Alexandre, François, Marie de Beauharnais

1760 - 1794

Informations générales
  • Né le 28 mai 1760 à Fort-Royal ( - Martinique - Possession française)
  • Décédé le 23 juillet 1794 à Paris (Département de Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 19 juin 1791 au 3 juillet 1791
Présidence de l'Assemblée nationale
du 30 juillet 1791 au 13 août 1791

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 30 mars 1789 au 30 septembre 1791
Baillage
Blois (Type : Bailliage)
Groupe
Noblesse

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Frère cadet de François de Beauharnais, qui fut député à la constituante, Alexandre de Beauharnais, député aux Etats généraux de 1789, est né à Fort-Royal (Martinique), le 28 mai 1760, et fut exécuté à Paris, le 23 juillet 1794.

Il était major en second d'un régiment d'infanterie à la Martinique, lorsqu'il épousa, en 1779, Joséphine Tascher de la Pagerie. Il servit sous Rochambeau dans la guerre d'indépendance en Amérique, fut reçu avec faveur à la cour de France à son retour, et nommé major en second d'infanterie.

D'un libéralisme éclairé, il fut élu, le 30 mars 1789, député de la noblesse aux états généraux par le bailliage de Blois, et fut un des premiers députés de cet ordre qui se réunit au tiers.

Dans la nuit du 4 août, il vota la suppression des privilèges, l'égalité de tous les citoyens devant la loi et leur admissibilité à tous les emplois. Après avoir été élu secrétaire de l'Assemblée, il entra au comité militaire et y proposa les mesures capables de maintenir l'ordre dans l'armée. On put le voir, au Champ-de-Mars, lors des préparatifs de la fête de la fédération « attelé, dit Mercier, à la même charrette que l'abbé Sieyès ».

Au nom de la discipline militaire, il loua Bouillé de la fermeté qu'il avait montrée dans les troubles de Nancy, et, président de l'Assemblée, annonça avec beaucoup de sang-froid la fuite du roi à Varennes : « Messieurs, le roi est parti cette nuit, passons à l'ordre du jour. » La fermeté calme qu'il montra en cette circonstance lui valut d'être réélu président de l'Assemblée, le 31 juillet.

Après la session, il partit pour l'armée du Nord avec le grade de colonel, commanda le camp de Soissons sous les ordres de Custine, reçut, après le 10 août, les félicitations de l'Assemblée législative pour sa « fidélité à l'honneur et à la patrie », refusa, en 1793, le ministère de la guerre et nommé général en chef de l'armée du Rhin, donna presque aussitôt sa démission, lorsque la loi interdit aux ex-nobles les fonctions militaires. Il en discuta les motifs dans la lettre qu'il écrivit alors :

« Au quartier général, à Wissembourg, 20 juin 1793, l'an 2e de la République.

Lettre du citoyen Alexandre Beauharnais, général commandant en chef l'armée du Rhin, aux citoyens composant le conseil général de la commune de Paris.

« J'ai appris avec peine, magistrats du peuple qu'à l'occasion de ma nomination au ministère de la guerre, il avait été fait, dans votre sein, une proposition de demander, qu'on éloignât les ci-devant nobles de toutes les fonctions publiques.

« Déjà le vœu de quelques sections de Paris et de plusieurs sociétés populaires, justement irritées contre les trahisons qui viennent sans cesse traverser la marche de la Révolution, semblait présager une mesure sévère contre tous ceux qui, dans l'ancien régime, faisaient partie d'une classe privilégiée ; déjà plusieurs motions faites dans ces Assemblées, où la liberté publique a tenu son berceau, indiquaient que, parmi les patriotes, il en est qui désirent que ceux des Français que jadis on appelait nobles, et ceux qui sont dans l'état ecclésiastique soient rayés de la liste des citoyens, et déclarés incapables de la République dans aucune fonction. Si cette proscription politique doit amener le calme dans la France, si elle peut mettre de côté tous les mauvais citoyens, n'appeler que des patriotes et des hommes éclairés aux fonctions civiles et militaires, enfin terminer cette guerre intestine qui s'élève aux dépens du bonheur public entre une majorité de la nation qui veut la République et une minorité très divisée en principes, qui ne s'entend que pour combattre la liberté, certes on ne saurait hésiter à prendre une mesure enfin salutaire, et l'intérêt du peuple commanderait même une ingratitude nécessaire envers ceux qui, nés malheureusement dans les classes ci-devant privilégiées, auraient cependant, par leur conduite, bien mérité de la patrie ; mais, citoyens, l'intérêt du peuple est loin, ce me semble, de commander une proscription qui envelopperait, sans distinction, ses amis et ses ennemis, les bons et les méchants, les courageux partisans de la Révolution et ses lâches détracteurs.

« Vous savez, citoyens magistrats, qu'un peuple libre ne doit jamais perdre de vue qu'il mine la statue de la Liberté le jour qu'il ne lui laisse plus la même base qu'à celle de la Justice ; or, quelle est la base première sur laquelle repose la justice éternelle, si ce n'est sur cette incontestable vérité : que les fautes étant personnelles, les peines doivent l'être également ? Qui ne serait pas révolté de l'idée de sévir contre tous les habitants d'un département indistinctement parce que des actes multipliés d'incivisme auraient convaincu de défaut d'esprit public parmi la grande majorité ? Qui ne sait pas que c'est ordinairement dans les pays ou dans les classes qui présentent une plus forte majorité de gens sans patriotisme qu'en opposition, les hommes qui composent la minorité, ont le plus de feu et le plus d'ardeur ; pourrait-on donc confondre dans la même peine et le criminel envers la patrie, dont il conjure à chaque instant la ruine, et l'innocent dont tous les moments de la vie se dévouent à défendre son pays et à concourir à sa gloire ? Non, une telle détermination ne saurait être prise à la fin du XVIIIe siècle, et quand un principe de justice tel que celui de rendre les fautes personnelles, est, par l'effet des lumières, respecté parmi les peuples esclaves, la France régénérée n'en présentera pas le mépris; vous ne souffrirez pas qu'on dise : Il est en France des hommes vertueux qui ont contribué à détruire le despotisme, qui ont concouru à rendre aux hommes l'exercice de leurs droits, et dont la récompense a été de s'en voir frustrés; ces hommes étaient du nombre de ceux qui ont arraché au despotisme son sceptre de fer, ils l'ont brisé, et l'on en a rapproché les débris pour l'appesantir sur leurs têtes.

« Vous savez, citoyens administrateurs, que j'ai prié avec instance la Convention nationale de nommer un autre que moi au ministère de la guerre. La faiblesse de mes talents, qui sont loin d'être au niveau de mon zèle, me fera toujours fuir les postes éminents; mais si je suis si peu jaloux du commandement des armées et de places qui donnent une influence sur les affaires publiques, je le serai toujours de l'estime de mes concitoyens et en particulier d'une commune qui se distingue par son ardeur républicaine, d'une commune à laquelle la France doit, non seulement la chute du trône, mais encore cet esprit public qui peut préserver à jamais des despotes, en formant des amis à la liberté et des Brutus contre la tyrannie.

« Zélé partisan de la République, constamment attaché à la cause du peuple, je n'ai jamais cessé de défendre ses droits dans les sociétés populaires, où des milliers de nos concitoyens attesteront qu'avec courage j'ai attaqué le trône, les prêtres, les nobles, les feuillants, les modérés, et enfin tout ce qui mettait obstacle à la révolution la plus complète ou pouvait seulement faire transiger sur le bonheur public ; tel je serai toujours, citoyens administrateurs. Soldat de ma patrie, je combattrai pour elle jusqu'à la mort, et quand la philosophie vous commande de ne plus voir dans les hommes que leurs vertus ou leurs vices personnels, accordez votre confiance à celui qui ne veut d'autre récompense de son dévouement, à celui dont le dernier soupir sera pour le bonheur de l'humanité, la liberté des peuples et la gloire du nom français.

Alex. de Beauharnais. »

Il se retira alors dans sa terre de Beauharnais (Loir-et-Cher); mais les dénonciations vinrent l'y poursuivre; arrêté et enfermé à Paris dans la prison des Carmes, il fut accusé devant le tribunal révolutionnaire d'avoir contribué à la capitulation de Mayence en ne secourant pas cette place; condamné à mort et exécuté, sa dernière pensée fut pour sa femme et pour ses enfants à qui il confia, dans un suprême adieu, la réhabilitation de sa mémoire. Il avait 34 ans.