______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2016.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE,
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212)
PAR MM. Jean-Yves LE BOUILLONNEC et Patrick MENNUCCI
Députés
——
Voir les numéros :
Sénat : 815 (2015-2016), 82, 83 et T.A. 24 (2016-2017)
SOMMAIRE
___
Pages
PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION 9
1. La réforme du statut de Paris 12
2. La fusion des quatre arrondissements centraux 12
3. Le renforcement du rôle du maire de Paris 13
4. Le rôle des maires d’arrondissement 14
II. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET AUX MÉTROPOLES 19
CONTRIBUTION DE MME NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET, CO-RAPPORTEURE SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI 21
AUDITION DE MME ANNE HIDALGO, MAIRE DE PARIS 25
AUDITION DE M. MICHEL CADOT, PRÉFET DE POLICE DE PARIS 55
AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS CARENCO, PRÉFET DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE, PRÉFET DE PARIS 69
AUDITION DE M. JEAN-MICHEL BAYLET, MINISTRE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DE LA RURALITÉ ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, ET DISCUSSION GÉNÉRALE 79
EXAMEN DES ARTICLES 109
TITRE IER – RÉFORME DU STATUT DE PARIS 109
CHAPITRE Ier – Création de la collectivité à statut particulier de la Ville de Paris 109
Section 1 : Dispositions générales 109
Article 1er (art. L. 2512-1 du code général des collectivités territoriales) : Création d’une collectivité territoriale à statut particulier dénommée « Ville de Paris » 109
Article 2 (art. L. 2512-2 et L. 2512-5-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Régime juridique du conseil de Paris 114
Article 3 (art. L. 2512-5 du code général des collectivités territoriales) : Règlement intérieur du conseil de Paris 116
Article 4 (suppression conforme) (art. L. 2512-6, L. 2512-7 et L. 2512-8 du code général des collectivités territoriales) : Commission permanente 117
Article 4 bis (supprimé) (art. L. 25-12-5-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Conférence des maires 121
Article 5 (art. L. 2512-20 du code général des collectivités territoriales) : Régime budgétaire et comptable de la Ville de Paris 125
Article 6 (art. L. 2123-11-2, L. 25-11-34-1 [nouveau], L. 2511-35, L. 2511-35-1 [nouveau], L. 3123-16 et L. 3123-17 du code général des collectivités territoriales) : Mise en place d’un régime indemnitaire spécifique pour les élus de la Ville de Paris et des mairies d’arrondissement 126
Article 7 : Transfert des agents de la commune et du département de Paris à la collectivité unique 130
Article 8 (Chapitre Ier et II du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales et art. L. 222-2 du code des relations entre le public et l’administration) : Coordinations 131
Section 2 : Dispositions diverses et transitoires 131
Article 9 : Entrée en vigueur et habilitation législative 131
Article 10 : Maintien des mandats en cours 132
Article 11 : Substitution de la Ville de Paris à la commune et au département de Paris dans tous les actes 133
Article 12 : Régime budgétaire et comptable transitoire de la Ville de Paris 134
CHAPITRE II – Dispositions relatives aux arrondissements 135
Section 1 : Renforcement des missions des maires et des conseils d’arrondissement de Paris, Marseille et Lyon 135
Article 13 (art. L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement des compétences des maires d’arrondissement et des conseils d’arrondissement 135
Article 14 (art. L. 2511-22 du code général des collectivités territoriales) : Délégation du conseil d’arrondissement au maire d’arrondissement pour la conclusion des contrats portant occupation des équipements de proximité 140
Article 15 (art. L. 2511-27 du code général des collectivités territoriales) : Possibilité de délégation de signature des maires d’arrondissement à leurs directeurs généraux adjoints des services 142
Article 16 (art. L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales) : Avis du maire d’arrondissement sur toute autorisation d’étalage et de terrasse dans l’arrondissement 143
Article 16 bis A (supprimé) (art. L. 2511-14 du code général des collectivités territoriales) : Compétence du maire d’arrondissement en matière d’attribution de subvention 146
Article 16 bis B (supprimé) (art. L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales) : Compétence du maire d’arrondissement en matière d’attribution des logements sociaux 153
Article 16 bis C (supprimé) (art. L. 2511-21-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Compétence du maire d’arrondissement en matière de nettoyage et de voirie 155
Article 16 bis D (supprimé) (art. L. 2511-22-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Possibilité pour les maires d’arrondissement de conclure des conventions avec des communes limitrophes 159
Article 16 bis E (supprimé) (art. L. 2511-31-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Compétence du maire d’arrondissement en matière de petite enfance 161
Article 16 bis F (supprimé) (art. L. 212-10 du code de l’éducation) : Gestion de la restauration scolaire par les caisses des écoles 163
Article 16 bis G (nouveau) : Contrat entre les communes de Paris, Marseille et Lyon et certains de leurs établissements publics 166
Article 16 bis (supprimé) (art. L. 2511-39 du code général des collectivités territoriales) : Modalités de répartition de la dotation de gestion locale entre les arrondissements en cas de désaccord avec le conseil municipal 166
Article 16 ter (supprimé) (art. L. 2511-39-1 du code général des collectivités territoriales) : Modification des modalités de répartition de la dotation d’animation locale 169
Article 16 quater (nouveau) (art. 2511-16 du code général des collectivités territoriales) : Gestion des espaces verts de proximité par les mairies d’arrondissement 170
Article 16 quinquies (nouveau) (art. 2511-16 du code général des collectivités territoriales) : Dépenses de fournitures des mairies d’arrondissement 171
Article 16 sexies (nouveau) (art. 2511-25 du code général des collectivités territoriales) : Conséquences du retrait de la délégation à un adjoint au maire d’arrondissement 172
Section 2 : Création d’un secteur regroupant les 1er, 2ème, 3ème et 4ème arrondissements de Paris 173
Avant l’article 17 173
Articles 17 et 18 (art. L. 2511-5 du code général des collectivités territoriales et annexe 2 du code électoral) : Création d’un secteur électoral regroupant les quatre premiers arrondissements de Paris 180
Article 19 : Mise en place d’une conférence des arrondissements chargée de préparer la réforme 191
Article 20 : Date d’entrée en vigueur du nouveau secteur unique 192
CHAPITRE III – Renforcement des missions exercées par le maire de Paris 192
Article 21 (art. L. 2512-13 et L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales, art. L. 122-2 du code de la sécurité intérieure et art. L. 221-28 du code rural et de la pêche) : Transfert de certaines polices spéciales du préfet de police vers le maire de Paris 192
Article 22 (art. L. 2512-27 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Transfert à la mairie de Paris de la gestion des demandes et de la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports 205
Article 23 (art. L. 325-2, L. 325-13 et L. 411-2 du code de la route) : Transfert à la mairie de Paris du service public des fourrières 206
Article 24 (art. L. 532-1 du code de la sécurité intérieure et art. 21 du code de procédure pénale) : Statut des contrôleurs de la préfecture de police exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique 207
Article 25 (art. L. 129-5 et L. 511-7 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Transfert au maire de Paris de la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation et d’une partie de la police des édifices menaçant ruine 209
Article 26 : Entrée en vigueur des transferts de police spéciale au maire de Paris 210
Article 26 bis (art. 44 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d’ordre social) : Modalités de cession par la ville de Paris de la « maison de Nanterre » 211
Article 26 ter (supprimé) (art. L. 6147-2 du code de la santé publique) : Présidence du conseil d’administration du centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre 212
Après l’article 26 ter 213
CHAPITRE IV – Renforcement des capacités d’intervention de l’État 213
Article 27 (art. L. 122-2 du code de la sécurité intérieure et L. 6332-2 du code des transports) : Transfert de la police de certains aéroports au préfet de police 213
Article 28 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour réformer le régime juridique des casinos et des cercles de jeux 215
CHAPITRE V – DISPOSITIONS RELATIVES AUX SERVICES ET AGENTS TRANSFÉRÉS ET AUX COMPENSATIONS FINANCIÈRES 228
Article 29 : Détachement ou transfert vers la ville de Paris des agents de la préfecture de police assurant des polices spéciales désormais confiées au maire 228
Article 30 : Transfert sous l’autorité du maire de Paris des agents chargés de la circulation, du stationnement et de la gestion des fourrières 229
Article 31 : Modalités financières des transferts de compétences du préfet de police vers le maire de Paris 230
Article 32 (art. L. 2512-9, L. 2512-9-1 [nouveau], L. 2512-10 [abrogé], L. 2512-9-1, L. 2512-11, L. 2512-12, L. 2512-13 et L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales Dispositions tendant à faciliter la mutualisation des services entre les différentes administrations territoriales de Paris 231
TITRE II – AMÉNAGEMENT, TRANSPORTS ET ENVIRONNEMENT 233
CHAPITRE IER – Améliorer et développer les outils pour accélérer la réalisation des opérations d’aménagement 233
Article 33 (art. L. 213-6 du code de l’urbanisme) : Détermination de la date de référence pour la fixation des indemnités d’expropriation dans une zone d’aménagement différé (ZAD) 233
Article 34 (art. L. 321-3, L. 321-16 et L. 321-30 du code de l’urbanisme) : Filialisation et prise de participations par les établissements publics fonciers (EPF) et les établissements publics d’aménagement (EPA) 234
Article 35 : Mutualisation entre établissements publics fonciers et établissements publics d’aménagement 235
Article 35 bis : Statut du « campus Condorcet » 236
Article 35 ter : Élargissement expérimental en Île-de-France du droit de préemption de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) aux petites parcelles forestières 237
Article 36 (art. L. 321-33 et L. 321-34 du code de l’urbanisme) : Création des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) 240
Article 37 (art. L. 321-33 et L. 321-34 du code de l’urbanisme) : Composition du conseil d’administration de Grand Paris Aménagement 244
CHAPITRE II – Dispositions relatives à l’aménagement, à la gestion et à la promotion du territoire de Paris La Défense 247
Article 38 (art. L. 3421-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer un établissement public local chargé de l’aménagement, de la gestion et de la promotion du quartier d’affaires de La Défense 247
CHAPITRE III – Dispositions relatives aux transports 249
Article 39 (art. 13 de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement) : Dérogation à la procédure d’autorisation administrative unique pour certaines infrastructures linéaires de transport 249
Article 39 bis : Validation législative des déclarations d’utilité publique des travaux du Grand Paris Express 250
Article 40 (art. 7 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris) : Extension des missions de la Société du Grand Paris à des activités d’exploitation de réseaux de chaleur 256
Article 40 bis (nouveau) (art. L. 2512-20 du code général des collectivités territoriales) : Dérogation aux règles d’urbanisme commercial 258
Article 40 ter (nouveau) (art. L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales) : Augmentation du délai de transfert des zones d’aménagement concerté (ZAC) des communes de la métropole du Grand Paris vers les établissements publics territoriaux (EPT) 260
Après l’article 40 ter 261
Article 40 quater (nouveau) (art. 7 de la loi n° 2010‑597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris) : Élargissement des missions de la société du Grand Paris (SGP) à l’aménagement des abords des gares 262
Article 40 quinquies (nouveau) (art. 12 et 13 de la loi n° 2010‑597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris) : Exonération du versement de la participation d’urbanisme de certaines constructions du Grand Paris Express 263
Article 40 sexies (nouveau) (art. 22 de la loi n° 2010‑597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris) : Extension des contrats dits « de l’article 22 » de la loi de 2010 à l’aménagement des quartiers des gares du Grand Paris express 264
Article 40 septies (nouveau) (art. 133 de la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) : Sécurisation de l’actionnariat de la SOGARIS 264
Article 40 octies (nouveau) (art. 35 de l’ordonnance n° 2015‑899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics) : Dérogation aux règles d’allotissement pour les travaux du Grand Paris express 266
Article 40 nonies (nouveau) (art. 6 de l’ordonnance n° 2016‑1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes) : Simplification de l’évaluation environnementale 266
Article 40 decies (nouveau) : Procédure de dérogation aux horaires des chantiers 267
CHAPITRE IV – Dispositions relatives aux métropoles (suppression conforme de la division et de son intitulé) 268
Article 41 A (art. L. 5211-6 et L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales) : Conseillers communautaires suppléants des communes membres d’une communauté urbaine ou d’une métropole 268
Article 41 (art. L. 5217-1 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement des critères de création des métropoles 269
Article 42 (art. L. 2113-2 et L. 2113-5 du code général des collectivités territoriales) : Dispositions relatives au fonctionnement des intercommunalités 281
CHAPITRE V – (nouveau) Amélioration de la décentralisation 289
Article 43 (nouveau) (art. L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales) : Transaction pour les litiges de faible montant 289
Article 44 (nouveau) (art. L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales) : Composition de l’assemblée délibérante d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en cas d’extension ou de fusion 290
Article 45 (nouveau) (art. L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales) : Report du transfert de la compétence voirie à la métropole d’Aix-Marseille-Provence 293
Article 46 (nouveau) (art. L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales) : Report du transfert de la compétence tourisme à la métropole d’Aix-Marseille-Provence 294
Article 47 (nouveau) (art. 54 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Report de l’élection au suffrage universel direct des élus communautaires 295
Article 48 (nouveau) : Rapport sur le projet de fusion du conseil départemental des Bouches-du-Rhône avec la métropole d’Aix-Marseille-Provence 295
Article 49 (nouveau) : Rapport sur la création d’un établissement public en charge du réseau de transport public de la métropole d’Aix-Marseille-Provence 299
PRINCIPAUX APPORTS DE LA COMMISSION
Lors de sa réunion du mercredi 7 décembre 2016, la commission des Lois a apporté au projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, les principales modifications présentées ci-après.
Sur le statut de Paris :
– la suppression du pouvoir d’évocation du conseil de Paris (article 1er) et des règles dérogatoires de désignation de ses membres appelés à siéger dans des organismes extérieurs (article 2), introduits par le Sénat ;
– la suppression de la conférence des maires, introduite par le Sénat (article 4 bis).
Sur les compétences des maires d’arrondissement :
– l’extension des nouvelles compétences accordées aux maires et aux conseils d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille pour préserver la cohérence de l’organisation administrative de ces communes (article 13 à 16) ;
– la suppression des transferts de compétence supplémentaires, introduits par le Sénat, en faveur des maires d’arrondissement qui conduisaient à déséquilibrer leur relation avec la mairie centrale (article 16 bis A à 16 bis E).
Sur la fusion des quatre arrondissements centraux :
– le rétablissement de la réforme, sous réserve d’une modification de la numérotation des secteurs (articles 17 à 20).
Sur le transfert de pouvoirs de police supplémentaires au maire de Paris :
– le rétablissement du partage des compétences prévu par le projet de loi initial (article 21).
Sur l’offre légale de jeux de contrepartie et de cercle :
– le rétablissement de l’expérimentation de « clubs de jeux » à Paris pendant trois ans (article 28).
Sur le Grand Paris express :
– l’adoption de six mesures destinées à faciliter la réalisation du réseau de transport public de voyageurs en Île-de-France et à favoriser l’aménagement des quartiers de gare (articles 40 quater à 40 sexies et 40 octies à 40 decies).
Sur la création de nouvelles métropoles :
– le rétablissement de l’élargissement des critères permettant à certains EPCI, atteignant des seuils de population ou de zone d’emploi, d’accéder au statut de métropole au bénéfice de sept d’entre eux, au lieu de quatre prévus initialement par le texte du Gouvernement. Il y aura ainsi 22 métropoles sur le territoire national (article 41).
Sur l’élection au suffrage universel direct des élus communautaires :
– le report de deux ans de la fixation des règles devant présider à l’organisation de l’élection des élus communautaires au suffrage universel direct, prévu à l’article 54 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (article 47).
Sur la métropole d’Aix-Marseille-Provence :
– le report du transfert de compétences des communes en matière de voirie et de tourisme à la métropole pour permettre à cette dernière de préparer de manière plus approfondie ces transferts (articles 45 et 46).
L’examen de ce projet de loi sur le statut de Paris et l’aménagement métropolitain s’inscrit dans la continuité de la démarche de rationalisation de la carte territoriale engagée au cours des dernières années. Il s’agit, véritablement, de l’acte III de la décentralisation.
En consacrant à la capitale et aux métropoles l’un des derniers grands textes de cette législature, ce sont les éléments les plus dynamiques et les plus porteurs d’avenir pour le territoire national que le Gouvernement et la majorité ont décidé de soutenir.
Les mêmes principes que ceux sur lesquels ont porté nos débats dans le cadre de la loi sur la carte régionale (1), de la loi MAPTAM (2) et de la loi NOTRe (3), ont guidé nos travaux. Ils consistent à dépasser les particularismes locaux pour inscrire les territoires dans une perspective commune de développement, fondée sur la concertation et la conduite de projets structurants.
La réforme du statut de Paris illustre cette recherche d’équilibre. D’un côté, elle substitue une collectivité à statut particulier, la Ville de Paris, à la commune et au département de Paris, depuis longtemps intégrés au sein des mêmes instances de gouvernance, des mêmes outils budgétaires et des mêmes problématiques territoriales. De l’autre, cette spécificité institutionnelle s’accompagne du rapprochement de la capitale du droit commun applicable aux communes par le transfert de nombreuses compétences de l’État au conseil de Paris.
Les mesures relatives à l’aménagement métropolitain ont, quant à elles, pour objet d’améliorer la conduite de grands projets locaux et de renforcer les relations entre les différents échelons de collectivités (dans le cadre de la métropolisation, la concertation avec les départements concernés sera, par exemple, nécessaire) et entre zones urbaines denses et zones périurbaines ou rurales situées dans la sphère d’influence des nouvelles métropoles.
Le statut de Paris a toujours présenté des spécificités fortes au regard de celui des autres grandes villes françaises. En effet, les pouvoirs publics ont eu la volonté de maîtriser une ville s’étant distinguée dans tous les mouvements révolutionnaires et qui constitue le lieu d’expression privilégié des symboles forts de notre République, notamment du fait de la présence des principaux pouvoirs publics et du déroulement de toutes les grandes mobilisations nationales.
Ces spécificités s’expliquent également par une démographie extrêmement dense. Paris regroupe 2,24 millions d’habitants sur 105,4 km2, ce qui constitue l’une des densités de population parmi les plus fortes d’Europe (soit 21 300 habitants par km2 contre 5 354 à Londres et 3 950 à Berlin).
Enfin, la capitale française représente, avec Londres, l’une des grandes métropoles internationales, et est engagée, à ce titre, dans une forte compétition pour mettre en valeur ses atouts et attirer les talents.
La réforme proposée met fin à une dualité institutionnelle liée au maintien de l’échelon départemental sur le périmètre de la commune qui n’avait plus de justification. Elle s’inscrit, en conséquence, dans la démarche plus générale de rationalisation de la carte territoriale, d’autant que la capitale constitue également l’un des établissements publics territoriaux de la Métropole du Grand Paris.
Le projet de fusion des quatre arrondissements centraux s’inscrit dans une même logique. Au-delà de l’attachement légitime à ces arrondissements créés il y a plus d’un siècle et demi, les écarts de population au sein des vingt arrondissements parisiens ont des conséquences sur la représentation de leurs habitants au conseil de Paris puisque le 1er arrondissement est sous-représenté (+ 24 % par rapport à la moyenne communale d’habitants par conseiller) alors que le 2ème est surreprésenté (– 21 %).
Si ces arrondissements ne disparaîtront pas (les indications de rue ou les codes postaux actuels ne seront pas modifiés), leur représentation politique et leur organisation administrative sera regroupée. Ainsi leurs habitants éliront, à compter de 2020, un conseil des arrondissements unique qui sera présidé par un maire d’arrondissement ou « maire de secteur ».
Cette réforme permettra à la fois de respecter la jurisprudence constitutionnelle qui fixe à 20 % l’écart maximum à la moyenne de représentation constatée sur un territoire donné et de traduire juridiquement le rapprochement dans les faits des arrondissements centraux dont les habitants partagent les mêmes services publics et circulent de l’un à l’autre pour leurs activités quotidiennes.
À ce titre, la mairie de Paris a indiqué à vos rapporteurs que les services publics de proximité assurés actuellement par les quatre mairies d’arrondissement seront maintenus et qu’un « élargissement des services rendus à l’usager pourra être mis en place en s’appuyant sur la taille de ce nouveau secteur. Le montage de projets, que ce soit dans le cadre du budget participatif mis en place par la ville de Paris, ou dans le cadre budgétaire général, de concertations ou d’événements portant sur un périmètre plus large que chacun des quatre arrondissements en sera facilité. » (4)
Cette réforme rétablira ainsi un certain équilibre sur le territoire parisien en tirant les conséquences des évolutions démographiques et sociétales à l’œuvre, sans modifier les équilibres politiques au sein du conseil de Paris.
La particularité du statut parisien tient également au rôle du préfet de police et au partage de compétences opéré entre celui-ci et le maire de Paris.
Si la préfecture de police a été créée sous le Consulat, ses origines remontent à l’Ancien Régime (5). Les pouvoirs du préfet de police d’aujourd’hui sont déterminés par des textes législatifs, parfois anciens comme l’arrêté des Consuls du 18 messidor an VIII, qui ont pour partie été codifiés : l’article L. 2512-7 du code général des collectivités territoriales prévoit ainsi que « le préfet de police est chargé, dans le domaine de sa compétence, de l’exécution des délibérations du conseil de Paris et, le cas échéant, des conseils d’arrondissement. Le préfet de police, ou son représentant, a entrée au conseil de Paris et aux conseils d’arrondissement. Il est entendu quand il le demande et assiste aux délibérations relatives aux affaires relevant de sa compétence, excepté lorsqu’il s’agit de l’apurement de ses comptes ».
Le partage des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris est également déterminé par la loi. Ainsi, l’article L. 1512-13 prévoit que le maire de Paris est chargé de la police municipale en matière de salubrité sur la voie publique, des bruits de voisinage ainsi que du maintien du bon ordre dans les foires et marché. Mais c’est au préfet de police, en revanche, qu’il revient, en vertu de l’article L. 2512-14, d’exercer la compétence générale de police municipale. Il peut, en particulier, réglementer les conditions de circulation et de stationnement pour les motifs d’ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens, ou encore pour assurer la protection du siège des institutions (6).
Les articles 21 à 25 du projet de loi prévoient, à cet égard, un renforcement très significatif des prérogatives du maire de Paris dans le champ de la circulation et du stationnement et, à titre complémentaire, le transfert des pouvoirs de police des édifices menaçant ruine, de sécurité des habitants des immeubles collectifs à usage d’habitation, de police des funérailles et des lieux de sépulture, de police des baignades. Ils prévoient que la ville de Paris assure la gestion des demandes de cartes nationales d’identité et de passeports.
Cette réforme a également pour conséquence le transfert des agents chargés de la verbalisation sur la voie publique sous l’autorité du maire de Paris (articles 29 à 31).
Vos rapporteurs ont été soucieux que le rééquilibrage ainsi opéré entre les compétences du préfet de police et celles du maire de Paris demeure maîtrisé : ainsi, ils n’ont pas souhaité suivre les sénateurs qui avaient choisi de renverser la logique actuelle du partage, en confiant au maire une compétence générale et au préfet de police des compétences d’attribution. Si une telle évolution peut paraître, à terme, souhaitable, elle doit, de leur avis, progresser par étapes.
Alors qu’elles ne constituaient que de simples annexes de la préfecture de la Seine en application de la loi du 14 avril 1871, les mairies des vingt arrondissements de Paris ont connu deux grandes évolutions :
– la création, par la loi du 31 décembre 1975 (7), des officiers municipaux nommés par le maire de Paris en lieu et place des maires de Paris auparavant nommés par le pouvoir central. Les officiers avaient pour mission d’animer la vie locale de l’arrondissement et d’exercer un rôle consultatif auprès du maire de Paris ;
– l’élection au suffrage universel direct des conseils d’arrondissement des trois plus grandes villes de France, soit Paris, Marseille et Lyon, par la loi dite « PLM » ou « PML » (8) et la consécration, par le Conseil constitutionnel, du principe selon lequel, malgré ce mode de scrutin, les arrondissements ne constituent pas des collectivités territoriales car ils sont dépourvus de la personnalité morale.
Le respect de l’unité communale s’est ainsi traduit par la mise en place de ces administrations infra-communales aux attributions et aux moyens limités et dont le principal objet est de constituer un échelon de proximité dans des villes très densément peuplées.
Actuellement, le régime de droit commun applicable aux maires et conseils d’arrondissement est ainsi issu de la loi « PML » précitée, complétée par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (9) qui a renforcé leurs compétences.
L’article L. 2511-2 prévoit ainsi que « les affaires des communes de Paris, Marseille et Lyon sont réglées par un conseil municipal et, pour certaines attributions limitativement définies […], par des conseils d’arrondissement. »
Si la mairie centrale a la possibilité de décentraliser certaines compétences, de requérir des avis et de mettre en place des instances de concertation avec les organes délibérants des arrondissements, elle demeure libre de s’en saisir ou non en fonction de la situation locale, des attentes des citoyens et des politiques concernées.
Vos rapporteurs souhaitent souligner leur attachement au sein des trois plus grandes villes françaises à ce régime juridique unique des maires d’arrondissement, qui assure la cohérence de leur statut tout en laissant une liberté de choix aux mairies centrales quant aux pouvoirs qu’elles souhaitent leur accorder.
Dans le cadre du présent projet de loi, ils ont, par conséquent, proposé d’étendre à Marseille et Lyon les mesures prévues pour les maires et conseils d’arrondissement parisiens.
Les compétences du maire et du conseil d’arrondissement
La mairie de Paris a transmis à vos rapporteurs les éléments suivants sur les compétences exercées par le maire et le conseil d’arrondissement.
I. LES COMPÉTENCES DU MAIRE D’ARRONDISSEMENT
1. Compétences du maire d’arrondissement exercées en tant qu’agent de l’État
Conformément à l’article L. 2511-26, le maire d’arrondissement agit en tant qu’agent de l’État : « le maire d’arrondissement et ses adjoints sont chargés des attributions relevant du maire de la commune en matière d’état civil, d’affaires scolaires liées au respect de l’obligation scolaire ainsi qu’en application des dispositions du code du service national. Le maire d’arrondissement et ses adjoints sont officiers d’état civil dans l’arrondissement. »
Le maire de la commune peut, en outre, déléguer au maire d’arrondissement certaines de ses attributions en matière d’élection, à l’exception de celles relatives aux inscriptions sur les listes électorales et à la radiation de ces listes. À Paris, cette faculté ouverte par la loi PML n’a pas été mise en œuvre.
Le maire d’arrondissement signe également les attestations d’accueil pour les étrangers en visite privée de moins de trois mois (article L. 211-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).
2. Les pouvoirs attribués par la loi PML
a. Les pouvoirs d’avis et le droit d’information en matière d’urbanisme (article L. 2511-30)
Le maire d’arrondissement émet un avis sur :
– toute autorisation d’utilisation du sol dans l’arrondissement délivrée par le maire de Paris ;
– toute permission de voirie sur le domaine public dans l’arrondissement délivrée par le maire de Paris ;
– tout projet d’acquisition ou d’aliénation d’immeubles ou de droits immobiliers réalisé par la ville de Paris dans l’arrondissement ;
– toute transformation d’immeubles en bureaux ou en locaux d’habitation situés dans l’arrondissement.
Par ailleurs, le maire d’arrondissement est informé des déclarations d’intention d’aliéner (DIA) présentées en application du code de l’urbanisme pour des immeubles situés dans l’arrondissement.
b. Les pouvoirs de décision en matière financière (articles L. 2511-36 à 45)
Le maire d’arrondissement est également ordonnateur du budget de l’arrondissement, appelé « état spécial d’arrondissement ». Ce budget est mis à disposition de chaque conseil d’arrondissement pour financer essentiellement les dépenses de gestion des équipements de proximité et celles d’animation locale. En revanche, ce budget ne couvre aucunement les frais de personnel et les gros projets d’investissement qui sont du ressort du budget municipal.
c. Les pouvoirs de décision en matière d’attribution des logements (article L. 2511-20)
Le maire d’arrondissement dispose d’un pouvoir d’attribution portant sur la moitié des logements dont l’attribution relève de la commune et qui sont situés sur le territoire de l’arrondissement.
d. Les pouvoirs de décision en matière d’accueil de la petite enfance
Le maire d’arrondissement est chargé de l’organisation des inscriptions et des attributions des places en crèche. Cette prérogative n’est pas prévue explicitement par le code général des collectivités territoriales. Le règlement intérieur de fonctionnement des établissements d’accueil de la petite enfance (conformément à la délibération adoptée par le conseil de Paris d’octobre 2011) prévoit la création d’une commission d’attribution des places présidée par le maire d’arrondissement. Il précise que le maire d’arrondissement prononce les admissions après avis de la commission.
e. La présidence des organismes locaux en matière de restauration scolaire et d’aide sociale (article L. 2511-29)
Le maire d’arrondissement assure la présidence du conseil d’administration de la caisse des écoles et du comité de gestion d’arrondissement du centre d’action sociale de la ville de Paris.
3. Des prérogatives accrues depuis 2009
La délibération « Pour un meilleur service de proximité aux Parisiens », adoptée en juin 2009 par le conseil de Paris, constitue une étape déterminante dans la démarche de décentralisation en faveur des arrondissements amorcée depuis 2001. Elle prévoit en particulier :
– la création du comité des arrondissements, instance consultative où le maire de Paris et les maires d’arrondissement peuvent échanger sur les problématiques locales ;
– le copilotage des missions de propreté avec les mairies d’arrondissement ;
– la mise en place des investissements d’intérêt local (IIL) qui permettent aux maires d’arrondissement de décider de la programmation des opérations d’entretien et de petit aménagement concernant les équipements de proximité et l’espace public de leur territoire ;
– la valorisation des postes d’encadrement de proximité notamment via la création d’un statut d’emploi pour les directeurs généraux des services (DGS) et les directeurs généraux adjoints des services (DGAS) des mairies d’arrondissement ;
– l’élaboration d’une charte des arrondissements afin de définir et d’organiser les relations entre les mairies d’arrondissement et les services municipaux.
Le rôle de « pilote territorial » du maire d’arrondissement est formellement reconnu dans cette charte mise en place depuis 2011, et notamment dans son volet social.
Celle-ci fait toujours l’objet d’un travail de révision afin :
– d’intégrer les recommandations formulées par l’inspection générale de la ville de Paris en 2015 en la matière ;
– de prendre en compte de nouvelles dispositions et mesures visant à renforcer les prérogatives des maires d’arrondissement et la déconcentration des compétences municipales vers les arrondissements ;
– d’adapter la charte aux modifications qui ont vocation à être apportées par la loi relative à la réforme du statut de Paris.
Ce travail devrait conduire la maire de Paris à présenter un nouveau texte de la charte des arrondissements au conseil de Paris courant 2017, après une phase de concertation indispensable avec les maires d’arrondissement.
Ce rôle de pilote territorial s’est également trouvé renforcé par le mouvement de déconcentration des directions de l’administration parisienne. De même, de nouvelles fonctions transversales ont été créées ou redéfinies afin de renforcer la coordination et le partage d’information entre les mairies d’arrondissement, les services déconcentrés et les services centraux des directions : coordonnateur de l’espace public, coordonnateur de l’action sociale, référents territoriaux.
II. LES POUVOIRS DU CONSEIL D’ARRONDISSEMENT
1. Les pouvoirs consultatifs
– pouvoir d’avis sur les projets de délibération du conseil de Paris intéressant l’arrondissement (article L. 2511-13). Depuis 2014, afin d’accroître l’information des élus d’arrondissement sur les projets de l’arrondissement, les conseils d’arrondissement sont informés de tout projet de délibération départementale soumis au conseil de Paris qui a un lien avec l’arrondissement.
– pouvoir d’avis relatif au montant des subventions aux associations dont l’activité s’exerce dans l’arrondissement ou au profit des habitants de l’arrondissement (article L. 2511-14) ;
– pouvoir d’avis sur l’établissement, la modification ou la révision du plan local d’urbanisme et sur les projets d’opération d’aménagement dans l’arrondissement (article L. 2511-15).
2. Les pouvoirs de décision
a. Les pouvoirs de décision en matière de gestion des équipements de proximité (article L. 2511-16)
Le conseil d’arrondissement prend les décisions relatives aux équipements de proximité inscrits à l’inventaire qui est voté par le conseil de Paris après avis du conseil d’arrondissement. Les décisions peuvent porter sur l’implantation, l’aménagement et la gestion de ces équipements. Le conseil de Paris décide de la réalisation d’un équipement, des tarifs d’admission et d’utilisation de l’équipement, de la gestion des agents travaillant au sein de cet équipement et de leur cycle de travail. La commission mixte paritaire (CMP) composée de représentants du maire de Paris et de représentants de l’arrondissement, dont le maire d’arrondissement, fixe les conditions générales d’utilisation des équipements (activités, horaires d’ouverture, conditions d’accueil des usagers).
b. Les pouvoirs de désignation des représentants de la ville dans les organismes dont l’activité est limitée à l’arrondissement (article L. 2511-19)
Le conseil d'arrondissement procède, en son sein, à la désignation des représentants de la commune dans les organismes dont le champ d'action est limité à l'arrondissement et dans lesquels la commune doit être représentée en vertu de dispositions applicables à ces organismes.
c. Les pouvoirs d’interpellation du maire de Paris et du conseil de Paris (article L. 2511-12)
Le conseil d’arrondissement est un relais entre la population et le conseil de Paris notamment grâce au droit à l’information sur les affaires en lien avec l’arrondissement, à la possibilité d’interroger le maire de Paris sur toutes les affaires concernant l’arrondissement et d’émettre des vœux sur tous les objets intéressant l’arrondissement.
III. LES INSTANCES DE LA DÉMOCRATIE LOCALE
En dehors de la période électorale, la démocratie locale peut s’exprimer à travers, d’une part, les conseils de quartier et, d’autre part, les comités d’initiative et de consultation d’arrondissement - CICA (article L. 2511-24 du CGCT).
À l’initiative de la ville de Paris ou de certains maires d’arrondissement, d’autres instances de démocratie locale se réunissent régulièrement. Il s’agit des conseils de la jeunesse, des conseils des anciens, des conseils des étrangers extracommunautaires, des conseils des enfants, etc.
À ces compétences spécifiques, il convient d’ajouter le principe d’un pouvoir général d’intervention reconnu aux conseils et aux maires d’arrondissement, en tant que représentants des intérêts généraux des arrondissements.
IV. LE RÔLE DU COMITÉ DES ARRONDISSEMENTS
Le comité des arrondissements est une instance consultative qui est présidée par le maire de Paris et qui est composée du premier adjoint au maire, en charge des relations avec les mairies d’arrondissement, et des vingt maires d’arrondissement.
Cette instance examine les projets importants intéressant l’ensemble des arrondissements et suit l’évolution de la démarche de déconcentration engagée. Les maires d’arrondissement y expriment leurs points de vue et formulent des propositions ou des souhaits. En fonction de l’ordre du jour, les adjoints au maire de Paris compétents sont invités.
À titre d’illustration, lors des dernières réunions du comité des arrondissements, les points à l’ordre du jour ont été : le budget participatif parisien, la mise en place d’une brigade de lutte contre les incivilités, le schéma immobilier des mairies d’arrondissement, les conclusions d’un groupe de travail piloté par le premier adjoint au maire, en charge des relations avec les maires d’arrondissement, consacré aux relations entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, l’Euro 2016, les jeux olympiques de 2024 et la réforme du statut de Paris.
Le projet de loi comporte également plusieurs mesures relatives à l’aménagement, aux transports et à l’environnement (articles 33 à 37).
Lancé depuis 2010 à l’échelle de la métropole, le projet de transport public de voyageurs en Île-de-France dit « Grand Paris express » a toute sa place dans ce projet de loi.
Vos rapporteurs ont souhaité ajouter six mesures législatives destinées à faciliter la réalisation de ce gigantesque projet d’aménagement. Ils ont ainsi proposé la mise en œuvre de mesures compensatoires de l’élargissement des plages horaires de certains chantiers, l’extension au projet de métro de la possibilité du recours à des marchés publics globaux sectoriels, l’adaptation des missions de la Société du Grand Paris (SGP) à l’aménagement des quartiers de gare, la modernisation de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris en vue d’accélérer l’aménagement des quartiers des gares et la clarification de la participation des constructeurs au coût des équipements publics d’une zone d’aménagement concerté pour les constructions du réseau de transport public du Grand Paris.
L’article 41 du projet de loi propose d’élargir les critères permettant à certains EPCI de demander le statut de métropole.
Si cette disposition a été supprimée par le Sénat, vos rapporteurs considèrent au contraire qu’il est nécessaire de soutenir la démarche engagée par le Gouvernement en la matière en permettant la création de sept nouvelles métropoles, venant compléter les quinze métropoles existantes, de manière à assurer un maillage territorial adapté aux besoins locaux et favorable au développement de véritables pôles d’activité régionaux.
Les dispositions proposées ouvriraient l’accès à ce statut à la communauté urbaine de Saint-Étienne-Métropole, la communauté d’agglomération de Toulon-Provence-Méditerranée, la communauté d’agglomération Orléans Val de Loire et la communauté urbaine du Grand Dijon, comme le prévoyait le texte initial du Gouvernement, ainsi que, à la suite de l’adoption d’un amendement en ce sens par la commission des Lois, aux communautés d’agglomération de Tours, de Clermont-Ferrand et de Metz.
CONTRIBUTION DE MME NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET,
CO-RAPPORTEURE SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI
(article 86, alinéa 7, du Règlement)
Malgré de multiples auditions en commission des Lois, je n’ai toujours pas la réponse à ma question sur les raisons qui ont motivé l’inscription en urgence de ce projet de loi à l’ordre du jour, pourtant chargé, de notre Assemblée, à quelques semaines de la fin de la fin de la législature.
Est-ce la fusion de la ville et du département de Paris ? Je ne le crois pas puisque cette mesure technique est déjà quasiment en vigueur dans la pratique.
Serait-ce le transfert de compétences de l’État vers la ville, pour mieux assurer certaines fonctions au profit des Parisiens, notamment améliorer leur sécurité et leur tranquillité ? Je ne le crois pas non plus, tant ces compétences transférées sont réduites à la portion congrue, y compris d’ailleurs dans le domaine de la circulation.
S’agit-il du transfert de compétences de la ville vers les arrondissements, pour offrir un meilleur service de proximité aux Parisiens ? Je ne le crois pas davantage, tant les transferts concédés du bout des lèvres par la maire de Paris sont mineurs et ne permettent pas d’identifier une ligne directrice à la révision du statut de la capitale. D’autant que, sur le terrain, ses pratiques re-centralisatrices contredisent chaque jour un peu plus son discours décentralisateur...
Cette raison serait-elle enfin la simplification de l’architecture institutionnelle francilienne qui enchevêtre les compétences des différentes collectivités, pour plus d’efficacité et moins de dépenses de fonctionnement ? Je ne le crois toujours pas, puisque le projet ne concerne ni la région ni la Métropole du Grand Paris, et qu’a fortiori la fusion ville - département de Paris rendra plus difficile toute évolution ultérieure.
Alors quoi ? Qu’est-ce qui motive l’inscription de ce texte à notre ordre du jour ?
Concrètement, la seule mesure significative du projet est la fusion des quatre arrondissements centraux. Cette mesure, elle n’a pas pour objet l’intérêt communal des Parisiens. Mais elle permet à l’éxécutif de ménager et de contenir une « gauche de la gauche » rivale, en offrant à Mme Hidalgo une circonscription redécoupée sur mesure dans laquelle elle pourra nourrir l’espoir d’emporter, pour la 1ère fois, la majorité des voix des Parisiens à une élection.
Le Parlement a donc été saisi d’une réformette électorale et partisane.
Début novembre, emmenés par le Sénateur de Paris Pierre Charon, nos amis du Sénat avaient largement corrigé et « musclé » le texte.
Je voudrais revenir brièvement sur ces différents points.
1/ Les sénateurs avaient supprimé la « fusion » dans un secteur unique des quatre arrondissements du centre de Paris.
Pourquoi ? Tout simplement parce que ses motivations sont très insuffisantes : les économies invoquées sont quasi-inexistantes ; et les arguments de représentativité des conseillers de Paris mis en avant sont l’habillage juridique des jeux politiques de la majorité municipale.
En effet, la répartition actuelle des conseillers de Paris entre arrondissements a été explicitement validée par le Conseil constitutionnel ... on nous parle donc d’un problème qui n’existe pas ! Et si le Gouvernement et sa majorité étaient soucieux de remettre à plat les questions de représentativité, il n’y a pas que les arrondissements de Paris qui seraient concernés. D’ailleurs, je note l’insistance du même gouvernement à vouloir repousser jusqu’en 2019 la décision sur l’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains, qui concerne pourtant la même échéance électorale.
Mais alors, quelles sont les vraies raisons de la fusion ?
En fait, fusionner dans un secteur unique les 1er, 2ème, 3ème et 4ème arrondissements, c’est plus prosaïquement transformer le centre de la capitale en forteresse du socialisme municipal. Jugez en vous-mêmes : en 2014, il a manqué 55 voix à l’opposition pour remporter le 4ème arrondissement ; en 2020, à résultats constants, il lui faudrait combler un écart de 2 700 voix pour remporter le nouveau secteur unique !
Aussi, une fois écartés les sophismes municipaux et les visées électoralistes, concentrons-nous sur l’essentiel : c’est une certaine idée de la démocratie qui est en jeu, celle de la démocratie de proximité. Celle qui s’appuie sur des élus accessibles et disponibles, qui connaissent le terrain et les habitants de leur arrondissement.
2/ Au contraire de cette approche, nous avions défendu une vision pragmatique du fonctionnement de Paris, qui permette l’exercice des compétences au niveau le plus pertinent pour résoudre efficacement les problèmes concrets auxquels sont confrontés tous les jours les Parisiens. Ceux-ci comprennent mal l’absence criante de moyens d’actions réels des maires d’arrondissement.
C’est dans cet esprit que l’opposition a proposé l’attribution aux arrondissements d’une compétence sur les sujets de proximité :
– le nettoyage, l’entretien et la réfection des voiries ;
– la délivrance des permis de construire ainsi que les autorisations d’étalage et de terrasse ;
– la création, l’organisation et la gestion du service de la petite enfance ;
– la restauration scolaire ;
– l’attribution des logements sociaux situés dans l’arrondissement ;
– l’attribution des subventions aux associations concernant le seul arrondissement ;
– la mise en œuvre des actes d’acquisition et de préemption.
Pourquoi cela ? Pas pour faire plaisir aux maires d’arrondissement, mais bien parce que c’est à cette échelle-là que les choix les plus pertinents peuvent être faits pour améliorer la vie quotidienne des Parisiens. Parce que sur ces sujets, il faut une connaissance du terrain, et surtout des habitants, que ne permet pas une ville de plus de deux millions d’habitants.
Un exemple assez parlant. L’absence de propreté des rues parisiennes est la principale source d’insatisfaction des Parisiens à l’encontre de la mairie de Paris. Le copilotage entre mairie centrale et mairies d’arrondissement n’a produit aucun effet, tant ces derniers ne disposent que de peu de marges de manœuvre. En confiant aux maires d’arrondissement l’autorité fonctionnelle sur les personnels et les moyens techniques et financiers pour assurer cette mission, le service aurait gagné en réactivité et en efficacité.
Les députés du groupe Les Républicains déposeront en séance plusieurs amendements sur ce sujet du renforcement des pouvoirs des arrondissements, proposant un dispositif différent de celui adopté par le Sénat afin de tenir compte des réticences des commissaires aux Lois de la majorité, fondé sur l’idée de donner aux arrondissements un avis conforme sur certaines décisions prises à l’échelon central et une autorité fonctionnelle sur les personnels exerçant des missions de proximité.
3/ Même approche en ce qui concerne la police. La préfecture de police est aujourd’hui mobilisée en priorité, et c’est bien normal, sur les questions de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme … et ce parfois au détriment de ce que l’on pourrait appeler la police quotidienne, celle de la lutte contre les dégradations volontaires ou les petits trafics, les tapages, la vente à la sauvette, la mendicité agressive, la gestion de la circulation, toutes infractions qui vont bien plus loin que les « incivilités » dont la maire de Paris a parlé dans son audition devant la commission des Lois, et sur lesquelles elle se propose de mettre la priorité … dans le seul but de remplir les caisses de la ville avec une politique de PV à tout va !
Le préfet de police de Paris a pourtant dit lors de son audition ne pas être opposé à la création d’une police municipale : la préfecture devant en tout état de cause se recentrer sur ses missions régaliennes (ordre public, criminalité, terrorisme), il nous a indiqué ne pas exclure "qu’on aille plus loin en matière de transfert, en observant ce qui se fait dans les grandes villes où il y a des polices d’État" et a reconnu que c’était bien la ville qui avait bloqué toute avancée en refusant d’assumer sa responsabilité en matière de sécurité !
C’est pour cela que nous soutenions totalement le dispositif qui avait été adopté par le Sénat, un dispositif semblable à celui appliqué en petite couronne : le préfet de police de Paris aurait conservé une compétence en matière de sécurité intérieure, mais la ville de Paris aurait disposé d’une police municipale, qui aurait pu utilement compléter l’action de la préfecture justement sur ce type d’infraction. Pour quelle raison, en effet, le maire de Paris disposerait de moins de pouvoirs qu’un maire de banlieue, dès lors que l’on maintient le rôle du préfet de police ?
Je pourrais également parler des compétences relatives entre l’État, la région, la métropole et la ville en matière de circulation, de répartition des dotations entre arrondissements, … bref de toutes les améliorations qui avait été apportées par le Sénat, et auxquelles notre groupe politique était favorable.
Mais, là comme ailleurs, la majorité de gauche a refusé le progrès en restaurant le texte dans sa version initiale et pusillanime du Gouvernement.
Paris et plus généralement l’Île-de-France valent mieux que cette approche purement politicienne que nous propose le Gouvernement. Traiter des questions de statut, pourquoi pas, mais certainement pas dans l’urgence, et en tout état de cause à la bonne échelle, en cherchant à placer chaque compétence au niveau où l’on sera le plus efficace pour améliorer la vie de nos concitoyens. Sans tabous ni totems, en examinant tous les schémas, mêmes les plus radicaux !
Le Gouvernement et sa majorité parlementaire avaient une occasion de traiter sérieusement des problèmes institutionnels qui se posent à l’échelle de notre région capitale. Mais le sectarisme et la volonté de puissance de la maire de Paris les ont empêchés de le faire. C’est dommage, c’est une nouvelle occasion manquée.
Alors, il nous faudra logiquement y revenir au cours de la prochaine mandature.
Le groupe Les Républicains votera donc contre cette réformette électorale et partisane.
AUDITION DE MME ANNE HIDALGO, MAIRE DE PARIS
Au cours de sa première réunion du mercredi 23 novembre 2016, la Commission procède à l’audition de Mme Anne Hidalgo, maire de Paris, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212) (MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Patrick Mennucci, rapporteurs).
M. le président Dominique Raimbourg. Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à Mme Hidalgo, ainsi qu’à ses deux adjoints qui l’accompagnent : M. Emmanuel Grégoire, chargé des ressources humaines, des services publics et de la modernisation de l’administration, et M. Mao Peninou, chargé des questions relatives à la propreté, à l’assainissement, à l’organisation et au fonctionnement du conseil de Paris.
Avec cette audition, la commission des Lois commence à se pencher sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, dont Jean-Yves Le Bouillonnec et Patrick Mennucci sont les rapporteurs.
C’est un texte important. Il a subi plusieurs modifications au Sénat : les dispositions relatives au regroupement des quatre premiers arrondissements de Paris, ainsi qu’à l’assouplissement des critères d’accès au statut de métropole, ont été supprimées. Il sera discuté dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale à partir du mardi 13 décembre.
C’est pour cette raison que nous avons souhaité, au sein de la commission des Lois, procéder à cette audition, mais aussi à celle de M. Michel Cadot, préfet de police de Paris, et de M. Jean-François Carenco, préfet de la région Île-de-France, que nous entendrons respectivement à dix-huit heures trente et à dix-neuf heure trente.
Ces auditions ont le mérite d’être publiques. Cela permettra de mettre tous les éléments du débat sur la table, et de faire taire les critiques habituelles selon lesquelles on ne dirait pas tout…
Madame la maire de Paris, je vous suis d’autant plus reconnaissant d’avoir bien voulu venir devant notre commission que je connais la lourdeur de votre tâche : vous dirigez une ville-capitale, ce que les sociologues appellent une « ville-monde », en tout cas une ville de deux millions d’habitants, qui emploie près de 50 000 fonctionnaires. Mais je vous laisse nous parler du projet relatif à son statut, en vous renouvelant mes remerciements.
Mme Anne Hidalgo, maire de Paris. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, chers collègues et amis parisiens – de la majorité ou de l’opposition – présents dans la salle, j’ai le plaisir de vous retrouver avec des membres de notre équipe : mes adjoints et mon directeur adjoint de cabinet.
D’abord, pourquoi proposer un nouveau statut de Paris ?
Il nous est apparu, notamment en discutant avec le Gouvernement et plus particulièrement avec le Premier ministre, que le statut de Paris n’avait pas été modifié depuis longtemps et qu’il méritait d’être modernisé. Il s’agit de permettre à la ville de Paris, tout en restant la ville-capitale, de s’approcher le plus possible du statut de droit commun des communes françaises.
Nous sommes partis du constat que la complexité des rapports entre la ville et l’État, qui ont été façonnés par l’histoire, risquait d’aboutir à des confrontations liées à leurs compétences respectives. Nous avons avancé dans la réflexion, et défini plusieurs axes possibles de modernisation.
Premièrement, la ville est à la fois commune et département, mais la délimitation de la compétence départementale, assurée par les conseillers de Paris qui ont un double statut, communal et départemental, est aujourd’hui assez artificielle : mêmes élus, même assemblée, mêmes commissions, mêmes sujets. Pourtant, la loi nous contraint à avoir deux budgets différents, le budget du département étant alimenté par une subvention de la commune. Tout cela n’a pas beaucoup de réalité concrète.
Je suis à la fois maire de Paris et présidente du département de Paris, et lors des sessions de l’assemblée parisienne, il faut faire sonner la cloche pour montrer que l’on passe de l’ordre du jour municipal à l’ordre du jour départemental. Au-delà de la simplification de ce cérémonial, on se facilitera la tâche en fusionnant commune et département. Lorsqu’il y aura un seul et même budget, la procédure budgétaire sera beaucoup plus claire et plus en rapport avec la réalité de l’institution – mais, bien entendu, les élus parisiens continueront d’exercer les compétences départementales de cette nouvelle entité, sous ce nouveau statut.
C’est d’autant plus important que toutes les grandes villes du monde sont en train de « métropoliser » un certain nombre de fonctions, qui doivent être envisagées, définies, organisées à une échelle plus large que celle de la ville-centre. La création de la Métropole du Grand Paris s’est ainsi accompagnée de celle de « territoires » regroupant plusieurs communes pour former des ensembles qui aient du sens, tant du point de vue des relations entre les différentes communes regroupées que de celui de l’organisation de la vie des habitants et des services qui leur sont proposés.
Paris, dans cet ensemble métropolitain, clarifie son organisation en unifiant commune et département, en devenant un « territoire » à l’image de ceux qui l’entourent. Le premier axe de ce projet de loi est donc cette fusion.
Le deuxième sujet que nous avons voulu aborder, et sur lequel le Gouvernement a souhaité que nous travaillions ensemble – et nous avons très bien travaillé avec le préfet de région et le préfet de police – est la clarification et la réorganisation d’un certain nombre de compétences.
Certaines compétences sont héritées de l’histoire. À ce propos, je rappelle que Paris n’a pu élire un maire qu’à partir de 1977, à la suite de la loi du 31 décembre 1975. Son premier maire élu a été Jacques Chirac. Auparavant, nous étions sous le coup d’une punition datant de la Commune de Paris : il nous était interdit d’avoir un maire.
M. Claude Goasguen. Cela date d’avant la Commune !
Mme Anne Hidalgo. Vous avez raison. Mais la Commune a conforté la volonté du pouvoir central de ne pas donner la possibilité au peuple de Paris d’élire un maire, car c’était considéré comme dangereux... De ce fait, nous avons une organisation particulière dans un certain nombre de domaines. Certaines compétences relèvent de l’État alors que, dans beaucoup d’autres villes, elles relèvent de la municipalité.
En matière de compétences, notre objectif a été simple : nous rapprocher le plus possible du droit commun des autres villes, à une exception près - la police municipale.
Nous avons un débat sur ce sujet avec nos collègues de l’opposition parisienne qui, elle, est favorable à la création d’une police municipale. Pour ma part, je ne souhaite pas aller jusque-là car je pense, a fortiori dans le contexte de menace terroriste que nous vivons, que l’organisation de la coopération entre ville et préfecture est aujourd’hui satisfaisante.
Même si l’on se rapproche du droit commun pour certaines polices spéciales, liées par exemple à l’insalubrité, Paris reste la capitale de la France, et abrite de nombreuses institutions, nationales ou internationales. Une grande part, pour ne pas dire l’essentiel, de l’activité de la police nationale est concentrée sur la vigilance que requiert la présence de ces grandes institutions, qu’elles soient politiques, économiques ou médiatiques. Si je n’ai pas voulu aller jusqu’à créer une police municipale, c’est que je pense que ce statut de capitale de la France nous amène à travailler en étroite collaboration avec la police nationale.
Au cours des années 2015 et 2016 qui ont été particulièrement difficiles, cette collaboration avec la préfecture de police – comme avec le Parquet sur les aspects terroristes – a constitué un atout. Nous avons organisé l’Euro 2016, qui fut une grande réussite : chacun était à son poste et chacune des institutions – qui auraient pu avoir tendance à être en compétition – a dialogué avec l’autre sans rencontrer de difficulté.
La coproduction et la coopération sont organisées de façon très claire, à partir de la subvention que la ville verse à la préfecture de police. Cette subvention importante, proche de 300 millions d’euros, finance la part de l’activité de la police nationale qui a une incidence directe dans la vie et la sécurité des Parisiens. En revanche, j’ai souhaité que certaines polices spéciales, qui sont aujourd’hui du côté de l’État, que ce soit à la préfecture de région ou à la préfecture de police, reviennent du côté de la ville – avec, bien sûr, des transferts des personnels.
Il en sera de même des compétences en matière de circulation et de voirie. Nous sommes une ville, je suis décentralisatrice – comme Pierre Lellouche – et j’estime que le maire doit pouvoir assumer et décider sur ces sujets-là.
La question des compétences constitue donc le deuxième axe de ce projet de loi. Reste le troisième, à savoir la question des arrondissements et de l’organisation territoriale de Paris.
Avant même les élections de 2014, le Conseil constitutionnel avait été consulté sur la répartition des conseillers de Paris en fonction de la population des arrondissements, sur l’équilibre et la justesse de la représentation des élus parisiens. Prenez le plus petit arrondissement de Paris, le 1er arrondissement, qui compte 17 000 habitants ; il y a cent cinquante ans, il en comptait 150 000, tandis que le 15e arrondissement, qui était alors naissant et comptait à peine 15 000 habitants, en a aujourd’hui 235 000 !
Le Conseil constitutionnel a été de nouveau consulté lorsque nous avons eu à décider de la représentation du conseil de Paris, donc des Parisiens, au sein de la Métropole du Grand Paris. Il a formulé un certain nombre d’avis, que nous avons bien sûr retenus, notamment sur la question de la représentation des Parisiens en fonction de l’arrondissement dans lequel ils résident.
Nous avons souhaité travailler à un regroupement. Plusieurs hypothèses étaient possibles. Certains pouvaient imaginer un jeu de « chamboule-tout », consistant à découper les arrondissements, supprimer les frontières actuelles et ne pas respecter les limites des quartiers. Nous n’avons pas du tout fait ce choix. Nous avons fait un choix pragmatique, guidé par l’idée de regrouper plusieurs arrondissements – comme on l’a fait à Marseille ou à Lyon – sans que cela ait d’incidence sur les équilibres politiques et démocratiques de la ville.
Plusieurs hypothèses ont été étudiées par le groupe de travail qui a réuni l’ensemble des groupes politiques de l’Hôtel de ville – du moins ceux qui l’ont souhaité.
On pouvait, par exemple, se donner pour but – par exemple en regroupant le 8e arrondissement avec le 9e ou le 10e – d’aboutir à des arrondissements de taille à peu près identique. On pouvait aussi adopter une attitude plus mesurée, en se bornant à prendre en compte une certaine réalité, à savoir l’unité du cœur de Paris, constitué des 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements. D’ores et déjà, une partie de la vie démocratique et culturelle s’organise de façon regroupée dans ces arrondissements : autour d’un conservatoire commun ; autour de grands projets, comme celui des Halles, qui concerne ces quatre arrondissements et qui a donné lieu à la consultation de leur population. Il y avait donc une logique et une réalité qui justifiaient que nous travaillions sur cette hypothèse, qui est celle que je défends et que je présente.
Je sais qu’il y a, ici et là, des velléités d’aller plus loin. Mais si l’on s’attaque à d’autres arrondissements, à d’autres regroupements, on risque de toucher aux équilibres politiques de la capitale, et ce n’est pas du tout ce que nous souhaitons. D’ailleurs, le Conseil d’État lui-même, dans un avis très explicite, considère que le regroupement que nous défendons est un « plus » démocratique pour la représentation des Parisiens.
Si la loi est votée, ces quatre arrondissements deviendront autant de secteurs, et les habitants garderont naturellement leur code postal. D’ici à 2020 – date de la prochaine élection municipale – nous travaillerons avec les habitants, pour que la qualité du service de proximité soit au rendez-vous.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais aborder un dernier point, auquel Jacques Chirac, Jean Tiberi, Bertrand Delanoë et moi-même avons toujours été très attachés : l’unité et le statut de Paris. Au moment où l’on fait la métropolisation, Paris doit garder l’unité de son statut. Celle-ci ne doit pas être mise en échec par les transferts de compétences envisagés entre mairie centrale et mairie d’arrondissements.
L’unité de Paris tient à un certain nombre d’éléments : la collecte de l’impôt, qui se fait à l’échelle de la commune, c’est-à-dire Paris ; le statut du personnel de la ville de Paris, qui est un statut parisien, et non un statut d’arrondissement.
D’autres éléments, importants à rappeler, n’empêchent pas la déconcentration. D’ailleurs, nous proposons le transfert d’un certain nombre de compétences supplémentaires aux arrondissements. Mais l’unité est pour nous un repère, comme elle le fut pour mes prédécesseurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Madame la maire, messieurs les adjoints, nous sommes très heureux de vous recevoir. Cette audition est la marque de la considération que l’Assemblée nationale porte à Paris, et de l’importance de Paris pour notre pays.
Dans le projet de loi initial, le Gouvernement avait prévu de déléguer de nouvelles compétences aux maires d’arrondissement, notamment en matière de gestion des équipements de proximité, ou d’avis pour les installations sur la voie publique – les terrasses en particulier.
Le Sénat, après en avoir débattu, a souhaité aller plus loin, trop loin selon nous, car l’unicité de Paris se trouverait remise en cause si le statut des mairies d’arrondissement se rapprochait de celui des communes du reste du pays – sans le rejoindre tout à fait cependant, au risque de rendre la commune impossible à gérer : ainsi, la question du statut juridique des maires d’arrondissement n’est pas abordée, alors que le statut juridique des communes, qui sont dotées de la personnalité morale, leur permet d’accomplir certains actes.
Dans ce contexte, Madame la maire, les rapporteurs proposeront de rétablir certains des éléments prévus par le texte initial du Gouvernement. Cela étant, nous sommes intéressés par cette discussion sur le rapport entre la ville et ses arrondissements. Nous avons rencontré nos collègues maires d’opposition, dont M. Goasguen, et ceux de votre majorité – Parti socialiste et Europe Écologie Les Verts (EELV). Sans doute y a-t-il quelques clarifications à apporter sur la façon dont la ville entend répartir les rôles entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, ainsi que sur les processus de concertation en vigueur. Nous avons en effet le sentiment que l’appréciation n’est pas la même en fonction de la personne à laquelle on s’adresse, et nous aimerions que vous nous fassiez connaître la position de la ville.
Bien qu’elle soit de moindre importance, la deuxième question que j’aborderai fait les titres de la presse : il s’agit de la fusion des quatre premiers arrondissements.
Le rapporteur que je suis considère cette fusion comme tout à fait justifiée, notamment au vu des remarques faites par le Conseil constitutionnel. Mais cette disposition a été supprimée par le Sénat, au motif qu’elle ne serait pas nécessaire. Il nous semble au contraire qu’elle renforce le principe de l’égalité devant le suffrage. Je vous confirme d’ores et déjà que les rapporteurs ont l’intention de la réintroduire.
Cela étant, nous souhaitons recueillir votre avis et votre assentiment sur une autre question, qui ne relève pas de la politique, mais de la vie quotidienne : les rapporteurs estiment qu’il conviendrait sans doute de supprimer toute référence aux secteurs 2, 3 et 4, le premier secteur étant constitué des 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements, le secteur 5 étant le 5e arrondissement, le secteur 6 le 6e arrondissement, et ainsi de suite, ce qui éviterait aux Parisiens concernés de confondre mairie d’arrondissement et secteur électoral. À Marseille, il arrive régulièrement qu’un habitant du 7e arrondissement, par exemple, se rende à la mairie du 7e secteur, qui comprend les 13e et 14e arrondissements. S’il est trop tard pour résoudre le problème à Marseille, où chacun des huit secteurs regroupe deux arrondissements dont les numéros ne correspondent pas au sien, on peut au moins l’éviter à Paris…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Monsieur le président, je vais prolonger les questions de Patrick Mennucci, en faisant naturellement mienne sa satisfaction d’avoir pu obtenir de vous la tenue de cette audition, certes un peu particulière, mais qui est à la mesure de l’enjeu.
Le premier objectif de ce projet de loi est la création d’une collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », qui se substitue à la commune et au département de Paris. C’est l’aboutissement d’un travail progressif, qui a commencé avec l’unification des instances et la mutualisation des services.
Nous voudrions savoir quelles seront, d’ici au 1er janvier 2019, les étapes auxquelles seront confrontées ces deux collectivités, qu’il s’agisse de la mise en œuvre concrète de cette fusion ou de la prise en compte du modèle institutionnel que constituaient tant la ville de Paris que le département.
De nouvelles missions seront octroyées à la ville de Paris. Nous connaissons bien, dans cette commission, tout ce qui est sous-jacent au processus de transfert de compétences, grâce aux débats qui ont eu lieu autour de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale (MAPTAM) – et de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Nous voudrions donc vous interroger sur l’étude d’impact, qui évalue à 111 millions d’euros le coût des nouvelles missions qui seront attribuées à la ville de Paris à l’occasion de cette nouvelle étape institutionnelle. Comment ce montant a-t-il été évalué ? La méthode diffère en effet des techniques habituelles des commissions d’évaluation des transferts de charges que nous connaissons bien.
Ensuite, cet objectif, qui a été sans nul doute partagé par les services de l’État, et qui est au cœur des questionnements de nombre de vos administrés, vous paraît-il réaliste ?
Nous aimerions également vous entendre évoquer les grandes responsabilités qui sont les vôtres en matière d’accueil des fonctionnaires qui relevaient auparavant de la préfecture de police. Comment appréhendez-vous cet enjeu ? Comment allez-vous prendre en compte les inquiétudes des intéressés, notamment en cas de changement de situation ?
Nous avons reçu hier toutes les organisations syndicales. Allez-vous, en particulier, prendre en considération les préoccupations des agents de surveillance de la ville de Paris, le plus important corps des fonctionnaires de la Préfecture de police qui va rejoindre vos effectifs ? Comment allez-vous intégrer leur activité, dans la mesure où vous allez détenir des compétences totales dans certains domaines ? Je pense notamment au contrôle du stationnement qui, je vous le rappelle, est la conséquence directe de la loi MAPTAM.
M. Olivier Dussopt. Madame la maire, le groupe socialiste est particulièrement satisfait de l’inscription à notre ordre du jour de ce texte, qui va permettre de moderniser le statut de la ville de Paris, de créer une collectivité à statut particulier, de gagner en lisibilité et en efficacité.
Un certain nombre de questions restaient posées, mais vous y avez apporté, pour l’essentiel, des réponses lors votre intervention liminaire. Je souhaiterais cependant évoquer quatre points.
Premièrement, la modernisation du statut de Paris : les débats, y compris au Sénat, ont montré qu’un consensus était possible. Malgré tout, un certain nombre de modifications ont été apportées au texte, parmi lesquelles la suppression de la commission permanente et la création d’une conférence des maires. Je pense qu’il serait utile, pour notre commission, de connaître votre position et celle de la ville de Paris en ce domaine. Quelle est votre préférence en matière d’organisation et de règlement intérieur ?
Deuxièmement : l’équilibre de la répartition des pouvoirs et des compétences entre les mairies d’arrondissement et la mairie centrale. Vous avez abordé le sujet, et les rapporteurs ont déjà annoncé qu’ils déposeraient des amendements visant à rétablir le texte initial.
Pour nous, il est totalement exclu que ce texte soit l’occasion de faire évoluer le statut de Paris vers une fédération de communes dont l’autonomie serait telle que plus rien ne serait possible en matière d’égalité fiscale, de solidarité ou de gestion d’un certain nombre de politiques particulièrement importantes, comme la politique du logement. Mais nous avons compris, en vous écoutant, que la version initiale du texte avait votre préférence sur les articles additionnels introduits par le Sénat après l’article 16.
De la même manière, vous nous avez indiqué avoir une nette préférence pour le scénario de fusion des quatre premiers arrondissements de Paris. Là aussi, les rapporteurs ont exprimé leur volonté de rétablir le texte initial.
Je ferai deux commentaires pour conforter votre propos. D’abord, l’écart de population entre l’arrondissement le moins peuplé et l’arrondissement le plus peuplé est passé d’un facteur 3,9 en 1972 à un facteur 13,9 en 2015. La formule proposée par le Gouvernement, en lien avec celles et ceux qui ont préparé le texte, permet de revenir à un écart de 6,1. Quant à l’écart de représentativité entre les conseillers de Paris par rapport à la moyenne parisienne, il varie de +24 % à -19 % ; ce qui est proposé permettra de revenir à un écart compris entre +9 % et -6 % selon les arrondissements.
Troisièmement, on peut s’interroger sur les compétences de la préfecture de police qui seraient déléguées à la ville de Paris. Je fais écho aux questions de Jean-Yves Le Bouillonnec sur la transition, sur le statut des agents et sur l’équilibre qu’il faudra certainement là aussi rétablir.
Enfin, ce texte permettra-t-il d’apporter des réponses techniques à un certain nombre de problématiques, notamment les aménagements urbains, les partenariats à ouvrir ou à aménager avec la SNCF, notamment dans le dixième arrondissement, ou encore avec l’État, dans le cadre de la préparation des Jeux olympiques ?
M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, je tiens à dire combien je suis heureux de rencontrer ici la maire de Paris et ses adjoints. Je n’ai pas eu l’occasion de suivre de très près les travaux du Sénat, et il me faudra rafraichir mes connaissances à partir de votre rapport.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il sera bientôt disponible.
M. Pierre Lellouche. Cela étant, je suis élu de Paris depuis longtemps, et je voudrais soumettre quelques propositions à la commission pour essayer d’améliorer ce texte – s’il n’est pas trop tard.
Je voudrais d’abord évoquer, en reprenant vos termes, madame la maire, la question de la métropolisation. À la suite de modifications législatives plus ou moins obscures ces dernières années, il y aura désormais une région, une métropole, et une ville dont le statut va se trouver modifié.
N’y a-t-il pas un échelon de trop ? Autrement dit, ne peut-on faire des économies, alors que l’on est en train de faire des dépenses supplémentaires pour ce nouveau statut et qu’on en fait déjà d’autres pour la métropole ? Ne peut-on poser la question de l’organisation territoriale au niveau de la région ? À votre avis, est-il sensé d’ajouter un échelon intermédiaire entre la ville et la région ? Personnellement, je pense qu’on peut en faire l’économie et que l’on y gagnerait en termes d’impôts, de visibilité et d’efficacité.
Ma deuxième question concerne le scrutin, et elle est liée à la réforme des secteurs.
L’argument avancé est qu’il y a un problème de représentation démocratique, et qu’il faut regrouper pour mieux représenter. Est-ce à dire que, par définition, une petite commune serait mal représentée ? Il y a là une logique qui m’échappe. Quoi qu’il en soit, vous posez la question démocratique, et vous la résolvez par la sectorisation.
De mon côté, je poserai la question démocratique comme on l’a fait au moment des dernières élections présidentielles aux États-Unis. Mme Clinton était majoritaire en voix, mais elle n’a pas été élue pour autant présidente. Si je fais un parallèle avec les élections à Paris, madame Hidalgo, j’observe que vous n’êtes pas majoritaire en voix dans le 15e arrondissement, où vous étiez candidate. Plus généralement, j’observe qu’à Paris la gauche est parfois majoritaire en voix, et parfois minoritaire. Il n’empêche qu’avec le découpage et le mode de scrutin actuel, en raison de la modification sociologique et du nombre des conseillers de Paris qui élisent le maire, on peut s’attendre à une majorité de gauche ad vitam aeternam.
Mme Anne Hidalgo. Ce serait une bonne nouvelle ! (Sourires.)
M. Pierre Lellouche. Nous sommes entre responsables politiques et nous disons les choses telles qu’elles sont. Il y a une « réserve d’Indiens » de la bourgeoisie parisienne à l’Ouest et, inversement, une « réserve d’Indiens » favorable à la gauche à l’Est. Je suis le seul député d’opposition de Paris non élu par des « Indiens », car ma circonscription – que Mme Hidalgo veut amputer de l’un de ses arrondissements – est à cheval sur l’Est et sur l’Ouest. J’ai donc quelque raison de m’exprimer sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, et en dehors de toute référence personnelle, j’observe qu’il en est ainsi depuis Hausmann : à l’Ouest les « bourgeois », à l’Est le « petit peuple ». Avec la transformation sociologique de la ville et l’émigration forcée des classes moyennes hors de la ville en raison du coût du logement, Paris concentre à la fois les plus aisés, qui ont les moyens de se loger à Paris, et les plus aidés. Voilà pourquoi aujourd’hui, à Paris, les scores sont de 80 % en faveur de la gauche à l’Est et de 80 % en faveur de la droite à l’Ouest.
Seulement, la taille des arrondissements et le nombre des conseillers de Paris fait que, mécaniquement, la droite est vouée à rester minoritaire. Donc, on a une maire de Paris minoritaire dans le 15e arrondissement, mais largement élue par les conseillers de Paris du fait du mode de scrutin.
Madame la maire, puisque vous parlez de rapprocher le Paris du droit commun, allons jusqu’au bout du raisonnement et faisons en sorte que les Parisiens élisent leur maire au suffrage universel !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. C’est au Parlement d’en décider, pas à Mme Hidalgo !
M. Pierre Lellouche. Il me semble que la question du mode d’élection du maire de Paris mérite d’être posée. Ce n’est pas par le biais de la sectorisation que l’on résoudra ce problème de représentativité démocratique. Pour ma part, je préférerais que l’on passe par le suffrage universel. Je proposerai des amendements en ce sens, et on verra bien s’ils seront ou non retenus.
J’en viens au troisième sujet : la police municipale.
C’est un débat que j’avais lancé dès 2001, au moment des attentats aux États-Unis, avec votre prédécesseur, M. Delanoë, qui n’avait pas eu que des mots aimables à mon endroit lorsque j’avais souligné qu’il était impensable qu’en cas d’attentat le maire de Paris puisse dire que la sécurité des Parisiens relève du seul préfet de police. J’ai été membre de la commission d’enquête sur les attentats de 2015. Il y aurait beaucoup à dire, notamment sur les relations entre le service de recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) et la brigade de recherche et d’intervention (BRI). Pour moi, il est indispensable que le premier garant de la sécurité des Parisiens soit le maire : c’est lui qui détient la légitimité pour cela, au plus près des habitants. Il n’est pas envisageable de faire une demi-réforme comme celle que vous proposez.
Je terminerai par la sectorisation. Je ne comprends pas très bien votre réforme, madame la maire. Une réorganisation administrative, pourquoi pas ? Mais elle ne doit pas toucher aux arrondissements. Il faut conserver leur identité : les Parisiens sont tous attachés émotionnellement à leur arrondissement, si petit soit-il. Vous savez aussi bien que moi que chacun des arrondissements est un regroupement de quartiers à la personnalité propre. Nous appartenons à ces arrondissements comme ils nous appartiennent.
La réorganisation ne doit pas s’apparenter non plus à un « bidouillage » politique, compte tenu du mode d’élection du maire de Paris. Regardez la carte et vous verrez que ce que je dis est exact : la capitale est coupée en deux, avec un Est dominé par la gauche et un Ouest dominé par la droite. Ce n’est pas sain pour l’avenir.
Mme Sandrine Mazetier. Merci, madame la maire, d’être venue, accompagnée de vos adjoints.
Ma première question concerne les transferts de compétences de la préfecture de police vers la municipalité. Cette évolution sera un grand progrès pour les Parisiennes et les Parisiens, qui ne comprenaient pas très bien à qui s’adresser, entre les agents de la police nationale et les agents de la ville. La ville de Paris a d’ores et déjà anticipé ce mouvement en créant la brigade de lutte contre les incivilités. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Ma deuxième question porte sur la déconcentration des pouvoirs de la mairie centrale vers les mairies d’arrondissement. Paris a, en la matière, « un temps d’avance », pour reprendre la formule de Bertrand Delanoë. Vous avez manifesté la volonté, que les élus du groupe socialiste partagent, de garantir l’égalité des Parisiennes et des Parisiens en matière de services municipaux : quel que soit l’arrondissement où ils vivent, ils doivent pouvoir être accompagnés de la même manière par les conseillers de Paris et le personnel des mairies d’arrondissements. Toutefois, ces pratiques sont avant tout une interprétation du texte de la loi PML. Verriez-vous une objection à leur donner pour tout ou partie une traduction législative ? Les graver dans le marbre de la loi éviterait tout retour en arrière.
Dernière question : le groupe socialiste avait défendu lors d’une précédente législature une proposition de loi intitulée « Pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit », qui visait à donner aux maires et aux municipalités des pouvoirs nouveaux en cas d’occupation illégale du domaine public, en particulier dans l’hypothèse où la disposition des terrasses ou des étalages contrevient aux règlements en vigueur. Elle prévoyait une gradation des sanctions, dépendant du caractère répété des faits et de la commercialité du linéaire – un dépassement d’un mètre n’a pas la même valeur sur les Champs-Élysées, en zone touristique internationale (ZTI), ou dans des quartiers moins fréquentés. Pensez-vous que le projet de loi pourrait intégrer de telles dispositions ou préférez-vous vous en tenir aux dispositions très ambitieuses qu’il contient déjà ?
Mme Anne Hidalgo. Beaucoup de questions ont porté sur les évolutions apportées par le Sénat.
Je commencerai par les relations entre les mairies d’arrondissement et la mairie de Paris. Au moment où nous métropolisons en essayant de regrouper des fonctions et des compétences qui doivent s’exercer sur un périmètre plus large, au moment où les territoires réfléchissent à une nouvelle répartition des compétences en s’inspirant de la loi du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite « loi PML », il ne me paraît pas judicieux d’émietter l’unité de la commune : ce serait affaiblir le statut de Paris et risquer l’échec puisque des fonctions essentielles comme la fiscalité et le personnel relèvent de la commune.
Dans le nouveau territoire parisien, les relations entre les mairies d’arrondissement et la mairie centrale doivent rester fondées sur l’unité de la commune de Paris – rappelons que les maires d’arrondissement ne sont pas des maires de plein exercice, puisque les arrondissements ne sont pas des communes. Dans le même temps, les mairies d’arrondissement, grâce à des pouvoirs déconcentrés, doivent pouvoir assurer une gestion de proximité, rôle très important auquel je tiens beaucoup.
Le Sénat a formulé des propositions qui me paraissent source de complexité. Pour les décisions relatives aux terrasses, il a ainsi prévu que la mairie centrale fournisse une explication si elle ne suit pas l’avis du maire d’arrondissement. Cela supposerait pour les services de la mairie centrale de justifier par écrit des milliers de décisions prises chaque jour.
Le logement et l’urbanisme relèvent aujourd’hui de la mairie centrale. Le jour où chaque arrondissement pourra décider de sa politique en matière de logement, il n’y aura plus de possibilité d’installer des logements sociaux dans un arrondissement comme le 16e, sauf bien sûr si le maire le décide, monsieur Goasguen…
M. Claude Goasguen. J’y réfléchirai ! (Sourires.)
Mme Anne Hidalgo. Et le déséquilibre entre Est et Ouest, que Pierre Lellouche estime si problématique, ne serait que renforcé. Cette compétence du logement doit à l’évidence être exercée à l’échelle de la commune, comme c’est le cas dans toutes les villes de France.
Bien sûr, cela n’exclut pas des mécanismes renforçant le lien entre mairies d’arrondissement et mairie centrale. Il existe d’ores et déjà une conférence de programmation des équipements, qui réunit le maire de Paris et l’ensemble des maires d’arrondissement. Mon prédécesseur a décidé – et j’ai poursuivi dans cette voie – que certaines compétences départementales seraient prises en compte par les mairies d’arrondissement : s’agissant des collèges, compétence départementale et non municipale, les délibérations sont ainsi passées du conseil départemental au conseil d’arrondissement.
M. Claude Goasguen. Sans vote !
Mme Anne Hidalgo. Oui, car la loi ne le permet pas, mais la question ne se posera plus avec la fusion entre commune et département.
N’alourdissons pas la loi inutilement. La loi qui précise les pouvoirs des mairies d’arrondissement offre déjà de réelles possibilités aux maires d’arrondissement, même si, bien sûr, elles dépendent aussi de la volonté de la mairie centrale d’actionner ou non ces leviers.
Pierre Lellouche considère que le véritable enjeu démocratique est le changement de mode de scrutin pour les élections parisiennes. Nous n’avons pas choisi d’entrer par cette porte, préférant nous attacher à l’organisation institutionnelle.
Vous dites, monsieur Lellouche, que le maire de Paris devrait, comme dans toutes les communes de France, être élu au suffrage universel. C’est une erreur puisque, dans toutes les communes de France, c’est le conseil municipal qui élit le maire, et non les citoyens directement. À Paris, c’est le conseil de Paris, conseil municipal de la commune, qui élit le maire. Nous sommes donc dans le droit commun sur ce point.
La différence avec les autres communes de France, c’est l’existence d’arrondissements. Des listes sont présentées dans chaque arrondissement ; sur ces listes, des conseillers sont élus qui élisent ensuite le maire.
La base de l’élection est donc l’arrondissement et c’est à ce niveau que s’exerce la prime majoritaire. Si demain, le maire de Paris était élu à partir d’une liste couvrant l’ensemble des arrondissements, la prime majoritaire s’appliquerait à l’échelle de la commune.
M. Claude Goasguen. Tout dépend de la loi.
Mme Anne Hidalgo. Il faudrait une loi d’exception.
Et si j’avais été élue sur une liste parisienne, j’aurais obtenu une majorité beaucoup plus confortable. Majoritaire en voix et en sièges, j’aurais été avantagée plus encore par la prime majoritaire.
N’étant pas particulièrement masochiste, je pourrais être calculatrice et appeler à la mise en place d’un tel mode de scrutin. Néanmoins, je considère qu’il ne s’agit pas d’un bon dispositif car il prive les maires d’arrondissement du rôle politique qui est le leur. Aujourd’hui, les candidats à la mairie d’arrondissement conduisent leur liste à l’échelle de l’arrondissement comme le candidat à la mairie de Paris conduit la totalité des listes d’arrondissement – mon identification comme candidate à la mairie de Paris sur ma liste, « Paris qui ose », était très claire ; pour d’autres listes, la visibilité du chef de file était moindre.
À l’échelle des arrondissements, les maires sont connus de leurs administrés, qui votent d’abord pour eux. Retirer ce pouvoir aux électeurs, ce serait revenir au système qui prévalait au début du mandat de Jacques Chirac, quand les maires d’arrondissement étaient considérés comme des « collaborateurs » du maire de Paris – pour employer un terme d’actualité. Avec ce système, j’aurais pu, par exemple, choisir qui serait le maire du 16e arrondissement. Et je ne suis pas absolument sûre, cher Claude Goasguen, que je vous aurais désigné ; j’aurais peut-être plutôt porté mon choix sur Thomas Lauret, voyez-vous…
Il me semble beaucoup plus intéressant, d’un point de vue démocratique, de préserver l’équilibre du pouvoir actuel entre le local et le central. Mais si certains veulent se faire « hara-kiri », libre à eux !
J’en viens à des questions plus concrètes.
D’abord, pour dire que je trouve judicieuse la proposition de Patrick Mennucci de passer du secteur 1 directement au secteur 5, afin de faire correspondre le numéro de secteur au numéro d’arrondissement. Ce système serait plus lisible.
Beaucoup de questions ont porté sur la compensation de 111 millions d’euros versée à la ville de Paris pour ses nouvelles missions. Il faut bien voir que cette somme, qui repose sur une juste estimation, ne constitue pas de l’argent en plus puisqu’elle sera déduite de la subvention que la ville verse à la préfecture de police.
S’agissant des nouvelles compétences des personnels, notamment en matière de circulation et de stationnement, d’une certaine façon, nous avions anticipé le mouvement.
La police nationale se consacre aux tâches qui relèvent de la sécurité nationale. Lors des attentats, l’unité de commandement de tous les services de police et une coopération poussée entre la maire de Paris et le procureur de Paris, présents ensemble pendant toutes les opérations, ont permis d’éviter des problèmes analogues à ceux qui se sont posés entre la BRI et le RAID.
La façon dont la maire de Paris et le préfet de police ont travaillé pour préparer l’Euro 2016 et les festivités du 14 juillet a été extrêmement efficace : chacun était à sa place sans pour autant qu’il y ait d’un côté le responsable de la police municipale et de l’autre le responsable des services en charge de la lutte contre le terrorisme. Il faut une coopération entre le ministère de l’Intérieur et la mairie de Paris. De ce point de vue, la présence du préfet de police au conseil de Paris constitue un élément important, que je ne remets pas en cause. Je ne vois pas pourquoi, par exemple, le maire de Paris aurait la responsabilité et le droit d’autoriser ou non des manifestations d’ampleur nationale. Ce n’est pas à lui d’en décider.
La répartition des compétences a été bien définie et nous souhaitons la prolonger en mettant en place un dispositif de proximité. Nous avons créé une brigade de lutte contre les incivilités qui permet de soulager la police nationale, souvent appelée à intervenir pour régler des problèmes de voisinage, de propreté sur la voie publique ou de stationnement, alors qu’elle a vocation à remplir d’autres fonctions.
En concertation avec les organisations syndicales, nous avons souhaité profiter des transferts de compétences pour placer sous l’autorité de la mairie de Paris les agents de surveillance de la ville de Paris (ASP), que nous payons et qui sont aujourd’hui principalement affectés par la préfecture de police à la verbalisation du stationnement. Il faut savoir qu’à Paris, en dehors des personnes munies d’une carte de stationnement résidentiel, neuf automobilistes sur dix ne paient pas le stationnement. Recherchant l’efficacité à un moment où les budgets des collectivités doivent contribuer au redressement national, nous avons considéré que ces dépenses de personnel n’étaient pas bien affectées. La mairie de Paris va donc récupérer ces agents. Sur la base du volontariat, avec des formations adéquates, certains pourront travailler à d’autres postes. Emmanuel Grégoire ici présent s’occupe d’organiser des passerelles, qui constituent une ouverture pour beaucoup d’ASP qui ne se voyaient pas se consacrer ad vitam æternam au contrôle du stationnement. Nous avons déjà eu beaucoup de réponses positives. Et j’ai pu constater l’enthousiasme des agents affectés à la nouvelle brigade de lutte contre les incivilités qui fonctionne sept jours sur sept et quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Tous m’ont dit comme ils étaient heureux d’effectuer ces missions de proximité. Aux 1 900 agents municipaux déjà en place, viendront s’ajouter 2 000 autres agents : au 1er janvier 2018, ce dont donc près de 4 000 agents en uniforme qui pourront répondre aux problèmes de voisinage, de stationnement, de propreté et à rassurer Parisiens et touristes.
Ces changements supposent, bien sûr, une négociation avec les organisations syndicales. Le préfet de Paris et moi-même les avons rencontrées. Je comprends que certaines inquiétudes s’expriment. Elles portent principalement sur le statut de la ville de Paris. Je tiens à souligner que ce transfert constitue pour la plupart des agents une véritable opportunité professionnelle. Nous discutons avec la préfecture du cas de ceux, minoritaires, qui ne souhaitent pas être transférés.
D’autres questions ont porté sur certaines modifications à apporter par amendements : y aurait-il place pour des dispositions concernant la SNCF, les Jeux olympiques, le Grand Paris ? Oui, si elles ne sont pas totalement en dehors du champ du projet de loi.
Je terminerai, monsieur Lellouche, par vos remarques sur les échelons : faut-il en supprimer un ?
Plusieurs villes-mondes émergent à travers la planète et s’organisent en métropole. Les acteurs économiques présents dans ces villes savent que l’échelon métropolitain est indispensable. La loi relative à la Métropole du Grand Paris comporte sans doute des lacunes, mais elle a le mérite d’exister et d’apporter une solution à un problème qui se pose à toutes les grandes agglomérations mondiales. Paris est la seule métropole à dimension mondiale que nous ayons en France. Ne pas la doter d’une gouvernance propre serait affaiblir son attractivité alors qu’elle est dans une compétition acharnée avec d’autres métropoles mondiales. C’est ainsi qu’après le Brexit, la région Île-de-France, la Métropole du Grand Paris, le Gouvernement et moi-même avons pris des mesures pour attirer les investissements.
Je considère que la région n’est pas le bon échelon. Pour qu’elle soit en mesure de représenter la métropole, il faudrait changer le mode de scrutin afin qu’elle soit l’émanation des maires et non de listes composées de personnes qui n’ont pas forcément réussi à l’échelle municipale – pardon de dire cette vérité, connue de tous les partis.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il y a des exemples, effectivement…
Mme Anne Hidalgo. Ce qui pose problème, ce sont les dimensions de la région Île-de-France, qui sont trop petites. Pour que la région constitue un atout pour la Métropole du Grand Paris, il faudrait que son périmètre soit étendu jusqu’aux côtes, car nous sommes la seule métropole de dimension mondiale à n’avoir pas d’accès à la mer. Cela permettrait de surcroît un travail de mise en cohérence des métropoles les unes avec les autres.
M. Christophe Caresche. Je vous poserai trois questions, madame la maire.
À la première, vous avez déjà répondu pour partie mais je me permets d’y revenir car je ne suis pas convaincu par votre argumentation. Je ne comprends pas pourquoi vous n’étendez pas le regroupement des arrondissements au-delà des 1er, 2e, 3e et 4e, car cela permettrait d’estomper les fortes disparités démographiques qui subsistent dans Paris.
Le regroupement, outre qu’il permettrait des économies, renforcerait l’efficacité des services. Ce processus de mutualisation est d’ailleurs déjà en marche dans plusieurs arrondissements, par exemple entre le 5e et le 6e arrondissements.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Vous dites qu’il ne faut pas mettre à mal les équilibres politiques au sein du conseil de Paris. Or, ceux-ci ne dépendent pas du périmètre des arrondissements, mais d’un ratio entre nombre d’élus et nombre d’habitants. Le regroupement d’arrondissements permettrait au contraire une meilleure représentation des conseillers de Paris – c’est d’ailleurs le sens de la décision du Conseil constitutionnel. Nous pourrions réfléchir à un découpage où chaque arrondissement comprendrait une population entre 100 000 et 200 000 habitants. Cette réforme ne serait pas herculéenne.
Avec ma deuxième question, je ne vais sans doute pas me faire beaucoup d’amis... (Sourires.) Vous suggérez de créer une commission permanente au sein du conseil de Paris, ce qui est une façon de reconnaître les lourdeurs du fonctionnement de cette instance qui comporte un nombre élevé d’élus – 163 –, susceptibles d’aborder toute sorte de sujets. Cela aurait tout de même un inconvénient : un coût financier élevé. Il est en effet prévu que les membres de la commission permanente touchent une indemnité supérieure de 10 % à l’indemnité de conseiller de Paris, laquelle est déjà la plus avantageuse de France pour un mandat local. Si je ne tiens pas à ce qu’elle soit revue à la baisse, j’estime qu’il n’est pas raisonnable de l’augmenter.
Si vous visez une meilleure efficacité, pourquoi n’avoir pas songé à diminuer le nombre de conseillers de Paris ? Le ratio entre le nombre d’habitants et le nombre de conseillers de Paris est extrêmement faible : il y a un conseiller de Paris pour 13 000 habitants, soit un ratio équivalent à celui des conseillers départementaux des zones rurales de montagne alors que Paris est le territoire le plus densément peuplé de France. Dans les conseils départementaux des zones urbaines, le ratio est au minimum d’un conseiller départemental pour 20 000 et il atteint même un pour 30 000 dans le Nord. Réduire le nombre de conseillers de Paris à une centaine présenterait un double avantage : de meilleures conditions de travail pour les conseillers, des économies substantielles pour la collectivité.
Ma troisième question concerne les pouvoirs de circulation. J’approuve totalement l’orientation qui vise à faire appliquer le droit commun, donc à transférer au maire de Paris des pouvoirs en la matière. Nous avions d’ailleurs déjà amorcé cette évolution tout à fait souhaitable lorsque Daniel Vaillant était ministre de l’intérieur. Mais, s’agissant des grands axes de circulation parisiens ayant un impact immédiat sur les communes de banlieue et d’Île-de-France – tels que les voies sur berges, entre autres –, la décision doit-elle appartenir au seul maire de Paris ? Ne faut-il pas y associer l’exécutif d’autres collectivités ? On pourrait ainsi demander au président de la Métropole du Grand Paris de rendre non pas un avis conforme – ce qui créerait un risque d’immobilisme, voire de paralysie – mais un avis simple sur les décisions prises par le maire de Paris concernant ces grands axes. Si je vous pose cette question, c’est qu’elle a été soulevée à la suite de la décision que vous avez prise concernant les voies sur berges. J’approuve personnellement votre décision sur le fond mais cette revendication me paraît légitime.
M. Claude Goasguen. Il ne s’agit pas, en réalité, de se prononcer pour ou contre votre projet ou celui qu’a adopté le Sénat mais de réfléchir – ensemble, si possible – à l’élaboration d’un nouveau statut de Paris et du Grand Paris. Bien que je ne souscrive ni au projet parcellaire que vous présentez en fin de législature ni à celui du Sénat, ils montrent tous deux qu’en toute hypothèse, le statut actuel est insuffisant.
La loi NOTRe a fait évoluer le statut des grandes métropoles de Lyon et Marseille, ce qui rend caduque le traitement dans un seul et même texte de loi du statut de Paris, Lyon et Marseille. Ces trois villes ont désormais chacune leur propre organisation. Cela me paraît logique : le fait que Gaston Defferre – le seul ministre décentralisateur, d’ailleurs, auquel je rends hommage – ait réuni dans le même texte les trois villes avait des connotations politiques, propres à cette époque, qu’on ne saurait oublier. On omet en effet trop souvent de dire qu’avant la loi PML actuelle, qui a été mise au rancart, il y avait un autre projet de loi beaucoup plus intéressant, allant beaucoup plus loin, qu’avait proposé Gaston Defferre et que j’avais soutenue contre Jacques Chirac à l’époque – car je n’étais pas dans la même formation politique que lui. Ce texte mérite d’être réexaminé car il organisait, à Paris notamment, une vraie décentralisation – contrairement à la deuxième loi PML.
Ceci m’amène à répondre à ce qu’a dit tout à l’heure M. Mennucci concernant les statuts. Bien sûr, il ne s’agit pas de rétablir l’unité fiscale à Paris. Je le regrette d’ailleurs car j’en serais le grand bénéficiaire …
Mme Anne Hidalgo. Ainsi que Rachida Dati !
M. Claude Goasguen. … mais entre la loi sur les collectivités locales et le statut de l’arrondissement, actuellement inexistant, il y a ce que l’on appelle en droit public la personnalité morale – que reconnaissait le premier projet de loi de Gaston Defferre. L’arrondissement avait été reconnu comme entité juridique n’ayant pas, bien entendu, la totalité du pouvoir de la collectivité locale – notamment sur le plan fiscal – mais, n’ayant pas non plus le statut que nous connaissons, celui dans lequel l’arrondissement est res nullius. Si vous saviez, madame la maire, ce que c’est qu’être maire d’arrondissement aujourd’hui, compte tenu de la gestion de votre municipalité et de votre administration – très compétente, d’ailleurs –, vous vous apercevriez que je suis très souvent pris à partie concernant vos propres décisions car les gens considèrent souvent que le maire d’arrondissement et le maire de Paris, c’est la même chose ! Heureusement, j’ai un organe assez fort pour me distinguer, dans la presse et ailleurs, sinon nous serions considérés quasiment comme des adjoints – comme sous Jacques Chirac, qui leur en avait d’ailleurs donné le titre... J’ai quelquefois beaucoup de mal à expliquer que ce n’est pas moi qui suis responsable de la propreté dans mon arrondissement. Quand on lit avec attention ce qui se passe au sein du conseil de Paris, on s’aperçoit que la politique qui est actuellement mise en place n’est pas du tout la même que celle de Bertrand Delanoë. Celui-ci, dans les dernières années de son mandat, était réellement favorable à une décentralisation. Au contraire, nous sommes aujourd’hui aux prises avec une véritable recentralisation car, en réalité, les pouvoirs des conseillers d’arrondissement n’existent pas, par manque de moyens financiers et du fait du statut des personnels.
Parlons justement de ce statut. Vous n’hésitez pas à le modifier quand il s’agit du personnel communal ou du personnel départemental - vous allez d’ailleurs bien vous amuser quand vous découvrirez les différences de primes entre ces personnels... Cela prouve donc qu’en réalité on peut modifier un statut. Je comprends que vous ne veuillez pas le faire dans la mesure où les syndicats sont contre. Mais cela fait que nous assistons à une politique de centralisation.
Non seulement ce projet est centralisateur mais, en outre, il ne tient pas compte de la nécessaire ouverture de la capitale sur le Grand Paris. Je rappelle que le Paris actuel a été construit par Napoléon III et que le périphérique correspond parfaitement à la circonférence établie sous le Second Empire. Or, de l’eau a coulé sous les ponts depuis lors ! Paris est désormais une ville qui étouffe dans son périphérique. Cela ne veut pas dire qu’il faille supprimer Paris, mais que le problème du Grand Paris devient majeur. Ce Grand Paris ne se trouve pas dans la métropole. Vous nous dites que vous voulez, par la fusion entre le département et la commune, constituer un territoire, mais les autres territoires de la métropole ont 200 000, 250 000, 300 000, 730 000 habitants pour le plus peuplé d’entre eux – soit l’équivalent de trois arrondissements parisiens. Votre projet va donc entraîner la constitution d’un seul territoire de deux millions d’habitants face à douze territoires de 200 000 à 700 000 habitants. Je rappelle que le Grand Paris ne réunit que 3,5 millions d’habitants, quand le Grand Londres en comporte 10 millions. Il faudra donc, un jour ou l’autre, examiner la question du Grand Paris. À titre personnel, je ne suis pas hostile à une réforme de l’élection du conseil régional, car le Grand Paris va s’imposer au-delà de la métropole actuelle. L’élaboration de la loi NOTRe a été perturbée par des résultats électoraux imprévus, si bien que la Métropole est un peu bancale. Si la création de cette dernière est une bonne chose, Paris reste, à l’intérieur de son périphérique, centralisé voire hypercentralisé.
J’ai le sentiment que la loi que vous nous proposez, madame la maire, est provisoire et sera remise en chantier rapidement. La nécessité de concevoir un statut de Paris qui soit moderne et qui lutte à la fois contre la centralisation et contre l’étouffement de la capitale est tellement forte que si une nouvelle majorité parlementaire est élue, l’une de ses priorités sera probablement d’établir un nouveau projet, différenciant Paris de Lyon et de Marseille et conférant à la capitale une modernité qu’elle n’a plus. J’espère que le débat, que vous nous imposez aujourd’hui assez précipitamment et en fin de législature, aura lieu cette fois en début de législature et que nous pourrons y participer dans un meilleur esprit. Ma déclaration n’est pas contre vous, Anne Hidalgo – vous savez à quel point je vous estime : elle est favorable à la modernité de Paris et à son ouverture sur le Grand Paris, et vise à lutter contre la centralisation. Mais je serai peut-être plus virulent en séance publique… (Sourires.)
M. Luc Belot. Nous n’avons pas souvent l’occasion, à l’Assemblée nationale, de traiter du statut particulier de la ville-capitale. Souffrez, les uns et les autres, qu’au-delà de ce débat parisien bien légitime quelques représentants des autres régions s’intéressent eux aussi à la réalité de ce qu’est la capitale, ville-monde qui entraîne aujourd’hui l’ensemble du pays et a vocation à accompagner des mutations fortes dans tous nos territoires.
Le siècle qui se prépare sera certainement celui des communes et de leur regroupement. Le législateur reviendra peut-être sur certaines évolutions, y compris sur le texte dont nous discutons aujourd’hui. Pour autant, nous avons besoin de cette loi. Il conviendrait de tirer des enseignements de l’expérience des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles existantes, en redécoupant les villes-centres – qui ont un poids hégémonique au sein de leur intercommunalité – en quartiers, en regroupements de quartiers ou en arrondissements, c’est-à-dire en des entités de taille comparable à celle des autres communes. L’avenir des territoires en dépend.
Nous devrons certainement rediscuter de l’ensemble de ces questions lors de l’examen des amendements et je lirai avec attention les préconisations de nos rapporteurs, qui ont particulièrement approfondi le sujet, comme nous l’avons vu tout à l’heure à l’occasion des questions qu’ils ont posées.
Le choix d’un statut très spécifique, tel que prévu dans le projet de loi avant son passage au Sénat et tel que souhaitent le rétablir les rapporteurs, est certainement l’un des plus pertinents qui soient, dans la mesure où Paris a aujourd’hui une échelle qui n’est plus comparable à celle des autres métropoles nationales ou européennes, telles que Lyon par exemple, mais bien plutôt aux autres villes-mondes. J’ai eu le plaisir, madame la maire, d’assister lundi et mardi derniers au rassemblement que vous avez organisé à l’Hôtel de ville avec nombre de vos homologues venus d’un peu partout dans le monde. La plupart du temps, les projets de smart cities, c’est-à-dire de villes intelligentes, sont plutôt techniques, visant à en améliorer l’efficience, dans les domaines de l’énergie et des transports. Ils sont tous plus passionnants les uns que les autres mais correspondent assez peu à des projets de vie. Or, ce qui est ressorti de ces deux journées, c’est à quel point il importe que les habitants des territoires participent à la vie de ces villes-mondes. C’est, je crois, en ce sens qu’il faut entendre notre réflexion sur le nouveau statut de la ville de Paris. Ce dernier a-t-il été conçu conformément à votre projet de ville intelligente ou, en tout cas, de ville des intelligences ? Si ce n’est pas le cas, quels outils législatifs et réglementaires pourraient accompagner des expérimentations qui profiteraient non seulement au reste du territoire, mais aussi aux entreprises les plus en pointe ? Ces dernières ont en effet besoin d’être accompagnées avant de pouvoir rayonner sur le reste du monde.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je ferai quatre remarques, qui sont autant de questions.
Première remarque, nous avons certes besoin d’un nouveau statut de Paris, mais pas de la réforme que vous nous proposez là. C’est une réforme de convenance pour vous-même, madame la maire, et sans doute de complaisance de la part du pouvoir, qui ne peut ignorer que ce projet de loi ne résout aucun des problèmes réels qui se posent. Nous avons besoin d’une refonte globale, rendue plus urgente encore par la naissance d’une métropole mal ajustée – couche administrative supplémentaire dont l’articulation avec les autres institutions est incertaine, voire problématique sur certains points, et mal comprise, c’est peu de le dire, par la population. Cette refonte globale va bien au-delà de la fusion entre commune et département – qui est d’ailleurs discutable. Si l’on veut imaginer une fusion entre le département et une métropole-région, comment fera-t-on une fois que le département de Paris aura fusionné avec la commune ? La fusion rend impossibles d’autres réformes plus ambitieuses, qu’il ne faudrait pas écarter si vite, sans en avoir débattu.
Deuxième remarque, il n’y a pas assez – il n’y a presque rien en fait – dans ce texte sur les transferts de compétence entre l’État et la ville. Je ne m’étendrai pas sur le sujet. Nous avons parlé de la police municipale. Nous en reparlerons dans d’autres enceintes. Mais cette réforme du statut apparaît déjà comme une occasion manquée.
Troisième remarque, cette réforme ne prévoit rien quant aux transferts de compétence entre la mairie centrale et les arrondissements. Or, nous assistons à une recentralisation rampante. On donne de toutes petites miettes aux arrondissements, tandis que les politiques mises en place leur retirent le peu de pouvoirs qu’ils avaient. Je n’en citerai que deux exemples. La réforme de la restauration scolaire entraîne la suppression du rôle des caisses des écoles et la centralisation de la passation des commandes – alors même que ces caisses étaient un outil de proximité. La restauration scolaire ne figure certes pas dans le texte, mais cet exemple illustre à quel point ce projet de loi met en scène un transfert irréel de compétences quand, dans le même temps, est menée une politique de recentralisation – que les Parisiens dénoncent d’ailleurs. Autre exemple, le budget participatif est en fait un moyen de contourner le budget des arrondissements, en faisant semblant de le confier aux Parisiens, et en s’arrangeant pour faire financer pour partie par les arrondissements des politiques municipales.
Dernière remarque, on parle peu depuis le début de cette réunion du regroupement des quatre premiers arrondissements. Je voudrais quand même qu’il soit dit, entendu et noté que ce regroupement n’est pas sans arrière-pensées politiques. Il est faux de dire comme vous le faites, madame la maire, que ce regroupement se fera à équilibre politique constant. Lors de la dernière élection, il a manqué cinquante-cinq voix, dans les conditions que l’on sait, pour que le 4e arrondissement bascule de gauche à droite. Dans la nouvelle configuration, il manquera de l’ordre de 3 000 voix pour que les quatre premiers arrondissements le fassent. Comme le disait Pierre Lellouche, on s’interdit ainsi pour toujours une alternance à Paris. On verrouille définitivement les choses. Quand vous dites que vous n’avez pas d’arrière-pensées politiques, vous manipulez les chiffres, comme lorsque vous additionnez vos voix avec celles de Danielle Simonnet – nous en avons l’habitude, nous, mais les autres collègues peut-être un peu moins…
Mme George Pau-Langevin. Je ne suis pas de l’avis de l’oratrice précédente. Cette réforme me paraît au contraire bienvenue pour pouvoir aménager et améliorer un statut de Paris dont, à l’usage, on a vu les dysfonctionnements. Je ne crois pas non plus qu’il sera – comme on nous le dit – évident de remettre en cause cette réforme rapidement, puisqu’en 1983, quand les mairies d’arrondissement ont été créées, on nous a dit pis que pendre de la réforme, et que cette réforme est finalement rentrée dans les mœurs et a été acceptée par la population et par les élus.
La réforme qui nous est aujourd’hui proposée me semble répondre à plusieurs difficultés majeures. Ainsi, l’idée qu’une commission permanente fonctionne entre les sessions du conseil de Paris me semble intéressante. Enfin, je ne pense pas qu’il y ait actuellement trop de conseillers de Paris dans les arrondissements de gauche – ceux de l’Est parisien –, qui doivent répondre aux besoins d’une population très diversifiée et faisant face à de gros problèmes, alors qu’il y a dans les autres arrondissements une population à la fois moins nombreuse et plus favorisée. La réforme proposée me semble ainsi rétablir un équilibre en faveur des quartiers de l’Est.
M. Guillaume Larrivé. En cette fin de quinquennat, ce projet de loi tardif est l’occasion pour l’opposition de constater l’immense bazar territorial qui a été l’œuvre de ce gouvernement, en particulier en Île-de-France. Commune, territoire, département, métropole, région : on ne compte pas moins de cinq niveaux d’action territoriale sur un même territoire, et je ne suis vraiment pas certain que ce soit optimal. J’observe d’ailleurs que le même bazar a également été créé dans les autres régions. À l’heure où nous devrions rationaliser la dépense publique, l’accumulation des niveaux de décision et la multiplication des contractualisations – souvent peu rigoureuses sur le plan juridique –, des partenariats croisés, des schémas et des planifications ont fait perdre leur latin à nombre d’élus et d’acteurs du secteur privé, ébahis par la complexité territoriale qui s’est aggravée ces dernières années.
Je ferai une seconde remarque concernant le droit électoral. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par des orateurs sans doute plus qualifiés pour mesurer l’incidence, à Paris, de la réforme que vous proposez, mais je voudrais verser au débat, en toute liberté, une proposition s’agissant du mode de scrutin qui permet de désigner non seulement, in fine, le maire de Paris ainsi que les conseils d’arrondissement. Il existe une option novatrice qui permettrait à la fois de renforcer la légitimité du maire de Paris et de préserver l’existence et la légitimité des arrondissements. Elle consisterait à proposer aux électeurs parisiens de s’exprimer sur un bulletin à double entrée, leur permettant de choisir, d’une part, le maire et les conseillers d’arrondissement, et, d’autre part, le maire de Paris. Je ne verrais pour ma part que des avantages – je le dis en tant que député, mais aussi comme chef de l’opposition dans une ville chef-lieu d’un département rural, l’Yonne – à ce qu’un système similaire soit instauré aussi, du reste, dans l’ensemble des autres communes, afin que le maire de Paris comme celui des autres communes soit bien désigné directement par le suffrage universel. Nous pouvons, je pense, être raisonnablement novateurs sur ce sujet comme sur bien d’autres.
M. Daniel Vaillant. Ce projet de loi est certes tardif mais il est aussi le produit de plusieurs évolutions. On ne peut lui reprocher d’être insuffisamment ambitieux et, en même temps, de retoucher un statut qui mérite d’être modifié. J’ai connu le statut établi par Valéry Giscard d’Estaing en 1975 qui s’est appliqué en 1977 : c’était affreux. Heureusement qu’on a adopté la loi « PML » sans aller, cher Claude Goasguen, jusqu’aux vingt mairies de plein exercice, qui ont duré vingt-quatre heures – parce que c’était, pour le coup, trop ambitieux et trop brutal. Voilà pourquoi la réforme par petites touches ne me dérange pas, au contraire. Je rappelle que, depuis l’adoption de la loi « PML », il y a eu plusieurs réformes de ce type, qui visaient à tenir compte de l’évolution de la réalité. Nous avons par exemple réglé certaines questions en 2001.
Le présent projet de loi va dans ce sens : pas de brutalité, pas de manipulation et, globalement, une amélioration même si des questions peuvent légitimement se poser. En 1977, il pouvait arriver, que dans un arrondissement, une majorité issue du suffrage universel soit représentée par un tiers d’élus, face à deux tiers de représentants désignés soit par le maire de Paris soit par la majorité du conseil de Paris. Les commissions d’arrondissement ne servaient alors strictement à rien. Je crois donc que nous avons fait évoluer les choses de manière positive, dans le sens de la proximité, et que les maires d’arrondissement ont commencé à acquérir une certaine légitimité, même si les deux « grands chelems » réalisés par Jacques Chirac en 1983 et 1989 n’ont pas permis d’aller plus loin. Il aura fallu attendre 1995 pour que Paris s’éveille. Jusque-là, les choses étaient plus figées. Les maires d’arrondissement étaient même des adjoints sans attributions particulières – pas même les attributions de logements, si vous voyez à quoi je fais allusion... Une loi qui viendrait maintenant bousculer les choses ne serait donc pas souhaitable.
De la même manière, puisque cela a été évoqué par Pierre Lellouche, l’idée d’élire le maire de Paris au suffrage universel direct, en dérogeant au droit commun, serait une grave erreur. La personnalisation de la vie politique n’est pas une avancée – je le dis pour tout le monde. Lorsqu’un maire est élu à la tête d’une liste – ou pas, d’ailleurs, puisqu’il est arrivé qu’une tête de liste ne devienne pas maire –, on peut parler de démocratie collective. L’avantage du mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille est qu’il s’est accompagné d’une nouvelle loi électorale comportant une part de proportionnelle, conciliant ainsi la majorité et la diversité. Ce mode de scrutin, que Gaston Defferre a fait adopter pour les élections de 1983, n’est remis en cause par personne. Je disais d’ailleurs à Jacques Chirac, au moment de son deuxième grand chelem : « L’opposition serait dans votre majorité s’il n’y avait pas ce mode de scrutin qui permet à votre vraie opposition d’être représentée. » Cela est vrai, cher Claude Goasguen. Il ne faut donc pas vouloir tout chambouler.
Ce projet de loi présente l’avantage de simplifier le droit en vigueur. Il n’y a que nous qui sachions qu’il y a un département à Paris – et un peu les contribuables s’ils regardent leur avis d’imposition. C’est une entité qui n’a pas de légitimité politique établie. La fusion entre commune et département est donc une simplification utile, même si personne ne s’en apercevra vraiment.
S’agissant des autres évolutions envisagées, il me semble positif de renforcer la proximité, notamment en matière de sécurité, d’autant qu’il existe déjà une brigade contre les incivilités. Il est positif également que la ville reprenne, fonctionnellement, les ASP créés par Bertrand Delanoë en 2001. Je me demande néanmoins qui dirigera ces agents. Le système actuel évite au moins que les maires d’arrondissement soient saisis des contraventions discutées, contentieuses. Je ne crois pas que le préfet de police fasse « sauter » les contraventions, et c’est très bien ainsi. Il conviendra de veiller à ce que les élus de proximité ne soient pas confrontés à cette question. Je me réjouis que la ville prenne des dispositions pour faire rentrer l’argent des contrevenants mais je ne voudrais pas que prospèrent, en fonction des équipes municipales, des pratiques non conformes à l’intérêt général.
Par ailleurs, il faut refuser toute police municipale à Paris. J’ai une certaine expérience en la matière : je pense que ce qui nous est proposé est équilibré et juste, et qu’il ne serait pas raisonnable de créer une police municipale susceptible d’agir en contradiction avec la police nationale dans une ville qui est, entre autres choses, le siège du Gouvernement et du Parlement.
Il ne faudrait pas non plus que la démocratie de proximité, donc la légitimité des élus d’arrondissement, soit remise en cause. Je suis très attaché à l’équilibre qui a été trouvé, avec un maire de Paris qui dispose d’une majorité au conseil de Paris et qui tire sa légitimité de cette élection au second degré ainsi que de la totalisation des votes au niveau des arrondissements. Les Parisiens sont maintenant attachés à cette formule. Ils s’identifient aux équipes qu’ils ont élues.
Enfin, j’en viens à la fusion des quatre arrondissements. Certains ont demandé pourquoi on n’en fusionnait pas davantage : on peut toujours faire mieux, et on pourra toujours revenir sur cette question mais la fusion envisagée présente l’avantage de ne pas chambouler l’équilibre politique. Nous aurions d’ailleurs échoué si nous avions voulu, à travers cette opération, trahir le suffrage universel. Atteindre une échelle tenable sur le plan administratif et qui permette quelques économies me semble correspondre à une juste évolution qui n’est guère contestable. Mais il me semble qu’aller plus loin nous ferait courir le risque de cette contestation. La fusion me semble raisonnable et moderne, et j’accepte le principe qu’elle ne soit qu’une étape.
Mme Anne Hidalgo. Je demanderai à Mao Peninou de répondre à ce qui concerne la propreté mais aussi le fonctionnement du conseil de Paris, Christophe Caresche ayant notamment posé des questions relatives à la commission permanente et au nombre de conseillers de Paris. Puis je demanderai à Emmanuel Grégoire de répondre aux questions portant sur le personnel et sur les relations entre mairie centrale et mairies d’arrondissement. Enfin, j’apporterai des précisions aux autres orateurs.
M. Mao Peninou, adjoint à la maire de Paris. La commission permanente existe déjà pour le département de Paris. Nous avons toutefois fixé à zéro le montant de l’indemnité versée à ses membres, ce qui évite les problèmes que vous soulevez, monsieur Caresche. Je ne sais pas ce que fera le prochain conseil de Paris si cette loi est adoptée en l’état, mais c’est lui qui aura la responsabilité de décider du sort de cette indemnité, ainsi que de déterminer les contours, le nombre de participants et le champ de compétences de la commission permanente – qui aujourd’hui, ne se réunit jamais. Dans le cadre de la fusion de la ville et du département en une entité unique, il nous a semblé raisonnable de maintenir cette possibilité pour l’avenir et de laisser les prochaines équipes municipales décider de l’utiliser comme elles le souhaitent, comme cela se pratique aujourd’hui, sans poser aucun problème, dans la totalité des assemblées départementales et régionales. Pour ma part, je crois que, si l’équipe actuelle est reconduite en 2020 comme nous le promet l’opposition depuis le début de cette réunion, l’indemnité restera fixée à zéro.
Je sais que l’on réfléchit beaucoup à la diminution du nombre de conseillers de Paris, mais aussi à celle du nombre de députés. Je ne me prononcerai pas sur ce dernier point, mais, au conseil de Paris, une telle diminution créerait un problème de représentation de l’opposition. Le scrutin par arrondissement, dès lors qu’on le maintient – ce à quoi je suis favorable pour les raisons qui ont été exprimées par plusieurs d’entre vous et par la maire de Paris tout à l’heure –, ne permet pas la représentation au conseil de Paris de membres de l’opposition dans les 1er, 2e et 4e arrondissements. Et, dans un arrondissement comme le 19e, la diminution du nombre d’élus au conseil de Paris ramènerait celui des représentants de l’opposition de deux à un, ce qui poserait à ladite opposition des problèmes de fonctionnement au quotidien. Le nombre actuel de conseillers me semble donc adéquat, car il permet la représentation, dans chaque arrondissement, de la majorité et de l’opposition.
M. Emmanuel Grégoire, adjoint à la maire de Paris. Les administrations parisiennes ont, en vertu d’un décret de 1994, un régime dérogatoire au droit commun de la fonction publique, qui leur permet d’avoir des statuts particuliers fixés par l’assemblée délibérante. C’est un sujet auquel les organisations syndicales sont très sensibles – à raison, puisque nous considérons que c’est un facteur important d’efficacité du service public parisien.
J’en profite pour lever deux objections. Les ASP, qui sont effectivement le corps le plus concerné par les transferts de personnel, ne posent aucun problème d’un point de vue strictement statutaire, notamment parce qu’il ne s’agit que de la transposition du statut d’un corps qui, partout ailleurs en France, relève de la fonction publique communale.
De la même façon, la fusion entre le département et la commune ne pose pas non plus de difficulté. Cela fait bien longtemps que, pour des raisons d’efficacité et de simplicité, les corps ont été mis en commun. Il n’y a qu’une seule spécificité, valable pour l’ensemble des conseils départementaux, et qui tient au fait que certains personnels relèvent du titre IV, c’est-à-dire de la fonction publique hospitalière ; ils continueront à en relever.
Vous évoquiez aussi des difficultés relatives au bloc indemnitaire : cela fait longtemps que le ménage a été fait en la matière. Le législateur le sait probablement, puisque vous avez examiné, il y a quelques mois, des réformes importantes en matière de régime indemnitaire dans la fonction publique.
J’en viens à la relation entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement. Le projet de loi vise un juste équilibre entre un effort de déconcentration au service de l’efficacité des politiques publiques et le souhait d’assurer la coordination des politiques publiques territoriales menées à l’échelle de la ville de Paris : il ne serait pas concevable que des orientations différentes en la matière soient prises au niveau de l’arrondissement.
Enfin, vous semblez dire que l’équilibre politique serait bousculé par le projet de rapprochement des quatre arrondissements en un secteur. C’est contraire aux faits, puisqu’une stricte transposition des résultats de 2014 sur ce nouveau secteur aurait pour seule conséquence d’augmenter le nombre de conseillers de Paris de l’opposition. Telle est la réalité arithmétique consécutive à ce rapprochement, et tout ce qui tendrait à laisser entendre le contraire serait une erreur factuelle.
Mme Anne Hidalgo. L’avis du Conseil d’État montre, lui aussi, que cela n’entraînera pas de déséquilibre et que, bien au contraire, l’opposition sera représentée là où elle ne l’est pas aujourd’hui – notamment dans les très petits arrondissements. Du fait d’une modification de la loi antérieurement à l’élection de 2014, l’opposition dans les 2e et 4e arrondissements n’est plus représentée au conseil de Paris. L’effet direct d’un regroupement serait de donner à l’opposition la possibilité d’avoir des élus supplémentaires. C’est un fait établi si l’on part des résultats de la dernière élection.
Je voudrais revenir sur une remarque de Christophe Caresche concernant les avis conformes en matière d’axes de circulation. Des dispositions ont été prises récemment sur le sujet, notamment concernant la voirie parisienne. Elles sont tout à fait satisfaisantes puisqu’elles prévoient l’obligation pour la mairie de Paris de recueillir l’avis conforme de l’autorité de l’État pour certaines voies. C’est par exemple sur avis conforme du préfet que nous avons pu prendre l’arrêté interdisant la circulation sur la voie Georges-Pompidou. Votre proposition aurait pour conséquence de rendre obligatoire l’avis conforme du maire de Paris sur des voies régionales et municipales d’autres communes, ce qui, de mon point de vue, ne simplifierait pas l’action publique.
Je souhaiterais également rectifier certains chiffres cités par Claude Goasguen : le Grand Paris compte 7 millions d’habitants et non pas 3 millions, et le Grand Londres en compte 8 millions. Il y a longtemps, par ailleurs, que Paris n’est plus enfermée dans son périphérique : Bertrand Delanoë avait engagé ce travail alors que j’étais sa première adjointe chargée, notamment, de l’urbanisme et de l’architecture. Je me suis attachée, à ses côtés, à favoriser la relation entre Paris et les villes de l’agglomération, et plusieurs élus de ces villes sont ici présents, qui peuvent témoigner de l’effort accompli depuis quinze ans dans cette direction. Je pourrais citer Cachan, avec Jean-Yves Le Bouillonnec, mais aussi André Santini à Issy-les-Moulineaux ou Bernard Gauducheau à Vanves, qui sont les premiers maires avec lesquels nous avons réfléchi à ces ouvertures.
Ce travail précurseur, mené il y a quinze ans, a abouti à la création d’une conférence métropolitaine. Bien sûr, certains ont pu être insatisfaits parce qu’ils voyaient autrement la Métropole du Grand Paris. Mais la création de cette instance n’en est pas moins importante.
Aujourd’hui, la ville n’est pas enserrée dans son périphérique, puisqu’elle travaille sur des projets d’aménagement communs au-delà de celui-ci. Je citerai notamment le projet que nous menons avec le Val-de-Marne : d’un côté le secteur d’aménagement de Bercy-Charenton, que connaît bien Sandrine Mazetier, de l’autre une ZAC du Val-de-Marne.
Cela fait donc déjà plusieurs années que nous avons franchi le périphérique et que nous coopérons de façon assez intéressante. D’ailleurs, l’exemple du Grand Paris et de la Métropole du Grand Paris intéresse beaucoup certaines métropoles étrangères qui cherchent elles-mêmes un modèle institutionnel pour associer les maires à leur travail et construire une relation avec la ville-centre.
J’en reviens aux propositions et aux commentaires de M. Belot.
Il est vrai que la question de la relation entre la ville-centre et les villes au sein d’une agglomération se pose. Elle devrait d’ailleurs se poser aussi d’un point de vue budgétaire et fiscal. Par exemple, les charges de centralité ne sont pas prises en considération. À Paris, celles-ci atteignent 700 millions d’euros annuels, alors même – et c’est très bien ainsi – que les mécanismes de péréquation ont un effet redistributif puissant. De fait, chaque année, plus de 500 millions d’euros du budget de la ville sont versés à la péréquation nationale,– pour 60 % – et régionale – pour 40 % – ces pourcentages étant en cours de révision dans l’actuelle loi de finances. Dans cette relation entre ville-centre et villes de la métropole, il est très important de prévoir des dispositions de péréquation, de fiscalité et de prise en compte des charges de centralité.
Vous l’avez très bien dit, la métropole de Paris représente 30 % du PIB national. On voit bien qu’il y a un intérêt, qui n’est pas simplement parisien, pas simplement métropolitain, pas simplement régional, mais bien national, à l’attractivité de cette métropole. Celle-ci joue un rôle de locomotive, et c’est une source de redistribution vers les autres territoires. Il faut mener cette réflexion jusqu’au bout. Ce n’est pas l’objet de cette loi, mais il faudra en tenir compte, soit en loi de finances, soit dans les lois relatives au dispositif institutionnel territorial.
Vous avez évoqué le statut spécifique de Paris. Nous souhaitons aller le plus possible vers le droit commun, pour que Paris n’ait pas un statut d’exception, sauf en matière de sécurité – et ce n’est pas ce qui s’est passé à Nice qui me fera changer d’avis, bien au contraire.
À Paris, il y a une police nationale et des services qui, dans la proximité, assurent la tranquillité publique. Je ne me prononce pas pour les autres villes, mais je considère que, pour Paris, c’est le bon dispositif, car lorsque l’on crée deux institutions, chacune essaie tout naturellement de prendre le pas sur l’autre, ce qui est à éviter absolument dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui. Compte tenu, qui plus est, des restrictions budgétaires, ce serait prendre un risque énorme pour la sécurité des Parisiens, des touristes, de toutes celles et tous ceux qui fréquentent la métropole, que de s’engager de façon aventureuse dans la création d’une police municipale. Je reste donc fermement opposée à cette proposition.
Vous avez parlé, monsieur Belot, des smart cities. Il faut sans doute réfléchir à des dispositifs d’expérimentation plus importants, donner à des villes comme Paris – qui sait produire de l’énergie à partir des énergies renouvelables – la capacité d’exploiter et de distribuer l’énergie, et créer des fonds pour investir, notamment, dans la transition écologique et énergétique.
Ce dernier point me tient beaucoup à cœur. Pour moi, c’est un défi majeur. Aujourd’hui, sur la planète, 70 % de l’investissement en faveur de la transition écologique et énergétique provient de financements publics. Je suis très attachée à ce que les pouvoirs publics puissent continuer d’investir puissamment, notamment pour fixer les orientations et donner des impulsions. Mais cela ne suffira pas : il faut que les milliards qui sont aujourd’hui disponibles viennent s’investir dans la transition écologique et énergétique. Je pense qu’une ville comme Paris a besoin d’un fonds, type fonds souverain, pour accueillir en toute transparence ces financements et développer l’investissement.
Je m’arrêterai là, car je ne veux pas me prêter à un débat politicien. On peut toujours dire qu’il faudrait faire ceci et cela, mais pas de cette façon, etc. Je ne sais pas répondre à ce genre de remarques et ne souhaite pas me lancer dans un tel débat.
Ce qui m’anime, c’est le souci d’efficacité, la volonté de répondre aux besoins des habitants, de ne pas faire l’impasse, au moment où l’on métropolise, sur la proximité nécessaire. Pour moi, la proximité est dans les arrondissements, sans qu’il soit besoin de toucher aux pouvoirs de la ville en matière d’urbanisme, en matière fiscale, en matière de permis de construire, en matière de personnel – autant d’éléments structurants de cette ville, de son identité et de son équilibre.
Ce qui m’anime, c’est la volonté de répondre mieux, même avec moins de moyens, aux attentes de nos concitoyens, qui ne nous disent pas qu’il faut moins de services publics. Dans les quartiers populaires, on sait très bien que la présence publique, par le biais de services publics de qualité, est indispensable. Mais pour s’en sortir, dans le contexte de tension extrême que nous connaissons, notamment sur le plan budgétaire, il faut se réorganiser. C’est ce que nous avons fait de façon très volontariste à Paris, en regroupant des directions, en modifiant nos processus de production de services, de façon être plus efficaces sans porter atteinte à la qualité du service rendu.
C’est dans cet état d’esprit que s’inscrit ce projet, dont je remercie Daniel Vaillant d’avoir dit qu’il était aussi un projet raisonnable. Pourquoi aurions-nous proposé de tout chambouler ? Paris, ça marche ! En termes d’attractivité, nous sommes dans le « top 4 » des grandes villes du monde. Ce n’est pas pour rien que cette ville continue à intéresser !
Nous nous sommes engagés tous ensemble pour les Jeux olympiques, et je vous en remercie. Quand je vois les réactions que Paris provoque chez nos interlocuteurs, je me dis que « ça marche » et qu’il ne faut pas tout changer. Cette ville s’appuie sur des fondamentaux solides – dont l’administration parisienne, que je veux saluer ici. Contentons-nous de simplifier, de clarifier, de moderniser, et de répondre à l’attente de nos concitoyens.
Les Parisiens sont fiers de leur ville, de leur arrondissement, et plus encore de leur quartier. Ils attendent de nous que nous ne prenions pas de retard. Bertrand Delanoë voulait avoir « un temps d’avance », et je reprends volontiers cette formule qu’a citée Sandrine Mazetier. Prenons donc un temps d’avance, ne nous laissons pas doubler, car la compétition est féroce.
Pour autant, n’oublions pas qui nous sommes. Cette ville aime sa diversité et s’en satisfait. Il existe, c’est vrai, un Est et un Ouest de Paris, mais l’un et l’autre se rencontrent. Ainsi, de nombreux enfants de l’Ouest habitent aujourd’hui au centre ou dans les quartiers comme le 10e ou le 11e arrondissement. C’est le signe que Paris fait société !
Ce projet de loi nous permettra d’être plus efficaces et de partager une même vision, partagée mais non partisane – le sujet n’est pas là. Nous sommes en fin de législature, mais à peine au milieu du mandat de l’équipe municipale parisienne. Voter maintenant ce texte permettra aux Parisiens de s’adapter, de travailler, et d’en apprécier la concrétisation d’ici les élections municipales de 2020.
Merci, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, pour cette audition particulièrement importante, et passionnante pour la maire de Paris que je suis.
M. le président Dominique Raimbourg. Merci, madame la maire. Après votre plaidoyer éloquent, je n’ai plus qu’à souhaiter « bonne chance à Paris ! ».
AUDITION DE M. MICHEL CADOT, PRÉFET DE POLICE DE PARIS
Au cours de sa deuxième réunion du mercredi 23 novembre 2016, la Commission procède à l’audition de M. Michel Cadot, préfet de police de Paris, sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212).
M. le président Dominique Raimbourg. Après la maire de Paris et avant le préfet de la région Île-de-France, nous avons le plaisir d’accueillir le préfet de police de Paris. Je vous remercie, monsieur le préfet, d’avoir accepté notre invitation. Vous êtes reçu par la commission des Lois et non par les seuls rapporteurs, et votre audition est ouverte à la presse car nous avons souhaité avoir le débat le plus ouvert et la clarté la plus grande sur le sujet difficile qu’est l’évolution d’un statut. Vous nous direz votre position sur les modifications statutaires proposées. Comme vous le savez, le débat sur la répartition entre police nationale et police municipale et sur les transferts afférents a déjà été engagé.
M. Michel Cadot, préfet de police de Paris. Le projet de loi qui vous est soumis résulte du long travail que le préfet de région et le préfet de police ont conduit, selon les termes de la lettre de mission que le Premier ministre leur a adressée en décembre dernier, avec la maire de Paris et ses équipes. Les modifications statutaires auxquelles nous sommes arrivés et qui sont reprises dans le texte conviennent au préfet de police pour ce qui le concerne, ainsi, d’ailleurs, qu’au préfet de la région Île-de-France.
M. Claude Goasguen. De quelle version du texte parlez-vous ?
M. Michel Cadot. Du projet de loi déposé par le Gouvernement.
M. Claude Goasguen. C’est le projet issu du Sénat qui nous sera soumis.
M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur Goasguen, M. le préfet de police a seul la parole.
M. Michel Cadot, préfet de police de Paris. Nous reviendrons si vous le souhaitez sur les modifications introduites par la Haute Assemblée. Pour l’heure, je commente devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale le document déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat. Il traduit, je vous le disais, les arbitrages qui ont permis d’aboutir à un point d’équilibre.
Dans la partie du texte qui concerne le transfert à la mairie de certaines des compétences exercées par la préfecture de police, sont prévus quatre sujets de transfert principaux : la verbalisation du stationnement payant, la verbalisation du stationnement gênant, le recueil des demandes de titres d’identité et certaines polices spéciales. En outre, des évolutions significatives touchent les autorisations relatives aux manifestations publiques et rassemblements ainsi que la police de la circulation.
L’approche retenue a été la même dans chaque cas : appliquer de manière équilibrée le retour vers le droit commun de la police municipale, quand c’est possible et pour des compétences au sujet desquelles il y a aujourd’hui un avantage à ce qu’elles soient exercées par les élus municipaux de manière que l’État se recentre sur ses missions régaliennes. Ce principe établi, nous ne souhaitions pas, pour certaines compétences sur lesquelles je reviendrai, aller plus avant, à la fois parce que la période est très exigeante en termes de sécurité et parce que, dans une capitale, certaines étapes doivent être franchies avant que l’on en vienne aux transformations plus profondes que certains peuvent souhaiter.
Le bloc que constitue le contrôle du stationnement payant n’est pas au cœur du métier de la préfecture de police. La maire de Paris a souhaité le transfert de cette mission qui, exercée par 2 285 agents avec un budget de 108 millions d’euros, représente une part importante des effectifs et du budget spécial de la préfecture de police. Il m’a paru d’emblée tout à fait souhaitable que la police du stationnement payant soit assurée par la municipalité. Depuis lors, la maire de Paris a annoncé vouloir privatiser cette activité ; c’est un autre sujet. Les agents transférés constitueront le noyau de ce que la mairie a souhaité appeler une brigade de lutte contre les incivilités.
La police du stationnement gênant et les parcs de fourrière et de préfourrière concernent 495 agents de surveillance de la ville de Paris (ASP) et 225 préposés des sociétés d’enlèvement et des entreprises qui gèrent préfourrières et fourrières. Le stationnement gênant est un bloc complet associant la prescription du stationnement gênant, son pilotage par les services concernés, la demande d’enlèvement, l’arrivée d’un grutier et le transport du véhicule en infraction vers la préfourrière puis vers la fourrière en cas de non-retrait par le propriétaire. Dans un premier temps, la municipalité ne souhaitait pas récupérer cet ensemble. Après qu’elle nous l’a finalement demandé, nous avons donné notre accord : il est assez logique que la police du stationnement gênant, complément du stationnement payant, bénéficie d’une gestion municipale, comme c’est le cas dans le droit commun communal. Nous avons donc donné le feu vert.
Ma seule préoccupation, et j’appelle sur ce point l’attention de votre commission, est celle du calendrier. À la demande de la maire, ce transfert était prévu le 1er janvier 2019 au plus tard, celui du stationnement payant devant advenir le 1er janvier 2018. Si le transfert du stationnement gênant devait être avancé, ce qui était le souhait de la municipalité, le bloc complet devrait être transféré. Ce qui poserait problème serait de transférer les seuls 495 ASP qui verbalisent le stationnement gênant tout en laissant pendant un an la gestion de l’enlèvement des véhicules en stationnement irrégulier, de la préfourrière et de la fourrière aux services de la préfecture de police.
En ce cas, il n’y aurait plus de cohérence entre la politique du constat de l’infraction et la politique d’enlèvement ; toutes les réclamations – qui ont trait tant au principe de la verbalisation qu’aux conditions d’enlèvement ou de mise en fourrière – seraient partagées entre des autorités différentes ; les services de la préfecture de police seraient instrumentalisés par une politique de verbalisation sur laquelle ils n’auraient aucune prise. Un tel schéma conduirait certainement à une dégradation significative de la gestion des flux d’enlèvements et de l’efficacité de la mise en préfourrière ou en fourrière des véhicules en stationnement gênant. Aussi la préfecture de police souhaite-t-elle que le transfert des blocs « stationnement payant » et « stationnement gênant » dans sa totalité intervienne le 1er janvier 2018 si la maire souhaitait aller rapidement, ou que le transfert du bloc complet du stationnement gênant, enlèvement, préfourrières et fourrières compris, ait lieu à une date à convenir entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2019. C’est d’autant plus nécessaire que les contrats de gestion des préfourrières et fourrières doivent être renouvelés en 2018. Si les ASP étaient seuls transférés, le préfet de police se trouverait devoir négocier des contrats dont il ne contrôlerait pas la mise en œuvre ultérieure.
Nous nous sommes aussi accordés pour remettre dans le droit commun la fonction d’accueil et d’enregistrement des demandes de titres d’identité – cartes d’identité et passeports. Cette mission d’État est partout exercée par les communes, l’État conservant la charge du contrôle de la fraude, de la délivrance du titre et de sa vérification. Il s’agit d’accueillir les usagers, la plupart du temps dans les mairies d’arrondissement. Ce transfert, prévu le 1er janvier 2018, concernera 186 agents. Il ne suscite pas d’observations particulières
Il est aussi proposé de transférer quelques polices spéciales dont la liste précise a été établie avec l’accord systématique de la mairie. Sont concernées la police des funérailles et des lieux de sépulture, la lutte contre les nuisances sonores, ainsi que la lutte contre l’habitat indigne, qui fait l’objet d’un partage équilibré : l’État conserve la gestion des immeubles d’habitation collective, la mairie reprend celle des habitations individuelles. Le transfert concerne 60 agents ; il est prévu le 1er janvier 2018.
Le point suivant est plus délicat, car il est à la frontière entre les missions régaliennes dans une ville-capitale et les missions relatives à la gestion des rassemblements et des manifestations – ce qui relève de la « tranquillité publique » aux termes de l’article L. 2212 du code général des collectivités territoriales. Là encore, nous avons trouvé un point d’équilibre très simple : toutes les autorisations relatives aux manifestations locales, culturelles, associatives, aux manifestations sportives locales, aux marchés, vide-greniers et cætera sont transférées à l’autorité municipale. En revanche, la gestion des manifestations à caractère revendicatif, particulièrement nombreuses à Paris – il y en a plus de deux mille cinq cents par an, souvent de gestion difficile en termes d’ordre public –, et les manifestations itinérantes, telles les courses à pied, qui demandent un dispositif de sécurisation très important, resteront de la compétence du préfet de police pour des motifs de sécurité. De ce transfert résulteront une simplification notable pour l’usager et certainement l’implication des élus d’arrondissement dans la gestion des autorisations et des déclarations.
Le dernier bloc de transfert concerne la circulation, domaine compliqué comme le montre l’actualité. Le choix fait est celui de la responsabilité des acteurs, chacun dans son rôle. Dans le système en vigueur, la quasi-totalité des aménagements suppose l’avis conforme du préfet. C’est dans ce cadre qu’a été examiné, par exemple, le dossier de la voie sur berges. Nous avons souhaité, pour la plupart des voies, en finir avec la codécision systématique ainsi imposée. À l’obligation d’avis conforme est donc substituée la prescription imposée par le représentant de l’État au titre de ses responsabilités en matière de gestion de l’ordre public ou de gestion d’axes de circulation majeurs, la mairie ayant ensuite toute liberté dans le projet d’aménagement de la voie publique, avec les conséquences qu’il induit en termes de gestion des flux de circulation. Inversement, le projet de loi propose que la maire donne un avis au sujet des aménagements des voies dont le préfet de police conserve la responsabilité, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
Voilà ce qu’il en est. Les discussions ont été sous-tendues par la recherche d’un équilibre visant à un effort important de transfert de compétences à la municipalité dans des domaines où les services de proximité seront de la sorte mieux assurés et qui ne correspondent pas au cœur de métier de la préfecture.
Pour le reste, vous avez évoqué, monsieur Goasguen, le texte issu des travaux du Sénat. Proposition est faite d’aller plus loin en matière de création d’une police municipale. La maire de Paris ne le souhaitait pas. Sans prendre parti sur le fond puisque le choix est politique, j’appelle votre attention sur le fait que l’étape que nous franchissons est une étape importante, que certains fonctionnaires de la préfecture de police ont un peu de mal à comprendre. Il est de l’intérêt de la préfecture de police que les transferts sur lesquels l’accord s’est fait aient lieu de manière sereine et efficace. Nous avançons de manière volontariste car, dans un contexte où l’on attend beaucoup d’elle, la préfecture doit se recentrer effectivement sur ses missions régaliennes. Je suis favorable à ce transfert, je l’ai immédiatement dit lorsque la question s’est posée il y a plus d’un an, et c’est d’ailleurs dans cette perspective que le Premier ministre nous a confié cette mission de réflexion. Néanmoins, envisager, dans une ville-capitale, un transfert complet aussi rapide vers une police municipale alors qu’il n’a pas été préparé par les services de la ville… Le projet n’est pas mûr. Serait-il adopté qu’il déséquilibrerait trop fortement le bateau de la préfecture de police, dont le texte du Gouvernement vide une partie de la cale ; je ne souhaite pas qu’il gîte trop longtemps alors qu’il doit naviguer rapidement et sûrement. Je n’exclus pas qu’on aille plus loin, un jour, en matière de transferts : cela peut se discuter et l’on peut considérer qu’une autre étape devra être franchie à l’avenir, en observant ce qui se fait dans les grandes villes où il y a des polices d’État. Mais le point d’équilibre qui a été trouvé marque une avancée majeure puisque le texte permettra la création d’une brigade de lutte contre les incivilités. Les transferts sur lesquels l’accord s’est fait portent sur 20 % des effectifs actuellement financés par le budget spécial ; cette masse significative est un gage d’efficacité de la mise en œuvre de la brigade.
J’en viens au transfert de compétence en matière de sûreté et de sécurité dans les aéroports parisiens. Le sujet est compliqué car les risques sont élevés, en raison de la menace terroriste mais aussi du développement massif du trafic, des activités et des flux de circulation et de personnes, tant sont nombreuses celles qui opèrent sur ces plateformes et qui vivent, commercent ou travaillent dans ces territoires. Ainsi, 65 millions de passagers passent chaque année par l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, premier aéroport français. L’aéroport du Bourget, on l’a vu ces derniers jours encore, est aussi un aéroport extrêmement sensible.
Aujourd’hui, la sécurisation et le renseignement sur ces plateformes sont assurés par la police de l’air et des frontières (PAF). Ce n’est pas son cœur de métier. Ce corps doit aussi se recentrer sur ses missions principales : la sécurité des bâtiments de l’aérogare et des pistes, qu’elle assure avec la gendarmerie des transports aériens et, bien entendu, le contrôle des frontières. Sur ces domaines très vastes – la plateforme aéroportuaire de Charles-de-Gaulle compte plusieurs centaines d’hectares et 250 kilomètres de voies – il est souhaitable que des forces spécifiques, celles de la préfecture de police, gèrent le contrôle des flux. Ces forces doivent aussi créer un service de renseignement digne de ce nom, en coordination avec les départements voisins et les services concernés – gendarmerie, renseignement territorial, direction départementale de la sécurité intérieure (DDSI), douanes, PAF, gendarmerie des transports aériens – pour assurer un meilleur contrôle et un véritable renseignement territorial dans ce secteur hautement sensible. Nous avons déjà implanté le service de renseignement pour commencer ce travail mais nous attendons que la disposition soit retenue et la loi votée pour le rendre totalement effectif. Des effectifs ont été recrutés qui sont disponibles ; ils permettront de renforcer significativement la sécurité publique dans ces secteurs en assurant la sécurité de la circulation et la lutte contre la délinquance.
Nous n’avons pas choisi, à ce stade, d’appliquer le même dispositif à l’aéroport d’Orly. Cela aurait sans doute été souhaitable et logique, mais nous voulons avancer par étapes, en expérimentant pour mettre en œuvre ce qui est possible. La plateforme de Roissy est beaucoup plus vaste que celle d’Orly : 100 000 personnes y travaillent chaque jour. L’aéroport du Bourget est également un site extrêmement sensible. Je pense qu’Orly entrera très vite dans ce schéma. C’est seulement pour rendre progressive la montée en charge que nous avons fait ce choix ; nous avons un peu hésité, mais le ministre l’a clairement reconfirmé ces derniers jours.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je suis heureux de votre présence parmi nous, monsieur le préfet. Aussi remarquable soit votre successeur, vous êtes vivement regretté dans les Bouches-du-Rhône et la clarté de votre exposé fait sans mal comprendre pourquoi. Vous souhaitez, avez-vous dit avec insistance, que les transferts de compétence se fassent en bloc et non au fil de l’eau. Or les modifications apportées par le Sénat aux articles 23 à 25 du projet de loi rendent incohérent le calendrier des transferts. Sachez que M. Jean-Yves Le Bouillonnec et moi-même entendons rétablir les délais initialement prévus par le Gouvernement, de manière que les choses soient réglées en 2017, exception faite du transfert de l’accueil et de l’enregistrement des demandes de titres d’identité, qui aura lieu en 2018.
Pouvez-vous nous dire comment la perspective de ces transferts de compétences est vécue à la préfecture de police de Paris ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Votre exposé très complet, monsieur le préfet, rend presque inutile toute question. En mentionnant le débat sur l’éventualité d’une police municipale parisienne ouvert par le Sénat, vous avez indiqué qu’il ne vous paraissait pas pertinent de basculer entièrement vers le dispositif de droit commun pour l’instant. Cette hypothèse vous parait-elle concevable dans le futur ?
Pourriez-vous préciser les raisons qui ont conduit à ne pas étendre à l’aéroport de Paris-Orly le dispositif prévu pour les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et du Bourget ? Le Sénat l’a fait. Le suivons-nous en plaçant sous votre autorité l’ensemble des plates-formes aéroportuaires ou certains aspects techniques particuliers exigent-ils que l’on procède par étapes ?
Enfin, vous êtes préfet de police de Paris et de l’agglomération ; les transferts qui s’opèrent vers la ville de Paris faciliteront-ils l’exercice de vos compétences dans les autres communes de l’agglomération ?
M. Pierre Lellouche. J’ai du mal à comprendre que, alors que l’on dit lutter contre le terrorisme islamiste, l’aéroport de Paris-Orly, qui est notre façade vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ne soit pas couvert par le dispositif que vous avez décrit. Comment expliquez-vous cette curieuse incohérence ? Serait-ce que, privilégiant le « politiquement correct », on s’inquiète d’abord du péril russe ?
Mme la maire nous a indiqué tout à l’heure qu’elle disposerait désormais de 4 000 policiers qui ne formeraient pas une police municipale mais une « police des incivilités ». Les bras m’en tombent. Qu’est-ce donc, en droit, qu’une incivilité ? Les « policiers de l’incivilité » seront-ils chargés de ramasser les crottes de chiens ? Ce sera, si je comprends bien, une police douce, sinon une police « Canada Dry »… En votre qualité de policier, monsieur le préfet, quelle est votre opinion à ce sujet ? Comment cet ersatz de police s’articulera-t-il avec la vraie police, la vôtre ?
Le journal Le Parisien titre aujourd’hui sur la pollution aggravée et le doublement de la circulation qu’a entraînés la paralysie de la voie sur berge rive droite, désormais absolument vide. Cette décision de la maire de Paris et que vous avez validée se traduit, sur les quais qui surplombent la voie Georges Pompidou, par un enfer quotidien. Les gens n’en peuvent plus. Vous êtes responsable des grands axes de circulation de la capitale ; quand signifierez-vous qu’il est temps de faire cesser cette mauvaise blague qui a des conséquences majeures pour les communes d’Île-de-France et qui pourrit la vie de dizaines de milliers de personnes ? L’offre de transports en commun n’ayant pas été renforcée, les gens y souffrent aussi. Cette situation est tout bonnement ingérable. De plus, que se passera-t-il en cas de nouvelle attaque terroriste ? Vous aviez indiqué au conseil de Paris que les aménagements réalisés sur la voie sur berge seraient réversibles et qu’une voie de circulation resterait ouverte ; est-ce bien le cas ?
Enfin, j’ai interrogé tout à l’heure la maire de Paris sur la gestion du terrorisme ; elle est très satisfaite du dispositif en vigueur et ne veut pas s’en mêler. J’aimerais donc savoir quelles conséquences opérationnelles vous avez tiré, monsieur le préfet de police, des conclusions du rapport parlementaire consacré à la prévention du terrorisme et la lutte contre ce phénomène, et comment vous envisagez la suite de l’opération Sentinelle.
M. Christophe Caresche. Je partage l’avis de mes collègues concernant l’aéroport d’Orly. Ce premier transfert de compétences n’est qu’une étape, dites-vous. Quand aura lieu la prochaine ? Dans trente ans, étant donné que le statut actuel de Paris a été adopté en 1983 ? Les rapporteurs vont peut-être travailler sur le sujet.
Certains aspects de la décentralisation sont assez clairs mais d’autres, notamment ceux qui se rapportent à la circulation, restent nébuleux. L’avis conforme du préfet est supprimé mais il y a des prescriptions. Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment cela se traduit-il ? À titre personnel, je pense que c’est la Métropole – représentant ceux qui sont concernés à l’extérieur de Paris – qui devrait donner son avis. En l’état, vos propositions me semblent ambiguës et dessinent une décentralisation qui n’en est pas vraiment une. On a l’impression que le texte, issu d’un compromis, ne va pas vraiment clarifier les choses.
M. Claude Goasguen. Pourquoi Orly est-il traité de manière différente des aéroports de Roissy et du Bourget ? Nous avons besoin d’explications parce que ce choix est tout de même difficile à comprendre.
Nous allons déposer des amendements concernant les voies sur berges et la circulation. On ne peut pas continuer à considérer que la région Île-de-France – voire l’État – n’aura aucun mot à dire sur des moyens d’accès stratégiques et régionaux. Il serait regrettable que l’État se désengage de cette affaire qui le concerne. Si l’État ne veut pas s’en mêler, il faut que ce soit la métropole ou le conseil régional. Mme Hidalgo nous explique qu’elle agit de manière légale. Nul ne conteste le droit actuel, mais elle nous prévient que, si nous remettons en cause le système adopté, elle demandera des compensations sur l’autorisation que pourrait donner le maire de Paris à l’intérieur de la région Île-de-France.
Franchement, je veux bien que nous présentions un amendement pour qu’intervienne la région ou la métropole, mais ce domaine relève de l’État. Monsieur le préfet, vous ne devez pas abandonner totalement vos compétences dans cette affaire. Je veux que l’État soit réintroduit. On ne peut pas accepter ce système. Voyez que je suis très modéré en ce qui concerne la diffusion des pouvoirs de la préfecture de police.
Je comprends certains transferts de compétences, même si les contours de la police des incivilités demandent à être précisés et le seront avec le temps. En revanche, je regrette qu’une police de proximité – c’est bien ce dont il s’agit – soit aussi centralisée que l’actuelle police. J’aurais préféré une vraie police de proximité pour les arrondissements. La proximité pour 2 millions d’habitants, c’est bien gentil – en fait, la préfecture de police gère cela parfaitement bien. Quel est l’intérêt de gérer la police de proximité d’une manière aussi centralisée que l’actuelle police parisienne ? Je déposerai des amendements visant à associer les arrondissements à cette politique car je ne tiens pas à ce que ce soit la mairie de Paris qui répartisse les effectifs de cette police des incivilités.
M. Michel Cadot. Comment les transferts sont-ils vécus à la préfecture de police ? Globalement, ils sont compris par les agents, même s’ils suscitent un peu d’inquiétude comme toute transformation. Il n’y a pas de réticences ni de blocage dans le dialogue conduit avec les syndicats et avec les personnels. Toutefois, après plusieurs mois de discussions, d’aucuns manifestent une certaine impatience à voir se confirmer les dates annoncées à plusieurs reprises et se mettre en place les modalités très concrètes – aides, primes, conditions de travail détaillées – s’appliquant aux personnes qui seront transférées.
Au départ, il n’était pas prévu de privatisation et le choix de transférer les ASP avait été bien compris. À présent, les personnels souhaitent que le contenu des tâches qui leur seront dévolues dans les brigades de lutte contre les incivilités soit mieux défini. Ils veulent savoir ce que cela représente. Pour résumer, les personnels ne font pas obstacle mais manifestent une certaine sensibilité. Deux ou trois fonctionnaires d’État ne veulent pas partir, mais ce sont des cas marginaux. L’opération se passe globalement bien mais il faut que les dates soient fixées car les évolutions successives ont suscité de l’inquiétude, notamment lors de la création de cette brigade de lutte contre les incivilités : les personnels concernés pensaient changer seulement de patron et ils s’aperçoivent qu’ils vont faire un nouveau métier. Je le répète, je ne crois pas que l’on puisse dire qu’il y ait autre chose qu’une forte sensibilité.
Nous devons néanmoins préciser le contenu de cette brigade de lutte contre les incivilités. Les pouvoirs des inspecteurs d’insalubrité ou des inspecteurs d’incivilités sont les mêmes que ceux des policiers municipaux : ils prendront des arrêtés ou des mesures au nom de la police municipale. Ce sont les compétences qui sont transférées en matière d’incivilités qui gênent la tranquillité publique : les troubles de voisinage, les dépôts de déchets, les aménagements non autorisés sur la voie publique, les nuisances liées aux foires et marchés ou aux terrasses, les pollutions sonores, etc.
Y a-t-il une perspective d’évolution vers une police municipale, m’avez-vous demandé, monsieur le rapporteur ? Une ville comme Paris, compte tenu de ses fonctions et de sa taille, ne peut pas entrer dans le régime des communes à police municipale. En cas de décentralisation accrue, elle ne pourrait entrer que dans le statut des communes à police d’État, c'est-à-dire dotées de polices municipales où le représentant de l’État possède certains pouvoirs. C’est le cas de grandes villes comme Lyon, Marseille ou même Rennes. On ne pourrait pas aller plus loin. Dans ces communes, certaines atteintes à la tranquillité publique, énumérées à l’article L. 2212 du code général des collectivités territoriales, relèvent du préfet et non du maire. Les rassemblements, les attroupements, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants, les actes de nature à compromettre la tranquillité publique restent du ressort de l’État.
Dans une ville comme Paris, on ne peut pas envisager non plus que l’État se désintéresse de la circulation pour les deux raisons qui ont été données et, carte à l’appui, je pourrais vous expliquer en détail le schéma d’évolution envisagé. Le but de cette transformation est de donner à tous les grands axes régionaux, tels que les autoroutes A4, A13 ou A14, un débouché dans la traversée de la capitale sur lequel le représentant de l’État ait un pouvoir. Le préfet doit être capable d’empêcher que l’on bloque, par des aménagements, la circulation des flux. Il doit pouvoir valider ces aménagements. Pour parler clair, ce qui a été fait sur le boulevard Magenta et autour de la gare du Nord est compliqué ; on a beaucoup de peine à atteindre la gare ou même la porte de la Villette pour rejoindre l’autoroute A1 ou la route nationale (RN) 301.
Dans le projet qui vous est présenté, c’est le représentant de l’État qui, au titre de ses pouvoirs régionaux – je suis préfet de la zone de défense et de sécurité –, garantit que les voies régionales structurantes n’aboutissent pas sur des murs. Au terme de nombreuses et difficiles discussions avec la maire de Paris, nous sommes parvenus à un accord et nous avons rajouté un assez grand nombre d’axes qui entrent dans ce dispositif de validation préalable de tout aménagement restreignant ou transformant la circulation.
M. Christophe Caresche. C’est une évolution très limitée !
M. Michel Cadot. Nous avons tout de même rajouté une dizaine de voies.
M. Christophe Caresche. C’est limité du point de vue de la mairie !
M. Michel Cadot. Du point de vue de la mairie, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une révolution. C’est une logique différente : au lieu d’être en codécision, avec ce que cela suppose de manque de respect de l’autonomie municipale, nous sommes dans un système où le représentant de l’État fixe les conditions d’aménagement, en vertu de ses responsabilités concernant les voies structurantes régionales et aussi les axes qui sont des lieux de manifestations. Quand Paris organise la COP21, on a besoin de neutraliser certains axes pour permettre aux 150 véhicules de chefs d’État de circuler. Seul le préfet peut prendre cette décision, sinon on pourrait se retrouver dans une situation où un maire non républicain serait en mesure de bloquer et de compliquer les choses.
Nous avons donc trouvé un accord sur ces deux volets. Nous avons rajouté un assez grand nombre de voies sur la carte, ce qui nous donne une capacité de prescription – et non de codécision, j’y insiste – qui a du sens. Cette capacité de prescription permet d’imposer, de fait, les critères d’aménagement, de façon à ce qu’ils ne réduisent pas la fluidité de la circulation. S’il était question d’implanter une voie piétonne ou cycliste sur les Champs-Élysées, à un endroit gênant les flux de circulation, le préfet de police pourrait maintenir sa décision en termes de choix d’aménagement. Dans le même temps, la maire aura la possibilité de proposer un projet, puis de prendre sa décision une fois qu’elle aura reçu les prescriptions techniques liées aux compétences de l’État.
Venons-en à la difficile question des aéroports, notamment d’Orly. Nous sommes tous conscients de la grande sagesse des rapporteurs et des parlementaires. J’ai entendu les arguments soulevés par les uns et les autres. Il s’agit moins d’un problème extérieur concernant les flux qu’une question d’équilibre interne entre directions, dans la mesure où cette évolution conduit à réduire le périmètre de la direction générale de la police nationale (DGPN) et les compétences actuelles de la PAF. Pour éviter de bousculer des habitudes, il a été décidé de commencer par le plus urgent. Le reste suivra.
Ce vieux sujet me conduit à répondre à la question du rapporteur sur la police d’agglomération. Quel est le sens de cette réforme sur la partie parisienne ? Pour le préfet de police, dont la responsabilité actuelle est très lourde en raison du terrorisme et des flux migratoires, l’enjeu est de repositionner la préfecture de police sur son socle : l’agglomération parisienne, mais dans le contexte d’une région et en évitant une rupture aux frontières de la métropole. Les flux, la mobilité, les transports et autres facteurs nous obligent à travailler en coordination sur la zone. Il faut combler certaines fragilités et les aéroports en sont une, objective, lourde. En prenant cette responsabilité, la préfecture de police assume une charge pesante, mais si nous voulons être capables d’accueillir les Jeux olympiques de 2024, le préfet doit couvrir toute la zone de manière cohérente, en travaillant avec les préfets de département et les services de police et de gendarmerie. Le plan de vidéosurveillance doit couvrir l’ensemble de la région, par zones, et permettre à tout le monde de travailler ensemble : la gendarmerie, la police nationale, la préfecture de police, la PAF, etc.
Dans les départements de la petite couronne, ce projet conduit à aller plus loin en ce qui concerne la police d’agglomération créée il y a sept ans. En tout cas, c’est l’orientation que j’ai préconisée et que je compte mettre en œuvre, dans le cadre de mes responsabilités de préfet de police. Il s’agit de déconcentrer et de donner un rôle beaucoup plus actif aux préfets de département, et surtout aux commissaires chefs de circonscription, dans leurs liaisons avec les élus. Il faudrait essayer d’avoir, à terme, des circonscriptions d’agglomérations plus pertinentes, centrées sur de vrais bassins de délinquance. C’est un chantier compliqué. En tout cas, il faut donner beaucoup plus de responsabilités aux commissaires chefs de circonscription. Dans le malaise policier qui s’est exprimé au cours des derniers mois, on décèle notamment un souhait : que la hiérarchie soit plus visible dans l’affirmation d’une stratégie de territoire et dans la capacité à répondre à certains problèmes, y compris logistiques ou immobiliers.
Le projet, lourd en transformations et réalisé rapidement, est un élément d’une politique qui vise clairement à repositionner la préfecture de police dans son rôle, à un moment où les défis sont majeurs dans la ville capitale, dans l’agglomération et dans la région parisienne.
Quelles sont les conséquences de ce projet sur l’organisation de la lutte contre le terrorisme ? En matière de renseignement, la préfecture de police va recevoir l’inspection que le ministre a désignée à la suite des propositions de la commission parlementaire. Notre dispositif actuel me semble plus efficace qu’une agence nationale centralisée. La direction du renseignement de la préfecture de police regroupe la sécurité intérieure dans une sous-direction de 250 personnes et le renseignement territorial. Elle est aussi et surtout alimentée par tout ce qui remonte des commissariats, c'est-à-dire des 25 000 policiers de terrain, et des services qui gèrent les armes, les étrangers.
Nous collectons toutes ces informations dans un système placé sous une autorité unique. Nous avons des plateformes de collaboration et de traitement de données, et nous tenons des réunions plusieurs fois par semaine avec les directeurs, d’une manière déconcentrée dans les services. Nous avons ainsi les moyens de détecter un continuum allant de la radicalisation à des signalements faibles, qui correspond au continuum du risque.
Organiser le renseignement d’une manière uniquement verticale serait une erreur : nous perdrions des informations optimisées par la structure de la préfecture de police. En contrepartie, il faut que toutes les informations utiles soient systématiquement reprises par les services centraux : la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l'état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT), le fichier de traitement des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), etc. C’est ce qui se passe. Toutes nos notes sont envoyées, nous accueillons des représentants de la DGSI et nous avons renforcé notre présence dans la cellule de liaison « Allat » mise en place au sein de la DGSI.
Nous avons tiré les enseignements des attentats du 13 novembre 2015 en renforçant notre capacité à détecter les « signaux faibles » parce que nous faisons face à une menace diffuse. Nous avons affaire à des groupes téléguidés depuis la Syrie par DAECH, mais aussi à de toutes petites cellules, voire à des individus isolés plus ou moins déséquilibrés qui passent à l’action avec des moyens plutôt artisanaux. Ce continuum de la menace justifie, de mon point de vue, cette organisation horizontale, cette capacité à traiter l’ensemble des informations dans un projet unique. Notre logique, appuyée par le ministre, me semble répondre à la gravité du risque.
Pour le reste, nous avons renforcé l’armement et les moyens de protection des policiers primo-intervenants – les brigades anti-criminalité (BAC) et les compagnies de sécurisation et d'intervention (CSI) – qui sont réparties sur tout le territoire et peuvent intervenir dans un délai de quelques minutes. Les policiers des brigades de police-secours sont eux-mêmes formés et mieux équipés, même s’ils n’ont pas vocation à être primo-intervenants puisqu’ils ne sont que primo-arrivants. Enfin, les services spécialisés – la brigade de recherche et d'intervention (BRI), les policiers de l’unité Recherche assistance intervention dissuasion (RAID) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) – ont eux-mêmes été organisés selon un schéma national d’intervention qui est parfaitement clair. Nous avons doublé le nombre des policiers de la BRI pour Paris, ce qui nous permet d’être beaucoup plus efficaces et de pouvoir positionner tel ou tel groupe à un endroit donné de la capitale, quand il faut réagir à plusieurs menaces.
Pour ce qui est de la voie sur berges, je ne sais pas si c’est vraiment un sujet sur lequel nous avons à intervenir ici. Je suis un usager du quai haut puisque je reviens quasiment tous les soirs du ministère de l’intérieur vers dix-huit heures, et je constate que mon temps de déplacement est beaucoup plus long qu’avant.
M. Pierre Lellouche. Vous vous faites capteur vous-même !
M. Michel Cadot. En quelque sorte, mais ce que je vois entre la place de la Concorde et le Pont-Neuf n’est pas forcément représentatif de la situation de l’ensemble du périmètre. Nous allons objectiver les résultats dans deux mois, comme nous nous y étions engagés. Le 12 décembre prochain se tiendra une réunion à laquelle participeront tous les acteurs, que ce soit le conseil régional, la métropole ou la mairie. Ce comité technique de pilotage, présidé par le préfet, s’appuie sur des chiffres de l’État, de la mairie, de la région, de la métropole, d’Airparif, etc. Il n’a pas vocation à prendre des positions politiques ; il va dresser un constat et établir des comparaisons avec les données de l’étude d’impact. Si nous constatons un écart très grand, nous en ferons état dans la plus grande transparence.
Je vais attendre les six mois prévus avant de rédiger des conclusions. Si le temps de circulation reste élevé par rapport aux prévisions et si les niveaux de pollution et de bruit se sont aggravés, la maire de Paris prendra en compte les préconisations de ce comité, que je lui adresserai. Elle s’y est engagée par écrit. Les six mois s’achèvent à la fin avril.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Quel calendrier !
M. Michel Cadot. C’est une coïncidence, la fin du délai tombe le 21 avril.
Nous faisons chaque semaine le contrôle des temps de parcours des véhicules de secours et des véhicules de police, et les données constatées seront aussi publiées dans deux mois. Ces véhicules empruntent la voie sur berges, la voie normale en utilisant les gyrophares ou la voie des bus. Pour le moment, ils parviennent à circuler aussi vite, sauf cas particuliers : il y a une dizaine de jours, par exemple, j’ai constaté des délais plus importants le jeudi soir, veille d’un long week-end.
M. Christophe Caresche. Avec la nouvelle loi, sera-t-il possible de demander à la maire de Paris de revenir sur sa décision ?
M. Michel Cadot. Oui, bien entendu, car le texte ne change rien pour cet axe.
M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le préfet, il me reste à vous remercier. Pour résumer, vous nous avez parlé d’une expérimentation en cours qui permettra de voir si les résultats sont satisfaisants en ce qui concerne les voies sur berges, et d’un renforcement très important de la lutte en matière de terrorisme. Merci encore pour la précision de vos réponses et pour l’amabilité avec laquelle vous avez accepté notre invitation.
AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS CARENCO,
PRÉFET DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE, PRÉFET DE PARIS
Au cours de sa troisième réunion du mercredi 23 novembre 2016, la Commission procède à l’audition de M. Jean-François Carenco, préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212).
M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le préfet de région nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation et de bien vouloir nous exposer votre point de vue sur ce projet de loi. Vous intervenez après la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, et le préfet de police, M. Michel Cadot. Nos débats sont retransmis en direct sur le site de l’Assemblée nationale car nous souhaitons que les discussions sur ce sujet difficile et passionné soient totalement transparentes.
M. Jean-François Carenco, préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris. Le projet de loi comporte deux parties, la première étant consacrée au statut de Paris et la seconde au Grand Paris. Je ne me prononcerai pas sur le statut, qui renvoie au découpage des arrondissements et à la répartition des compétences ; à la préfecture de la région, dont les compétences diffèrent de celles de la préfecture de police, le maintien de deux collectivités semble une survivance du passé qu’il importe d’abandonner. On a procédé à la même rationalisation outre-mer, même si Paris ne ressemble pas aux territoires ultramarins. C’est au Parlement de trouver les bons équilibres dans les transferts de compétences, en l’occurrence entre la préfecture de police et la mairie de Paris, et, pour ma part, je considère que, Paris étant la capitale du pays, nous devons raison garder – vous reconnaîtrez là mon côté jacobin.
La seconde partie du projet de loi contient des dispositions qui peuvent apparaître disparates, mais qui forment en fait une véritable unité. En outre, le Gouvernement déposera plusieurs amendements concernant cette partie du texte. L’objectif est de faire de Paris une vraie métropole dans un monde en transformation. On passe d’un monde A à un monde B, qu’on ne connaît pas mais qu’on sait différent du premier ; on a quitté le monde A le jour du début de la crise pétrolière en 1973 et on atteindra le monde B lorsque le dernier réacteur pressurisé européen (EPR) sera fermé – le premier n’étant pas encore entré en fonction –, c’est-à-dire lorsque l’énergie ne sera plus le moteur de l’Histoire car les maisons et les voitures généreront leur propre énergie.
Le monde change complètement : on ne produit plus, on numérise ; on ne vend plus, on « plateformise » ; on vous change le cœur quand il ne marche plus bien ; on discute dans la même pièce, mais vous pourriez être à Chicago, moi en Chine, et nous serions aussi proches. Dans ce monde à la « topologie sans mesure », pour reprendre la formule de Michel Serres, il nous faut tout réinventer : nos modes de production, d’enseignement, de gouvernement et d’écoute. Comme certains d’entre vous, j’ai appris à programmer en langage BASIC, puis j’ai cru être avancé en comprenant les « exaflops » et les « pétaflops », mais on me dit maintenant qu’il existe des ordinateurs quantiques réalisant une infinité d’opérations à la seconde.
Tout change et, comme le disait Franz Schubert, « le vrai fou n’a que des certitudes et l’intelligent que des doutes ». Face à cela, on peut se replier sur soi – en disant qu’hier, avant-hier, avant-avant-hier et l’entre-soi sont préférables – et craindre le futur, ce qui alimente le développement de communautés, du communautarisme et éventuellement du djihadisme ; on peut ne pas prêter d’attention à ce phénomène, et la médiocrité triomphera. Au contraire, d’autres souhaitent reconstruire le monde : comme au Quattrocento, on peut agir ! L’outil technologique est tellement magique que l’on doit pouvoir faire des choses et se saisir du monde pour le construire, en suivant l’orientation démocratiquement choisie.
Ce monde nouveau s’invente dans des territoires denses, peuplés de citoyens éclairés, éduqués, tolérants et rassemblés : un tel espace se nomme métropole, et nous avons besoin d’une loi pour l’organiser. Dans cette aire, nous créons de la valeur, de la connaissance, de l’émotion culturelle et du lien social ; les institutions viendront plus tard ! En attendant, on travaille dans un esprit de rassemblement. À Paris, quels que soient les tendances politiques et les statuts des personnes – fonctionnaires, acteurs du secteur privé, élus ou membres d’une association –, on travaille ensemble. Comment en est-on arrivé à construire 80 000 logements par an ? Les parties prenantes ont arrêté de se déchirer ! Plus personne n’affirme « avoir créé des logements », cette phrase absurde ! Les logements se bâtissent ensemble.
Grâce à ce travail en commun, il se crée 200 kilomètres de métro, 80 000 logements par an, le plus beau campus européen en sciences sociales, nommé Condorcet, de nouvelles découvertes à Saclay, un incubateur de start-up de 30 000 mètres carrés grâce à M. Xavier Niel, et de nouveaux chantiers incarnés par le retour des grues en région parisienne. Et on n’entend pas parler de tout cela !
La fermeture des voies sur berges est peu de chose par rapport aux travaux d’Éole, qui doivent commencer le mois prochain après quinze ans d’attente. Regardez ce qu’il se passe à la porte Maillot ou en matière culturelle – par exemple, à l’île Seguin où je me réjouis que des promoteurs privés s’intéressent enfin à la culture !
J’ai estimé de ma responsabilité de proposer au Gouvernement, qui m’avait confié une tâche de coordination de ce texte, des amendements permettant d’accélérer cette construction collective de la métropole.
Sera-t-on capable, à Paris et en région parisienne, de développer une métropole rayonnante, mais pas trop absorbante ? Ce défi vaut pour Lyon comme pour Paris. Il faut prendre garde à ne pas asphyxier les environs, qui meurent de toute façon si la métropole n’existe pas – quoique plus lentement. L’avenir du monde se joue là, dans la création de richesses au sein des métropoles.
La compétition entre les métropoles est grande. Je me bats pour que notre métropole s’appelle le Grand Paris, car les Chinois et les Américains ne me parlent pas de Sarcelles, de Longjumeau, d’Évry ou de Saint-Denis. Nous ne sommes pas bons sur l’attractivité ; tout le monde lutte sur ce terrain, et je conseille de laisser passer un peu de temps car la sagesse reviendra. On doit se battre ensemble, comme on le fait avec M. Jean-Yves Le Bouillonnec au sein de la Société du Grand Paris (SGP), où toutes les tendances politiques sont représentées et où tout se passe bien car on construit ensemble.
Le texte propose de lever les petits blocages qui entravent le travail commun. Les longues procédures françaises freinent le regain de constructions, si bien que certaines zones d’aménagement différé deviennent la proie d’une spéculation foncière et immobilière – petit sujet qui pourrait tout de même coûter 40 millions d’euros à l’établissement public de Saclay.
Une disposition vise à simplifier la création de filiales des établissements publics administratifs (EPA), de Grand Paris Aménagement (GPA) et des établissements publics fonciers (EPF), ce qui est positif car l’État doit s’adapter au monde moderne et simplifier les procédures. Nos partenaires sont désormais des promoteurs, des entreprises et des syndicats, car il convient de délester la puissance publique pour qu’elle puisse agir. Quand je discute avec un promoteur, je ne peux pas lui dire qu’une année est nécessaire pour monter une opération, sous peine de le voir partir à Londres ou ailleurs.
Le débat opposant les collectivités locales à l’État central est devenu ringard dans une perspective d’aménagement et de construction du monde – j’exempte de ce constat la question financière, qui constitue un sujet à part. Nos concurrents sont Shanghai, Singapour et Londres, et nous devons favoriser les coopérations entre les établissements publics d’aménagement pour les affronter. Les articles 35 et 36 du projet de loi prévoient ainsi la création des sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) : il est normal que le maire veuille aménager sa ville, mais il n’y arrivera pas tout seul. M. Patrick Jarry, maire de Nanterre, n’a pas les moyens de s’occuper de la zone d’aménagement concerté (ZAC) des Groues avec sa petite société d’économie mixte (SEM), mais il a toute légitimité pour peser sur son aménagement. Les SPLA-IN lui permettront d’agir en réunissant l’État et les aménageurs, c’est-à-dire les SEM publiques des communes. Il s’agit bien d’un outil de rassemblement.
L’article 37 permet d’intégrer des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans la gouvernance de GPA. Ne pas avoir peur de s’ouvrir, tel est le leitmotiv de ce texte !
L’article 38 concerne le quartier de la Défense, qui a suscité quelques débats dans les Hauts-de-Seine et en région parisienne. Cet EPA de l’État a été dirigé par de bons directeurs, nommés à ce poste parce qu’on ne voulait pas les placer ailleurs, mais il n’a pas pu agir car on lui a interdit d’emprunter. Il y a 350 millions d’euros de travaux à faire, mais on ne peut pas les réaliser, alors que la richesse des communes voisines fait même envie au maire du 16e arrondissement de Paris – n’est-ce pas monsieur Goasguen ? Là aussi, il convient de réunir les élus, les acteurs économiques et l’État. Il faut savoir arrêter une opération d’intérêt national (OIN) et il faut savoir en initier. Seul l’État intervient dans certaines OIN comme dans les établissements publics d’aménagement de Marne-la-Vallée, Epamarne et Epafrance ; dans d’autres, il agit avec les collectivités, comme dans l’établissement public d’aménagement du Mantois Seine-Aval (EPAMSA) avec la nouvelle communauté urbaine du Mantois Val-de-Seine ; enfin, il peut déléguer totalement certaines OIN. Nous inventons un nouvel outil, tâche complexe, et le déployons dans le premier quartier européen d’affaires ; nous n’avons pas intérêt à nous tromper et nous devons nous rassembler. Dans cette construction, M. Patrick Devedjian n’est pas un partenaire facile, mais telle est la règle du jeu, et on travaille avec lui. L’article 38 habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance, et nous préparons le décret d’application pour que le dispositif soit prêt le plus rapidement possible.
L’article 39 a trait aux transports ; s’agissant de l’extension des lignes de métro, le Gouvernement défendait l’idée d’une autorisation unique pour les questions d’environnement et d’aménagement, mais on ne peut appliquer ce système à trente gares à la fois qui ne seront pas prêtes au même moment.
L’article 40 vise à permettre à la SGP d’exploiter des réseaux de chaleur. Elle pourra assurer la production d’énergies renouvelables ou de récupération à partir des sources d’énergie calorique situées dans l’emprise des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ou des infrastructures de transport public réalisées sous sa maîtrise d’ouvrage. Ce sont ces petites mesures qui simplifient la vie et qui permettent aux élus et aux acteurs de la région parisienne de réaliser ce qu’ils veulent accomplir ensemble. J’essaie d’inciter au dépôt d’amendements qui vont dans ce sens, et j’espère que le Gouvernement les reprendra.
Il est très important que l’ensemble des acteurs de la création de cette capitale se rassemblent. Ce discours commence à se traduire dans la réalité : les promoteurs sont très heureux de cette nouvelle situation, de même que les opérateurs de transports. Tout cela fonctionne, et il s’agit d’améliorer notre système par de petites dispositions – je ne propose pas la révolution. Ces mesures ne visent pas simplement à faire un peu plus vite ou un peu mieux, mais cherchent à garantir une réussite inscrite dans la durée. Il y aurait lieu de présenter chaque année un petit texte balai levant tous les blocages rencontrés par la métropole. Une métropole de ce type, si on la définit comme je viens de le faire, ne doit pas être envisagée sous l’angle de la taille. Vous allez définir des métropoles institutionnelles, mais si ces villes veulent devenir des métropoles, elles doivent vouloir créer le monde en rassemblant toutes leurs forces.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Monsieur le préfet, je me réjouis de vous entendre, car vos propos permettent de mesurer la place de la préfecture de la région Île-de-France dans la grande démarche de renouveau, de réaménagement et d’aggiornamento des stratégies de développement de la région parisienne. Nous sommes un certain nombre à travailler avec vous quotidiennement, et vous avez parfaitement retranscrit l’esprit de ce texte. Vous avez porté, à la demande du Gouvernement, une partie de ce projet de loi, qui vise à lever les blocages que l’on connaît depuis plusieurs années. Les deux rapporteurs tenteront de pousser encore plus loin la logique de ce texte.
Le problème de la circulation concerne l’ensemble de la région, et l’on parle des voies sur berges jusqu’au fin fond des grands départements de notre belle région. Certains prétendent que c’est à la région de régler ce problème ; si la région d’Île-de-France avait des responsabilités d’organisation de la circulation, le préfet de région recevrait forcément une compétence liée à ce transfert. Qu’en pensez-vous ?
La préfecture de police aura compétence sur les aéroports de la région, mais pas sur celui d’Orly, et les sénateurs souhaitent, comme les députés apparemment, supprimer cette exception. Quelle est votre opinion sur cette question ?
Le Sénat, à l’article 35 ter, a créé, à titre expérimental, en Île-de-France, un droit de préemption de petites parcelles forestières au profit des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER). Un tel droit serait inédit, me semble-t-il. Pourquoi prévoir cette particularité pour la plus grande et la plus agricole région de notre pays ? L’ensemble des députés non franciliens se demandent pourquoi une SAFER agissant dans le périmètre forestier d’Île-de-France aurait des compétences que les autres n’ont pas.
M. Pierre Lellouche. Je soutiens les propos du rapporteur : si le préfet de région avait la main sur les transports, on pourrait mettre en place un schéma cohérent et éviter des aberrations idéologiques comme celle que nous subissons sur les voies sur berges. On se fait plaisir localement et on désorganise tous les transports de la région. Il faut prendre appui sur ce projet de loi pour poser ce type de questions.
Monsieur le préfet, je me réjouis que, pour une fois, un grand commis de l’État en charge de dossiers arides et techniques ait une vision de l’intérêt et de l’objectif d’un projet. Il y a une cohérence dans votre esprit, et j’espère que le texte voté y sera fidèle.
À quoi sert la métropole ? Comment arrive-t-on à bâtir une métropole en simplifiant les structures ? J’ai posé ces questions à la maire de Paris et c’est à vous que je les pose maintenant.
M. Claude Goasguen. Monsieur le préfet, vous nous avez présenté un exposé passionnant, clair et, surtout, rare.
La voirie est bien notre première préoccupation. On ne peut pas continuer comme cela ! On ne peut pas laisser la commune de Paris, ou n’importe quelle autre, provoquer un blocage institutionnel qui paralyse ses voisins et crée des handicaps insurmontables – même si la loi est incontestablement respectée. Il faudrait assurer une forme de cohérence, et, à mon sens, cela devrait se faire au niveau de l’État. À défaut, nous devrions la chercher au niveau du conseil régional, de la métropole, ou de n’importe quel échelon. En tout cas, la situation n’est pas tenable.
J’ai une autre question qui est générale et pas seulement institutionnelle : comment voyez-vous l’harmonisation entre le conseil régional, Paris, avec le problème de son statut, et la métropole ?
M. Christophe Caresche. En vous écoutant, monsieur le préfet, on a le sentiment que la concorde règne. S’agissant de La Défense, j’ai bien compris que le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine accompagnait les projets en cours, mais quelle est la position des communes concernées ? Sont-elles aussi allantes que M. Devedjian ?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je reprends la parole pour préciser que je demandais à M. le préfet si, en matière de circulation, les compétences pouvaient remonter à la région. Le Sénat a délibéré sur ce sujet, il nous appartiendra de décider si nous maintenons ou non le dispositif qu’il a adopté.
Pour vous dire le fond de ma pensée, je rappelle qu’il existe une structure entre la région et Paris. La Métropole du Grand Paris comprend une grande partie des territoires directement concernés par les enjeux de circulation. On pourrait donc rechercher des solutions de cohérence à une échelle supérieure – je parle de la cohérence et non du fonctionnement intra-muros parisien. Le président de la Métropole a entamé une démarche en ce sens.
M. Pierre Lellouche. Nous disons la même chose : c’est de bon augure pour la suite !
M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le préfet, lorsque vous parlez de « circulation », vous évoquez uniquement l’automobile ?
M. Jean-François Carenco. C’est bien cela ! Encore que, pour les transports aussi, les choses ne soient pas aussi simples que ce qu’on croit. Je rappelle que le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) est financé à 49 % en dehors du conseil régional.
Fallait-il créer la Métropole ? J’ai participé à la création de la métropole lyonnaise par Michel Mercier – c’est lui qui s’est engagé dans ce projet, en sachant tout de même qu’il démissionnerait ensuite. Le Gouvernement voulait que le maire, président de la communauté urbaine – structure qui présentait l’avantage d’avoir cinquante ans d’expérience et d’habitude de travail en syndicat –, le président du conseil général et le représentant de l’État se mettent d’accord. Nous avons inventé une solution simple : le département disparaissait au profit d’une « métropole » qui recouvrait la communauté urbaine existante – la métropole bénéficiait donc d’une capacité du travail en commun des élus qui n’existe pas en région parisienne. Nous avons créé la Métropole de Lyon, à la fois communauté urbaine et département, par ordonnance.
Je crois que lorsque l’on traite un petit problème dans une grande assemblée, l’ordonnance est parfois une solution qui facilite les choses. Cela dit, parce que nous sommes républicains et démocrates, je pense aussi que nous n’avons pas le droit de procéder par ordonnance pour Paris. Ce qui est possible à Lyon ne l’est pas pour la capitale, même si ce serait beaucoup plus simple car nous parviendrions parfaitement à nous mettre tous d’accord. Ce serait cependant contraire à toute l’imagerie de notre République. Nous avons donc choisi de faire une loi, mais, dans cette loi, fallait-il inventer la métropole ?
J’ai eu la conviction qu’il fallait le faire en considérant qu’il s’agissait d’une version zéro. Il me semblait impossible de construire du premier coup un système pertinent et durable, mais attendre n’aurait fait que retarder les choses, tout cela pour qu’on se retrouve, à terme, avec une loi et un système qui ne seraient ni plus durables ni plus pertinents. Pourquoi fallait-il y aller ? Parce que la construction que j’ai présentée est à mon sens mieux portée si elle s’incarne dans un élu entouré d’un conseil démocratique. Pour ce qui me concerne, je pense que ma place est provisoire. Ces territoires doivent être incarnés et, dans notre système républicain, ce rôle revient plutôt à un élu qu’à un haut fonctionnaire. Il faut en tout cas créer quelque chose qui sera naturellement imparfait. Lyon est petit dans sa grande région et subit la concurrence de plusieurs métropoles comme Grenoble. Le débat entre la Métropole de Lyon et la région lyonnaise n'a rien à voir avec le cas de la région parisienne – la situation aurait été complètement différente si nous avions inclus les départements situés en périphérie de la région Île-de-France.
Comme vous, je pense qu’il y a une structure de trop. Je me souviens de toutes les critiques qui ont été formulées lorsque j’ai proposé de mettre en place les établissements publics territoriaux (EPT)... À l’arrivée, on sent cependant que ça prend, même si c’est plus ou moins rapide. Je pense que cette solution sera durable, et que des communes fusionneront au sein des EPT. Dans cinquante ans, on peut imaginer qu’il n’y ait plus que douze communes en région Île-de France. Alors, que faire des départements ? Honnêtement, si on vous laissait faire, on recréerait la Seine-et-Oise. Je suis en tout cas de ceux qui pensent que la métropole ne doit pas être absorbée par la région, parce que j’ai besoin que l’on défende un espace non construit au moment où l’on va construire partout.
C’est au peuple, c'est-à-dire à vous, de décider, mais, pour ma part, je ne suis pas favorable à des Länder à l’allemande. Si l’on devait décider de confondre la métropole et la région, j’estime qu’il faudrait absolument diminuer les pouvoirs de ce nouvel ensemble, sans quoi on entrerait dans un système fédéral. Après tout, c’est un choix qui ne m’appartient pas, même si, à titre personnel, je suis opposé à un système fédéral qui aurait l’inconvénient de permettre que toute la région soit bétonnée.
M. Pierre Lellouche. On aurait à la fois le fédéral et le féodal !
M. Jean-François Carenco. Je ne me permettrais pas d’insulter les élus du peuple !
Il était indispensable d’inventer quelque chose, même si, en 2020, il faudra proposer une « version 2 ». Il faut cependant prendre le temps de voir évoluer l’expérience en cours, et ne pas tout remettre à plat dès la prochaine législature. Cela me paraîtrait un peu précipité.
J’en viens à la question relative aux SAFER. Nous construisons une métropole dont j’ai dit qu’elle n’était pas nécessairement une extension de la conurbation, mais qui n’en est pas moins dense. Le choix a été fait de densifier fortement et fermement la construction. Mais le complément de la densification, c’est la préservation de la beauté architecturale et des espaces verts. Vous constaterez qu’en petite couronne, on n’a jamais autant inscrit de monuments historiques. J’ai aussi lancé la création d’un service territorial de l'architecture et du patrimoine (STAP) métropolitain avec des architectes des bâtiments de France (ABF). Il faut également préserver les espaces verts : nous avons réussi à protéger l’arc boisé. Je me bats pour la forêt de Bondy, et je regarde ce que nous pouvons faire pour la forêt de Saint-Germain qui est en train de disparaître. Il faut se battre pour la préserver, en prenant des mesures de police contre les gens qui veulent acheter un morceau de forêt pour abattre et construire. Nous pouvons restituer de petits espaces à la forêt grâce aux SAFER. « Ce n’est pas dans leurs habitudes », me dit-on. Peut-être, mais elles sont l’outil le plus simple pour agir, et ses représentants sont des gens biens. L’idée est tout simplement d’éviter que les forêts disparaissent. Il faut nous donner tous les moyens, quels qu’ils soient, pour lutter contre l’étalement urbain.
Je n’ai pas vocation à répondre à la question relative à Orly, mais je pense qu’il faut rester logique : on fait tout, ou on ne fait rien !
J’en viens aux compétences en matière de circulation. Le problème est posé en raison de la décision de la maire de Paris de piétonniser les voies sur berges. Je me souviens de leur ouverture à l’époque du président Pompidou : on peut dire que ça râlait ! La situation s’est ensuite inversée. En vertu des textes, la décision du maire relève bien de sa compétence et de sa seule compétence. Sur le fond, le mouvement de la piétonisation est enclenché dans les autres grandes capitales européennes, et l’on va vers un changement des modes de circulation. Je l’ai dit à la maire, je pense profondément qu’elle a raison, mais il reste la question de savoir si elle n’a pas été trop rapide et si elle n’est pas allée trop loin. À partir du moment où elle est compétente, et si le préfet de police donne un avis favorable, il n’y a rien à dire. De toute façon, tout le monde sait bien que, dans dix ans, ce sera une évidence. Peut-on prendre ce type de mesure progressivement ? Je n’en sais rien, je n’y ai pas réfléchi. Parfois, je me demande pourquoi on n’a pas plutôt piétonnisé le haut des quais. Il y a des élus ; ils décident souverainement. C’est leur fonction. Et puis, même si je trouve parfois que c’est une évolution un peu rapide, sur le fond, c’est bien dans cette direction que nous irons, quoi qu’il arrive.
Faut-il conclure de cette expérience qu’il est nécessaire de considérer la circulation d’un point de vue plus « large » ? Vraisemblablement, et je pense que ce serait plutôt du niveau métropolitain que régional. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la république, dite « loi NOTRe », permet d’ailleurs à la région de manifester son intérêt, mais c’est uniquement pour accorder des subventions.
À quoi sert la métropole ? C’est une assemblée de maires, et Patrick Ollier, le président de la métropole, fait tout pour que cela reste ainsi. C’est aussi un lieu de convergence. Le bureau de la métropole est une construction de la métropolisation : les élus ont su se rassembler. La métropole sert donc à rassembler, et elle constitue un élément de la version zéro de quelque chose qui reste à construire.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le préfet, je ne suis pas élue à Paris, mais d’une circonscription située à huit cents kilomètres, au bord de la Méditerranée. Il n’en demeure pas moins que la question de la métropolisation de Paris est essentielle pour l’ensemble de la nation, et pas uniquement pour les habitants de la capitale ni même de sa conurbation élargie.
Il y a une douzaine d’années, j’ai voulu utiliser ma carte de famille nombreuse SNCF pour acheter un carnet de tickets du métro parisien. On m’a expliqué que cela n’était pas possible au motif que cette carte avait été délivrée à Montpellier. Les choses ont changé depuis cette époque, mais la question de l’équilibre entre les moyens affectés à la capitale et à la province reste posée à l’occasion de la métropolisation de Paris.
Alors que les questions de sécurité sont essentielles, pourquoi la ville de Paris ne se paie-t-elle pas une police municipale comme le font la plupart des métropoles de province ? La puissance financière des foyers fiscaux parisiens est nettement plus élevée que celle des foyers fiscaux de province, mais ces derniers paient des impôts locaux pour entretenir une police municipale. À Paris, le stationnement et la régulation du trafic pourraient relever, comme ailleurs, d’une police municipale qui serait également compétente dans les transports en commun. Je rappelle que pendant plus de vingt ans, les provinciaux ont payé les transports en commun de Paris et de l’Île-de-France alors qu’ils devaient déjà payer les leurs.
Mme George Pau-Langevin. C’est excessif !
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Pas du tout : le transfert total du financement de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et du réseau express régional (RER) vers les impôts des Franciliens est assez récent. Pendant vingt ans, les nouvelles lignes ont été payées par toute la France. Le financement par les Parisiens de leur police municipale permettrait aux policiers nationaux d’être plus nombreux sur le territoire des métropoles de province. Nous manquons de policiers nationaux dans nos provinces.
Mme George Pau-Langevin. La région Île-de-France apporte plus à la richesse nationale que ce qu’elle reçoit !
M. le président Dominique Raimbourg. Le préfet de police a abordé cette question devant nous tout à l’heure en arguant de la spécificité de la situation de Paris et de l’impossibilité qu’il y aurait, selon lui, à mettre en place une expérimentation de police municipale dans un contexte de menace terroriste. Il a rappelé que des transferts partiels existaient s’agissant de polices particulières.
M. Jean-François Carenco. La question relève en effet du préfet de police. Cela dit, en tant que citoyen averti, je suis par principe opposé au fait que les capitales disposent d’une police municipale.
Je rappelle que les « pervenches » placées sous l’autorité de la préfecture de police étaient déjà payées par la ville de Paris.
L’aide de l’État au système de transport public de la région Île-de-France est massive. Nous savons que 70 % du trafic de la SNCF se fait en région Île-de-France, et que le RER A transporte 1,2 million de voyageurs par jour, alors que l’ensemble des TER de France en transportent 800 000. L’effet de concentration est donc gigantesque. La ponction de solidarité sur les collectivités locales de la région Île-de-France est considérable. Sur Paris, le prélèvement cumulé pour la ville et le département, en 2013, 2014, et 2015 s’élève à plus de 900 millions d’euros. Vous avez même décidé d’opérer un prélèvement sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) communale quand ce n’était plus possible sur la DGF départementale. Les collectivités de la région Île-de-France se trouvent en grande difficulté avec les fonds de péréquation, qu’il s’agisse de péréquation verticale ou horizontale. Cet aspect doit être pris en compte.
M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le préfet, nous vous remercions pour votre intervention particulièrement brillante et votre approche prospective.
AUDITION DE M. JEAN-MICHEL BAYLET, MINISTRE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DE LA RURALITÉ ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, ET DISCUSSION GÉNÉRALE
Au cours de sa réunion du jeudi 1er décembre 2016, la Commission procède à l’audition de M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’Aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, et à la discussion générale du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212).
M. le président Dominique Raimbourg. Nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain. J’ai le plaisir d’accueillir M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Je rappelle que, la semaine dernière, la Commission a procédé à l’audition de Mme Anne Hidalgo, maire de Paris, de M. Michel Cadot, préfet de police de Paris, et de M. Jean-François Carenco, préfet de la région Île-de-France.
Nous allons aujourd’hui entamer la discussion générale.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je vais vous présenter les grands axes du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, adopté par le Sénat le 9 novembre dernier – non sans avoir été passablement modifié.
Le texte se divise en deux titres : le premier est consacré à la réforme du statut de Paris, le second aborde les thématiques relatives à l’aménagement, aux transports et à l’environnement. Les chapitres I à III du titre II relèvent des attributions de ma collègue Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable, qui les défendra au banc du Gouvernement comme elle l’a fait devant le Sénat. Je répondrai bien évidemment aux principales questions que vous pourriez vous poser sur ces articles, cela dans la mesure de mes moyens, mais je laisserai à Mme Cosse le soin de vous répondre dans le détail sur ces mesures. Quant au chapitre IV, il aborde l’élargissement du statut des métropoles qui sera largement évoqué, je n’en doute pas, au cours de cette audition.
Sans reprendre le récit détaillé de l’histoire mouvementée de Paris, il est essentiel d’appréhender ce texte comme une étape majeure du rapprochement du statut de cette ville si particulière du droit commun.
De 1789 à 1975, et à l’exception de brèves périodes, Paris est placé directement sous la tutelle de l’État. La commune est amoindrie, surveillée de près par le pouvoir central qui se méfie de cette ville et de son peuple aux inclinations révolutionnaires.
Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, ce « statut particulier » sera progressivement amendé, notamment par la loi de 1964 qui supprime le département de la Seine et crée les départements de Paris et de la petite couronne. Paris acquiert de ce fait un statut unique en France en devenant une ville-département.
Puis la loi de 1975 supprime notamment la tutelle de l’administration préfectorale et instaure l’élection du maire de Paris au suffrage universel indirect dès les élections municipales de 1977.
Par ailleurs, la loi du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, appelée communément loi « PML » ou « PLM », organise les élections municipales dans le cadre des arrondissements. Parallèlement, en matière de pouvoirs de police, plusieurs textes – de 1986 et 2002 – transfèrent certaines compétences du préfet de police au maire de Paris.
Le présent projet de loi vise pour sa part à prolonger voire à faire aboutir cette évolution institutionnelle et historique. Je vais vous en exposer les objectifs principaux en vous indiquant quelle est la volonté du Gouvernement à la suite des modifications apportées par le Sénat.
Le texte poursuit tout d’abord un objectif de simplification et de lisibilité avec la fusion de la commune et du département de Paris. La superposition de ces deux entités administratives distinctes sur un même territoire – siégeant soit en formation de conseil municipal, soit en formation de conseil départemental – est en effet une survivance héritée de l’histoire. La chambre régionale des comptes d’Île-de-France, dans son rapport de 2015, soulignait l’absence de réalité, tout autant que de notoriété pour les Parisiens, du département de Paris. Elle proposait une fusion destinée à mettre un terme à cette « fiction institutionnelle » coûteuse sur le plan budgétaire et illisible sur le plan démocratique.
Le Gouvernement a donc décidé d’engager cette réforme, qui facilitera la vie des Parisiens, des entreprises et des associations et qui, à terme, générera des facilités de gestion, par la suppression des deux budgets et l’unification des procédures de marchés publics. Cette nouvelle collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », exercera donc les compétences de la commune et du département à compter du 1er janvier 2019.
Le Sénat a accepté le principe de cette fusion et a même formulé certaines remarques d’ordre légistique plutôt intéressantes et que votre Commission pourra, si elle le souhaite, examiner en lien avec mes services. En revanche, la Haute assemblée a opéré d’autres modifications substantielles à la suite desquelles le Gouvernement souhaite rétablir le texte initial. Elles portent sur quatre aspects qui doivent accompagner le processus de fusion : les modalités de désignation des représentants de la Ville de Paris au sein des organismes extérieurs ; le règlement intérieur ; le rétablissement de la commission permanente, comme il en existe dans les conseils départementaux et régionaux ; enfin la suppression de la conférence des maires, instance inutile puisque le conseil de Paris assure la représentation des maires d’arrondissement et puisqu’il existe déjà un comité des arrondissements.
Par ailleurs, le projet de loi initial prévoyait de donner aux maires d’arrondissement davantage de marges de manœuvre en matière contractuelle ou, par exemple, en ce qui concerne les autorisations d’étalage et de terrasse. Sur ce point, le Sénat a opéré un changement de logique qui m’apparaît néfaste. Il repose en effet sur une dépossession massive des pouvoirs de la commune au profit des arrondissements, au mépris même du droit constitutionnel dans la mesure où les arrondissements n’ont pas de personnalité morale. Je souhaite être précis sur ce point et indiquer à votre Commission que le Gouvernement est fermement décidé – si, bien sûr, l’Assemblée en est d’accord – à revenir au texte initial en supprimant les dispositions modifiées par le Sénat qui accroissent les pouvoirs des maires d’arrondissement en ce qui concerne les autorisations d’utilisation du sol, les possibilités d’acquisition et d’aliénation d’immeubles dans le cadre du droit de préemption urbain, l’approbation du plan local d’urbanisme (PLU) par les conseils d’arrondissement à la majorité qualifiée, le versement des subventions aux associations, l’attribution des logements sociaux, l’entretien de la voirie, la possibilité de conclure une convention avec les communes limitrophes des arrondissements, la gestion de la petite enfance, la gestion de la restauration scolaire par les caisses des écoles et les modifications de calcul de la dotation de gestion locale et de la dotation d’animation locale.
Le projet initial comportait en outre la création d’un nouveau secteur électoral réunissant les quatre premiers arrondissements. Cette disposition a été supprimée par le Sénat et le Gouvernement tient vraiment à la rétablir dans les mêmes termes. Il s’agit en effet d’assurer une meilleure représentativité des conseillers de Paris ; cette mesure est cohérente avec les évolutions démographiques de la capitale et permettra à la ville de Paris de se conformer aux règles constitutionnelles en vigueur.
Cette répartition, déjà modifiée en 1982 et en 2013, fait aujourd’hui apparaître des écarts très importants. Aujourd’hui, le premier arrondissement compte un conseiller de Paris pour 17 000 habitants, le rapport étant d’un conseiller pour 11 000 habitants dans le deuxième arrondissement, alors qu’il est d’un pour 13 000 habitants en moyenne. Je m’en expliquerai plus longuement lors du débat en séance publique : le texte propose seulement de corriger ces déséquilibres par la création d’un nouveau secteur qui comptera toujours huit conseillers de Paris, mais pour 101 764 habitants, soit un siège pour 12 720 habitants. Ce faisant, nous nous rapprochons de la moyenne, étant entendu que, pour ce qui concerne les équilibres politiques, cette modification n’entraînera aucun bouleversement, le Gouvernement – et en particulier le ministre de l’Intérieur – y a été particulièrement attentif. Et si tant est que l’on puisse distinguer une incidence, celle-ci serait plutôt favorable à l’opposition qu’à la majorité du conseil de Paris.
Enfin, les pouvoirs de police sont exercés à Paris par le préfet de police depuis l’époque napoléonienne et l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII, toujours en vigueur. L’État souhaite conserver au préfet de police ces prérogatives spécifiques tout en poursuivant le mouvement de décentralisation engagé depuis les années 2000.
D’une part, cela permettra d’améliorer l’efficacité de la police de proximité – qui gagne toujours à être municipale. Le projet de loi prévoit donc de transférer au maire de Paris la police du stationnement, la police des baignades, la réglementation des manifestations sur la voie publique à caractère festif, sportif ou culturel et la police de la salubrité des habitations et hébergements. D’autre part, ce réaménagement substantiel permettra à l’État de rester centré sur ses missions essentielles relatives à la sécurité publique.
Le Sénat a globalement validé cette décentralisation accrue en prévoyant toutefois deux modifications sur lesquelles le Gouvernement souhaite également revenir.
La première est l’attribution de la compétence de police générale au maire de Paris, à laquelle le Gouvernement s’oppose avec force : la capitale est en effet confrontée à des enjeux de sécurité très spécifiques – protection de bâtiments officiels, organisation de très grands événements tels la coupe d’Europe de football, il y a peu, et peut-être bientôt les Jeux Olympiques – qui justifient une organisation particulière, et plus encore dans un contexte de menace terroriste permanente.
Le même souci d’efficacité a conduit le ministre de l’Intérieur à prévoir le transfert de la police des aéroports de Roissy et du Bourget au préfet de police. Le Sénat a voulu y ajouter la plateforme d’Orly, ce que ne souhaite pas le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve ; je m’en tiendrai donc à cette appréciation dès lors que cela relève exclusivement de son ressort. Je suis prêt néanmoins, en lien avec ses services, à répondre à vos interrogations sur le sujet.
J’ajoute, si besoin était, que le Gouvernement est opposé au transfert, adopté par le Sénat, d’une partie de la police de la circulation et du stationnement au profit de la région Île-de-France. Elle ne permettrait en effet en aucune manière d’assurer une meilleure cohérence de la circulation dans la région capitale, même si nous avons bien compris la problématique qui sous-tendait cet amendement.
Quelques mots encore sur les cercles de jeux qui relèvent aussi de la compétence du ministre de l’Intérieur. Le Gouvernement souhaite rétablir l’abrogation de leur statut juridique et mettre en place à titre expérimental, à Paris, une offre légale dans un cadre sécurisé, sur laquelle est revenu le Sénat. Le texte qu’il a adopté laisserait perdurer une structure contraire à la transparence des flux financiers. Vous savez là aussi, quelle que soit votre sensibilité, tout ce qui se cache derrière cette affaire. Si votre Commission en est d’accord, cet article pourrait être rétabli. Je sais, pour m’en être entretenu avec les rapporteurs, qu’il pourrait y avoir d’autres propositions de rédaction de l’article 28. Nous suivons de près cette question sensible.
En ce qui concerne le titre II sur les métropoles, j’entends m’attarder sur deux sujets essentiels. Au-delà des quinze métropoles existantes, le Gouvernement souhaite l’extension de ce statut aux agglomérations qui figuraient dans la version initiale du projet de loi à l’article 41, à savoir la communauté urbaine de Dijon et la communauté d’agglomération d’Orléans, qui réunissent la double condition de constituer une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants et d’être chef-lieu de région. Nous entendons également étendre le statut de métropole à la communauté urbaine de Saint-Étienne et à la communauté d’agglomération de Toulon qui sont des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 400 000 habitants. Le Gouvernement est en outre favorable aux amendements visant à accepter les communautés d’agglomération de Tours, Metz et Clermont-Ferrand dans le concert des métropoles. Ces dernières réunissent en effet la double condition, d’une part, de disposer d’une zone d’emploi de plus de 400 000 habitants et, d’autre part, de constituer un EPCI de plus de 250 000 habitants ou d’avoir été une capitale régionale avant la loi de janvier 2015.
Je sais qu’un tel élargissement – qui portera le nombre de métropoles à vingt-deux – ne fait pas consensus. Je soulignerai cependant que la loi de janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », n’entendait pas réserver ce statut aux trois seuls territoires urbains les plus peuplés, mais qu’elle l’a largement étendu, dès le départ, à des EPCI ayant des fonctions métropolitaines au sein de leur bassin de vie. Or les caractéristiques démographiques et économiques des sept territoires que je viens de mentionner les rendent accessibles à ce statut dans des conditions similaires à celles prévues par la loi MAPTAM. Cette extension permettra un maillage métropolitain sur l’ensemble du territoire et donc un rééquilibrage par rapport à la situation actuelle.
J’aborde pour finir un sujet ô combien sensible : l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains.
Je connais l’attachement de certains d’entre vous à cette réforme qui figure d’ailleurs dans la loi MAPTAM, laquelle prévoyait qu’une décision sur le mode de scrutin devait être prise avant le 1er janvier prochain, laquelle devait être éclairée par un rapport gouvernemental qui n’a pas été à ce jour réalisé. J’ai donc demandé qu’il le soit – le ministère de l’Intérieur s’y est engagé : vous l’aurez tout début janvier, et nous pouvons même espérer que vous le receviez comme cadeau de Noël fin décembre…
Il n’empêche que nous ne sommes pas, me semble-t-il, à même de trancher dans les délais impartis par la loi, et je tiens également compte, ce disant, des positions des présidents de métropoles qui, même s’ils m’ont affirmé être très majoritairement favorables à l’élection de tout ou partie des conseils métropolitains au suffrage universel, ne me semblent pas pressés – pour parler poliment – qu’une décision soit prise concernant une élection qui n’aura lieu qu’en 2020. Ils considèrent qu’il convient de prendre le temps d’examiner ce sujet de près. La question de la représentativité de l’ensemble des communes se pose avec force pour les présidents de métropole.
Lors de la discussion au Sénat j’ai fait mien un amendement présenté par Mme Benbassa, qui proposait un report de deux ans, ce qui me semblait plus réaliste compte tenu des échéances électorales de 2017. Je vous propose donc de reporter l’entrée en vigueur de l’article 54 de la loi MAPTAM au 1er janvier 2019.
Voilà, rapidement brossés, les principaux points que je souhaitais mentionner avant que nous n’engagions le débat. Le Gouvernement attache une grande importance à ce projet de loi qui simplifie l’action administrative locale, renforce la décentralisation et la déconcentration et qui s’inscrit dans l’ensemble des réformes institutionnelles du quinquennat.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Nous vous remercions pour votre présence, monsieur le ministre, et pour votre volonté de faire aboutir ce texte important. Je ne répéterai pas ce que vous venez d’exposer parfaitement ; aussi m’en tiendrai-je à une série de questions portant sur les points saillants du projet de loi.
Chacun ici le sait, le statut de Paris a toujours présenté des spécificités fortes par rapport à celui des autres grandes villes françaises, même si l’une des lois Defferre de 1982 a lié Paris, Lyon et Marseille en prévoyant pour ces trois villes une administration déconcentrée par arrondissements. La particularité de Paris tient à des considérations politiques, et notamment au souhait de maîtriser une ville qui s’est longtemps distinguée dans tous les mouvements révolutionnaires et qui reste un lieu d’expression, sinon de manifestation et de contestation privilégié du fait notamment de la concentration des pouvoirs sur son territoire.
Les spécificités de Paris tiennent aussi à sa démographie très dense. La ville regroupe 2,24 millions d’habitants sur 105,4 kilomètres carrés – soit trois fois plus que la ville de Marseille qui ne compte que 800 000 habitants. La densité parisienne – de 21 300 habitants par kilomètre carré – est l’une des plus fortes d’Europe, loin devant Londres – 5 400 habitants par kilomètre carré – et Berlin – 4 000 habitants par kilomètre carré. Dans ce contexte, les enjeux de sécurité, de mobilité, de logement ou encore d’accès aux services publics ne se posent pas dans les mêmes conditions que sur le reste du territoire. Cela me paraît important à rappeler tant nous avons parfois le sentiment de vivre, dans ce pays, sur un territoire plutôt homogène, alors qu’il n’en est rien.
Enfin, la capitale française, qui représente, avec Londres, l’une des grandes métropoles internationales – il y en a très peu en Europe –, est engagée dans une forte compétition pour mettre en valeur ses atouts, attirer les talents et donc stimuler le développement du pays. L’un des objectifs poursuivis par ce texte, comme l’ont souligné les élus de tous bords que nous avons pu auditionner au cours des dernières semaines, est d’aller plus loin et de soutenir la dynamique nationale et internationale de la capitale, bien réelle comme l’ont rappelé Mme Hidalgo, maire de Paris, et M. Carenco, préfet de région, que notre Commission a auditionnés la semaine dernière.
Pour cela, monsieur le ministre, nous vous soutiendrons dans la mise en œuvre des réformes permettant de rationaliser le fonctionnement de la ville de Paris.
Le texte contient par ailleurs un volet dédié à l’aménagement du territoire – qui repose désormais pour partie sur les métropoles. Vos propositions en la matière conviennent aux rapporteurs. En outre, des précisions pourront être demandées et des améliorations suggérées par nos collègues par voie d’amendement et les rapporteurs ne se priveront pas de cette possibilité, pour peu que leurs propositions se révèlent utiles à telle ou telle partie du territoire et recueillent un consensus local.
Je reviens sur les cercles de jeux. À l’occasion d’un texte qui pourrait paraître anecdotique, voire amusant, nous touchons à la fin d’un système né en 1923 et dont nous savons qu’il a été profitable à de nombreuses organisations relevant du banditisme, mais aussi à d’autres. Avec Jean-Yves Le Bouillonnec, les services de l’Assemblée et le service central des courses et jeux, nous avons visité le dernier grand cercle parisien, celui de Clichy-Montmartre, il y a deux jours. Nous avons pu alors mesurer toute l’incongruité d’un système qui permet à des entreprises réalisant quelque 13 millions d’euros de chiffre d’affaires de ne pas être soumises à l’impôt sur les sociétés puisqu’il s’agit d’associations. C’est dire le travail qui nous attend ici et dans l’hémicycle…
Parallèlement, nous souhaitons aussi, concernant les clubs de jeux, que l’expérimentation parisienne puisse être étendue aux autres territoires. En effet, le jeu clandestin existe partout et ce système est un moyen de limiter les parties clandestines et de permettre à l’État et aux collectivités de tirer des recettes fiscales de ces activités. C’est une proposition que Jean-Yves Le Bouillonnec et moi vous soumettrons et dont nous discuterons avec vous.
J’évoquerai un autre élément qui, je le sais, ne relève pas directement de votre responsabilité, monsieur le ministre ; mais comme vous l’avez dit, vous êtes entouré de collaborateurs d’autres ministères. Nous souhaiterions avoir l’ordonnance que prépare le ministère de l’Intérieur. Je l’ai déjà dit une dizaine de fois : si nous ne l’avons pas, nous écrirons nous-mêmes le texte.
Pour ce qui est de l’élection des élus communautaires au suffrage universel direct, nous prenons acte de ce que vous nous avez dit, mais nous regrettons d’en être réduits à cela. Vous nous dites avoir besoin de temps pour répondre à cette question ; mais cela fait deux ans que l’article 54 de la loi MAPTAM est en vigueur. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il n’y a guère eu de volonté d’avancer en ce domaine : beaucoup ne souhaitaient pas que le suffrage universel direct s’applique aux métropoles. Or nous maintenons que les structures qui, à l’avenir, géreront le plus d’argent et qui auront au fond le plus de responsabilités à l’égard de nos concitoyens, devraient quand même passer par le suffrage universel pour valider leur programme. Cela étant, nous avons entendu vos propos et attendons donc avec intérêt le rapport que vous allez nous fournir – avant Noël, avez-vous dit.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je prolongerai l’énoncé des questions que les deux rapporteurs souhaitent vous adresser, monsieur le ministre.
Le projet initial du Gouvernement prévoit la délégation de nouvelles compétences de la mairie centrale au profit des mairies d’arrondissement, notamment en matière de gestion des équipements de proximité. Le Sénat est allé beaucoup plus loin – peut-être même plus loin que ne l’envisageait l’opposition parisienne – en leur déléguant une nouvelle série de compétences, ce qui a pour effet, aux yeux des rapporteurs de la commission des Lois, de déséquilibrer les rapports entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement et de porter gravement atteinte à l’exigence de cohérence de la politique communale. Nous proposerons à notre Commission de revenir sur ces modifications qui ne semblent satisfaire personne. Toutefois, nous avons constaté que le dispositif parisien appliqué d’une manière plutôt informelle était sûrement, parmi les dispositifs en vigueur dans les trois grandes métropoles, celui qui allait le plus dans le sens de la loi PLM. Dès lors, serait-il possible d’étendre aux deux autres grandes métropoles, Lyon et Marseille, les nouvelles compétences confiées aux mairies d’arrondissement à Paris, qu’elles semblent pouvoir exercer de manière assez efficace ?
L’article 31 du projet de loi règle les modalités financières des transferts de compétences de la préfecture de police, c’est-à-dire de l’État, vers la ville de Paris. Le coût des nouvelles missions octroyées à la ville de Paris est estimé, selon l’étude d’impact, à 111 millions d’euros. Ayant interrogé le préfet de police, nous voudrions avoir des précisions sur les modalités d’évaluation de cette enveloppe. Pourquoi ne pas avoir procédé à une évaluation partagée des charges transférées, comme cela se fait habituellement lors des transferts de compétences, depuis la loi Chevènement relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ?
Le Gouvernement souhaite écarter l’aéroport d’Orly du nouveau dispositif qui place sous l’autorité du préfet de police les aéroports du Bourget et de Roissy. Nous comprenons qu’il faille sans nul doute différer la mise en œuvre d’une telle stratégie pour Orly en raison de l’incapacité de la préfecture de police à assumer la double responsabilité de l’aéroport, dans sa nouvelle configuration, et des territoires. Ne pourrions-nous néanmoins savoir dans quels délais précis le dispositif pourra être normalisé et s’appliquer également à l’aéroport d’Orly ?
L’article 41 du projet de loi initial proposait de créer quatre nouvelles métropoles au bénéfice des communautés urbaines de Dijon et de Saint-Etienne, ainsi que des communautés d’agglomération d’Orléans et de Toulon. Nous approuverons le rétablissement de ce dispositif et nous sommes en train d’évaluer la possibilité de permettre à Metz, Clermont-Ferrand et Tours d’accéder également à ce statut. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quel rôle doivent, selon vous, jouer les métropoles alors que nous nous apprêtons à en étendre fortement le nombre ? Quelles doivent être leurs relations avec la région et les départements concernés ? Ces nouvelles métropoles bénéficieront-elles des pactes État-métropole dont le financement est prévu par le projet de loi de finances pour 2017 en cours d’examen ?
M. le ministre. Je remercie tout d’abord les rapporteurs d’avoir souligné, comme je venais de le faire, la spécificité de Paris et d’avoir donné leur accord à la création de sept nouvelles métropoles. Il me semblerait souhaitable que la création des trois métropoles supplémentaires – Metz, Tours et Clermont-Ferrand – soit portée par un amendement des rapporteurs car au Sénat, je suis arrivé avec un article 41 prévoyant la création de quatre métropoles et c’est par la voie d’un amendement parlementaire, auquel j’ai donné un avis favorable au nom du Gouvernement, qu’ont été proposées les trois autres. Par conséquent, je crois qu’il serait bon de continuer selon la même méthode. Cela étant, est-il besoin que chaque création de métropole nouvelle fasse l’objet d’un amendement différent ? S’il y a un consensus entre le Gouvernement, la Commission et les rapporteurs, je pense que ces derniers pourraient utilement proposer un amendement global incluant les trois métropoles supplémentaires. Bien naturellement, le Gouvernement y sera favorable.
Les rapporteurs ont également évoqué des possibilités d’amélioration des métropoles, en dehors de ce qui est prévu dans ce texte de loi. M. Le Bouillonnec m’a interrogé plus précisément sur le rôle des métropoles et sur leurs relations avec le département. Nous avons effectivement choisi de ne pas nous en tenir à trois, quatre ou cinq métropoles extrêmement puissantes, considérant qu’il était utile pour la France d’avoir un maillage métropolitain qui couvre l’ensemble du territoire. Dès lors, il était souhaitable de créer un certain nombre de métropoles nouvelles. Cela n’est évidemment pas sans conséquence sur les relations avec la région et sur l’équilibre, qu’il faut désormais trouver, entre la région et la métropole. La loi NOTRe a porté création de régions beaucoup plus importantes en termes de taille et de représentativité démographique, mais également en termes de compétences. La création des métropoles aux côtés des régions n’est pas un événement banal et il faudra trouver la complémentarité entre l’État et la métropole ; et la question se pose avec davantage d’acuité encore en ce qui concerne les départements. Vous savez quelles sont mes convictions en la matière – les combats que j’ai menés pour le département – mais force est de constater que lorsqu’il y a une métropole très puissante sur certains territoires, au-delà de la région, il faut trouver les bons équilibres. D’ailleurs, le département où la question se pose le plus est le vôtre, monsieur le rapporteur Mennucci, puisque je crois que seules dix-neuf communes des Bouches-du-Rhône n’appartiennent pas à la métropole.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. C’est exact.
M. le ministre. Cela veut dire que le département n’est spécifiquement compétent que sur dix-neuf communes… Cela demande pour le moins réflexion et chaque dossier doit être instruit, en complémentarité avec la loi NOTRe, dans la tranquillité et en concertation avec l’ensemble des élus concernés – vous savez que c’est ma méthode. Mais vous avez raison, l’un et l’autre, de soulever ce genre de questions.
Concernant les cercles de jeux, le Gouvernement n’est pas, par principe, défavorable à l’idée d’étendre la règle aux territoires après expérimentation à Paris. Mais à ce stade, il est prématuré de l’afficher de manière ostensible. N’oubliez pas qu’en dehors de Paris, beaucoup de villes ont désormais des casinos et qu’une telle mesure ne manquera pas d’entraîner des réactions des casinotiers. Nous sommes donc favorables au principe qui sera énoncé dans l’exposé sommaire de l’amendement de rétablissement de l’article 28. Mais là encore, il faut que cela se fasse dans la tranquillité, la sérénité, la concertation et la discussion.
Le ministère de l’Intérieur s’est engagé à vous transmettre le contenu de l’ordonnance. Il vous fera donc passer – je suis rigoureux quant aux engagements que nous prenons – une fiche présentant les éléments structurants de l’ordonnance, fiche qui n’est pas encore rédigée, mais qui le sera dès demain soir. Je veux préciser que sur ce sujet, le Gouvernement est défavorable à une rédaction « en dur » dans la loi dans la mesure où l’élaboration de l’ordonnance nécessitera, là encore, une concertation avec la profession, qui n’a pas encore été engagée.
Enfin, nous avons évoqué le suffrage universel des élus communautaires lorsque nous nous sommes rencontrés dans les jours qui ont suivi ma nomination. Je n’ai pas à juger de la situation et m’en garderais bien. Mais nous avons constaté ensemble qu’effectivement, les engagements pris dans la loi NOTRe n’avaient pas été respectés. Je vous ai donc dit que je créerai les conditions, en liaison avec mon collègue et ami Bernard Cazeneuve, pour qu’ils le soient. Ce sera le cas, très rapidement, pour le rapport qui sera donc publié. Je vous ai promis que je soulèverai le sujet moi-même si personne ne l’évoquait, lorsque je viendrai présenter ce texte. Je savais que vous l’évoqueriez à l’Assemblée nationale mais je n’en étais pas sûr au Sénat. J’ai donc souhaité que ce soit fait car lorsqu’un problème se présente, le mieux est de l’affronter. La loi prévoit cette élection au suffrage universel : soit nous décidons de l’appliquer et enclenchons la procédure, soit le Parlement considère que la décision a été prise dans un moment d’enthousiasme effréné et qu’il n’était pas souhaitable qu’il en soit ainsi – toute une école soutient qu’il n’est pas opportun d’élire les conseillers communautaires au suffrage universel –, auquel cas il faut abroger l’article en cause. Nous en avons discuté et nous avançons sur le sujet mais, disons-le clairement, nous ne pourrons pas respecter les délais prévus par la loi. C’est pourquoi je propose de les reporter à 2019.
Monsieur le rapporteur Le Bouillonnec, vous avez évoqué les compétences des arrondissements de Paris et la possibilité de les étendre à Lyon et Marseille. La moindre des choses serait d’en parler avec les maires, les exécutifs, les élus de ces villes, c’est-à-dire l’ensemble des conseillers de Lyon et Marseille, et les parlementaires. Lorsque nous verrons quelle orientation se dégage de cette consultation, nous pourrons, si nécessaire, enclencher une évolution dans ce sens ; mais le texte que je vous présente, même s’il nous permet d’aborder d’autres sujets, ne concerne pour l’heure que Paris et les métropoles. Je reste néanmoins ouvert à la réflexion sur le sujet.
Concernant la compensation du transfert de charges de la préfecture de police à la ville de Paris, l’évaluation sera faite par convention selon des modalités particulières car la plus grande partie de la dépense est supportée par le budget spécial de la préfecture de police qui relève de la ville et non par l’État. Il s’agira donc de débaser le budget spécial au profit du budget général.
Enfin, s’agissant d’Orly, Roissy et Le Bourget, le texte est présenté ainsi. Le ministre de l’Intérieur est ouvert et comprend bien que dès lors qu’on fait évoluer les choses pour deux aéroports, le troisième devra lui aussi évoluer à un moment donné – que nous essaierons de préciser d’ici au passage du texte en séance publique. Mais la configuration spécifique de Roissy-Le Bourget, avec une forte urbanisation autour de l’aérogare, justifie cette réforme. À Orly, la configuration est différente ; pour l’heure, le ministre de l’Intérieur considère que la réforme n’y apporte pas de plus-value opérationnelle, ce d’autant plus qu’Orly est très lié aux aéroports de province.
M. Olivier Dussopt. Le groupe socialiste, écologiste et républicain voit avec plaisir arriver à l’Assemblée nationale ce texte important qui était attendu, notamment par les élus parisiens. Je tiens d’emblée à saluer le travail de la ville de Paris, en lien avec le Gouvernement et les parlementaires – notamment Sandrine Mazetier, députée de Paris présente parmi nous – pour faire en sorte que ce texte soit le plus opérationnel possible. Je voudrais aussi saluer le travail des rapporteurs qui ont pris le temps de rencontrer l’ensemble des acteurs politiques de Paris et de la métropole du Grand Paris.
Ce texte permettra de moderniser le statut de la ville de Paris en fusionnant la commune et le département pour créer une collectivité unique à statut particulier, ce qui simplifiera les démarches administratives, améliorera la lisibilité de l’action publique et facilitera la gestion de la ville. Il importe que Paris ait enfin une structure juridique qui soit à la hauteur de sa place en France, en Europe et comme ville-monde, pour reprendre l’expression désormais consacrée.
Le groupe SER, lors de l’examen de ce texte, sera attentif à plusieurs points particuliers.
Il convient tout d’abord que la ville de Paris soit garantie dans toutes ses prérogatives et dans toute sa force. Cela nécessitera, comme cela a été dit par les rapporteurs et par M. le ministre, de rééquilibrer le texte issu du Sénat et de revenir sur certaines dispositions qui déstabilisent beaucoup trop la répartition des pouvoirs entre les mairies d’arrondissement et la mairie centrale. Certains sujets comme l’action sociale, les politiques éducatives, les subventions aux associations et le logement nécessitent, pour la cohésion sociale et le développement de Paris, d’être traités à l’échelle de la ville tout entière et non pas d’être confiés uniquement à l’échelle des arrondissements qui, cela a été rappelé, n’ont pas de personnalité morale. Nous soutiendrons bien évidemment les amendements qui permettront le rétablissement du texte gouvernemental.
Nous porterons également une attention particulière à la modernisation de la répartition des pouvoirs de police entre la préfecture de police de Paris et la ville de Paris. Le fait que le préfet de police ait également compétence sur l’agglomération nécessite de notre part une certaine prudence dans les modifications que nous introduisons de manière à ne pas créer de distorsions entre Paris et les communes voisines. Il nous faut aussi être prudents en matière de gestion des transferts : certaines dispositions prévoient des périodes transitoires, notamment pour le personnel. Il convient également de corriger certains ajouts un peu baroques du Sénat, dont un qui aurait privé et la préfecture de police de Paris et la ville de Paris de la gestion des voies sur berges – car tout le monde aura compris ce qui se cache derrière cet amendement sénatorial.
Autre point important : l’équilibre démocratique. Nous soutiendrons la création d’un secteur unique pour les quatre premiers arrondissements. D’ores et déjà, des coopérations extrêmement fortes se sont instaurées entre ces arrondissements, qui en facilitent la fusion. Surtout, cela nous rapprochera du principe d’égalité des suffrages dans la mesure où l’écart de population entre l’arrondissement le moins peuplé et l’arrondissement le plus peuplé a explosé, passant de 3,9 en 1872 à 13,9 en 2015. L’écart entre conseillers de Paris par arrondissement varie de +24 % pour le 1er arrondissement à -19 % pour le 2e arrondissement, ce qui n’est pas acceptable non plus au regard du principe précité.
Certaines autres dispositions du texte nous semblent très utiles, à commencer par celles qui visent les cercles de jeux. Il faut en effet en finir avec un modèle devenu anachronique – pour user d’un euphémisme – et en venir à un système permettant, d’une part, une expérimentation qui sera sûrement utile à d’autres territoires et, d’autre part, d’assurer une certaine transparence et de faire en sorte que le jeu à Paris puisse se développer dans des conditions acceptables par tous.
Sont également utiles les dispositions relatives à l’aménagement qu’il faut certainement améliorer, conforter et élargir : je pense notamment aux opérations qui doivent être organisées et prévues autour de la gare du Nord. Cela nécessitera peut-être de réfléchir à la capacité, que n’a pas aujourd’hui la SNCF, d’intégrer des sociétés d’économie mixte (SEM) à opération unique, ou encore à la nécessité de prévoir la structure qui portera l’organisation des Jeux Olympiques et, en premier lieu, la candidature parisienne à ces jeux. En matière d’aménagement, il est utile, pour Paris comme pour d’autres territoires comme La Défense, que des dispositions relatives à la maîtrise du foncier et à l’aménagement urbain soient prévues dans ce texte.
En ce qui concerne l’aménagement métropolitain, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra le rétablissement des quatre projets de création de métropoles prévus par le texte gouvernemental à Saint-Étienne, Toulon, Orléans et Dijon. Il soutiendra aussi la création de trois métropoles supplémentaires à Clermont-Ferrand, Metz et Tours. Si nous comprenons le souci de cohérence du Gouvernement, je persiste à penser que le dépôt d’un amendement par ce dernier pourrait être opportun dans la mesure où la création, par amendement parlementaire, de trois nouvelles intercommunalités dotées de prérogatives particulières, telles que le sont les métropoles, pourrait se heurter à un problème de recevabilité financière.
Nous devons – et je sais que c’est l’objectif du Gouvernement et des rapporteurs – déterminer la liste de ces nouvelles métropoles à l’aide de critères suffisamment clairs pour ne pas aller au-delà des vingt et une ou vingt-deux métropoles que nous allons créer dans le cadre de la loi MAPTAM, du décret créant la métropole de Nancy et du sillon Lorrain et de ce nouveau texte. Il serait assez surprenant, pour ne pas dire plus, que la France en vienne à compter plus de métropoles que toute l’Europe réunie ; nous devons aussi faire attention aux autres éléments du statut de métropole. Vous en avez notamment évoqué la relation particulière avec les régions, monsieur le ministre. Le rapporteur de la loi NOTRe, que j’ai été, a en tête que le degré de prescriptibilité des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) n’est pas le même pour les métropoles que pour les autres intercommunalités. Cette remarque vaut aussi pour le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). L’autre spécificité tient au lien entre les métropoles et les départements : en vertu des lois MAPTAM et NOTRe, les métropoles et les départements sont tenus d’arriver à un accord sur la délégation, par les départements aux métropoles, de certains blocs de compétences que la loi a définis. À défaut d’accord, un nombre minimal de blocs sont automatiquement et intégralement délégués. Nous savons qu’en certains points du territoire – je pense notamment à l’Hérault –, le dialogue n’est pas évident entre la métropole et le département. Or la même discussion s’ouvrira inévitablement à chaque fois que nous permettrons la création d’une métropole ; et dès lors que se pose la question d’une délégation de compétences aussi étendue, non plus dans neuf ou quatorze, mais dans vingt et un ou vingt-deux départements sur le territoire, celle de l’homogénéité de l’échelon départemental peut aussi se poser. Il nous faudra donc veiller à ce la liste de métropole puisse être définitivement arrêtée grâce aux critères que nous aurons définis.
Sur la question du suffrage universel direct, enfin, nous regrettons que le rapport prévu par la loi MAPTAM ne soit pas arrivé plus tôt devant le Parlement mais vous avez pris l’engagement, monsieur le ministre, qu’il lui soit présenté bientôt. En tout état de cause, malgré l’attachement très fort – et légitime – de certains de nos collègues à cette question, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra le report que vous proposez – à condition qu’il s’agisse bien d’un report et non d’un enterrement.
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, vous avez parlé clair et juste dans la présentation de ce texte en rappelant qu’il s’agissait pour notre ville d’en revenir, pour l’essentiel, au droit commun des collectivités, dans le respect de ses spécificités de capitale. Le Gouvernement souhaite accompagner une déconcentration des pouvoirs et une meilleure organisation entre la ville et les arrondissements, mais aussi entre la préfecture de police et la ville, pour le plus grand bénéfice des Parisiens – de nombreuses actions étant plus efficaces quand elles se décident et se gèrent dans la proximité. Il importe en même temps de rappeler, en particulier dans un contexte où le risque terroriste demeure à un niveau élevé, qu’il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause les prérogatives de sécurité publique du ministère de l’intérieur et de la préfecture de police.
Je vous remercie également d’avoir insisté sur le souci d’équilibre démocratique et politique qui anime cette réforme, et d’avoir souligné cette volonté d’accompagner les mutations et les évolutions démographiques qui ont créé des déséquilibres de représentation démocratique. Cette réforme se fait dans l’apaisement et le respect des équilibres politiques de la capitale. Cette évolution tranquille et de bon sens tranche énormément avec les amendements adoptés au Sénat à l’initiative de la droite et qui seront, j’imagine, repris par certains de nos collègues du groupe Les Républicains au cours des débats de notre assemblée. Le contraste est énorme car la droite propose, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, d’en revenir à de vieilles pratiques que les Parisiens ont condamnées au tournant du siècle, déterminés à se débarrasser du pouvoir discrétionnaire d’attribution de subventions et de logements qui était à la main des maires d’arrondissement dans une opacité qui a entraîné les dérives que l’on sait.
Si nous suivions la logique proposée par la droite sénatoriale, et reprise par une partie de la droite à l’Assemblée, nous serions confrontés aux mêmes dérives. En matière de sécurité, des sommets sont atteints : demander la création d’une police municipale exerçant les mêmes prérogatives que dans d’autres villes est totalement irresponsable, compte tenu des enjeux de sécurité de la capitale et de la densité de la zone. Le préfet de police de Paris a une responsabilité à l’égard non seulement des Parisiens mais aussi de l’ensemble des habitants de l’agglomération et, d’une certaine manière, de l’ensemble des Françaises et des Français ainsi que des millions de touristes qui fréquentent notre ville « belle et rebelle », comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Pour finir, je vous remercie d’avoir annoncé par avance que le Gouvernement souhaitait revenir à l’équilibre initial du projet de loi.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous nous interrogeons toujours sur les raisons qui ont motivé l’inscription en urgence de ce projet de loi à l’ordre du jour pourtant chargé de notre assemblée, à quelques semaines de la fin de la législature.
Cette raison serait-elle la fusion de la ville et du département de Paris ? Je ne le crois pas puisque cette mesure technique est déjà quasiment en vigueur dans la pratique et ne relève pas véritablement de l’urgence.
Serait-ce le transfert de compétences de l’État vers la ville, pour mieux assurer certaines fonctions au profit des Parisiens, notamment en vue d’améliorer leur sécurité et leur tranquillité ? Je ne le crois pas non plus, tant les compétences transférées sont réduites à la portion congrue, y compris d’ailleurs dans le domaine important de la circulation.
Serait-ce le transfert de compétences de la ville vers les arrondissements, afin d’offrir un meilleur service de proximité aux Parisiens ? Pas davantage : les transferts concédés du bout des lèvres par la maire de Paris sont mineurs, ils ne permettent pas d’identifier une ligne directrice dans cette révision du statut de la capitale d’autant que les pratiques décentralisatrices constatées sur le terrain contredisent chaque jour un peu plus le discours décentralisateur qu’elle tient.
Serait-ce la simplification de l’architecture institutionnelle francilienne qui enchevêtre les compétences des différentes collectivités, pour plus d’efficacité et moins de dépenses de fonctionnement ? Malheureusement non, puisque ce projet ne concerne ni la région ni la métropole du Grand Paris.
Quelle est donc la raison qui motive l’inscription de ce texte à notre ordre du jour ?
Concrètement, la seule mesure significative du projet est la fusion des quatre arrondissements centraux. Une mesure qui n’a pas pour objet l’intérêt communal ou l’intérêt des Parisiens mais qui permet à l’exécutif de ménager et de contenir une « gauche de la gauche » potentiellement rivale, en offrant à Mme Hidalgo une circonscription redécoupée sur mesure dans laquelle elle pourra nourrir l’espoir d’emporter en 2020 la mairie avec la majorité des voix des Parisiens – ce qui n’avait pas été le cas lors de son élection de 2014.
Fusionner dans un secteur unique les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements n’a rien de neutre politiquement, contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire. Cela revient à transformer le centre de la capitale en forteresse du socialisme municipal. En 2014, il n’aura manqué que 55 voix à la droite pour remporter le 4e arrondissement – et dans des conditions telles qu’elles ont fait l’objet d’un recours ; en 2020, à périmètre constant, ce sont près de 3 000 voix qui manqueront à la droite pour l’emporter dans le nouveau secteur unique ! Preuve que cette fusion n’a d’autre but que de bétonner politiquement le centre de Paris.
C’est donc d’une réformette électorale et partisane que le Parlement a été saisi. Et c’est ce qui a amené nos collègues du Sénat, début novembre, emmenés par le sénateur de Paris Pierre Charon, à corriger et muscler le texte par des modifications qui nous paraissent pertinentes. Je voudrais revenir brièvement sur trois d’entre elles.
Premièrement, les sénateurs ont, comme nous le souhaitions, supprimé la fusion des quatre arrondissements du centre en un secteur unique, la jugeant motivée, on l’a bien compris, par des fins politiques personnelles. La répartition actuelle des conseillers de Paris entre arrondissements a été explicitement validée par le Conseil constitutionnel : que l’on ne nous parle donc pas d’un problème qui n’existe pas. Et si le Gouvernement et sa majorité étaient si soucieux de remettre à plat les questions de représentativité, ils ne se préoccuperaient pas seulement des arrondissements de Paris. Auraient-ils donc l’intention de fusionner toutes les communes de la métropole dont la population est inférieure à 20 000 habitants ? La question est posée ; et naturellement, les maires devraient en être informés…
Deuxièmement, les sénateurs ont cherché à mettre les compétences au bon niveau, pour résoudre les problèmes réels auxquels sont confrontés les Parisiens tous les jours. C’est dans cet esprit qu’ils ont proposé l’attribution aux arrondissements d’une compétence sur les sujets de proximité tels que le nettoyage, l’entretien et la réfection des voiries, la mise en œuvre des actes d’acquisition et de préemption, la délivrance des permis de construire ainsi que des autorisations relatives aux élagages et aux terrasses, les services de la petite enfance et de la restauration scolaire, l’attribution des logements sociaux ainsi que des subventions aux associations concernant le seul arrondissement.
Pourquoi cela ? Non pour faire plaisir aux maires d’arrondissement, mais parce que c’est à cette échelle-là que les choix sont les plus pertinents ; et c’est d’ailleurs à cette échelle-là que les Parisiens interpellent leurs élus en se tournant naturellement vers leur maire d’arrondissement. Certes, il faut trouver le bon dosage et la bonne méthode ; ce pourrait être un bel exercice pour notre Commission que de prolonger le travail entamé au Sénat : entre la situation actuelle où les arrondissements n’ont strictement aucun pouvoir, et leur transformation en communes de plein exercice, il y a suffisamment d’espaces pour trouver un équilibre. À cet égard, l’évolution proposée par le Sénat est encourageante.
Troisièmement, la même approche a prévalu en ce qui concerne la police. La préfecture de police est aujourd’hui mobilisée en priorité, et c’est bien normal, par les questions de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme, ce parfois au détriment de ce que l’on pourrait appeler la police quotidienne – la lutte contre les dégradations volontaires ou les petits trafics, les tapages, la vente à la sauvette, la mendicité agressive, la gestion de la circulation. Je veux parler d’infractions qui se situent dans un entre-deux, allant plus loin que les incivilités dont la maire de Paris a parlé dans son audition et moins loin, bien sûr, que le terrorisme. Elles ne sont pas prises en compte et les Parisiens ne reçoivent pas les services auxquels ils ont droit. La priorité va être donnée aux PV, ce qui permettra sans doute de renflouer pour partie les caisses de la ville, mais ne répondra pas aux urgences des Parisiens.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons le dispositif adopté par le Sénat, un dispositif semblable à celui appliqué en petite couronne. Le préfet de police de Paris conserverait une compétence en matière de sécurité intérieure, mais la ville de Paris disposerait d’une police municipale, qui compléterait l’action de la préfecture de police pour le type d’infractions que j’évoquais.
Je pourrais aborder bien d’autres sujets encore. La vérité, c’est qu’une grande loi sur le statut de Paris devrait forcément intégrer une réflexion sur la région, sur la métropole et d’importants transferts, aussi de bien de l’État vers la ville de Paris que de la ville vers les arrondissements. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec un texte sans périmètre approprié, sans contenu autre qu’une mesure politique destinée à des fins personnelles.
M. Philippe Briand. Monsieur le président, nous vous remercions, avec Serge Grouard, de nous accueillir au sein de votre Commission. Nous remercions aussi M. le ministre pour le travail important que nous avons pu mener avec lui autour de nos projets.
Je tiens à souligner l’extraordinaire mobilisation de tous les acteurs d’un territoire. On oppose souvent la métropole aux territoires ruraux. En Touraine, le projet métropolitain a été voté à l’unanimité non seulement par la communauté d’agglomération, mais aussi par le conseil général, droite et gauche, monde urbain et monde rural confondus. Il a été également approuvé par tous les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, qui ont vu là une chance formidable pour le département de trouver un moteur de croissance et un levier pour l’aménagement du territoire dans la région Centre : jusqu’à présent, les métropoles sont principalement périphériques – elles partent de Lille, elles suivent la mer, elles descendent vers Marseille et elles remontent le sillon rhodanien. En termes d’aménagement du territoire, il y avait un travail à faire pour le cœur de la France. C’est ce que nous avons fait chez nous : nous avons adopté notre projet métropolitain, puis nos chartes de gouvernance. La mobilisation a été impressionnante.
À l’issue de l’adoption du présent projet de loi, la région Centre comptera selon toutes probabilités deux métropoles : Orléans et Tours, deux territoires qui s’entendent, et qui ont la bénédiction du conseil régional.
J’aurai une question, monsieur le président : au lieu de laisser chacun déposer son petit amendement, ne serait-il pas mieux qu’un amendement général soit présenté, qui reprendrait les quatre métropoles de Dijon, Orléans, Saint-Etienne et Toulon, et les trois dernières, Tours, Metz et Clermont-Ferrand ? Il pourrait émaner soit des rapporteurs, soit du ministre lui-même, ce qui aurait une portée symbolique forte.
M. Serge Grouard. À mon tour, monsieur le président, de vous remercier d’accueillir deux membres de la commission de la Défense dans votre réunion de la commission des Lois. À mon tour aussi de vous remercier, monsieur le ministre, pour votre esprit d’ouverture et de cohérence pour la partie qui nous concerne, nous provinciaux : la question des métropoles. Cela fait des années – M. Dussopt s’en souvient – qu’Orléans souhaite bénéficier du statut de métropole et j’ai été très heureux d’entendre vos propos positifs.
La création de nouvelles métropoles permet une mise en cohérence à l’échelon régional : Orléans et Dijon, par leur nouveau statut, pourront être à parité avec les capitales de leur région respective.
En outre, dans la région Centre, elle permet un rééquilibrage des territoires. Le très grand centre français était jusqu’à présent dépourvu de métropoles, qui se situent avant tout en périphérie comme l’a souligné Philippe Briand – la carte est très parlante. Le maillage territorial sera désormais plus harmonieux.
Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’avoir bien voulu rétablir l’article 41 supprimé par nos collègues du Sénat.
Quant à la proposition que vous avez formulée pour l’article 42 nouveau, elle me paraît très pertinente. Orléans et Tours sont des villes jumelles : si l’une avait le statut de métropole et l’autre pas, me mettant à la place de nos amis tourangeaux, je trouverais quelque injustice à cette situation. Vous prenez en compte les demandes qui ont été formulées. Dans nos territoires respectifs, nous souhaitons faire vivre ce statut et mettre à profit la dynamique qui en résultera, une envie qui dépasse largement les clivages politiques.
Je terminerai par l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution évoquée par M. Dussopt. Je ne voudrais pas que tout vienne à s’effondrer au dernier moment après un si long cheminement et tant d’énergie dépensée. Si vous pouviez nous rassurer sur ce point, monsieur le président, nous ressortirions de cette réunion totalement détendus et sereins. Nous souhaitons que le processus aille à son terme et nous veillerons à l’accompagner.
M. Philippe Goujon. Le modeste maire d’arrondissement que je suis prend la parole en dernier ; c’est à peu près le même sort qui nous est réservé dans le projet de loi qui nous est soumis… Nathalie Kosciusko-Morizet a d’ailleurs fort bien démontré que ce texte n’avait pour seul objet que des préoccupations électoralistes et politiciennes.
Il répond à une injonction adressée par la maire de Paris au Président de la République et au Gouvernement, car voyant la situation politique se dégrader au niveau régional et national, elle cherche à se « bunkériser » dans son beffroi de l’Hôtel de Ville – pas très efficacement d’ailleurs.
Ce texte est une occasion manquée : on ne réforme pas le statut de Paris sur un coin de table après l’examen d’un simple vœu, examiné à la va-vite, suivi d’un projet de loi voté en catimini, en fin de législature, après un engagement de la procédure accélérée que vous aurez beaucoup de mal à justifier. Ce texte est un fourre-tout, qui va d’une énième modification du statut de la métropole du Grand Paris – comme si nous n’en avions pas eu assez depuis quelques mois – et des métropoles en général, jusqu’à la création de casinos dans la capitale ! Si c’est cela, le principal fondement du texte, c’est assez pathétique.
Nouvelle occasion manquée pour sortir Paris de sa tutelle, ce projet de loi ne s’attaque pas au bon sujet ; il ne va pas assez loin. Bref, beaucoup de bruit pour rien !
Faire vivre à Paris la démocratie locale aurait exigé que son statut particulier, inhérent à toute capitale, n’empêche pas la ville de fonctionner démocratiquement au niveau local. Un deuxième niveau de décentralisation aurait été nécessaire : cela aurait supposé d’attribuer des compétences aux maires d’arrondissement. Or celles-ci sont pratiquement absentes du texte. Ils sont pourtant devenus en trente-cinq ans les véritables interlocuteurs des habitants, et c’est sans doute l’une des principales réussites de la loi PLM que d’avoir su les faire exister.
Les maires d’arrondissement sont pleinement reconnus comme échelon principal de proximité mais ils sont pris en étau : les Parisiens les considèrent comme des maires de plein exercice alors qu’ils n’ont pas les pouvoirs de répondre à toutes les questions du quotidien et sont de surcroît frappés par la règle du non-cumul des mandats. C’est la double peine… Pourtant, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée sur mon amendement visant à ce que les maires d’arrondissement échappent à cette règle. Comprenne qui pourra !
Pour que les maires d’arrondissement ne soient plus des « géants politiques et des nains administratifs », selon les termes du professeur Michel Verpeaux, il est temps aujourd’hui d’en faire vraiment les « interlocuteurs naturels des habitants », pour reprendre la formule qu’utilisait Bertrand Delanoë lorsqu’il était maire – sans avoir fait beaucoup pour la rendre effective.
Nous nous réjouissons des avancées sénatoriales. Notre assemblée doit les maintenir, même si elle peut apporter aussi des améliorations au texte : nous sommes tout prêts à ouvrir le débat, si toutefois il n’est pas censuré par avance.
Ce projet de loi doit être l’occasion de confirmer les compétences nouvelles qui sont données aux maires d’arrondissement, au-delà de la réforme a minima contenue dans le projet de loi initial.
Il importe d’élargir aux maires d’arrondissement la délégation par la mairie centrale de la compétence « propreté » et « voirie » – on se demande vraiment pourquoi la maire de Paris devrait décider du coin de rue à balayer –, et de leur transférer l’attribution des subventions aux associations et des logements – c’était d’ailleurs un projet de Bertrand Delanoë, qui n’a pas pu aboutir. À ce propos, je n’ai pas compris la diatribe de Mme Mazetier qui, n’ayant jamais été maire d’arrondissement, ne connaît pas forcément ce sujet. Depuis la loi PLM, l’attribution des logements suit la même procédure.
Mme Sandrine Mazetier. Bien sûr, la procédure d’attribution des logements est connue pour être totalement transparente dans le 15e arrondissement…
M. Philippe Goujon. Adressez plutôt vos critiques à mon prédécesseur. Nous ne remettons pas en cause les commissions d’attribution de logements, nous voulons aller vers plus de décentralisation en permettant aux maires d’arrondissement de disposer réellement d’un contingent de logements à attribuer. Les dérives que vous avez évoquées viennent sans doute davantage de la mairie centrale que des maires d’arrondissement qui n’ont jamais eu davantage de pouvoirs en ce domaine.
Mme Sandrine Mazetier. M. Tibéri le confirmera !
M. Philippe Goujon. Dans ce périmètre élargi, pensons encore à la compétence des services de la petite enfance situés dans l’arrondissement ou encore à la confirmation de la possibilité pour les caisses des écoles de gérer la restauration scolaire, tous domaines qui font l’objet d’une volonté effrénée de recentralisation de la part de la mairie de Paris. Il en va de même pour les centres d’action sociale d’arrondissement, les conservatoires de musique et j’en passe.
Les amendements sénatoriaux procèdent également à une réforme opportune du calcul de la dotation de gestion locale à l’article 16 bis et de la dotation d’animation locale. Ils ont permis la suppression de la commission permanente, instance qui a pour seul objet de retirer tous ses pouvoirs au conseil de Paris afin de les confier à quelques happy few regroupés autour de la maire de Paris.
J’en viens aux pouvoirs de police. La frilosité dont fait preuve le texte est remarquable. Avez-vous donc peur, monsieur le ministre, que de nouveaux sans-culottes marchent sur l’Élysée ou Matignon ? Comment pouvez-vous vous prétendre décentralisateurs et maintenir l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII qui continue d’organiser les pouvoirs de police à Paris ? Plus de deux siècles après, les Parisiens se sont calmés… Ils n’ont sans doute pas l’intention de brandir des fourches et des piques pour faire trembler le pouvoir central. Ils ont à leur disposition des moyens plus démocratiques pour cela.
Une police municipale est aujourd’hui indispensable, comme dans les autres capitales mondiales ou les plus importantes villes de province, pour assurer une mission qui ne l’est plus : garantir la tranquillité publique, qu’il faut distinguer de la sécurité générale. La préfecture de police est totalement accaparée, et personne ne l’en critique, par sa mission première : la lutte contre la criminalité et le terrorisme et le maintien de l’ordre public. La création de cette police municipale est d’autant plus urgente que la préfecture de police ne peut plus assumer vraiment sa mission de veiller à la tranquillité publique : l’îlotage a disparu et les désordres de voie publique sont récurrents.
J’appelle l’attention sur une mission qui n’est plus assurée depuis des années par la préfecture de police – et je ne vois pas comment elle voudrait conserver une fonction qu’elle n’exerce plus. Je veux parler de la circulation.
Les conditions de circulation à Paris sont devenues inextricables et la récente fermeture de la voie sur berges n’a pas arrangé les choses. Il est indispensable de mettre en place une police de la circulation, à l’instar de celle qui existe dans la plupart des capitales où c’est le rôle de la police municipale. Or l’article 21 instaure une répartition kafkaïenne des compétences liées à la réglementation de la circulation et du stationnement, totalement impraticable tant elle est devenue confuse.
La solution pour à la fois restaurer la tranquillité des Parisiens et tenir compte du statut particulier de la capitale a été trouvée par le rapporteur du Sénat : la préfecture de police conserverait ses missions de maintien de l’ordre public, de lutte contre la criminalité et le terrorisme tandis que le maire de Paris aurait la compétence de la tranquillité publique, déjà dévolue aux maires de province par la loi relative à la prévention de la délinquance. Les agents de surveillance de Paris seraient ainsi amenés à assurer des fonctions comparables à celles des policiers municipaux des villes de petite couronne et constitueraient une police municipale armée à l’instar de celle des grandes villes françaises et des capitales européennes.
Enfin, transférer les agents de surveillance de Paris à la ville de Paris est une opération lourde, qui ne pourrait se justifier que par la création d’une police municipale formée par ces ASP et les quelque 2 000 agents municipaux – inspecteurs de sécurité de la ville de Paris (ISVP), agents d’accueil et de surveillance (AAS), etc. – relevant de la direction de la prévention, de la sécurité et de la protection. Cela éviterait à la mairie de Paris et à la préfecture de police d’engager un budget supplémentaire puisque ces personnels existent déjà.
Je conclurai, mes chers collègues, en vous exhortant à ne pas mettre en péril l’équilibre satisfaisant auquel le Sénat, dans sa sagesse, est parvenu en améliorant très judicieusement ce texte, grâce aux amendements de notre collègue Pierre Charron, pour le doter de l’esprit réformateur qui lui manquait, sans aller aussi loin que Gaston Defferre qui avait proposé dans la première version de la loi PLM de faire des mairies d’arrondissement de Paris des mairies de plein exercice.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Donnez-nous donc le nom du coupable qui a refusé cette réforme ? Il s’agit du très respecté Jacques Chirac !
M. Philippe Goujon. Il est tout de même étonnant de vous entendre dire que c’est le maire de Paris de l’époque qui a obligé l’actuel gouvernement de François Hollande à reculer… C’est vraiment lui donner beaucoup d’importance.
M. le président Dominique Raimbourg. Je vous invite à prendre la parole, monsieur Le Bouillonnec, pour apporter une précision à propos de l’article 40 de la Constitution.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. M. Briand et M. Grouard ont fait part de leurs inquiétudes. Le Gouvernement vient de réitérer son intention de créer les quatre premières métropoles et de donner son accord pour la création des trois autres, le problème de l’article 40 ne se pose donc plus. Il n’y a donc aucune ambiguïté là-dessus. Qu’ils soient donc rassurés.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Compte tenu de la notoriété de M. Goujon et du sérieux qu’on lui accorde généralement, je ne voudrais pas que ses propos sur les cercles de jeux soient repris. Je tiens à le dire avec la plus grande fermeté : le projet de loi n’a aucunement vocation à créer des casinos dans Paris ; il se borne à modifier le régime des cercles de jeux. Leur statut associatif leur permet à la fois d’échapper à tout prélèvement au titre de l’impôt sur les sociétés et d’organiser une fuite de leurs capitaux. Nous voulons qu’ils puissent être contrôlés par le service central des courses et des jeux de la même manière que les casinos. En votant ces dispositions, notre assemblée fera œuvre de salubrité. Je suis d’ailleurs un peu surpris que le Sénat ait traité cette affaire aussi légèrement. Je vous conseille de faire un tour dans ces cercles pour voir comment les choses se passent – nous y sommes allés avec le service central des courses et jeux. Il ne faudrait pas que les maires des communes où sont implantés des casinos aient le sentiment que nous voulons leur créer une quelconque concurrence alors que nous essayons seulement d’assainir le système et de limiter les parties clandestines qui se multiplient dans tout le pays, y compris à Paris. Quand vous saurez que, dans un seul cercle de jeux parisien, plus de huit cents personnes jouent au cours d’une même soirée, vous comprendrez que la question n’est pas uniquement anecdotique !
M. Philippe Goujon. Que ce soit bien clair : nous ne voulons ni des uns ni des autres !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Fraternellement, je veux par ailleurs faire remarquer deux choses au ministre qui a mis en avant la nécessité du consensus. Premièrement, pour qu’il y ait consensus, encore faut-il que les acteurs concernés manifestent la volonté de discuter ensemble. Ceux qui sont convoqués devant la commission des Lois, doivent venir devant elle. Certains font comme si cette affaire n’existait pas. Ils auront encore une chance de s’exprimer devant nous mardi prochain ; mais s’ils ne viennent pas, ils ne pourront pas ultérieurement arguer du fait qu’il n’y aurait pas eu de discussions, car, depuis un mois, nous leur avons envoyé des convocations à plusieurs reprises.
D’autre part, monsieur le ministre, parmi les dispositions que vous proposez que l’Assemblée nationale vote s’agissant de la ville de Paris, certaines, minoritaires, relèvent de la loi PLM et non des dispositions de police spécifiques à Paris. La plupart d’entre elles sont tout à fait normales et acceptables pour tout le monde. Après tout, après trente ans d’application de la loi, il semble tout à fait normal que les maires d’arrondissement puissent donner leur avis sur l’installation d’une terrasse de café. Sur ces questions, les parlementaires sont unanimes. Quant aux municipalités qui répugnent à discuter avec nous parce qu’elles estiment qu’il ne faut pas parler avec ceux qui ont perdu les élections municipales, elles devraient prendre exemple sur Mme Nathalie Kosciusko-Morizet qui n’a jamais hésité à exprimer ses positions, même devant Mme Anne Hidalgo – ce qui correspond à l’idée que je me fais de la démocratie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Patrick Mennucci a parlé d’assainir le système des jeux ; c’est peut-être l’occasion de purger une question un peu sensible, mais sur laquelle nous n’avons pas pu obtenir de réponse de la part de la maire de Paris. Au groupe Les Républicains du conseil de Paris, avec mon collègue, Jean-François Legaret, nous avons reçu le préfet Duport qui avait été chargé par le ministre de l’Intérieur de rédiger un rapport relatif à l’offre légale des jeux à Paris. Au moment de nous quitter, il nous a laissé sa carte de visite, mais il s’est trompé… Il nous a en remis une qui mentionnait : « Conseiller d’Unibail ». Comme Unibail est impliqué dans l’exploitation du Forum des Halles et dans le projet de la Tour Triangle, et que nous apprenons maintenant que ce groupe s’occupe des casinos, nous nous sommes demandés si cela entrait dans la grande opération d’assainissement et de salubrité souhaitée par le Gouvernement.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je ne connais pas M. Duport. J’ai lu son rapport que j’ai trouvé plutôt intéressant. En tout cas, je vous prie de croire que nous ne cherchons qu’à assainir la situation afin que seules des sociétés qui auront reçu une validation du ministère de l’intérieur puissent gérer les cercles de jeux. Ce n’est pas que nous désirions que les gens jouent, mais nous constatons qu’il y a partout des tables clandestines…
M. Philippe Goujon. Il suffit de les fermer !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il vaut mieux qu’une partie des gains de ces cercles se retrouve dans les caisses de l’État ou de la ville de Paris grâce à l’impôt sur les sociétés, plutôt qu’entre les mains du grand banditisme ou de la mafia.
M. Philippe Goujon. Avec ce raisonnement, vous légalisez le cannabis !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Justement, je suis pour !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Autrement dit, le groupe Unibail, qui s’occupait jusqu’à maintenant de surfaces commerciales et d’immobilier, fait désormais dans l’assainissement des jeux : on saura qu’il faut le changer de catégorie !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Ce n’est pas bien de dire cela, madame Kosciusko-Morizet !
M. le président Dominique Raimbourg. De l’extérieur vos échanges et vos sous-entendus ne sont pas compréhensibles.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je ne comprends pas cette histoire d’Unibail, et je ne sais pas de quoi parle Mme Kosciusko-Morizet, mais je connais le préfet Duport que tout le monde a connu comme préfet de la région Île-de-France. Nous parlons d’un très haut fonctionnaire que tous les gouvernements ont, depuis, sollicité pour qu’il donne son avis d’expert, quelles que soient les majorités.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Manifestement, il n’est pas sollicité seulement par les gouvernements !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Madame, je ne connais pas cette histoire, mais je regrette que vous portiez atteinte à l’honorabilité d’un très haut fonctionnaire avec lequel je n’ai pas eu d’autre rapport que ceux que tous les élus d’Île-de-France entretenaient avec lui lorsqu’il était préfet de cette région. Je trouve que cette manière de procéder, fondée sur une histoire de carte de visite, n’est pas acceptable !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je pose une question, et vous ne voulez pas y répondre !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Mais je n’ai aucune idée sur ce sujet, et je ne connais pas cette histoire !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’était dans la presse !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je vous assure que la carte de visite de M. le préfet Duport n’est pas l’élément qui a conduit vos rapporteurs à travailler afin d’aller au terme de la démarche initiée par le Gouvernement visant à assainir les pratiques des jeux de cartes et des cercles pour qu’elles soient conformes à la moralité et la probité publique.
M. le président Dominique Raimbourg. Je propose de clore ce débat. Madame Nathalie Kosciusko-Morizet, si vous avez des doutes, vous pourrez bien sûr poser les questions que vous souhaitez et nous en reparler.
M. le ministre. Monsieur Mennucci, l’évocation du consensus me ravit toujours : par goût personnel, je suis plus porté à cultiver les convergences que les divergences. Cela étant, je n’ai jamais dit qu’il était indispensable d’obtenir le consensus pour faire avancer les choses, y compris sur le plan législatif ; j’ai seulement rappelé qu’il était nécessaire de mener la concertation. Tout un chacun doit être entendu, s’il le souhaite évidemment ; ceux qui n’ont rien à dire ou qui considèrent qu’ils sont d’accord peuvent choisir de ne pas s’exprimer. La bonne méthode pour mener des réformes reste toutefois de commencer par la consultation la plus large, et par la concertation. Le temps du débat parlementaire vient ensuite. Lorsque la décision est prise, c’est-à-dire lorsque le Parlement a tranché, elle s’applique à toutes et à tous, partout et dans toute sa rigueur.
Monsieur Olivier Dussopt, je vous remercie d’avoir souligné que ce texte était attendu. Il fallait garantir la ville dans ses pouvoirs, y compris ceux de la maire de Paris. Sous les dehors positifs d’un discours convaincant, on ne peut pas déposséder le maire d’une commune, et pas n’importe laquelle, de ses compétences et de ses attributions – encore moins la maire de la première commune de France. Paris, Lyon et Marseille sont découpés en arrondissements, mais les arrondissements, ce ne sont pas les Balkans ! Il y a un pouvoir central, et il y a ceux qui sont dévolus aux maires d’arrondissement par la loi. Le maire de Paris, comme celui de Marseille ou Lyon, reste globalement responsable de ce qui se passe sur le territoire de sa commune.
Moi aussi, j’ai bien compris le débat qu’il y a derrière les questions posées sur la répartition des pouvoirs de police entre la préfecture de police de Paris et la ville. Cela dit, vouloir modifier l’équilibre actuel dans le seul but de régler des affaires de voies sur berges, c’est tout de même, me semble-t-il, prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette…
Comme plusieurs autres orateurs, vous avez évoqué les fusions d’arrondissements. Nous avons été extrêmement vigilants, prudents et précis dans notre volonté sourcilleuse de ne pas créer de déséquilibres. Même s’il est exact que le découpage en vigueur a été validé par le Conseil constitutionnel, il est clair que les déséquilibres continuant de s’amplifier, cette validation ne vaudra pas pour l’éternité. Nous avons donc procédé à un rééquilibrage sans aucune conséquence politique. Je sais gré, aux uns et aux autres, de ne pas avoir utilisé l’argument du découpage politique, qui n’aurait pas été fondé. La réforme est politiquement neutre – si elle devait avoir des conséquences politiques, elles seraient même plutôt favorables à l’opposition.
Monsieur Dussopt, je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il ne faut pas aller plus loin en termes de création de métropoles. J’ai moi-même été amené à dire que nous avions déjà plus de communes que tout le reste de l’Europe, et qu’il n’était pas utile de chercher à atteindre le même record avec les métropoles pour en avoir plus que le reste du monde entier… Si l’Assemblée valide le texte que le Gouvernement a proposé, nous aurons vingt-deux métropoles, ce qui permettrait d’assurer un bon maillage du territoire. Il est utile d’affirmer clairement que nous n’irons pas au-delà.
Plusieurs d’entre vous se sont demandés qui devait présenter l’amendement créant trois métropoles supplémentaires. Par souci de cohérence, j’avais pensé que les rapporteurs pourraient s’en charger. Au passage, je vous confirme qu’il n’y a pas de souci à se faire avec l’application de l’article 40 de la Constitution. Si les députés considèrent qu’il est préférable de réunir les sept nouvelles métropoles dans un amendement gouvernemental afin d’afficher la volonté de l’exécutif, je n’y suis pas hostile. Je m’entretiendrai sur ce point ultérieurement avec les rapporteurs.
Vous avez parfaitement raison, monsieur Dussopt : il faut rester attentif aux équilibres entre la métropole, le département et la région. S’agissant de la répartition des compétences entre les métropoles et les départements, globalement, les choses se passent bien. Généralement, les métropoles ne sont pas très demandeuses de compétences supplémentaires au-delà des trois obligatoires. Vous avez cité le cas particulier de Montpellier ; j’ai reçu le président de Montpellier Méditerranée Métropole il y a quelques jours, et je suis en contact permanent avec le préfet du département de l’Hérault. Les problèmes se cristallisent autour d’un équipement culturel, et il est vrai que s’il n’y avait pas d’accord avant le 1er janvier 2017, c’est l’ensemble des huit groupes de compétences qui seraient transférés vers la métropole. Toutefois, j’espère encore que, d’ici à cette date, nous parviendrons à faire évoluer les choses.
Je vous remercie d’avoir compris mon souhait de reporter la décision sur le choix du suffrage universel métropolitain à 2019.
S’agissant des cercles de jeux, il me semble indispensable qu’ils soient organisés de façon plus vertueuse. Tout le monde connaît leur histoire qui remonte à 1945, mais ce qui était acceptable à l’époque ne l’est plus aujourd’hui, surtout lorsque l’on connaît l’évolution de ces établissements. Il n’en reste plus que deux à Paris. Il faut absolument trouver une solution ; elle tient dans ce qui est proposé par le ministre de l’Intérieur. Si on supprimait tout, cela ne ferait que favoriser la multiplication des salles de jeu clandestines…
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’argument se discute ; c’est comme pour la prostitution !
M. Philippe Goujon. On peut dire la même chose du trafic de drogue !
M. le ministre. C’est la raison pour laquelle je suis pour la dépénalisation du cannabis…
Madame Sandrine Mazetier, vous avez, à juste titre, relevé que le projet de loi permettait une meilleure répartition des pouvoirs en insistant sur la nécessité de préserver les prérogatives de la préfecture de police de Paris et du ministère de l’intérieur dans la capitale. On peut dire ce que l’on voudra, Paris n’est pas une ville comme les autres : des événements très importants s’y déroulent, et elle abrite la présidence de la République, Matignon, les ministères, l’Assemblée nationale, le Sénat, les ambassades, etc., tout cela justifie une organisation un peu particulière.
Je vous confirme qu’au Sénat nous n’avons jamais vraiment pu entrer dans le débat. Je le regrette. Nous étions confrontés à des a priori, et les interventions étaient prêtes avant même que le Gouvernement ait pu expliquer son projet de loi. Un certain nombre de sénateurs de Paris ne voulaient entendre parler de rien – M. Pierre Charon n’était pas le plus à l’offensive en la matière, et je lui en suis reconnaissant. Le débat n’a pas eu lieu ; ça n’a été qu’un dialogue de sourds. Je ne conçois pas ainsi le travail que le législateur peut mener avec l’exécutif : au moins faut-il essayer de s’écouter puis de se comprendre. Bien sûr, on peut être en désaccord, mais si on met ce désaccord en avant sans avoir même écouté l’autre, cela ne facilite pas les choses.
C’est du reste ce que vous avez largement fait lors de vos interventions ce matin, madame Kosciusko-Morizet, monsieur Goujon… Vous me demandez pourquoi ce projet de loi fait l’objet d’une procédure accélérée. Je dis les choses franchement et droit dans les yeux. Dans la mesure où ce texte complète les lois NOTRe et MAPTAM, nous devions attendre que ces dernières soient définitivement adoptées pour travailler sur le statut de Paris. Or nous savons tous très bien que la fin du quinquennat approche – vous le claironnez suffisamment. En conséquence, nous devions engager la procédure accélérée sur ce projet de loi si nous voulions qu’il ait une chance d’être adopté. Autrement dit, à partir du moment où nous considérions que nous proposions un texte utile, nous ne pouvions que choisir la procédure qui permettra son adoption.
J’ai procédé de même avec le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, déposé devant votre assemblée au mois de septembre dernier. J’ai bénéficié sur ce sujet de davantage d’écoutes dans votre camp. Mon principal interlocuteur, M. Laurent Wauquiez, n’est pourtant pas réputé pour avoir le tempérament le plus doux du monde. Nous nous sommes rencontrés, et nous sommes convenus qu’à défaut d’engager cette procédure nous ne parviendrions pas à faire adopter un projet de loi que nous jugions nécessaire. Nous avons donc estimé ensemble qu’il devait être examiné selon la procédure accélérée. Les choses se sont finalement passées pour le mieux puisque l’Assemblée l’a adopté en première lecture à l’unanimité. Croyez bien que j’ai été sensible à votre soutien, que je ne retrouve pas tout à fait sur le projet de loi relatif au statut de Paris… Sans la procédure accélérée, la loi montagne n’aurait eu aucune chance d’être adoptée. Il appartient au Gouvernement, qui présente des projets de loi qu’il estime utiles, de créer les conditions pour qu’ils entrent en vigueur. Toute autre attitude reviendrait à se moquer des parlementaires.
Madame Kosciusko-Morizet, nous n’avons pas l’intention de fusionner toutes les communes de la métropole. Vous évoquez une prétendue faiblesse des transferts de compétences entre la préfecture de police et la mairie de Paris ; ces transferts s’opèrent pourtant dans des domaines essentiels pour le quotidien des Parisiens, comme le stationnement. Sur cette seule compétence, 1 500 agents sont concernés. Lorsque j’entends que c’est quantité négligeable, je trouve cela un peu offensant pour eux, permettez-moi de vous le dire avec beaucoup d’amabilité.
En matière de police de la circulation, le texte ménage une grande autonomie du maire tout en garantissant la sauvegarde de ses compétences régaliennes.
À mon sens, votre perception et votre vision du texte relèvent plus de l’idéologie que de la réalité du projet de loi.
Monsieur le député Goujon, pardon, monsieur le maire d’arrondissement, vous ne pouvez pas reprocher à Mme Mazetier d’émettre un avis sur ce texte au motif qu’elle n’est pas maire d’arrondissement – cela signifierait que ce droit serait réservé aux seuls spécialistes du sujet ou aux élus directement concernés. Les maires d’arrondissement ne sont en rien méprisés ; c’est au contraire par respect que nous avons voulu examiner ce texte en urgence pour voir s’il était nécessaire de l’adapter ou non.
Quant aux « injonctions » que j’aurais reçues, je vous rassure, ce n’est pas vraiment dans mon tempérament ! En tant que membre du Gouvernement, je suis loyal à l’égard du Président de la République et du Premier ministre. Cela dit, ni votre tempérament, madame Kosciusko-Morizet, ni le mien ne nous amènent à recevoir des injonctions. Nous faisons simplement notre travail, de la meilleure façon possible.
Il est encore moins question que nous fassions voter un texte « en catimini », comme vous l’avez dit. Est-ce procéder en catimini que de présenter un texte en commission puis en séance publique au Sénat et à l’Assemblée nationale ? Si c’est cela, alors je ne sais pas ce qu’est le véritable débat public et transparent. Non seulement ce que vous dites n’est pas vrai, mais cela ne correspond pas à la réalité du travail parlementaire ; vous vous laissez emporter par votre hostilité passionnée envers ce texte.
Vous avez employé le mot « pathétique » s’agissant des dispositions relatives aux cercles de jeux. À mon avis, c’est plutôt votre discours qui est pathétique. Au fond, je suis sûr que nous sommes d’accord sur la nécessité absolue de mettre de l’ordre dans les salles de jeux. Je ne saurais émettre d’avis plus autorisé que le ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, dont c’est la compétence, mais nous savons bien tout ce qui se passe dans ces lieux.
M. Philippe Goujon. Alors, fermons-les au lieu d’en ouvrir d’autres !
M. le ministre. Quant aux compétences des maires d’arrondissement, j’ai bien compris que vous souhaitiez qu’elles augmentent le plus possible et que la maire de Paris en ait le moins possible. Je vous rappelle cependant qu’elles ont une limite juridique par le fait que les mairies d’arrondissement n’ont pas la personnalité morale.
Dans un autre état d’esprit, alors qu’ils ne sont pas élus de la majorité, M. Philippe Briand et M. Serge Grouard se sont félicités qu’Orléans et Tours travaillent la main dans la main – ce qui nous ravit, d’autant que l’on a toujours cherché à opposer ces deux agglomérations. Ils se satisfont de la position du Gouvernement. Monsieur Briand, je n’ai qu’une parole : vous étiez le premier à venir me voir pour créer une métropole, et vous m’aviez, je vous l’ai dit, convaincu. À l’époque nous ne voulions pas vraiment créer plus de quatorze métropoles. J’ai aussi été convaincu par les arguments d’Orléans, puis de Metz, ce qui m’a amené à adopter une autre approche du fait métropolitain. La carte de l’implantation périphérique des métropoles, que vous nous avez présentée, m’avait aussi beaucoup frappé. J’ai pris conscience qu’il fallait retenir de nouveaux critères. Je suis finalement heureux d’avoir pu vous satisfaire. Je crois que Tours et Orléans travailleront bien ensemble. Si je me permettais, je vous encouragerais à élaborer un pacte métropolitain – j’ai tenu les mêmes propos aux présidents de métropole de Metz et Nancy, qui ont déjà un pacte métropolitain, même si Metz n’est pas encore une métropole.
M. Serge Grouard. Une réflexion sur ce sujet est déjà en cours entre les maires de Tours et d’Orléans.
M. le ministre. C’est une excellente chose. Je suis heureux d’avoir pu vous accompagner dans cette démarche remarquable que vous avez menée de manière consensuelle, Patrick Mennucci en conviendra… De Tours et d’Orléans, les élus de gauche et de droite sont venus la main dans la main pour me convaincre, et avec moi le Premier ministre et le Gouvernement, qu’il était indispensable de créer des métropoles ; ils y sont parvenus. Je ne doute pas que l’Assemblée nationale vous suivra, et je me félicite aussi de cette façon de travailler, car on ne peut pas toujours être dans l’affrontement, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de l’intérêt général et de l’intérêt de nos concitoyens au travers des institutions communales et métropolitaines.
M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le ministre, nous vous remercions. La discussion des articles du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain aura lieu mercredi prochain.
Au cours de ses réunions du mercredi 7 décembre 2016, la Commission examine les articles du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain (n° 4212).
TITRE IER
RÉFORME DU STATUT DE PARIS
Chapitre Ier
Création de la collectivité à statut particulier de la ville de Paris
Section 1
Dispositions générales
Article 1er
(art. L. 2512-1 du code général des collectivités territoriales)
Création d’une collectivité territoriale à statut particulier dénommée « Ville de Paris »
Cet article a pour objet de créer une collectivité territoriale à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée « Ville de Paris » en lieu et place de la commune et du département de Paris.
Le principal enjeu de cette réforme est de rationaliser la gouvernance de la capitale, mais également de rendre plus lisibles les compétences et les responsabilités qui sont les siennes.
I. LA GOUVERNANCE INTÉGRÉE DE LA COMMUNE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
Paris, qui réunit sur son territoire deux collectivités territoriales et qui constitue également un établissement public territorial de la Métropole du Grand Paris, bénéficie d’un statut particulier permettant de prendre en compte ses spécificités institutionnelles.
1. La reconnaissance du statut particulier de la ville de Paris
Alors que la loi n° 64-707 du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne prévoyait à son article 2 que « la ville de Paris est une collectivité territoriale à statut particulier ayant des compétences de nature communale et départementale », il n’est plus fait référence à cette notion de collectivité à statut particulier (10) dans les textes postérieurs venus modifier son statut. Au contraire, le souhait d’un rapprochement progressif du droit commun applicable aux autres collectivités semble prédominer.
Ainsi, la loi n° 75-1331 du 31 décembre 1975 portant réforme du régime administratif de la ville de Paris prévoit à son article 1er que « le territoire de la ville de Paris recouvre deux collectivités territoriales distinctes : la commune de Paris ; le département de Paris. » Ses articles 2 et 15 précisent respectivement que la commune et le département exercent chacun les compétences revenant à leur catégorie, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la loi. Par ailleurs, l’article 16 confie les attributions dévolues aux conseils généraux au conseil de Paris. Celui-ci est présidé par le maire de la ville désormais élu au suffrage universel, qui cumule de ce fait sa fonction d’exécutif communal, en lieu et place du préfet de police, et de président du département.
La loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, dite loi « PML », s’est également inscrite dans cette démarche de rapprochement avec le droit commun, sous réserve de la nécessaire prise en compte des spécificités de ces trois grandes villes.
Son article 1er prévoit à ce titre que « les communes de Paris, Marseille et Lyon sont soumises aux règles applicables aux communes, sous réserve des dispositions de la présente loi et des autres dispositions législatives qui leur sont propres. »
Toutefois, si ce rapprochement progressif a pu soulever des interrogations sur la nature du statut de la ville de Paris (11), le Conseil constitutionnel a reconnu expressément sa nature particulière dans sa décision du 6 août 2009 portant sur la loi du 10 août 2009 relative au repos dominical (12).
Les requérants estimaient, en effet, que le préfet ne pouvait décider seul, sans consultation du maire ou du conseil de Paris, de la détermination des zones touristiques internationales (ZTI), de manière dérogatoire aux pratiques retenues pour toutes les autres communes de France, y compris Lyon et Marseille. Ils observaient qu’une telle procédure constituait une dérogation au principe d’égalité non justifiée.
Le Conseil a considéré, quant à lui, que :
– « la ville de Paris, soumise à un régime particulier en raison de sa qualité de siège des pouvoirs publics, constitue, à elle seule, une catégorie de collectivités territoriales (13) » ;
– toutefois, en l’espèce, le traitement particulier qui lui était réservé n’était pas justifié et la disposition litigieuse fut censurée.
Le commentaire de cette décision apporte un argument supplémentaire en faveur de la reconnaissance du statut particulier de la ville de Paris en établissant que celle-ci, « dotée d’une seule assemblée exerçant à la fois les compétences d’un conseil municipal et celles d’un conseil général, constitue, à elle seule, une catégorie de collectivités territoriales. »
Par conséquent, la réforme proposée par le présent article visant à créer une nouvelle collectivité à statut particulier, réunissant la commune et le département de Paris, n’a pas pour effet, en droit, d’éloigner davantage la capitale du droit commun, puisqu’elle n’y est déjà pas soumise. Cet éloignement ne se concrétise pas davantage dans les faits puisque le maintien de ces deux collectivités est artificiel, la commune pilotant en réalité l’ensemble de leurs compétences respectives exercées sur le territoire.
2. La disparition progressive de l’entité départementale
Comme l’a souligné la chambre régionale des comptes d’Île-de-France dans son rapport de 2015 (14), « près de 40 ans après le vote de la loi du 31 décembre 1975 portant réforme du régime administratif de la ville de Paris et plus de 30 ans après les lois du 31 décembre 1981, le bilan d’une organisation sans équivalent dans l’administration territoriale française permet de mesurer le mouvement continu d’intégration du département sous l’égide de la commune de Paris. »
Cette intégration se manifeste par :
– une dynamique territoriale axée sur la stratégie communale ;
– une mutualisation des réunions au sein du conseil de Paris, portant sur des ordres du jour communs, bien que les délibérations demeurent distinctes, une simple interruption sonore marquant le passage de celles de la commune à celles du département ;
– une fusion des services, mise en œuvre depuis 1987 et des agents communs qui bénéficient, depuis 1994, d’un statut spécifique, fixé par décret (15) ;
– une stratégie financière unique, arrêtée par la commune, qui verse une subvention d’équilibre au département (d’un montant moyen de 600 millions d’euros au titre des dernières années) et porte l’endettement des deux collectivités sur son seul budget.
Par conséquent, la Chambre régionale souligne que « la dynamique d’intégration des deux collectivités et d’absorption progressive du département consacre la logique d’unification, fondée sur le territoire, au détriment de la dualité juridique et institutionnelle de la commune et du département. Cette logique a été renforcée par la prévalence du modèle communal dans la gestion des deux collectivités. »
Elle conclut en soulignant que « le processus d’intégration et d’absorption du département paraît aujourd’hui irréversible » et qu’« il serait donc logique de réconcilier le cadre juridique et la réalité de gouvernance et de gestion plutôt que de laisser subsister une situation de confusion. »
Vos rapporteurs, tout en soulignant la qualité du travail réalisé par la Chambre régionale, en approuvent entièrement les conclusions, comme l’ensemble des personnes, parties à la réforme, qu’ils ont pu auditionner.
II. LA CRÉATION DE LA « VILLE DE PARIS »
1. La fusion de la commune et du département de Paris en une nouvelle collectivité
En l’état du droit, l’article L. 2512-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit qu’« outre la commune de Paris, le territoire de la ville de Paris recouvre une seconde collectivité territoriale : le département de Paris ».
Ces dispositions sont remplacées par la création d’ « une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée ʺ Ville de Paris ʺ, en lieu et place de la commune de Paris et du département de Paris » (alinéa 4).
Afin d’expliciter les compétences de cette nouvelle collectivité, il est rappelé qu’elle s’administre librement dans les conditions fixées par les dispositions du CGCT qui lui sont dédiées ainsi que par :
– la législation relative à la commune ;
– à titre subsidiaire, les dispositions non contraires à ce premier corpus applicables aux départements (alinéa 5).
Comme l’a souligné le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, M. Jean-Michel Baylet, lors des débats au Sénat, cette réforme constitue « le bon équilibre entre un statut particulier et notre volonté démocratique d’aller vers le droit commun. » (16)
Par coordination, il est précisé que les affaires de la Ville de Paris sont réglées par les délibérations du conseil de Paris, qui en constitue l’organe exécutif et dont le président est le maire de la capitale (alinéa 11).
2. Les modifications intervenues au Sénat
Lors de son examen par le Sénat, le présent article a fait l’objet de plusieurs modifications.
En premier lieu, des coordinations ont été introduites de manière à tirer les conséquences de la création de cette nouvelle collectivité (alinéas 6 à 10).
En second lieu, un pouvoir d’évocation au profit du conseil de Paris a été inséré par la commission des Lois, à l’initiative de M. Pierre Charon, permettant à ce dernier de proposer la modification de tout texte législatif ou réglementaire concernant les compétences, l’organisation ou le fonctionnement de la Ville de Paris, sur le modèle de la faculté donnée, en ce sens, aux régions par l’article L. 4221-1 du CGCT (17) (alinéa 12).
Toutefois, comme l’ont souligné le rapporteur, M. Mathieu Darnaud et le Gouvernement, cette disposition revêt une valeur normative faible, puisque le conseil de Paris, en tant qu’assemblée délibérante, peut déjà adopter des vœux proposant la modification des textes législatifs ou réglementaires relatifs au fonctionnement ou aux compétences de sa collectivité (18). Par ailleurs, ces dispositions ne prévoient pas les suites données à ces propositions et sont, par conséquent, trop imprécises.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a, par conséquent, supprimé ce pouvoir d’évocation au profit du conseil de Paris.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements CL61, CL62 et CL63 de MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Patrick Mennucci, rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 1ermodifié.
Article 2
(art. L. 2512-2 et L. 2512-5-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Régime juridique du conseil de Paris
Cet article a pour objet de préciser le régime juridique applicable au conseil de Paris.
En l’état du droit, l’article L. 2512-2 du code général des collectivités territoriales prévoit, en effet, que lorsqu’il siège en qualité de conseil municipal, il est soumis aux dispositions applicables aux conseils municipaux.
Dans le cadre de la fusion de la commune et du département de Paris, mise en œuvre par l’article 1er du présent projet de loi, en une nouvelle collectivité à statut particulier, une coordination est, par conséquent, nécessaire de manière à prévoir que les règles applicables aux conseils municipaux continueront de s’appliquer au conseil de Paris, sous réserve toutefois de dispositions spécifiquement prévues pour cette collectivité.
Si ces dispositions n’ont pas été modifiées lors de leur examen par la commission des Lois du Sénat, elles ont été complétées, en séance publique, à l’initiative de M. Pierre Charon, par de nouvelles règles, dérogatoires du droit commun, de désignation des membres ou des délégués du conseil de Paris dans des organismes extérieurs.
Actuellement, la désignation de représentants de la commune dans les organismes extérieurs est, selon les cas, effectuée soit par le conseil municipal (article L. 2121-33 du CGCT), soit par le maire (article L. 2122-25). Cette désignation relève de ce dernier dans tous les cas où les textes particuliers régissant l’organisme extérieur lui donnent expressément cette compétence. Elle relève, en revanche, du conseil municipal dans le cas où les textes régissant les organismes le désignent ou en l’absence de désignation expresse conformément à la clause générale de compétence qui lui accorde le pouvoir de régler par ses délibérations les affaires de la commune (article L. 2121-29).
En introduisant un nouvel article L. 2512-5-1, le Sénat a souhaité, au contraire, que le conseil de Paris soit seul compétent, en toutes circonstances, pour procéder à la désignation de ses membres et délégués devant siéger dans des organismes extérieurs. Cette désignation se conformerait alors :
– aux conditions prévues par les dispositions régissant ces organismes ;
– à la représentation proportionnelle des groupes d’élus du conseil de Paris (alinéa 5).
Il est, par ailleurs, précisé qu’il peut être procédé à tout moment au remplacement des membres désignés selon les mêmes modalités, comme cela est déjà le cas dans le droit en vigueur, que ceux-ci aient été désignés par le maire ou le conseil municipal (alinéa 6).
Le Gouvernement s’est opposé, sans succès, à cette disposition qui ne modifie les règles applicables en la matière que pour la ville de Paris, sans justifier le fondement de cette différence de traitement avec les autres communes.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois l’a, par conséquent, supprimée.
*
* *
La Commission adopte l’amendement CL64.
Puis elle en vient à l’amendement CL65 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les nouvelles règles, introduites par le Sénat, de désignation des membres du conseil de Paris appelés à siéger dans des organismes extérieurs. Les sénateurs proposent que ces membres soient désignés à la proportionnelle. Or, il ne semble pas justifié d’appliquer à la seule capitale des règles dérogatoires du droit commun en la matière. La capitale garde un statut particulier pour des raisons dont nous allons discuter ce matin, mais en ce qui concerne la représentation du conseil municipal de Paris dans des commissions consultatives ou des conseils d’administration d’établissements publics, je ne comprends pas la nécessité d’appliquer des règles différentes de celles qui ont cours dans les autres communes de la République.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Paris compte plus de 2 millions d’habitants. Une part importante du pouvoir est déléguée dans divers organismes et il est plus que légitime que la représentation s’y fasse de manière proportionnelle. Soulignons le paradoxe : le Gouvernement, qui use de l’argument de la représentativité pour faire fi de 150 ans d’histoire en fusionnant les quatre arrondissements du centre de la capitale, refuse les mêmes règles élémentaires de représentativité dans des organismes qui gèrent parfois des budgets plus importants que des villes de taille moyenne.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il n’y a pas de lien entre cet amendement et la fusion des quatre arrondissements qui permet de nous conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est un mensonge !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Madame la députée, je vous rappelle que la majorité d’un conseil municipal peut opter pour une représentation à la proportionnelle si elle le désire. Pourquoi le conseil municipal de Paris devrait-il être représenté à la proportionnelle dans des commissions diverses, alors que ce n’est pas le cas dans toutes les autres communes ? Votre explication n’étant pas convaincante, je maintiens qu’il faut supprimer cette disposition introduite par le Sénat.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Article 3
(art. L. 2512-5 du code général des collectivités territoriales)
Règlement intérieur du conseil de Paris
Cet article a pour objet de tirer les conséquences de la création de la nouvelle collectivité de la Ville de Paris sur l’établissement du règlement intérieur du conseil de Paris.
En l’état du droit, l’article L. 2512-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que ce dernier établit son règlement intérieur en distinguant les règles applicables aux délibérations du conseil en formation de conseil municipal et en formation de conseil départemental. Il détermine également les conditions dans lesquelles les conseillers de Paris posent des questions orales au maire et au préfet de police.
La distinction entre ces deux formations devenant sans objet du fait de la fusion prévue par l’article 1er du présent projet de loi, le texte initial du Gouvernement prévoyait de maintenir la référence au règlement intérieur amputée de la seule mention de la commune et du département de Paris.
Or, la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de son rapporteur, M. Mathieu Darnaud, a révisé cette rédaction.
Considérant que l’obligation d’établir un règlement intérieur s’applique à toutes les villes de plus de 3 500 habitants, conformément à l’article L. 2121-8, la Commission a, en effet, considéré qu’il n’était pas nécessaire de la rappeler à l’article L. 2512-5. Il convenait seulement, de maintenir à cet article les dispositions relatives aux questions orales, adressées notamment au préfet, qui sont une spécificité parisienne.
En séance, le Gouvernement a toutefois souligné, sans convaincre le rapporteur, que cette rédaction « limite le champ du règlement intérieur aux seules questions orales ou écrites pouvant être posées par les conseillers de Paris au maire et au préfet de police. »
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a rétabli la rédaction initiale du Gouvernement qui lui semble mieux répondre à l’objet du présent article.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL66 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement rétablit le texte initial du Gouvernement.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 3 modifié.
Article 4 (suppression conforme)
(art. L. 2512-6, L. 2512-7 et L. 2512-8 du code général des collectivités territoriales)
Commission permanente
Le présent article instaure une commission permanente au sein du conseil de Paris à laquelle ce dernier déléguerait certaines compétences.
L’objectif poursuivi par cette réforme est de maintenir la possibilité de recourir à une commission permanente, comme le peut actuellement le département de Paris, à l’instar des autres départements et des régions, qui serait consacrée à la gestion des affaires courantes de la ville. Cette commission doit permettre, en ce sens, de concentrer les réunions du conseil de Paris sur des sujets plus stratégiques.
I. LE FONCTIONNEMENT ACTUEL DU CONSEIL DE PARIS
Le conseil de Paris est composé de 163 conseillers élus au sein des secteurs électoraux des vingt arrondissements parisiens. Il constitue l’organe délibérant de la commune et du département de Paris et est présidé par le maire de Paris, qui occupe également la fonction de président du département.
Or, s’il dispose d’une commission permanente lorsqu’il siège en tant que conseil départemental, à l’instar des autres départements, cette faculté ne lui est pas ouverte en tant que conseil municipal.
1. Un espace de débat et de gouvernance
Lors de leur audition par les rapporteurs, les groupes politiques de la ville de Paris ont tous souligné l’intérêt des réunions du conseil de Paris, bien qu’elles puissent être particulièrement longues, au regard des débats qui s’y déroulent et qui reflètent la vitalité politique de la ville.
S’il s’agit bien d’un organe de gouvernance, il permet également le débat entre la majorité et l’opposition, ainsi qu’entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement.
Il est aussi le lieu de la diffusion des décisions prises, puisque les séances sont publiques, font l’objet d’un compte rendu et d’une vidéo disponible sur le site de la mairie de Paris (article 8 du règlement du conseil de Paris).
En son sein, sept commissions thématiques regroupent chacune au moins vingt conseillers pour débattre plus en détail des différentes politiques publiques et préparer les travaux du conseil.
2. Une commission permanente départementale non utilisée
Au contraire, si le département de Paris est doté d’une commission permanente, celle-ci n’a jamais été opérationnelle du fait de l’intégration de la gouvernance de ce dernier à celle de la commune. Toutes les questions touchant à ses compétences sont, par conséquent, visitées directement par le conseil de Paris.
II. LA CRÉATION D’UNE COMMISSION PERMANENTE
Le texte initial du Gouvernement prévoyait, à l’article L. 2512-8, que le conseil de Paris puisse créer une commission permanente à laquelle il déléguerait une partie de ses attributions, à l’exception de celles relatives au vote du budget, à l’approbation du compte administratif et aux mesures relatives à l’exécution des budgets prévues aux articles L. 1612-12 à 1612-15 (alinéa 7 (19)).
1. Les dispositions proposées
La composition de cette commission, inspirée des dispositions en vigueur pour les commissions permanentes des départements, doit permettre une représentation des équilibres politiques au sein du conseil de Paris.
Il est ainsi prévu qu’à la suite de l’élection du maire de Paris et sous sa présidence, le conseil de Paris fixe le nombre des adjoints et des autres membres de la commission permanente (aliéna 8). Des listes paritaires peuvent alors être déposées par les conseillers de Paris auprès du maire (alinéa 10).
Dans le cas où une seule liste aurait été déposée, les différents sièges sont pourvus immédiatement dans l’ordre de cette liste (alinéa 10). Dans le cas contraire, les membres de la commission sont élus au scrutin de liste (alinéa 9), à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel (alinéa 11) (20).
Par ailleurs, si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d’être proclamés élus. Enfin, si le nombre de candidats figurant sur une liste est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la ou aux plus fortes moyennes suivantes (alinéa 11).
À la suite de cette répartition, le conseil de Paris procède à l’élection des adjoints au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel (21). Sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Si, après deux tours de scrutin, aucune liste n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour de scrutin et l’élection a lieu à la majorité relative. En cas d’égalité de suffrages, les candidats de la liste ayant la moyenne d’âge la plus élevée sont élus (alinéa 12).
Les membres de la commission permanente sont nommés pour la même durée que le maire de Paris (alinéa 13).
Des coordinations sont également prévues pour permettre au préfet de police, dans le cadre des affaires relevant de la compétence :
– de réunir la commission, conformément à l’article L. 2512-6 (alinéa 2) ;
– de veiller à l’exécution de ses délibérations, en application de l’article L. 2512-7 (alinéa 4) ;
– d’être entendu et d’assister aux délibérations, en application de l’article L. 2512-7 (alinéa 5).
2. Une composition représentative des équilibres politiques au sein du conseil de Paris
Ce mode de scrutin constitue une réponse satisfaisante aux remarques émises par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi initial du Gouvernement (22).
S’il n’avait soulevé aucune objection quant au principe de la création d’une telle commission, il avait toutefois indiqué ne pouvoir « donner son assentiment aux dispositions du projet qui prévoient que cette commission permanente serait composée du maire de Paris, de ses adjoints, le cas échéant des conseillers de Paris ayant reçu délégation et d’autres membres correspondant à 20 % de l’effectif du conseil de Paris. En effet, du fait, d’une part, du nombre et du mode d’élection des adjoints qui seraient susceptibles d’y siéger et, d’autre part, du mode de désignation des conseillers recevant délégation, une telle composition aurait nécessairement pour effet de distordre à l’excès au sein de la commission permanente les équilibres qui résultent directement, pour l’assemblée délibérante, de l’expression du suffrage universel. Or, compte tenu de ses compétences, la commission permanente doit elle-même être regardée comme un « conseil élu » au sens des dispositions du troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution. En conséquence, en l’absence de différence de situation justifiant, au sens de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-588 du 6 août 2009 (23), une spécificité de Paris sur ce projet, sa composition doit être fidèle à celle de l’assemblée dont elle est issue et exerce les pouvoirs. »
Si la commission des Lois du Sénat a adopté cet article sous réserve de préciser que la délégation d’attributions du conseil de Paris à la commission permanente n’était pas une obligation, mais une faculté, comme cela est d’ailleurs le cas pour le conseil départemental (article L. 3211-2), il a toutefois été supprimé, en séance publique, à l’initiative de M. Philippe Dominati, malgré l’avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement, au motif que l’instauration d’une commission permanente, dérogatoire du droit commun, ne serait pas justifiée.
3. Les avantages et inconvénients de ce nouvel organe
La création d’une telle commission présente des avantages certains. Elle permet principalement de traiter des affaires courantes, suscitant peu de débats, dans le cadre d’un conseil « allégé » et, par conséquent, d’examiner les décisions participant à la stratégie communale dans de meilleures conditions au sein du conseil de Paris.
La visibilité des décisions prises par ce dernier pourrait également être améliorée du fait d’un ordre du jour moins encombré.
Elle peut aussi présenter des inconvénients. En premier lieu, le champ des compétences déléguées pourrait être important et priver une partie des conseillers de leur participation aux débats.
Or, le rôle du conseil de Paris est également de permettre aux élus des différents groupes, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, ou même au sein de ces deux ensembles, de s’exprimer sur les affaires de la ville, d’autant que les affaires courantes peuvent les concerner plus directement en tant qu’élus d’arrondissement.
Par ailleurs, il n’est pas évident que le gain de temps sur les réunions du conseil de Paris soit important puisque cela dépendra à la fois du nombre de conseillers, des délégations accordées et des modalités de suivi des travaux de la commission. Enfin, se pose la question du caractère public ou privé de ses réunions.
Par conséquent, vos rapporteurs ont proposé à la commission des Lois de maintenir cette suppression.
*
* *
La Commission maintient la suppression de l’article 4.
Article 4 bis (supprimé)
(art. L. 25-12-5-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Conférence des maires
Introduit par le Sénat à l’initiative de son rapporteur, M. Mathieu Darnaud, le présent article a pour objet d’instituer une conférence des maires sur le territoire de la Ville de Paris. Il s’inspire en cela des dispositions introduites, en ce sens, pour les métropoles de Lyon et d’Aix-en-provence par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014 (24).
Un nouvel article L. 2512-5-3 au code général des collectivités territoriales (CGCT) en fixerait les contours. Cette conférence serait ainsi composée des maires d’arrondissement et du maire de Paris, qui la présiderait (alinéa 2).
Elle pourrait être consultée lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques municipales, son avis devant être transmis au conseil de Paris (alinéa 3). Elle serait convoquée au moins une fois par an soit par le maire de Paris, soit à l’initiative de la moitié des maires sur un ordre du jour déterminé (alinéa 4).
Sa principale fonction serait d’élaborer, dans les six mois suivant le renouvellement général des conseils municipaux, un projet de pacte de cohérence entre le maire de Paris et les maires d’arrondissement (alinéa 5), comportant une stratégie de délégation de compétences en faveur de ces derniers (alinéa 6) et arrêté par délibération du conseil de Paris (alinéa 8).
Selon le rapporteur du Sénat, « cet organe permettrait de mieux associer les conseils d’arrondissement à la gestion et aux projets de la collectivité territoriale. Il serait aussi le lieu de l’organisation d’une déconcentration nécessaire des compétences de la ville au plus près du terrain, dans le cadre des arrondissements, afin de mieux répondre aux attentes des administrés. » (25)
Il semble toutefois que cette proposition méconnaisse la nature particulière des arrondissements rappelée par la décision du Conseil constitutionnel sur la loi « PML » de 1982 (26) qui consacre le principe selon lequel ces derniers, bien que leur conseil soit élu au suffrage universel direct, ne sont pas des collectivités territoriales pourvues de la personnalité morale.
Comme l’a rappelé le Gouvernement en séance publique (27), les conférences des maires dans les métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence réunissent les exécutifs de collectivités territoriales répondant, au contraire, à la définition arrêtée par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, le conseil de Paris représente d’ores et déjà l’instance de dialogue entre les maires d’arrondissement et le maire de la ville. Les modalités de concertation complémentaires qui pourraient être mises en œuvre relèvent, quant à elles, de la libre administration de la ville de Paris.
À titre d’exemple, une charte des arrondissements a été arrêtée à la suite d’une délibération adoptée par le conseil de Paris le 8 juin 2009 en faveur d’un meilleur service de proximité aux Parisiens. Celle-ci reconnaît le rôle de pilotage territorial des maires d’arrondissement et définit les modalités du travail collaboratif entre les mairies d’arrondissement et les services de la ville de Paris.
De même, le comité des arrondissements, mis en place à cette occasion, est une instance consultative, présidée par le maire de Paris et composée du premier adjoint, en charge des relations avec les mairies d’arrondissement, et des vingt maires d’arrondissement.
Cette instance examine les projets importants intéressant l’ensemble des arrondissements et est chargée de suivre l’évolution de la démarche de déconcentration engagée par la ville. Les maires d’arrondissement y expriment leurs points de vue et formulent des propositions ou des souhaits.
Pour ces raisons, la commission des Lois, à l’initiative de vos rapporteurs, a supprimé la création d’une conférence des maires au motif qu’elle ne semble pas adaptée au fonctionnement institutionnel de la ville de Paris.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL67 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’introduction d’une conférence des maires parisiens puisque le conseil de Paris représente d’ores et déjà l’instance de dialogue entre les maires d’arrondissement et le maire de la ville. L’instauration de modalités de concertation complémentaires relève de la libre administration de la ville de Paris.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette conférence des maires est indispensable. Le conseil de Paris, qui gère entre 600 et 800 délibérations à chaque fois, n’est pas un lieu de dialogue et de concertation entre la maire de Paris et les maires d’arrondissement. Il existe bien une réunion annuelle mais la maire n’y vient plus, alors que son prédécesseur était toujours présent. Cette absence était une première depuis quinze ans. On ne sait toujours pas, d’ailleurs, où la maire de Paris était à ce moment-là.
En résumé, il y a lieu d’avoir une réunion fixe au cours de laquelle il est assuré que la maire puisse croiser les maires d’arrondissement. Depuis son élection en 2014, Mme Hidalgo n’a jamais reçu officiellement certains maires d’arrondissement. Elle n’a jamais vu, par exemple, le maire du 1er arrondissement. Si elle avait la chance de connaître ce maire, elle ne voudrait peut-être pas supprimer son arrondissement aussi vite.
Plusieurs députés du groupe Socialiste, écologiste et républicain. Peut-être n’avait-elle pas envie de le recevoir ?
M. Philippe Goujon. En tant que maire d’arrondissement, je peux témoigner de l’intérêt de cette conférence. Comme le disait Nathalie Kosciusko-Morizet, il y a assez peu de place pour le débat lors de la réunion annuelle où les vingt maires sont représentés, qui traite essentiellement des investissements. Cette conférence permettrait de solliciter les maires sur d’autres sujets. Si nous allons plus loin dans l’attribution de certaines compétences aux maires, elle permettrait aussi d’assurer une meilleure articulation – dans le cadre d’un pacte que nous proposons – entre la mairie de Paris et les mairies d’arrondissement.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il y a une contradiction, mes chers collègues, dans votre position puisqu’à un autre moment du débat vous nous avez fait remarquer que la commission permanente était superfétatoire.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Ce n’est pas la même chose !
M. Philippe Goujon. Cela n’a rien à voir !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. À un moment, vous souhaitez qu’il n’y ait pas de décoction, en quelque sorte, du conseil municipal. À un autre moment, vous réclamez une conférence des maires qui figure déjà dans la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Lyon et Marseille, dite loi PLM : les maires de ces villes ont l’obligation de réunir les maires d’arrondissement, notamment dans le cadre de la conférence de programmation d’équipements.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. La maire de Paris ne le fait pas !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Chère madame Kosciusko-Morizet, vous nous dites que la maire de Paris a été absente une fois à cette réunion. Très franchement, il peut arriver à tout le monde – même à vous – d’être absent à une réunion. Je suppose qu’il y avait un premier adjoint pour la représenter. Votre argument ne tient pas.
M. Philippe Goujon. La réunion obligatoire des maires d’arrondissement porte sur les investissements. Celle que nous venons d’évoquer était présidée par le premier adjoint, en l’absence de la maire de Paris et de l’adjoint chargé des finances – c’est un détail. Au cours d’une conférence des maires, telle que prévue par cet article, les participants pourraient aborder bien d’autres sujets. Une telle instance n’a rien à voir avec la commission permanente qui permet de voter sur un très grand nombre de projets de délibération concernant la gestion de la ville à l’exception du budget. La conférence prévue à cet article est une instance consultative permettant de discuter de façon organisée et un peu solennelle avec la maire de Paris.
M. Guy Geoffroy. Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais ajouter quelque chose sur le texte lui-même, qui a été déposé par un Premier ministre nommé Manuel Valls. Il se trouve que j’ai le grand privilège d’être élu dans une intercommunalité dont l’un des conseillers communautaires s’appelle également Manuel Valls. Dans cette intercommunalité, nous avons un conseil communautaire, le conseil de Paris, et un bureau communautaire, la commission permanente. Le représentant de M. Manuel Valls dans cette intercommunalité est le maire d’Évry. Il a tenu absolument à ce qu’une conférence des maires soit réunie régulièrement, et je la préside à ses côtés. Cherchez l’erreur !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Au cours de cette législature, notre commission a examiné trois grands dispositifs d’organisation territoriale : la réforme régionale ; la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM ; la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).
À aucun moment la commission des Lois ne s’est intéressée aux relations entre les élus en charge de ces collectivités, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Chère Nathalie Kosciusko-Morizet, ce débat n’a pas pour objet de visiter les relations que vous entretenez avec la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo. Nous sommes en train de construire une loi sur la capitale et vos remarques n’ont aucun intérêt pour l’ensemble des membres de la Commission.
Nous cherchons à élaborer un statut pertinent pour Paris, une ville par nature extraordinaire que nous essayons de ramener le plus possible vers le droit commun des communes. Les amendements précédents tendaient précisément à ne pas faire de Paris un cas particulier tout en tenant compte de sa singularité.
Vous dites, cher collègue Geoffroy, qu’il y a une conférence des maires. En fait, cette instance existe quand on veut la faire exister. Rien n’y oblige de manière statutaire. Le statut des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne prévoit pas de réunir une conférence des maires. Les collectivités ont même interdiction d’introduire une telle obligation dans les statuts de leurs EPCI, pour ne pas risquer de créer des problèmes de légitimité. Les rencontres peuvent se faire à l’initiative de qui de droit, mais il n’est pas question pour nous d’introduire un dispositif contraignant, sachant que le conseil de Paris est l’assemblée délibérante qui connaît de l’intégralité des sujets qui sont soumis à son ordre du jour.
Pour conclure, je réitère mon souhait d’en rester au texte proprement dit et de ne pas soulever des problématiques qui sont sans nul doute légitimes mais qui n’ont pas leur place dans le débat sur la construction du statut de Paris.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 4 bis est supprimé.
Article 5
(art. L. 2512-20 du code général des collectivités territoriales)
Régime budgétaire et comptable de la Ville de Paris
Cet article a pour objet de soumettre la nouvelle collectivité à statut particulier de la Ville de Paris, créée à l’article 1er du présent projet de loi, aux dispositions applicables en matière financière aux communes et aux départements prévues aux livres III des deuxième et troisième parties du code général des collectivités territoriales (alinéa 2).
Toutefois, si, en l’état du droit, le cadre budgétaire et comptable de la commune et du département de Paris relève de deux instructions budgétaires et comptables distinctes, correspondant à leur catégorie respective (soit M 14 et M 52), celles-ci ne permettent pas de prendre en compte, au sein d’un même budget, les recettes et les dépenses de la nouvelle collectivité.
Par conséquent, elle sera soumise aux dispositions applicables aux comptes et budgets des métropoles prévues par l’instruction M 57 (28), à l’exception de la liste de ses dépenses obligatoires qui sera identique à celles des communes et des départements prévues aux articles L. 2321-2 et L. 3321-1 du CGCT (alinéa 3).
Comme le souligne l’évaluation préalable de l’article, « les coûts induits par la mise en place de ce nouveau cadre budgétaire et comptable dépendent de l’organisation interne de la Ville de Paris (logiciel ʺmaison ʺ ou externalisation des outils informatiques de gestion financière). En effet, si la Ville de Paris a recours à un progiciel financier, les mises à jour annuelles des dispositions réglementaires peuvent être facturées par l’éditeur, en fonction du cahier des charges retenu dans le marché public. »
Vos rapporteurs ont proposé à la commission des Lois d’adopter cet article, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL68, CL69 et CL70 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 5 modifié.
Article 6
(art. L. 2123-11-2, L. 25-11-34-1 [nouveau], L. 2511-35, L. 2511-35-1 [nouveau], L. 3123-16 et L. 3123-17 du code général des collectivités territoriales)
Mise en place d’un régime indemnitaire spécifique pour les élus de la Ville de Paris et des mairies d’arrondissement
Cet article a pour objet de maintenir les plafonds indemnitaires applicables aux élus parisiens. En effet, en l’état du droit, ceux-ci peuvent cumuler les indemnités liées à leur fonction de maire ou de conseiller municipal et celles relevant de leur fonction de président ou de conseiller départemental, dans la limite d’une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire.
La commune et le département de Paris disparaissant au profit de la Ville de Paris, en application de l’article 1er du présent projet de loi, qui conservera l’ensemble de leurs compétences respectives, il est, en effet, nécessaire de préciser le régime indemnitaire applicable aux élus concernés.
Celles-ci devraient être maintenues à leur niveau actuel, de manière à prendre en compte les fonctions particulières des élus parisiens ainsi que le renforcement à venir de leurs missions à la suite des transferts de compétences prévus au chapitre III du titre Ier du présent projet de loi.
I. L’ÉTAT DU DROIT
Si le principe de gratuité des mandats électoraux et des fonctions électives demeure affirmé par l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT), selon lequel « les fonctions de maire, d’adjoint et de conseiller municipal sont gratuites », ce principe a cependant été progressivement aménagé pour garantir aux élus, par le versement d’une indemnité de fonction, la possibilité d’exercer leur charge publique sans disposer de fortune personnelle et en toute indépendance.
Les élus de la commune et du département de Paris bénéficient ainsi d’un régime indemnitaire prenant en compte la coexistence de ces deux collectivités sur un même territoire.
1. La fixation du plafond de l’indemnité communale
Le montant des indemnités de fonction est fixé selon le barème applicable aux villes de plus de 100 000 habitants à :
– 145 % de l’indice brut 1015 (IB 1015) (29) pour le maire en application de l’article L. 2123-23 (5 545,2 euros par mois) ;
– 72,50 % de l’IB 1015 pour les adjoints en application de l’article L. 2511-34 (2 772,6 euros) ;
– 34,5 % de l’IB 1015 pour les conseillers en application de l’article L. 2511-34 (1 319,4 euros).
Pour rappel, comme pour Marseille et Lyon, l’indemnité des maires d’arrondissement est identique à celle des adjoints au maire de la mairie centrale et celle des adjoints d’arrondissement correspond à celle des conseillers municipaux (article L. 2511-35).
Par ailleurs, en application de l’article L. 2123-22, les indemnités du maire, de ses adjoints et des conseillers municipaux peuvent être majorées de 25 % au titre de la qualité de chef-lieu de département de la commune de Paris.
PLAFOND D’INDEMNITÉS FIXÉES PAR LE CONSEIL DE PARIS EN FORMATION MUNICIPALE
Article CGCT |
Taux indice 2015 |
Montant mensuel (en euros) |
Montant mensuel majoré (en euros) | |
Maire |
L. 2511-1 et L. 2123-23 |
145 % |
5 545,2 |
6 931,5 |
Adjoint au maire et maire d’arrondissement |
L. 2511-34 |
72,5 % |
2 772,6 |
3 465,75 |
Conseiller de Paris et adjoint au maire d’arrondissement |
L. 2511-34 |
34,5 % |
1 319,4 |
1 649,25 |
Source : actualisation de l’évaluation préalable de l’article par la commission des Lois à la suite de la revalorisation de 0,6 % de l’IB 1015 au 1er juillet 2016.
2. La fixation du plafond de l’indemnité départementale
Les articles L. 3123-15 à L. 3123-18 prévoient que les membres du conseil départemental de Paris reçoivent pour l’exercice effectif de leurs fonctions une indemnité fixée à :
– 145 % de l’IB 1015 pour le président, qui est également le maire de paris (soit 5 542,2 euros par mois) ;
– 98 % de l’IB 1015 pour les vice-présidents (soit 3 747,8 euros) ;
– 77 % de l’IB 1015 pour les membres de la commission permanente, correspondant à une majoration de 10 % par rapport à l’indemnité versée aux conseillers départementaux (soit 2 944,7 euros) ;
– 70 % de l’IB 2015 pour les conseillers départementaux (soit 2 677 euros).
Au total, l’indemnité d’un membre du conseil de Paris correspond au cumul des indemnités communale et départementale, contenue dans la limite d’une fois et demie l’indemnité parlementaire, soit 8 321,65 euros.
II. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES
Le présent article a pour principal objet de prévoir un régime indemnitaire spécifique à la Ville de Paris, permettant de maintenir le niveau actuel des indemnités, par dérogation au droit commun qui aurait conduit à aligner la situation indemnitaire des élus parisiens sur celle des autres élus des villes de plus de 100 000 habitants.
Cet alignement n’est, en effet, pas envisageable alors que, comme le rappelle l’évaluation préalable, « le champ des fonctions exercées effectivement demeure celui, bien plus large, d’une commune et d’un département. »
À cette fin, un nouvel article L. 2511-34-1 est introduit qui prévoit la fixation des indemnités à :
– 192 % de l’IB 1015 pour le maire ou le président de la délégation spéciale (30) (alinéa 5) ;
– 128,5 % de l’IB 1015 pour les adjoints ou les membres de la délégation spéciale (alinéa 6) ;
– 90,5 % pour les conseillers (alinéa 7).
Par ailleurs, il est également prévu, par coordination avec la création d’une commission permanente au sein du conseil de Paris par l’article 4 du présent projet de loi, que l’indemnité de fonction des membres de la commission permanente du conseil de Paris autres que le maire de Paris est égale à l’indemnité de conseiller de Paris majorée de 10 % (alinéa 8).
Vos rapporteurs rappellent que la commission permanente départementale qui existe actuellement à Paris, mais qui ne se réunit jamais, ne donne pas lieu à la majoration de l’indemnité de ses membres.
Les indemnités des maires d’arrondissement sont également maintenues à leur niveau actuel dans le nouveau régime indemnitaire de la Ville de Paris (alinéas 9 à 11).
À cette fin, un nouvel article L. 2511-35-1 est introduit qui prévoit la fixation des indemnités à :
– 128,5 % de l’IB 1015 pour les conseillers de Paris investis des fonctions de maires d’arrondissement (alinéa 13) ;
– 72,5 % de l’IB 1015 pour les maires d’arrondissement de Paris qui ne siègent pas au conseil de Paris (alinéa 14) ;
– 34,5 % de l’IB 1015 pour les adjoints au maire d’arrondissement de Paris qui ne siègent pas au conseil de Paris (alinéa 15).
Enfin, de manière à éviter que la suppression de la fonction de vice-président du conseil départemental au 1er janvier 2019 n’entraîne une perte d’indemnité, notamment pour les adjoints au maire qui occupent actuellement cette fonction, une mesure transitoire est prévue (alinéa 21).
À titre dérogatoire, s’ils occupent concomitamment ces deux fonctions au 31 décembre 2018, leur indemnité sera égale, au maximum, à 150,5 % de l’IB 1015 jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, prévu en 2020.
Enfin, la majoration de 25 % au titre de ville chef-lieu de département demeure applicable à ces plafonds d’indemnité, car elle est liée au département entendu comme circonscription administrative.
PLAFOND D’INDEMNITÉS FIXÉES PAR LE CONSEIL DE PARIS À L’ISSUE DE LA RÉFORME
Taux indice 2015 (en %) |
Montant mensuel (en euros) |
Montant mensuel majoré (en euros) | |
Maire |
192,5 |
7361,7 |
9202,2 |
Adjoint |
128,5 |
4914,2 |
6142,7 |
Conseiller de Paris |
90,5 |
3461,0 |
4326,2 |
Membre de la commission permanente |
99,6 |
3809,0 |
4761,2 |
Maire d’arrondissement (conseiller de Paris) |
128,5 |
4914,2 |
6142,7 |
Maire d’arrondissement (non conseiller de Paris) |
72,2 |
2761,1 |
3451,4 |
Adjoint au maire d’arrondissement |
34,5 |
1319,4 |
1649,2 |
Source : actualisation de l’évaluation préalable de l’article par la commission des Lois à la suite de la revalorisation de 0,6 % de l’IB 1015 au 1er juillet 2016.
Lors de son examen par le Sénat, cet article a fait l’objet d’un amendement rédactionnel, adopté à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud.
Vos rapporteurs ont, quant à eux, proposé à la commission des Lois de :
– supprimer la majoration de 10 % des indemnités versées aux membres de la commission permanente par coordination avec la suppression de l’article 4 qui prévoyait la création de cette dernière ;
– maintenir la modulation des indemnités perçues par les conseillers de Paris en fonction de leur présence aux séances plénières, telle qu’elle s’applique actuellement au conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL118 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement propose de maintenir la modulation des indemnités des conseillers de Paris en fonction de leur participation effective aux séances plénières, telle qu’elle s’applique actuellement pour les séances du conseil de Paris siégeant en formation de conseil départemental. Il est également proposé d’étendre cette disposition aux villes de Marseille et de Lyon.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement de coordination CL72 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 6 modifié.
Article 7
Transfert des agents de la commune et du département de Paris à la collectivité unique
Cet article prévoit que les agents de la commune et du département de Paris relèvent de plein droit de la Ville de Paris, collectivité à statut particulier créée par l’article 1er du présent projet de loi.
En effet, au 1er janvier 2016, ceux-ci étaient 50 000 à relever de la commune et 4 000 du département.
Cette disposition tire ainsi les conséquences de la fusion des deux collectivités existantes, sans toutefois entraîner de modification sur le statut et les conditions d’emploi des agents concernés. Ils se verront proposer un emploi correspondant à leur grade et aux missions de leur statut, ce qui constitue, selon l’évaluation préalable de l’article, « la garantie de la bonne acceptation de ce changement par les agents. »
Lors de son examen par le Sénat, cet article n’a pas fait l’objet de modification.
*
* *
La Commission adopte l’article 7 sans modification.
Article 8
(Chapitre Ier et II du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code général des collectivités territoriales et art. L. 222-2 du code des relations entre le public et l’administration)
Coordinations
Cet article propose d’abroger des dispositions codifiées relatives au département de Paris par coordination avec la création d’une nouvelle collectivité à statut particulier, la Ville de Paris, par l’article 1er du présent projet de loi (alinéa 1).
L’abrogation de la mention du département de Paris est ainsi proposée aux chapitres relatifs à son organisation prévus au code général des collectivités territoriales et au 2° de l’article L. 222-2 du code des relations entre le public et l’administration (alinéa 2).
Lors de son examen par le Sénat, cet article a fait l’objet d’un amendement rédactionnel adopté à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud.
*
* *
La Commission adopte l’article 8 sans modification.
Section 2
Dispositions diverses et transitoires
Article 9
Entrée en vigueur et habilitation législative
Cet article fixe au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur de la création de la Ville de Paris par l’article 1er du présent projet de loi et les conséquences qui en découlent (alinéa 1).
Il prévoit également d’autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnances, dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi permettant :
– d’adapter les modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement de tout établissement ou organisme institué par la loi (alinéa 3) ;
– de prévoir la substitution, dans les dispositions législatives en vigueur, de la Ville de Paris à la commune et au département de Paris (alinéa 4) ;
– de préciser et d’adapter les règles budgétaires, financières, fiscales, comptables et relatives aux concours financiers de l’État applicables à cette nouvelle collectivité (alinéa 5).
Le projet de loi portant ratification de chaque ordonnance devra être déposé devant le Parlement, au plus tard, le dernier jour du troisième mois suivant leur publication (alinéa 6).
Cette habilitation ne portant que sur des mesures techniques de précision ou de coordination, le Sénat a adopté cet article sous réserve de modifications de nature rédactionnelle.
À l’initiative du Gouvernement, la commission des Lois a élargi le champ de l’habilitation à la possibilité d’ajuster l’organisation, le fonctionnement et le financement de la Ville de Paris, afin de remédier à des difficultés qui apparaîtraient après l’adoption de la présente loi et qui ne pourraient être anticipées à ce stade.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL75, CL76 et CL77 des rapporteurs.
Suivant l’avis favorable des rapporteurs, elle adopte l’amendement de précision CL183 du Gouvernement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL80 et CL81 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 9 modifié.
Article 10
Maintien des mandats en cours
Cet article prévoit que le maire de Paris, ses adjoints, les autres conseillers de Paris ainsi que les maires d’arrondissement, leurs adjoints et les conseillers d’arrondissement qui sont en fonction à la date de la création de la Ville de Paris sont maintenus dans leurs mandats et leurs fonctions jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, prévu en 2020 (alinéa 1).
La réforme du statut de Paris, proposée par le présent projet de loi, n’aura, par conséquent, pas d’effet sur les mandats en cours.
Par ailleurs, il prévoit que ce maintien sera garanti selon les mêmes conditions pour les représentants désignés par la commune et le département de Paris dans des organismes extérieurs (alinéa 2).
Enfin, il prévoyait, avant que cette disposition ne soit supprimée au Sénat, à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud, les conditions de formation de la commission permanente selon un régime transitoire applicable jusqu’en 2020. Cette commission, introduite par l’article 4 du projet de loi initial du Gouvernement, ayant été supprimée par le rapporteur, cette disposition était devenue sans objet.
Vos rapporteurs ont proposé à la commission des Lois d’adopter cet article, sous réserve d’une modification rédactionnelle.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL82 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 10 modifié.
Article 11
Substitution de la Ville de Paris à la commune et au département de Paris dans tous les actes
Cet article a pour objet d’assurer la continuité juridique des engagements pris par la commune et le département de Paris auxquels la Ville de Paris, nouvelle collectivité à statut particulier, succède.
Il prévoit, à cette fin, que la Ville de Paris est substituée à ces deux collectivités :
– dans l’ensemble de leurs droits et obligations, dans toutes les délibérations et tous les actes qui relèvent de sa compétence, ainsi que dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles en cours à la date de sa création (alinéa 1) ;
– dans tous les contrats en cours à la date de sa création, qui devront être exécutés dans les conditions antérieures jusqu’à leur échéance, sauf accord contraire des parties (alinéa 2).
Par ailleurs, il est précisé que les transferts de biens sont réalisés à titre gratuit et qu’ils ne donnent lieu à aucune imposition de quelque nature que ce soit (alinéas 3 et 4).
Enfin, à la suite de l’adoption d’un amendement de précision du Gouvernement par le Sénat en séance publique, cette substitution est également valable au sein de tous les établissements publics dont la commune et le département étaient membres (alinéa 5).
Vos rapporteurs ont proposé à la commission des Lois d’adopter cet article, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL83, CL84, CL85 et CL86 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 11 modifié.
Article 12
Régime budgétaire et comptable transitoire de la Ville de Paris
Cet article prévoit les dispositions budgétaires et comptables qui s’appliqueront, l’année de sa création, à la nouvelle collectivité de la Ville de Paris.
En premier lieu, il précise que les comptes du département de Paris sont clôturés et repris dans ceux de la commune de Paris. Ces derniers deviennent les comptes de la Ville de Paris, sans qu’il soit fait application des règles relatives à la création d’une nouvelle personnalité morale (alinéa 1).
Cette dérogation doit permettre, selon l’évaluation préalable, de limiter le coût financier et humain qui aurait résulté de la clôture de l’ensemble des comptes du département et de la commune. Il est toutefois précisé qu’ « une agrégation entre les comptabilités de ces deux collectivités sera effectuée par le comptable public afin de garantir la traçabilité de l’ensemble des dépenses et des recettes de la Ville de Paris ».
En second lieu, il détermine que, pour l’exercice 2019, le budget qui devra être pris comme référence par la Ville de Paris, avant le vote de son premier budget (31), correspondra au cumul des montants inscrits aux budgets de l’année précédente de la commune et du département de Paris auxquels cette nouvelle collectivité succède (alinéa 2).
Enfin, l’article confie au conseil de Paris la responsabilité d’arrêter les derniers comptes administratifs des deux anciennes collectivités, dans les conditions prévues à l’article L. 1612-12 (alinéa 3).
Lors de son examen par le Sénat, aucune modification n’a été apportée à ce dispositif de transition.
Vos rapporteurs ont proposé à la commission des Lois d’adopter cet article, sous réserve d’une modification rédactionnelle.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL87 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 12 modifié.
Chapitre II
Dispositions relatives aux arrondissements
Section 1
Renforcement des missions des maires et des conseils d’arrondissement de Paris, Marseille et Lyon
Article 13
(art. L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales)
Renforcement des compétences des maires d’arrondissement et des conseils d’arrondissement
Cet article a pour objet de renforcer la compétence des maires d’arrondissement en matière de gestion des équipements de proximité, en complétant, pour la seule capitale, les dispositions prévues en la matière pour Paris, Marseille et Lyon introduites par la loi dite « PML » (32).
L’article 1er de cette loi prévoit, en effet, que « les affaires des communes de Paris, Marseille et Lyon sont réglées par un conseil municipal et, pour certaines attributions limitativement définies par la présente loi, par des conseils d’arrondissements. »
Si les attributions du conseil d’arrondissement sont essentiellement consultatives, sa principale compétence de décision concerne les équipements de proximité dont il a la charge.
I. L’ÉTAT DU DROIT
1. La notion de biens d’équipement de proximité
La notion d’équipements de proximité a connu une évolution conduisant à renforcer le rôle des mairies d’arrondissement dans ce domaine.
Définis initialement, à l’article L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT), par référence à une liste d’équipements « ou tout équipement équivalent ayant le même objet et le même régime juridique », leur champ a été élargi par l’adoption de la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité (33).
Dans sa rédaction en vigueur, cet article définit désormais la notion d’équipement de proximité comme « les équipements à vocation éducative, sociale, culturelle, sportive et d’information de la vie locale qui ne concernent pas l’ensemble des habitants de la commune ou les habitants de plusieurs arrondissements, ou qui n’ont pas une vocation nationale (34)».
Par ailleurs, aux termes de l’article L. 2511-18, la liste des équipements dont les conseils d’arrondissement ont la charge fait l’objet d’un inventaire. Celui-ci, dressé pour chaque arrondissement, doit faire l’objet de délibérations concordantes du conseil de Paris et du conseil d’arrondissement intéressé.
Comme le souligne le professeur Michel Verpeaux (35), « tous les équipements localisés ont désormais vocation à être considérés comme des équipements qui, par nature, relèvent de la gestion des conseils d’arrondissement ». La mairie de Paris a accompagné cette évolution, en permettant, par une délibération du conseil de Paris prise en ce sens les 28 et 29 octobre 2002, de multiplier par deux le nombre d’équipements de proximité inscrits à l’inventaire des équipements dont les arrondissements ont la charge.
Actuellement, près de 2 200 équipements de proximité sont recensés.
NOMBRE D’ÉQUIPEMENTS DE PROXIMITÉ PAR ARRONDISSEMENT
Source : data.gouv.fr, 22 avril 2014.
À titre de comparaison, Marseille compte 870 équipements de proximité.
2. La gestion de ces biens par les mairies d’arrondissement
L’article L. 2511-16 applicable à Paris, Marseille et Lyon prévoit que :
– le conseil d’arrondissement délibère sur l’implantation et le programme d’aménagement des équipements de proximité;
– il en assure la gestion et, à ce titre, en supporte les dépenses de fonctionnement (36) et d’investissement pour lesquelles des marchés de travaux sans formalités préalables peuvent être passés en raison de leur montant (37), ainsi que les dépenses nécessitées par des travaux d’urgence, sous certaines conditions.
Toutefois, la réalisation des équipements est subordonnée à une décision du conseil municipal prise dans les conditions prévues à l’article L. 2511-36. La décision finale revient, par conséquent, à ce dernier.
Par ailleurs, selon l’article L. 2511-21, les conditions générales d’admission et d’utilisation des équipements de proximité sont définies par une commission mixte composée d’un nombre égal de représentants du maire d’arrondissement et du maire de la commune, désignés parmi les conseillers élus. Cette commission siège à la mairie d’arrondissement.
II. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES
Cet article prévoit que les conseils d’arrondissement de Paris pourront désormais approuver les contrats d’occupation du domaine public portant sur les équipements de proximité.
Les principes encadrant cette faculté demeureraient ceux auxquels sont soumises les autorisations d’occupation du domaine public, à savoir la non gratuité de l’occupation, le respect de l’affectation à l’utilité publique du domaine et le caractère temporaire, précaire et révocable de l’autorisation.
Lors de son examen au Sénat, cet article a fait l’objet d’un amendement de précision adopté à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud.
S’ils approuvent ces dispositions, vos rapporteurs soulignent que l’ensemble des articles portant sur les transferts de compétences aux mairies d’arrondissement n’ont fait l’objet que d’une très brève présentation dans les évaluations préalables annexées au projet de loi. Ce constat est regrettable tant les pratiques peuvent différer entre mairie centrale et mairie d’arrondissement que l’on soit à Paris, à Lyon ou à Marseille.
Il n’est à, ce titre, pas satisfaisant que l’instauration d’un régime spécifique en matière de gestion des équipements de proximité, qui est un enjeu important pour les habitants de villes densément peuplées, soit réservé à Paris sans que ce choix ne soit motivé.
Vos rapporteurs considèrent, en effet, qu’il ne peut être fait de différence au sein des compétences des mairies d’arrondissement dans des collectivités disposant de la même organisation administrative sauf à retirer toute cohérence à leur statut, ce qui constituerait un retour en arrière par rapport à l’esprit de la loi PML.
Par conséquent, à leur initiative, la commission des Lois a rétabli la rédaction initiale du Gouvernement tout en élargissant ses effets aux communes de Marseille et de Lyon.
Elle a, par ailleurs, exclu des équipements concernés par cet article les équipements scolaires de manière à permettre au conseil municipal de gérer, pour l’ensemble de la commune, les éventuels besoins de relogement du public scolaire (par exemple, le recours à des écoles-relais en cas de travaux).
*
* *
La Commission examine l’amendement CL88 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre aux conseils d’arrondissement d’approuver les contrats d’occupation du domaine public portant sur les équipements de proximité, à l’exclusion toutefois des équipements scolaires, de manière à permettre au conseil municipal de gérer, pour l’ensemble de la commune, les éventuels besoins de relogement du public scolaire. Il peut s’agir, par exemple, du recours à des écoles relais en cas de travaux. Par ailleurs, il étend cette faculté aux conseils d’arrondissement de Marseille et de Lyon.
M. Philippe Goujon. Ce texte met à mal les compétences des maires d’arrondissement, comme nous allons le voir dans les amendements scélérats qui suivent. Un seul article améliorait, vaguement et sur des peccadilles, les pouvoirs de ces maires : ils devaient approuver les contrats d’occupation du domaine public concernant la gestion de la totalité des équipements de proximité transférés. Avec cet amendement, vous retranchez les équipements scolaires, c’est-à-dire la majorité des équipements transférés, du champ d’approbation du maire d’arrondissement. Cet amendement « recentralisateur » rogne sur le tout petit pouvoir que vous aviez concédé aux maires d’arrondissement.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Regardez bien cet amendement, monsieur Goujon. Il n’est pas du tout « recentralisateur » puisqu’il donne un nouveau pouvoir aux mairies d’arrondissement. Cependant, nous estimons que les écoles doivent rester à la disposition du maire de la ville concernée pendant toute la durée de son mandat. En matière scolaire, certains besoins – par exemple lorsqu’il faut faire des travaux dans une école – dépassent la limite de l’arrondissement. Vous pouvez dire que vous n’êtes pas d’accord avec le fait que les écoles soient exclues par l’amendement, mais vous ne pouvez pas parler de recentralisation. Au contraire, les mairies d’arrondissement vont se voir attribuer un nouveau pouvoir : approuver les contrats d’occupation du domaine public portant sur des équipements. Ce supplément de démocratie de proximité est apporté à la loi PLM.
M. Philippe Goujon. Si vos arguments sont justifiés pour les écoles, pourquoi n’excluez-vous pas aussi les crèches ?
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Un maire, qu’il soit de droite ou de gauche, ne pourra plus signer seul un contrat avec une association pour une occupation du domaine public, il devra le faire valider par son conseil d’arrondissement. Si cela n’est pas un progrès démocratique en matière d’information du public et des conseillers d’arrondissement, je n’y comprends plus rien. Vous ne pouvez pas dire qu’il s’agit d’un retour en arrière. Regardez bien et vous serez d’accord avec moi.
M. Philippe Goujon. Étant maire d’arrondissement depuis dix ans, je connais vaguement le sujet.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Vous n’êtes pas le seul !
M. Philippe Goujon. Vous donnez un minuscule pouvoir supplémentaire sur ces contrats d’occupation.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Vous le reconnaissez !
M. Philippe Goujon. Je le reconnais, évidemment, mais aussitôt vous en retirez les écoles. Si votre argument est valable pour les écoles, pourquoi ne l’est-il pas pour les crèches qui sont exactement dans la même situation statutaire et administrative que les écoles ? Il n’y a aucune raison de distinguer les crèches des écoles.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Si, il y a une raison que M. Le Bouillonnec va vous donner.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La raison est simple : la crèche est une prestation facultative alors que les écoles sont obligatoires. À partir du moment où les écoles sont obligatoires, il faut que la ville puisse mener une stratégie globale pour répondre aux problèmes de sectorisation, de capacité d’accueil, de préservation de classe dans le cadre des grandes luttes qui opposent parfois la collectivité locale à l’éducation nationale. C’est pourquoi les écoles doivent être traitées à part. Nous étendons aussi le dispositif à Marseille et à Lyon, ce que n’avait pas fait le Sénat.
M. Philippe Goujon. Je ne savais pas que les classes maternelles étaient obligatoires. Vous me l’apprenez.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 13 modifié.
Article 14
(art. L. 2511-22 du code général des collectivités territoriales)
Délégation du conseil d’arrondissement au maire d’arrondissement pour la conclusion des contrats portant occupation des équipements de proximité
Cet article ouvre la possibilité pour le conseil d’arrondissement de déléguer au maire d’arrondissement la conclusion des contrats d’occupation du domaine public portant sur des équipements de proximité et dont la durée n’excède pas douze ans.
En l’état du droit, l’article L. 2511-22 du code général des collectivités territoriales prévoit, en premier lieu, les conditions dans lesquelles le conseil municipal des villes de Paris, Marseille et Lyon peut donner délégation aux conseils d’arrondissement de préparer, passer, exécuter et régler des marchés de travaux, fournitures et services ne nécessitant pas de formalités préalables en raison de leur montant.
En second lieu, il précise que le maire d’arrondissement peut recevoir délégation de cette compétence de la part du conseil d’arrondissement.
Or, l’article 13 permettant désormais au conseil d’arrondissement d’approuver des contrats d’occupation du domaine public portant sur des équipements de proximité, ce dernier pourrait également avoir la faculté de déléguer au maire la conclusion de ces contrats (alinéa 2).
Par ailleurs, la limite à douze ans proposée par cette disposition est identique à celle retenue dans le cadre de la délégation au profit du maire d’arrondissement de « la conclusion et de la révision du louage de chose », prévue au 5° de l’article L. 2122-22.
Lors de son examen au Sénat, cet article a fait l’objet d’un amendement de précision adopté à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a étendu cet article aux communes de Marseille et Lyon pour assurer l’application des mêmes règles aux maires d’arrondissement quelle que soit la commune dans laquelle ils sont élus.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL89 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’étendre à Marseille et à Lyon la faculté donnée aux conseils d’arrondissement de Paris de déléguer aux maires d’arrondissement la conclusion des contrats d’occupation du domaine public portant sur des équipements de proximité et dont la durée n’excède pas douze ans.
Vos rapporteurs considèrent, en effet, qu’il ne peut être fait de différence entre maires d’arrondissement appartenant à des collectivités disposant de la même organisation administrative sauf à retirer toute cohérence à leur statut, ce qui constituerait un retour en arrière par rapport à l’esprit de la loi PML.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL60 et CL90 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 14 modifié.
Article 15
(art. L. 2511-27 du code général des collectivités territoriales)
Possibilité de délégation de signature des maires d’arrondissement à leurs directeurs généraux adjoints des services
Cet article a pour objet de permettre au maire d’arrondissement de donner délégation de signature au directeur adjoint des services de la mairie d’arrondissement.
Conformément à l’article L. 2511-27 du code général des collectivités territoriales, le maire peut d’ores et déjà donner, sous sa surveillance et sa responsabilité, par arrêté, délégation de signature au directeur général des services de la mairie et aux responsables de services communaux.
Dans les mêmes conditions, le maire d’arrondissement peut également donner délégation de signature au directeur général des services de la mairie d’arrondissement.
Selon le Gouvernement, l’extension proposée de cette faculté de délégation, pour le maire d’arrondissement, au directeur adjoint des services doit permettre de répondre aux difficultés rencontrées en cas d’absence du directeur général.
Lors de son examen au Sénat, cet article a fait l’objet d’un amendement rédactionnel, adopté à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a étendu cet article aux communes de Marseille et Lyon pour assurer l’application des mêmes règles aux maires d’arrondissement quelle que soit la commune dans laquelle ils sont élus.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL91 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement répond à la même logique que le précédent et vise à unifier l’application de la loi PLM. Le texte du Gouvernement prévoit la faculté pour le maire d’arrondissement, à Paris, de donner délégation de signature au directeur-adjoint des services de la mairie d’arrondissement. Nous vous proposons d’étendre cette mesure, qui facilitera la vie administrative des mairies d’arrondissement, à Marseille et Lyon.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 15 modifié.
Article 16
(art. L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales)
Avis du maire d’arrondissement sur toute autorisation d’étalage et de terrasse dans l’arrondissement
Dans sa rédaction initialement proposée par le Gouvernement, cet article prévoyait la faculté pour le maire d’arrondissement de donner un avis sur toute autorisation d’étalage ou de terrasse concernant l’arrondissement et délivrée par le maire de Paris.
En l’état du droit, l’article L. 2511-30 prévoit, en effet, que le maire d’arrondissement des villes de Paris, Marseille et Lyon peut émettre un avis sur :
– toute autorisation d’utilisation du sol dans l’arrondissement délivrée par le maire de la commune ;
– toute permission de voirie sur le domaine public dans l’arrondissement délivrée par le maire de la commune ;
– tout projet d’acquisition ou d’aliénation d’immeubles ou de droits immobiliers réalisées par la commune dans l’arrondissement ;
– tout changement d’affectation d’un immeuble communal situé dans l’arrondissement.
Par ailleurs, il doit être informé, le cas échéant, des déclarations d’intention d’aliéner portant sur des immeubles situés dans l’arrondissement et le maire de la commune l’informe, chaque mois, de la suite réservée à ces déclarations.
Enfin, le maire d’arrondissement est consulté pour avis sur les projets de transformation d’immeubles en bureaux ou en locaux d’habitation.
Le présent article venait ainsi compléter cette liste pour les autorisations d’étalage et de terrasse, particulièrement importantes à Paris puisque, selon le Bilan des conventions et autres titres d’occupation du domaine public de la ville de Paris de décembre 2015, les autorisations unilatérales d’occupation temporaire du domaine public « concernent principalement, sur la voirie, les terrasses, étalages et enseignes de restaurants et cafés parisiens avec plus de 23 200 titres en 2014 générant près de 37 millions d’euros de redevances soit une moyenne de 1 600 euros annuels par titre. »
À ce sujet, vos rapporteurs soulignent que cet enjeu est sensible également dans toutes les grandes villes densément peuplées, et en premier lieu à Marseille et à Lyon.
Lors de son examen en séance publique au Sénat, cet article a toutefois été profondément modifié par l’adoption d’un amendement du rapporteur, M. Mathieu Darnaud.
Il prévoit désormais qu’à Paris, le maire d’arrondissement délivre, au nom de la commune et dans les conditions fixées par le conseil de Paris, les autorisations d’utilisation du sol dans l’arrondissement (alinéa 4).
Par ailleurs, il peut recevoir une délégation de compétence du maire de Paris pour :
– délivrer toute autorisation d’étalage et de terrasse dans l’arrondissement (alinéa 5) ;
– procéder aux acquisitions, aliénations d’immeubles ou de droits immobiliers réalisées par la commune dans l’arrondissement dans le cadre du droit de préemption urbain (alinéa 6).
Enfin, préalablement à son approbation par le conseil de Paris, l’établissement, la modification et la révision du plan local d’urbanisme (PLU) de la ville devront être approuvés à la majorité d’au moins la moitié des conseils d’arrondissement représentant au moins les deux tiers de la population ou d’au moins les deux tiers des conseils d’arrondissement représentant au moins la moitié de la population (alinéa 7).
Selon le rapporteur, ces dispositions inspirées de celles applicables aux intercommunalités, doivent permettre de mieux associer les mairies d’arrondissements à ces compétences et favoriser le développement d’une politique de proximité.
Toutefois, vos rapporteurs soulignent que ces dispositions modifient profondément la répartition des compétences entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement au risque d’ôter toute cohérence à l’action communale et de bloquer des évolutions importantes, notamment dans le cadre de la procédure d’élaboration des PLU.
Par conséquent, à leur initiative, la commission des Lois a rétabli la rédaction initiale du présent article et en a étendu les effets aux maires d’arrondissement de Marseille et de Lyon.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL92 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement vise, d’une part, à rétablir la rédaction initiale du Gouvernement et permettre ainsi aux maires d’arrondissement de donner un avis sur les autorisations d’étalage et de terrasse relatives à l’arrondissement, et, d’autre part, à étendre cette faculté aux maires d’arrondissement de Marseille et de Lyon.
Il s’agit d’une avancée démocratique puisque la loi actuelle ne stipule pas que les mairies d’arrondissement doivent donner un avis concernant l’étalage sur la voie publique et les terrasses. Ces mesures concernent évidemment les trois grandes villes dont nombre de restaurants et cafés occupent des terrasses. Cet approfondissement de la loi PLM me semble de bon aloi.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cela ne sert à rien parce qu’il est loisible à l’exécutif de ne tenir aucun compte des avis des maires d’arrondissement. D’ailleurs, n’en déplaise à M. Le Bouillonnec, c’est ce que fait l’exécutif parisien…
Il n’y a pas de demi-mesure : soit on donne un vrai pouvoir aux maires d’arrondissement – un avis conforme, une délégation de compétence ou d’autres mesures de ce genre –, soit nous sommes dans un théâtre d’ombres, ce qui n’est pas notre genre.
M. Philippe Goujon. Il ne faut pas faire croire à une avancée considérable quand on se contente d’inscrire dans la loi un pouvoir déjà accordé. Je ne sais pas comment cela se passe à Lyon et à Marseille, mais à Paris les maires d’arrondissement donnent déjà leur avis en la matière.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Vous pouvez remercier M. Delanoë !
M. Philippe Goujon. Non, parce que ce pouvoir avait été accordé aux maires d’arrondissement avant qu’il ne soit maire de Paris. C’est une bonne chose de l’inscrire dans la loi, je le reconnais, mais cela n’apporte rien de plus aux maires d’arrondissement parisiens. S’il faut aider les Marseillais, pourquoi pas, soyons solidaires !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Vous êtes bien aimable !
M. Olivier Dussopt. S’agissant de cette série de dispositions introduites par le Sénat, le groupe socialiste soutiendra les amendements des rapporteurs, pour deux raisons : d’abord, parce qu’il est utile d’inscrire dans la loi une pratique qui a été mise en place par Bertrand Delanoë et poursuivie par Anne Hidalgo, et qui a pu susciter, chez les élus de Lyon et de Marseille, l’envie de la voir adoptée dans leur ville ; ensuite, parce que les dispositions adoptées par le Sénat vont trop loin et déséquilibrent la répartition des pouvoirs entre le maire central et le maire d’arrondissement.
La Commission adopte l’amendement CL92.
En conséquence, les amendements CL187 et CL188 tombent.
L’article 16 est ainsi rédigé.
Article 16 bis A (supprimé)
(art. L. 2511-14 du code général des collectivités territoriales)
Compétence du maire d’arrondissement en matière d’attribution de subvention
Lors de l’examen du présent projet de loi, le Sénat a introduit cinq nouveaux articles ayant pour objet de transférer des compétences diverses de la mairie centrale aux mairies d’arrondissement et pour finalité de rapprocher ces dernières du statut de mairie de plein exercice.
Les rapporteurs regrettent que les évolutions ainsi proposées ne tiennent pas compte de la nécessité pour une grande ville et, a fortiori, une capitale comme Paris, de disposer d’une stratégie communale claire et cohérente sur l’ensemble de son territoire.
Il ne s’agit pas de priver les maires d’arrondissement, très attachés à leur territoire comme ils l’ont souligné au cours des auditions, de compétences qu’ils jugent importantes, mais de préserver l’unité indispensable à la conduite de politiques publiques intéressant 2,24 millions d’habitants, répartis de manière hétérogène au sein des différents arrondissements et ne présentant pas les mêmes caractéristiques sociologiques, ni les mêmes besoins.
Si vos rapporteurs soutiennent les politiques de proximité et reconnaissent aux maires d’arrondissement un rôle central en la matière, celui-ci doit venir en complément des politiques engagées par le conseil de Paris et non en concurrence, de manière à respecter l’esprit de la loi « PML » (38).
Ces articles couvrent de nombreux domaines.
L’article 16 bis A prévoit la fixation par le conseil de Paris, pour chaque arrondissement, d’une enveloppe budgétaire destinée aux subventions versées aux associations dont l’activité s’exerce dans le seul arrondissement ou au profit des seuls habitants de l’arrondissement, et dont le versement effectif serait assuré par le maire d’arrondissement. Le conseil de Paris déterminerait, quant à lui, les critères d’attribution.
Adoptée à l’initiative de M. Yves Pozzo di Borgo, cette disposition a pour objet « d’accompagner l’essor d’une offre associative cohérente au regard des réalités du territoire » (39).
Or, au-delà du fait que l’attribution des subventions est une prérogative budgétaire essentielle du conseil municipal donnant lieu à une délibération distincte lors du vote du budget, elle est aussi un gage de cohésion pour le territoire au travers de l’action des associations qui les reçoivent. Par ailleurs, cette disposition aurait nécessairement pour effet de décourager ces dernières à étendre leurs activités en dehors de l’arrondissement, par crainte de perdre leur subvention, alors même que cela pourrait leur être bénéfique ainsi qu’aux populations concernées. Enfin, le maire d’arrondissement joue déjà un rôle en la matière puisqu’il est saisi pour avis au titre de ces attributions et qu’il peut ainsi donner une vision concrète de l’action des associations concernées sur son territoire.
L’article 16 bis B prévoit la délégation par le maire de Paris au maire d’arrondissement de l’attribution des logements sociaux situés sur l’arrondissement.
Adopté à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud, cette disposition se substitue à la rédaction actuelle de l’article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que « les logements dont l’attribution relève de la commune et qui sont situés dans l’arrondissement sont attribués pour moitié par le maire d’arrondissement et pour moitié par le maire de la commune ».
Ces logements relèvent principalement de programmes de logements sociaux ou intermédiaires permettant de répondre pour partie aux difficultés rencontrées par les personnes aux revenus modestes dans les villes de Paris, Marseille et Lyon, soumises à une forte pression immobilière. Pour précision, depuis 2001, des commissions d’attribution des logements sont chargées d’examiner les demandes et de formuler des propositions. Présidées par l’adjoint au maire d’arrondissement en charge du logement et de l’urbanisme, elles sélectionnent les dossiers à retenir au regard de critères déterminés dans un souci de plus grande transparence.
À titre d’exemple, sur le site d’information de la mairie du 18ème arrondissement, il est précisé que ce dernier compte plus de 12 000 demandeurs de logement social alors qu’il ne dispose que d’un contingent limité de logements réservés à la mairie (soit en moyenne 50 logements par an, ce chiffre étant variable d’une année sur l’autre). Dans cette situation, une politique centralisée complémentaire d’attribution des logements disponibles sur la capitale est nécessaire de manière à atténuer les différences de situations rencontrées au sein des différents arrondissements.
L’article 16 bis C a pour objet de permettre la délégation par le conseil de Paris aux conseils d’arrondissement, dans les conditions qu’il détermine, du nettoyage, de l’entretien et de la réparation de la voirie dans l’arrondissement. Les services de la mairie de Paris seraient mis à la disposition des maires d’arrondissement pour exercer cette nouvelle attribution.
Adopté à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud, cet article organise à la fois le transfert obligatoire d’une nouvelle compétence et celui des agents nécessaires à sa mise en œuvre.
Si vos rapporteurs reconnaissent que la compétence en matière de propreté et d’entretien de la voirie publique doit s’inscrire dans une politique de proximité, fondée sur une plus grande concertation avec les élus d’arrondissement, sur des réponses explicites aux vœux qu’ils formulent et la prise en compte des difficultés concrètes qu’ils peuvent rencontrer, ils considèrent que cette politique doit rester centralisée, principalement parce qu’il n’est pas envisageable de transférer des agents de la ville de Paris aux mairies d’arrondissement.
L’article 16 bis D prévoit la possibilité pour le maire d’arrondissement, à sa demande et dans les conditions fixées par le conseil de Paris, de conclure une convention, au nom de la commune, avec une ou plusieurs communes limitrophes sur tout sujet relevant de la compétence de l’arrondissement.
Cette disposition, introduite à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud, vise à contourner l’impossibilité pour les mairies d’arrondissement, qui ne sont pas dotées de la personnalité morale, de conclure de telles conventions.
Les rapporteurs estiment que si les relations avec les communes de la petite couronne doivent permettre d’aborder certaines problématiques ou projets particuliers dans le cadre d’une concertation étroite permettant de mettre en œuvre des politiques cohérentes, la poursuite de cet objectif ne nécessite pas de permettre aux arrondissements de conclure de telles conventions. Au contraire, ces dernières, prises, le cas échéant, à rebours d’une politique de la mairie de Paris, pourraient s’opposer au bon développement des relations entre la capitale et les communes limitrophes, alors même que leurs interactions et leurs projets communs sont nombreux.
L’article 16 bis E a pour objet de permettre la délégation par le conseil de Paris, dans les conditions qu’il détermine, de l’organisation, de la création et de la gestion du service de la petite enfance aux conseils d’arrondissement. Pour l’exercice de ces attributions, les services de la mairie de Paris seraient mis à la disposition des maires d’arrondissement.
Introduite à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud, cette disposition ne semble pourtant pas nécessaire puisque les conseils d’arrondissement gèrent d’ores et déjà les équipements de proximité, dont font partie les équipements de la petite enfance. Il n’est donc pas utile de leur transférer la totalité de la compétence en la matière, ni les agents nécessaires à sa mise en œuvre.
Les rapporteurs soulignent par ailleurs, que lors des débats, il n’a pas été fait mention de difficultés particulières auxquelles cette disposition permettrait de répondre.
Par conséquent, la commission des Lois a supprimé, à leur initiative, les articles 16 bis A à 16 bis E.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL93 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Nous commençons l’examen d’une série d’amendements visant à supprimer les dispositions introduites par le Sénat auquel M. Dussopt vient de faire allusion.
Comme vous le constaterez à la lecture de notre rapport, il n’y a pas eu d’unanimité de la part de nos collègues maires d’arrondissement de Paris à propos des articles additionnels adoptés par le Sénat, quelle que soit leur couleur politique – en tout cas, à gauche, c’était clair et parmi Les Républicains, je n’ai pas décelé non plus un très grand enthousiasme. Ils ont raison. Si ces amendements étaient adoptés, en effet, il y aurait à Paris vingt communes, qui seraient chapeautées par une autre commune, la ville de Paris. Un tel système n’est pas du tout celui que le législateur a voulu en 1983 et n’est pas non plus souhaité par les Parisiens qui sont, me semble-t-il, attachés, comme les autres Français, à l’unicité de leur commune – même si la taille et la nature de Paris, comme de Lyon et de Marseille, ont nécessité une décentralisation au niveau des arrondissements et des secteurs.
Voilà pourquoi Jean-Yves Le Bouillonnec et moi-même allons proposer de supprimer par amendement la totalité des nouveaux articles 16 bis A à 16 bis E présentés par le Sénat.
Le premier de ces amendements porte sur les subventions versées aux associations. Selon l’article 16 bis A du Sénat, la mairie de Paris ne verserait plus de subventions. Une enveloppe budgétaire dite « de subventions » serait allouée à chaque arrondissement et il reviendrait à son maire de procéder à leur versement effectif aux associations. Or cela poserait un certain nombre de difficultés, notamment pour les associations « transversales » dont les activités, ou le thème traité, dépassent le cadre de l’arrondissement. Nous vous proposons donc la suppression de ce premier article 16 bis A.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Je propose que notre collègue Patrick Mennucci soit nominé pour le prix de l’humour politique…
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Mais je l’ai déjà gagné l’année dernière !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Justement, je fais votre campagne pour cette année ! N’avez-vous pas dit : « quelle que soit leur couleur politique ; en tout cas à gauche… » ?
Plus sérieusement, cet amendement – comme les suivants d’ailleurs – est révélateur de votre incompréhension de la spécificité de Paris. Paris compte tout de même 2,2 millions d’habitants, et un arrondissement moyen plus de 100 000 habitants. À ce titre, celui-ci pourrait donc être classé parmi les quarante plus grandes villes françaises. Pensez-vous réellement que le maire d’un arrondissement, disons de 150 000 habitants, soit moins qualifié que le maire de Rouen, d’Orléans ou d’Évry – au « hasard », qui compte 50 000 habitants – pour juger de l’opportunité de l’attribution d’une subvention ?
M. Claude Goasguen. Je rappelle aux rapporteurs qu’un premier projet PLM, proposé par Gaston Defferre, avait été refusé, pour des raisons tactiques, par le maire de Paris d’alors, Jacques Chirac. Certes, cet incident remonte à près de quarante ans. Mais j’aimerais que vous puissiez faire preuve d’autant d’imagination que votre prédécesseur, alors ministre de l’intérieur.
En effet, c’est en réalité le premier projet de Gaston Defferre qu’a repris le Sénat : au-dessous de la commune, il y a des arrondissements qui restent des arrondissements, mais qui sont dotés d’une personnalité morale, laquelle ne fait pas d’eux des communes, mais les fait exister. Cette construction juridique, que vous semblez avoir oubliée, se trouve toujours dans les archives du ministère de l’intérieur.
Mme Kosciusko-Morizet a raison lorsqu’elle dit que l’on ne peut pas dénier à des arrondissements de 150 000 habitants, peut-être pas le statut de communes – pour ne pas remettre en cause l’unité de Paris qui, entre nous, date de Napoléon III – mais au moins une certaine existence juridique. Aujourd’hui, les arrondissements n’ont pas la personnalité morale. De ce fait, par exemple, le maire d’arrondissement ne peut pas intervenir devant les tribunaux, sauf comme président de la caisse des écoles. C’est tout de même un paradoxe.
Vous maintenez donc une construction chiraquienne, ce dont je vous félicite. Sauf que celle-ci date de quarante ans. Je vous souhaite donc de retrouver l’imagination de votre prédécesseur, alors ministre de l’intérieur, qui fut, lui, un véritable décentralisateur. Nous serions heureux qu’on nous soumette des articles plus modernes, et qui fassent de la ville de Paris autre chose que cette cathédrale vétuste qui s’enfonce dans l’immobilisme.
M. Daniel Vaillant. Je ne suis pas maire d’arrondissement, mais je connais un peu le sujet. Je ne suis pas d’accord avec Claude Goasguen : Gaston Defferre s’est rapidement repris, pour ceux qui se le rappellent, et son projet de loi n’a vécu que vingt-quatre heures.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il n’a d’ailleurs jamais existé officiellement !
M. Daniel Vaillant. Laissons là le passé.
Moi qui suis partisan de la déconcentration, de la décentralisation, je pense que l’on peut effectivement mieux faire pour les équipes d’arrondissement, qui ont la légitimité du suffrage universel et qui élisent le maire. Ce qui vaut pour les maires d’arrondissement vaut pour tous les maires de France, y compris pour le maire de Paris – du moins je l’espère, car j’ai entendu à ce sujet des propositions inquiétantes…
Certains, et Claude Goasguen se le rappelle sans doute, avaient déjà tenté de conférer aux arrondissements la capacité d’instruire et de décider des subventions destinées aux associations locales. Mais je n’y étais pas favorable. Il faut être prudent en la matière. Au niveau central, en effet, les procédures se font dans la transparence, selon certains critères, et il est possible de faire des vérifications. C’est une garantie. Par ailleurs, pour exercer le pouvoir que l’on propose de leur conférer, les maires d’arrondissement auront besoin de moyens supplémentaires pour instruire les dossiers. Et là, je crains l’inflation des effectifs. Sur ce point, ce nouvel article ne me semble donc pas réaliste.
Cela n’empêche pas, bien sûr, que l’instruction de ces subventions se mène en accord avec le maire d’arrondissement. Rien ne doit se décider sans qu’il ait été consulté et associé. L’équilibre est bon. Voilà pourquoi je souhaite que l’on en revienne au droit en vigueur. Pour une fois, les sénateurs connaissent manifestement moins bien le sujet que nous.
M. Philippe Goujon. Vous parlez d’« inflation » à propos des attributions de subventions à Paris. Je rappelle que 240 millions d’euros sont attribués par la mairie centrale, ce qui est relativement important. En outre, alors que nous demandons régulièrement à la mairie de Paris de nous communiquer la liste des subventions par association, nous ne l’obtenons jamais. Tout cela se passe au niveau de la mairie centrale, sans que l’opposition ni les mairies d’arrondissement n’en soient informées. Je n’ai d’ailleurs même pas la liste des subventions qui sont attribuées aux associations de mon arrondissement. Et c’est pareil dans tous les arrondissements. Peut-être l’avez-vous, à gauche …
M. Daniel Vaillant. On les vote en conseil d’arrondissement !
M. Philippe Goujon. Le conseil d’arrondissement n’a l’obligation de se prononcer que sur les subventions d’associations dont l’activité s’exerce dans le seul arrondissement, ou au profit des seuls habitants. Or certaines associations essaiment sur l’ensemble de Paris.
Cet article, très sage, du Sénat, prévoyait précisément que le conseil d’arrondissement aurait à se prononcer uniquement sur les subventions aux associations dont l’activité s’exerce dans le seul arrondissement et au profit des seuls habitants de l’arrondissement. Il ne s’agissait pas du tout de se prononcer sur les associations dites « transversales ».
Par ailleurs, M. Delanoë, dont on a fait l’éloge sur certains bancs, avait mis en place un groupe de travail avec quelques maires d’arrondissement – j’en faisais partie. Ce groupe avait envisagé que jusqu’à un certain niveau, les subventions attribuées dans l’arrondissement pourraient être décidées par le seul conseil d’arrondissement. Mais cette proposition du précédent maire de Paris n’a malheureusement pas pu aboutir, pour des raisons diverses, et sans doute à la suite de discussions internes à la gauche.
Essayez au moins de respecter le souhait de Bertrand Delanoë, qui relevait du bon sens. Nous sommes prêts à accepter que l’instruction soit assurée par les services centraux, pour éviter l’inflation administrative que redoute M. Vaillant.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il ne faut pas appréhender ces amendements un par un : ils constituent un tout, qui vise à modifier la nature des arrondissements de Paris, pour les transformer en communes.
Monsieur Goasguen, vous avez la gentillesse de me qualifier de « successeur » de Gaston Defferre. Vous avez remarqué que la dernière fois, cela n’a pas marché… Quoi qu’il en soit, vous ne cessez de revenir sur le « projet de loi » de Gaston Defferre. Vous connaissez l’affection et la considération que j’avais pour lui. J’ai donc essayé de comprendre, et j’ai demandé aux services de l’Assemblée nationale de me donner ce projet de loi que, selon vous, Jacques Chirac a fait enterrer… ou je ne sais quelle baliverne que vous nous servez depuis maintenant plusieurs semaines.
M. Claude Goasguen. Je peux vous communiquer ce texte !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il y a eu des articles de presse parce qu’il y a eu un débat. Mais vous savez comme moi que ce n’est pas la presse qui fait la loi : c’est l’Assemblée nationale et le Sénat. Et dans le texte de Gaston Defferre qui a été promulgué le 31 décembre 1982, il n’est nullement question que les mairies d’arrondissement deviennent des mairies dotées de la personnalité morale.
À l’époque, vous étiez du côté de Jacques Chirac, mais pas exactement dans le même parti. Revenez aujourd’hui à la réalité : cette hypothèse n’a jamais été sérieusement envisagée.
Pour notre part, nous restons persuadés d’une chose : la ville de Paris – comme celle de Marseille ou de Lyon – doit avoir une politique centrale pour orienter la vie de ses habitants. Et ce n’est pas les mairies d’arrondissement qui peuvent le faire. Ce sont des mairies de proximité, qui ont des délégations. Et croyez-moi, à Paris, elles en ont beaucoup par rapport aux deux autres villes relevant du texte PLM, parce que Bertrand Delanoë et peut-être aussi ses prédécesseurs de droite – je ne sais pas – sont allés dans ce sens.
Voilà la raison pour laquelle nous demandons à l’Assemblée de bien vouloir supprimer les articles additionnels adoptés par le Sénat.
M. Claude Goasguen. Relisez tout de même les articles publiés sous la signature de M. Georges Sarre, qui était président du groupe socialiste du conseil de Paris…
M. le président Dominique Raimbourg. C’est un très vieux débat !
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Si tous les projets de M. Georges Sarre avaient été réalisés, on ne serait pas dans la même situation.
La Commission adopte l’amendement CL93.
En conséquence, l’article 16 bis A est supprimé.
Article 16 bis B (supprimé)
(art. L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales)
Compétence du maire d’arrondissement en matière d’attribution des logements sociaux
Le commentaire du présent article est présenté à l’article 16 bis A qui poursuit la même finalité de transfert de nouvelles compétences du maire ou du conseil de Paris vers les maires et conseils d’arrondissement.
*
* *
La Commission examine les amendements identiques, CL94 des rapporteurs et CL189 du Gouvernement.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Dans la même logique, cet amendement vise à supprimer l’article 16 bis B qui a été introduit par le Sénat, relatif aux attributions de logements sociaux.
Si cet article était voté, le maire de Paris donnerait délégation aux mairies d’arrondissement en matière d’attribution des logements sociaux situés dans l’arrondissement. Or nous considérons qu’on ne peut pas accepter un tel dispositif. Les mairies d’arrondissement ont déjà, de par la volonté de la mairie de Paris d’ailleurs, la possibilité de présenter des candidats pour les commissions d’attribution des organismes de logements sociaux et il n’y a pas lieu selon nous d’élargir le système à l’intégralité des logements.
Je rappelle que les droits de réservation sont conditionnés par la participation de la collectivité au financement de la construction des logements, par attribution de foncier, par garantie des prêts ou par mise en œuvre de la surcharge foncière. Ces décisions relevant de la mairie centrale de Paris, il n’y a pas de raison que celle-ci soit privée de l’usage de ces droits de réservation. Actuellement, les mairies d’arrondissement peuvent déjà présenter des candidatures. C’est une pratique de la mairie de Paris, qu’il faut souligner, car ce n’est pas le cas à Lyon ou à Marseille.
Nous souhaitons donc en rester au dispositif actuel, qui est la contrepartie des décisions prises par le conseil de Paris, en tant que tel, sur le financement et la mise en œuvre de la construction des logements sociaux.
M. Claude Goasguen. Je regrette que l’on traite ensemble les cas de Paris, Lyon et Marseille car, encore une fois, la situation parisienne n’a rien à voir avec celle de ces deux autres villes.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. C’est la loi !
M. Claude Goasguen. C’était pour des raisons purement tactiques que le projet initial PLM avait réuni trois villes qui, en fait, ne sont absolument pas comparables.
D’abord, Marseille et Lyon ont une forte tradition de démocratie locale, depuis près de mille ans. Dans ce domaine, à Paris, nous sommes des débutants : il a fallu attendre 1977 pour élire notre premier maire au suffrage universel ! À Lyon, c’est autour de l’an 1000 que les premiers échevins sont apparus.
Je rappelle également qu’avant 1977, Paris était géré par le préfet, au nom du Gouvernement, et le président du conseil de Paris n’avait qu’une existence purement livresque. Cette situation n’a rien à voir à voir avec celle de Lyon ou de Marseille.
Cela étant, le droit commun des collectivités territoriales ne s’applique pas à Paris. Eu égard à celui-ci, en effet, une moitié des attributions des logements créés dans l’arrondissement devrait revenir à l’arrondissement, et l’autre à la ville de Paris. Mais cette répartition n’est pas respectée, en raison de dispositions complémentaires – la loi DALO, le 1 % patronal, les offices HLM. Voilà pourquoi les attributions de la ville de Paris et des arrondissements représentent à peine le tiers des logements. Et un tiers divisé par deux, cela fait un sixième pour chacun.
M. Philippe Goujon. J’ajouterai à l’excellent exposé de notre collègue Claude Goasguen que non seulement la répartition 50/50 n’est pas respectée, mais que la mairie de Paris est totalement maîtresse de la qualité et de la nature des appartements dont elle donne aux arrondissements le pouvoir d’attribution – emplacements, nombre, loyer, etc.
Ainsi, les maires d’arrondissement ne savent absolument pas comment est faite cette répartition, ni sur quels critères. Ils n’ont aucun moyen de contrôle. Il n’y a pas de problème pour les nouveaux logements, mais il peut y en avoir pour les logements qui ont été attribués dans des immeubles anciens, ou en cas de modification. Comme les maires d’arrondissement n’ont pas de « droit de suite », ils risquent de perdre une partie du contingent.
Pourtant, ils sont les mieux placés. Tous les arrondissements, même le 16e, ont aujourd’hui des commissions d’attribution dont les règles sont les mêmes qu’au niveau central. D’ailleurs, les demandes sont instruites au niveau des mairies d’arrondissement, dans les bureaux du logement qui existent dans chacune d’elles, et donc en liaison avec l’administration locale et les élus locaux.
Voilà pourquoi cet article me paraît justifié.
La Commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, l’article 16 bis B est supprimé.
Article 16 bis C (supprimé)
(art. L. 2511-21-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Compétence du maire d’arrondissement en matière de nettoyage et de voirie
Le commentaire du présent article est présenté à l’article 16 bis A qui poursuit la même finalité de transfert de nouvelles compétences du maire ou du conseil de Paris vers les maires et conseils d’arrondissement.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL95 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. L’article 16 bis C, introduit par le Sénat, délègue au conseil d’arrondissement l’entretien, la réparation et le nettoyage de la voierie.
Nous reconnaissons que cette compétence doit s’exercer en concertation avec les élus d’arrondissement – et je crois savoir que c’est le cas. Ainsi, à Paris, contrairement à Marseille, il y a des budgets de voirie, ce qui est dérogatoire à la loi PLM. C’est une libéralité que fait le maire de Paris à ses arrondissements, à juste titre, selon moi. Pour autant, nous considérons que cette politique doit rester centralisée, principalement parce qu’il n’est pas envisageable de transférer les agents de la ville de Paris aux mairies d’arrondissement. Ce transfert entre dans le dessein du Sénat, qui vise à créer vingt communes. Or comme nous l’avons déjà dit, nous sommes en désaccord avec ce projet, en tout cas au sein de la majorité.
M. Claude Goasguen. Certains, dans cette salle, s’étonneront de nous entendre insister alors que, de toute évidence, la majorité de cette assemblée a décidé de se soumettre à un texte qui sert l’intérêt particulier de l’actuelle mairie de Paris. Mais c’est que nous prenons de l’avance sur le projet de loi qui viendra vraisemblablement en discussion l’année prochaine. Ainsi, nous profitons des débats d’aujourd’hui pour réfléchir à la façon de moderniser la ville de Paris, et de la sortir de son immobilisme. C’est le préalable au débat réel que nous appelons de nos vœux.
Cela étant, il y a ici un problème très parisien. Je ne voudrais pas, monsieur Mennucci, tirer parti de vos difficultés avec le maire de Marseille…
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je n’en avais pas parlé.
M. Claude Goasguen. Si, puisque vous avez regretté qu’il n’y ait pas de budgets de voirie dans les arrondissements de Marseille. Mais peut-être n’êtes-vous pas suffisamment pugnace face au maire de Marseille ? Je peux le comprendre, le maire de Marseille étant effectivement un « client » difficile à manœuvrer…
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Vous êtes le premier à le dire.
M. Claude Goasguen. Non, je ne suis pas le premier à le dire, et je ne serai pas le dernier non plus…
Je ne connais pas la situation à Marseille, encore qu’elle ne me paraisse pas très éloignée de la nôtre, mais prétendre qu’à Paris le système de nettoyage est une réussite, c’est prendre des millions de personnes pour des crétins ! Tout le monde dénonce en effet la saleté de Paris, qui est sale depuis une décennie. (Protestations.) Vos arguties juridiques n’y changeront rien. La saleté de la ville montre que le système ne marche pas.
Que Paris soit sale est une évidence. Refuser de le reconnaître est une erreur. Et il est de notre devoir, au moment où l’on discute de ce texte, d’essayer d’en comprendre les raisons.
On ne peut pas assurer la propreté d’une ville de 2 millions d’habitants depuis le beffroi de l’Hôtel de ville parce que les syndicats du personnel de la propreté ont décidé, une fois pour toutes, qu’ils avaient un statut, et qu’à Paris, ce statut devait être unique. Vous ne pourrez pas régler cet important problème tant que vous refuserez que des collectivités puissent avoir la personnalité morale sans être communales. Vous serez contraints de donner aux arrondissements la possibilité d’organiser leur système de nettoyage. Comment pouvez-vous imaginer que des villes de 200 000 habitants soient incompétentes en matière de nettoyage de leurs propres rues ? Soyez réalistes ! Nous réglerons le problème à votre place !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vous avez introduit cet amendement en disant qu’il soulevait un débat comparable à celui de l’amendement précédent. Mais il est plus important encore. Tous les maires en font l’expérience : la propreté est une question sur laquelle les habitants les interpellent directement. Et à Paris, c’est le maire d’arrondissement ! Or il n’est pas sain pour la démocratie que les habitants pensent que leurs élus sont responsables d’un problème alors que ces derniers n’ont aucun moyen en la matière. Il y a urgence à agir concernant la propreté à Paris, non seulement parce que la ville est sale mais aussi pour faire en sorte que les élus qui sont tenus pour responsables par les habitants puissent avoir des moyens d’action.
Vous arguez qu’il serait trop compliqué de confier cette compétence aux arrondissements et que les moyens doivent rester centralisés au niveau de la ville de Paris. Mais nombre d’entreprises sont placées sous deux types d’autorités, fonctionnelles et hiérarchiques. On pourrait faire exactement la même chose à Paris s’agissant de la propreté sans que cela pose le moindre problème, en plaçant les personnels du nettoiement sous l’autorité fonctionnelle des maires d’arrondissement.
M. Philippe Goujon. Nous serons tous d’accord pour dire que la ville de Paris est sale et que, par conséquent, le système ne fonctionne pas. J’en ai discuté à maintes reprises avec Mme Hidalgo et M. Delanoë : ils reconnaissaient que la propreté des rues est une difficulté majeure, voire un échec de leur mandat. Mme Hidalgo essaie aujourd’hui de discuter avec les syndicats et de réorganiser les services de propreté mais je crains qu’elle n’y arrive pas. En tout cas, depuis qu’elle est en poste, les choses ne se sont pas améliorées. Certes, il y a eu quelques recrutements supplémentaires... Mais le taux d’absentéisme – dénoncé du reste par la chambre régionale des comptes – est tellement considérable ! En outre, l’organisation n’est pas la bonne et le commandement est défaillant. Je n’énumérerai pas ici tous les handicaps du service de la propreté qui conduisent à cet état de saleté de la ville.
Nous ne demandons pas, comme l’avait envisagé Gaston Defferre, que soient établies des communes de plein exercice. Nous souhaitons simplement, en tant que maires d’arrondissement au contact avec les habitants, pouvoir répondre aux réclamations de ceux-ci pour reboucher par exemple un trou dans la voirie au pied d’un immeuble ou mieux nettoyer un segment de rue. Or nous n’avons actuellement aucun pouvoir. Certes, on peut réunir les services de la propreté et on peut passer tous les contrats qu’on veut avec eux mais ce n’est pas la même chose que d’avoir sur ces services un pouvoir hiérarchique. Si, comme le disait très justement notre rapporteur, nous avons à notre disposition deux enveloppes, l’une pour les espaces publics, l’autre pour les lieux publics, il reste qu’elles ne sont pas fongibles et, surtout, qu’elles ne sont dotées que de quelques millions d’euros pour un arrondissement comme le quinzième qui compte autant d’habitants que Bordeaux, quand le budget de la ville de Paris est de huit milliards d’euros.
Mme Sandrine Mazetier. Les propositions de MM. Goujon et Goasguen sont de mauvaises solutions à un problème qui est traité par ailleurs dans ce texte. Il y a à la fois un problème d’organisation et un problème de compétence. Il me semble que la création de la brigade de lutte contre les incivilités et le regroupement de tous les services de verbalisation de la ville contribueront à nous faire avancer sur ces questions. De même, la possibilité de sanctionner, plus sévèrement que précédemment, les jets d’ordures et les dépôts sauvages d’encombrants va contribuer à modifier les comportements. Je suis donc très hostile à ce que proposent les maires d’arrondissement de droite parisiens et, à l’inverse, très favorable à la délégation de pouvoirs, proposée par ce texte, de la préfecture de police à la ville et de la ville vers les arrondissements.
M. Daniel Vaillant. Le problème abordé est réel. Personne ne peut nier qu’il y a des difficultés d’entretien de l’espace public à Paris, mais ce problème n’est ni de droite ni de gauche. Nous sommes tous pour la propreté. Cette question doit être traitée en menant une triple action de prévention et d’information, d’enlèvement et de répression. Or nous manquons encore de moyens de répression. Certaines dispositions sont prises mais encore faut-il qu’elles s’appliquent. Il est vrai qu’au niveau des arrondissements, il manque ce volet permettant d’agir concrètement auprès de nos concitoyens pour qu’ils évitent de salir la ville. Si Paris est sale, ce n’est pas la faute des services de la propreté mais bien de ceux qui salissent ! Ce texte peut-il prévoir des dispositions en la matière ? Les réflexions engagées doivent se poursuivre. Des améliorations ont d’ores et déjà été constatées mais elles ne sont pas complètement abouties. Il faut aller plus loin.
Certes, la question des syndicats et de l’absentéisme peut se poser. Mais je ne suis pas sûr qu’en décentralisant les problèmes, on les réglera aussi bien qu’on le croit. En tout état de cause, tel n’est pas l’objet de ce projet de loi. C’est pourquoi je suis favorable au rétablissement du texte initial. Je ne nie pas qu’un problème existe et je suis sûr que Claude Goasguen, Philippe Goujon et Éric Lejoindre souhaitent des arrondissements propres : il ne s’agit pas de volonté politique.
M. Philippe Goujon. Bien sûr, il faut aussi réprimer, mais n’oublions pas le volet réparation de la voirie, qui est tout à fait distinct. La voirie est en très mauvais état, faute de crédits. La brigade anti-incivilités, qu’évoquait Mme Mazetier, est une bonne chose – nous l’avons d’ailleurs approuvée – mais cela ne représente que quelques centaines de personnes. Mon arrondissement va par exemple passer de quatre inspecteurs de la propreté à quelque douze agents, alors qu’il a le même nombre d’habitants que Bordeaux. Ce n’est donc pas cette mesure qui réglera le problème.
Se pose également une question d’organisation et de répartition. Certes, je fais confiance à la mairie centrale, mais un tract émanant de la CGT de mon arrondissement soulignait que le 18e avait cent ouvriers nettoyeurs de plus que le 15e qui compte pourtant 50 000 habitants de plus : cherchez l’erreur.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Chers collègues de l’opposition, je trouve regrettable que vous n’ayez pas présenté d’amendement sur le texte du Sénat qui mêle la question du nettoiement à celle de l’entretien de la voirie. J’entends vos remarques. Je ne profiterai pas de cette tribune pour dire du mal du maire de Marseille : les Marseillais savent ce que je pense de la question du nettoiement. Comme l’a dit Daniel Vaillant, ce n’est pas une question de droite ou de gauche car nous partageons tous la même volonté. Je tiens d’ailleurs à vous rassurer : il n’y a pas que dans les villes dont nous venons de parler que des problèmes se posent. Il y en a dans toutes les villes du pays, à part peut-être à Évian et à Cannes qui consacrent des moyens considérables, parce qu’ils les ont, au ramassage des déchets. Je ne suis pas loin de partager beaucoup de ce que vous venez de dire, sauf en ce qui concerne le transfert du personnel. Je suis d’accord pour donner plus de moyens aux maires d’arrondissement dans la direction des équipes de nettoiement mais cet article 16 bis C est un peu fourre-tout et ne peut être retenu. Cela montre qu’il n’a pas été rédigé par les sénateurs dans le but d’avancer sur cette question : l’objectif était de créer vingt communes. Voilà pourquoi je demande la suppression de cet article.
La Commission adopte l’amendement CL95.
En conséquence, l’article 16 bis C est supprimé.
Article 16 bis D (supprimé)
(art. L. 2511-22-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Possibilité pour les maires d’arrondissement de conclure des conventions avec des communes limitrophes
Le commentaire du présent article est présenté à l’article 16 bis A qui poursuit la même finalité de transfert de nouvelles compétences du maire ou du conseil de Paris vers les maires et conseils d’arrondissement.
*
* *
La Commission aborde l’amendement CL96 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Le Sénat a accordé la capacité aux maires d’arrondissement de conclure avec les communes limitrophes des conventions engageant la ville de Paris. Cela paraît impossible, d’une part, parce qu’on ne voit pas comment la collectivité communale pourrait être engagée à l’initiative de quelqu’un qui n’en a pas la responsabilité et, d’autre part, parce que les arrondissements n’ont pas la personnalité morale. Nous proposons donc de supprimer cet article.
Je précise que la discussion avec ces communes limitrophes peut parfaitement être conduite par la ville de Paris, en présence – éventuellement – du maire d’arrondissement concerné. Je crois d’ailleurs que cela a été fait dans certains périmètres de Paris comme celui de la Cité universitaire.
M. Claude Goasguen. L’article 16 bis D ne prévoit pas que les maires d’arrondissement pourront conclure des conventions engageant la ville mais que « le maire autorise le maire d’arrondissement » à le faire.
Mais venons à l’essentiel. Je vous remercie monsieur Mennucci d’avoir reconnu qu’il y avait un problème de propreté. Les maires d’arrondissement en ont assez de se faire insulter en lieu et place du maire de Paris – c’est quand même très pénible. Car quand la rue est sale, on ne dit pas que c’est la faute de Mme Hidalgo ! Je veux bien me faire interpeller à cause de la saleté mais je préférerais, dans ce cas, être responsable des questions de propreté. En tout cas, vous avez raison de souligner que les questions de voirie et de propreté ne doivent pas être confondues. Peut-être faudra-t-il prendre soin de distinguer les choses d’autant qu’en ce qui concerne la voirie, les choses se passent plutôt bien – les résultats ne sont pas convenables mais les relations sont plus favorables.
S’agissant des relations entre les maires d’arrondissement et les communes voisines, je vous rappelle qu’on n’a pas besoin d’être une commune pour tisser des liens juridiques. Ainsi, le président de la caisse des écoles, dans la mesure où cette dernière a la personnalité morale, serait tout à fait en droit de passer un contrat avec la commune située de l’autre côté du périphérique. Or le président de la caisse des écoles est aussi le maire d’arrondissement de par la loi. Il y a donc là un hiatus.
En fait, il s’agit, non pas de substituer le maire d’arrondissement au maire de Paris, mais de tenir compte du fait que la circonférence parisienne est ancienne. Le statut unitaire de la capitale remontant à Napoléon III, les lois relatives à Paris sont un peu datées, tant sur le plan politique que juridique. Il faudrait peut-être, si l’on veut un Grand Paris, non pas casser la ville de Paris – ce dont il n’est d’ailleurs pas question – mais donner aux arrondissements périphériques la possibilité d’avoir des contacts avec les communes limitrophes. La largeur du périphérique est-elle un élément tellement dirimant que l’on ne puisse pas avoir de temps en temps des relations, pour le nord de Paris, avec Pantin, pour l’ouest, avec Boulogne ? Cette vision napoléonienne de l’unité de Paris va-t-elle constamment empêcher la naissance, en souplesse, d’un Grand Paris ? Je le dis d’autant plus que je sais, monsieur Le Bouillonnec, à quel point vous vous êtes attaché à créer les conditions d’une métropole. Un jour ou l’autre, il va falloir sortir de ce périphérique qui nous étouffe et nous pose problème. Je comprends que vous soyez hostile à cet article. Cependant, l’objectif n’est pas de casser Paris mais au contraire de mettre la capitale au cœur d’un Grand Paris qui fonctionne réellement, sans être à la merci d’institutions dont certaines sont paralysées.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Les maires d’arrondissement sont bel et bien associés aux débats entre les communes périphériques et la ville de Paris. Dans les 12e, 13e et 14e arrondissements, tout cela se fait sans aucun problème mais la participation des arrondissements aux débats que conduit la ville de Paris ne va pas jusqu’à la signature par ces arrondissements de conventions avec les communes limitrophes.
Vous soulignez à juste titre que le maire d’arrondissement est aussi le président de la caisse des écoles. C’est en cette qualité qu’il peut passer des conventions, la caisse des écoles étant un établissement autonome doté de la personnalité morale et pouvant ester en justice et conclure des marchés. La situation est d’ailleurs comparable dans les autres communes de France où le président de la caisse des écoles agit de façon totalement autonome par rapport au maire. En l’occurrence, le Sénat a prévu que le maire d’arrondissement pourrait conclure des conventions avec la ou les communes limitrophes, pour le compte de la ville de Paris. Or cet aspect juridique n’est pas acceptable.
M. Claude Goasguen. L’article dispose que c’est le maire de Paris qui autorisera les maires d’arrondissement à le faire.
M. Philippe Goujon. Claude Goasguen a eu raison de citer l’exemple de la caisse des écoles sauf que Mme la maire de Paris veut supprimer les caisses des écoles d’arrondissement. Certes cela ne figure pas dans le texte mais elle n’est pas obligée de passer par la loi pour le faire.
M. Le Bouillonnec vient de démontrer la nécessité de maintenir cet article en indiquant que les maires des 13e et 14e arrondissements étaient associés à la discussion entre la mairie centrale et les communes limitrophes. Je ne sais pas si dans ses relations avec les arrondissements, la mairie de Paris fait une distinction entre maires de gauche et maires de droite. En tout cas, en tant que maire du 15e arrondissement, je n’ai jamais été associé au moindre accord conclu entre la mairie de Paris et Vanves ou Issy-les-Moulineaux, par exemple. Je n’en ai même jamais été informé. Cette situation est insupportable. Il est vrai que l’article adopté par le Sénat va assez loin mais reconnaissez qu’il est vital, pour un arrondissement, d’avoir des relations avec les communes limitrophes. Quand je suis saisi par le maire de Vanves ou celui d’Issy-les-Moulineaux, ne serait-ce que pour nettoyer une rue à cheval sur nos deux territoires, je ne peux rien faire. Récemment, dans le cadre des projets métropolitains innovants étudiés par la direction de l’urbanisme, j’ai appris par hasard qu’un projet concernait Vanves et le 15e arrondissement. Votre position est donc quelque peu partisane, d’autant que le maire du 16e arrondissement me confirme qu’il n’est pas saisi, lui non plus, de ce type de projets. Par votre argumentaire, vous justifiez en fait la nécessité de maintenir cet article.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 16 bis D est supprimé.
Article 16 bis E (supprimé)
(art. L. 2511-31-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Compétence du maire d’arrondissement en matière de petite enfance
Le commentaire du présent article est présenté à l’article 16 bis A qui poursuit la même finalité de transfert de nouvelles compétences du maire ou du conseil de Paris vers les maires et conseils d’arrondissement.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL97 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 16 bis E qui a pour objet de permettre au conseil de Paris de déléguer aux conseils d’arrondissement l’organisation, la création et la gestion du service de la petite enfance. Cette disposition ne semble en effet pas nécessaire puisque les conseils d’arrondissement gèrent d’ores et déjà les équipements de proximité, dont font partie les équipements de la petite enfance. Je ferai remarquer, puisque Claude Goasguen m’y a invité à plusieurs reprises, que c’est la loi PLM qui donne la possibilité à la mairie centrale de déléguer la gestion de ces équipements et qu’il n’y a qu’à Paris qu’elle est utilisée avec autant de constance. Les maires d’arrondissement que vous êtes, messieurs Goasguen et Goujon, ont la possibilité non seulement de gérer mais également d’attribuer les places en crèche. Mesurez l’importance du pouvoir que vous avez et que n’ont pas vos collègues des autres villes ! En revanche, comme je l’ai dit concernant les amendements précédents, on ne peut décentraliser les services de la ville de la Paris.
M. Claude Goasguen. Il est vrai que nous avons la possibilité de demander la compétence d’organisation de la petite enfance. Encore faut-il que la mairie de Paris nous donne la possibilité d’exercer cette compétence. Il y a, dans le 16e arrondissement, 3 000 demandes de places en crèche qui ne sont pas satisfaites. Or, c’est le quatrième ou cinquième arrondissement de Paris par sa population.
Il serait intéressant de pouvoir assurer une péréquation du nombre de places en crèche en fonction du nombre de femmes qui travaillent sur l’ensemble de Paris. Or, force est de constater qu’un problème se pose de ce point de vue dans les arrondissements de l’ouest – à l’exception peut-être du 15e où Mme Hidalgo a été élue et où elle avait naguère quelques ambitions électorales désormais caduques.
M. le président Dominique Raimbourg. N’y a-t-il donc aucune crèche dans le seizième arrondissement ?
M. Claude Goasguen. Il n’y en a pas assez puisque 3 000 demandes restent insatisfaites. Il n’y a que 800 places.
M. Patrick Mennucci. C’est énorme !
M. Claude Goasguen. 800 places pour 160 000 habitants ? Vous vous moquez.
M. Patrick Mennucci. Voyez combien il y a de places en crèche dans la ville de Marseille.
M. le président Dominique Raimbourg. Vous voulez donc dire qu’il n’y a pas assez de places dans le 16e arrondissement.
M. Philippe Goujon. Contrairement au maire du 18e arrondissement, je ne peux satisfaire qu’une demande de place en crèche sur cinq – bien que Mme Hidalgo soit élue du 15e.
Vous évoquiez les commissions d’attribution, monsieur le rapporteur. Il est vrai que nous avons un pouvoir important au sein des commissions mais ce sont en réalité les directrices de crèche qui prennent les décisions, selon des critères administratifs, notamment. En tout état de cause, c’est un pouvoir qu’on veut nous retirer dans le cadre du gigantesque mouvement de recentralisation opéré grâce à la complicité existant entre la mairie de Paris et l’Assemblée nationale : j’ai vu des amendements en ce sens dans la liasse et Mme Hidalgo elle-même souhaite que les attributions soient rendues anonymes.
Vous évoquiez le rôle que nous jouons dans la gestion des crèches mais il est extrêmement modeste : certes, nous pouvons acheter des briques de lait et réparer les carreaux cassés et les fuites d’eau. Tel est le pouvoir énorme des maires d’arrondissement. (Sourires) Ce que nous souhaitons, c’est pouvoir, d’une part, assurer la gestion du fonctionnement de la crèche, sur laquelle nous n’avons aucun mot à dire, et, d’autre part, proposer plus fermement à la mairie de Paris la création de structures pour la petite enfance telles que les crèches parentales.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Soyez rassuré, monsieur Goujon : il y a peut-être un débat sur cette question au sein de la ville de Paris mais il n’y a dans la liasse aucun amendement de cette nature
Sur le fond, je comprends bien votre demande mais elle pourrait être formulée par tous les maires de ce pays qui ont trois ou quatre fois plus de demandes que de places en crèche. On ne résoudra donc pas le problème, monsieur Goasguen, en vous donnant le droit de créer des crèches dans le 16e arrondissement car cela impliquerait que vous ayez en même temps les moyens de mener cette action, c’est-à-dire le droit de prélever l’impôt. Comme votre arrondissement est plus riche, vous auriez de ce fait plus de moyens que les autres. Nous demandons la suppression de ces amendements parce qu’ils vont à l’encontre de l’unicité de la ville de Paris.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 16 bis E est supprimé.
Article 16 bis F (supprimé)
(art. L. 212-10 du code de l’éducation)
Gestion de la restauration scolaire par les caisses des écoles
Cet article prévoit qu’à Paris, les caisses des écoles gèrent la restauration scolaire. S’il ne fait en cela qu’inscrire dans la loi la pratique actuelle des caisses des écoles parisiennes, son objet est d’éviter toute évolution concernant le contrôle par la mairie centrale des prestations délivrées dans ce domaine par ces établissements publics locaux.
I. LE RÔLE DES CAISSES DES ÉCOLES À PARIS
En l’état du droit applicable à Paris, Lyon et Marseille, l’article L. 2511-29 du code général des collectivités territoriales précise que, dans les arrondissements dans lesquels est créée une caisse des écoles, le maire d’arrondissement préside cet organisme et en désigne les membres (40).
Or, seule la ville de Paris dispose d’une caisse par arrondissement, Lyon et Marseille ne disposant que d’une caisse des écoles pour l’ensemble de la ville.
Les caisses des écoles peuvent assurer, entre autres missions, la gestion de la restauration scolaire (41). À ce titre, elles élaborent les menus, la production des repas et leur distribution dans les établissements scolaires publics.
Selon le site de la ville de Paris, ce sont ainsi plus de 22 millions de repas qui sont préparés chaque année par les vingt caisses des écoles parisiennes à destination :
– des 662 écoles maternelles et élémentaires (qui concentrent 20 millions de repas) ;
– d’une quarantaine de collèges ;
– de treize lycées municipaux et de trois écoles d’art.
Toutefois, cette gestion décentralisée de la restauration scolaire a pu conduire à des disparités de service selon les arrondissements. La mairie de Paris souligne ainsi que :
– le prix d’achat d’un bien identique peut varier de 114 % d’une caisse à une autre ;
– le contenu des repas est différent selon les arrondissements. À titre d’exemple, certaines caisses atteignent 75 % d’alimentation biologique pour 3 % dans d’autres caisses.
Ce constat a conduit la mairie de Paris à proposer, fin 2015, une réforme visant à recentraliser ce service public.
II. LA RÉFORME ENVISAGÉE PAR LA MAIRIE DE PARIS
Comme le Conseil d’État l’a rappelé dans une décision de juin 2014 portant sur la compétence du conseil de Paris pour fixer les tarifs de la restauration scolaire (42), celle-ci constitue « un service public administratif à caractère facultatif dont la gestion peut être assurée directement par les collectivités territoriales qui en sont responsables dans le cadre d’une régie, confiée à la caisse des écoles ou déléguée à une entreprise privée dans le cadre de la passation d’une convention de délégation de service public ».
Le rôle principal des caisses des écoles n’étant pas d’assurer ce service, mais de favoriser la fréquentation scolaire, la mairie de Paris a annoncé souhaiter leur retirer cette compétence de manière à mettre en place une gestion unique de la restauration scolaire par un établissement public parisien.
À la suite de groupes de travail et de consultations devant se dérouler tout au long de l’année 2016, l’ouverture de cet établissement était programmée pour 2018.
Toutefois, cette réforme ayant soulevé des difficultés, d’autres solutions de plus court terme sont à l’étude visant à renforcer le contrôle de la mairie sur les caisses des écoles et harmoniser leurs pratiques.
De manière à marquer son opposition à cette réforme, le Sénat, à l’initiative de son rapporteur, a adopté un amendement visant à empêcher toute recentralisation de la politique de restauration scolaire.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a supprimé cet article au motif que si la compétence en matière de restauration scolaire est, de fait, attribuée aux caisses des écoles à Paris, cette décision doit toutefois rester du ressort de la mairie centrale.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL98 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 16 bis F qui confie aux caisses des écoles la compétence en matière de restauration scolaire. Nous considérons qu’une telle disposition n’est pas nécessaire, sachant qu’à Paris, les caisses des écoles ont déjà cette compétence.
M. Philippe Goujon. Si nous voulons inscrire cette disposition dans la loi, c’est précisément pour préserver ce statut qui a donné d’excellents résultats dans tous les arrondissements, de gauche comme de droite. Un maire peut être amené à conduire une politique différente dans son arrondissement. Or, on le sait, un projet de réforme est actuellement avancé par la mairie de Paris, visant à créer une caisse centrale unique. Nous souhaitons donc pérenniser le statut des caisses des écoles qui existe depuis la fin du XIXème siècle et qui donne satisfaction à tous.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 16 bis F est supprimé.
Article 16 bis G (nouveau)
Contrat entre les communes de Paris, Marseille et Lyon et certains de leurs établissements publics
Introduit par l’adoption, en commission des Lois, d’un amendement de M. Olivier Dussopt et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, sous-amendé par vos rapporteurs, cet article prévoit que les communes de Paris, Marseille et Lyon doivent conclure avec les établissements publics chargés de missions relevant de la compétence de ces communes ou gérant un service public relevant de ces mêmes compétences un contrat fixant les objectifs qualitatifs et quantitatifs ainsi que les exigences de performance assignés à ces derniers.
Ce contrat doit notamment mentionner les moyens et modalités de contrôle des établissements concernés, incluant des vérifications sur pièce, sur place et par voie dématérialisée.
À défaut d’accord avec l’établissement public concerné, ces objectifs et modalités sont fixés par délibération du conseil municipal ou du conseil de Paris.
*
* *
La Commission étudie l’amendement CL30 de M. Olivier Dussopt qui fait l’objet du sous-amendement CL177 des rapporteurs.
M. Olivier Dussopt. Il s’agit de donner la possibilité à la ville de Paris de conclure des contrats avec les établissements publics auxquels elle délègue l’organisation de certains services. Il n’y avait pas de contrats jusqu’ici, du fait du statut particulier de Paris et du contrôle renforcé du préfet de Paris depuis très longtemps. Cet amendement va dans le sens d’une harmonisation avec le droit commun.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Notre sous-amendement vise à étendre la portée de l’amendement de M. Dussopt aux communes de Marseille et de Lyon.
La Commission adopte le sous-amendement CL177 puis l’amendement CL30 ainsi sous-amendé. L’article 16 bis G est ainsi rédigé.
Article 16 bis (supprimé)
(art. L. 2511-39 du code général des collectivités territoriales)
Modalités de répartition de la dotation de gestion locale entre les arrondissements en cas de désaccord avec le conseil municipal
Introduit en commission des Lois du Sénat, à l’initiative de M. Pierre Charon, cet article vise à modifier les règles de répartition de la dotation de gestion locale entre les arrondissements, en cas de désaccord avec le conseil municipal.
En l’état du droit, l’article L. 2511-38 du code général des collectivités territoriales précise que les recettes de fonctionnement dont dispose le conseil d’arrondissement sont constituées d’une dotation de gestion locale et d’une dotation d’animation locale.
La dotation de gestion locale vise à couvrir des dépenses liées au fonctionnement courant des équipements de proximité inscrits à l’inventaire.
Le montant des sommes accordées au titre de cette dotation par arrondissement est fixé par le conseil municipal.
En cas de désaccord entre le conseil municipal et les conseils d’arrondissement sur les modalités de détermination du montant de cette dotation, l’article L. 2511-39 définit les critères applicables par défaut : cette dotation comprend deux parts calculées, pour la première, en fonction des dépenses de fonctionnement des équipements et services gérés par les conseils d’arrondissement et, pour la seconde, en tenant compte, dans la limite de 20 % du montant de la dotation, des caractéristiques propres des arrondissements et, notamment, de la composition socioprofessionnelle de leur population.
Les dispositions adoptées par le Sénat visent à supprimer cette seconde part au motif que « les dépenses inhérentes à la gestion des équipements municipaux (crèches collectives, familiales et haltes-garderies, écoles maternelles, écoles élémentaires et écoles polyvalentes, bibliothèques, médiathèques et conservatoires, terrains d’éducation physique, gymnases et stades, jardinières, jardins et squares, pigeonniers, mairie d’arrondissement, maison des associations et centres d’animation) ne différant pas selon que l’équipement en question se situe sur un arrondissement ou sur un autre, la dotation ne saurait être pondérée selon des critères sociaux professionnels qui reviendraient à rompre l’égalité entre les usagers en fonction de l’arrondissement qu’ils habitent. » (43)
Les rapporteurs soulignent que la suppression de dispositions traduisant une prise en compte des différences de situations constatées entre des arrondissements peu peuplés et dont la population dispose de hauts revenus et des arrondissements densément peuplés accueillant des personnes aux revenus plus modestes, constitue un recul en termes de cohésion communale.
Cette suppression semble d’autant plus injustifiée que la part redistributive de la dotation ne peut dépasser 20 % de son montant total.
Enfin, aucun argument n’est avancé pour justifier la différence de traitement introduite pour Paris au régime de droit commun qui continuera de s’appliquer à Marseille et à Lyon.
Par conséquent, la commission des Lois, à l’initiative de vos rapporteurs, a supprimé cet article.
*
* *
La Commission examine l’amendement de suppression CL99 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 16 bis introduit par le Sénat dans le but de modifier les critères de répartition de la dotation de gestion locale. Nous estimons en effet que la suppression des dispositions traduisant la prise en compte des différences de situation constatées entre les arrondissements peu peuplés dont la population dispose de revenus en moyenne plus élevés et les arrondissements denses où vivent des personnes aux revenus plus modestes constitue un recul en termes de cohésion communale, laquelle ne peut pas ne pas constituer un objectif de l’autorité municipale. La suppression de ces dispositions est d’autant plus injustifiée que la part redistributive de la dotation locale ne peut pas dépasser 20 % de son montant total.
M. Claude Goasguen. Nous touchons à un problème très grave. Il est vrai que certains arrondissements sont plus favorisés que d’autres : à Paris, c’est le cas du 16e arrondissement. Suite à une question écrite que je lui ai adressée, le ministère des finances m’a confirmé que cet arrondissement représentait 20 % du montant de l’impôt sur le revenu perçu dans la capitale, et 30 % de l’impôt sur la fortune ; autrement dit, le 16e arrondissement contribue très largement à la fiscalité d’État et à la fiscalité locale. Il va de soi que la contribution doit être répartie en tenant compte du niveau de richesse.
Cela étant, il n’est pas ici question d’inégalité mais d’absence d’équité, car il s’agit en réalité d’équipements de base. Peut-on par exemple m’expliquer pourquoi une subvention destinée aux toilettes d’une école primaire du 19e arrondissement diffère d’une subvention accordée pour des toilettes identiques dans une école primaire du 16e arrondissement ? Pourquoi les cuvettes des toilettes seraient-elles mieux subventionnées dans l’un que dans l’autre ? Globalement, je conviens que la subvention doit être différenciée mais, sur certaines questions de base, cette différenciation est tout à fait scandaleuse et inique. Il en va de même de la subvention concernant le papier toilette dans les écoles.
M. Luc Belot. Nous ne sommes pas au conseil de Paris, mais à la commission des Lois de l’Assemblée nationale !
M. Claude Goasguen. Au fond, les conventions passées entre les arrondissements et la mairie de Paris n’ont aucune valeur puisque le conseil de Paris établit en fonction d’un critère social préalablement établi une différenciation applicable sans discussion aucune avec les arrondissements.
Il est nécessaire d’effectuer une répartition sociale et nous en sommes conscients, mais le caractère systématique de ce critère social ne doit pas se traduire par une iniquité absolue. Les exemples en sont pourtant innombrables, dans les écoles et ailleurs. La ville de Paris doit prendre un minimum de mesures en toute égalité entre les arrondissements, quitte à différencier les dotations concernant d’autres équipements en fonction d’un critère social. Dans ce domaine, le sectarisme, qu’il vienne d’un côté ou de l’autre, est condamnable ; je m’y oppose. Je suis parfaitement conscient des différences de situation, mais je refuse que la ville de Paris en fasse des différences d’acception et d’équité.
M. Philippe Goujon. Contrairement à ce que prétend le rapporteur, il s’agit en effet de rétablir l’égalité de traitement des usagers qui doit prévaloir entre les arrondissements. La dotation dont il est question permet d’entretenir les bâtiments publics, dont le traitement ne doit pas dépendre des caractéristiques socio-professionnelles de la population de l’arrondissement mais plutôt de leur nombre, de leur état de vétusté, de leur ancienneté, de leur fréquentation. Le présent article ne vise donc à rien d’autre qu’à rétablir une légitime égalité de traitement des arrondissements.
La Commission adopte l’amendement CL99.
En conséquence, l’article 16 bis est supprimé.
Article 16 ter (supprimé)
(art. L. 2511-39-1 du code général des collectivités territoriales)
Modification des modalités de répartition de la dotation d’animation locale
Introduit par la commission des Lois du Sénat, à l’initiative de M. Pierre Charon, cet article vise à modifier les règles de répartition de la dotation d’animation locale.
En l’état du droit, l’article L. 2511-38 du code général des collectivités territoriales prévoit que la dotation d’animation locale finance notamment les dépenses liées à l’information des habitants de l’arrondissement, à la démocratie et à la vie locales, en particulier aux activités culturelles, et aux interventions motivées par des travaux d’urgence présentant le caractère de dépenses de fonctionnement et liés à la gestion des équipements de proximité.
L’article L. 2511-39-1 prévoit, quant à lui, que le montant de cette dotation est calculé et réparti entre les arrondissements par le conseil municipal lors de l’examen du budget en application de critères qu’il détermine, en tenant compte notamment de la population de chaque arrondissement.
Les dispositions adoptées par le Sénat visent à fixer ces critères dans la loi en prévoyant que la répartition de cette dotation doit désormais reposer sur la détermination de deux enveloppes consistant :
– pour la première, en une dotation forfaitaire pour chaque arrondissement ;
– pour la seconde, en une dotation spécifique calculée à 75 % sur la proportion d’habitants de la commune domiciliés dans l’arrondissement et à 25 % sur la proportion d’entreprises et de la population salariée de chaque arrondissement.
Cette réforme est justifiée par son auteur par le fait que « des critères intégrant, par exemple, la part des foyers fiscaux relevant de la première tranche du revenu fiscal de référence ou la part des effectifs scolaires du 1er degré et des collèges publics relevant des politiques d’éducation prioritaire, ne permet pas de répondre équitablement, dans chaque arrondissement, à l’objectif » de financement de la vie locale (44).
Vos rapporteurs considèrent, au contraire, que de tels critères peuvent constituer une indication de besoins plus importants d’équipements culturels, sportifs ou d’animation locale, alors que celui de la présence d’entreprises sur le territoire de l’arrondissement semble moins pertinent au titre de cette politique publique.
Par conséquent, la commission des Lois, à leur initiative, a supprimé cet article.
*
* *
La Commission examine l’amendement de suppression CL100 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement vise, comme le précédent, à supprimer une disposition introduite par le Sénat, qui concerne cette fois-ci la répartition de la dotation d’animation locale.
M. Philippe Goujon. Nous nous y opposons pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent.
La Commission adopte l’amendement CL100.
En conséquence, l’article 16 ter est supprimé.
Article 16 quater (nouveau)
(art. 2511-16 du code général des collectivités territoriales)
Gestion des espaces verts de proximité par les mairies d’arrondissement
Introduit par l’adoption, en commission des Lois, d’un amendement de M. Olivier Dussopt et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, sous-amendé par vos rapporteurs, cet article a pour objet de mentionner explicitement les espaces verts de proximité (soit ceux dont la superficie est inférieure à un hectare) parmi les équipements de proximité gérés par les mairies d’arrondissement, dans les différentes catégories citées à l’article L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales.
Il s’agit ainsi d’une clarification de la rédaction de ce dernier article, les espaces verts étant d’ores et déjà inclus au sein des équipements de proximité gérés par les mairies d’arrondissement.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL33 de M. Olivier Dussopt, qui fait l’objet du sous-amendement CL178 des rapporteurs.
Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement propose de réintroduire explicitement les espaces verts dans la liste des équipements de proximité, comme c’était le cas jusqu’en 2002.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Avis favorable sous réserve de l’adoption du sous-amendement CL178 qui vise, pour tenir compte de la loi PLM, à préciser qu’il s’agit des espaces verts d’une superficie inférieure à un hectare.
M. Claude Goasguen. Soit, mais encore faut-il que les crédits soient ajustés en conséquence ! Dans le plafond de ressources actuel, cette disposition pourtant pertinente est inapplicable.
M. le président Dominique Raimbourg. Ce débat relève davantage du conseil de Paris que de la commission des Lois…
La Commission adopte le sous-amendement CL178.
Puis elle adopte l’amendement CL33 sous-amendé. L’article 16 quater est ainsi rédigé.
Article 16 quinquies (nouveau)
(art. 2511-16 du code général des collectivités territoriales)
Dépenses de fournitures des mairies d’arrondissement
Introduit à l’initiative de M. Olivier Dussopt et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, cet article a pour objet de permettre aux mairies d’arrondissement de financer, via leur dotation d’investissement, des dépenses de petits équipements, assimilés à des fournitures par le code des marchés publics.
Il permet, en ce sens, de sécuriser une pratique en vigueur nécessaire à la gestion quotidienne de ces équipements qui suppose de réaliser certains achats de mobilier, de petit électroménager, etc.
*
* *
La Commission en vient à l’amendement CL32 de M. Olivier Dussopt.
Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement vise à préciser que les mairies d’arrondissement peuvent financer via leur dotation d’investissement des dépenses de petits équipements – une cafetière, par exemple.
Suivant l’avis favorable des rapporteurs, la Commission adopte l’amendement CL32. L’article 16 quinquies est ainsi rédigé.
Article 16 sexies (nouveau)
(art. 2511-25 du code général des collectivités territoriales)
Conséquences du retrait de la délégation à un adjoint au maire d’arrondissement
Introduit à l’initiative de M. Olivier Dussopt et des membres du groupe socialiste, écologiste et républicain, cet article a pour objet d’étendre aux adjoints des maires d’arrondissement l’application de la règle, prévue au quatrième alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, applicable à toutes les communes, selon laquelle « lorsque le maire a retiré les délégations qu’il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions. »
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL34 de M. Olivier Dussopt.
M. Olivier Dussopt. Cet amendement vise à permettre au conseil d’arrondissement de tirer les conséquences d’un retrait de délégation à un adjoint au maire d’arrondissement, comme c’est déjà le cas pour les adjoints aux maires des communes.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Avis favorable : il s’agit d’appliquer aux maires d’arrondissement la règle qui est applicable aux maires des communes.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous sommes favorables à cet amendement sur le principe, mais il me semble incohérent avec le refus d’accorder des pouvoirs au maire d’arrondissement : à quoi sert en effet de le contrôler s’il est sans pouvoirs ?
M. Patrick Mennucci, rapporteur. À ce compte-là, pourquoi ne pas tout bonnement lui retirer ses adjoints ? Il est faux de prétendre que les maires d’arrondissement n’ont pas de pouvoir ! La loi PLM leur en donne ; si vous voulez l’amender, déposez donc une proposition de loi !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous allons la changer, en effet.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. En l’occurrence, ne vous contentez pas de reprendre le texte du Sénat dont vous savez bien qu’il est inepte !
M. Philippe Goujon. C’est le projet Defferre de 1981 que nous voulons…
M. le président Dominique Raimbourg. En attendant, je vais mettre aux voix cet amendement auquel vous êtes tous favorables.
La Commission adopte l’amendement CL34. L’article 16 sexies est ainsi rédigé.
Section 2
Création d’un secteur regroupant les 1er, 2ème, 3ème et 4ème arrondissements de Paris
La Commission examine l’amendement CL41 de M. Christophe Caresche.
M. Christophe Caresche. Permettez-moi de prendre quelques instants pour présenter cet amendement puisque ceux que j’ai déposés sur le même sujet aux articles suivants risquent de tomber – ce que je regrette, car nous ne pourrons pas avoir le débat approfondi que la Commission aurait dû avoir sur un point important de la réforme.
Cet amendement et ceux qui suivent soulèvent la question du regroupement des arrondissements. Le projet du Gouvernement consiste à regrouper les quatre arrondissements du centre de Paris en un même secteur. Pour plusieurs raisons, je propose de regrouper aussi le 8e et le 9e, et la question pourrait se poser pour les 5e, 6e et 7e arrondissements.
Tout d’abord, il me semble que le texte qui nous est présenté pose un problème de constitutionnalité. Les rapporteurs nous ont expliqué que le regroupement des quatre arrondissements centraux visait à satisfaire la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je prétends que la même jurisprudence devrait nous obliger à regrouper les 8e et 9e arrondissements. Le Gouvernement se fonde sur le tableau des conseillers de Paris qui a été adopté en 2013 sans l’actualiser sur le plan démographique ; or, selon l’actualisation de ce tableau sur la base du dernier recensement effectué le 1er janvier 2016, le 8e arrondissement ne devrait plus compter que deux conseillers pour environ 40 000 habitants, soit un pour moins de 20 000 habitants – cela conduit à un écart de représentation très supérieur à celui retenu par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il se pose donc un problème constitutionnel manifeste qui, si la disposition n’est pas soumise au Conseil, pourrait susciter une question prioritaire de constitutionnalité lors de la prochaine élection. C’est un motif de fragilité qui peut devenir inquiétant.
Pourquoi, monsieur le rapporteur, le tableau des conseillers de Paris n’a-t-il pas été actualisé suite au dernier recensement ? Pourquoi conserver un tableau élaboré sur la base d’un recensement de 2013 ? Son actualisation ne répond-elle pas à une obligation constitutionnelle ? Confirmez-vous d’autre part que selon le tableau ainsi actualisé, le 8e arrondissement ne compterait plus que deux conseillers, et non plus trois comme c’est le cas actuellement ?
Deuxième raison : le maintien des 8e et 9e arrondissements en l’état – et du 5e, du 6e et du 7e – ne réglera pas le problème de la représentation de l’opposition. Ni le 1er ni le 2e arrondissement n’étaient représentés par un conseiller de l’opposition ; il y sera remédié. Ce ne sera le cas ni dans le 8e, ni dans le 6e ni dans le 7e si nous adoptons le tableau des conseillers tel quel. Je rappelle que la loi PLM de 1983 a fait de la représentation de l’opposition dans les arrondissements un principe essentiel en fixant à trois le nombre minimal de conseillers par arrondissement. Ce principe ne sera plus respecté s’il n’est pas procédé au regroupement du 8e et du 9e arrondissement, ainsi que du 5e et du 6e.
Enfin, ces regroupements se justifient par un objectif d’économie, qui est explicitement invoqué dans l’étude d’impact du projet de loi pour étayer le regroupement des quatre arrondissements centraux et qui, de ce fait, pourrait tout aussi bien s’appliquer au regroupement des autres arrondissements que j’ai cités. Pourquoi ce qui vaut dans certains arrondissements ne vaudrait-il pas dans les autres ?
Tels sont les trois arguments qui inspirent mon amendement : constitutionnalité, pluralisme et efficience. J’entendais même aller plus loin : dès lors que l’on regroupe des arrondissements, il me semble opportun de diminuer le nombre de conseillers. En effet, il est tout à fait anormal que le ratio de représentation à Paris soit d’un conseiller pour 13 000 habitants : dans tous les départements urbains, nous sommes au-delà de 20 000 habitants.
M. le président Dominique Raimbourg. Ce débat sur le regroupement des arrondissements au sein de nouveaux secteurs couvrira les articles 17 à 20. Pour veiller à la clarté de nos travaux et éviter les redites, je vous propose de tenir dès maintenant une discussion générale sur le sujet avant de nous prononcer sur les amendements à ces articles. Pouvez-vous, monsieur Caresche, défendre les amendements que vous avez déposés aux articles suivants ?
M. Christophe Caresche. Je propose de regrouper le 8e et le 9e arrondissement en un seul secteur. Je propose également de regrouper les 5e, 6e et 7e arrondissements même si l’on peut en débattre, quitte à ne regrouper le 6e qu’avec le 7e ou avec le 5e. L’idée est de créer des secteurs comprenant 90 000 habitants au moins, pour aller jusqu’au 15e qui en compte 250 000 : cela permettrait de régler le problème de la représentativité et celui du pluralisme.
Je présente aussi un amendement visant – sans rien changer à la proposition du Gouvernement – à actualiser le tableau des conseillers de Paris sur la base du dernier recensement de l’INSEE en date du 1er janvier 2016.
Je propose également de diminuer le nombre de conseillers de Paris. Aujourd’hui, un conseiller de Paris représente en moyenne un peu plus de 13 000 habitants. Pourquoi cette règle ? En 1983, il a été décidé que chaque arrondissement serait représenté par au moins trois conseillers, la répartition des conseillers supplémentaires répondant à la règle de la plus forte moyenne. Cette décision a eu pour effet de diminuer le ratio à un conseiller pour 13 000 habitants ; pour mémoire, cette répartition a été censurée par le Conseil constitutionnel et n’est donc plus valide. Quoi qu’il en soit, l’assemblée parisienne, pléthorique, a du mal à travailler avec efficacité – ce qui a même incité la maire à proposer la création d’une commission permanente. Je propose donc une diminution raisonnable du nombre de conseillers de Paris pour le ramener de 163 à 113 ; je note que M. Lellouche est beaucoup plus ambitieux, puisqu’il suggère dans sa proposition de loi de baisser ce nombre à soixante. Aucun département de France n’a un tel ratio de représentation : le Nord, par exemple, élit un conseiller départemental pour 30 000 habitants. Dans tous les départements urbains, nous sommes au-delà de vingt mille. Les écarts s’expliquent par les caractéristiques topographiques des départements. Il se trouve que Paris est la ville la plus dense de France, et qu’elle n’a ni montagnes ni zones rurales. Un tel ratio est donc très élevé.
Dernier argument en faveur de la réduction du nombre de conseillers : ceux-ci bénéficient d’un régime indemnitaire extrêmement favorable – sur lequel je ne propose d’ailleurs pas de revenir. Je connais cette question pour m’être occupé un temps de la questure de la ville de Paris…
M. Philippe Goujon. Et vous n’avez pas proposé ces mesures à l’époque !
M. Christophe Caresche. Quoi qu’il en soit, le régime indemnitaire est très favorable ; la diminution du nombre de conseillers de Paris permettrait de réaliser des économies significatives. Le passage à 113 conseillers assurerait en outre la représentation de Paris à la métropole, puisque la ville doit y être représentée par quelque 90 conseillers.
Le ratio ainsi obtenu serait d’un conseiller pour 19 000 habitants, soit un taux raisonnable – et tout de même supérieur à celui de tous les autres départements urbains de France.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Nous ne pouvons fonder nos décisions que sur le chiffre de la population légale, et aucun autre. Ce chiffre, qui figure dans les documents annexes au projet de loi, a été arrêté au 31 décembre 2015 par l’INSEE et est applicable depuis le 1er janvier 2016. C’est lui qui détermine l’intégralité des dispositifs de dotation et de subvention ainsi que la modification des procédures électorales, dont le nombre de conseillers. Nous nous sommes donc fondés sur la population légale recensée au 1er janvier 2016. Cela ne signifie pas que les dispositions ne pourront pas évoluer, notamment si le texte était définitivement adopté après le 1er janvier 2017. En attendant, je confirme que nous utilisons les chiffres publiés par l’INSEE au 31 décembre 2015. C’est ce critère qu’il convient de retenir, et non des recensements informels.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il ne s’agit de rien d’autre que ce que contient notre rapport : respecter la décision du Conseil constitutionnel qui fixe le seuil d’écart de représentation à 20 % de la moyenne constatée au sein d’un même territoire, d’où le rapprochement des quatre arrondissements centraux.
La loi de 2013 a permis d’améliorer la situation en modifiant la répartition des conseillers de Paris sans toutefois permettre au 1er arrondissement de descendre sous ce seuil, puisqu’il connaît actuellement un écart de 24 % par rapport à la moyenne. Cette loi n’ayant fait l’objet d’aucune saisine du Conseil constitutionnel, il existe une réelle insécurité juridique ; si le droit en vigueur était maintenu, une question prioritaire de constitutionnalité nous exposerait certainement à une censure.
La proposition qui nous est soumise avec l’appui du conseil de Paris semble équilibrée à vos rapporteurs : elle répond à cette difficulté constitutionnelle sans modifier les équilibres politiques puisque des trois mairies supprimées, deux sont aujourd’hui occupées par la gauche et la troisième par la droite.
Il aurait été possible d’aller plus loin, car des écarts importants demeurent au sein des arrondissements. Sans doute aurait-il fallu pour ce faire conduire une concertation plus approfondie et intégrer à cette réflexion, pour qu’elle soit validée par le Conseil, les mêmes éléments qu’à Lyon et à Marseille. À Marseille, par exemple, les écarts sont parfois plus étonnants encore, depuis le 16e arrondissement, le plus petit, au 8e, le plus grand. Or, ce n’est pas dans une optique électorale que le texte a été conçu : il n’y a eu aucune intention de bricoler les choses pour favoriser telle ou telle majorité à Marseille et à Lyon. Le texte défend l’intérêt général en répondant à une question juridique.
Nous proposons donc simplement de rétablir le texte du Gouvernement sous réserve d’une modification concernant la numérotation des secteurs électoraux par commodité, compte tenu de la disparition des deuxième, troisième et quatrième secteurs, de sorte que le 5e arrondissement corresponde tout de même au cinquième secteur pour éviter de semer la confusion parmi les résidents.
J’ai entendu les chiffres qu’a cités M. Caresche. Je suis en complet désaccord avec lui sur un point : l’assimilation du conseiller de Paris au conseiller départemental. S’il est en effet conseiller départemental, il est tout autant conseiller municipal ! On ne saurait donc se contenter de la seule référence aux départements. Prenons l’exemple de la métropole de Lyon, qui est la seule à être aussi un département : il s’y trouve un conseiller départemental pour 3 000 habitants ! C’est donc sans rapport avec Paris. À Marseille, chaque conseiller municipal représente en moyenne 8 500 habitants. Autrement dit, un conseiller municipal et départemental pour 13 000 Parisiens ne me semble pas hors de proportion.
On peut certes souhaiter la diminution du nombre d’élus mais votre proposition, monsieur Caresche, aura d’autres conséquences : si vous ramenez le nombre de conseillers de Paris à 113, par exemple, vous seriez bien inspirés de diminuer le nombre de conseillers d’arrondissement et d’adjoints dans les mêmes proportions, car la loi PLM dispose que le ratio entre conseillers de Paris et conseillers d’arrondissement doit être d’un pour deux. Ceux qui réclament l’attribution de pouvoirs supplémentaires aux conseils d’arrondissement ne peuvent pas vouloir dans le même temps réduire le nombre d’adjoints des conseils d’arrondissement, compte tenu de l’incidence qu’une telle mesure aurait pour la gestion quotidienne. Une ville de l’ordre de 180 000 à 200 000 habitants ne peut en aucun cas se contenter d’une dizaine d’élus.
Il faut dans les mairies d’arrondissement des personnes chargées des affaires sociales, des écoles et d’autres sujets. Je ne comprends donc pas votre proposition, et c’est pourquoi nous lui préférons celle qui figure dans les amendements de vos rapporteurs, qui devrait recueillir le consensus.
M. Christophe Caresche. Monsieur le rapporteur Le Bouillonnec, je dispose du tableau de la population légale des arrondissements au 1er janvier 2016, tels qu’ils peuvent être consultés sur le site de l’INSEE et tels qu’ils constituent la dernière référence légale. Ceux que vous citez ne sont pas actualisés. Si vous prenez les mêmes chiffres que moi, vous devriez arriver à la même conclusion qu’il faut deux conseillers de Paris pour le 8è arrondissement. Dans l’hypothèse d’une actualisation des chiffres, il s’agit d’une question de validité constitutionnelle.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette proposition de Christophe Caresche s’appuie sur un argument qui n’a pas de contenu, pas plus que celle qui vise à regrouper les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements de Paris en un secteur unique.
Vous invoquez systématiquement un « écart de représentativité », associé à un problème constitutionnel. Mais le Conseil constitutionnel a validé le tableau actuel des conseillers de Paris et il ne nous demande rien. C’est la maire de Paris qui est demandeuse. On nous propose en fait de fusionner les arrondissements pour résoudre un problème qui n’existe pas, puisque le Conseil constitutionnel ne le soulève pas.
Il y a pourtant un problème de représentativité à Paris. D’abord, le maire de Paris peut être élu en ayant moins de voix que son opposition, et qui plus est, dans le cas de Mme Hidalgo, en étant minoritaire dans son arrondissement. Le texte résout donc un problème qui n’existe pas, et n’apporte aucune solution à celui qui se pose réellement.
La fusion des quatre premiers arrondissements n’est pas neutre. Elle va entraîner des modifications politiques importantes. Aux dernières élections municipales, il ne manquait que 55 voix à la droite pour faire basculer le 4e arrondissement. Dans le cas d’une fusion, c’est un écart de 3 000 voix qu’il faudrait rattraper. C’est seulement une façon de bétonner une forteresse socialiste à Paris. La loi n’est pas faite pour cela. Autant y inscrire directement que Paris devra toujours être socialiste. Pendant qu’on y est, pourquoi se gêner !
Au-delà de l’argument politique, il y a l’argument personnel. Nous avons bien compris qu’il s’agit de créer une circonscription d’élection à la convenance de la maire de Paris, qui n’a pu se faire élire dans le 15e et va donc se faire élire ailleurs. Ce texte n’est qu’un texte de convenance, proposé et poussé avec la complaisance du pouvoir central. Voilà tout de même deux vilains mots.
M. Pierre Lellouche. Je ne suis pas un expert de l’administration ni des règles électorales, mais je suis un Parisien. Vous pourrez comprendre, monsieur le président Raimbourg, et même peut-être monsieur le rapporteur Mennucci, que les arrondissements de Paris ont une personnalité. Ainsi, on est fier d’être citoyen du 1er arrondissement. De même, monsieur Caresche, du 8e ou du 9e : on passe d’un monde à un autre. Étant élu sur quatre arrondissements, je parle d’expérience.
À cause d’une décision du Conseil constitutionnel et d’une règle arbitraire fixée à 20 %, voilà qu’il faudrait supprimer des maires d’arrondissement. Permettez-moi de dire que le maire du 1er arrondissement, qui est mon suppléant, accomplit non seulement un travail remarquable, mais est aussi un expert des finances de la ville de Paris. Et nous voudrions supprimer la mairie d’arrondissement sans même que le Conseil constitutionnel l’ait demandé !
Si cette question constitutionnelle existait et qu’il fallait y répondre, il me semble qu’il faudrait élargir le champ du texte à l’ensemble de Paris, mais aussi aux autres villes régies par la loi PLM. Le rapporteur Mennucci nous dit lui-même qu’il ne connaît pas de telle limite des 13 000 habitants à Marseille ou à Lyon. En fait, nous ne résolvons pas un problème d’insécurité juridique qui toucherait le 1er arrondissement de Paris, voire le 8eme, si l’on en croit notre collègue Christophe Caresche. Nous résolvons seulement un problème d’insécurité politique pour Mme Hidalgo. C’est un instrument de convenance pour la maire de Paris. Nous bricolons ainsi un secteur sans toucher au reste de la capitale.
Il y a un problème de représentativité. Quel est au fond le bon système de représentation des Parisiens à Paris ? Des vingt élections par arrondissement est issu un conseil de Paris qui élit le maire de la ville, même s’il était en minorité dans son lieu d’élection, comme c’est le cas de Mme Hidalgo. Or le texte que nous examinons invente un secteur sans résoudre du tout ce problème.
M. Caresche qui, si j’ai bien compris, va quitter les fonctions qu’il exerce à Paris, sait que cela ne fonctionne pas bien et qu’il y a en effet trop de conseillers de Paris. La représentation démocratique des arrondissements par rapport à la mairie centrale pose problème. Mme Hidalgo a pris l’initiative de demander au Gouvernement cet unique secteur : il s’agit d’une réforme de circonstances pour lui faire plaisir.
Comme parlementaires, nous détenons, chacun d’entre nous, une parcelle de la souveraineté nationale. Je ne suis pas là pour adopter un texte qui fasse plaisir à tel ou tel élu. Je trouve même cela totalement inconvenant. La vraie question est de savoir si nous voulons maintenir l’état de choses actuel, tel que nous le connaissons depuis 1983, avec un mode d’élection du maire de Paris qui est finalement assez proche de celui du président des États-Unis d’Amérique, ou bien si nous voulons élire le maire au suffrage universel, avec un conseil de Paris beaucoup plus réduit, tout en maintenant les arrondissements. La loi améliorera ensuite les transferts de compétences entre mairie centrale et mairies d’arrondissement.
Encore une fois, ce texte a seulement pour but de faire plaisir à Mme Hidalgo, à la suite de calculs politiques. Notre collègue Christophe Caresche veut créer deux ou trois secteurs supplémentaires ? Eh bien, je suis partisan de sectoriser l’ensemble de la capitale, mais de s’en remettre alors au suffrage universel direct. Je suis totalement opposé à la suppression du 1er arrondissement dont le maire accomplit un travail remarquable…
M. Jean-Patrick Gille. On tourne en rond !
M. Pierre Lellouche. Notre collègue Christophe Caresche veut fusionner deux autres arrondissements aux personnalités très différentes. Eh bien, je dis que les Parisiens ne se sentiront pas mieux représentés grâce à ce genre de fusion, mais plutôt par l’élection au suffrage universel du maire de Paris.
M. Philippe Goujon. Je trouve dommage que cet article pollue un texte qui présente un certain intérêt quant à l’articulation des pouvoirs à Paris et au renforcement de la ville. La fusion de ces quatre arrondissements n’est opérée que pour des raisons politiciennes. Jusqu’à quel point n’est-ce pas d’ailleurs la seule motivation de ce texte…. La répartition entre arrondissements a été traitée, sur le plan électoral, par la loi de 2013. Or le Conseil constitutionnel ne demande pas à la vérifier. Le texte a du reste favorisé la gauche… Pourquoi revenir là-dessus aujourd’hui ?
Passons en revue les différents arguments avancés. Les économies annoncées ne seront que des clopinettes. La spécificité des arrondissements doit être préservée, car les citoyens ne s’adressent qu’à leur mairie d’arrondissement et ne connaissent qu’elle – la réforme Defferre a marché. Si 17 000 habitants ne sont pas suffisants pour constituer un arrondissement, que l’on supprime alors toutes les communes de France qui n’ont pas plus d’habitants, alors que tant de villages n’en comptent que quelques dizaines ou quelques centaines tout au plus.
Enfin, j’étais favorable à une consultation des habitants, car il est important de savoir ce qu’ils veulent. Mais notre demande de référendum local n’a pas été acceptée. Monsieur Caresche, que n’avez-vous fait vos propositions quand vous étiez encore conseiller de Paris, questeur qui plus est. C’était le moment d’agir.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Au fond, il y a de l’intelligence dans toutes les déclarations. Mais nous voulons être simples, en nous en tenant au premier secteur.
Je voudrais féliciter nos collègues pour leur inventivité à trouver d’autres secteurs. Mais nous maintenons notre proposition. Je propose le rétablissement du premier secteur et l’adoption de l’amendement tendant à modifier la numérotation des secteurs électoraux.
Suivant l’avis défavorable des rapporteurs, la Commission rejette l’amendement CL41.
(Articles 17 et 18)
(art. L. 2511-5 du code général des collectivités territoriales et annexe 2 du code électoral)
Création d’un secteur électoral regroupant les quatre premiers arrondissements de Paris
Les articles 17 et 18 modifient la répartition des arrondissements au sein des secteurs électoraux de la ville de Paris de manière à regrouper les quatre premiers arrondissements dans un même secteur. Ce dernier conserverait huit sièges au conseil de Paris, soit l’équivalent du nombre de sièges actuellement attribué aux arrondissements ainsi fusionnés.
Alors que la commission des Lois du Sénat a supprimé ces articles, à l’initiative de son rapporteur, M. Mathieu Darnaud, ainsi que les articles 19 et 20 prévoyant respectivement la mise en place d’une conférence d’arrondissements et les modalités d’entrée en vigueur de la réforme, au motif que le regroupement proposé n’était pas abouti et mal justifié, vos rapporteurs insistent au contraire sur l’équilibre qui s’en dégage.
La réforme permet, en effet, de résoudre la difficulté posée par la sous-représentation des habitants de certains arrondissements au conseil de Paris au regard du principe d’égalité devant le suffrage, tout en respectant les équilibres politiques issus des élections municipales de 2014 pour garantir la bonne acceptation de la fusion proposée.
I. L’INÉGALE REPRÉSENTATION DES HABITANTS AU CONSEIL DE PARIS
Cette réforme vise à prévenir toute nouvelle censure des règles en vigueur en matière de répartition des conseillers de Paris au sein des différents arrondissements.
Elle se fonde, en cela, sur le constat que l’évolution de la démographie parisienne, caractérisée par la diminution du nombre d’habitants des arrondissements centraux et l’augmentation de celui des arrondissements périphériques, rend nécessaire des mesures permettant de garantir que le rapport du nombre de sièges attribué au conseil de Paris au nombre d’habitants par arrondissement ne présente pas un écart supérieur au plafond de 20 % fixé par la jurisprudence constitutionnelle.
1. Une évolution démographique contrastée selon les arrondissements
Selon l’Insee, la population municipale légale s’élevait à 2 229 621 habitants au 1er janvier 2016.
Cette donnée globale dissimule toutefois de fortes disparités entre arrondissements, le 1er arrondissement regroupant 17 022 habitants et le 15ème arrondissement, 237 120 habitants (soit un rapport de 1 à 13).
Ces disparités constituent une spécificité parisienne. À titre de comparaison, les écarts de population entre arrondissements constatés à Lyon et Marseille sont limités à respectivement 2,8 et 3,3.
RÉPARTITION DE LA POPULATION PARISIENNE PAR ARRONDISSEMENT
Lors du redécoupage des arrondissements parisiens en vingt entités par la loi du 16 juin 1859, les quatre arrondissements centraux concentraient pourtant la plus grande partie de la population parisienne.
De 1861 à 2012, leur population a diminué de 73%, alors que celle des 5ème, 6ème et 7ème arrondissements augmentait de 42%.
Les graphiques ci-dessous présentent cette accentuation des écarts de population entre arrondissements au cours des 140 dernières années.
ÉCARTS DE POPULATION PAR ARRONDISSEMENT DE 1872 À 2015
Source : mairie de Paris
Ces déséquilibres ont des conséquences sur la représentation des Parisiens au conseil de Paris puisque si le niveau de représentation moyen s’élève à 13 679 habitants par conseiller pour l’ensemble du territoire, celui-ci varie de 10 871 habitants par conseiller dans le 2ème arrondissement à 17 022 habitants par conseiller dans le 1er arrondissement, soit un écart par rapport au niveau moyen de représentation de + 24% pour le 1er arrondissement et de – 21 % pour le 2ème arrondissement.
ECART DE REPRÉSENTATION AU CONSEIL DE PARIS ENTRE ARRONDISSEMENT
Source : Insee
Au regard de ce constat, il apparaît nécessaire de compléter la réforme entreprise par la loi n° 2013-713 du 5 août 2013 fixant le nombre et la répartition des sièges de conseillers de Paris pour ramener ces écarts en deçà du plafond de 20 % fixé par la jurisprudence constitutionnelle.
2. La nécessité de respecter la jurisprudence constitutionnelle relative à l’égalité devant le suffrage
a. La fixation d’un plafond d’écart maximal de 20 %
Le Conseil constitutionnel a développé, depuis 1985 (45), une jurisprudence encadrant l’action du législateur en matière de délimitation des circonscriptions électorales comme de répartition des sièges. Cette jurisprudence se fonde sur une lecture combinée de plusieurs articles de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont résulte le principe d’égalité devant le suffrage :
– l’article 1er de la Constitution, qui pose en ces termes un principe général d’égalité devant la loi : la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » ;
– l’article 3 de la Constitution, relatif au suffrage, qui est « toujours universel, égal et secret » ;
– l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».
Le principe d’égalité devant le suffrage, qui implique que les élections se fassent « sur des bases essentiellement démographiques », est ainsi « une composante du principe d’égalité devant la loi. […] Le suffrage serait une matière dans laquelle l’égalité prendrait un sens particulier » (46).
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a admis, à l’occasion de l’examen de la constitutionnalité de la loi relative à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales (47), qu’il est possible de s’éloigner de plus ou moins 20 % de la moyenne, si cela est justifié par la prise en compte d’impératifs d’intérêt général. En effet, il a considéré que la règle, posée par le législateur lui-même, autorisant le Gouvernement à s’écarter de plus ou moins 20 % de la moyenne dans la délimitation des circonscriptions à l’intérieur d’un département, ne procédait pas, en elle-même, d’une erreur manifeste d’appréciation, mais que la mise en œuvre de cet écart maximum de 20 % devait être « réservée à des cas exceptionnels et dûment justifiés ».
Enfin, à l’occasion du contrôle de constitutionnalité de la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, le Conseil a considéré qu’il lui revenait de « procéder à l’examen des écarts de représentation » (48) et a apporté à ce titre plusieurs précisions :
–– d’une part, la volonté de ne pas bouleverser de façon trop importante le nombre antérieur de conseillers par département ne peut constituer un impératif d’intérêt général compte tenu du fait qu’en l’occurrence, la loi déférée procédait à une réforme profonde des systèmes de représentation des collectivités territoriales ;
–– d’autre part, la possibilité laissée au législateur de s’écarter de plus ou moins 20 % de la moyenne est interprétée de façon stricte (49) : le Conseil constitutionnel a censuré les répartitions qui conduisaient à ce que certains départements s’écartent de la moyenne régionale de - 20,24 %, en Haute-Garonne, ou de + 20,31 % en Savoie (50).
En application de cette jurisprudence, le Conseil constitutionnel a déclaré, le 16 mai 2013, le tableau n° 2 annexé au code électoral fixant la répartition des sièges de conseillers de Paris par arrondissement non-conforme au principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage.
En effet, d’importants écarts à la moyenne subsistaient pour les 1er, 2eme et 4eme arrondissements (soit respectivement – 57,16 %, – 45,52 % et – 31,44 %), ce qui l’a conduit à considérer que, dans ces arrondissements, « le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population de l’arrondissement s’écarte de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ; qu’il s’ensuit que l’article 30 et le tableau annexé à la loi, qui constituent des dispositions inséparables, doivent être déclarés contraires à la Constitution » (51).
Le commentaire de cette décision est plus précis encore sur les motivations qui ont conduit le Conseil à procéder à cette censure : « en admettant que le législateur puisse prévoir un écart maximal de plus ou moins 20 % pour un secteur déterminé par rapport à ce quotient, cela conduit à une fourchette comprise entre 11 092 et 16 320 habitants. Or les 1er, 2e et 4e arrondissements comptent chacun trois conseillers de Paris avec un ratio respectivement de 5 871, 7 467 et 9 397 habitants par élu, très éloigné à chaque fois de l’écart maximal admissible. De tels écarts par rapport à la moyenne sont manifestement disproportionnés et ne permettent pas de respecter le principe d’égalité devant le suffrage » (52).
De manière à tirer les conséquences de cette censure, sans toutefois bouleverser le régime électoral parisien à quelques mois des élections municipales, le législateur a opté pour une solution de compromis dans la loi du 5 août 2013 précitée en opérant une redistribution des sièges au conseil de Paris, sans modifier le nombre de secteurs électoraux.
Toutefois, comme l’illustre le tableau suivant, si cette solution a eu pour avantage de combler le vide juridique découlant de la censure, tout en préservant le régime électoral de la capitale, le 1er arrondissement de Paris demeure encore sous-représenté et le 2ème arrondissement sur-représenté.
RÉPARTITION PROPORTIONNELLE DES SIÈGES À LA PLUS FORTE MOYENNE AVEC APPLICATION D’UN CORRECTIF DÉMOGRAPHIQUE
Arrondissement |
Sièges attribués avant 2013 |
Sièges attribués à compter de 2013 |
nombre d’habitants par arrondissement * |
Nombre d’habitants par élu * |
Écart à la moyenne actuel * |
1er |
3 |
1 |
17 022 |
17 022 |
24% |
2e |
3 |
2 |
21 741 |
10 871 |
-21% |
3e |
3 |
3 |
35 666 |
11 889 |
-13% |
4e |
3 |
2 |
27 335 |
13 668 |
0% |
5e |
4 |
4 |
60 273 |
15 068 |
10% |
6e |
3 |
3 |
43 479 |
14 493 |
6% |
7e |
5 |
4 |
56 325 |
14 081 |
3% |
8e |
3 |
3 |
39 175 |
13 058 |
-5% |
9e |
4 |
4 |
59 427 |
14 857 |
9% |
10e |
6 |
7 |
92 494 |
13 213 |
-3% |
11e |
11 |
11 |
153 461 |
13 951 |
2% |
12e |
10 |
10 |
144 719 |
14 472 |
6% |
13e |
13 |
13 |
183 713 |
14 132 |
3% |
14e |
10 |
10 |
140 799 |
14 080 |
3% |
15e |
17 |
18 |
237 120 |
13 173 |
-4% |
16e |
13 |
13 |
166 552 |
12 812 |
-6% |
17e |
13 |
12 |
170 077 |
14 173 |
4% |
18e |
14 |
15 |
199 519 |
13 301 |
-3% |
19e |
12 |
14 |
185 953 |
13 282 |
-3% |
20e |
13 |
14 |
194 771 |
13 912 |
2% |
Total |
163 |
163 |
2 229 621 |
13 679 |
* Calculs à partir de la population légale au 1er janvier 2016 selon l’Insee
Cette loi n’ayant pas fait l’objet d’une saisine, la constitutionnalité de cette solution de compromis est incertaine bien qu’elle constitue un progrès en matière d’égalité devant le suffrage.
Ce constat a justifié la volonté du Gouvernement de poursuivre la réforme, dans le cadre du présent projet de loi.
II. LA RÉFORME PROPOSÉE
En premier lieu, l’article 17 modifie le tableau de l’article L. 2511-5 du code général des collectivités territoriales qui définit le ressort territorial des conseils d’arrondissement de Paris, en regroupant les quatre premiers arrondissements en un secteur unique.
En second lieu, l’article 18 modifie, quant à lui, le tableau à l’annexe n° 2 du code électoral de manière à tirer les conséquences de la création du nouveau secteur central en lui attribuant les 8 sièges de conseillers de Paris auparavant destinés aux quatre secteurs des arrondissements fusionnant.
Les vingt arrondissements existants sont ainsi maintenus au sein de dix-sept secteurs électoraux. Cette réforme a, par conséquent, pour effet de rapprocher l’organisation de Paris de celle de Marseille qui compte 16 arrondissements regroupés dans huit secteurs.
Vos rapporteurs soulignent que pour éviter toute confusion entre le numéro de secteur et le numéro de l’arrondissement, il serait souhaitable d’assurer la convergence de leur numérotation respective. Le 1er secteur regrouperait ainsi les quatre premiers arrondissements puis le 5ème secteur, le 5ème arrondissement, etc.
1. Les conséquences pour les arrondissements concernés
Si, en application de l’article L. 2511-4, le 1er secteur sera administré par un conseil et un maire d’arrondissement unique, faisant disparaître trois maires d’arrondissement, les anciens arrondissements centraux conserveront leur code postal et les services publics de proximité qu’ils assureraient seront maintenus.
Par ailleurs, ce nouveau secteur comptera 101 764 habitants, ce qui le placera au 7ème rang des autres secteurs parisiens. L’écart de population actuel qui s’établit à 13,9 sera réduit à 6,1 (entre le 8ème arrondissement, le moins peuplé, et le 15ème arrondissement, le plus peuplé).
2. Les conséquences en matière de représentation au conseil de Paris
En termes de représentation au conseil de Paris, le rapprochement des quatre premiers arrondissements conduit à réduire les plus forts écarts à la moyenne parisienne de – 21 % pour le 2ème arrondissement et + 24 % pour le 1er arrondissement dans le système en vigueur à – 6 % pour le 16ème arrondissement et + 10 % pour le 5ème arrondissement.
EFFETS DU REGROUPEMENT DES 4 ARRONDISSEMENTS CENTRAUX SUR LES ÉCARTS DE REPRÉSENTATION AU CONSEIL DE PARIS
Arr. |
Sièges au conseil de Paris |
nombre d’habitants |
Nombre d’habitants par élu |
Écart à la moyenne résultant actuel |
Arr. |
Sièges au conseil de Paris |
nombre d’habitants |
Nombre d’habitants par élu |
Écart à la moyenne résultant de la réforme |
1er |
1 |
17022 |
17 022 |
24% |
1er à 4e |
8 |
101 764 |
12 721 |
-7% |
2e |
2 |
21741 |
10 871 |
-21% | |||||
3e |
3 |
35666 |
11 889 |
-13% | |||||
4e |
2 |
27335 |
13 668 |
0% | |||||
5e |
4 |
60273 |
15 068 |
10% |
5e |
4 |
60 273 |
15 068 |
10% |
6e |
3 |
43479 |
14 493 |
6% |
6e |
3 |
43 479 |
14 493 |
6% |
7e |
4 |
56325 |
14 081 |
3% |
7e |
4 |
56 325 |
14 081 |
3% |
8e |
3 |
39175 |
13 058 |
-5% |
8e |
3 |
39 175 |
13 058 |
-5% |
9e |
4 |
59427 |
14 857 |
9% |
9e |
4 |
59 427 |
14 857 |
9% |
10e |
7 |
92494 |
13 213 |
-3% |
10e |
7 |
92 494 |
13 213 |
-3% |
11e |
11 |
153461 |
13 951 |
2% |
11e |
11 |
153 461 |
13 951 |
2% |
12e |
10 |
144719 |
14 472 |
6% |
12e |
10 |
144 719 |
14 472 |
6% |
13e |
13 |
183713 |
14 132 |
3% |
13e |
13 |
183 713 |
14 132 |
3% |
14e |
10 |
140799 |
14 080 |
3% |
14e |
10 |
140 799 |
14 080 |
3% |
15e |
18 |
237120 |
13 173 |
-4% |
15e |
18 |
237 120 |
13 173 |
-4% |
16e |
13 |
166552 |
12 812 |
-6% |
16e |
13 |
166 552 |
12 812 |
-6% |
17e |
12 |
170077 |
14 173 |
4% |
17e |
12 |
170 077 |
14 173 |
4% |
18e |
15 |
199519 |
13 301 |
-3% |
18e |
15 |
199 519 |
13 301 |
-3% |
19e |
14 |
185953 |
13 282 |
-3% |
19e |
14 |
185 953 |
13 282 |
-3% |
20e |
14 |
194771 |
13 912 |
2% |
20e |
14 |
194 771 |
13 912 |
2% |
Total |
163 |
2229621 |
13 679 |
|
Total |
163 |
2 229 621 |
13 679 |
3. De potentielles économies
Selon l’étude d’impact, la création d’un secteur central doit permettre de réduire à terme les dépenses de fonctionnement, d’effectifs et de locaux, pour un montant estimé entre 8 et 10 millions d’euros par an.
En effet, la création d’un secteur rassemblant les quatre premiers arrondissements, qui représentent actuellement 139 ETP, permettra d’engager une réflexion au sein de la conférence d’arrondissements constituée à cet effet sur l’implantation des différents services dans le secteur regroupé et sur le niveau de ressources adéquat pour le maintien d’un niveau de service public de qualité.
Vos rapporteurs souhaitent souligner que cette réforme a donné lieu à d’importants travaux de préparation en amont de la présentation du présent projet de loi et à la consultation du conseil de Paris qui en a validé le principe.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a rétabli ces articles, qui avaient été supprimés par le Sénat, sous réserve d’une modification de la numérotation des secteurs électoraux permettant d’assurer sa corrélation avec celle des arrondissements : le premier secteur regroupera ainsi les quatre premiers arrondissements ; le cinquième secteur correspondra au cinquième arrondissement, le sixième secteur au sixième arrondissement, etc.
NOUVEAUX SECTEURS DE PARIS
Désignation des secteurs |
Arrondissements constituant les secteurs |
Nombre de sièges |
1er secteur |
1er, 2e, 3e et 4e |
8 |
5e secteur |
5e |
4 |
6e secteur |
6e |
3 |
7e secteur |
7e |
4 |
8e secteur |
8e |
3 |
9e secteur |
9e |
4 |
10e secteur |
10e |
7 |
11e secteur |
11e |
11 |
12e secteur |
12e |
10 |
13e secteur |
13e |
13 |
14e secteur |
14e |
10 |
15e secteur |
15e |
18 |
16e secteur |
16e |
13 |
17e secteur |
17e |
12 |
18e secteur |
18e |
15 |
19e secteur |
19e |
14 |
20e secteur |
20e |
14 |
Total |
163 |
*
* *
La Commission adopte l’amendement CL101 des rapporteurs, faisant tomber l’amendement CL45.
L’article 17 est ainsi rétabli.
Elle adopte ensuite l’amendement CL102 des rapporteurs, faisant tomber les amendements CL46, CL47 et CL50 de M. Christophe Caresche.
L’article 18 est ainsi rétabli.
Article 19
Mise en place d’une conférence des arrondissements chargée de préparer la réforme
Cet article a pour objet de créer une conférence d’arrondissements dont l’objet sera de réunir les conseillers d’arrondissement des quatre arrondissements concernés par la réforme et de préparer l’installation du nouveau secteur central.
Ses travaux seront coordonnés par un bureau composé des quatre maires d’arrondissement et d’un représentant du maire de Paris.
Elle sera chargée d’élaborer un rapport relatif aux modalités de mise en œuvre du regroupement comprenant des propositions relatives à l’organisation des services et aux conditions de travail des agents, à la mise en commun des moyens financiers et des équipements locaux et à la fixation du siège de la mairie d’arrondissement du 1er secteur. Ce rapport, soumis pour avis aux conseils de quartier, sera remis au maire de Paris avant le 31 décembre 2018 et devra faire l’objet d’un débat au conseil de Paris.
Par ailleurs, les caisses des écoles des quatre premiers arrondissements de Paris sont remplacées par une caisse des écoles unique.
Lors de son examen par le Sénat, cet article a été supprimé, à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud, par coordination avec la suppression des articles 17 et 18.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a rétabli cet article.
*
* *
La Commission examine, en discussion commune, l’amendement CL103 des rapporteurs et l’amendement CL48 de M. Christophe Caresche.
M. Patrick Mennucci. Il s’agit de rétablir l’article 19. C’est la conséquence de ce que nous avons voté à l’instant en adoptant la fusion des arrondissements. La gestion des quatre arrondissements rentre ainsi, petit à petit, dans le cadre du droit nouveau, jusqu’en 2020.
La Commission adopte l’amendement CL103 des rapporteurs, faisant tomber l’amendement CL48.
L’article 19 est ainsi rétabli.
Article 20
Date d’entrée en vigueur du nouveau secteur unique
Cet article prévoit que la fusion des arrondissements centraux de la ville de Paris prévue aux articles 17 et 18 du présent projet de loi entrera en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux. Vos rapporteurs proposent de préciser qu’elle s’appliquera également aux opérations préparatoires à ce scrutin.
Lors de son examen par le Sénat, cet article a été supprimé, à l’initiative du rapporteur, M. Mathieu Darnaud, par coordination avec la suppression des articles 17 et 18.
À l’initiative de vos rapporteurs, la commission des Lois a rétabli cet article.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL104 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci. Il s’agit de rétablir le texte initial du Gouvernement.
La Commission adopte l’amendement CL104.
L’article 20 est ainsi rétabli.
CHAPITRE III
Renforcement des missions exercées par le maire de Paris
Article 21
(art. L. 2512-13 et L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales, art. L. 122-2 du code de la sécurité intérieure et art. L. 221-28 du code rural et de la pêche)
Transfert de certaines polices spéciales du préfet de police vers le maire de Paris
Le présent article modifie la répartition des pouvoirs de police, à Paris, afin de donner davantage de prérogatives au maire.
I. – LE DROIT EXISTANT
Fonctionnaire de l’État nommé en Conseil des ministres, le préfet de police exerce sur le territoire de Paris des pouvoirs de police administrative qui, dans les autres communes, appartiennent au maire, conformément aux principes posés par l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.
Il dispose de la compétence générale en matière de police administrative, conformément :
– à l’article 16 de la loi du 28 pluviôse an VIII portant création, à Paris, d’un préfet de police ;
– et à l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII relatif aux fonctions du préfet de police à Paris auquel renvoie l’article L. 2512-13 du même code.
Le préfet de police assure donc le bon ordre, la sûreté, la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Il exerce également près de quarante polices spéciales, certaines en lieu et place du maire.
A. – LA POLICE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT
Cette police spéciale comprend la réglementation des voies, la définition des zones de stationnement, le contrôle du stationnement payant et la répression du stationnement gênant.
Depuis les changements introduits par l’article 36 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité (53), le maire de Paris exerce la compétence de droit commun en application de l’article L. 2512-14. Toutefois, sur certaines voies, pour des motifs tirés de l’ordre public ou liés à la sécurité des personnes et des biens ou à la protection des institutions et des représentations diplomatiques, le préfet de police demeure compétent. Il s’agit :
– des axes où se déroulent des manifestations de voie publique à caractère revendicatif, festif, sportif ou culturel ; ces axes peuvent être temporairement régis par le préfet de police, après avis du maire de Paris ;
– des axes environnant les lieux sensibles, qui sont directement régulés par le préfet de police (ministères, Banque de France, tribunal de grande instance de Paris, UNESCO, etc.).
L’article 62 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) (54) a complété ces dispositions pour prévoir que sur les axes permettant d’assurer la continuité des itinéraires principaux dans l’agglomération parisienne, dont la liste est fixée par décret (55), les règles de circulation et de stationnement sont déterminées par le maire de Paris après avis conforme du préfet de police (56).
B. – LA POLICE DE LA SÛRETÉ ET DE LA SALUBRITÉ DES BÂTIMENTS
Le pouvoir de police générale reconnu au maire par les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 s’exerce aussi dans l’hypothèse particulière où un danger pour la santé des habitants et des riverains d’un immeuble résulte d’une cause extérieure. Il permet de prendre des mesures en cas de « danger grave ou imminent tel que les accidents naturels », et notamment de prescrire une démolition.
Il appartient également au maire de faire respecter les dispositions du règlement sanitaire départemental, établi par le préfet aux termes des articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique, qui concernent notamment la propreté des locaux communs et particuliers, la présence d’animaux dans les habitations, l’évacuation des eaux pluviales et usées, ou encore les conduits de fumée et de ventilation.
Ces prérogatives s’articulent avec plusieurs polices spéciales :
– la lutte contre l’insalubrité des immeubles, qui permet à l’État de prescrire des travaux (« insalubrité remédiable ») ou interdire l’accès à certains immeubles (« insalubrité irrémédiable ») en application des articles L. 1331-22 à L. 1331-30 du même code ;
– le relogement par le maire des occupants d’immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine, prévu par les articles L. 521-1 à L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation ;
– la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation (articles L. 129-1 à L. 129-7 du même code) et la police des édifices menaçant ruine (articles L. 511-1 à L. 511-7), dont les modalités d’application sont modifiées par l’article 25 du projet de loi.
À Paris, le préfet de police exerce, dans ces matières, l’ensemble des attributions dévolues ailleurs au maire et, pour certaines d’entre elles, au représentant de l’État.
C. – LA POLICE FUNÉRAIRE ET LA SÛRETÉ DES MONUMENTS FUNÉRAIRES
Le préfet de police est actuellement chargé de la police funéraire à Paris, en application de l’article R. 2512-35 du code général des collectivités territoriales. Cette police spéciale, normalement dévolue au maire, consiste à réglementer l’organisation des funérailles, à assurer le maintien de l’ordre et de la décence dans les lieux de sépulture, à garantir l’inhumation de tous les corps, à régir les modes de transport des cadavres ainsi que la procédure de scellement des cercueils.
Le maire de Paris est, pour sa part, compétent en matière de sûreté des monuments funéraires, conformément à l’article L. 2512-13 du même code. Il doit assurer la sûreté de ces ouvrages, notamment en imposant leur réparation ou leur démolition lorsqu’ils représentent un danger grave ou imminent.
D. – LA POLICE DES BAIGNADES
Conformément à l’article XXXII de l’arrêté des consuls du 12 messidor an VIII, le préfet de police exerce également la police des baignades à Paris.
Cette police spéciale, qui ailleurs relève du maire, consiste à réglementer l’utilisation des aménagements réalisés pour la pratique des baignades et des activités nautiques.
II. – LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI
Sans remettre en cause le pouvoir de police générale du préfet de police, les alinéas 2 à 11 du présent article ajoutent à l’article L. 2512-13 du code général des collectivités territoriales une liste de matières dans lesquelles, par exception, le pouvoir de police est exercé par le maire de Paris.
Les alinéas 12 à 21 transfèrent au maire la police de la circulation et du stationnement à Paris, régie par l’article L. 2512-14, et précisent les modalités d’exercice de celle-ci.
Le préfet de police serait chargé du contrôle de légalité des actes relatifs à ces nouvelles missions du maire de Paris et détiendrait un pouvoir de substitution (alinéas 11 et 19).
A. – LES PRÉROGATIVES DU MAIRE DE PARIS EN MATIÈRE DE POLICE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT SERAIENT RENFORCÉES
La nouvelle rédaction supprime le troisième alinéa de l’article L. 2512-4, aboutissant à confier l’exercice de la police de la circulation lors des manifestations festives, sportives et culturelles non itinérantes au maire. L’alinéa 15 du présent article précise toutefois que le préfet de police pourrait réglementer, de manière temporaire et pour des motifs d’ordre public, la circulation et le stationnement « en cas de manifestation de voie publique à caractère revendicatif ainsi qu’en cas de manifestation à caractère festif, sportif ou culturel, si la manifestation est itinérante ».
Conformément à l’alinéa 14, les axes environnant des lieux sensibles resteraient sous l’autorité du préfet de police mais le maire serait saisi pour avis des règles de circulation et de stationnement édictées.
Le maire exercerait désormais le pouvoir de police sur les « axes essentiels à la sécurité de Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics » (alinéa 16) déterminés par voie réglementaire. Cette catégorie de voies remplacerait celle actuellement définie par le décret du 18 décembre 2014, sur laquelle le maire est déjà compétent, mais elle couvrirait un « périmètre légèrement plus grand » selon l’étude d’impact.
Le contrôle exercé par le préfet de police serait donc plus souple qu’aujourd’hui : il ne disposerait plus d’un avis conforme mais émettrait des prescriptions – que le maire de Paris serait dans l’obligation de suivre – lors de l’aménagement des voies concernées pour y garantir la fluidité de la circulation.
Modalités d’exercice de la police de la circulation et du stationnement
Source : Rapport de M. Mathieu Darnaud sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, Sénat, n° 82 (2016-2017)
B. – DE NOUVELLES CATÉGORIES DE VOIES DÉTERMINÉES PAR LA LOI
L’alinéa 17 crée deux catégories nouvelles de voies dans un objectif de sécurité publique.
Le préfet de police pourrait régir à titre temporaire certains axes afin d’assurer la sécurité de personnes faisant l’objet d’une protection particulière : transferts de prisonniers vers le palais de justice de Paris ou convois de dirigeants étrangers, par exemple.
Il définirait également, après avis du maire de Paris, des axes « concour[ant] à la sécurité des personnes et des biens en situation de crise ou d’urgence ». Ces axes, dont la liste serait déterminée par arrêté préfectoral, resteraient sous l’autorité du maire mais le préfet de police pourrait formuler des avis conformes sur les règles de circulation et de stationnement applicables (57).
C. – LA MAJEURE PARTIE DE LA POLICE DE SALUBRITÉ DES BÂTIMENTS SERAIT TRANSFÉRÉE AU MAIRE DE PARIS
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi transférait expressément au maire de Paris la majeure partie de la police de salubrité des bâtiments (2° du II de l’article L. 2512-3).
Le maire de Paris deviendrait compétent pour :
– les bâtiments à usage principal d’habitation, comme les immeubles résidentiels ;
– ceux à usage total d’hébergement, à l’instar des établissements hôteliers ;
– ceux à usage partiel d’hébergement.
Le préfet de police serait uniquement chargé d’assurer la salubrité des bâtiments entièrement dédiés à l’accueil du public et entrant dans la procédure applicable aux établissements recevant du public (ERP).
D. – LES AUTRES POLICES SPÉCIALES
L’alinéa 7 confie au maire de Paris la police des funérailles et des lieux de sépulture, tout en maintenant sa compétence pour les monuments funéraires, tandis que l’alinéa 6 transfère la police des baignades.
Le présent article reprendrait, par ailleurs, dans l’énumération du II de l’article L. 2512-13 les polices spéciales qui avaient été antérieurement transférées au maire de Paris : la salubrité sur la voie publique, la police des troubles de voisinage, le maintien du bon ordre dans les foires et marchés (alinéa 6) ou la conservation dans les dépendances domaniales incorporées au domaine public de la commune de Paris.
III. – LES MODIFICATIONS OPÉRÉES PAR LE SÉNAT
Outre des modifications d’ordre rédactionnel, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur afin d’expliciter la compétence du maire de Paris dans les différentes composantes de la police funéraire, s’agissant de l’inhumation (article L. 2213-7), du transport des corps, de décence dans les cimetières (article L. 2213-9) et de surveillance des lieux de sépulture (article L. 2213-10).
En séance publique, les sénateurs ont adopté trois amendements contre l’avis du Gouvernement.
Les deux premiers, présentés par le rapporteur, reprenaient plusieurs dispositions de la proposition de loi de MM. Yves Pozzo di Borgo, Pierre Charon et Philippe Dominati, adoptée par le Sénat le 21 mai 2015, tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police.
Ils confient au maire de Paris la compétence générale de police prévue à l’article L. 2212-2 (alinéa 4 du présent article). Outre ses missions de maintien de l’ordre public (alinéa 22), le préfet de police ne conserverait, dans la rédaction de l’alinéa 3, que des compétences d’attribution en matière de sécurisation des institutions, des représentations diplomatiques et des grands rassemblements, en matière d’organisation des services d’incendie et de secours et en matière d’atteintes à la tranquillité publique.
Par coordination, les 1° et 3° du présent article ont été supprimés (alinéa 6) puisque ces compétences seraient incluses dans le pouvoir de police municipal accordé au maire de Paris. Il en est de même de l’article L. 211-28 du code rural et de la pêche maritime relatif à la police des animaux errants (alinéa 23). En outre, la référence à l’article L. 2512-13 – et donc à l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII – a disparu.
Un dernier amendement, déposé par M. Roger Karoutchi et adopté avec un avis de sagesse du rapporteur, a inséré un alinéa 18 qui donne au président du conseil régional une compétence, dont il était jusqu’alors tout à fait dépourvu, pour déterminer les règles de circulation et de stationnement sur les « itinéraires principaux dans l’agglomération parisienne et la région Île-de-France ».
IV. – LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS
À l’initiative de vos deux rapporteurs, la commission des Lois est revenue sur le partage des compétences de police municipale qui avait été adopté par son homologue du Sénat. Elle a donc rétabli la compétence générale du préfet de police et énuméré les matières dans lesquelles le maire de Paris exerce, par exception, le pouvoir de police municipal. Elle a supprimé les coordinations qui avaient été introduites pour préciser le rôle du préfet de police en matière d’ordre du public et pour lui retirer la charge de la fourrière animale.
La Commission a également suivi la proposition des rapporteurs, en supprimant l’alinéa ajouté par les sénateurs prévoyant que le président du conseil régional déterminait les règles de circulation et de stationnement sur certains itinéraires.
Elle a, enfin, adopté plusieurs amendements rédactionnels.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL121 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. C’est un amendement qui vise à revenir sur des dispositions adoptées par le Sénat.
Le Sénat a choisi de doter le maire de Paris d’un pouvoir de police général, afin de l’aligner sur le droit commun. Après de multiples débats, non seulement avec les maires d’arrondissement, mais aussi avec le préfet de police et les diverses formations politiques, nous considérons qu’il s’agit d’une remise en cause excessive, qui a un effet assez brutal. Il est difficile de l’envisager dans la situation actuelle. C’est donc le choix de rentrer dans le nouveau dispositif par palier qui a été retenu.
Compte tenu du report à 2020 voté par les sénateurs, ce serait le cœur même de la réforme qui serait par ailleurs retardé. Nous pensons enfin qu’il faut transférer les compétences du préfet de police vers le maire de Paris dans des conditions qui maintiennent l’efficacité des services publics dans ce domaine.
M. Philippe Goujon. Il s’agit d’un sujet important. Le maire de Paris est le seul à ne pas disposer d’une police municipale, le seul à ne pas avoir le titre d’officier de police judiciaire. On se demande bien pourquoi. Cela remonte en fait au 12 Messidor de l’an VIII, lorsque le Premier consul craignait les débordements de l’époque révolutionnaire. Mais la population de Paris s’est assagie depuis cette époque. Le préfet de police n’a plus à la craindre. En tout état de cause, de telles dispositions n’altéreraient pas ses pouvoirs. D’ailleurs, dans le même texte, il est bien dessaisi au profit de la mairie d’autres compétences, notamment en matière de police de la circulation et du stationnement.
Dans aucune des villes de France, la police d’État ne se trouve défavorisée parce qu’il existe une police municipale. Chacun garde son pouvoir. La police municipale aiderait simplement le préfet à assurer la tranquillité publique. On peut considérer en effet que la mission de sûreté générale doit être assurée par la police d’État. Je veux parler de lutte anti-terroriste, de lutte contre la criminalité ou d’ordre public quand il y a des manifestations. Mais le préfet de police faisant en sorte aujourd’hui de se concentrer totalement sur la lutte anti-terroriste, la préfecture n’a plus du tout les moyens d’assurer ses missions en matière de tranquillité publique : petits désordres sur la voie publique, attroupements, alcoolisation, mendicité agressive, ventes à la sauvette… Une police municipale serait précisément plus adaptée pour répondre à ces problèmes. La préfecture de police a des pouvoirs immenses qu’elle n’a plus les moyens d’assumer. Laissons le préfet de police se concentrer sur ses missions purement régaliennes mais ne passons pas pour autant sous silence le problème de la tranquillité publique et celui de la police de la circulation, devenue inexistante.
Mme Sandrine Mazetier. Les rapporteurs ont raison de nous proposer de revenir à la philosophie initiale du texte. Lors de son audition, le préfet de police de Paris a clarifié les enjeux. Il n’a nullement renoncé à assumer les missions de tranquillité publique, contrairement à ce que prétend M. Goujon, qui devrait davantage se préoccuper des moyens dont dispose la préfecture, s’il est si désireux qu’elle puisse exercer toutes ses missions.
Que propose le projet de loi initial ? Il vise une réorganisation des pouvoirs de police de la préfecture de police et du maire de Paris. Je soutiens cette nouvelle répartition car elle permet à la préfecture de police de se recentrer sur ses missions essentielles, qui ne se limitent pas à la lutte contre le terrorisme. L’ampleur et la diversité des missions qui lui sont dévolues sont telles qu’il fallait trouver une solution. C’est ce que fait ce texte, sans pour autant créer une police municipale que certains, dans les rangs de l’opposition, appellent de leurs vœux alors qu’elle serait totalement inadaptée à une ville-capitale comme Paris qui reçoit des millions et des millions de touristes chaque année et qui accueille chaque jour dans ses rues et ses jardins des centaines d’événements. Le maintien de l’ordre public doit continuer à être assuré par la préfecture de police pour les manifestations importantes mais pas pour les manifestations très locales et ponctuelles, comme les forums des associations ou les rassemblements liés aux fêtes de fin d’année.
Ces nouvelles attributions me paraissent extrêmement salutaires et pour la sécurité de nos concitoyens et pour l’ordre public dans nos arrondissements.
M. Claude Goasguen. C’est un sujet essentiel sur lequel nous n’avons pas tous le même avis, madame Mazetier. Je voudrais prolonger la discussion très intéressante que nous avons eue avec le préfet de police. Je n’ai jamais été très favorable à la création d’une police municipale à Paris. Ce serait d’ailleurs, à mon sens, le mauvais moment pour procéder à une telle réforme. Donner à la ville de Paris des prérogatives de police revenant sur les dispositions consulaires aurait été intéressant il y a quelques années ; ça l’est beaucoup moins maintenant que Paris a le statut de métropole.
Deux sujets me préoccupent.
Premièrement, je me demande quelle sera cette nouvelle police. Est-ce même une police ? En réalité, il s’agit de fonctionnaires de la mairie de Paris qui auront pour charge de sanctionner des incivilités, une activité qui n’est pas spécifiquement policière. La maire de Paris aura la gestion d’une police complémentaire, qui répondra au fait que nous ne parvenons pas à assurer la propreté de Paris. Je ne vois pas pourquoi le maire de Paris en aurait la charge. Les arrondissements auraient besoin de personnels qui assurent des surveillances, des gardes, pour éviter, par exemple, les regroupements. En fait, cette nouvelle répartition est une recentralisation. Cette brigade contribue non pas à améliorer la sécurité des Parisiens mais seulement à les dissuader de salir un peu plus leur ville. Cela n’a rien à voir avec le sujet qui devrait nous occuper.
Deuxièmement, Paris, qui se situe au centre de la Métropole, joue un rôle considérable dans l’organisation de la région Île-de-France et de la Métropole. Nous avons assisté à des débats violents concernant les axes de circulation à Paris, qui à l’origine sont des voies relevant de l’autorité préfectorale : je pense aux voies sur berges de la rive droite et de la rive gauche et à terme au périphérique dont nous savons bien qu’il est utilisé non par les Parisiens mais par les habitants des départements limitrophes. Pourtant, la mairie de Paris va voir ses prérogatives renforcées en matière d’axes de circulation. Est-il raisonnable d’écarter les départements voisins, la métropole, le préfet de police et le préfet de région de la gestion de ces axes névralgiques alors que nous nous situons dans une phase de métropolisation ?
Roger Karoutchi a déposé un amendement au Sénat pour que, sur certains axes permettant d’assurer la continuité des itinéraires principaux dans l’agglomération parisienne et la région Île-de-France, les règles de circulation et de stationnement relèvent du président du conseil régional d’Île-de-France. Il serait en effet judicieux de donner à certains axes parisiens un statut particulier. La place de Paris au sein de la région et de la Métropole commande sans doute d’inventer un droit sui generis, à l’instar de ce qui a déjà été fait avec la création du conseil de Paris.
Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je me réjouis des modifications introduites par l’article 21 dans sa rédaction initiale. Il me semble bon que les services visés soient financés, lorsqu’ils sont strictement locaux, par les impôts des contribuables qui bénéficient desdits services. La police nationale, financée par tous les contribuables de France, doit assumer des missions, je ne dirai pas d’un rang supérieur, car le quotidien n’est pas inférieur au général, mais d’ampleur nationale.
J’ai assisté aux diverses auditions préparatoires menées par notre Commission et c’est à cette occasion que je me suis forgé cette opinion. Je voudrais vous remercier de cette nouvelle organisation au nom de tous les Français qui ne sont ni Franciliens ni Parisiens.
M. Claude Goasguen. Monsieur le président, veuillez rappeler à Mme Le Dain que les personnels en question étaient déjà payés par la mairie de Paris.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Je constate que certaines confusions perdurent.
Il faut distinguer la police municipale comme instrument de la police municipale comme compétence. Dans de nombreuses communes, les maires exercent des compétences de police municipale sans disposer de police municipale. Ce sont souvent les agents municipaux qui font la police du stationnement et de la circulation.
Certes, la ville de Paris ne peut avoir de police municipale mais cela ne veut pas dire que le maire de Paris ne peut disposer de compétences de police municipale. L’objet de nos débats est l’attribution de nouvelles compétences au maire de Paris et non les instruments par lesquels il les exerce.
L’enjeu est de faire entrer de plus en plus la ville de Paris dans le droit commun. Quelle était la situation auparavant ? Le préfet de police, aux termes de l’arrêté des consuls du 12 messidor an VIII, avait tous les pouvoirs et cela fait deux cents ans que l’on essaie de faire entrer dans ce cadre toutes sortes de réalités nouvelles de la vie quotidienne.
Dans le projet de loi initial, le préfet de police conservait certaines compétences et en cédait au maire de Paris certaines autres, déterminées par la loi. Les sénateurs ont inversé le dispositif, considérant que le maire de Paris disposait d’une compétence générale et qu’il fallait déterminer les compétences subsidiaires dévolues au préfet de Paris. Nous contestons ce schéma : la situation de Paris, ville capitale, implique une prise en compte particulière de la sécurité des biens et des personnes et, je dirai même, de la République. Le préfet de police, ne l’oublions pas, est aussi le préfet de l’agglomération parisienne.
Par cet amendement, nous proposons de revenir au texte initial de la loi qui transfère au maire de Paris des compétences exercées auparavant par le préfet de police, lequel conserve une compétence générale. Cette évolution entend prendre en compte les besoins nouveaux qui s’expriment sans pour autant porter atteinte à l’organisation de la police dans la capitale. Pour finir, je rappellerai que le préfet de Paris, lors de son audition, a répondu à vos questions, chers collègues, en soulignant qu’il s’agissait d’une première étape et que nous pourrions progressivement aller plus loin.
La Commission adopte l’amendement CL121.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels des rapporteurs CL122 et CL123.
Elle en vient à l’amendement CL124 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 18 introduit par un amendement du Sénat qui avait pour objet de donner au président du conseil régional d’Île-de-France des compétences en matière de réglementation de la circulation et du stationnement sur certains axes. Or les régions comme les départements n’exercent que les compétences que la loi leur dédie et celles visées par le Sénat n’en font pas partie.
M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur Caresche, je vous donne la parole pour vous permettre de défendre vos amendements CL52 et CL53 qui tomberont si l’amendement des rapporteurs est adopté.
M. Christophe Caresche. Je ne m’exprimerai pas sur la nouvelle répartition des compétences entre le préfet de police et le maire de Paris. Dans les faits, elle ne changera pas grand-chose à la situation actuelle.
Mes amendements concernent le rôle que pourraient jouer les communes limitrophes de Paris lorsqu’une décision prise par la ville de Paris a un impact sur leurs populations. À titre personnel, j’estime légitime que certaines communes aient fortement protesté contre la fermeture des voies sur berges, qui a eu de lourdes conséquences pour leurs habitants.
Dans mes amendements, je propose que le président de la Métropole du Grand Paris donne soit un avis conforme, soit un avis simple sur les décisions prises par le maire de Paris en matière d’axes permettant d’assurer la continuité des itinéraires principaux dans l’agglomération parisienne et la région Île-de-France. Les communes concernées doivent pouvoir être associées à ces décisions si nous voulons les rendre acceptables.
J’ai bien écouté le préfet de police et je ne suis pas sûr que la décision de fermeture de la voie sur berge rive droite sera maintenue car il a émis de fortes réserves.
Ma proposition me semble de nature à faire avancer le débat.
M. Philippe Goujon. M. Caresche reconnaît par ces amendements l’arbitraire d’une décision prise unilatéralement par la maire de Paris, je veux parler de la fermeture à la circulation d’un axe majeur de transit est-ouest situé au cœur d’une agglomération de onze millions d’habitants. Seuls les trois ou quatre arrondissements centraux ont été consultés alors que l’impact de la fermeture s’est fait sentir sur plusieurs départements. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle 168 maires d’Île-de-France ont adressé une lettre ouverte à la maire de Paris et que la région Île-de-France et cinq départements ont déposé un recours auprès du tribunal administratif de Paris. Le rapport de la commission d’enquête avait déjà souligné que la concertation était trop limitée. Pour ces raisons, nous sommes favorables aux amendements de M. Caresche.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il est bien évident que l’intelligence du territoire commande demain de traiter ces sujets à l’échelle de la Métropole du Grand Paris. C’est le sens de l’initiative de Patrick Ollier, que je salue, qui a créé à l’intérieur de la Métropole du Grand Paris une structure dédiée à ces enjeux.
Pour tenir compte de la spécificité de Paris, ville capitale, le projet de loi a prévu une répartition des prérogatives selon la nature des axes. Pour certains axes, le préfet de police est seul compétent ; pour d’autres, l’avis du maire de Paris est requis. À l’inverse, il y a des axes pour lesquels le maire a seul des prérogatives et d’autres pour lesquels l’avis du préfet est nécessaire.
Les amendements de M. Caresche ne sont pas tenables car la métropole n’a aucune compétence en matière routière. En outre, il n’y a aucune raison pour que ce dispositif ne concerne que les axes de Paris intra muros. Pourquoi ne pas prévoir aussi de solliciter l’avis du maire de Paris à propos des grands axes de la métropole qui se situent hors de la capitale ? Pour entrer et pour sortir des voies sur berge, il faut bien, par exemple, emprunter des axes de circulation qui sont hors de Paris.
Le jour où la métropole se saisira de ces enjeux, je suis certain qu’elle prendra en compte les axes de circulation non seulement dans Paris intra muros mais aussi à l’échelle du territoire métropolitain.
Pour l’heure, le projet de loi se contente de répartir les compétences entre le préfet de police et le maire de Paris. Il a écarté toute hypothèse qu’une collectivité comme la région Île-de-France ou une intercommunalité comme la Métropole du Grand Paris puissent intervenir puisqu’elles ne détiennent pas de compétences en ce domaine.
Nous sommes défavorables à ces amendements, que nous considérons avant tout comme des amendements d’appel.
M. Claude Goasguen. Je partage l’avis du rapporteur. M. Caresche soulève un problème qui va bien au-delà du seul cas de Paris et de sa métropole. La constitution des métropoles régionales pose en effet le problème fondamental de l’adaptation de notre droit en matière de circulation.
Pour une fois, je suis plutôt favorable à ce que l’État ait la prééminence en ce domaine car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’association des agglomérations limitrophes aux décisions mais la sécurité et la défense de la capitale et de l’agglomération. Je trouve que le préfet de police a été un peu vite en besogne en renonçant à certaines de ses compétences.
M. Christophe Caresche. Ce que je comprends de l’intervention du rapporteur, c’est qu’un jour le président de la Métropole devra avoir cette compétence.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. La Métropole, pas son président.
M. Christophe Caresche. Bien sûr, vous m’aviez compris.
Nous pouvons considérer qu’un avis simple du président de la Métropole serait déjà un pas dans la direction que vous suggérez, monsieur Le Bouillonnec.
La Commission adopte l’amendement CL124.
En conséquence, les amendements CL52 et CL53 tombent.
La Commission adopte ensuite l’amendement de coordination CL125 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 21 modifié.
*
* *
Article 22
(art. L. 2512-27 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)
Transfert à la mairie de Paris de la gestion des demandes et de la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports
Le présent article propose de confier aux services placés sous l’autorité du maire de Paris le recueil des demandes de cartes nationales d’identité et de passeports et la remise aux intéressés de ces titres.
L’article 3 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 (58) prévoit qu’à Paris, le préfet de police assure l’instruction des demandes de cartes nationales d’identité et de passeports ainsi que la remise de ces titres aux intéressés.
Cette compétence lui a été attribuée sur la base d’une interprétation extensive de l’article III de l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII qui dispose que : « [Le préfet de police] délivrera les passeports pour voyager de Paris dans l’intérieur de la République. Il visera les passeports des voyageurs ».
Hors de Paris, l’article L. 1611-2-1 du code général des collectivités territoriales charge les maires, « en tant qu’agents de l’État », de la réception et de la saisie des demandes de cartes nationales d’identité et de passeports ainsi que de la remise aux intéressés de ces titres. Si toutes les communes ont l’obligation d’instruire les demandes de cartes nationales d’identité, seules les municipalités volontaires délivrent des passeports.
Il est proposé d’insérer un nouvel article L. 2512-27 dans le code général des collectivités territoriales afin d’aligner sur le droit commun les dispositions applicables à Paris. La préfecture de police établirait ensuite ces documents, en lien avec l’Imprimerie nationale, mais ils seraient remis par les services du maire de Paris.
Cet article n’a été modifié ni par le Sénat, ni par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
*
* *
La Commission adopte l’article 22 sans modification.
Article 23
(art. L. 325-2, L. 325-13 et L. 411-2 du code de la route)
Transfert à la mairie de Paris du service public des fourrières
Le présent article confie à la mairie de Paris la mise en œuvre du service public des fourrières automobiles.
À Paris, conformément à l’article R. 325-15 du code de la route, le préfet de police gère le service public des fourrières – soit trois fourrières et six préfourrières.
Sur le reste du territoire national, l’article L. 325-13 du même code confie au maire, au président d’un établissement public de coopération intercommunale ou au président du conseil départemental « la faculté d’instituer un ou plusieurs services publics de fourrières pour automobiles relevant de leur autorité respective ».
L’alinéa 5 procède à l’alignement du régime applicable à Paris sur le droit commun.
Les alinéas 2 à 4 du présent article clarifient, par ailleurs, le rôle des agents en charge du service des fourrières.
En l’état du droit, les agents de surveillance de Paris (ASP) constatent des infractions de stationnement par radio et demandent à un officier de police judiciaire de la police nationale de prescrire la mise en fourrière.
Il est proposé de modifier l’article L. 325-2 afin de permettre aux ASP (alinéa 4) et aux contrôleurs de la préfecture de police exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique (alinéa 3), de procéder eux-mêmes à la demande d’enlèvement du véhicule.
Enfin, les alinéas 6 et 7 actualisent les dispositions de l’article L. 411-2 afin de viser directement l’article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales pour définir les règles particulières par lesquelles l’exercice de la police de la circulation est régi à Paris.
La commission des Lois du Sénat n’a adopté qu’un amendement rédactionnel au présent article, avant un vote sans modification en séance publique.
À son tour, votre commission des Lois n’a opéré qu’une modification rédactionnelle.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL36 de M. Olivier Dussopt.
M. Olivier Dussopt. Dans un souci de cohérence, l’amendement CL36 vise à ce que les agents du futur corps des contrôleurs de la ville de Paris se voient conférer l’habilitation d’agent de police judiciaire adjoint, au même titre que les contrôleurs de la préfecture de police.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. L’amendement est satisfait dans la mesure où les personnels en détachement conservent leurs prérogatives et où l’article 30 du projet de loi prévoit bien qu’« à compter de la création du corps prévue au III du présent article, dans tous les codes et lois en vigueur, la référence aux contrôleurs de la préfecture de police est remplacée par la référence aux contrôleurs relevant du statut des administrations parisiennes exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique ». Je demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL127 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 23 modifié.
Article 24
(art. L. 532-1 du code de la sécurité intérieure et art. 21 du code de procédure pénale)
Statut des contrôleurs de la préfecture de police exerçant leurs fonctions dans la spécialité voie publique
Le présent article modifie le statut de certains contrôleurs de la préfecture de police afin de leur confier les mêmes prérogatives qu’aux agents de surveillance de Paris (ASP).
Pour exercer ses missions, le préfet de police s’appuie sur des agents de la ville de Paris placés sous son autorité et que l’article 30 du projet de loi propose de replacer sous les ordres du maire de Paris :
– les ASP, agents de catégorie C compétents pour le contrôle du stationnement et la gestion de la circulation ;
– les préposés, agents de catégorie C en charge des fourrières ;
– les contrôleurs, formant un corps de catégorie B créé en 2010 ouvert aux ASP, qui sont répartis en quatre spécialités : voie publique, fourrière, institut médico-légal et surveillance spécialisée.
Faute d’une modification du code de la sécurité intérieure, les contrôleurs n’ont pas été habilités à réaliser les missions opérationnelles des ASP. Ils ne sont pas des agents de police judiciaire adjoints (article 21 du code de procédure pénale) et ils ne peuvent pas constater par procès-verbal les contraventions aux arrêtés de police du préfet de police et du maire de Paris (article L. 532-1 du code de la sécurité intérieure).
Il est proposé de remédier à cette difficulté en qualifiant les contrôleurs ayant choisi la spécialité « voie publique » d’agents de police judiciaire adjoints et en leur attribuant une compétence de verbalisation (alinéa 3).
À l’initiative de son rapporteur, la commission des Lois du Sénat est allée plus loin dans l’harmonisation des prérogatives entre les ASP et les contrôleurs, en conférant à ces derniers la qualification d’agents de police judiciaire adjoints (alinéa 5) leur permettant d’être habilités pour le dépistage d’alcoolémie, la détection de stupéfiants et les relevés d’identité.
Votre commission des Lois, pour sa part, n’a adopté qu’un amendement rédactionnel à cet article.
*
* *
L’amendement CL37 de M. Olivier Dussopt est retiré.
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL129 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 24 modifié.
Article 25
(art. L. 129-5 et L. 511-7 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation)
Transfert au maire de Paris de la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation et d’une partie de la police des édifices menaçant ruine
Cet article transfère au maire de Paris deux polices spéciales jusque-là exercées par le préfet de police.
En l’état du droit, le préfet de police assure à Paris la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation, conformément à l’article L. 129-5 du code de la construction et de l’habitation, ainsi que la police des édifices menaçant ruine, conformément à l’article L. 511-2. Cette compétence a pour origine le cinquième alinéa de l’article XXI de l’arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII.
Sur le reste du territoire, ces deux compétences sont confiées aux maires :
– les dispositions relatives à la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation, prévues aux articles L. 129-1 à L. 129-7 du même code, s’appliquent lorsqu’un équipement commun d’un immeuble collectif à usage d’habitation dysfonctionne ou n’est pas suffisamment entretenu et que cette situation est de nature à créer des « risques sérieux pour la sécurité des occupants ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation » ; elles permettent au maire agissant au nom de l’État de prescrire la remise en état de fonctionnement ou le remplacement des équipements défectueux, de procéder d’office à des travaux si les propriétaires ne les réalisent pas dans le délai imparti, voire d’ordonner l’évacuation des lieux en cas d’urgence ou de menace grave et imminente ;
– celles relatives aux édifices menaçant ruine, prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-6, s’appliquent lorsque des murs, bâtiments ou édifices menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité publique ; les prérogatives du maire sont alors proches de celles de la procédure relative à la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation mais le propriétaire est tenu d’assurer le relogement des locataires.
Il est proposé d’aligner le régime juridique applicable à Paris sur le droit commun. Les alinéas 2 et 3 transfèrent, par conséquent, au maire de Paris la police de la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation ; le préfet de police ne pourrait plus se substituer à lui qu’en cas de carence.
Le maire de Paris assurerait également la police des édifices menaçant ruine (alinéas 6 et 7). Toutefois, le préfet de police conserverait cette compétence pour les établissements recevant du public sans hébergement.
La commission des Lois du Sénat n’a adopté que des modifications formelles du présent article.
À l’Assemblée nationale, votre commission des Lois a également adopté deux amendements rédactionnels.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL130 et CL131 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 25 modifié.
Article 26
Entrée en vigueur des transferts de police spéciale au maire de Paris
Cet article définit le calendrier des transferts de pouvoirs de police spéciale prévus aux articles 21 à 25 du projet de loi.
Dans sa rédaction initiale, l’ensemble de ces dispositions devait entrer en vigueur au 1er janvier 2017, à l’exception du transfert de la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports reportée au 1er avril 2017.
Afin de tenir compte du calendrier d’examen parlementaire du présent projet, la commission des Lois du Sénat a décalé, à l’initiative de son rapporteur, le transfert des pouvoirs de police au 1er avril 2017 et celui des titres d’identité au 1er janvier 2018.
En séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement du rapporteur reportant l’entrée en vigueur du seul article 21 au 1er janvier 2020, afin de tenir compte du transfert du pouvoir de police générale au maire de Paris voté à cet article.
Compte tenu du rétablissement du texte de l’article 21, votre commission des Lois a estimé qu’il n’y avait plus lieu de prévoir de délai spécifique pour le transfert des pouvoirs de police au maire de Paris. Par conséquent, elle est revenue au calendrier qui avait été adopté par son homologue du Sénat.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL132 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. L’amendement CL132 est un amendement de cohérence avec le dispositif que nous avons adopté ce matin.
La Commission adopte l’amendement.
L’article 26 est ainsi rédigé.
Article 26 bis
(art. 44 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d’ordre social)
Modalités de cession par la ville de Paris de la « maison de Nanterre »
Adopté en séance publique à l’initiative de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et de plusieurs sénateurs du groupe communiste, avec un avis de sagesse du rapporteur mais contre l’avis du Gouvernement, le présent article revient sur les modalités de la cession intervenue en 1996 d’un ensemble immobilier.
L’article 44 de la loi du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d’ordre social (59) a autorisé la ville de Paris à céder, gratuitement et en franchise d’impôt, l’ensemble mobilier et immobilier dit « maison de Nanterre » au centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre. Il était toutefois prévu qu’en cas de cessation d’activité totale ou partielle de l’établissement, son patrimoine immobilier serait restitué, pour tout ou partie, selon le cas, à la ville de Paris.
Une convention conclue le 26 décembre 1996 a organisé cette cession.
Dans le cadre d’un projet sanitaire, social et urbain élaboré avec la ville de Nanterre, il est prochainement prévu de moderniser les installations du CASH. Ce projet suppose de modifier l’affectation d’une partie des terrains. De son côté, la ville de Paris est attachée à préserver le Centre d’hébergement et d’assistance des personnes sans-abri (CHAPSA), qui accueille les personnes sans domicile fixe en provenance de son territoire.
Afin de ne pas entraver la réalisation de ce projet, il est proposé de modifier l’article 44 de la loi du 13 janvier 1989 afin de limiter au seul CHAPSA le droit de retour que pourrait exiger la ville de Paris en cas de changement d’affectation (alinéa 4).
Compte tenu de l’avis défavorable du Gouvernement, l’alinéa 5 destiné à gager la recevabilité du dispositif au regard de l’article 40 de la Constitution n’a pas été supprimé au Sénat.
Votre commission des Lois a adopté un amendement de M. Dussopt, de Mme Mazetier et des membres du groupe SER, sous-amendé sur deux points par vos rapporteurs, réécrivant les alinéas 1 à 4 pour les insérer dans l’article L. 6147-2 du code de la santé publique plutôt que dans la loi du 13 janvier 1989. Si le premier sous-amendement des rapporteurs n’avait qu’une visée rédactionnelle, le second a introduit dans le dispositif les dispositions qui figurent actuellement à l’article 26 ter puisque celles-ci visaient le même article de code.
*
* *
La Commission examine l’amendement CL38 de M. Olivier Dussopt, qui fait l’objet des sous-amendements CL182 et CL180 des rapporteurs.
Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement vise à préserver le centre d’hébergement et d’assistance aux personnes sans abri de Nanterre, qui accueille les personnes sans domicile fixe en provenance de Paris, en précisant, au dernier alinéa de l’article L. 6147-2 du code de la santé publique, que la désaffectation totale ou partielle du centre d’hébergement et d’assistance aux personnes sans abri entraînera la réintégration immédiate des biens concernés dans le patrimoine communal.
M. Patrick Menucci, rapporteur. Les sous-amendements CL182 et CL180 sont rédactionnels. Ils ont pour objet une mise en cohérence avec le code de la santé publique.
La Commission adopte l’amendement sous-amendé.
Puis elle adopte l’article 26 bis modifié.
Article 26 ter (supprimé)
(art. L. 6147-2 du code de la santé publique)
Présidence du conseil d’administration du centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre
Adopté en séance publique à l’initiative de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et de plusieurs sénateurs du groupe communiste, avec des avis de sagesse du rapporteur et du Gouvernement, le présent article modifie la gouvernance du centre d’accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre.
Érigé en établissement public à caractère social et sanitaire de la ville de Paris par l’article 40 de la loi du 13 janvier 1989 (60), le CASH est administré par un conseil dont la présidence est assurée par le préfet de police de Paris en vertu de l’article 42 de la même loi, désormais codifié à l’article L. 6147-2 du code de la santé publique. Cette situation, exceptionnelle, est un produit de l’histoire de l’établissement.
Le présent article substitue à la présidence du préfet de police celle du maire de Nanterre.
Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, votre commission des Lois a regroupé ces dispositions avec celles de l’article 26 bis, faisant elles aussi l’objet d’une codification. Elle a, par conséquent, supprimé le présent article.
*
* *
La Commission est saisie de l’amendement CL181 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Cet amendement de conséquence vise à supprimer l’article 26 ter, ses dispositions ayant été regroupées avec celles de l’article 26 bis.
La Commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 26 ter est supprimé.
La Commission examine l’amendement CL29 de M. Olivier Dussopt.
M. Olivier Dussopt. Il s’agit d’un amendement relatif au centre d’action sociale de la ville de Paris.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Les rapporteurs, qui ont entrepris d’expertiser le dispositif proposé, n’ont pas obtenu de réponse à toutes les questions qu’ils ont posées. Ils ont donc émis un avis défavorable à cet amendement, en espérant recueillir, avant l’examen du projet de loi en séance publique, les éléments relatifs à sa pertinence qui leur font défaut pour le moment.
L’amendement est retiré.
CHAPITRE IV
Renforcement des capacités d’intervention de l’État
Article 27
(art. L. 122-2 du code de la sécurité intérieure et L. 6332-2 du code des transports)
Transfert de la police de certains aéroports au préfet de police
Conformément à l’article L. 6332-2 du code des transports, le pouvoir de police des aéroports est exercé, par dérogation aux pouvoirs de police du maire, par le préfet de département. Celui-ci veille ainsi à la sûreté, à la sécurité, à la tranquillité et à la salubrité des aérodromes, des installations à usage aéronautique et de leurs dépendances (61).
En particulier, le préfet réglemente la circulation sur les voies de l’aéroport ouvertes au public et assure la coordination des forces de police – police de l’air et des frontières (PAF) et gendarmerie des transports aériens (GTA) – présentes sur le site. Il délivre un agrément aux agents compétents pour « la fouille et la visite, par tous moyens appropriés, des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules pénétrant ou se trouvant dans les zones non librement accessibles au public des aérodromes », en application de l’article L. 6342-2 du code des transports.
Le présent article, dans la rédaction initiale du projet de loi, transférait au préfet de police le pouvoir de police sur deux des trois aéroports civils de grande taille que compte la région Île-de-France (alinéas 2 à 5) :
– Paris-Charles-de-Gaulle, dont les installations situées en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d’Oise et en Seine-et-Marne sont actuellement placées sous la responsabilité d’un préfet délégué auprès du préfet de Seine-Saint-Denis ;
– le Bourget, situé dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise, rattaché au même préfet délégué, qui accueille des vols non réguliers, des avions privés et des événements internationaux comme récemment la COP 21.
En complément, l’alinéa 1 modifie l’article L. 122-2 du code de la sécurité intérieure pour étendre le ressort territorial du préfet de police à celles des emprises aéroportuaires situées dans les départements Seine-et-Marne et du Val-d’Oise, et donc non comprises dans le périmètre de l’agglomération parisienne.
Outre une correction rédactionnelle, les sénateurs ont adopté, en séance publique, un amendement de M. Vincent Capo-Canellas, avec l’avis favorable du rapporteur mais contre celui du Gouvernement, visant à élargir sans délai ce transfert à l’aéroport d’Orly, qui dépend du préfet du Val-de-Marne et s’étend également sur l’Essonne.
À l’Assemblée nationale, outre plusieurs modifications de forme, la commission des Lois a adopté un amendement de vos rapporteurs reportant de trois ans les effets du transfert de l’aéroport d’Orly, afin de laisser aux services de sécurité intérieure un délai suffisant pour redéployer leurs moyens.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL134 et CL135 des rapporteurs.
Elle en vient à l’amendement CL133 des rapporteurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Le présent article, dans la rédaction initiale du projet de loi, transférait au préfet de police le pouvoir de police sur deux des trois aéroports civils de grande taille que compte la région Île-de-France, à savoir Paris-Charles de Gaulle et le Bourget. En séance publique, les sénateurs ont adopté un amendement visant à élargir ce transfert à l’aéroport d’Orly.
Le préfet de police, quand il a été auditionné, nous a indiqué que la montée en charge du dispositif pourrait être compliquée. Quant aux élus du Val-de-Marne, ils nous ont fait part de leur inquiétude à l’idée que ce transfert s’effectue trop brutalement. Il est donc proposé, avec l’amendement CL133, de confirmer le transfert global au préfet de police de la responsabilité des trois principaux aéroports franciliens, tout en laissant aux services de sécurité intérieure un délai suffisant, à savoir trois ans, pour redéployer leurs moyens.
M. Claude Goasguen. Il y a effectivement un problème qu’il faudrait résoudre rapidement.
M. Dominique Bussereau. Il y a quelques années, nous avons mis en place un préfet chargé de la sûreté de l’aéroport de Roissy. Il me semble qu’il serait opportun de confier à la même autorité la responsabilité des trois grands aéroports civils parisiens. Il s’agit d’une mission très particulière, associant la gendarmerie de l’air, les douanes, la police aux frontières et les compagnies aériennes, qui n’a pas vocation à être assumée par le préfet de police. Charger un préfet particulier de la sûreté des aéroports de Paris-Charles de Gaulle et du Bourget a beaucoup arrangé la situation préexistante en améliorant la coordination du dispositif, et il serait logique de confier à la même autorité la responsabilité de l’aéroport d’Orly.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Il n’est pas question de remettre en cause les dispositifs en vigueur, mais de s’interroger sur le processus hiérarchique qui relève de l’unité d’engagement de la sécurité publique placée entre les mains du préfet de police et, plus spécifiquement, de veiller à ce qu’il n’y ait pas de contradiction entre la mise en œuvre de la sécurité sur les sites aéroportuaires et sur ceux n’ayant pas cette qualité. Il n’y aura pas de modification de la fonctionnalité, mais simplement une meilleure coordination. C’est pourquoi nous proposons un délai de trois ans aux termes duquel l’aéroport d’Orly sera totalement intégré au dispositif sur lequel chacun semble s’accorder.
La Commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 27 modifié.
Article 28
Habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour réformer le régime juridique des casinos et des cercles de jeux
Cet article, supprimé par la commission des Lois du Sénat à l’initiative de M. Pierre Charon, habilitait le Gouvernement, d’une part, à créer, à titre expérimental, des « clubs de jeux » destinés à se substituer aux cercles de jeux, et, d’autre part, à renforcer la police administrative applicable aux casinos.
Il reprend l’une des propositions du rapport remis au ministre de l’Intérieur, en mai 2015, par M. Jean-Pierre Duport, préfet de région honoraire (62).
I. LE DROIT EXISTANT
Le principe général de l’interdiction des jeux d’argent et de hasard a été solennellement affirmé par la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries et par la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard (63).
Dans son article premier, la loi du 21 mai 1836 disposait ainsi que « les loteries de toute espèce sont prohibées » tandis que la loi du 12 juillet 1983 interdisait « le fait de participer [...] à la tenue d’une maison de jeux de hasard » ainsi que « le fait d’établir ou de tenir [...] dans les lieux publics [...] tous jeux de hasard non autorisés par la loi dont l’enjeu est en argent ».
Toutefois, des dérogations successives ont permis l’organisation de jeux d’argent et de hasard.
A. LES JEUX D’ARGENT ET DE HASARD AUTORISÉS
Dès 1836, plusieurs exceptions au principe général d’interdiction des loteries avaient été ménagées au profit des loteries d’objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bienfaisance, à l’encouragement des arts ou au financement d’activités sportives non lucratives (article 5), des lotos de tradition locale, encore appelés « rifles », « quines » ou « poule au gibier » (article 6), ou des loteries foraines (article 7). Au fil du temps, d’autres dérogations ont été ajoutées, qui concernent :
– les casinos : la loi du 15 juin 1907 a autorisé l’ouverture de casinos dans les sites thermaux et définit les critères d’implantation d’un casino, les modalités et les procédures d’exploitation, puis la loi n° 87-306 du 5 mai 1987 a autorisé l’installation de machines à sous et l’article 57 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 a assoupli les critères d’implantation ; ces dispositions sont désormais codifiées aux articles L. 321-1 à L. 321-7 du code de la sécurité intérieure ;
– les cercles de jeux : l’article 47 de la loi du 30 juin 1923 portant fixation du budget général de l’exercice 1923 a permis à des cercles, constitués sous forme d’associations et titulaires d’une autorisation du ministère de l’Intérieur, d’organiser, en plus des jeux de commerce, des jeux de hasard ;
– la Française des jeux, pour les loteries ou les jeux de grattage : adopté après des débats parlementaires houleux, l’article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l’exercice 1933 a autorisé le Gouvernement à organiser une loterie nationale, à l’origine pour une année, au profit de la caisse de solidarité contre les calamités agricoles ; les loteries sont désormais régies par les articles L. 322-1 à L. 322-7 ;
– la Française des jeux, s’agissant des paris sportifs : l’article 42 de la loi de finances pour 1985 (64) a autorisé leur exploitation, initialement sous la forme d’un « loto sportif ».
Les paris sur les courses hippiques n’entrent pas dans le champ de la législation sur les jeux de hasard. Ils sont régis par la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, qui interdit les paris sur les courses hippiques, à moins qu’ils ne soient organisés par des associations dénommées « sociétés de courses » qui ont « pour but exclusif l’amélioration de la race chevaline » et qui détiennent une autorisation délivrée par le ministère de l’agriculture. Ces sociétés sont aujourd’hui associées dans un groupement d’intérêt économique dénommé Paris mutuel urbain (PMU).
La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne a créé une dérogation supplémentaire en autorisant la prise de paris sportifs ou hippiques et l’organisation de certains jeux de cercle sur Internet par des opérateurs agréés auprès de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), nouvellement créée.
L’offre légale de jeux d’argent et de hasard se décline ainsi en fonction du cadre juridique applicable à l’opérateur et de la nature du réseau – « en dur » ou « en ligne » – de commercialisation. Si le régime de police administrative applicable aux différentes catégories de jeux est défini par le législateur, le détail des jeux autorisés relève du pouvoir réglementaire.
L’offre légale de jeux
Les jeux de hasard pur recouvrent, d’une part, les loteries à but lucratif, en dur ou en ligne, soumises au monopole de la Française des jeux et, d’autre part, certains jeux pratiqués dans les casinos et, aux termes de l’instruction du 15 juillet 1947, dans les cercles. Ces derniers sont :
– le billard multicolore à 25 godets de 5 couleurs différentes ;
– le baccara, soit le baccara chemin de fer à 6 jeux de 52 cartes ; soit le baccara banque ouverte à 3 jeux de 52 cartes ;
– les machines à sous (dans les casinos uniquement).
La distinction traditionnelle entre les loteries et les autres jeux de hasard tend cependant à s’estomper : l’arrêté du 15 mai 2015 a ainsi autorisé le jeu du bingo dans les casinos.
Parmi les jeux de hasard faisant intervenir le savoir-faire des joueurs, outre les paris sportifs et les paris hippiques en dur ou en ligne, on distingue entre les jeux de répartition (ou de commerce), dans lesquels le joueur défend sa propre chance contre les autres joueurs, et les jeux de contrepartie, à l’occasion desquels le joueur affronte un tiers – en général, l’établissement, qui gagne ce que les joueurs perdent.
Les jeux de répartition étaient, à l’origine, exclusivement pratiqués dans les cercles de jeux ; ce sont le bridge, le poker et certaines de ses variantes, le tarot, le rami, le rami-doses et le rami-relances, l’écarté.
À la suite d’un arrêté du 14 mai 2007, la pratique du Texas Hold’Em Poker a été autorisée à la fois dans les casinos et dans les cercles ; un nouvel arrêté du 30 décembre 2014 a élargi cette autorisation au poker trois cartes. Le décret n° 2016-1326 du 6 octobre 2016 pris pour l’application de l’article 14 de la loi du 12 mai 2010 autorise, par ailleurs, les opérateurs de jeux de cercle en ligne agréés à proposer quatre variantes de poker (contre deux auparavant), dont le Texas Hold’Em Poker et le Omaha poker 4 high.
Les jeux de contrepartie sont réservés aux casinos et aux cercles. Il s’agit :
– des jeux de dés : le craps, le sic-bo ;
– des jeux de roues : la boule, le 23, les roulettes française, américaine et anglaise, la roue de la chance, la roulette électronique ;
– des jeux de cartes : le black-jack, le trente et quarante, le punto banco, le poker trois cartes, le stud-poker.
À côté de ces jeux d’argent et de hasard, placés sous monopole ou ouverts à la concurrence au prix d’une stricte régulation, une offre illégale considérable s’est développée qui concerne à la fois les jeux en dur (machines à sous clandestines, loteries traditionnelles à but lucratif) et les jeux en ligne (machines à sous en ligne, opérateurs de Paris ou de jeux de casino non agréés par l’ARJEL). Dans son récent rapport (65), la Cour des comptes citait une étude de l’observatoire des jeux évaluant la part de fréquentation par les joueurs de l’offre totalement ou partiellement illégale à 46 %.
B. LA LÉGISLATION APPLICABLE À PARIS
1. Les casinos
Les casinos ne peuvent être implantés que dans les communes répondant aux critères définis à l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, c’est-à-dire les anciennes stations balnéaires, thermales ou climatiques, les stations de tourisme et celles exploitant régulièrement un casino au 3 mars 2009. Ils sont constitués en la forme de sociétés commerciales et doivent conclure une délégation de service public avec les communes qui les accueillent.
Leur ouverture fait l’objet d’une autorisation administrative délivrée par le ministre de l’Intérieur, après avis de la commission consultative des jeux de cercles et de casino. Au total, 199 casinos sont en activité sur le territoire national.
En application de l’article 82 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général, toujours en vigueur, il est interdit d’exploiter un casino à moins de 100 kilomètres de Paris. L’article 24 de la loi du 31 mars 1931 a toutefois introduit une dérogation au profit des « casinos des stations thermales légalement reconnus », dont seul l’établissement d’Enghien-les-Bains bénéficie.
2. Les cercles de jeux
À la différence des casinos, les cercles et maisons de jeux empruntent la forme d’associations sans but lucratif ; ils sont cependant eux aussi soumis à un régime d’autorisation du ministère de l’Intérieur. Depuis la loi de finances du 30 juin 1923, le cadre dans lequel ils s’inscrivent a peu évolué et reste fixé par le décret du 5 mai 1947 ainsi que l’instruction du 15 juillet de la même année.
L’une des particularités de ces établissements, née de la pratique de certains jeux dans les cercles, réside dans le fait que la contrepartie de ces jeux est assurée par des joueurs ne prenant pas part au jeu, appelés « banquiers ».
Le nombre des cercles de jeux a toutefois considérablement diminué au cours des dernières années : alors qu’il existait encore dix établissements de ce type en 2008 à Paris, Reims et Lyon, seuls deux sont encore exploités, tous deux situés dans la capitale. Les autres ont fermé, pour la plupart après que des poursuites judiciaires ont été engagées contre leurs dirigeants.
Le Club anglais est le plus petit cercle de jeux de Paris. Créé en 1918, ce cercle compte environ 3 700 cotisants (280 à 300 entrées par jour) qui doivent s’acquitter d’une cotisation annuelle de 1 200 euros en 2016 (800 euros en 2015). Sa clientèle est constituée essentiellement de petits joueurs qui misent entre 5 et 300 euros. Il a fait le choix de ne pas proposer le poker, pour éviter d’éventuels litiges entre joueurs.
Le Cercle Clichy-Montmartre, qui a ouvert ses portes en 1947, est de taille plus importante, comptant 12 000 cotisants (plus de 700 entrées par jour) et plus de 200 employés. Il est spécialisé dans le billard et le poker. Il est associé à l’organisation dans ses locaux d’événements importants, en partenariat avec le PMU ou le site de poker en ligne Winamax.
Les propositions du rapport Duport
Le 5 février 2015, le ministre de l’Intérieur, M. Bernard Cazeneuve, a confié au préfet de région honoraire Jean-Pierre Duport une mission de préfiguration de l’implantation de casinos à Paris assortie de la suppression des cercles de jeux. Dans sa lettre de mission, le ministre indiquait que la réglementation des cercles de jeux doit « être modernisée afin de mieux contrôler la provenance des fonds permettant de faire fonctionner les cercles de jeux et de réduire le risque de blanchiment ou de fraude fiscale ». Il notait toutefois que la disparition pure et simple des cercles de jeux « occasionnerait des troubles plus grands, si une offre légale de jeux à Paris n’était immédiatement substituée ». C’est pourquoi il convient d’ « examiner les conditions de mise en œuvre de cette offre légale de jeux au sein de Paris capitale, à l’aune de la législation en vigueur pour les casinos ».
Dans son rapport, le Préfet Duport considère « comme nécessaire la réforme visant à mettre un terme à l’existence des cercles » de jeu, en raison de l’obsolescence de leur réglementation, admise par la profession elle-même. Il énumère les limites de la réglementation actuelle : moindres contraintes en termes de contrôle liées au statut associatif des cercles de jeu par rapport au droit des sociétés, origine occulte des fonds favorisée par le statut du banquier au sein des cercles, retard par rapport aux casinos en matière de lutte contre le blanchiment, etc.
Le rapport, dont l’auteur souligne « l’ampleur de la demande de jeux aujourd’hui non-satisfaite à Paris », recommande l’implantation dans la capitale d’établissements de jeux sous forme de sociétés commerciales afin qu’y subsiste une offre légale.
Est toutefois relevé l’absence d’ « enthousiasme à voir des casinos s’implanter dans la capitale », en raison, principalement, des préoccupations que suscite l’installation de machines à sous dans la capitale, y compris pour ses conséquences sur les casinos situés à proximité de Paris (Enghien-les-Bains, Normandie, Picardie), mais aussi en termes d’image : « Il n’y pas de demande de la part de la maire de Paris à l’installation de casinos dans sa ville » et « rares sont ceux qui portent une appréciation positive sur le projet (en s’appuyant sur le fait que Paris est l’une des rares capitales européennes ne disposant pas de casinos). A contrario, certains groupes [politiques du conseil de Paris] sont préoccupés par l’image négative que les jeux d’argent peuvent véhiculer ; les risques relatifs à l’addiction ont également été évoqués à plusieurs reprises ».
Afin de prendre en compte ces réticences, le rapport propose d’aboutir à l’objectif affiché selon deux scenarii, éventuellement combinables, et assortit chacun d’eux des conséquences juridiques et économiques qu’il implique ainsi que de mesures d’accompagnement (mesures sociales pour les personnels, formation, lutte contre les addictions, etc.) :
1°) un premier scenario conduit à étendre au périmètre de 100 km autour de Paris le régime de droit commun applicable aux casinos sur le reste du territoire métropolitain ;
2°) le second scenario vise à créer, à titre expérimental, une nouvelle catégorie d’établissements de jeux sous forme de société commerciale, sans machines à sous et dont la régulation dépendrait uniquement de l’État.
II. LE DISPOSITIF SUPPRIMÉ PAR LE SÉNAT
Le présent article habilitait, pour une durée de neuf mois, le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour :
– définir le régime juridique et fiscal permettant l’expérimentation à Paris, sur une durée de trois ans, d’une nouvelle catégorie d’établissements de jeux sous forme de sociétés commerciales visant à se substituer aux actuels cercles ;
– renforcer le régime de police administrative applicable aux établissements de jeux (concernant à la fois les casinos et les nouveaux clubs en mettant en place un régime d’autorisation préalable du ministre de l’intérieur en cas d’évolution au-delà de certains seuils du capital social des sociétés exploitant des établissements de jeux) et élargir les moyens d’investigation des services d’enquête en matière de lutte contre le jeu clandestin ;
– définir les conditions dans lesquelles il aurait été, le cas échéant, mis un terme à l’activité de ces établissements de jeux à l’issue de l’expérimentation.
À l’initiative du sénateur M. Pierre Charon, la commission des Lois du Sénat a supprimé cet article, après des débats qui ont essentiellement porté sur la méthode de l’habilitation à légiférer retenue dans le projet de loi initial.
La réforme n’est toutefois pas abandonnée par le Gouvernement, comme l’a indiqué le ministre lors de son audition par votre Commission, et les acteurs du secteur s’y préparent. Faute d’avoir pu obtenir communication du projet d’ordonnance, pourtant en cours de rédaction, vos deux rapporteurs sont réduits à faire une présentation générale des dispositions envisagées, sur la base d’indications communiquées par le Gouvernement.
A. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXPÉRIMENTATION DES CLUBS DE JEUX
Dans le cadre de cette réforme, les articles 47 et 49 de la loi de finances du 30 juin 1923, qui donnent un fondement législatif à l’activité des cercles de jeux seraient abrogés. Des clubs de jeux pourraient être constitués à titre expérimental. Il serait, toutefois, nécessaire de prévoir des dispositions transitoires pour les cercles existants.
1. Une portée limitée de l’expérimentation tant dans sa durée que dans son périmètre
Compte tenu du cadre retenu pour l’expérimentation, les demandes d’autorisation d’ouverture d’un club de jeux devraient être déposées dans les cinq premières années et ne pourraient porter que sur des clubs ayant vocation à s’installer à Paris, dans le respect des conditions fixées par l’ordonnance.
2. Des jeux exploités par une société commerciale
Les « clubs de jeux » seraient constitués sous la forme d’une société commerciale, avec obligation de disposer d’un commissaire aux comptes répondant aux conditions des articles L. 820-1 et suivants du code de commerce.
Ils pourraient opter pour l’une des formes sociales relevant des dispositions du livre deuxième, à l’exclusion du titre V, du même code : sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple, sociétés à responsabilité limitée, sociétés par actions, sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions simplifiées, sociétés européennes.
3. Une activité soumise à autorisation du ministre de l’intérieur
Une autorisation temporaire d’ouvrir au public des locaux spéciaux, distincts et séparés où sont pratiqués certains jeux de hasard pourrait être accordée par le ministre de l’Intérieur, après avis de la commission consultative des jeux de cercles et de casinos, pour une durée qui ne dépasserait pas celle de l’expérimentation.
L’autorisation individuelle du ministre préciserait les jeux que le club serait autorisé à exploiter, sur la base d’une liste des jeux autorisés déterminée par décret.
Cette autorisation pourrait être abrogée ou suspendue, après avis de la commission consultative des jeux de cercles et de casinos, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État en cas de :
– non-respect de la réglementation relative à la police administrative des jeux ;
– non-respect de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;
– ou pour tout motif d’ordre public.
4. Les jeux interdits dans les clubs
L’exploitation de machines à sous ainsi que des formes électroniques de jeux de cercle et de jeux de contrepartie serait expressément interdite.
En revanche, la liste précise des jeux de hasard qui pourront être autorisés dans les clubs de jeux ne serait pas définie dans l’ordonnance mais renvoyée au décret.
5. Un cadre réglementaire partagé avec les casinos
Les règles de police administrative applicables aux clubs de jeux seraient déterminées par renvoi aux dispositions relatives aux casinos, à savoir les articles L. 320-1, L. 321-4, L. 323-1, L. 323-2 ainsi que la section 1 du chapitre IV du titre II du livre III du code de la sécurité intérieure.
Tout club de jeux autorisé devrait disposer d’un comité de direction composé d’un directeur responsable et de plusieurs autres membres. Ceux-ci devraient être français ou ressortissants d’un des États membres de l’Union européenne ou d’un des autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen, majeurs, jouissant de leurs droits civiques et politiques. Cette obligation s’appliquerait également à toute personne employée à un titre quelconque dans les salles de jeux.
Sous la responsabilité du directeur responsable et des autres membres du comité de direction, les activités de jeux seraient exploitées conformément aux règles de police administrative des jeux.
Les membres du comité de direction et les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux devraient être agréés par le ministre de l’Intérieur.
En cas de manquement, des mesures de police administrative
- avertissement, suspension ou retrait d’agrément - pourraient être prises par le ministre de l’Intérieur.
Aucun membre du personnel des jeux ne pourrait avoir aucune part, ni intérêt dans le produit des jeux.
6. La contrepartie des jeux sera assurée par la société exploitant le club
Dans les clubs, le système du banquier serait supprimé. La contrepartie serait assurée par la société exploitant le club, comme c’est le cas pour les casinos aujourd’hui.
7. La lutte contre le blanchiment de capitaux
Le titre VI du livre V du code monétaire et financier serait applicable aux clubs de jeux. En particulier, les clubs de jeux seraient soumis aux mêmes obligations en la matière que celles applicables aux casinos (commission nationale des sanctions, obligation de vigilance à l’égard de la clientèle, obligation de déclaration de soupçon…).
8. Le régime fiscal
Les clubs de jeux relèveraient de la fiscalité de droit commun applicable aux sociétés commerciales et seraient, par conséquent, soumis à l’impôt sur les sociétés. Ils pourraient être également soumis à une fiscalité spécifique, dont le produit serait affecté à l’échelon communal.
9. La mise en place d’une période transitoire pour les cercles de jeux existants
L’ordonnance prévoirait une période transitoire permettant aux associations exploitant un cercle de jeux de prendre toutes les mesures utiles pour se conformer aux nouvelles dispositions. Celles-ci disposeraient d’un délai d’un an, à compter de la publication de l’ordonnance, pour cesser l’exploitation des jeux ou pour se transformer en club de jeux.
10. Bilan de l’expérimentation et remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement
Dans un délai de huit mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport présentant le bilan de la mise en œuvre de celle-ci. Ce rapport formulerait des recommandations quant aux suites à donner à l’expérimentation.
B. LES AUTRES DISPOSITIONS RELATIVES AUX JEUX D’ARGENT ET DE HASARD
1. La création d’un régime d’autorisation préalable pour les investissements au-delà de certains seuils dans le capital social de la société exploitant les jeux
Aujourd’hui, l’article R. 321-18 du code de la sécurité intérieure prévoit un régime de déclaration préalable en cas de prise de participations au-delà de certains seuils dans le capital de la société exploitant le casino. Ainsi, il suffit pour la société dont le capital entend évoluer d’en informer préalablement le ministre de l’Intérieur.
Il serait proposé de créer un régime d’autorisation préalable : l’autorisation du ministre de l’Intérieur deviendrait nécessaire avant toute évolution du capital au-delà d’un certain seuil. Ces dispositions concerneraient à la fois les casinos et les clubs de jeux.
2. Un élargissement des moyens d’investigation des services d’enquête en matière de lutte contre le jeu clandestin
Les moyens des enquêteurs seraient également renforcés pour lutter plus efficacement contre le jeu clandestin commis en bande organisée.
Il serait envisagé d’étendre aux délits commis en bande organisée et liés au jeu clandestin les modalités d’enquête spéciales autorisées pour les infractions mentionnées à l’article 706-73-1 du code de procédure pénale.
Les établissements clandestins étant exploités essentiellement la nuit et dans des locaux fermés, il est en effet nécessaire que les services de police puissent :
– perquisitionner de nuit (la perquisition de droit commun devant se dérouler entre 6h et 21h) ;
– procéder à des interceptions judiciaires en enquête préliminaire : actuellement les interceptions téléphoniques ne peuvent être obtenues que dans le cadre d’une instruction judiciaire.
La prolongation à quatre-vingt-seize heures de la durée de la garde à vue ne serait pas autorisée, compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle en la matière (66).
À l’initiative de ses deux rapporteurs, votre commission des Lois a rétabli la réforme des cercles de jeux proposée par le Gouvernement. Compte tenu des observations formulées par le Sénat, l’amendement adopté substitue à l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance qui figurait dans le projet de loi initial un dispositif complet, conforme aux orientations retenues par le ministère de l’Intérieur et la majorité parlementaire.
*
* *
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL120 du Gouvernement et CL136 des rapporteurs.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. L’amendement CL136 vise à rétablir la réforme des cercles de jeux proposée par le Gouvernement à l’article 28. Compte tenu des observations formulées par le Sénat, que nous estimons justifiées, il substitue à l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance qui figurait dans le projet de loi initial un dispositif complet, conforme aux orientations retenues par le ministère de l’Intérieur et la majorité parlementaire.
Si nous n’avons malheureusement pas pu obtenir le projet d’ordonnance, le Gouvernement nous a communiqué des éléments de cadrage précis sur la base desquels nous sommes en mesure de vous faire cette proposition consistant à expérimenter des clubs de jeux, qui seraient constitués sous la forme de sociétés commerciales, et non d’associations loi de 1901, ce qui permettra de les assujettir à l’impôt sur les sociétés, auquel elles échappent aujourd’hui.
Notre amendement contient également des dispositions relatives à la traçabilité financière des investisseurs.
J’insiste sur le fait que les clubs de jeux n’ont pas vocation à s’installer dans les villes où il y a des casinos, afin de ne pas entrer en concurrence avec ces établissements. Cependant, les clubs de jeux seraient soumis au même régime d’autorisation que les casinos, avec les mêmes obligations.
Le Sénat a supprimé l’article 28, non par opposition à la réforme, mais parce qu’il a jugé que l’on ne pouvait passer par une ordonnance pour une matière touchant à l’ordre public et à la fiscalité. Vos rapporteurs ont estimé que le Sénat avait raison sur ce point.
Compte tenu de la nécessité d’avancer sur le sujet, nous vous proposons que la commission des Lois exerce son rôle de législateur, étant précisé que le dispositif qui vous est soumis pourra, bien évidemment, être perfectionné au cours de la navette parlementaire.
Enfin, nous avons souhaité que l’expérimentation à laquelle il va être procédé à Paris ne dure pas cinq ans, mais seulement trois ans, et qu’elle puisse ensuite s’étendre à d’autres villes volontaires, dans l’objectif essentiel de lutter contre le jeu clandestin qui touche aujourd’hui nombre de régions françaises.
M. Philippe Goujon. Je trouve inquiétant que le Gouvernement fasse preuve d’un tel manque de transparence sur un sujet aussi délicat que la réapparition des casinos, qui sont interdits dans notre capitale depuis plus d’un siècle.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Il ne s’agit pas de casinos !
M. Philippe Goujon. La seule différence que les clubs de jeux auront avec les casinos, c’est qu’ils n’auront pas de machines à sous.
Au demeurant, je me demande ce que vient faire un article sur les jeux d’argent au sein d’une réforme du statut de Paris et des métropoles : ne s’agirait-il pas d’un cavalier ? Plus de dix pages, sur les cent qui composent le document faisant état de l’avancement de vos travaux, y sont consacrées – ce qui est énorme au vu de la place que vous accordez à d’autres sujets de plus grande importance.
Je sais d’où cela vient puisque nous avons eu un débat au conseil de Paris sur un vœu que j’avais déposé, visant à ce que la mairie s’explique sur ce point, et qui a été adopté à l’unanimité. Cependant, aucun débat sur le fond n’a pu avoir lieu puisque le Gouvernement et les rapporteurs ont proposé que les clubs de jeux soient des sociétés commerciales, ne pouvant être créées que par la loi, ce qui exclut de fait la compétence du conseil de Paris.
Il serait effectivement aberrant que le Gouvernement légifère par ordonnances pour créer de toutes pièces un nouveau statut sui generis des jeux d’argent.
Sur le fond, nous ne souhaitons pas que des cercles de jeux puissent être créés à Paris. Les sociétés commerciales dont vous proposez la création ne sont rien d’autre que des casinos sans les machines à sous, comme l’ont montré le rapport du préfet Duport et l’amorce de débat que nous avons eue au conseil de Paris. Je n’accuse personne, mais de nombreux rapports de criminologues ont mis en évidence les liens ou le risque que s’établissent des liens entre les jeux d’argent et le crime organisé. Ce n’est pas parce que des parties clandestines sont actuellement organisées qu’il faut ouvrir des établissements de jeu à Paris : avec ce type de raisonnement, nous pourrions aussi bien légaliser le cannabis au motif de mettre fin au trafic de drogue ! Il faut renforcer la lutte contre les parties clandestines, mais aussi continuer à interdire les cercles de jeux, qui ont montré qu’ils constituaient un terrain favorable à la commission d’infractions, sans parler des risques d’addiction au jeu, qui font partie des raisons pour lesquelles il n’y a pas de casinos à Paris.
La dizaine de millions d’euros de recettes attendue de la création des cercles de jeux vaut-elle de livrer Paris à la dépendance au jeu et au risque d’augmentation de la criminalité ? Je ne le pense pas, et ce n’est pas sans raison que tous les préfets de police et tous les ministres de l’Intérieur se sont opposés jusqu’à présent à la création de cercles de jeux à Paris. Il serait tout à fait regrettable qu’un amendement n’ayant rien à voir avec le texte dont nous débattons ait pour effet de mettre fin à l’absence d’établissements de jeu dans notre capitale depuis une centaine d’années.
Mme Sandrine Mazetier. Que les choses soient claires : ce texte ne vise en aucun cas à autoriser la création de casinos à Paris mais, au contraire, à moraliser les pratiques d’un autre âge qui ont cours dans des cercles gérés de manière parfaitement folklorique au sein de structures que je qualifierai de baroques. Il s’agit donc d’une avancée.
M. Patrick Mennucci, rapporteur. Je ne peux pas ne pas répondre à M. Goujon, dont je comprends d’autant mieux l’hostilité aux casinos que je suis moi-même opposé à l’autorisation des machines à sous à Marseille.
Jean-Yves Le Bouillonnec et moi-même n’étant pas des spécialistes de la question, nous nous sommes rendus dans des cercles de jeux. Nous nous sommes aperçus que l’un d’entre eux, dont le statut juridique est celui d’une association loi 1901, n’a payé que 1 million d’euros d’impôts alors qu’il a réalisé un chiffre d’affaires de 13 millions ! De fait, ces structures ne sont taxées que sur le jeu ; elles ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés, par exemple. Ainsi leurs responsables peuvent créer des SCI, acheter des immeubles et se constituer une cagnotte considérable.
M. Philippe Goujon. Supprimons les cercles de jeux !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur. Ne soyez pas naïf !
M. Patrick Menucci, rapporteur. Par ailleurs, monsieur Goujon, l’ancienne majorité, à laquelle vous apparteniez, a voté, en 2010, une loi sur les jeux en ligne que le Gouvernement de l’époque avait justifiée, avec raison, par la nécessité de lutter contre le jeu clandestin et de soumettre le produit de cette activité à l’impôt.
Enfin, les agents du service central des courses et jeux que nous avons auditionnés nous ont dit qu’il existait, dans nos villes, des dizaines de tables clandestines. Au cercle de jeux de la place de Clichy, nous avons vu, à notre grand étonnement, plus de 400 personnes jouer au poker. Il est donc avéré qu’il existe une clientèle pour ce type d’activité. Certes, on pourrait les interdire, mais je ne crois pas que ce soit notre optique. Bien entendu, moins les joueurs seront nombreux, plus nous serons satisfaits. Mais ils existent. Dès lors, le législateur se doit d’encadrer cette activité, de la soumettre à l’impôt, de s’assurer qu’elle est surveillée par la police et de permettre la traçabilité de l’argent qui circule.
La sécurité sera la même que pour les casinos, lesquels ne sont pas tenus par la mafia, mais par des sociétés qui ont pignon sur rue. J’ajoute, du reste, que nous avons prévu, pour tous ces établissements, que les rachats de parts soient validés par le ministère de l’Intérieur, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent pour les casinos. Il s’agit donc d’un amendement très sérieux, qui doit être adopté. Il y va de l’intérêt de Paris.
La Commission rejette l’amendement CL120.
Puis elle adopte l’amendement CL136.
L’article 28 est ainsi rétabli.
CHAPITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES AUX SERVICES ET AGENTS TRANSFÉRÉS ET AUX COMPENSATIONS FINANCIÈRES
Article 29
Détachement ou transfert vers la ville de Paris des agents de la préfecture de police assurant des polices spéciales désormais confiées au maire
Le présent article définit les conditions de mobilité applicables aux fonctionnaires, d’une part, et aux contractuels, d’autre part, dans le cadre des transferts des agents de la préfecture de police assurant des polices spéciales désormais confiées au maire de Paris.
Le mouvement des fonctionnaires, prévu par les alinéas 1 à 10, serait réalisé en deux étapes :
– à compter du transfert des compétences, ceux-ci resteraient rattachés à la préfecture de police sur le plan juridique mais recevraient des ordres du maire de Paris sur le plan opérationnel (alinéa 2) ;
– à compter du transfert du service à une date fixée par arrêté ministériel, les fonctionnaires concernés seraient automatiquement détachés auprès de la mairie de Paris pour une durée initiale de deux ans ; ils conserveraient le bénéfice de leur régime indemnitaire et seraient placés dans un corps dont les emplois sont équivalents à ceux qu’ils exercent (alinéas 5 à 10).
Les agents bénéficieraient, ensuite, d’un « droit d’option ». Ils pourraient choisir de demeurer en position de détachement auprès de la ville de Paris, sans limitation de durée et tout en étant maintenus dans leur corps d’origine à la préfecture de police, ou d’être intégrés dans le corps d’accueil de la ville de Paris.
Les contractuels de la préfecture de police exerçant des polices administratives transférées deviendraient automatiquement des agents de la ville de Paris à la date du transfert de leur service, conformément à l’alinéa 11. Ils conserveraient le bénéfice des stipulations de leur contrat actuel et les services accomplis auprès de la préfecture de police seraient pris en compte dans le calcul de leur ancienneté.
Le présent article n’a pas été modifié au Sénat.
Votre commission des Lois n’y a apporté qu’une modification rédactionnelle.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL137 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 29 modifié.
Article 30
Transfert sous l’autorité du maire de Paris des agents chargés de la circulation, du stationnement et de la gestion des fourrières
Le présent article aboutit à placer sous l’autorité du maire de Paris les agents de surveillance de Paris (ASP), les préposés et les contrôleurs de la préfecture de police.
Les conditions de mobilité applicables aux agents relevant de ces trois corps sont symétriques à celles prévues, dans le cas général, par l’article 29 du présent projet de loi. Elles seraient précisées par une délibération du conseil de Paris, prise sur proposition conjointe du maire et du préfet de police.
Les contractuels chargés du stationnement et de la gestion des fourrières deviendraient des agents contractuels de la ville de Paris et conserveraient le bénéfice des stipulations de leur contrat ainsi que leur ancienneté (alinéa 9).
Les fonctionnaires seraient, en application des alinéas 1 à 3 (I du présent article), mis à disposition de la ville de Paris, à une date fixée par délibération conjointe du maire et du préfet de police, et au plus tard le 31 décembre 2017 pour le contrôle du stationnement payant, ou le 31 décembre 2018 pour le contrôle du stationnement gênant et la gestion des fourrières.
À l’issue de cette période transitoire, et au plus tard le 1er janvier 2019, les corps des ASP et des préposés seraient placés sous l’autorité du maire de Paris (alinéa 4).
Le corps des contrôleurs, dans la mesure où certaines de leurs missions continueraient à relever du préfet de police (spécialités « Institut médico-légal » et « surveillance spécialisée »), serait maintenu sous l’autorité du préfet de police. Serait parallèlement créé, avant le 1er janvier 2019, un corps de contrôleurs placé sous l’autorité du maire de Paris pour les spécialités transférées « voie publique » et « fourrières » (alinéa 5).
À l’issue de leur mise à disposition, les agents relevant de ces deux spécialités seraient placés en détachement dans ce nouveau corps pendant deux ans avec un droit d’option et la possibilité de réintégrer le corps conservé auprès du préfet de police (alinéas 6 et 7), selon le même mécanisme que celui prévu à l’article 29.
Au Sénat, le présent article n’a fait l’objet que d’ajustements formels.
Votre commission des Lois a également adopté un amendement rédactionnel.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL138 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 30 modifié.
Article 31
Modalités financières des transferts de compétences du préfet de police vers le maire de Paris
Le présent article définit la procédure à mettre en œuvre pour fixer le montant de la compensation financière du transfert de charges du préfet de police vers le maire de Paris opéré par les articles 21 à 25 du projet de loi.
Le dispositif proposé déroge aux modalités de droit commun fixées par les articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales. Il privilégie une procédure ad hoc d’évaluation contradictoire entre les deux parties.
L’alinéa 2 prévoit qu’un protocole serait signé par le préfet et le maire après avis du conseil de Paris pour déterminer les modalités financières des transferts de compétences. Si aucun accord n’était trouvé un mois avant le transfert, l’État fixerait lui-même ses modalités financières en s’appuyant sur le droit commun de la compensation des charges aux collectivités territoriales (alinéa 3).
Le coût des nouvelles missions octroyées à la ville de Paris est évalué par l’étude d’impact à 111 millions d’euros. Selon les informations recueillies par vos deux rapporteurs, ce montant serait compensé par une diminution équivalente de la contribution versée par la mairie au budget spécial de la préfecture de police : cette contribution passerait ainsi de 300 à 189 millions d’euros.
De manière classique, les alinéas 4 et 5 prévoient également le transfert à titre gratuit et sans taxe des droits et obligations rattachés aux compétences de la préfecture de police désormais exercées par la mairie de Paris.
Le présent article n’a pas été modifié au Sénat.
Votre commission des Lois n’y a pas apporté de modifications autres que formelles.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL139 et CL140 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 31 modifié.
Article 32
(art. L. 2512-9, L. 2512-9-1 [nouveau], L. 2512-10 [abrogé], L. 2512-9-1, L. 2512-11, L. 2512-12, L. 2512-13 et L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales
Dispositions tendant à faciliter la mutualisation des services entre les différentes administrations territoriales de Paris
Cet article transpose à la ville de Paris deux dispositifs applicables aux établissements publics de coopération intercommunale : les services communs, d’une part, et les transferts de compétences, d’autre part.
Les alinéas 4, 5 et 14 rendent l’article L. 5211-4-2 du code général des collectivités territoriales applicable aux administrations territoriales parisiennes
– département de Paris (jusqu’à la fusion prévue par l’article 1er du projet de loi), commune de Paris et leurs établissements publics – afin de leur permettre de créer des services communs pour l’exercice de missions fonctionnelles telles que la gestion des ressources humaines, la passation des marchés publics ou la comptabilité.
Les modalités de cette mutualisation seraient fixées par une convention entre les administrations concernées.
Les alinéas 6 à 11 et 13 permettraient à une administration territoriale parisienne de transférer une compétence vers une autre administration.
Dans cette hypothèse, le transfert des services concernés aurait les conséquences suivantes pour les agents :
– soit les fonctionnaires et contractuels exercent en totalité leurs fonctions dans le service transféré ; ils intégreraient alors de plein droit l’administration exerçant désormais la compétence, tout en conservant leurs conditions de statut et d’emploi ;
– soit les fonctionnaires et contractuels n’exercent qu’une partie de leurs fonctions dans le service transféré ; ils pourraient alors choisir d’être intégrés à l’administration exerçant désormais la compétence ou d’être mis à la disposition de cette même administration.
À titre subsidiaire, l’alinéa 11 du présent article abroge l’article L. 2512-10 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que « le comité de gestion de chaque section d’arrondissement du centre d’action sociale est présidé par le maire d’arrondissement ».
Au Sénat, le présent article n’a fait l’objet que d’ajustements rédactionnels.
Votre commission des Lois n’a adopté que des amendements de précision.
*
* *
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL141, CL142 et CL143 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 32 modifié.
TITRE II
AMÉNAGEMENT, TRANSPORTS ET ENVIRONNEMENT
CHAPITRE IER
Améliorer et développer les outils pour accélérer la réalisation des opérations d’aménagement
Article 33
(art. L. 213-6 du code de l’urbanisme)
Détermination de la date de référence pour la fixation des indemnités d’expropriation dans une zone d’aménagement différé (ZAD)
Le présent article modifie la date prise en compte pour fixer l’indemnité d’expropriation d’un bien situé dans une ZAD afin de maîtriser les coûts des opérations d’aménagement.
La ZAD est un outil foncier permettant de préparer les opérations d’aménagement sur le long terme, prévu aux articles L. 212-1 à L. 212-5 du code de l’urbanisme. Elle est créée par le préfet, en concertation avec les communes concernées, pour une période de six ans, renouvelable une fois. L’autorité publique peut alors y exercer son droit de préemption.
Lorsque l’expropriation d’un bien situé dans une ZAD est prononcée, la date de référence prise en compte pour calculer l’indemnité d’expropriation est antérieure à la date de droit commun (un an avant le début de l’enquête publique préalable), ce qui permet de réduire le montant à verser ; elle correspond soit à la date de délimitation du périmètre provisoire de la ZAD, soit à la date de création de cette dernière, soit à la date de son renouvellement.
Dans le cas où la durée de la ZAD a expiré, l’administration ne bénéficie plus de ce mode de calcul dérogatoire. La date de référence prise en compte par le juge de l’expropriation est alors la date de droit commun.
Il est donc proposé de compléter l’article L. 213-6 afin de stabiliser la date de référence prise en compte pour calculer l’indemnité d’expropriation : les effets de la ZAD seraient prolongés jusqu’à l’expropriation dès lors que celle-ci est prononcée sur le fondement d’une déclaration d’utilité préalable intervenue antérieurement à l’expiration de cette zone.
L’alinéa 3 précise que les effets de la ZAD cesseraient à compter de la prorogation de la déclaration d’utilité publique : la date de référence prise en compte serait alors, à nouveau, la date de droit commun.
Cet article a fait l’objet d’une correction rédactionnelle par la commission des Lois du Sénat.
Il n’a pas été modifié par votre commission des Lois.
*
* *
La Commission adopte l’article 33 sans modification.
Article 34
(art. L. 321-3, L. 321-16 et L. 321-30 du code de l’urbanisme)
Filialisation et prise de participations par les établissements publics fonciers (EPF) et les établissements publics d’aménagement (EPA)
Le présent article vise à simplifier les conditions dans lesquelles les établissements publics de l’État compétents en matière d’aménagement et de foncier peuvent créer des filiales, prendre ou céder des participations.
Ces établissements publics sont classés en trois catégories :
– les établissements publics fonciers (EPF), régis par les articles
L. 321-1 à L. 321-13 du code de l’urbanisme, qui acquièrent des terrains et procèdent à leur remise en état, avant de les céder à d’autres opérateurs, notamment les communes, pour leur permettre d’y réaliser des projets immobiliers ; il y a dix établissements de ce type, dont l’EPF Île-de-France ;
– les établissements publics d’aménagement (EPA), régis par les articles L. 321-14 à L. 321-28, qui réalisent des opérations d’aménagement (extension ou accueil des activités économiques, développement du tourisme, lutte contre l’habitat indigne, etc.) ; il s’agit, par exemple, de l’EPA Orly-Rungis-Seine amont (EPORSA), ou, à Marseille, de l’EPA Euroméditerranée ;
– les établissements publics à statut particulier bénéficiant à la fois des compétences des EPF et des EPA, comme les établissements publics fonciers et d’aménagement de Guyane et de Mayotte, régis par les articles L. 321-36-1 à L. 321-36-7, ou Grand Paris Aménagement (GPA), par les articles L. 321-29 à L. 321-37.
Il est proposé de charger le préfet d’approuver, à la place des ministres de l’économie, du budget et de l’urbanisme, les créations de filiales ainsi que les acquisitions ou cessions de participations des EPF, des EPA et de Grand Paris Aménagement (alinéas 5, 9 et 13 du présent article).
Ni le Sénat, ni votre commission des Lois n’ont modifié cet article.
*
* *
La Commission adopte l’article 34 sans modification.
Article 35
Mutualisation entre établissements publics fonciers et établissements publics d’aménagement
Cet article vise à permettre la mise en commun de moyens entre plusieurs établissements publics fonciers (EPF) ou d’aménagement (EPA) de l’État. Il s’agit principalement de mutualiser des fonctions supports comme la passation des marchés publics, la gestion des ressources humaines, informatiques et immobilières, la politique de communication ou la logistique.
D’après l’étude d’impact (67) , il apparaît nécessaire de modifier la loi car, « dans l’état actuel des statuts des EPA et EPF, cette mutualisation n’est pas possible au motif qu’elle toucherait à l’autonomie de ces établissements ». Il est donc proposé d’insérer une nouvelle section au chapitre Ier du titre II du livre III du code de l’urbanisme comportant un article L. 321-41 permettant à un établissement public foncier ou d’aménagement de l’État d’avoir recours aux moyens d’un autre EPF ou EPA.
Conformément à l’alinéa 4, les modalités de cette mutualisation seraient fixées par une convention entre les établissements concernés ; à défaut d’accord, ou en cas de blocage, l’autorité de tutelle – c’est-à-dire le préfet – pourrait définir elle-même les conditions de cette coopération.
L’alinéa 6 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les conditions de transfert des moyens d’un établissement public foncier ou d’aménagement à l’autre.
En matière de gouvernance des établissements, l’alinéa 5 ouvre également la faculté de mutualiser le poste de directeur général. Symétriquement, le directeur général adjoint ou délégué de l’EPF ou de l’EPA fournissant les moyens mutualisés pourrait être nommé directeur général de l’établissement les utilisant.
Outre des améliorations formelles adoptées en commission des Lois, le Sénat a voté, en séance publique, deux amendements à l’article 35 de notre collègue sénateur M. Christian Favier :
– le premier soumet les conventions de mutualisation à l’approbation des conseils d’administration respectifs des établissements concernés et supprime la possibilité pour l’autorité de tutelle de passer outre les désaccords ;
– le second soumet le transfert préalable des moyens d’un établissement à un autre à l’approbation des mêmes conseils d’administration.
Votre commission des Lois a adopté un unique amendement rédactionnel au présent article.
*
* *
La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL144 des rapporteurs.
Puis elle adopte l’article 35 modifié.
Article 35 bis
Statut du « campus Condorcet »
Adopté par le Sénat, à l’initiative du Gouvernement et avec un avis de sagesse du rapporteur de la commission des Lois, cet article vise à donner un statut pérenne à l’établissement public de coopération scientifique (EPCS) Condorcet, nouveau campus universitaire situé à cheval entre la Porte de la Chapelle, à Paris, et la commune d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
L’article 117 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (68) a supprimé les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, régis par les articles L. 344-1 et L. 344-4 à L. 344-10 du code de la recherche. Les EPCS chargés d’assurer la mise en commun des activités et des moyens, dans le cadre de ces pôles, doivent, par conséquent, changer de statut avant le 22 juillet 2018.