15ème législature

Question N° 25267
de Mme Marielle de Sarnez (Mouvement Démocrate et apparentés - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Professionnalisation des interprètes-traducteurs

Question publiée au JO le : 17/12/2019 page : 10878
Réponse publiée au JO le : 19/05/2020 page : 3550

Texte de la question

Mme Marielle de Sarnez attire de nouveau l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les interprètes-traducteurs intervenant au cours de la procédure pénale. Le 1er janvier 2019, en réponse à une question écrite du 24 avril 2018 relative à la professionnalisation des interprètes-traducteurs, il était précisé que la direction des services judiciaires travaillait à la création d'une base de données nationale d'experts, comprenant notamment les interprètes-traducteurs, afin de faciliter les recherches de prestataires par les juridictions et de professionnaliser l'activité de ces auxiliaires de la justice. Or de récents articles de presse semblent indiquer que la situation n'évolue pas favorablement et que, bien souvent, les interprètes sont choisis au hasard sur leur seule connaissance supposée de la langue parlée par le justiciable, faute de disposer d'experts inscrits sur la liste dressée par chaque cour d'appel ou, à défaut, sur la liste des interprètes traducteurs prévue par l'article R. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une telle situation fragilise les procédures et ne permet pas d'assurer pleinement le respect des droits de la défense. Elle lui demande par conséquent de lui préciser les mesures qu'elle entend prendre afin de remédier à une telle situation.

Texte de la réponse

Le statut des experts judiciaires  résulte de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971, modifiée par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, et de son décret d'application n° 2004-1463 du 23 décembre 2004. Il ne constitue pas au sens strict un statut professionnel. De fait, le titre d'expert judiciaire et son usage sont protégés par la loi. Par ailleurs, l'expert judiciaire, qui exerce une profession (médecin, architecte…), est un collaborateur occasionnel de la justice. S'agissant de la désignation des experts, le juge peut désigner un expert figurant sur l'une des listes dressées par les cours d'appel ou sur la liste nationale établie par la Cour de cassation. L'inscription initiale d'un expert sur une liste dressée par une cour d'appel est faite à titre probatoire pour une durée de trois ans. Les réinscriptions ultérieures ont une durée de cinq ans. L'inscription sur la liste nationale établie par la Cour de Cassation est subordonnée à une inscription pendant trois années consécutives sur une liste dressée par une cour d'appel. Après au moins cinq ans d'inscription sur une liste de cour d'appel, le collaborateur occasionnel pourra demander son inscription sur la liste nationale dressée par le bureau de la Cour de cassation. En matière pénale, le juge doit désigner un expert figurant sur l'une de ces listes. Exceptionnellement, il peut commettre un expert non inscrit. Il doit alors motiver sa décision, la jurisprudence ne retenant comme motifs que l'urgence ou la compétence particulière de l'expert désigné. En revanche, en matière civile, le juge n'est pas tenu de rendre de décision motivée pour nommer un expert hors liste. Aucune condition de diplôme ou de nationalité n'est requise pour devenir expert judiciaire.« Art. D. 594-11.- Lorsqu'en application des dispositions du présent code un interprète ou un traducteur est requis ou désigné par l'autorité judiciaire compétente, celui-ci est choisi « 1° Sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par le bureau de la Cour de cassation, ou sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d'appel ;  « 2° A défaut, sur la liste des interprètes traducteurs prévue par l'article R. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;  « 3° En cas de nécessité, il peut être désigné une personne majeure ne figurant sur aucune de ces listes, dès lors que l'interprète ou le traducteur n'est pas choisi parmi les enquêteurs, les magistrats ou les greffiers chargés du dossier, les parties ou les témoins. Un contrôle périodique des activités de l'expert est organisé au sein des juridictions, chaque expert ayant l'obligation de rendre compte annuellement de son activité et des formations qu'il a suivies. Enfin, par arrêté du garde des Sceaux en date du 10 juin 2005 et arrêté du 12 mai 2006, une nomenclature harmonisée des rubriques des listes d'experts a été établie pour l'ensemble du territoire national. Les interprètes nommés dans l'article L.111-8 du Code du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) représentent une autre catégorie de linguistes assermentés qui ne sont pas des experts judiciaires. Ce sont les interprètes nommés dans l'article L.111-8 du Code du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Les interventions de ces interprètes sont strictement circonscrites au cadre défini par le CESEDA. La partie réglementaire du CESEDA, dans son article R. 111-1 indique qu'« une liste est dressée chaque année par le Procureur de la République dans chaque tribunal de grande instance ». Et l'article R. 111-2 précise : « Les interprètes traducteurs inscrits sur la liste des experts judiciaires de la Cour d'appel […] sont de droit inscrits sur la liste établie pour le tribunal de grande instance […] s'ils en font la demande » ceci signifie que s'ils n'en font pas la demande, ils n'y sont pas inscrits. Rien ne permet d'affirmer a priori que la compétence de l'interprète est inférieure à celle de l'expert, d'autant moins qu'il peut s'agir de la même personne. Ce sont les fonctions et les obligations qui incombent à l'expert qui diffèrent, dont l'obligation de formation, et dont sont dispensés les interprètes « CESEDA ». Enfin, un interprète au sens du CESEDA n'étant pas expert, il ne peut accomplir les missions non judiciaires qui sont le monopole du traducteur ou de l'interprète expert près une Cour d'appel, sans s'exposer aux peines prévues par les articles du code pénal cités ci-dessus pour sanctionner. En matière de données nationale d'experts, il existe un annuaire mis à disposition des magistrats comprenant la totalité de la population expertale membres ou non du Conseil national des compagnies d'experts de justice (CNCEJ). En septembre 2018, le CNCEJ a lancé la mise en ligne d'un premier annuaire numérique. L'ensemble des informations communiquées par les compagnies d'expert a permis la constitution d'un fichier des experts membres du CNCEJ qui mentionne l'ensemble des coordonnées de l'expert, la cour d'appel d'inscription, sa rubrique et spécialité et éventuellement ses diplômes. L'expert peut, lui-même, à tout moment, actualiser sa fiche concernant ses coordonnées, s'il est désormais inscrit dans une nouvelle rubrique, il le signale et sa compagnie valide et confirme son inscription. L'annuaire nommé MANHATTAN est accessible sur le site du CNCEJ (www.cncej.org) à la rubrique « Trouver un expert » et est consultable par tous, magistrats, avocats, experts et même parties. Un moteur de recherche permet de cibler un nom, une rubrique ou spécialité, une cour d'appel ou un code postal.