N° 3754 - Rapport de M. Jean-Jacques Candelier sur la proposition de loi de M. Jean-Jacques Candelier et plusieurs de ses collègues relative à la réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple de la guerre de 1914-1918 (274).




N
° 3754

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 mai 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 274),

relative à la
réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple
de
la guerre de 1914-1918,

PAR M. Jean-Jacques CANDELIER,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 274.

SOMMAIRE

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Pages

I. « C’ÉTAIT L’ÉPOQUE OÙ LA VIE D’UN HOMME COMPTAIT POUR BIEN PEU »  9

A. QUI SONT LES FUSILLÉS DE LA GRANDE GUERRE ? 9

1. Des poilus ordinaires, des morts au poteau 9

2. Remettre en question le poids de 1917 12

B. LA MISE EN œUVRE DE LA JUSTICE PENDANT LA GUERRE 14

1. Une justice expéditive 14

2. « Il faut en finir, Messieurs, avec les crimes des conseils de guerre » 16

II. LA PROPOSITION DE LOI : DEVOIR DE MÉMOIRE ET DE PARDON 19

A. UNE MÉMOIRE HEURTÉE 19

1. Les premières réhabilitations dans l’entre-deux-guerres 19

2. Un « kyste mémoriel » 22

B. UNE RÉHABILITATION POLITIQUE ATTENDUE 22

1. Les à-coups de la réhabilitation politique 22

2. L’honneur du Parlement 24

EXAMEN EN COMMISSION 27

EXAMEN DES ARTICLES 35

Article unique 35

ANNEXES 37

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 37

ANNEXE 2 : LISTE DES FUSILLÉS PAR LIEU DE NAISSANCE ET DE DERNIÈRE HABITATION CIVILE 39

INTRODUCTION

« Je me suis laissé dire qu’après la guerre, des fusillés avaient été considérés comme « Morts pour la France », ce qui serait une sorte de réhabilitation. Je ne sais si cela est exact mais, quant à moi, je crois sincèrement que beaucoup de ces malheureux sont effectivement morts pour le pays, car c’est la France qui les a appelés, et c’est pour elle qu’ils se sont battus, qu’ils ont souffert là où les menait leur tragique destinée et ce n’est pas un moment de défaillance physique ou morale qui peut effacer leur sacrifice. J’ose m’incliner devant leur mémoire. Jugera qui voudra, à condition qu’il soit passé par là. »

Brancardier-musicien Leleu du 102e RI, croix de guerre.

Ils s’appelaient Ernest, Paul, Anselme, Jules, Louis ou Alphonse. Au cours de la Première Guerre mondiale, pris dans l’enfer des tranchées, noyés sous le flux parfois incessant des tirs des « marmites » de l’artillerie lourde, meurtris dans leur chair, la faim au ventre, le froid agressant leurs corps, ils se sont battus au nom de la France, pour la France, se levant de la terre, avec pour seul horizon les barbelés adverses. Les mots des écrivains combattants, comme Henri Barbusse (1), Maurice Genevoix (2), ou Roland Dorgelès (3), relatent l’horreur des combats et la défaite de l’humanité face aux moyens modernes de destruction : bombardements massifs qui précèdent les combats, mortiers à tir courbe pour atteindre les tranchées, gaz asphyxiants, grenades, mines, lance-flammes, essor de l’aviation et apparition des premiers chars de combat. Comme le souligne l’historien Jean-Paul Barrière (4), « en regard, le fantassin paraît bien frêle, surtout au début de la guerre, sans équipement adapté ».

Au terme de quatre années de guerre, la France compte 1,3 million de tués ou disparus, car aux soldats français morts au combat s’ajoutent ceux décédés ensuite, en raison d’insuffisances respiratoires liées aux gaz, de blessures ou d’infections. Au total, 16,5 % des 7,8 millions de Français mobilisés sont ainsi morts durant la Première Guerre mondiale, laissant 700 000 orphelins et 600 000 veuves.

Parmi ces victimes de la Grande Guerre, il y a aussi ceux dont on ne veut pas parler, ceux qui ne méritent pas les honneurs de la patrie, ceux dont les familles ont dû se cacher pour porter le deuil : les fusillés pour l’exemple.

Eux aussi s’appelaient Lucien, Charles, Maurice, Raoul, Octave ou Émile, eux aussi ont laissé des veuves, des orphelins, et ne sont jamais revenus labourer leur terre ou travailler à l’usine. La plupart sont morts sur le front, tués par des balles françaises, exécutés pour l’exemple, par erreur, par facilité, par une justice militaire expéditive appliquant à l’aveugle un code de justice militaire flou et désuet, souvent par simple crainte de voir les troupes se démobiliser.

Il n’appartient pas aux parlementaires d’écrire l’histoire, et encore moins de la juger. Mais alors que nous commémorons cette année le centenaire de la bataille de Verdun, il est de la responsabilité de la Représentation nationale de s’interroger sur la place que la Nation souhaite réellement accorder à ces soldats au sein de sa mémoire. Bien sûr, alors même que le conflit durait toujours, certains fusillés ont été réhabilités, et grâce à la mobilisation des anciens combattants et d’organisations comme la Ligue des droits de l’Homme, une cinquantaine de soldats ont été réhabilités durant l’entre-deux-guerres. Depuis une vingtaine d’années, la question d’une réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple est régulièrement débattue. Le Gouvernement feint de croire que la situation est réglée depuis l’ouverture en novembre 2014 de quelques espaces consacrés à la mémoire des fusillés au musée de l’Armée, situé aux Invalides.

Il n’en est rien.

La mémoire des fusillés n’est pas encore apaisée. Leur sort constitue une zone d’ombre de notre histoire nationale, une flétrissure qu’il convient d’assumer. En déposant une proposition de loi visant à procéder à une réhabilitation générale et collective des « fusillés pour l’exemple » de la Première Guerre mondiale et comportant une demande de pardon de la Nation à leurs familles et au pays tout entier, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) poursuivent modestement le combat entamé dès les premiers mois de la Grande Guerre par certains de leurs illustres prédécesseurs, comme le député de l’Aube Paul Meunier, s’exclamant à la tribune en 1916 : « Il faut en finir, Messieurs, avec les crimes des conseils de guerre ».

Bien entendu, votre rapporteur ne met pas en cause le fonctionnement de l’armée durant cette période. Bien souvent, c’est la faillite des responsables politiques qui a abouti aux dérives de la justice militaire. Il s’attend néanmoins à être interrogé sur les raisons qui le poussent à défendre la mémoire de quelques 600 soldats qualifiés de lâches ou de traîtres, alors même qu’1,3 million de héros sont morts au combat. Cette question, la plupart des historiens qui se sont penchés sur le sujet se la posent. Le général André Bach, auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet (5), y apporte une réponse éclairante : « pourquoi ne s’intéresser qu’aux marginaux, ceux qui furent flétris comme des « lâches » lorsqu’ils furent attachés au poteau d’exécution, dégradés publiquement car indignes de porter l’uniforme, à qui on banda les yeux, en présence de leurs camarades de régiment qui présentèrent les armes au moment de leur exécution et ensuite défilèrent devant leur dépouille à terre au pas cadencé entraînés par le son de la musique militaire réglementaire qui scandait : « Mourir pour la patrie » ? La réponse est simple : personne ne souhaite cette fin-là. Il paraît clair que seule l’horreur d’une situation insoutenable peut amener certains à prendre le risque de perdre la vie d’une façon pareille. » Et si certains ont abandonné un poste face à une attaque soudaine et imprévue alors qu’ils s’étaient battus depuis des semaines ou des mois, combien d’exécutés pour s’être égarés dans la confusion des combats, pour avoir été faussement accusés de s’être automutilés en vue d’échapper au combat alors même qu’ils y avaient été blessés, pour avoir appliqué un ordre donné par un capitaine mort et incapable de les défendre, pour avoir été tiré au sort après avoir refusé une percée inutile et sanglante ?

Le Parlement n’a pas pour mission de juger, il convient d’insister. Nombre d’historiens se sont emparés du sujet et force est de constater que la question des fusillés pour l’exemple est un sujet de controverses. La multiplication des romans, des films, des bandes dessinées sur le sort des poilus témoigne également de l’intérêt du peuple français pour ce « kyste mémoriel » selon l’expression de Joseph Zimet, directeur général de la Mission du centenaire. Les histoires du soldat Lucien Bersot, condamné et exécuté pour ne pas avoir voulu porter le pantalon taché de sang d’un camarade mort au combat, ou du sous-lieutenant Chapelant, fusillé attaché à son brancard, sont les plus connues, mais nombre d’ouvrages, comme ceux de Frédéric Mathieu (6) ou de Jean-Yves Le Naour (7), racontent en détail les histoires de ces hommes morts, d’une manière ou d’une autre, en ayant défendu la patrie, au cri de « Vive la France ! ».

Il est temps, cent ans après, de faire honneur à leurs mémoires.

Avant toute chose, il convient d’apporter une précision essentielle : votre rapporteur a conscience des débats ouverts autour de la notion de « fusillés pour l’exemple ».

Si l’on s’en tient aux chiffres publiés par le rapport remis par M. Antoine Prost au Gouvernement en octobre 2013 sur la question (9), on compte autour de 600 à 650 fusillés pour des faits relevant de la désobéissance militaire, et, en comptant les crimes de droit commun et l’espionnage, 741 au total. De manière plus détaillée, on dénombre 56 exécutions pour faits d’espionnage, 53 pour crimes et délits de droits commun, 14 exécutions sommaires connues, soit 618 fusillés pour manquements à la discipline militaire. C’est à ces derniers, et ces derniers seulement, que le présent rapport et la proposition de loi s’adressent.

L’histoire des fusillés pour l’exemple est celle de nombreux poilus. Des domestiques agricoles, des journaliers, des cultivateurs, des artisans, des instituteurs, mobilisés dans l’urgence et envoyés sur le front pour une guerre rapide qui en fait n’en finira pas de s’enliser. C’est celle de soldats qui comme leurs camarades ont vu « des morts pleins les routes jusqu’à 7 kilomètres à l’arrière. Les convois passent dessus, les écrasent et les embourbent et les shrapnels gros comme des noix pleuvent sans arrêt. Notre tranchée n’est qu’un modeste fossé creusé à la hâte. Nous y restons tapis en attendant que les boches attaquent »(10). Ces hommes perdent vite l’espoir face à une situation qui empire avec la guerre de position, n’ayant que la mort en ligne de mire : « J’ai le cafard. Voilà six mois que ça dure, six mois, une demi-année qu’on traîne entre la vie et la mort, cette misérable existence qui n’a plus rien d’humain ; six mois sans espoir. Pourquoi tout ce massacre ? Est-ce la peine de faire attendre la mort si longtemps à tant de milliers de malheureux, après les avoir privés de vie pendant des mois. Nous devenons des brutes. Je le sens chez les autres, je le sens chez moi. Je deviens indifférent, sans goût, j’erre, je ne sais quoi faire. » (11)

La plupart de ces hommes se battent, continuent de sortir des tranchées et de monter au combat. Mais certains, parfois, craquent. Ils tentent alors de fuir, ou d’échapper au combat en s’automutilant. Le Grand quartier général prend peur, souhaite endiguer la contagion, d’autant plus que les premières semaines de la guerre sont catastrophiques pour l’armée française. En conséquence, on va vite, et on confond parfois acte volontaire et malchance ou égarement. Ainsi, certains des soldats arrêtés pour désertion ne cherchaient qu’à rejoindre leurs unités dans le chaos d’une offensive avortée, d’autres avaient perdu une phalange, un doigt, ou étaient blessés par l’ennemi au pied lors d’un assaut, portant une blessure estimée volontaire par certains médecins chargés d’identifier les traîtres supposés. Combien de présumés coupables arrêtés puis exécutés ?

Les histoires des fusillés ont été relatées par des historiens à partir de témoignages et de fragments d’archives collectées ici ou là. Votre rapporteur invite le lecteur intéressé à consulter leurs ouvrages (12) et ne dressera ici le portrait que de quelques malheureux, dont certains ont d’ailleurs été réhabilités.

– Jean-Julien Chapelant, 10 octobre 1914

Sous-lieutenant commandant la 3e section de mitrailleuses du 98e régiment d’infanterie. Capturé par l’ennemi avec quelques autres, blessé, il réussit à s’échapper et à regagner les lignes françaises. Il est condamné à mort pour « capitulation en rase campagne ». Il est fusillé le 10 octobre 1914, attaché à son brancard. Il a fait l’objet le 11 novembre 2012 d’une mesure de « réhabilitation administrative », par décision du ministre chargé des Anciens combattants le déclarant « mort pour la France ».

– François-Marie Laurent, 19 octobre 1914

Soldat du 247e régiment d’infanterie, originaire de Mellionnec en Bretagne. Ne parlant que le breton, il ne peut donner d’explication à la blessure qu’il a reçue à la main gauche. Accusé de mutilation volontaire, il est condamné pour abandon de poste en présence de l’ennemi et fusillé. La contre-expertise conduite en 1933 conclut que la pièce médicale du dossier ne permet pas de prouver une mutilation volontaire. Il est réhabilité en décembre 1933.

– Les fusillés de Vingré, 27 novembre 1914

Surpris par une attaque allemande dans leur tranchée de première ligne, des hommes du 298e régiment d’infanterie se replient dans une autre tranchée. Ils reprennent immédiatement, sur ordre, leur position antérieure. Vingt-quatre hommes sont désignés pour être jugés pour abandon de poste en présence de l’ennemi. Six sont condamnés à mort par un conseil de guerre spécial. Ils seront réhabilités par la Cour de cassation le 29 janvier 1921.

– Lucien Bersot, 13 février 1915

Soldat du 60e régiment d’infanterie, condamné à mort et exécuté le 13 février 1915 pour refus d’obéissance. Son histoire a été retracée dans le téléfilm Le Pantalon : il avait refusé de revêtir un pantalon taché de sang prélevé sur un cadavre pour remonter au combat avec ses camarades. Il a été réhabilité en 1922.

– Les quatre caporaux de Souain, 17 mars 1915

En mars 1915, le 336e régiment d’infanterie se retrouve en première ligne au moulin de Souain, dans la Marne. Le 7 mars 1915, le général Reveilhac, à la tête de la 60e division de réserve, donne l’ordre de lancer successivement les compagnies à l’attaque, alors que la préparation d’artillerie était insuffisante, comme le souligne le témoignage du député conservateur du Finistère, Jean Jadé, à la tribune de la Chambre le 23 avril 1921 et ancien officier du 336e à l’époque des faits.

Le député/commandant Jadé, de la 18compagnie, reçoit l’ordre d’attaquer par surprise à 4 h 30 du matin les tranchées ennemies. Il refuse, comme d’autres compagnies, non par lâcheté comme il le soutiendra (13). La 21e compagnie du caporal Maupas aurait dû sortir également en deuxième vague d’assaut. Lors de son interrogatoire, il indique que « les hommes étaient complètement abattus et démoralisés. [Ils restent dans la tranchée] ayant en eux-mêmes la vue de cadavres alignés devant eux et l’impossibilité de franchir l’espace les séparant de la tranchée allemande, de plus les canons français envoyaient des obus sur la tranchée. Quiconque montait devait être fauché littéralement soit par les nôtres soit par le feu des mitrailleurs allemands. » Face à cette situation, le général Reveilhac ordonne de « désigner six hommes dans chaque section de la 21e compagnie parmi ceux qui ne sont pas sortis, en choisissant dans les plus jeunes classes et six caporaux ». Dix-huit soldats et six caporaux sont donc désignés au hasard pour répondre de la faute collective devant un tribunal militaire, le 16 mars 1915. Les dix-huit soldats et deux caporaux sont acquittés, mais quatre caporaux - le cultivateur Louis Lefoulon, l’instituteur Théophile Maupas, l’horloger Louis Girard et le garçon de café Lucien Lechat – sont condamnés à la peine de mort en application de l’article 218 du code de justice militaire sur le refus d’obéissance. Le commissaire du gouvernement précise qu’« un acte pareil mérite un châtiment et le seul châtiment digne de la faute et nécessaire pour l’exemple, la loi vous l’indique, c’est la mort ! » Le 17 mars, en fin d’après-midi, les quatre caporaux sont exécutés.

– Les fusillés de Flirey, 20 avril 1915

À Flirey, en Meurthe-et-Moselle, la 5compagnie du 63régiment d’infanterie est désignée pour l’attaque. Les hommes, qui considèrent que ce n’est pas leur tour, refusent de monter en ligne. Cinq hommes sont tirés au sort et jugés pour refus d’obéissance, quatre sont exécutés le 20 avril. Tous sont réhabilités par la Cour spéciale de justice militaire.

– Joseph Gabrielli, 14 juin 1915

Soldat du 140e régiment d’infanterie, simple d’esprit, illettré et ne parlant que le corse, il avait perdu le contact avec sa compagnie après s’être fait soigner une blessure reçue lors d’une attaque. Condamné pour abandon de poste le 14 juin 1915 et fusillé le jour même, il fut réhabilité par la Cour spéciale de justice le 4 novembre 1933.

– Camille Chemin et Édouard Pillet, 5 août 1915

Soldats du 37régiment d’infanterie coloniale, ils sont exécutés à la suite d’un malentendu : ayant été désignés pour surveiller des sacs à l’arrière, ils sont accusés d’être des déserteurs par leur nouveau capitaine. Leur ancien capitaine ayant été tué lors de l’assaut auquel ils avaient échappé, leurs dires n’ont pas pu être confirmés.

Bien souvent, ces arrestations étaient le fait d’officiers subissant la pression du haut commandement, et cherchant à asseoir une autorité qu’ils craignaient évanescente face à une indiscipline qu’ils redoutent. La peur de la déroute est omniprésente. Le capitaine de Calliès, qui appartient à la IIe armée du général de Castelnau fait ainsi part dans ses Carnets de guerre 1914-1918 « des risques manifestes de fatigue dans la troupe ; je parle des fantassins exténués par les marches forcées et le manque de sommeil. On a bien requis des voitures pour transporter leurs sacs. J’en vois même que les hommes n’ont pas le courage de débarquer le soir et qui gisent, leur chargement à demi versé sur le sol, dans les rues du village. Pendant la marche, la route est jalonnée par des sacs abandonnés. À chaque instant un fantassin sort des rangs, reprend sa place. Il y a là un manque de discipline qui m’inquiète. »

Contrairement aux idées reçues, les mutins de 1917 sont loin de constituer la majorité des fusillés. En effet, c’est essentiellement au cours des premiers mois de la guerre que la justice militaire s’est montrée particulièrement sévère. Les mutineries collectives ont ainsi été moins réprimées que les renoncements individuels.

Nombre mensuel de soldats exécutés pendant la guerre 1914-1918 par l’armée française

Source : Frédéric Mathieu, Les fusillés de 14-18.

Le Général André Bach, ancien directeur du Service historique de l’armée de terre, recense ainsi 271 condamnations à mort au cours des cinq derniers mois de l’année 2014, pour 199 exécutions (14).

condamnations et exécutions dans l’armée française en 1914

1914

Août

Sept

Oct

Nov

Déc

Total

Condamnés à mort

2

76

94

37

60

271

Exécutions

2

65

67

32

31

199

D’après André Bach.

Pour l’année 1915, 481 condamnations à mort pour 296 exécutions (260 soldats français).

condamnations et exécutions dans l’armée française en 1915

1915

Janv

Fév

Mars

Avr

Mai

Juin

Juil

Août

Sept

Oct

Nov

Déc

Total

Condamnés à mort

26

31

55

48

59

43

49

22

15

43

59

31

481

Exécutions

22

22

45

34

25

35

37

19

8

33

8

7

296

D’après André Bach.

Au cours des dix-sept premiers mois de la guerre, d’août 1914 à fin décembre 1915, le général André Bach a recensé près de 500 exécutions (15). Inversement, alors que la plupart des historiens estiment que les mutineries ont concerné environ 40 000 à 80 000 soldats, il n’y eut « que » 27 exécutions, ce qui conduit à remettre en question le poids des mutineries de 1917 dans le nombre total de fusillés.

Les mutineries de 1917

Il s’agit d’un mouvement de protestation au sein de l’armée contre la volonté du commandement de reprendre l’offensive après trois années de guerre épuisante et l’échec tragique de l’offensive du général Nivelle au Chemin des Dames en avril 1917. Durant six à huit semaines, entre mai et juin 1917, les mutineries touchent jusqu’à 68 divisions, sur un total de 110, soit environ 500 000 soldats, dont 10 % sont, à proprement parler, des mutins.

Le mouvement revêt un caractère social, au sens où il est l’expression d’une demande collective : cesser les assauts inutilement meurtriers, améliorer les conditions de vie des combattants.

C’est à ce moment que se diffuse dans les tranchées la célèbre chanson de Craonne, qui exprime le ras-le-bol des soldats :

Quand au bout de huit jours, repos terminé, on va reprendre la tranchée

Notre vie est bien utile, car sans nous on prend la pile (défaite écrasante)

Oui mais maintenant, on est fatigués, les hommes ne peuvent plus marcher

Et le cœur bien gros, avec des sanglots, on dit adieu aux civelots (civils)

Et même sans tambour, et même sans trompette, on s’en va là-haut, en baissant la tête

(Refrain) Adieu la vie, adieu l’amour, adieu toutes les femmes

C’est pas fini, c’est pour toujours, de cette guerre infâme

C’est à Craonne, sur le plateau, qu’on va laisser not’ peau

Car nous sommes tous condamnés, c’est nous les sacrifiés.

Si des condamnations, suivies pour certaines d’exécutions, seront prononcées, les revendications seront entendues (conditions matérielles, permissions...) et un nouveau commandement sera mis en place, le général Pétain succédant au général Nivelle.

Source : Rapport n° 603 de Mme Michelle Demessine sur la proposition de loi n° 212 du Sénat.

L’état de siège est décrété le 2 août 1914. Au début de la Guerre, le Gouvernement et le Parlement, dont la session est ajournée, se sont repliés à Bordeaux. Alors que le spectre de la déroute plane sur l’armée française, les autorités politiques cèdent face à la demande du généralissime Joseph Joffre de transférer aux autorités militaires davantage de pouvoirs en matière de justice. Il réclame ainsi par dépêche télégraphique au ministère de la Guerre une accélération des procédures judiciaires, car la lenteur « empêche de faire des exemples qui sont absolument indispensables »(16). Le Gouvernement s’en remet donc pleinement à la justice militaire, qui, comme le souligne le général Bach, avait pourtant été fortement critiquée même avant 1914 : l’affaire Dreyfus avait provoqué une montée des critiques en ce qui concernait la lourdeur des peines par rapport aux fautes, le manque de compétences de l’appareil judiciaire militaire, la difficulté de faire appel de ses décisions, sa difficulté à rendre sereinement la justice.

En 1914, la justice militaire repose presque intégralement sur le code de justice militaire du 9 juin 1857, modifié par la loi du 18 mai 1875. Comme l’expose le ministère de la Défense (17), « en temps de paix, l’organisation de la justice militaire repose sur des bases géographiques : un tribunal militaire permanent exerce sa juridiction dans chacune des circonscriptions territoriales qui couvrent la métropole, les régions militaires. Au même échelon sont prévus des conseils de révision qui, en cas de recours, peuvent examiner sur la forme les jugements rendus par les conseils de guerre. Le personnel permanent est peu nombreux : à chaque conseil de guerre sont attachés un commissaire du gouvernement et un rapporteur, désignés par le ministre de la Guerre parmi les officiers supérieurs et capitaines, ainsi qu’un greffier et un commis-greffier. Les juges, au nombre de sept, officiers et sous-officier, sont désignés par le général commandant la région militaire. En temps de guerre, cette organisation est maintenue pour l’intérieur, mais les unités en campagne, au niveau de la division, du corps d’armée et de l’armée, sont tenues d’attacher à leur quartier général un conseil de guerre organisé à quelques différences près sur le modèle des tribunaux militaires permanents. Le nombre de juges y est notamment réduit à cinq. L’ensemble du personnel et des juges de ces conseils de guerre aux armées est choisi par le chef de l’unité sur laquelle le conseil de guerre exerce sa juridiction et un seul officier assure la double fonction de commissaire-rapporteur. La procédure elle-même est simplifiée, puisque les accusés peuvent être traduits devant les conseils de guerre dans un délai de vingt-quatre heures et sans instruction préalable. Enfin, le code de justice militaire prévoit également, pour les armées stationnées à l’étranger, l’institution d’un tribunal prévôtal, dont la juridiction est limitée aux affaires mineures. Les conseils de guerre aux armées concernent aussi bien le front occidental que le front d’Orient. »

Cette organisation est remise en cause dès le début de la guerre, avec l’instauration de conseils de guerre spéciaux, appelés aussi « cours martiales ». Le Gouvernement prend ainsi, par décrets des 10 et 17 août 1914, des mesures visant à accélérer les procédures. Carte blanche est ainsi progressivement donnée au commandement militaire selon l’expression du général André Bach :

– la faculté de se pourvoir en révision contre les jugements des conseils de guerre aux armées est suspendue ;

– les autorités militaires se voient conférer le droit de faire exécuter les sentences de mort sans attendre l’avis du président de la République.

Ce renforcement de la mainmise de l’armée sur la justice est encouragé par les responsables politiques, effrayés par la peur de la débâcle. M. Adolphe Messimy, ministre de la Guerre, écrit ainsi le 20 août 1914 : « il vous appartient de prendre des mesures et de faire des exemples ».

Quelques semaines plus tard, une circulaire du ministre de la Guerre datée du 1er septembre 1914 réserve l’usage du droit de grâce, déjà soumis à l’approbation de la majorité des juges, au seul officier ayant assuré la mise en jugement.

Surtout, le décret du 6 septembre 1914 permet l’institution de conseils de guerre spéciaux à trois juges destinés à juger, suivant une procédure simplifiée et sans possibilité de recours, les auteurs de crimes pris en flagrant délit.

En novembre 1914, le général de Villaret, commandant le 7e corps d’armée donne la directive suivante au conseil de guerre chargé de juger vingt-quatre soldats inculpés d’abandon de poste devant l’ennemi : « il importe que la procédure soit expéditive, pour qu’une répression immédiate donne, par des exemples salutaires, l’efficacité à attendre d’une juridiction d’exception ».

Cette justice expéditive et parfois aveugle s’accompagne d’un processus d’humiliation et de dégradation. Une fois condamnés, les traîtres et lâches doivent subir la cérémonie de l’exécution, prévue par un décret du 7 octobre 1909 : présence en armes du régiment du condamné, lecture de la condamnation, coups de feu tirés par le peloton, constitué de camarades du rang désignés, passage de la troupe devant la dépouille. Dans certains cas, les soldats doivent subir le rituel infamant de la dégradation. Enfin, l’exécution est suivie d’une publicité qui vise à jeter l’opprobre sur le condamné et sa famille.

Les motifs de condamnation à mort prévus par le code de justice militaire

– refus d’obéissance pour marcher contre l’ennemi (art. 218) ;

– refus d’obéissance en présence de l’ennemi (art.218) ;

– voies de fait envers un supérieur (art. 223) ;

– révolte, insubordination et rébellion (art. 217) ;

– abandon de poste en présence de l’ennemi (art. 213) ;

– désertion à l’ennemi (art. 238) ;

– capitulation en rase campagne (art. 210) ;

– espionnage (art. 206) ;

– mutilations volontaires (art. 218 par extension) ;

– ivresse comme élément déclencheur (décret du 10 août 1872) ;

– pillage (art. 250).

Passé les premiers mois de conflit, le Parlement siège de nouveau à compter de décembre 1914. De nombreux députés retrouvent leur siège après avoir été mobilisés, sur le front ou à l’arrière. Certains ont été témoins d’exécution et s’emparent de ce qu’ils considèrent comme un scandale d’État, ou à tout le moins une injustice. Sur la pression des parlementaires, les dossiers de condamnés à mort en dehors de la zone des armées doivent à nouveau être soumis au président de la République avant exécution dès le 15 janvier 1915, sauf nécessité absolue de répression immédiate. Quelques mois plus tard, le 27 août 1915, face aux critiques grandissantes émanant tant du front que de l’arrière, le ministère de la Guerre appelle à plus de prudence s’agissant des mutilés.

Surtout, le député de l’Aube Paul Meunier, membre de la commission de la Réforme judiciaire et de législation civile et criminelle, se lance en mars 1915 dans un combat en faveur d’une réforme de la justice militaire. Nommé rapporteur du texte relatif au fonctionnement et à la compétence des tribunaux militaires, Paul Meunier gagne l’hémicycle à sa cause en relatant les témoignages des camarades de fusillés, notamment au sujet du tirage au sort de Flirey en avril 1915. Le Gouvernement s’oppose mollement à cette réforme, adoptée à l’unanimité des 461 députés présents.

Au cours des débats, les députés s’emportent contre le Gouvernement accusé d’avoir failli. M. Louis Andrieux, député des Basses-Alpes, s’exclame ainsi : « il vaut mieux surseoir à l’exécution d’un condamné que le déclarer innocent après ». M. Girard-Madoux, député de la Savoie, s’interroge : « la justice ne peut-elle pas attendre deux ou trois jours ou est-il nécessaire de supprimer toutes les garanties de la défense ? »

Si les sénateurs amoindrissent la portée de la réforme, notamment en remplaçant la possibilité d’un pourvoi en cassation par la création d’un conseil de révision pour éviter les erreurs judiciaires, la suppression des cours martiales ne soulève pas d’opposition majeure. La loi est finalement promulguée le 27 avril 1916, mais ne s’appliquera qu’à compter du mois de juin de la même année, les parlementaires devant interpeller les membres du Gouvernement en vue de la parution des décrets d’application. La possibilité de procédures en révision pour les condamnés est rétablie le 8 juin 1916.

Si, le 3 octobre 1916, Paul Meunier propose une plus grande indépendance des juges par l’institution du vote à scrutin secret et le passage des conseils de guerre à sept membres, il sera fortement attaqué par Charles Maurras dans l’Action française et, le contexte ayant changé, ne pourra convaincre ses collègues de le suivre dans cette voie. En effet, à la suite de l’offensive dramatique du général Nivelle sur le Chemin des Dames, la peur de l’indiscipline et l’apparition des mutineries entre mai et juin ne jouent pas en faveur d’un allégement des procédures militaires.

Ainsi, en juin 1917, le général Philippe Pétain obtient du Gouvernement par décret la suspension du recours pour les condamnés à mort lors de la répression des mutineries. Cette mesure sera rétablie par Paul Painlevé, ministre de la Guerre, le 13 juillet de la même année. Pendant ces cinq semaines, six cents soldats sont condamnés à mort pour une trentaine d’exécutions.

Après cette date, le fonctionnement de la justice militaire ne connaît plus de transformation fondamentale.

Une partie des députés s’indigne pourtant de voir ceux qui ont conduit les poilus au désespoir juges de leurs mouvements d’humeur et les envoyer ensuite au poteau d’exécution. Réunie en comité secret le 29 juin 1917, la Chambre évoque le Chemin des Dames et M. Aristide Jobert s’exclame : « en présence des faits criminels commis par des généraux, la faute de ces soldats devient excusable sinon inévitable. Quels sont les coupables ? On en a fusillé et je trouve cela épouvantable. On en a fusillé peu mais c’est encore trop. N’y en eut-il qu’un, ce serait trop. Messieurs, ces coupables qui sont des victimes ont droit à la justice, et nous devons nous opposer à ce qu’aucune exécution de ce genre soit désormais consommée. Il est déjà trop tard. (…) Je vous demande, monsieur le ministre de la guerre, de vous montrer juste. Dans l’ordre du jour que mes amis et moi déposerons, nous demanderons une amnistie pleine et entière pour tous ces faits. »

Aujourd’hui, il appartient à la Représentation nationale de poursuivre ce combat en adoptant la présente proposition de loi.

Face aux erreurs de la justice militaire, des réhabilitations ont été obtenues alors même que le conflit se poursuivait. Ainsi, le soldat Trémoulet du 209e régiment d’infanterie, passé par les armes le 5 octobre 1914 pour avoir perdu une phalange à l’annulaire gauche avant que ses camarades puissent attester qu’il fut blessé au combat, a été réhabilité le 11 mai 1916. L’artilleur Eugène Bouret avait été fusillé car accusé d’abandon de poste, alors même qu’il n’était qu’un blessé évacué régulièrement vers une formation sanitaire après avoir été commotionné par le souffle d’un obus ; il fut réhabilité en août 1917. Le 12 septembre 1918, la Cour de cassation a réhabilité les soldats Odde et Tomasini, passés par les armes en septembre 1914 à la suite d’une erreur de diagnostic du docteur Cathoire. Lucien Bersot, quant à lui, ne fut pas réhabilité en 1916 bien que son jugement ait été cassé.

Le député de l’Aube Paul Meunier a relevé une trentaine de jugements réformés par le Cour de Cassation de 1915 à mars 1918.

Au sortir de la guerre, les familles des fusillés doivent supporter la honte qui entoure la mort de leur époux, de leur fils, de leur frère. M. Floch, frère d’un fusillé, s’exprimera ainsi lors de l’inauguration du monument des fusillés de Vingré, le 5 avril 1925 : « Songez un instant à ce que fut pour nous cette guerre, atroce. D’autres à nos côtés connaissaient aussi des deuils douloureux, ils les pouvaient du moins porter avec fierté, tandis que nous… Pendant des années entières, nous avons vécu dans cette atmosphère affreuse de la suspicion illégitime et la honte injustifiée, car nous savions, nous, qu’ils étaient innocents, ces martyrs de Vingré. Comme vos camarades, vous êtes tombés au champ d’honneur et c’est le même drapeau qui vous sert de linceul. »

La réhabilitation, qui consiste en une annulation de la peine prononcée, une suppression des accusations portées et le retour du justiciable à sa situation avant le procès, est un long combat, qui débute dès la fin de la guerre. La Ligue des droits de l’Homme joue un rôle essentiel, en accompagnant les familles, en menant des campagnes de presse et en organisant des conférences-débats. Des affaires spectaculaires relancent les débats, comme celle de Théodore Mercey : condamné à mort en 1916 pour désertion, son corps est retrouvé sur le champ de bataille en 1921. Les associations d’anciens combattants se mobilisent également. Ainsi, l’Union nationale des combattants (UNC) obtient que le ministre de la Justice intervienne et saisisse lui-même la Cour de cassation s’agissant des soldats de Vingré. Le 29 janvier 1921, leur procès est cassé.

Le combat de Blanche Maupas à la suite de l’exécution de son mari

C’est alors que commence pour sa femme, Blanche Maupas, un long combat pour rétablir la vérité et laver la honte d’être la veuve d’un fusillé et non la veuve d’un mort pour la France. Voici ce qu’écrit Valentine de Coincoin dans le Canard enchaîné du 17 octobre 1962, quelques jours après la mort de Blanche Maupas : « Les autres veuves de guerre sont entourées, consolées, chouchoutées. Autour de celle-ci, c’est le vide hostile, et le lourd silence de toutes les lâchetés. Le curé refuse de sonner le glas pour son paroissien mort. Les villageois détournent la tête. Et l’inspecteur d’académie s’amène, son pavé de l’ours sous le bras : Femme de fusillé est devenue une identité à part entière pour Blanche Maupas. »

Blanche Maupas contacte l’Amicale des instituteurs pour demander leur soutien juridique puis la Ligue des droits de l’homme le 30 avril 1915. Elle accumule les témoignages, reconstitue les faits, se bat pour qu’éclate la vérité sur l’exécution de son mari et de ses trois camarades renonçant par là même à une requête de réhabilitation dans l’immédiat : « Je ne crois pas devoir intenter maintenant une instance en révision du procès. J’attendrai prudemment et patiemment une heure plus favorable » (lettre de Blanche Maupas à la LDH le 9 mai 1915). La campagne de réhabilitation soutenue par la Ligue des droits de l’homme se focalise sur l’officier à l’origine de l’affaire, le général Reveilhac, commandant la 60e DR. L’accusation contre ce dernier s’appuie sur deux éléments. Le premier correspond à l’ordre écrit, qu’il a envoyé après l’échec du 336e et qui conduit à la désignation des hommes pour passer en conseil de guerre. La deuxième accusation concerne le fait qu’il aurait également donné l’ordre à son artillerie de tirer directement sur les soldats qui ne sortaient pas des tranchées. C’est ce que prétend, en 1921, un soldat qui exerçait les fonctions de secrétaire auprès du commandant Astier, chef du 336e, et qui se souvient du coup de fil du général Reveilhac : « si les hommes ne partent pas à l’assaut, je fais tirer le 75 sur les tranchées. » En janvier 1920, Blanche Maupas dépose, toujours avec le soutien de la Ligue des droits de l’homme, une demande officielle de révision que le garde des Sceaux refuse : « J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’après examen du dossier de l’affaire et des documents que vous avez bien voulu me communiquer, une procédure de révision ne m’a pas paru susceptible d’être engagée. »

Face à la mobilisation de l’opinion et des anciens combattants, la chambre rend le 1er octobre un avis favorable à la révision du procès. Mais le 26 mars 1922, la Cour de cassation rejette le pourvoi une première fois, puis une deuxième fois en 1926.

Il faut donc attendre la formation de la cour spéciale de justice militaire pour que l’affaire des fusillés de Souain soit réexaminée par la justice. Par arrêt du 3 mars 1934, le jugement de 1915 est cassé et les quatre fusillés réhabilités. La procédure, qui a duré près de 20 ans, illustre le « long calvaire des familles » pour reprendre l’expression d’Henri Guernut, ex-secrétaire général de la Ligue des droits de l’homme (il quitte cette fonction en 1932).

Après la réhabilitation de Théophile Maupas et après la séparation de la cour spéciale de justice militaire en février 1935, les anciens combattants et les pacifistes continuent à s’intéresser aux fusillés notamment par le biais de la commémoration mais aussi par la propagande. Le 20 septembre 1925, dans le cimetière communal de Sartilly, à l’emplacement de la tombe de Théophile Maupas, est inauguré un monument commémoratif aux caporaux de Souain réalisé par le sculpteur et vétéran de Verdun Paul Moreau-Vauthier, le marbrier Rivière, de Villedieu-les-Poêles, et le fondeur Joret, le tout financé par une souscription.

Source : www.reseau-canope.fr

Comme le rappelle la sénatrice Mme Michelle Demessine, après une première loi d’amnistie en 1919, une deuxième loi d’amnistie, votée le 29 avril 1921, instaure un recours contre les condamnations prononcées par les conseils de guerre spéciaux, ouvert aux conjoints, ascendants et descendants jusqu’au quatrième degré. Si la révision est jugée recevable, la Cour de cassation peut accorder une réparation morale et pécuniaire.

Article 20 de la loi du 29 avril 1921 relative à l’amnistie

Un recours est ouvert, sur la demande du condamné, contre les condamnations prononcées au cours de la guerre par les juridictions dites d’exception : cours martiales et conseils de guerre spéciaux institués par le décret du 6 septembre 1914.

Si le condamné est décédé, s’il est disparu ou dans l’impossibilité de former son recours, le droit est ouvert à son conjoint, ses ascendants ou descendants ; les frères et sœurs auront le même droit que le conjoint, si celui-ci ne l’exerce pas.

Au cas où le condamné n’aurait laissé ni conjoint, ni ascendants, ni descendants, le droit est dévolu à l’un de ses parents jusqu’au quatrième degré inclusivement. Il sera procédé à cet examen par la chambre des mises en accusation de la cour d’appel du siège du conseil de guerre qui aura reçu le dépôt des archives et minutes de la juridiction ayant rendu la sentence.

La chambre des mises en accusation, saisie de la demande et du dossier de la procédure par le procureur général, instruira le procès en chambre du conseil. Elle ordonnera toutes mesures préparatoires, elle procédera, soit directement, soit par commissions rogatoires, à toutes enquêtes, confrontations, reconnaissances d’identité et moyens propres à mettre la vérité en évidence, en se conformant aux règles prescrites par le Code d’instruction criminelle, le demandeur dûment appelé ou représenté selon les formes établies par la loi du 8 décembre 1897. En cas de détention, la chambre des mises en accusation statuera sur la mise en liberté provisoire du condamné.

Lorsque l’affaire sera en état, si la cour estime qu’il n’y a pas lieu de modifier la décision entreprise, elle statuera en déclarant qu’il n’y a pas lieu d’admettre la demande. Si, au contraire, elle reconnaît qu’il y a lieu à décision nouvelle, elle ordonnera le renvoi de la demande et de la procédure à la Chambre criminelle de la Cour de cassation, qui statuera définitivement sur le fond comme juridiction de jugement investie d’un pouvoir souverain d’appréciation.

L’article 446 du Code d’instruction criminelle demeure applicable. Pendant les deux années qui suivront la promulgation de la présente loi, le ministre de la Justice pourra, dans les mêmes conditions, saisir la chambre des mises en accusation d’un recours contre les condamnations prononcées au cours de la guerre par les conseils de guerre et cours martiales, qu’il jugerait devoir être réformées dans l’intérêt de la loi et du condamné.

Le 9 août 1924 est adoptée une loi tendant à permettre la réhabilitation des soldats exécutés sans jugement. Puis, le 3 janvier 1925, une nouvelle loi d’amnistie instaure une procédure exceptionnelle devant la Cour de cassation, alors que le code de justice militaire est révisé en 1928.

Enfin et surtout, le 9 mars 1932 est votée la loi créant une Cour spéciale de justice militaire, composée à parité de magistrats et d’anciens combattants, compétente pour réexaminer tous les jugements rendus par les conseils de guerre. Elle siégera entre 1933 et 1935.

C’est cette Cour qui permettra la réhabilitation des caporaux de Souain, refusée le 21 avril 1926, et des fusillés de Flirey, refusée le 12 février 1927 par la Cour de cassation. Face à ces refus, le député du Finistère Jean Jadé s’écrie devant la Chambre des députés, le 10 mai 1927 : « Il y a un élément qui échappera toujours à l’appréciation des honorables magistrats de la cour suprême : c’est la question de l’exécutabilité d’un ordre. Certes, nos soldats ont accompli sur le front des prodiges… on a tendance à croire qu’il n’existait là-haut, aucune limite à la résistance des hommes. Et bien, si ! Les forces de l’homme ont une limite. Mais cette limite ne peut être appréciée que par ceux qui ont eux-mêmes vécu dans l’enfer des batailles. »

Les travaux de l’historien Jean-Yves Le Naour estiment à une cinquantaine de cas les réhabilitations de l’entre-deux-guerres. Mais si les situations les plus injustes ont été réglées durant cette période, au cas par cas, l’immense majorité des fusillés pour l’exemple demeure écartée de la mémoire nationale.

Le sort réservé aux fusillés demeure pour Joseph Zimet le dernier « kyste mémoriel » de la Grande Guerre au moment où il est nommé directeur de la Mission du centenaire. Alors que la crise économique touche la France de plein fouet dans les années trente et que se profile la Seconde Guerre mondiale, le débat autour de la réhabilitation des fusillés perd de l’importance durant une cinquantaine d’années.

Les fusillés pour l’exemple constituent ainsi en quelque sorte un contre-lieu de mémoire. Conduit sous la direction de l’historien M. Pierre Nora, l’ouvrage Les Lieux de mémoire est fondé sur le fait que l’histoire s’écrit désormais sous la pression des mémoires collectives, qui cherchent à « compenser le déracinement historique du social et l’angoisse de l’avenir par la valorisation d’un passé qui n’était pas jusque-là vécu comme tel ». Ainsi, les historiens identifient, liés à la Première Guerre mondiale, les monuments aux morts ou Verdun comme des lieux de mémoire, dans lesquels se forge et s’entretient l’histoire de la Nation et du peuple.

Les fusillés pour l’exemple concentrent l’attention, et évoquent à chacun un aspect différent de la Grande guerre, reconstruit à l’aune de son expérience individuelle : injustice, mutinerie, absurdité, discipline, traîtrise, horreur. Mais quel que soit le jugement porté sur les fusillés de la Grande Guerre, il n’est pas valorisant. Si les fusillés constituent donc un réceptacle de la mémoire collective nationale, ils en sont un contre-exemple, une marque quelque peu honteuse. En exécutant de la sorte ses soldats, et en refusant d’affronter pleinement la question de leur souvenir, la Nation s’est en quelque sorte infligé la flétrissure qu’elle entendait faire porter, et ne parvient toujours pas aujourd’hui à ôter ce kyste. C’est pour cette raison qu’il lui faut aujourd’hui procéder à une réhabilitation collective.

En 1998, à l’occasion d’un discours prononcé à Craonne lors des commémorations de l’armistice de 1918, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, rend un hommage inédit aux fusillés pour l’exemple : « Cet hommage embrasse tous les soldats de la République. Craonne est cet endroit où une armée d’élite, qui avait déjà durement et glorieusement combattu, une armée choisie pour sa bravoure, fut projetée sur un obstacle infranchissable – 200 mètres de buttes et de crêtes, balayés par le souffle mortel de l’artillerie et des mitrailleuses. Certains de ces soldats, épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d’être des sacrifiés. Que ces soldats, « fusillés pour l’exemple », au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale. » Cette prise de position courageuse a été alors critiquée tant par le président de la République que par des membres de l’opposition parlementaire.

Pourtant, dix ans plus tard, le 11 novembre 2008, le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a rendu un hommage similaire à tous les soldats de la Grande Guerre, sans exception, y compris les fusillés, lors de la commémoration de l’armistice au mémorial de Douaumont : « Je penserai à ces hommes dont on avait trop exigé, qu’on avait trop exposés, que parfois des fautes de commandement avaient envoyé au massacre, à ces hommes qui, un jour, n’ont plus eu la force de se battre. Je veux dire au nom de notre Nation que beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches, mais que simplement ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces. Souvenons-nous qu’ils étaient des hommes comme nous, avec leurs forces et avec leurs faiblesses. Souvenons-nous qu’ils furent aussi les victimes d’une fatalité qui dévora tant d’hommes qui n’étaient pas préparés à une telle épreuve. »

Entre ces deux dates, de nombreux travaux d’historiens, en premier lieu ceux de Nicolas Offenstadt et du général André Bach, ancien chef du Service historique de l’armée de terre, ont éclairé d’une lumière nouvelle la question des fusillés pour l’exemple. De même, de nombreux objets culturels sont parus en hommage aux poilus dans leur ensemble, souvent perçus aujourd’hui comme les victimes d’une guerre industrielle qui n’a vu en l’homme que de la chair à canon. Des films comme Un long Dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet, sorti en 2004 et Joyeux Noël de Christian Carion, sorti en 2005, des films documentaires tel que Fusillés pour l’exemple de Patrick Cabouat (2003), des téléfilms comme celui consacré à Blanche Maupas, veuve de Théophile Maupas, fusillé de Souain, ainsi que des romans ou des bandes dessinés, ont contribué à replacer les fusillés dans le débat public.

De nombreuses associations, comme Libre Pensée, l’Association républicaine des Anciens combattants (ARAC) et la Ligue des droits de l’Homme, ont également repris le combat, animé d’un nouvel espoir.

Pourtant, alors même que sur les territoires les populations et les élus sont mobilisés côte à côte pour obtenir une réhabilitation collective, le Gouvernement tarde à agir. Selon l’association Libre-pensée, 31 conseils généraux, quatre conseils régionaux ont pris position et près de 2 000 conseils municipaux ont adopté des résolutions en faveur de la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple. Certaines communes ont pris l’initiative d’inscrire le nom de leurs fusillés au fronton des monuments aux morts, comme c’est le cas à Évreux, qui a rendu hommage à Armand Désiré Gontier, fusillé le 20 décembre 1916 pour abandon de poste et désertion en présence de l’ennemi.

S’il convient de saluer la décision du ministre chargé des Anciens combattants d’attribuer, à l’occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au sous-lieutenant Jean Chapelant, nombre de cadavres demeurent « dans le placard de la Grande Guerre » selon les mots de Jean-Yves Le Naour. À la suite de la remise du rapport de M. Antoine Prost, le président de la République, M. François Hollande a évoqué le 7 novembre 2013 « ceux qui furent vaincus non par l’ennemi, mais par l’angoisse, par l’épuisement né des conditions extrêmes qui leur étaient imposées. Certains furent condamnés de façon arbitraire et passés par les armes ». Il a annoncé à cette occasion la constitution d’un espace consacré aux fusillés au Musée de l’Armée aux Invalides, et la numérisation et la mise en ligne sur le site « Mémoire des Hommes » des dossiers des conseils de guerre. Ces deux mesures sont en vigueur depuis le 11 novembre 2014. Mais comment s’en satisfaire ?

Alors même que le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont adopté au cours des années 2000 des lois de pardon ou de réhabilitation (18), la France demeure en retrait, incapable de réhabiliter « ces morts inapaisés dont la figure spectrale reflète tout simplement la mauvaise conscience d’une nation qui a payé trop cher sa victoire pour s’en réjouir » selon les mots de M. Jean-Yves Le Naour. Face à la paralysie du Gouvernement, il est du devoir du Parlement d’amener la France à rendre hommage à ces soldats tués par les balles de leurs camarades.

Bien évidemment, le groupe de la Gauche démocratique et républicaine n’entend pas rejuger l’histoire, ni mettre en cause la justice militaire ou la répression mise en place par les armées. Il fallait tenir, se battre et défendre le pays, et il serait absurde de juger ces faits à partir de nos valeurs actuelles.

Toutefois, ces hommes sont tombés sous les balles françaises, fusillés par leurs camarades et quels que soient leurs crimes, réels ou supposés, leur exécution a toujours été vécue comme une épreuve par la troupe, qui éprouvait davantage de ressentiment contre les « planqués » que contre ses camarades pris de faiblesse dans un enfer commun. Sortant d’un conseil de guerre, le capitaine Calliès notait ainsi qu’il « est plus dur de mettre à mort de sang-froid trois hommes que d’en voir tomber cinquante sur le champ de bataille. »

S’il serait aberrant de juger l’histoire, il est indispensable de la connaître, et force est de constater que les travaux de divers historiens ont montré combien les parlementaires de l’époque, qui pour certains avaient connu le feu et la vie des tranchées, ont souhaité faire cesser ces exécutions alors même que le conflit perdurait. Les comptes rendus des séances publiques de la Chambre des députés comme des réunions de la commission de l’Armée témoignent de cet engagement des parlementaires, et de leur volonté d’obtenir un droit de visite et d’enquête aux armées. La commission de l’Armée n’obtient finalement satisfaction qu’avec la signature de la circulaire du ministre de la Guerre du 12 octobre 1917 relative au contrôle parlementaire aux armées, qui accorde la carte nominative donnant libre accès au front aux parlementaires autorisés à exercer le contrôle dans la zone des armées. En ce sens, la démarche du groupe GDR s’inscrit pleinement dans la continuité des travaux parlementaires de l’époque.

Par ailleurs, les temps ont changé et les « lâches » n’en sont plus. Or, l’absence de toute disposition de réhabilitation persiste à les faire considérer comme des lâches ou des traîtres, flétrissant ainsi leur mémoire et jetant l’opprobre sur leurs descendants. Pourquoi promettre, comme le font parfois les membres du Gouvernement chargés des anciens combattants, que la réhabilitation au cas par cas serait la seule solution ? Chacun sait que nombre de dossiers de fusillés ont disparu, ou que les documents restants ne permettraient pas de mener un tel travail.

Alors que notre pays célèbre encore cette année le centenaire de la Première Guerre mondiale, il est plus que temps de réunir enfin en une seule et même mémoire apaisée tous ceux qui, durant cette guerre, sont morts pour la France.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées examine, sur le rapport de M. Jean-Jacques Candelier, la proposition de loi de loi relative à la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple de la guerre de 1914-1918 (n° 274), au cours de sa réunion du mardi 17 mai 2016.

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. Philippe Nauche. Les faits évoqués par le rapporteur rappellent une période tragique de notre histoire, et la perception que nous en avons aujourd’hui n’est probablement pas la même que celle qui prévalait à l’époque. C’est pour cela, qu’en novembre 1998, quatre-vingts ans après la fin du premier conflit mondial, Lionel Jospin, alors Premier ministre, rendait hommage aux mutins de Craonne sur le Chemin des Dames de 1917, qui, « épuisés par des attaques condamnées à l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d’être sacrifiés ». Il avait souhaité que « ces soldats, fusillés pour l’exemple au nom d’une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats réintègrent aujourd’hui pleinement notre mémoire collective nationale ».

Sous la présente législature, Kader Arif, alors ministre délégué chargé des Anciens combattants, avait décidé de faire un premier pas symbolique en décernant, à l’occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au lieutenant Jean Chapelant, que notre collègue Candelier vient d’évoquer.

Afin de poursuivre ce travail, un rapport a été commandé à l’historien Antoine Prost, et fut remis le 1er octobre 2013. La principale conclusion, qui est partagée par mon groupe politique, était que, dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale, il était important de réintégrer les fusillés pour l’exemple dans la mémoire collective.

Depuis, le président de la République, François Hollande, a décidé d’accorder à l’histoire des fusillés une place au sein du Musée de l’armée, installé aux Invalides. De même, tous les dossiers des conseils de guerre ont été numérisés et sont enfin accessibles à la recherche et au public dans un espace particulièrement consacré du site « Mémoire des hommes ».

Nous considérons qu’il ne s’agit plus aujourd’hui de juger ou de rejuger, mais de se souvenir et de comprendre, ainsi que le préconisait Antoine Prost, car il n’y a pas de reconnaissance plus forte que celle de la connaissance.

Toutefois, même s’il faut noter que la présente proposition de loi se distingue d’autres textes précédemment déposés, toute réhabilitation de portée générale, sans véritable discernement, qu’elle soit juridique ou symbolique, dilue la reconnaissance de ces victimes. La notion de « fusillés pour l’exemple » n’est de plus pas clairement définie aujourd’hui.

Par ailleurs, un certain nombre de communes qui l’ont souhaité ont pu inscrire sur leurs monuments aux morts les noms de leurs fusillés pour l’exemple. Les dossiers doivent être traités individuellement de façon que la réhabilitation, le cas échéant, conserve toute sa force. Pour ces raisons, bien que partageant les préoccupations qui la motivent, considérant que les modalités de la reconnaissance collective de cette réalité historique – qu’il nous revient d’affronter comme les autres – ne sont pas probantes, le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC) n’est pas favorable à cette proposition de loi.

M. Philippe Folliot. Je souhaite remercier le rapporteur pour cette présentation qui nous conduit à méditer cet épisode douloureux de notre histoire, alors que dans le cadre des commémorations du centenaire, nous sommes engagés dans un travail collectif de mémoire. À cet égard, nous devons prendre en compte l’ensemble des éléments ayant trait à cette période, les fusillés pour l’exemple en font partie et il convient de ne pas les oublier.

Nous devons toutefois réfléchir au rôle qui pourrait revenir au Législateur de fixer un cadre officiel à notre histoire. À plusieurs reprises, la question s’est posée tant au sein de notre commission que de l’Assemblée nationale, de savoir si nous devions écrire une « version officielle » de l’histoire. En légiférant de manière globale, collective et générale, Monsieur le rapporteur, ne risquerions-nous pas de créer un précédent supplémentaire et d’ouvrir la porte à des débats sans fin comme, malheureusement, la France en a le secret ?

Des réhabilitations individuelles légitimes et fondées paraîtraient plus sages qu’une réhabilitation collective.

Vous avez cité un ancien poilu ayant déclaré : « Jugera qui voudra, à condition qu’il soit passé par là. » Aucun d’entre nous, par définition, n’est passé par là. Celui qui, à mes yeux, serait le mieux fondé pour juger, et malheureusement je n’ai pas pu en parler avec lui, est mon grand-père Eugène Folliot, grand blessé laissé pour mort sur le champ de bataille. J’ai une pensée émue pour lui à cet instant, et il eût été singulièrement mieux placé que son petit-fils pour porter un jugement.

Je ne suis pas convaincu que la loi soit le bon vecteur d’expression d’un travail de mémoire collective. Dans l’attente du débat en séance, et tout en partageant le souhait de voir reconnu le sort des fusillés pour l’exemple, je ferai part des réserves du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI) à l’encontre de cette proposition de loi.

M. Christophe Guilloteau. Je m’exprimerai à titre personnel, car mon groupe ne s’est pas encore concerté sur ce texte. Il est toujours difficile de revisiter l’histoire cent ans après ; on a trop souvent demandé aux députés d’être des historiens, ce qu’en aucun cas nous ne sommes, car nous sommes législateurs. Il s’agit d’un vieux débat que j’ai déjà connu au sein de mon conseil départemental. S’il avait été si simple, depuis un siècle, il aurait été tranché.

Je peux comprendre que le rapporteur soit attaché à ce souhait de voir reconnaître les fusillés pour l’exemple, mais je suis gêné par le pardon associé à ce texte : comment une Nation peut-elle demander pardon pour ce qu’elle n’a pas commis au moment de cette demande ? Vous avez évoqué des historiens, mais, certains d’entre eux avancent l’inverse de ce que vous avez indiqué, et – que l’on me pardonne –, des gens ont mérité d’être fusillés, alors que d’autres ne le méritaient absolument pas. Comment nous, ici, en 2016, assis à cette table, pourrions-nous juger des événements immondes et ignobles qui se sont déroulés au cours de ce conflit mondial, qui a certainement été la plus barbare des boucheries de l’histoire ? Pour ma part, je m’en sens incapable, et bien incompétent.

Votre préoccupation porte sur un débat ancien. Des associations d’anciens combattants dont vous êtes proche ont beaucoup milité pour cette cause, et certains maires ont fait le choix de graver sur leurs monuments aux morts les noms d’hommes qu’ils considéraient comme fusillés pour l’exemple.

En tout état de cause, en tant que simple législateur, je me refuse à être un historien, et ma compétence n’est pas aussi étendue que vous le souhaiteriez ; je comprends votre volonté de revisiter l’histoire, mais je m’en sens incapable.

M. Michel Voisin. Je comprends l’émoi que peuvent provoquer dans notre pays des décisions prises à certains moments de l’histoire. À l’époque, ces décisions ont été prises par un pouvoir, par des législateurs, qui obéissaient à des règles : la règle applicable aux militaires disposait que, la discipline faisant la force principale des armées, il importait que tous obéissent, et la réclamation n’était permise qu’après avoir obéi.

Être français, c’est accepter les heures glorieuses comme les heures sombres de notre pays ; ce qui a été fait à l’époque, nous le percevons avec nos conceptions actuelles. Dans ma circonscription, une personne dont le grand-père était mort pendant la Grande Guerre et dont le nom ne figurait pas sur le monument aux morts est venue me solliciter. Pour ce seul cas, les recherches auprès du ministère des Anciens combattants ont permis un accord au terme de plus de trois ans. Dès lors, je m’interroge : comment un maire peut-il décider d’inscrire un nom sur un monument aux morts s’il ne dispose pas de l’acte émanant du ministère compétent, et portant la mention « mort pour la France » ?

À mon sens, il est contradictoire de vouloir adopter une mesure collective, quel que soit l’émoi que provoque en moi cette question, et je ne pourrai pas donner mon assentiment à ce texte.

M. Philippe Vitel. En tant qu’élu de la Nation, je conçois mal comment je serais à même de me prononcer sur la réhabilitation générale et collective, sans plus de discernement. Demander pardon aux familles, mais aussi au pays tout entier, ne me paraît pas non plus relever des prérogatives de l’élu du peuple : j’ignore qui peut pardonner, mais je ne vois pas comment je pourrais de la sorte transformer le mandat qui m’a été confié par mes électeurs.

Concernant la mention « mort pour la France » inscrite sur les monuments aux morts, je partage le point de vue de Michel Voisin. Pour toutes ces raisons, je considère qu’il faut rester très prudent, et je ne voterai pas cette proposition de loi.

M. Guy Chambefort. Étant élu d’un département qui a connu un certain nombre d’exécutions pour l’exemple, notamment les martyrs de Vingré, qui ont été réhabilités, je suis attentivement ces questions. Si le texte présenté a le mérite d’exister, il aurait pu revêtir un aspect moins général. Si pendant longtemps certains s’opposaient à la réhabilitation de personnes susceptibles de s’être rendues coupables de crimes ou d’actes d’espionnage, dont on peut penser aujourd’hui au vu des dossiers que certaines condamnations auraient pu être évitées, demeurent 618 soldats sur lesquels ne plane aucun doute.

Plutôt que de proposer une réhabilitation générale, il eut été préférable de se limiter à la réhabilitation collective des 618 concernés, car nous savons le traumatisme qui a été provoqué dans la population et les familles par ces condamnations ; le texte aurait gagné à être plus précis.

Par ailleurs, je ne suis pas non plus favorable au pardon de la Nation, mais plutôt partisan de la réhabilitation simple de ceux qui ont été fusillés du fait du contexte de l’époque ; j’ai par ailleurs conscience que, si nous ne saisissons pas l’occasion du centenaire, cela n’aura jamais lieu. Le travail de recherche et de numérisation des archives, réalisé à la demande du président de la République, permet de disposer d’éléments beaucoup plus précis. À titre personnel, je ne me prononcerai pas en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, et me bornerai à m’abstenir.

M. Jacques Lamblin. La question me semble beaucoup plus complexe qu’il ne le paraît, aussi je demande un temps de réflexion supplémentaire. De fait, l’objet n’est pas de réécrire l’histoire, ce qui reviendrait à nier le fait qu’il y a eu des fusillés pour l’exemple, mais d’estimer que des jugements ont probablement été injustes. Nous ignorons combien de jugements sont concernés, ni qui a été fusillé à tort ou à raison. Aussi nous est-il proposé, puisque nous sommes incapables de sortir de l’ambiguïté de certaines situations, de « passer l’éponge » et de réhabiliter tout le monde parce que des malheureux ont été injustement condamnés.

Ce point de vue peut se défendre ; je considère néanmoins qu’il faut poursuivre la réflexion ; telle est, pour le moment, ma position.

M. Gilbert Le Bris. Je suis opposé à l’adoption de ce texte, qui porte sur les deux thèmes de la réhabilitation et de la repentance.

S’agissant de la réhabilitation, il me semble toujours très difficile de revisiter l’histoire, et revisiter celle des guerres l’est encore plus ; chacun sait que l’histoire est tragique, et je pense qu’il revient aux historiens de juger. Que quarante fusillés aient pu être réhabilités, le rapporteur l’a évoqué ; mais pratiquer la réhabilitation collective est toujours très difficile.

Le Législateur n’est pas là dans son rôle. J’ai été gêné, dans le passé, par le cas des généraux après la guerre d’Algérie, comme je le suis lorsqu’il nous est demandé de porter un jugement sur le génocide arménien. Laissons l’histoire aux historiens et la loi au Législateur.

En ce qui concerne la repentance, j’observe que le président Obama, lorsqu’il va au Japon, refuse de demander pardon pour Nagasaki et Hiroshima, et il a raison car, sans l’utilisation d’armes atomiques, il y aurait peut-être eu plus de morts ailleurs. Toute repentance est toujours délicate ; elle constitue surtout un moyen de se dédouaner facilement, et j’estime que notre génération se dédouane trop facilement des générations antérieures. Qui nous dit que les générations futures ne se dédouaneront pas de ce que nous aurons fait ici ou là ?

Pour toutes ces raisons, je me prononcerai contre cette proposition de loi.

M. Christophe Léonard. Je salue la proposition de loi défendue par Jean-Jacques Candelier dont j’ai apprécié l’exposé des motifs, indépendamment de la référence que fait l’article unique à la réhabilitation générale portant sur 618 situations individuelles.

Au cours de mon mandat de conseiller général des Ardennes, j’ai été conduit, en 2012, à défendre un vœu proche de l’intention qui anime le texte que nous examinons aujourd’hui. En 2014, en tant que membre de la commission de la Défense, j’avais fait circuler un projet de texte que j’avais soumis aux ministères compétents, afin de savoir si un accord était possible. Nous sommes à la veille des commémorations du centenaire de la Grande Guerre, et si l’Assemblée nationale ne prend pas une initiative, la fenêtre se refermera, indépendamment des propos successifs du Premier ministre Lionel Jospin en 1998, du président Nicolas Sarkozy et du président François Hollande.

Je ne pense pas que la fonction d’un législateur soit d’être historien, mais il n’en a pas moins la capacité d’amender un texte, et ce sera l’enjeu du débat que nous aurons en séance le 26 mai prochain. Nous devons nous saisir de cette proposition de loi afin de faire connaître la position des représentants du peuple français sur ce sujet, et nous sommes parfaitement légitimes à le faire.

À titre personnel, puisque mon groupe n’a pas pu se réunir pour en débattre, je ne me prononcerai pas contre la proposition de loi de Jean-Jacques Candelier.

M. Philippe Nauche. Je ne faisais qu’exprimer la position constante de mon groupe, la même que celle que nous avons soutenue lors des discussions avec Kader Arif et lorsque des membres du groupe Socialiste, républicain et citoyen faisait circuler des projets de texte sans l’avoir consulté.

M. Michel Voisin. Nos collègues qui étaient à notre place il y a cent ans ont pris des décisions correspondant aux événements de l’époque ; nous n’y étions pas. Ce n’est pas à nous qu’il revient d’écrire l’histoire, mais aux historiens, qui sont très qualifiés pour cela. J’ajouterai que prendre une telle décision risquerait d’ouvrir la porte à la remise en cause de tout ce qui est advenu au cours des autres guerres, singulièrement après la libération de 1945. Nous recevrions inévitablement des demandes de la part de familles qui, parfois, ont été très humiliées alors qu’elles étaient innocentes.

Cela risquerait de nous revenir en pleine figure ; nous avions des collègues élus par le peuple, il faut respecter leurs choix, car il ne devait pas être facile de siéger à l’époque.

M. le rapporteur. Les gestes symboliques du président de la République vont dans le bon sens, mais ne suffisent pas à mes yeux. Je rappelle que l’objet de la proposition de loi est la réhabilitation collective qui permettrait l’inscription de la mention « mort pour la France », même si certaines communes ont pris l’initiative de faire porter une inscription simple.

Le travail au cas par cas serait très difficile, car le tiers des archives ont disparu ; nos prédécesseurs auraient peut-être dû relever leurs manches et régler le problème. En revanche, les 618 fusillés que j’ai évoqués ont été identifiés par les historiens, et nous disposons de la liste.

À M. Folliot, je répondrai qu’il ne s’agit effectivement pas de juger l’histoire, pas plus que l’armée ou la justice militaire, mais de réhabiliter des malheureux exécutés.

Je confirme à M. Guilloteau qu’il ne s’agit pas de réécrire l’histoire, et encore moins de la juger, mais bien d’accomplir un travail de législateur en réhabilitant par la loi, et cela est possible. J’insiste : le texte porte sur les fusillés pour désobéissance, et non sur les auteurs de crime ou les espions ; je parle des 618 qui ont été fusillés pour l’exemple.

À M. Chambefort, je dirai que, cent ans après les faits, une réhabilitation au cas par cas n’est pas envisageable pour les raisons évoquées.

J’indique à monsieur Lamblin que nous sommes bien aujourd’hui en possession de la liste des fusillés.

Je tiens à préciser à M. Le Bris que la réhabilitation n’est pas une réécriture de l’histoire, mais une procédure prévue par le code pénal ; il s’agit pour le Législateur de réhabiliter collectivement, du fait de la difficulté de mener une procédure de réhabilitation au cas par cas.

À l’occasion des commémorations du centenaire de cette guerre monstrueuse, je pense que nous devons aller plus loin, comme l’ont fait le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni. Il y a quelques décennies, des lois d’amnistie ont été adoptées pour des cas plus complexes et plus tortueux : cherchez bien mes chers collègues, car je ne souhaite pas les citer.

Aujourd’hui, il faut, à mes yeux, réhabiliter ces 618 soldats morts pour la France. Je remercie mes collègues d’avoir participé à la discussion, nous aurons peut-être l’occasion de reprendre ce texte et de le modifier.

Mme la présidente Patricia Adam. Merci à tous d’avoir participé à cet exercice de mémoire collective à l’approche du centenaire de la Guerre de 1914-1918.

M. Christophe Léonard. Il me semble que le libellé de l’article unique ne correspond pas au contenu de l’exposé des motifs, qui est plus subtil. Par ailleurs, j’ai dit que je ne voterai pas contre la proposition de loi, mais je n’ai pas dit que je m’abstiendrai ; au regard des explications fournies par le rapporteur, je la soutiendrai. En effet, il est important qu’un débat ait lieu dans l’hémicycle le 26 mai, trois jours avant l’intervention du président de la République à Verdun, à quelques kilomètres de ma circonscription des Ardennes qui est limitrophe du département de la Meuse.

La commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique
Réhabilitation des fusillés pour l’exemple

La proposition de loi comporte un article unique, aux termes duquel : Les « Fusillés pour l’exemple » de la Première Guerre mondiale font l’objet d’une réhabilitation générale et collective et, en conséquence, la Nation exprime officiellement sa demande de pardon à leurs familles et à la population du pays tout entier. Leurs noms sont portés sur les monuments aux morts de la guerre 1914-1918 et la mention « Mort pour la France » leur est accordée.

Si la notion de « fusillés pour l’exemple » a fait l’objet de débats nourris entre historiens, les travaux de ces derniers semblent aujourd’hui permettre de circonscrire avec précision le nombre de soldats concernés. Évidemment, il ne s’agit pas de procéder à la réhabilitation des soldats condamnés pour des crimes de droit commun, ni pour espionnage, mais bien de viser les quelque 600 hommes condamnés et exécutés, parfois dans l’erreur, pour des actes d’indiscipline militaire avérés ou présumés.

La « réhabilitation », définie par l’article 133-16 du code pénal, vise à effacer toutes les incapacités et déchéances qui résultent d’une condamnation, notamment au casier judiciaire. Une telle mesure n’a en ce sens pas de portée juridique pour une personne décédée. Toutefois, en l’espèce il s’agit bien de procéder à l’annulation des jugements rendus par les conseils de guerre, à l’instar des annulations obtenues par les procédures judiciaires de révision durant l’entre-deux-guerres. Ces procédures de révision ont permis à l’époque aux soldats fusillés ayant bénéficié de tels jugements de se voir attribuer, comme les soldats morts au combat, la mention « Mort pour la France » à laquelle sont attachés un certain nombre de droits, honorifiques et pécuniaires. S’agissant des fusillés pour l’exemple, la délivrance de la mention « Mort pour la France » permettrait que le nom du soldat soit inscrit avec cette mention sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation.

Une telle réhabilitation, impossible au cas par cas en raison des difficultés à se fonder sur des documents perdus, détruits ou partiels, est proposée de manière générale et collective, par la loi. Votre rapporteur a exposé dans la première partie du rapport les raisons pour lesquelles il appartient aujourd’hui de reconnaître l’ensemble de ces soldats, qui pris dans l’enfer des tranchées ont un instant renoncé à monter au feu ou à exécuter un ordre les envoyant à la mort. Ce n’est qu’en procédant à cette réhabilitation que les fusillés pour l’exemple pourront être reconnus comme des soldats comme les autres, sacrifiés comme les autres.

Votre rapporteur est conscient des difficultés qui se présentent pour l’État à demander, cent ans après les faits, « pardon » aux familles des fusillés pour avoir appliqué un droit certes très répressif, mais pour autant en vigueur. Toutefois, il est aujourd’hui avéré que certaines des dispositions juridiques appliquées l’ont été avec excès. Surtout, au-delà de la question du droit en vigueur, qu’il n’appartient pas ici de juger, il semble tout à fait légitime que la Nation demande pardon aux descendants des fusillés de les avoir oubliés, stigmatisés, et rejetés, alors même que dans l’ensemble, ceux-ci ont pour la plupart combattu, brandissant leurs baïonnettes face à l’artillerie pour défendre leur patrie.

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La commission rejette l’article unique.

En conséquence, elle rejette l’ensemble de la proposition de loi.

Mme la présidente Patricia Adam. Dans le cadre de la journée réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), le texte originel de la proposition de loi sera examiné en séance publique le jeudi 26 mai prochain.

ANNEXES

ANNEXE 1

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Ø M. Paul Markidès, vice-président de l’Association républicaine des anciens combattants ;

Ø M. le général André Bach, ancien directeur du Service historique de l’Armée de Terre (SHAT), historien.

ANNEXE 2

LISTE DES FUSILLÉS PAR LIEU DE NAISSANCE ET DE DERNIÈRE HABITATION CIVILE

Les départements et leurs numéros INSEE sont ceux du découpage actuel.

L’astérisque signifie que l’intéressé a été exécuté sommairement.

L’ouvrage de Frédéric Mathieu consacré aux fusillés de la Grande Guerre contient des éléments biographiques sur chacun de ces fusillés, contenant les informations suivantes : état civil et origine du combattant, parcours militaire, fin de sa vie et, éventuellement, témoignages, procédures de réhabilitation, marque de sa présence aujourd’hui sur les monuments aux morts, dans les cimetières ou les nécropoles. La nature du délit est également mentionnée. Cette liste contient les noms de l’ensemble des combattants de l’armée française fusillés par elle.

Source : Frédéric Mathieu, 14-18, les fusillés.

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