Né le 30 décembre 1891 à Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône).
Député de la Loire de 1936 à 1938.
Sénateur de la Loire de 1938 à 1941.
La famille paternelle d'Antoine Pinay exerçait son activité, depuis plusieurs générations, dans l'industrie de la chapellerie dont la région lyonnaise et stéphanoise est l'un des principaux centres.
Après des études secondaires au collège des Maristes de Saint-Chamond, dans la Loire, Antoine Pinay est mobilisé, lorsque la guerre éclate en 1914, comme sous-officier d'artillerie. Il est blessé et sa brillante conduite lui vaut d'être décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre. En 1917, il épouse la fille du directeur de la tannerie Fouletier, entreprise établie à Saint-Chamond depuis fort longtemps puisqu'elle fut fondée en 1772, et employant une centaine d'ouvriers. Antoine Pinay devient le collaborateur d'un des administrateurs puis directeur de la tannerie à partir de 1919. Sous son impulsion, grâce à de nouveaux procédés de fabrication qu'il lance, l'établissement prend un nouvel essor. Son activité contribue à réanimer dans la région l'industrie des cuirs et peaux qui traversait alors une crise.
La réussite professionnelle d'Antoine Pinay attire sur lui l'attention de ses concitoyens qui l'élisent conseiller municipal de Saint-Chamond le 5 mai 1929. Il est aussitôt nommé maire de la ville et le restera sans interruption. En 1934, il est désigné comme conseiller général de la Loire par les électeurs du canton de Saint-Chamond et préside la commission départementale de 1934 à 1936. Dans la conduite des affaires publiques comme dans celle des affaires privées, il place au premier rang des qualités d'un bon administrateur le souci d'une gestion financière saine.
Les élections législatives de 1936, dans' la 1re circonscription de Saint-Etienne, semblent donner, au 1er tour, l'avantage au candidat communiste, M. Thibaud. Antoine Pinay se présente alors au 2e tour, comme candidat indépendant : rassemblant sur son nom les suffrages de tous ceux qui sont hostiles au Front populaire, il est élu député le 3 mai 1936 avec 10.861 voix, contre 9.160 à M. Thibaud, sur 21.052 suffrages exprimés.
Il abandonne son mandat de député moins de deux ans plus tard, le 13 avril 1938 car, le 20 mars 1938, une élection partielle destinée à pourvoir au remplacement du sénateur de la Loire Fernand Merlin (gauche démocratique), décédé, lui permet d'accéder à la Haute Assemblée. Se présentant à titre individuel comme « candidat de défense républicaine », bénéficiant de l'appui des modérés et des radicaux-socialistes et étant seul candidat contre la gauche, il est élu au premier tour par 504 voix sur 990 suffrages exprimés.
En 1938, comme en 1936, son objectif principal est de « barrer la route au communisme et à ses alliés ». Il explique dans sa profession de foi qu'une majorité communiste ou de front populaire conduirait la France à la guerre civile et à la dictature, ainsi qu'à la guerre étrangère. Dans cette période troublée, il définit ainsi l'action que doit entreprendre le gouvernement par priorité : redresser les finances de l'Etat, éviter tout gaspillage, restaurer l'épargne et de bonnes conditions de travail notamment en aidant l'agriculture.
Antoine Pinay s'inscrit au Sénat au groupe de l'union démocratique et radicale. Mais la défaite militaire de 1940 interrompt son mandat. Lorsque le Parlement se sépare le 10 juillet 1940, il vote le projet de loi par lequel tous les pouvoirs sont délégués au gouvernement du maréchal Pétain.
PINAY (Antoine)
Né le 30 décembre 1891 à Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône)
Décédé le 13 décembre 1994 à Saint-Chamond (Loire)
Député de la Loire de 1936 à 1938
Sénateur de la Loire de 1938 à 1941
Membre de la deuxième Assemblée nationale constituante (Loire)
Député de la Loire de 1946 à 1958
Secrétaire d’Etat aux affaires économiques du 11 septembre 1948 au 28 octobre 1949
Ministre des travaux publics, des transports et du tourisme du 10 juillet 1950 au 8 mars 1952.
Président du Conseil, ministre des finances et des affaires économiques du 8 mars 1952 au 8 janvier 1953
Ministre des affaires étrangères du 23 février 1955 au 1er février 1956
Ministre des finances du 1er juin 1958 au 8 janvier 1959
Sénateur depuis 1938, inscrit au groupe de l’Union démocratique et radicale, Antoine Pinay vote le 10 juillet 1940, à Vichy, les pleins pouvoirs au gouvernement du maréchal Pétain. Ancien combattant de Verdun, il adhère au nouveau régime et accepte en 1941 d’être nommé au Conseil national, sans participer assidûment à ses sessions. Demeuré maire de Saint-Chamond, il écarte diverses propositions - celle du général Georges notamment - de quitter la métropole pour Alger, afin de mieux protéger ses administrés. Il remet et reprend à plusieurs reprises sa démission et refuse de siéger au conseil départemental mis en place par les autorités de Vichy. Sans appartenir à la Résistance, il rend à celle-ci et à la population d’appréciables services.
Placé quelques temps en résidence surveillée à la Libération, il ne peut se présenter aux élections municipales d’avril 1945, mais il fait campagne aux cantonales de septembre et retrouve son siège de conseiller général. Entre-temps, le jury d’honneur institué par l’ordonnance du 6 avril 1945, chargé de statuer sur les parlementaires ayant voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, a rendu le 5 septembre une décision d’inéligibilité. Mais une intervention efficace de René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat, lui substitue une seconde décision datée du 5 octobre qui, faisant valoir “ l’opposition irréductible ” du maire de Saint-Chamond à l’occupant, lui restitue son éligibilité.
Pour autant, Antoine Pinay laisse passer les élections d’octobre 1945. Puis, ayant adhéré au Parti républicain de la liberté (PRL), il se présente à la tête d’une liste des Républicains indépendants à l’élection de la seconde Assemblée constituante, le 2 juin 1946. Avec 44 599 voix sur 307 075 suffrages exprimés, il est élu, apportant un siège aux modérés de la Loire qui n’avaient aucun élu dans la précédente assemblée. Membre de la commission des affaires économiques, des douanes et des conventions commerciales, désigné aussi comme juré à la Haute-Cour de justice, le 4 juillet 1946, il n’intervient qu’à une reprise, le 24 septembre 1946, en participant à la discussion du projet de loi portant ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1946. Le 28 septembre, il vote contre le projet constitutionnel et fait campagne, assez discrètement, pour le « non » au référendum.
L’élection de l’Assemblée nationale, le 10 novembre 1946, conforte ses positions dans le département de la Loire, sa liste progressant de 14,5 à 17 % des suffrages exprimés. Même s’il demeure l’unique député de droite du département ligérien, cette progression est de bon augure pour les prochaines élections municipales. De fait, il l’emporte aisément en octobre 1947 et retrouve, pour longtemps, son fauteuil de maire de Saint-Chamond.
Membre de la commission des affaires économiques (1946-1947 ; 1950-1951) et de la commission des finances (1948-1949), il dépose une proposition de loi et trois propositions de résolution à caractère économique ou fiscal et intervient fréquemment – dix-sept fois – en séance publique, notamment dans le cadre de la discussion budgétaire. Il est également rapporteur pour avis de plusieurs projets de loi (ouverture de crédits pour les dépenses militaires d’avril et mai 1948 ; budget des dépenses militaires de l’armée de l’Air pour 1948).
L’infléchissement à droite des gouvernements de Troisième force lui permet de faire ses premières armes ministérielles. D’abord comme secrétaire d’Etat aux affaires économiques dans le cabinet Queuille (11 septembre 1948-28 octobre 1949), où il entre sur les conseils de Maurice Petsche, puis comme ministre des travaux publics, des transports et du tourisme dans les cabinets Pleven (12 juillet 1950 - 9 mars 1951), Queuille (10 mars 1951-10 juillet 1951), Pleven (11 août 1951-20 janvier 1952) et Faure (20 janvier 1952-7 mars 1952). C’est à cette époque qu’il recrute une équipe - Henri Yrissou, Raymond Arasse, Antoine Partrat. - qui lui demeure fidèle dans ses cabinets ministériels successifs. C’est à cette date aussi qu’il noue ou conforte des liens confiants avec les milieux patronaux en raison de ses convictions antidirigistes.
Comme ministre des travaux publics, outre la défense de son budget et la réponse à de nombreux amendements, Antoine Pinay dépose vingt-cinq projets de loi importants sur la réorganisation de la SNCF ou la construction du pont de Tancarville. Sa promotion gouvernementale va de pair avec son ascension dans son parti, le Centre national des indépendants, auquel il a adhéré en 1948. La fermeté dont il fait preuve lors de certaines grèves (SNCF, RATP), le message de sagesse et de bon sens qu’il délivre lors de ses nombreuses inaugurations lui assurent un capital de sympathie dans l’opinion.
Aux élections du 17 juin 1951, Antoine Pinay figure en deuxième place sur une liste “ d’Union nationale ”, dirigée par Georges Bidault et présentée par le Mouvement républicain populaire (MRP), le Centre national des Indépendants (CNI) et l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR). Elle conclut à un apparentement avec les listes de la SFIO et du Rassemblement des gauches républicaines (RGR). Au terme d’une campagne très anticommuniste et plus discrètement antigaulliste, cette large coalition se révèle décevante. Non seulement les listes apparentées ne parviennent pas à la majorité absolue, mais la liste d’Union n’obtient que 31,2 % des suffrages exprimés et ne compte que trois élus, Bidault, Pinay et Claudius-Petit, alors qu’elle comptait virtuellement cinq sortants. Deux sièges vont au PCF, deux au RPF, dont la liste conduite par Jean Nocher, et un au RGR. Les relations entre Georges Bidault et Antoine Pinay n’en sortent pas améliorées.
Inscrit à la commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions, Antoine Pinay fait donc partie des deux premiers gouvernements de la législature dirigées par René Pleven et Edgar Faure. A la chute de ce dernier, le 29 février 1952, le Président de la République Vincent Auriol, après avoir appelé en vain Paul Reynaud et René Pleven, désigne le 4 mars Antoine Pinay dont il a apprécié, comme ministre, les qualités de compétence et de sérieux. Les chances du député de la Loire sont minces tant l’accueil des partis est réservé. Mais la presse se montre favorable, ce qui va peser sur le vote de nombreux députés. Sa déclaration d’investiture, le 6 mars, frappe par sa concision et sa détermination à faire face aux problèmes de l’heure : les prix, le budget, la balance des paiements ou le franc. L’Etat doit donner l’exemple d’une gestion saine et en appeler au civisme de chacun. L’Assemblée est séduite par ce langage simple et loyal. A la surprise générale, Antoine Pinay est investi par 324 voix contre 206. Il s’est agi d’une véritable “ journée des dupes ” pour beaucoup d’hommes politique qui ne croyaient pas à son succès, pour le RPF surtout qui a vu vingt-sept des siens braver la consigne d’abstention. Ces vingt-sept dissidents - souvent plus conservateurs que gaullistes - formeront en juillet le groupe de l’Action républicaine et sociale.
Antoine Pinay compose ensuite son gouvernement qui compte dix-sept ministres (au lieu de vingt-six dans le précédent) et cinq secrétaires d’Etat. Cette concentration fait la part belle à l’expérience (on compte quatre anciens présidents du Conseil), plus qu’à l’innovation. L’équilibre politique n’est guère modifié, même si les Indépendants sont mieux lotis que le MRP qui, réduit à quatre ministres, entend exercer sur ce que l’on appelle déjà “ l’expérience Pinay ” une surveillance sourcilleuse. Renouant avec la tradition poincariste, le président du Conseil s’est adjugé le ministère des finances. Tel que, ce gouvernement passe l’épreuve de la seconde investiture avec 290 voix contre 101 et 229 abstentions, ce qui représente déjà une déperdition de 34 voix.
Sans négliger les allocutions radiodiffusées qui confortent sa popularité dans l’opinion, Antoine Pinay entend associer étroitement l’Assemblée nationale à sa politique de renouvellement. Es qualités, il intervient vingt-et-une fois en séance. Il fait approuver un prêt de 100 millions de francs de l’Union européenne des paiements. Dans le cadre de la loi de finances pour 1952, qui n’a toujours pas été adoptée, il prévoit de substantielles économies et une amnistie pour les fraudeurs du fisc. Cette dernière disposition soulève l’hostilité de certains hauts fonctionnaires, tel François Bloch-Lainé qui démissionne de la direction du Trésor, et l’oblige à poser à dix reprises la question de confiance. Le budget est finalement voté, amnistie comprise, par 311 voix contre 206, le 8 avril 1952.
Antoine Pinay défend ensuite, le 20 mai, un projet d’emprunt à faible intérêt (3,5 %), mais à capital garanti qui, orchestré par une vigoureuse campagne publicitaire, rencontre un vif succès auprès des épargnants. Il fait adopter le 3 juin un projet de loi sur l’échelle mobile des salaires qui n’obtient que 295 voix contre 253, l’un des scrutins le moins favorable à son gouvernement. Pour lutter contre la hausse des prix de détail, il adopte en juillet et en septembre diverses mesures de taxation mal accueillies par les milieux agricoles.
Ses orientations gouvernementales et la popularité même du président Pinay indisposent certains milieux parlementaires - radicaux et MRP notamment - qui entendent mettre fin à l’expérience. Il leur reste à trouver le terrain propice qui ne peut être ni la politique coloniale ni la politique étrangère auxquelles ces formations sont étroitement associées. L’occasion est fournie par un litige mineur : le transfert au régime général de la sécurité sociale déficitaire d’une augmentation de la cotisation patronale aux allocations familiales excédentaires au titre de la loi des finances de 1953. Très attaché à la politique familiale, le MRP fait savoir son opposition, même si les vraies raisons de cette défection sont ailleurs. Lassé de tant de manoeuvres et tergiversations, le président du Conseil donne sa démission le 22 décembre 1952, sans avoir été mis en minorité.
Redevenu député, Antoine Pinay n’intervient que rarement à l’Assemblée - à deux reprises seulement -, mais son poids politique demeure considérable, comme ancien chef du gouvernement et comme président, en 1953, au Centre national des indépendants (CNI). Après la chute du cabinet René Mayer, et après l’échec de Paul Reynaud et de Pierre Mendès France, il est appelé par Vincent Auriol pour dénouer la crise. Mais constatant l’ampleur des réticences du MRP, il ne juge pas utile de braver l’hostilité parlementaire et c’est finalement Joseph Laniel qui est investi le 23 juin 1953. En décembre de la même année, lors de l’élection présidentielle, il s’appuie sur Roger Duchet, secrétaire général du CNI, pour faire échouer Joseph Laniel et faire élire René Coty. Ferme partisan de la Communauté européenne de défense (CED), dont le traité a été signé en mai 1952 durant son gouvernement, il vote contre la motion Aumeran le 30 août 1954. Celle-ci ayant été adoptée, et par là même la CED rejetée, il prononce, le 31 août, un long réquisitoire contre Pierre Mendès France qu’il accuse d’avoir “ torpillé le traité ”. Il s’abstient, le 12 octobre, sur la ratification des accords de Londres, qu’il s’emploie à faire voter l’année suivante par le Conseil de la République.
Après la chute de Pierre Mendès France, auquel il a refusé sa confiance le 5 février 1955, Antoine Pinay est à nouveau appelé à dénouer la crise. Il lance, pour ce faire, un appel aux hommes de bonne volonté et propose une curieuse combinaison où les leaders des principaux partis seraient placés à la tête de départements ministériels élargis. Mais il n’obtient ni la neutralité de la SFIO ni le soutien assuré du MRP et renonce à se présenter devant l’Assemblée nationale. Après l’échec de Christian Pineau, c’est Edgar Faure qui est investi à la tête d’un gouvernement où Antoine Pinay détient le portefeuille des affaires étrangères, à partir du 23 février 1955.
Dans ses nouvelles fonctions, Antoine Pinay est astreint à de nombreux déplacements officiels (Bonn, Genève, Vienne, San Francisco ou New York) qui limitent le nombre de ses interventions à l’Assemblée nationale. Il n’y prend la parole qu’à cinq reprises. Le 30 mars 1955, il s’emploie à exposer les termes d’un règlement de la question sarroise, dont le statut européen sera rejeté par le référendum du 23 octobre 1955, et prend part, le 12 juillet de la même année, à la discussion du traité quadripartite sur l’Autriche, signé à Vienne. Il s’oppose fermement aux thèses soviétiques sur la réunification allemande, ce qui contribue à l’échec de la réunion des quatre ministres des affaires étrangères à Genève en octobre. Bien que ne relevant pas directement de sa compétence, mais de celle d’Edgar Faure et du ministre Pierre July, il intervient sur la question marocaine. Son directeur de cabinet Henri Yrissou accompagne en effet le général Catroux dans une mission exploratoire auprès du Sultan exilé à Madagascar. Il reçoit ensuite les leaders marocains à Aix-les-Bains et participe à la négociation de La Celle-Saint-Cloud dont le terme sera l’indépendance du Maroc.
En vue des élections du 2 janvier 1956, Antoine Pinay conduit un large apparentement CNI-MRP-UDSR, mais qui n’obtient pas la majorité absolue. Avec 65 234 voix (et 71 124 à titre personnel), soit 19,8 % des suffrages exprimés, sa liste “ Indépendants et Paysans ” remporte deux sièges alors que Georges Bidault est le seul élu MRP et que Claudius-Petit est battu. La vague mendésiste porte dans la Loire deux députés de gauche, alors que les communistes conservent leurs deux sièges et que les poujadistes en arrachent un.
Inscrit au groupe des Indépendants et Paysans d’action sociale, Antoine Pinay n’appartient à aucune commission durant cette législature. En revanche, il est élu comme représentant de la France à l’Assemblée unique des communautés européennes, le 13 mars 1958. Il ne signe aucun rapport et ne dépose aucune proposition de loi ou de résolution. Il ne donne aucun avis. Fréquemment absent ou en congé, il prend indéniablement du recul par rapport à la vie parlementaire, consacrant davantage de temps à ses mandats locaux. Il prend la parole à douze reprises en deux ans et intervient brièvement en séance sur les affaires de Suez et de Budapest. Il dénonce, le 25 octobre 1956, l’aggravation de la fiscalité. Il s’abstient volontairement lors de l’investiture de Guy Mollet, mais vote les pouvoirs spéciaux et, ne partageant pas l’hostilité de principe de certains de ses amis politiques, soutient sa politique algérienne. De même, il s’abstient, le 21 mai 1957, lors de la chute de Guy Mollet et, absent, ne prend pas part à celle de Maurice Bourgès-Maunoury, le 30 septembre. Antoine Pinay est alors appelé pour former un gouvernement, après la veine tentative de Guy Mollet. Le maire de Saint-Chamond se présente devant l’Assemblée nationale, le 18 octobre, pour communiquer la liste de ses éventuels ministres - parmi lesquels le jeune député Valéry Giscard d’Estaing comme secrétaire d’Etat aux finances - et développer son programme qui place au premier plan la restauration économique et politique de l’Etat. Mais compte tenu du refus des socialistes et des radicaux mendésistes de le soutenir, et plus encore des réticences du MRP (inquiets de le voir concentrer les portefeuilles des finances et des affaires étrangères), Antoine Pinay semble ne se faire aucune illusion. De fait, l’investiture lui est refusée par 248 voix contre 198 et 60 abstentions.
Après avoir voté l’investiture de Félix Gaillard, le 5 novembre, et voté ensuite le second projet de loi-cadre en Algérie, il lui refuse sa confiance le 15 avril 1958, à la suite des “ bons offices ” anglo-américains dans le contentieux franco-tunisien. Dans la longue crise politique qui s’ensuit, il met en avant la candidature de Pierre Pflimlin, auquel pourtant il refuse l’investiture le 13 mai en raison, semble-t-il, de l’hostilité de Roger Duchet. Les 1er et 2 juin, il apporte son concours au général de Gaulle et devient ministre des finances et des affaires économiques dans le dernier gouvernement de la Quatrième République. Après avoir fait voter « oui » au référendum constitutionnel, il est aisément réélu, le 23 novembre 1958, député de la troisième circonscription de la Loire, avec 61 % des suffrages exprimés.
En charge des finances, Antoine Pinay - qui n’était sans doute pas le titulaire que le général de Gaulle eut préféré à ce poste - mène à bien le redressement financier déjà entamé par le gouvernement Gaillard. Le plan Pinay-Rueff de décembre 1958 opère tout à la fois la remise en ordre des finances publiques, la dévaluation du franc et la libération des échanges. Il est le socle financier et monétaire de la vigoureuse expansion économique des années suivantes.
Cette réussite ne peut masquer cependant l’ampleur des divergences qui s’accumulent entre le ministre des finances et le nouveau régime, qu’il s’agisse de l’emprise croissante de la technocratie dans la gestion des affaires publiques ou de la réduction, qu’il juge excessive, du rôle du Parlement. De plus, si à la différence du reste de la droite, il soutient la politique algérienne du chef de l’Etat, Antoine Pinay déplore la tiédeur de ses convictions européennes et atlantiques. Sans avoir donné explicitement sa démission, il est mis fin à ses fonctions le 19 janvier 1960. Il est remplacé par le gouverneur de la Banque de France, Wilfrid Baumgartner.
Ayant opté pour ses fonctions ministérielles en 1959, Antoine Pinay ne retrouve pas son siège de député et ne se présente pas aux élections législatives suivantes. Président d’honneur du CNI de 1962 à 1973, celui qui a su « se faire une tête d’électeur » demeure maire de Saint-Chamond et président du Conseil général de la Loire jusqu’en 1979, date à laquelle il met fin à l’ensemble de ses mandats. Il demeure, jusqu’à sa mort, une personnalité sollicitée et respectée. Plusieurs ministres des finances, à l’instar d’Edouard Balladur, le consultent. Son style politique est même ponctuellement accepté à gauche. Le socialiste Pierre Bérégovoy, ministre des finances de 1984 à 1986 et de 1988 à 1992 est qualifié, sans déplaisir, de « Pinay de gauche ».
Divers aspects de la vie politique et parlementaire d’Antoine Pinay ont été retracés dans ses entretiens avec Antoine Veil (Antoine Pinay, Un Français comme les autres, Belfond, 1984) et, selon une démarche historique, par Sylvie Guillaume, dans son ouvrage Antoine Pinay ou la confiance en politique, publié aux Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques (FNSP), en 1984.
L’ « homme au chapeau rond » disparaît dans sa retraite de Saint-Chamond, à quelques jours de son cent-troisième anniversaire, le 13 décembre 1994.