Pierre, Henri Leroux

1797 - 1871

Informations générales
  • Né le 6 avril 1797 à Bercy (Seine - France)
  • Décédé le 12 avril 1871 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 23 avril 1848 au 26 mai 1849
Département
Seine
Groupe
Extrème gauche
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 13 mai 1849 au 2 décembre 1851
Département
Seine
Groupe
Extrème gauche

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Représentant en 1848 et 1849, né à Bercy (Seine) le 6 avril 1797, mort à Paris le 12 avril 1871, fils d'un artisan, il commença ses études au collège Charlemagne à Paris et les termina à Rennes.

Admis à l'Ecole polytechnique, il renonça à la carrière qu'elle lui ouvrait pour soutenir sa mère devenue veuve et ses trois jeunes frères. Il se fit alors maçon, puis se mit en apprentissage chez un imprimeur, son cousin. Devenu prote à l'imprimerie Panckoucke, où fut fondé en 1824 par Dubois le journal le Globe, Pierre Leroux fut chargé d'abord de la « cuisine » du journal, puis publia des articles remarqués, principalement sur des matières philosophiques. La révolution de 1830 ayant dispersé les rédacteurs du Globe, devenus pour la plupart de hauts fonctionnaires, l'ancienne feuille doctrinaire fut vendue aux enchères, et le petit groupe des adeptes de la doctrine de Saint-Simon s'en rendit adjudicataire.

Pierre Leroux embrassa d'abord avec ardeur les doctrines saint-simoniennes, mais il se sépara d'Enfantin (21 novembre 1831) à propos de ses idées sur « l'affranchissement » de la femme et les fonctions du couple-prêtre. Avec Jean Reynaud, il prit alors la direction de la Revue encyclopédique, où il publia des études littéraires et des travaux d'érudition, et qui servit d'organe à ce qu'on appela le néo-saint-simonisme (1832-1835).

En 1833, Pierre Leroux fonda, avec MM. Carnot et Reynaud, l'Encyclopédie nouvelle, vaste recueil illustré ; puis il affirma son rôle de novateur dans trois ouvrages publiés de 1838 à 1840, sous les titres de : l'Egalité ; Réfutation de l'éclectisme, et l'Humanité. Il avait donné aussi à la Revue des Deux Mondes, tant qu'elle affecta des tendances démocratiques, c'est-à-dire pendant les six ou sept premières années du règne de Louis-Philippe, divers articles de philosophie sociale.

Quand la Revue des Deux Mondes se convertit à l'optimisme ministériel, Pierre Leroux essaya de créer en concurrence la Revue Indépendante, qui, malgré la collaboration active de George Sand, ne dura que deux ans. Le système développé par le philosophe était, par certains côtés, emprunté aux théories pythagoriciennes et bouddhistes, rajeunies par le socialisme contemporain.

Dans son livre capital, l'Humanité, de son principe et de son avenir (1839), il exposait un système philosophique se résumant dans la négation de la personnalité humaine, et dans l'absorption de l'individu par la volonté générale ; sa religion était faite de panthéisme et de métempsychose ; en politique, il n'admettait que l'égalité absolue. L'ouvrage est dominé par la conception du progrès continu de l'homme et de la nature s'effectuant à l'infini dans un cercle uniforme ; or, pour Pierre Leroux, qui se plaisait à mêler la théologie à la métaphysique, la perfection consiste dans une sorte de trinité, dans la mystérieuse Triade, au sein de laquelle s'harmonisent la sensation, le sentiment et intelligence.

À partir de 1843, Pierre Leroux se montra de plus en plus préoccupé des applications de la philosophie pure à la science sociale. Ayant pris, en 1845, la direction d'une imprimerie à Boussac (Creuse), il composa et édita lui-même plusieurs traités et continua dans la Revue sociale l'exposition de ses idées humanitaires. La Revue sociale et son système devaient subir de violentes attaques de la part de Proudhon, l'adversaire décidé de la philosophie de Pierre Leroux, et qui l'accusait de vouloir faire de la société un couvent laïque. D'un autre côté, sa loi du circulus, en vertu de laquelle il établissait le droit de vivre sur le caractère reproductif de la consommation, excita la verve des journaux satiriques du temps qui le criblèrent d'épigrammes. George Sand, qui partageait alors les aspirations égalitaires et communistes du philosophe, écrivit, pour populariser la doctrine, plusieurs romans, Consuelo, Spiridion, le Péché de M. Antoine, le Compagnon du tour de France.

Républicain, Pierre Leroux proclama, en février 1848, à Boussac, la gouvernement nouveau, fut nommé maire de cette commune, et, lors d'un voyage qu'il fit à Paris peu de temps après, reçut des socialistes les plus avancés un accueil chaleureux. Au 15 mai, son nom fut porté sur plusieurs des listes qui circulèrent parmi les envahisseurs, comme membre du futur gouvernement provisoire. Impliqué dans les poursuites, bien qu'il n'eût pris aucune part personnelle à cette « journée », il fut arrêté et emprisonné pendant trois jours, puis rendu à la liberté, grâce à Caussidière.

Le 4 juin, le département de la Seine, appelé à pourvoir au remplacement de onze représentants optant ou démissionnaires, élut Pierre Leroux, comme candidat des démocrates-socialistes, représentant à la Constituante, le 6e sur 11, par 91 375 voix (248 392 votants, 414 317 inscrits). Il siégea à la Montagne et prononça plusieurs discours sur la fixation des heures de travail, sur l'émancipation politique et sociale de la femme, etc.

Le 30 août 1848, réclamant le maintien du décret du 2 mars qui avait fixé à 10 heures la journée de travail, il parla très longuement, invoqua de nombreux auteurs à l'appui de sa thèse, multiplia les exemples et les chiffres et s'écria :

« Que les chefs d'industrie qui encouragent ou exigent un travail de quatorze heures ne viennent pas dire que leurs ouvriers y consentent, et couvrir l'homicide de ce beau nom de liberté des contrats, de liberté des transactions. On peut toujours leur répondre : Vous n'avez pas le droit d'attenter à la vie de votre semblable, même avec son consentement. La loi vous le défend. La vie humaine est sacrée et la société est instituée pour la protéger. Mais, disent enfin les adversaires du décret, puisque ces ouvriers mourraient de faim s'ils ne travaillaient pas quatorze heures par jour (l'industrie ayant besoin, pour soutenir la concurrence, de ces quatorze heures), ne voyez-vous pas que la loi doit nous accorder ce droit d'homicide sur nos ouvriers, parce que c'est un moindre mal pour eux-mêmes, après tout, que la mort instantanée qui viendrait les saisir ? Toute la question économique est là, en effet ; mais nous la traiterons tout à l'heure !..... Et vous auriez le droit de livrer des hommes à un travail mortel sans aucune intervention de l'Etat, abusant ainsi de l'ignorance et du malheur des hommes ? Non, mille fois non, à moins que vous ne fassiez déclarer par cette Assemblée, nommée par le peuple tout entier, et chargée de ses destinées et de son bonheur, que les travailleurs dont il s'agit ne sont pas des hommes, ou du moins ne sont pas des citoyens, qu'ils sont encore exclus de la cité et que l'Etat abdique à leur égard son droit tutélaire ! »

Mais la théorie de l'orateur fut combattue successivement, dans les séances des 30 et 31 août, 1er, 4 et 8 septembre, par MM. Buffet, Charles Dupin, Pascal Duprat, Léon Faucher, Sénard ministre de l'Intérieur, Victor Grandin, Levavasseur et Wolowski, et finalement la journée de travail fut portée de dix heures à douze heures par l'Assemblée.

Avec le groupe le plus avance du parti démocratique, Pierre Leroux vota :

- contre le rétablissement du cautionnement et de la contrainte par corps,
- contre les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière,
- pour l'abolition du remplacement militaire,
- pour le droit au travail,
- contre l'ensemble de la Constitution,
- contre l'ordre du jour en l'honneur de Cavaignac,
- pour la suppression de l'impôt du sel,
- contre la proposition Rateau,
- pour l'amnistie,
- contre l'interdiction des clubs,
- contre les crédits de l'expédition romaine,
- pour la mise en accusation du président et de ses ministres,
- pour l'abolition de l'impôt des boissons.

Réélu, le 13 mai 1849, représentant de la Seine à l'Assemblée législative, le 22e sur 28, par 110 127 voix (281 140 votants, 378 043 inscrits), il siégea comme précédemment à la Montagne, et se montra l'adversaire déclaré de toutes les lois répressives et réactionnaires. Très opposé à l'expédition de Rome, à la politique de l'Elysée et au coup d'Etat, il s'abstint cependant de tout rôle actif dans la manifestation du 13 juin 1849, comme dans les tentatives de résistance à l'acte du 2 décembre, son socialisme purement spéculatif condamnant systématiquement les appels à la force. Il parvint, dans l'Assemblée législative, par un amendement qui porte son nom, à faire inscrire la condamnation pour cause d'adultère parmi les causes qui font perdre l'exercice des droits politiques.

Le coup d'Etat, en l'obligeant à résider à Jersey pendant plusieurs années, le rendit au culte des lettres et de la philosophie ; il s'occupa aussi d'agriculture, habita ensuite Lausanne, et revint en France en 1869. Il mourut à Paris, pendant la Commune, le 14 avril 1871, d'une attaque d'apoplexie ; il avait eu neuf enfants, de deux mariages.

La Commune décida l'envoi d'une délégation aux obsèques du philosophe socialiste, non sans émettre, dans sa délibération, certaines réserves à l'égard du caractère religieux et métaphysique de ses doctrines.

À ceux de ses ouvrages qui sont cités plus haut, il faut ajouter les suivants:

- Projet d'une Constitution démocratique et sociale (1848) ;
- Le Carrosse de M. Aguado ;
- De la Ploutocratie ou du gouvernement des riches (1848) ;
- Du Christianisme et de ses origines démocratiques (1848) ;
- De l'Egalité (1848) ;
- Malthus et les économistes ou Y aura-t-il toujours des pauvres? (1849), etc.;
- et une traduction du Werther de Gœthe, avec une préface de George Sand.