué lors de la dernière réunion du comité de pilotage.

La mission de Laurence Tubiana inclut-elle le suivi de la mise en œuvre de l’Agenda des solutions ? Celui-ci représente à mes yeux un véritable basculement de la gouvernance climatique onusienne et traduit la mobilisation de la société civile, des entreprises, des filières industrielles, mais aussi des collectivités locales et des territoires.

M. le ministre. Merci à toutes et à tous de vos questions. Je vais m’efforcer de répondre à l’ensemble ; je me tiens naturellement à votre disposition pour compléter ou préciser ultérieurement mes réponses si nécessaire.

Monsieur Chanteguet, lorsque l’Union Européenne et ses Etats membres déposeront conjointement leurs instruments de ratification, ils compteront pour 28. En revanche, une fois l’Accord entré en vigueur, ils compteront pour 29.

Madame Auroi, vous avez tout à fait raison d’établir un lien entre l’objet de la COP21 et la biodiversité. Il va falloir être très vigilant sur cette question. Le protocole de Nagoya, qui vise à combattre la biopiraterie, est désormais entré en vigueur. La France doit le ratifier très prochainement et le transcrire en droit national dans le cadre du projet de loi relatif à la biodiversité dont l’examen prendra fin dans quelques semaines.

Le président Jean-Paul Chanteguet. La deuxième lecture est prévue pour la mi-mars.

M. le ministre. Tous les pays n’en sont pas là ; il faudra donc que notre engagement fasse des émules.

Vous avez également parlé de l’Inde et, comme d’autres, de ce que l’Union européenne doit et peut faire. M. Bouillon, qui connaît mes péchés mignons, a évoqué la peinture, mais c’est plutôt à la sculpture que j’ai pensé lorsqu’il s’est agi d’agréger de grands blocs, ceux que forment les grands pollueurs, pour parvenir à un accord

D’abord la Chine, plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Tel était le sens de la déclaration commune franco-chinoise du début du mois de novembre. Dans cette affaire, la Chine a joué un rôle décisif et positif – sans entrer dans le détail d’anecdotes que seule l’histoire retiendra lorsqu’elles auront été publiées.

Ensuite, les États-Unis. M. Saddier a regretté que l’accord ne soit pas contraignant. Mais, si le texte devait passer devant le Congrès américain dans sa composition actuelle – dominée par ceux que l’on appelle là-bas « les républicains »… –, il serait blackboulé.

Il fallait aussi agréger à l’accord l’Union européenne – qui reste toutefois, quels que soient les reproches que l’on peut lui adresser, la plus allante de tous.

Enfin, il y avait l’Inde, un grand pays émetteur de gaz à effet de serre puisque le charbon représente plus de 40 % de sa production énergétique. Quand vous en parlez avec le Premier ministre Modi, lui-même très féru de nouvelles technologies et d’énergie solaire, il vous dit : « Cher monsieur, vous avez tout à fait raison ; mais moi, j’ai 400 millions de personnes à sortir de la pauvreté, et, pour le moment, notre seule source d’énergie utilisable et bon marché, c’est le charbon ! »

À ces grands blocs que nous devions agréger et orienter vers un accord ambitieux s’ajoutaient de plus petits éléments.

On m’objecte que le texte n’est pas suffisamment engageant, qu’il y manque tel ou tel aspect ; mais n’oublions jamais qu’il fallait obtenir l’accord de tous les pays du monde ! Nous, Français, avons sans doute d’excellentes idées, et nous sommes certainement plus avancés que beaucoup ; mais, pour parvenir à un accord universel, il ne faut pas tomber dans le travers de ceux qui goûtent « cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même », comme disait Paul Valéry. Lorsqu’un partenaire comme l’Inde, peuplée de 1,3 milliard d’habitants, trace une limite entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, on peut espérer la déplacer un peu – c’est l’objet de la diplomatie –, mais pas obtenir un virage à 180 degrés. Voilà pourquoi on a pu dire que cet accord était le meilleur possible ; il va au-delà de ce que nous avions imaginé, puisque le point moyen se situe dans la fourchette haute.

J’identifie les mêmes insuffisances que vous, et je pourrais en ajouter bien d’autres : je peux vous en parler puisque lorsqu’il s’est agi d’arbitrer, la dernière nuit, c’est moi qui l’ai fait. Mais, pour réussir, il fallait faire en sorte que personne n’ait à lever le doigt pour formuler une opposition.

L’Inde a elle aussi joué un rôle important et positif lors de la conférence. Vous avez d’ailleurs pu observer qu’elle a fait l’objet d’attentions particulières : c’est à Paris qu’a été lancée l’Alliance solaire internationale ; tous les participants ont reçu un livre de citations mondiales préfacé par le Président de la République et par le Premier ministre indien ; plus récemment, le Président de la République s’est rendu en Inde, et un suivi est assuré.

Quant à l’Union européenne, elle va naturellement devoir poursuivre la démarche entamée, en mettant en œuvre l’Europe de l’énergie et en assurant le suivi des engagements souscrits. Nous nous sommes engagés à réduire d’au moins 40 % nos émissions de gaz à effet de serre ; pourra-t-on aller plus loin ? Il faut en tout cas atteindre cet objectif. En outre, de nouveaux gouvernements sont apparus qui, pour parler le langage diplomatique, ne sont pas nécessairement les plus favorables à ce type d’accords ; il va falloir les entraîner pour que l’Union européenne conserve son rôle de leader.

Le président Schulz m’a aimablement invité à exposer les termes de l’accord devant l’ensemble des groupes du Parlement européen. En réponse à leurs félicitations, je leur ai dit en plaisantant que je reviendrais le lendemain, non seulement parce que c’était très agréable à entendre – et, d’après ce que j’ai compris, peu habituel – mais parce que les gouvernements, la Commission et le Parlement vont devoir avancer ensemble pour faire vivre cet accord. Car, je le répète, c’est l’Europe qui exerce sur les autres un effet d’entraînement.

J’en viens au prix du carbone. Il s’agit, nous en sommes tous convaincus, d’un point essentiel. Il n’est pourtant mentionné, je l’ai dit, que dans une petite ligne du paragraphe 137 de la décision, une ligne que je me suis battu pour faire ajouter. Pourquoi ? Voyons les choses en face. Certains gouvernements sont très favorables à la tarification du carbone, d’autres y sont extrêmement hostiles parce qu’elle renchérirait considérablement leur production et leur consommation de charbon. Cette mention est donc très brève, mais elle a le mérite d’exister.

Il était tout à fait illusoire de penser que l’on pourrait, dans un tel accord, fixer les termes mêmes de la tarification du carbone. D’abord parce que beaucoup de mécanismes différents sont possibles. À mon sens, le meilleur consiste à fixer une borne minimale et une borne maximale ; mais leur niveau est variable.

En 2017, la Chine – excusez du peu ! – va adopter une tarification nationale du carbone en vue de laquelle différentes valeurs sont actuellement expérimentées dans les régions. Le nouveau gouvernement du Canada a également décidé d’adopter un prix national du carbone. J’espère que l’Europe, laquelle s’est dotée d’un mécanisme qui n’a pas parfaitement fonctionné – pour des raisons sur lesquelles je n’ai pas le temps de revenir –, va aller dans le même sens. Voilà trois grandes zones qui disposeront de mécanismes différents dans leur principe et dans leur échelle. Notre amie Ségolène Royal a récemment fixé des montants. La démarche devra être généralisée, non seulement par décision gouvernementale, mais aussi – c’est le sens de l’alliance pour la tarification du carbone à laquelle le Président de la République a fait allusion – parce qu’elle sera popularisée dans les entreprises : c’est d’elles aussi que doit venir la pression en ce sens.

Comme vous, je considère que le prix du carbone est l’un des instruments les plus puissants dont nous disposions. Le mécanisme actuel est absurde : quand vous polluez, on vous donne des subventions et quand vous ne polluez pas, on vous taxe ! En France, nous essayons de modifier peu à peu la situation, par exemple en évitant de favoriser les énergies fossiles. Il faut avoir les chiffres en tête : ce sont 100 milliards de dollars par an que nous devons trouver ; actuellement, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les subventions aux énergies fossiles représentent chaque année 500 à 650 milliards. On pourrait croire qu’il suffirait de les leur retirer – ce serait meilleur pour le climat et la santé – pour en attribuer une partie au financement des politiques climatiques des pays en développement. Évidemment, ce n’est pas ainsi que cela se passe, car il n’existe aucune autorité universelle qui puisse donner des ordres au président américain ou au Premier ministre indien. Mais le bon sens, le souci de l’efficacité économique, de l’efficacité climatique, de la survie de l’humanité plaident pour une généralisation de la tarification du carbone. L’Europe et la France doivent y contribuer.

Pourquoi sommes-nous parvenus à obtenir un accord ? J’ai pu dire qu’il valait parfois mieux ne pas comprendre pourquoi on remportait un succès, plutôt que déployer des trésors d’intelligence pour expliquer un échec. Mais c’était une plaisanterie. En réalité, nous avons bénéficié de ce que j’ai coutume d’appeler un alignement favorable des planètes.

La première de ces planètes, c’est la nôtre : l’aggravation du dérèglement climatique a fait comprendre à tout le monde la nécessité d’agir. Plus les choses vont mal, plus les gouvernements et les peuples sont prêts à bouger. Or les choses vont mal : 2015 est l’année la plus chaude jamais enregistrée, et même si certains en Normandie pourraient se réjouir que cette belle région, dont je suis moi-même originaire, soit appelée à devenir une nouvelle Côte d’Azur et à produire du vin, on comprend assez vite qu’il ne s’agit pas d’un réchauffement, mais d’un dérèglement climatique qui peut absolument tout bouleverser.

La deuxième planète est la planète scientifique. À cet égard, les travaux du GIEC ont eu un effet considérable. Il y a seulement cinq ans, la première moitié d’une réunion comme celle-ci aurait été consacrée à la question de savoir si le phénomène était ou non une réalité, et la seconde à se demander si, dans l’affirmative, il était dû à l’homme. Aujourd’hui, ce débat est clos, sauf aux États-Unis – et çà ou là ailleurs. Car les scientifiques ont apporté, avec une grande précaution et une mesure dont témoignent les rapports du GIEC, la preuve irréfutable du phénomène et de la nécessité d’agir pour éviter une catastrophe absolue.

La troisième planète est sociétale : elle se compose des entreprises – dont beaucoup ont commencé à comprendre que l’on irait à la catastrophe si elles ne faisaient rien –, des organisations non gouvernementales (ONG), qui ont fait œuvre utile, de la société civile.

S’y ajoute la planète politico-diplomatique. La Chine a bougé. Il suffit d’aller à Pékin pour comprendre pourquoi : il n’est pas rare que les normes de pollution de l’air – qui, certes, ne mesurent pas les seules émissions de gaz à effet de serre – soient dix à quinze fois supérieures au maximum autorisé en France. À Paris, la circulation alternée est mise en œuvre lorsque la concentration de particules fines atteint 50 microgrammes par mètre cube ; celle-ci atteignait 450 lorsque j’étais à Pékin, et 600 lors de notre dernier déplacement en Inde ! Les gouvernements, qui sont installés dans les capitales, et les populations ne l’acceptent pas. Voilà pourquoi les Chinois, mais aussi les Américains et les Indiens, ont évolué. En outre, un travail diplomatique qui n’est pas de notre seul fait – les Allemands nous ont beaucoup aidés, comme bien d’autres – a visé à convaincre les pays réticents ou peu sensibles à ces problèmes.

C’est l’alignement de toutes ces planètes qui a permis le succès. Et la vie est ainsi faite que de petites décisions ont eu de grandes conséquences. Si Copenhague a échoué, c’est notamment parce qu’il était prévu que les leaders arriveraient à la fin et régleraient le problème. En réalité, ils sont venus, ils se sont enfermés deux jours ou deux nuits dans une salle et ils n’ont rien réglé du tout : c’était impossible, c’était trop compliqué. Ici, on a procédé à l’inverse. C’est une décision que j’ai proposé au Président de la République de prendre – c’est lui qui l’a prise, lui qui l’aurait assumée, pour l’essentiel, si elle n’avait pas donné des résultats satisfaisants. On a donc invité les chefs d’État et de gouvernement dès le début ; ces 154 personnes sont venues et ont dit en substance devant les ministres et les négociateurs : « Mesdames et messieurs, il faut conclure ! » Ce que j’ai pu par la suite rappeler à tel ou tel ministre ou négociateur qui m’adressait une objection sur tel ou tel passage. Nous ne pouvions le prévoir aussi précisément lorsque nous l’avons prise, mais cette petite décision a donc eu un effet considérable : l’impulsion politique était donnée.

Cela montre que, dans certaines circonstances, le multilatéralisme peut produire de grands résultats. Du reste, s’agissant de l’environnement, il eût été impossible de procéder autrement : les douaniers n’arrêtent pas la pollution, contrairement à ce que l’on a pu dire dans les années quatre-vingt ! Il faut donc un accord universel. Et comme on ne peut pas envoyer un gendarme pour arrêter un chef d’État qui n’aurait pas respecté les consignes universelles, il faut un engagement volontaire. L’année dernière, on a débattu, d’ailleurs brièvement, de la question de savoir si le système choisi était bon. Mais il n’y en avait pas d’autre !

En 2015, outre le dossier climatique qui attendait d’être bouclé depuis trente ans, on a conclu l’accord sur le nucléaire iranien, au bout de quinze ans – selon un autre format, le format « cinq plus un ». Nous avons donc eu deux occasions exceptionnelles, historiques, de mesurer combien le multilatéralisme peut être efficace, à certaines conditions – qu’il appartient à la diplomatie de favoriser.

J’ai été interrogé de manière récurrente sur l’application du texte. Il n’est pas question, je le répète, d’envoyer un gendarme pour obliger les dirigeants à respecter les accords qu’ils ont signés. Assurément, signer un engagement au nom d’un pays, ce n’est pas rien. Mais quels peuvent donc être les moyens de pression ou d’influence ?

D’abord, la pression des pairs. Ce qui a été conclu va être objectivé. Les gouvernements se sont engagés par le biais de leurs INDC, et ils vont les revoir. Je suis de ceux qui considèrent que les engagements souscrits au niveau international ne sont pas des chiffons de papier.

Ensuite, j’en suis convaincu, les populations elles-mêmes vont jouer un rôle croissant, ainsi que les organisations gouvernementales et non gouvernementales.

Troisièmement, de nouveaux moyens technologiques vont apparaître. Je n’ai pas mis cet aspect en avant lors de la COP, mais je sais que, d’ici deux ans, des satellites permettront de repérer précisément les émissions de gaz à effet de serre au-dessus de tel ou tel territoire. Personne ne pourra donc mentir sur ses émissions. Peut-être y aura-t-il des controverses sur leur origine ; mais la science, comme souvent, aura son mot à dire. En outre, nous allons assister à d’importants progrès technologiques. C’est l’un des éléments clés de l’évolution de la question climatique et des conditions économiques. Le prix du solaire et d’autres énergies renouvelables a déjà beaucoup baissé ; le coût agrégé du charbon, compte tenu des effets environnementaux, est aujourd’hui bien plus élevé.

Tout cela va devoir être codifié. Je l’ai dit, il va falloir travailler à la transparence – au reporting. Ce sont ces éléments qui pourront convaincre, et non je ne sais quelle sanction, qu’au demeurant les pays n’accepteraient pas : ils n’ont rien signé en ce sens.

Qu’est-ce qui pourrait remettre l’accord en cause ? D’abord, des décisions politiques. De ce point de vue, l’élection américaine est décisive. Sans me mêler de ce qui ne me regarde pas, j’ai entendu, à l’occasion de la campagne pour les primaires, certains candidats, non dépourvus de chances, nier la réalité du dérèglement climatique. Voilà pourquoi le président Obama – qui est, lui, très engagé à ce sujet – a obtenu que l’accord soit juridiquement contraignant s’agissant de toute une série de dispositions, mais qu’il ne soit pas obligatoirement soumis au Congrès.

D’où la fameuse discussion, dont vous avez peut-être eu connaissance par la presse, sur shall et should. À la fin de la conférence, après plusieurs nuits blanches, il y a eu une erreur matérielle, comme cela peut arriver dans un texte aussi long : au lieu d’employer le mot should – « devrait » –, le secrétariat a écrit shall, ce qui renvoie à une obligation de résultat et non de moyens. Et c’est cette version qui a été présentée. Voyant cela, les Américains ont fait valoir auprès de moi que le shall impliquait un passage devant le Congrès – passage dont on connaissait d’avance l’issue. J’ai interrogé le secrétariat, qui m’a dit : « Monsieur le président, c’est une erreur de plume » – ce qui était d’autant plus crédible que le should figurait bien dans les deux versions précédentes : il n’y avait aucun débat sur ce point. Mais la délégation des 77 – ainsi appelée parce qu’ils sont 134… – est venue me dire qu’elle ne pouvait accepter que l’on revienne sur shall. Vous vous souvenez qu’il y a eu quelques moments de battement à la fin de la conférence : ce n’était pas pour rien. J’ai déclaré aux responsables du groupe des 77 : « Écoutez, nous avons agi pour le moment en toute transparence, nous nous sommes fait confiance » – comme l’a dit Mme Batho, c’est le principe auquel nous nous étions conformés depuis le début ; « je vous assure, et j’en prends la responsabilité, qu’il ne s’agit absolument pas d’une manœuvre, mais d’une simple erreur de plume qui peut être corrigée en tant que telle » – sans quoi il aurait fallu recourir à un autre mécanisme. Fort heureusement, ils ont accepté cette modification. Et le Premier ministre des Îles Marshall, ayant suivi la négociation et voyant qu’elle se terminait bien, a proposé de débaptiser son État pour le rebaptiser Marshould ! (Rires.)

Abstraction faite de ces traits d’humour qui agrémentent une discussion parfois austère, on comprend bien l’enjeu. Le texte est contraignant sur certains points, non sur d’autres ; en outre, il fallait parvenir à un accord universel qui soit en même temps de haut niveau.

Monsieur Chassaigne, s’agissant des 100 milliards et du Fonds vert, il convient d’éviter une confusion à laquelle même les spécialistes n’échappent pas toujours. Premièrement, le montant minimal de 100 milliards de dollars par an en 2020 correspond à la fois aux contributions publiques, au sens budgétaire, aux contributions publiques au sens des banques multilatérales et aux contributions privées. Il ne s’agit pas de 100 milliards de contributions publiques budgétaires. Deuxièmement, au sein des contributions publiques budgétaires, le Fonds vert ne représente qu’une partie. Il est aujourd’hui doté de 10 milliards de dollars, dont un milliard vient de la France. On peut souhaiter, et nous le souhaitons, que ces sommes augmentent petit à petit. Mais il n’a jamais été décidé que les 100 milliards iraient au Fonds vert. On entend parfois des raccourcis qui ne correspondent absolument pas au texte.

Le conseil d’administration du Fonds vert a décidé que 50 % des sommes allouées seraient consacrées à l’adaptation et 50 % à l’atténuation, et qu’une part très importante irait aux petites îles et aux territoires en difficulté. Il a pris ses huit premières décisions et il va poursuivre sur cette voie. Mais soyons réalistes : pour le moment, le Fonds ne représente qu’une partie du financement total.

Le désinvestissement mentionné par M. Baupin est une affaire très importante. Il faut que les fonds publics soient alimentés, et la somme minimale de 100 milliards par an en 2020 sera réévaluée – à la hausse – avant 2025. Mais gardons-nous d’une erreur qui pourrait être motivée par l’idéologie : même si le volet public est décisif, l’essentiel doit venir d’une réorientation du financement privé. Les entreprises doivent absolument comprendre qu’elles doivent investir de moins en moins dans les énergies fossiles et de plus en plus dans les autres. Elles commencent d’ailleurs à le faire. Le fonds souverain norvégien, le plus important du monde, donne désormais l’instruction de se désinvestir des actions liées aux fossiles ; ce choix a une influence considérable. L’agence de notation Standard & Poor’s, qui n’est pas connue pour sa philanthropie, dégrade maintenant les entreprises ou les États exposés à ce qu’elle appelle un risque climatique, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas entrepris de se réorienter vers le renouvelable : c’est essentiel. Il faut encourager cette tendance. Car ce ne sont pas 100 ou 500 milliards de dollars qui sont en jeu, mais des milliers de milliards ! Et c’est ici que le prix du carbone intervient. Le gouverneur de la Banque centrale d’Angleterre, très versé dans ces matières, a estimé que la prochaine bulle financière pourrait venir du secteur des énergies fossiles si l’on constate que les investissements dont celui-ci a bénéficié ne sont pas appelés à prospérer, pour les raisons que l’on sait.

C’est ce changement qu’il faut favoriser dans le public comme dans le privé. La France doit montrer l’exemple ; elle l’a notamment fait en cessant de financer les centrales à charbon. L’Europe embraye, et les autres doivent faire de même.

S’agissant du traité transatlantique, dont j’ai confié le suivi à notre ami Matthias Fekl, il ne faut pas s’emballer. J’ai dit dès le début que l’on jugerait sur pièces. Mais, à ce jour, il n’y a pas d’accord. En ce qui concerne les marchés publics – c’est un autre sujet –, les Américains n’ont pour l’instant pas accepté d’ouvrir ceux des régions. Quant aux préférences collectives, nous ne sommes pas du tout au niveau où nous devrions être dans la négociation. Soyons clairs : si cela devait continuer ainsi, il n’y aurait pas d’accord. Bien entendu, lorsque nous regarderons les choses de plus près, nous examinerons l’aspect environnemental : on ne saurait prendre à la fois des décisions mondiales favorables à l’environnement et des décisions intercontinentales contraires.

L’initiative « 4 pour 1 000 » est très importante.

En ce qui concerne le contrôle, il sera exercé par l’intermédiaire de la pression internationale, par les parlements – vous avez évidemment un rôle à jouer, notamment au sein de l’UIP –, par les opinions publiques, par les scientifiques.

Mme Tubiana assurera notamment le suivi de la mise en œuvre de l’Agenda des solutions, car cela fait partie du rôle des champions et championnes, mais l’ensemble du Gouvernement y sera évidemment associé lui aussi.

L’organisation de la MEDCOP22 est inscrite à l’ordre du jour de la ministre marocaine de l’environnement. J’espère que sa charge actuelle de travail ne sera pas un obstacle, car c’est une très bonne initiative.

J’en viens au plan d’accès à l’électricité et à la lumière. L’initiative africaine est essentielle. Il s’agit d’un projet qui, sans coûter très cher ni être très compliqué, peut vraiment changer la vie dans de nombreux pays, tout en étant très bon pour nous : il est souhaitable à tous égards. C’est la Banque africaine de développement – dont le président est un homme très compétent – qui sera au cœur du mécanisme : elle regroupera les financements disponibles, venus de France ou d’ailleurs ; puis, en liaison avec les Égyptiens qui en étaient chargés jusqu’à présent avec elle, elle va faire concrètement le tour des initiatives, de manière à ce que, dès la fin de cette année, une série de pays puisse déjà utiliser l’énergie différemment. J’ai plusieurs exemples en tête : le Bénin et le Sénégal ont commencé, des projets sont en cours au Congo. Pour le Gouvernement français, pour la présidence française de la COP, il s’agit d’une priorité absolue. J’ai demandé en particulier à Mme Tubiana de suivre la mise en œuvre du plan ; mais je ne doute pas que l’ensemble du Gouvernement aura à cœur de le faire. Nous pouvons assurément espérer un grand succès.

Quant à la taxe sur les transactions financières, c’est en décembre qu’elle a été évoquée pour la dernière fois au Conseil ECOFIN ; un accord a été trouvé sur l’assiette, mais pas encore sur le taux ni sur un objectif financier précis. Le rendez-vous final est fixé au mois de juin 2016. Les ONG ont critiqué le fait que nous ne serions pas assez engagés ; la France est de bonne volonté, mais elle doit entraîner les pays concernés – tous ne le sont pas.

J’aimerais enfin dissiper une confusion. L’un de vous a estimé que le texte issu de la COP n’était pas contraignant, au motif qu’il ne permettait aucune demande d’indemnisation des préjudices. Il s’agit d’une affaire assez technique qui a trait aux pertes et préjudices (loss and damage). Jusqu’à présent, ceux-ci n’étaient pas reconnus, notamment en raison de l’opposition des Américains, alors que beaucoup de pays pauvres le demandaient. Nous avons obtenu qu’elles figurent dans le relevé de décisions de la COP – c’est le contexte de l’article 52. Mais les Américains ont refusé que les pertes et préjudices entraînent automatiquement la possibilité, pour un pays touché par le dérèglement climatique, de demander sur ce fondement des dommages et intérêts aux pays pollueurs. Cela a été accepté. Voilà pourquoi, si l’article 8 de l’Accord admet l’idée de pertes et préjudices, l’article 52 de la décision précise que cet article ne peut servir de fondement à des demandes d’indemnisation.

La présidente Élisabeth Guigou. Merci infiniment, monsieur le ministre. On voit que l’application de l’Accord de Paris est en d’excellentes mains, celles de celui qui l’a négocié !

M. le ministre. En tout cas, nous serons vigilants.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Chers Collègues, nous sommes heureux d’accueillir ce matin Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, pour une audition ouverte à la presse sur le bilan et les enjeux du suivi de la Conférence de Paris sur le climat.

L’accord de Paris va être signé et ouvert à la ratification le 22 avril prochain, à New York, aux Nations unies. Le Gouvernement souhaite aller vite pour maintenir la dynamique de la conférence de Paris. Le projet de loi de ratification sera soumis à l’Assemblée nationale dès le mois de mai et notre commission a déjà désigné son rapporteur, notre collègue Pierre-Yves Le Borgn’.

Ce dernier, qui est requis par le président de l’Assemblée nationale pour un important événement avec un vice-président du Bundestag, m’a prié d’excuser son absence. Il m’a cependant transmis des questions que je vous poserai en son nom.

Dans un calendrier aussi exigeant, s’il était une personne qu’il fallait entendre en toute priorité, c’était bien vous Madame l’ambassadrice.

Vous êtes la cheville ouvrière de l’accord de Paris et votre rôle a été salué unanimement à l’issue de la Conférence. Laurent Fabius nous en a présenté les grandes lignes le 3 février. C’est un accord universel, signé par 195 pays et accompagné de contributions engageant 187 pays. Celles-ci devraient permettre de limiter à 3°C l’augmentation du réchauffement d’ici 2100, ce qui éloigne le pire, mais demeure insuffisant puisqu’il faudrait limiter ce réchauffement à 2, voire 1,5°C . L’accord prévoit aussi un mécanisme de révision, avec un premier bilan dès 2018 et une première revue en 2023. C’est aussi un accord différencié qui prévoit 100 milliards par an de financements au profit des pays en développement dès 2020.

Il s’agit maintenant de mettre en œuvre cet accord extrêmement ambitieux dans toutes ses dimensions. C’est à ce titre que Laurent Fabius vous a nommée « championne pour le climat », une décision de la conférence de Paris prévoyant que le président en exercice de la Conférence, ainsi que son successeur marocain, désigneraient chacun un « champion » chargé du suivi de la mise en œuvre.

Enfin, vos fonctions actuelles sont dans le prolongement d’un engagement continu dans cette cause qui vous donne une compétence et une expérience irremplaçables. Vous connaissez ceux qui dans les différents pays sont actuellement chargés du dossier climat. Vous connaissez les positions de fond et vous pouvez évaluer les rapports de force entre les différents groupes d’États.

Vous êtes donc bien placée pour nous parler de cet accord et des enjeux de son suivi.

Comment se présente la séance de signature du 22 avril ? Est-on d’ores et déjà assuré d’atteindre le seuil minimal de 55 pays signataires représentant 55% des émissions, nécessaire à l’entrée en vigueur de l’accord en 2020 ?

Comment se prépare la prochaine conférence qui aura lieu à Marrakech, du 7 au 18 novembre prochains ? Comment travaillez-vous avec les responsables marocains ?

Et puis, bien sûr, il faut veiller à ce que les nombreuses mesures de l’accord de Paris soient bien mises en œuvre. Nous pouvons avoir une certaine inquiétude, car les prix des sources d’énergie fossiles restent très bas. Une telle situation ne favorise pas les investissements indispensables dont le monde a besoin en matière de renouvelables, dès lors qu’il n’y a pas une taxation généralisée du carbone. Il convient de s’assurer non seulement que les États respecteront les engagements pris dans leurs contributions, mais aussi de réfléchir déjà à la révision à la hausse de ces engagements. Laurent Fabius nous disait aussi qu’il fallait préciser ce qu’il faut comprendre dans les financements des pays riches en faveur du climat.

Enfin, Laurent Fabius évoquait la question « des trous dans la raquette », c’est-à-dire des sujets qui n’étaient pas traités par l’accord comme les émissions du transport aérien pour lesquelles l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) doit conclure un accord d’ici septembre, ou comme les émissions du transport maritime, sujet qui doit être traité par l’OMI (l’Organisation maritime internationale).

Le 6 juillet prochain, la secrétaire exécutive de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Mme Christiana Figueres, du Costa Rica, va achever son mandat. Il convient de veiller à ce qu’elle soit remplacée par une personnalité particulièrement engagée et compétente sur le climat. Votre nom semblait s’imposer et il nous semblait que vous bénéficiiez d’un soutien très large de la part des autorités françaises et sur le plan international. Or, la date limite de dépôt des candidatures est maintenant dépassée, et votre candidature n’est pas présentée. Je le regrette vivement. Où en êtes-vous sur ce sujet ? Est-ce que les choses peuvent évoluer ? Sur ce sujet, il est rare en effet qu’une personne fasse autant l’unanimité.

Mme Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique. Merci Madame la Présidente. Je souhaite avant tout remercier les parlementaires dont l’action a été décisive dans la mobilisation qui a abouti à l’accord de Paris. Ce dernier n’est en effet pas un miracle, mais le résultat de nombreuses actions de sensibilisation de la part de beaucoup d’acteurs, notamment les parlementaires, dont certains ont fait partie du comité de pilotage de la COP 21 au cours des deux dernières années.

Que voulons-nous obtenir ? Nos objectifs ne se limitent pas à un accord. Il s’agit, en effet, d’accélérer la transformation des économies de la planète, afin d’obtenir une limitation des températures.

L’enjeu essentiel du processus de préparation était de convaincre les gouvernements et les autres acteurs que cette transformation économique vers une plus grande sobriété en carbone est bénéfique pour la croissance et inéluctable. Pour que cela soit crédible, il fallait que de nombreux signaux soient donnés par de nombreux acteurs, parmi lesquels les gouvernements, mais aussi les entreprises, les collectivités territoriales, qui ont joué un rôle majeur, les organisations internationales, les scientifiques et les organisations non gouvernementales (ONG). Finalement, au cours de l’année 2015, l’écosystème financier s’est joint au mouvement de façon décisive, notamment les fonds de pension et les banques.

C’est le sens de la stratégie que j’avais proposée en juin 2014 et qui reposait sur quatre piliers : l’accord lui-même, les plans climat établis par chaque pays, la finance verte et l’action concrète des acteurs non gouvernementaux, en particulier des entreprises, des villes et des régions.

Cependant, l’accord de Paris a dépassé les objectifs que nous nous étions fixés, et c’est cela, la surprise de Paris. Nous sommes allés au-delà du compromis que nous pensions obtenir, notamment en ce qui concerne le volet de la réduction des émissions de carbone. Ainsi, les 189 plans climat nationaux couvrant 95 % des émissions de carbone, établis avant l’accord, ont constitué un véritable plébiscite.

D’importants progrès sont également intervenus en matière de finance verte, aussi bien publique que privée. Même s’il existe encore un débat sur la méthodologie, nous sommes assez proches des 100 milliards de dollars prévus d’ici 2020. On peut notamment citer l’effort de décarbonation des portefeuilles des institutions financières, le début d’une réflexion collective sur le prix du carbone et le fait que le G20 et le Conseil de Stabilité financière se soient saisis du risque carbone et du risque climatique. Plus de 10 000 engagements privés et publics ont été pris par les collectivités locales et les entreprises, montrant qu’elles soutiennent l’accord de Paris. Le texte du « Paris Pledge », qui sera révélé le 22 avril à New York, montre que ces acteurs veulent même aller au-delà de l’engagement des gouvernements.

Vous avez rappelé, Madame la Présidente, les grands rendez-vous qui nous attendent et les objectifs de l’accord, notamment celui d’atteindre d’abord un pic global, puis la neutralité des émissions dans la deuxième moitié du siècle. Nous n’y sommes pas, mais l’accord mettra l’économie sur les bons rails pour se rapprocher de ces objectifs.

Concernant la crédibilité de l’accord, ce dernier prévoit d’abord un cadre renforcé de transparence, chaque pays devant rendre compte de ce qu’il fait devant ses pairs. Il s’agit du nœud de l’accord, les points de rendez-vous devant servir à réviser les objectifs en maîtrisant davantage les niveaux des émissions.

Pourquoi avons-nous réussi ? 195 pays ont signé l’accord et nous attendons une centaines de signatures le 22 avril. Mais l’accord de Paris est surtout l’aboutissement d’une évolution. Ainsi, le duo Chine-États-Unis avait besoin de cet accord. La Chine avait besoin de réorienter son économie, tandis que l’administration américaine, très engagée sur le climat, avait besoin du soutien de la deuxième économie mondiale pour mieux surmonter l’obstacle potentiel de la ratification de l’accord par le Sénat, ce dernier ayant depuis longtemps fixé pour condition que la Chine assume une responsabilité identique.

Un autre facteur a joué : l’entrée dans un nouveau cycle économique et financier. Les entreprises qui parient sur cette nouvelle économie sont de plus en plus nombreuses, notamment dans le secteur financier. Elles ont le sentiment que l’économie intensive en énergies fossiles recèle des risques à long terme et qu’il convient de trouver une alternative pour gérer la transition financière. Certains entrepreneurs font figure de pionniers, notamment M. Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, M. Michael Bloomberg, l’ancien maire de New-York et M. Paul Polman, à la tête d’Unilever, pour montrer ces risques et la nécessité de se diriger vers un autre modèle. En parallèle, un mouvement initié par des petites firmes qui étaient plutôt sur un secteur de niche a pris de l’ampleur. Ce sont maintenant des entreprises qui comptent.

La mobilisation de la société civile a également été considérable, avec non seulement la coordination des grandes ONG, mais aussi les mouvements dans les pays tels que les marches. Beaucoup d’entre eux dans le monde entier ont fait pression sur leurs gouvernements et les ont soutenus dans leurs efforts.

Il y a eu également un enjeu diplomatique. Après l’échec de Copenhague, le système multilatéral avait besoin d’un vrai succès de fond. Cancun a été un peu la « remise sur les rails ». Paris montre qu’il peut donner des résultats. C’est pour cela que l’accord a été salué comme un grand succès de la diplomatie française. Il est essentiel que les différents échelons politiques y aient pris part. Les Chefs d’état et de Gouvernement ont été à la réunion en marge du sommet des Nations unies, à New York, en septembre et se sont rendus, au début de la conférence, à Paris. Jamais autant de chefs d’État et de Gouvernement n’avaient été réunis le même jour sur un même sujet. Au sein des Gouvernements, les ministres ont été très actifs. Ils ont été des facilitateurs entre les différents groupes. L’accord n’est pas le «  produit », le résultat, individuel de Laurent Fabius ou de mon équipe et moi-même, mais un « produit collectif », car beaucoup de pays et beaucoup de personnes se sont engagées dans la négociation elle-même. À Lima, les ministres des finances se sont mobilisés ; les élus également, notamment au Sommet de Lyon. Il faut aussi noter l’activité de la maire de Paris, parmi tant d’autres.

L’accord de Paris est donc le résultat d’une diplomatie « à 360° », fondée sur le dialogue avec tous, avec les entreprises, avec les acteurs de la société civile, mais aussi le travail avec les collectivités locales, des actions à l’intérieur des pays en suscitant, grâce à nos ambassadeurs, un débat sur le climat.

Cette stratégie très large doit donc être maintenue. L’enjeu climatique est certes l’affaire des gouvernements, mais il dépasse leur action. Il est indispensable que tous soient mobilisés. Il faut opérer une transformation de l’économie, qui ne peut pas être le résultat d’une décision prise au sommet. Ce n’est pas l’objet de revenir ici sur l’ensemble des étapes de la négociation, mais certains moments ont été essentiels comme la visite du président de la République en Chine, ou comme les initiatives européennes.

L’Union européenne a joué un rôle clef. L’accord est le symbole de son grand retour dans la négociation internationale. Grâce à elle notamment, il y a maintenant des groupes de pays qui soutiennent l’accord de Paris, dont l’un s’est d’ailleurs dénommé la coalition de l’ambition. Son suivi et sa mise en œuvre ne sont donc pas uniquement l’affaire des présidences successives, mais d’une coalition, d’un ensemble d’États qui vont se battre.

Il faut observer qu’aucun pays ne veut aller en arrière. Les craintes que l’on pouvait avoir à ce titre, compte tenu des risques pris pour la négociation dans les dernières heures, se sont avérées infondées. La plupart des pays se disent qu’il ne faut pas rouvrir le contenu politique de l’accord, mais juste le mettre en œuvre.

Il s’agit donc d’abord de procéder à la signature de l’accord et à la mise en œuvre des contributions nationales. Sur ce dernier point, un grand effort de coopération internationale doit être entrepris avec les pays les moins avancés, mais aussi des pays émergents, pour que le système financier les aide à faire les investissements dans les énergies renouvelables, dans la transformation de leur agriculture et de leur politique forestière, ainsi que dans leur politique urbaine et dans leur politique de transport.

Il faut aussi que le système financier soit au rendez-vous. On peut se réjouir que la Chine, qui préside le G20 cette année, ait inscrit à son agenda, parmi les points prioritaires, la finance verte et le climat. C’est un grand signal pour les marchés financiers.

Au-delà, il faut s’engager sur le long terme, et faire en sorte que tous les pays mènent une réflexion sur leur avenir à l’horizon 2050. Ils doivent aussi envisager l’économie qu’ils souhaitent à cette échéance et examiner sa compatibilité avec l’objectif de décarbonation et de limitation des températures.

Il serait pour autant naïf de penser que tout est déjà fait. C’est même le contraire. Tout reste à faire.

Il y a des forces contraires. Tel est le cas des entreprises qui vivent des énergies fossiles et qui ne voient pas leur transition vers autre chose, même si, naturellement, les très grands du secteur ont déjà commencé à y réfléchir. L’enjeu est de créer cet « écosystème favorable » pour qu’une telle transition se fasse. On n’insistera jamais suffisamment sur les liens entre les États, les entreprises et les collectivités locales, absolument décisifs.

En même temps, il faut, sans délai, s’engager dans l’innovation, ainsi que dans le développement de la recherche et de la technologie avec l’Alliance solaire internationale, la Mission innovation et l’initiative sur l’accès à l’énergie en Afrique.

Nous avons aussi lancé avec le président Obama, le président Hollande, le Premier ministre Modi, ainsi que M. Bill Gates, la Mission innovation, qui vise à doubler les fonds publics pour la recherche et l’innovation en matière d’énergies propres « zéro carbone » et susciter, comme c’était l’idée des vingt-sept investisseurs privés accompagnant Bill Gates, des financements privés pour y aider. L’accord de Paris exige en effet un tel investissement, massif, dans les énergies nouvelles.

Il y a aussi des mauvaises nouvelles, notamment ce que les scientifiques disent de l’évolution de la calotte glaciaire antarctique. Mais il y a aussi de bonnes nouvelles : l’Arabie saoudite vient de décider un investissement considérable dans les énergies propres. Larry Fink, qui dirige BlackRock, le plus grand fonds de pension au monde, a également déclaré que les investisseurs doivent penser autrement, en demandant aux plus grandes entreprises mondiales des engagements de long terme, notamment en matière de climat. Il y a aussi eu des annonces canadiennes et américaines dans ce domaine. Un « momentum » existe donc. C’est en maintenant la mobilisation à 360 degrés des différents acteurs qui ont fait la réussite de l’accord de Paris que l’on assurera sa crédibilité.

Il est vrai que le bas prix des énergies fossiles a ses inconvénients mais qu’il devrait aussi décourager les investissements trop risqués, notamment dans l’exploration pétrolière en Arctique. La bataille n’est pas pour autant gagnée.

S’agissant de l’OACI, on voit bien que des solutions sont possibles, notamment par le marché du carbone. C’est plus difficile avec l’OMI, pour le transport par navire.

Nous aurons à Marrakech un dialogue, que j’espère constructif, sur la réorientation de l’ensemble de la finance, publique et privée. L’aide publique au développement ne pourra pas répondre seule aux besoins d’investissement, supérieurs à plusieurs milliards de dollars chaque année.

Nous avons besoin au-delà des actions à court terme, d’indications claires sur ce que pourrait être notre économie en 2050. Les vingt-huit Etats membres de l’Union européenne devraient donner de telles indications, de même que les Américains et les Chinois. En France, c’est l’objet de la loi sur la transition énergétique, même s’il reste à développer plus précisément les différents scénarios.

Enfin, j’étais en effet candidate au poste de secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Je le suis toujours, au moins virtuellement. Quand on est candidat à un poste aux Nations unies, il est préférable d’être soutenu par son Gouvernement. Merci pour vos encouragements, même si vous comprendrez que je ne fasse pas de commentaires sur la décision du Gouvernement, qui lui appartient et qui a sans doute été prise pour de très bonnes raisons. Surtout, la question du climat dépasse de très loin celle des personnes. Mon expérience dans le domaine de la lutte contre le changement climatique est connue, car elle n’est pas nouvelle. Le temps commence même à être long, car j’aimerais bien que l’on réussisse plus vite ! Je vais continuer mon action sur le climat, sous une forme ou une autre, car c’est toute ma vie. Le poste qu’occupait Christiana Figueres est une opportunité, mais il y en aura d’autres, sans doute. Après cette formidable réussite de la conférence de Paris, mon engagement ne change pas.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. Merci beaucoup. Vous avez bien montré à quel point ces enjeux sont cruciaux, mais aussi difficiles à traiter dans la durée.

M. Noël Mamère. Merci pour votre intervention. Chacun reconnaît la qualité de votre travail depuis des années, bien avant la COP 21.

Vous avez fait part d’un certain nombre d’espoirs, mais en soulignant tout ce qui reste à accomplir pour relever ce qui constitue le plus important défi du XXIe siècle. On voit bien que la menace se rapproche. Or un certain nombre d’aspects du réchauffement climatique n’ont pas été intégrés dans la réflexion sur la COP 21, notamment les transports aériens et maritimes. Il en est de même de l’Arctique et de l’Antarctique, alors que les appétits d’un certain nombre de grandes sociétés pétrolières vont être aiguisés par le réchauffement climatique et le recul de la calotte glacière, compte tenu de l’importance des réserves en pétrole et en gaz. Ensuite, on ne pourra mettre en œuvre de manière efficace les orientations de la COP 21 que lorsqu’on sera capable de donner un prix au carbone. Pour l’instant, la taxe carbone n’existe pas et on a même assisté à une tentative du gouvernement français de supprimer le principe du pollueur payeur. La question de la sincérité des gouvernements peut donc être posée.

Vous avez évoqué la loi sur la transition énergétique. On peut se demander s’il s’agit d’un simple chiffon de papier ou d’une loi visant réellement à s’engager sur les trois piliers de la lutte contre le réchauffement climatique : l’efficacité énergétique, les économies d’énergie, ainsi que la recherche et l’innovation sur les énergies renouvelables. Le gouvernement français a mis des freins à l’extension de l’énergie éolienne offshore en donnant la priorité aux grands groupes, qui font du « greenwashing », comme EDF, sans faciliter le développement d’entreprises moyennes.

En tant que responsable de la COP 21, que pensez-vous de la décision annoncée par le président d’EDF, et qui s’est imposée aux politiques, ce que je condamne, de prolonger la vie des centrales nucléaires d’encore dix à vingt ans ? Si l’on suit cette voie, on sera très loin des engagements pris lors du Grenelle de l’environnement et dans la loi sur la transition énergétique en ce qui concerne la part des énergies renouvelables et le recul progressif du nucléaire. Pour nous, écologistes, il s’agit franchement d’un mauvais coup !

Comme nous, vous avez sans doute lu le rapport des experts commandé par Mme Royal sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Comment peut-on s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique et accepter un projet d’aéroport datant de 1967, fondé sur l’exploitation des ressources pétrolières et remettant en cause des zones de biodiversité qui sont non seulement des réserves pour notre survie, mais où l’on peut aussi pratiquer l’élevage et l’agriculture ? Tout cela au moment où l’on répète qu’il faut rapprocher la production agricole de la consommation !

Nous sommes ici très nombreux à souhaiter que vous deveniez la secrétaire exécutive de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, à la suite de Mme Figueres. Nous regrettons la position adoptée par la ministre de l’écologie, mais nous continuons à espérer que la raison l’emportera et que le Gouvernement présentera votre candidature.

M. Jean-Paul Dupré. Nous le savons, le réchauffement climatique va provoquer, et il le fait déjà, des exodes massifs, notamment vers l’Europe. Etant donné notre difficulté actuelle à gérer la crise des migrants, comment se préparer au mieux au risque d’un accroissement des flux migratoires qui semble inéluctable ?

M. Jacques Myard. Lors de la dernière audition de Laurent Fabius, je l’avais interrogé sur le fait qu’il semblerait que le volume de la calotte glacière antarctique augmentait alors qu’il diminuerait au nord, la masse totale de glace demeurant semble-t-il la même à l’échelle du globe. Il m’avait répondu qu’à l’aune de cette remarque, il était plus judicieux de parler de dérèglements climatiques que de réchauffement climatique. Compte tenu de l’expérience qui est la vôtre, rejoignez-vous sa position sur ce point ?

M. Jean Glavany. Madame l’ambassadrice, je voudrais tout d’abord vous féliciter : lorsque, il y a de cela seize ans, je vous ai nommée inspectrice générale de l’agriculture, je ne me doutais pas que vous auriez un si brillant parcours. J’ajoute que je suis heureux qu’après avoir servi le chef de la diplomatie française vous soyez en service auprès d’une femme dont la rigueur morale et le sens de l’Etat font l’admiration de tous. Vous présidez toujours je crois le conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD). Quelle est sa contribution à la réorientation des financements vers une économie verte dont vous faisiez état à l’instant ?

Mme Chantal Guittet. Pourriez-vous nous donner votre analyse de l’appel au boycott paru dans certains journaux ? Certains pays en développement seraient appelés à ne pas signer l’accord en avril à New York, pour conserver un pouvoir de pression sur les pays développés et s’assurer qu’ils tiendront leur promesse de financement à hauteur de 100 milliards de dollars ?

M. Thierry Mariani. Quel est le calendrier des dispositions spécifiques adoptées en faveur des réfugiés climatiques, notamment dans le Pacifique ? Quels seront les États prioritaires ? Pour les montants évoqués, quelle serait la répartition des sommes qui pourraient leur être attribuées ?

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Si vous me le permettez je vais maintenant lire les questions qui m’ont été transmises par Pierre-Yves Le Borgn’, rapporteur du projet de loi de ratification de l’accord climat, qui ne pouvait assister à cette réunion.

Concernant la ratification de l’accord, la France veut aller vite, mais qu’en est-il des autres acteurs ? Quand la ratification des vingt-huit États membres de l’Union européenne peut-elle raisonnablement être envisagée ? Qu’en est-il de la Chine, de l’Inde et de la Russie ? Que penser de la situation aux États-Unis, où le plan de réduction des émissions des centrales à charbon est maintenant entre les mains de la justice ?

Sur le fond, comment évolue le dossier de la tarification du carbone ? Où en est-on sur l’enjeu financier et les transferts financiers du Nord vers le Sud ?

Sur « l’esprit de l’accord de Paris », le passage de relais se fait bien avec le Maroc, mais ensuite que se passera-t-il au fur et à mesure que l’on s’éloignera de 2015 ? Le poste de secrétaire exécutif de la CCNUCC est clairement stratégique. Etes-vous candidate ?

Concernant enfin le calendrier de mise en œuvre de l’accord, le premier bilan mondial en 2023 avant une révision des contributions nationales en 2025 apparaît éloigné. Pourrons-nous faire en sorte que le rendez-vous de 2018 sur l’ambition soit d’ores et déjà l’occasion de revoir à la baisse les trajectoires d’émission, avant même que l’accord de Paris n’entre en vigueur en 2020 ?

Mme Laurence Tubiana. Je vais m’efforcer de répondre à toutes les questions, même si certaines excèdent le champ de mes compétences.

Sur les transports qui échappent à la juridiction des États, il y a des avancées pour ce qui concerne l’aviation, avec un accord à l’OACI pour avancer sur les standards. C’est une bataille industrielle, elle est rude, mais nous pourrons cette année avoir quelques résultats grâce à l’accord de Paris. Par ailleurs, il s’agit d’intégrer le transport aérien dans les marchés carbone qui existent et d’amener les compagnies à acheter des crédits carbone ou à verser des compensations si elles ne sont pas intégrées à un marché. Je constate aujourd’hui que de plus en plus de compagnies, y compris les compagnies chinoises, qui ne font pas partie d’un marché carbone, commencent à compenser leurs émissions. L’intérêt à faire émerger un prix du carbone pour le transport aérien est patent. J’ajoute qu’il faut progresser au plus vite en matière d’innovation sur les carburants – on n’est pas encore à l’avion solaire de grande portée, mais c’est un secteur qui doit être mis en avant.

Sur le transport maritime, je suis plus pessimiste. Il faut renforcer notre action sur ce volet. Il faut convaincre les pays en développement qu’une régulation ou l’émergence d’un prix du carbone ne sera pas discriminant pour leurs exportations. L’accord de Paris devrait débloquer ce point précis. Il faut également faire des progrès en matière de carburants – il existe des exemples de bateaux qui utilisent des nouveaux carburants – et promouvoir l’usage des énergies renouvelables. C’est un dossier qu’il faut prendre sous tous les angles : ni sous le seul aspect technologique, ni sous le seul angle de la régulation. Il faut mobiliser tous les grands acteurs économiques mondiaux afin que l’Inde et la Chine soient partie prenante.

Il faut aussi réfléchir à la manière dont on intègre dans notre calcul des émissions, celles qui sont incluses dans notre consommation. On pense toujours aux émissions sur notre territoire, mais il faut réfléchir à ce que notre consommation, donc notre commerce, inclue en matière d’émissions pour avoir une vision plus juste des choses. Cette réflexion permettrait de rouvrir une discussion, qui s’est bloquée après Copenhague, sur l’instauration d’une tarification carbone incluant les produits importés. C’est une autre manière de traiter la question des transports et du commerce international. Je crois que la réflexion à l’OMC a progressé sur ce point : elle est inévitable et nous ramène à ce que nous avons appelé la taxe carbone aux frontières.

En effet, l’accord de Paris n’a pas établi de prix mondial du carbone pour une bonne raison. Un tel prix ne serait pas à même de faire évoluer les économies de la même manière, car le pouvoir d’achat est différent d’un pays à l’autre. Un niveau 50, 60 ou 100 dollars la tonne serait nécessaire en Europe, mais serait un facteur de pauvreté inévitable ailleurs, notamment en Inde. Néanmoins, un indicateur de prix carbone a du sens et il faut l’aborder par le biais du commerce international. Il est indispensable que les instruments économiques, comme le prix implicite du carbone, émergent dans les politiques nationales. La Banque mondiale est en train de s’y attacher et nous aurons peut-être des résultats dès cette année. En ce sens, j’ai personnellement lutté pour qu’il ait un tableau des prix du carbone, explicites ou implicites, dans le monde. Est-ce qu’il faut converger ces prix ? C’est une question dont je débats régulièrement avec mes collègues économistes, qui eux aussi pensent dans l’ensemble, qu’un prix du carbone mondial ne serait ni juste ni opératoire.

S’agissant des sujets nationaux, je ne me prononcerai pas, car ce n’est pas mon domaine. Néanmoins, il est indispensable que les grandes entreprises comme EDF réfléchissent à leur transition et que la programmation pluriannuelle de l’énergie soit appliquée.

Les migrations climatiques vont devenir de plus en plus importantes. La première réponse est l’adaptation au changement climatique dans les régions les plus touchées par l’émigration. Il faut souligner que le dérèglement climatique est un enjeu important de sécurité, les régions insulaires étant par exemple particulièrement en péril. La sécheresse peut être la cause de famines mais aussi de conflits militaires, comme c’est le cas notamment des luttes pour l’accès à l’eau. Cette émigration climatique doit être traitée par le développement. Il semble indispensable d’entamer des réflexions à ce sujet en suivant le modèle de la négociation actuelle entre les îles du pacifique et l’Australie, qui aboutira vraisemblablement à une relocalisation d’un certain nombre de personnes. Néanmoins, il n’y a pas de réponse sécuritaire à apporter à ces questions. Les politiques d’adaptation et de développement doivent prévaloir. Il faut s’engager sur les nouvelles pratiques agricoles plus résilientes et soutenir la recherche. La protection contre des événements extrêmes doit aussi être la priorité de la coopération internationale. L’objectif est de permettre aux populations de rester là où elles sont établies.

Actuellement, il n’y a plus de débat scientifique. L’augmentation de la température moyenne se vérifie. Il y a quelques mois, malgré la réduction rapide de la calotte arctique, les spécialistes pensaient que ce phénomène se rééquilibrait avec la situation en Antarctique. Néanmoins, la donne a changé, et la calotte de l’Antarctique se réduit aussi, rongée par en-dessous, ce qui provoque une montée rapide des océans. D’après l’écrasante majorité des analyses, nous ne pouvons plus espérer une amélioration de la situation. Laurent Fabius a pris donc la décision d’utiliser le terme de dérèglements climatiques, à la place de réchauffement, pour mettre en exergue la menace globale qui pèse sur le monde. L’augmentation des températures est très diverse, plus élevée dans certaines régions que dans d’autres. Les événements extrêmes liés au climat, notamment les typhons et tempêtes, ont gagné en violence. La précision du chiffrage est essentielle. Certains pensent qu’il suffirait de négocier sur les 2°C pour simplifier les choses, mais la différence entre 2°C et 2,5°C est pour un certain nombre de régions vitale. Derrière ces 0,5°C se cachent des événements extrêmes et particulièrement destructeurs et les dégâts peuvent représenter parfois 2 à 3 fois le PNB des pays les plus exposés tels que le Vanuatu ou les Philippines, et, dans une certaine mesure, aussi, le Bangladesh.

L’engagement de l’AFD pour le climat est ancien et très innovant, notamment en ce qui concerne l’agriculture et l’accès à l’eau. L’organisation s’est donné comme objectif d’attribuer 50 % de ses financements aux actions respectueuses du climat. Pour l’année 2015, ce chiffre a même été dépassé. L’AFD a pu entraîner d’autres agences. L’organisation a été au centre des réflexions sur les financements-climat dans les dernières années, et notamment pour les mesurer. Cet effort a permis à l’AFD, et d’autres agences comme le KFW et la Banque du développement du Brésil, de s’adresser aux grandes institutions financières comme la Banque mondiale, la Banque asiatique et la Banque interaméricaine.

S’agissant de l’appel lancé pour boycotter la signature de l’accord, je pense qu’il ne faut pas trop s’en inquiéter. Le groupe à l’origine de cette initiative se donne pour mission de veiller aux intérêts des pays en développement ; il est normal que ceux-ci se préoccupent de ce que les engagements pris à leur égard soient tenus. Mais plus de 100 pays ont indiqué qu’ils signeraient l’accord. La force de l’accord de Paris est d’avoir dépassé les oppositions, notamment Nord-Sud, et d’avoir fait prévaloir l’esprit de coopération.

Pour ce qui est du processus de ratification dans l’Union européenne, il faut d’abord que les vingt-huit États membres approuvent l’accord. Il est raisonnable de l’espérer d’ici 2018. La Chine pourrait ratifier l’accord soit dès l’automne 2016, soit, au plus tard, début 2017. De même, l’Inde a déclaré vouloir aller vite. Ainsi, d’autres pays veulent également aller vite. Ainsi 40 %, voire plus, des émissions mondiales de gaz à effet de serre seraient rapidement couvertes, en quelque sorte, par une ratification. On peut donc espérer une entrée en vigueur de l’accord avant 2020, sachant qu’il ne faut pas confondre « entrée en vigueur » et « application » : cette dernière aura de toute façon lieu en 2020. Mais une anticipation serait favorable, car elle permettrait d’aller plus vite pour commencer à corriger les trajectoires. A cet égard, le 13ème plan chinois me paraît positif, en particulier parce qu’il envisage d’atteindre le pic d’émissions avant 2030. Je me félicite donc que beaucoup d’acteurs considèrent que 2018 est un rendez-vous important. Ce type d’échéance est un ressort fondamental pour la réussite de l’accord.

S’agissant des transferts entre le Nord et le Sud, le dialogue prévu à Marrakech sera très important, notamment en ce qui concerne l’association des financements publics et privés. Il faut avoir à l’esprit que les 100 milliards de dollars envisagés ne sont pas suffisants. Il faudra aller plus loin.

La coopération avec le Maroc pour le passage de témoin de la COP est excellente et, plus généralement, la gouvernance du dispositif est bien réglée. Pour autant, je suis convaincue qu’il faut la faire évoluer pour mieux y associer les acteurs non gouvernementaux. Je pense aux parlements, aux collectivités locales, aux entreprises et à la société civile. Il faut institutionnaliser le dialogue avec tous ces acteurs. Un rendez-vous intergouvernemental tous les cinq ans ne suffira certainement pas. En effet, le système actuel est trop lent et pas assez en prise avec l’économie réelle. Or, les enjeux économiques et sociaux, en matière d’emploi, sont considérables.

Concernant les micro-États du Pacifique, évoqués par M. Mariani, le principe de la mesure des pertes et dommages a été admis. La prise en compte de la dimension propre à ces petits États insulaires dans l’accord est déjà une victoire politique, car certains s’y opposaient. Pour l’application sur le terrain, nous en sommes encore au début de la réflexion. Le Vanuatu a commencé à faire des évaluations, mais il n’y a pour le moment aucun chiffrage. La question qui se posera est également celle de la responsabilité. Le cadre devrait plutôt être celui de la solidarité que celui de la responsabilité juridique.

Mme la présidente Élisabeth Guigou.  Je voudrais remercier Laurence Tubiana, ainsi que sa collaboratrice Anne-Sophie Cerisola. Vous nous avez permis lors de cette audition de mesurer toute la complexité des enjeux, mais sans nous décourager. Merci pour votre engagement ! J’espère que vous serez la prochaine secrétaire exécutive chargée des changements climatiques à l’ONU. Je partage pleinement vos observations sur la nécessité de mieux associer la société civile.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, signé par la France à New York le 22 avril 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 3719)

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