Marie-Joseph, Blaise de Chénier

1764 - 1811

Informations générales
  • Né le 28 août 1764 à Constantinople ( - Empire Ottoman)
  • Décédé le 11 janvier 1811 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 20 août 1795 au 3 septembre 1795
Présidence de l'Assemblée nationale
du 22 novembre 1795 au 21 décembre 1795
Présidence de l'Assemblée nationale
du 19 juin 1798 au 6 décembre 1798

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Convention nationale
Mandat
Du 15 septembre 1792 au 26 octobre 1795
Département
Seine-et-Oise
Groupe
Modérés
Régime politique
Révolution
Législature
Conseil des Cinq-Cents
Mandat
Du 15 octobre 1795 au 19 mai 1798
Département
Seine-et-Oise
Groupe
Gauche
Régime politique
Révolution
Législature
Conseil des Cinq-Cents
Mandat
Du 12 avril 1798 au 26 décembre 1799
Département
Seine-et-Oise
Groupe
Gauche

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Membre de la Convention, député au Conseil des Cinq-Cents, membre du Tribunat, né à Constantinople (Empire Ottoman), le 28 août 1764, mort à Paris, le 11 janvier 1811, était le fils d'un ancien consul général et ancien chargé d'affaires à Constantinople.

Marie-Joseph de Chénier garda toujours l'impression profonde des scènes tragiques dont il avait été le témoin dans son enfance, et, quand il quitta Constantinople, à peine âgé de onze ans, il avait déjà une haine ardente contre le despotisme. Il fit ses études au collège Mazarin, où ses progrès furent rapides. L'indépendance de son caractère s'annonçait alors par des saillies satiriques contre quelques-uns de ses professeurs, dont un surtout encourut presque son aversion. Ce professeur était Geoffroy, qui, plus tard, retrouvant son ancien élève dans la carrière littéraire, devait satisfaire sur ses œuvres la vieille rancune de l'amour-propre blessé.

Ses études terminées à seize ans, Chénier fut nommé sous-lieutenant dans un régiment de dragons (1781). Ce régiment était en garnison à Niort ; Chénier y passa près de huit années, s'occupant beaucoup de littérature.

Puis il donna sa démission, et se rendit à Paris avec tout un bagage d'études, d'esquisses poétiques, de plans de tragédies. Bientôt il aborda hardiment la scène ; il avait vingt-deux ans quand il fit représenter son premier ouvrage : Azémire, joué à Fontainebleau devant la cour, le 4 novembre 1786, et qui subit une seconde et plus décisive épreuve, à Paris, sur le Théâtre-Français, le 6 du même mois. La ville fut plus sévère que la cour. Chénier, cependant, ne se laissa pas décourager par les critiques. Le 4 novembre 1789, Charles IX ou la Saint-Barthélemy parut au Théâtre-Français et obtint un brillant succès, auquel contribuèrent les circonstances politiques. La tragédie de Chénier, en retour, eut une grande influence sur l'opinion publique; véritable acte d'accusation contre la tyrannie et le fanatisme, elle émut vivement les esprits et les cœurs. Aussi l'auteur se vit-il en butte à de violentes attaques qui l'éloignèrent encore davantage du parti de la monarchie: il embrassa ardemment la cause populaire, et mit tout son talent au service de cette cause dont le triomphe restait encore douteux.


Henri VIII et Jean Calas, joués en 1791, offrirent un intérêt plus vif que Charles IX ; dans la seconde de ces deux pièces, l'auteur prêchait la tolérance en disciple de Voltaire ; son drame fut taxé d'impiété.

Cependant la Révolution marchait à grands pas, et les passions politiques s'exaltaient de plus en plus. Par la réputation que lui avaient faite ses ouvrages, Chénier était appelé à y jouer un rôle important.

Le département de Seine-et-Oise le nomma, le 15 septembre 1792, le 14e et dernier, par 396 voix sur 671 votants, membre de la Convention nationale. Il avait d'abord été royaliste constitutionnel comme son frère André ; ils se séparèrent bientôt : Marie-Joseph se déclara républicain ; dans le procès de Louis XVI, il s'exprima ainsi : « J'aurais vivement désiré, je l'avoue, de ne prononcer jamais la mort de mon semblable, et si je pouvais m'isoler un moment de ce devoir pénible qui m'est imposé, je voterais pour la loi la moins sévère. Mais la justice qui est la raison d'Etat, l'intérêt du peuple, me prescrivent de vaincre mon extrême répugnance. Je prononce la peine qu'a prononcée avant moi le Code pénal. Je vote pour la mort. »

Chénier, par une défiance naturelle, se tint éloigné de la tribune et s'abandonna rarement aux risques de l'improvisation. Il retrouvait toute sa puissance dans les comités. Au commencement de l'année 1792, il avait donné la tragédie de Caïus Gracchus, tentative de réhabilitation du tribun. Le célèbre hémistiche : Des lois et non du sang ! ayant été interprété comme une protestation contre les actes du comité de salut public, il y eut des scènes tumultueuses, et la pièce fut frappée d'interdiction.

Cependant André Chénier, qui, resté fidèle à la Constitution de 1791, avait continué à la défendre dans les journaux, était envoyé à l'échafaud. Ce ne fut pas assez pour Marie-Joseph d'avoir à pleurer son frère, il lui fallut encore entendre la calomnie lui reprocher d'être le complice de sa mort : cette accusation le poursuivit longtemps, et des mains inconnues tracèrent plusieurs fois ces mots sur la porte de la maison qu'il habitait : « Caïn, qu'as-tu fait de ton frère ? » Longtemps Chénier n'opposa que le silence aux calomniateurs. A la fin, l'indignation l'emporta et, dans l'Epître sur la calomnie, il répondit avec l'accent d'une sensibilité profonde. Peu de temps avant la mort d'André, il avait composé son chef-d'œuvre, le plus célèbre de ses hymnes patriotiques, le Chant du Départ. Il fut aussi l'auteur d'un Hymne pour la Fédération, d'un Hymne à la Raison, d'un Hymne sur la prise de Toulon, d'un Hymne à Jean-Jacques Rousseau, etc., etc. Son attitude à la Convention se ressentit de l'amertume que lui avaient fait éprouver tant d'attaques.

Il avait tenté de sauver les Girondins ; préoccupé avant tout d'arrêter l'effusion du sang, il se trouva entraîné à voter contre Robespierre au 9 thermidor ; plus tard, il demanda le rappel des représentants proscrits, et crut devoir prendre parti contre l'insurrection de prairial. Mais son influence législative s'exerça surtout dans des missions et des travaux relatifs à la littérature, aux arts, à l'instruction publique. Le plus grand nombre de ses discours témoignent d'un zèle assidu pour les lettres : ils concernent les récompenses auxquelles ont droit les savants, les artistes, les écrivains, la propriété des œuvres littéraires, la conservation des monuments, des livres, des objets d'art. C'est à Chénier que l'on doit l'établissement du Conservatoire de musique ; il le proposa et, après l'avoir obtenu, présida lui-même à l'organisation de l'institution. Le 25 novembre 1793, c'est sur sa proposition que la Convention avait voté à l'unanimité le décret suivant : « Considérant qu'il n'y a point de grands hommes sans vertu, la Convention décrète que le corps d'Honoré Riquetti Mirabeau sera retiré du Panthéon français, et que le même jour le corps de Marat y sera transféré. »

Le 23 vendémiaire an IV, il fut élu par le département de Seine-et-Oise, député au Conseil des Cinq-Cents, et ce mandat lui fut renouvelé en germinal an VI, par les départements de la Seine et de Seine-et-Oise. Le 19 brumaire an IV, il fut admis à l'Institut. Secrétaire, puis président du Conseil des Cinq-Cents, Chénier sembla incliner d'abord vers des mesures contraires à la liberté de la presse, ainsi qu'à la liberté des suffrages : on le vit appuyer la création d'un ministère de la police, etc.

Après avoir soutenu le Directoire dans la journée du 18 fructidor, il ne se montra pas hostile aux débuts de la conspiration du 18 brumaire, et Bonaparte, le lendemain du coup d'Etat, le nomma membre de la « commission intermédiaire ».

Bientôt après (4 nivôse an VIII), Chénier entrait au Tribunat. Mais il ne tarda pas à reprendre dans cette assemblée un esprit d'opposition républicaine ; et ses dernières paroles comme tribun furent une attaque des plus hardies contre les tribunaux d'exception. Aussi Chénier fut-il compris dans l'élimination de 1802, avec Benjamin Constant, Thiessé, Parent-Réal, etc. Sorti du Tribunat, il fut appelé aux fonctions d'inspecteur général des études (1803), mais il fut destitué en 1806, à la suite de la publication de son Epître à Voltaire. Ses œuvres dramatiques étaient alors exilées du théâtre, par ordre de l'autorité : sa dernière tragédie, Cyrus, parue lors de la solennité de l'intronisation impériale, avait excité chez Napoléon un dépit violent. Le poète dut accepter une modeste situation dans un pensionnat dirigé par M. Hix : il y fit, pendant plusieurs années, un cours de littérature qui le sauva à peine de la misère.

Vers la fin de 1810, la maladie dont il souffrait depuis longtemps prit un caractère plus alarmant : il mourut le 11 janvier 1811, à l'âge de quarante-six ans. Arnault, l'auteur de Marius à Minturnes, prononça sur sa tombe, au nom de l'Institut, un remarquable discours.

Parmi les ouvrages manuscrits qu'on trouva dans ses papiers après sa mort et qui ont été publiés, on distingue son Philippe II, qui était reçu depuis longtemps au Théâtre-Français, une tragédie de Brutus et Cassius, des imitations de l'Œdipe Roi et de l'Œdipe à Colonne de Sophocle, des fragments de l'Ecole de la médisance, de Sheridan, enfin et surtout un Tibère, qui fut joué pour la première fois, avec un très grand succès, le 15 janvier 1844, trente-trois ans après la mort de l'auteur. La représentation de cette pièce souleva d'ardentes polémiques. Jules Janin en ayant pris occasion pour publier dans le Journal des Débats un feuilleton offensant pour la mémoire de Marie-Joseph de Chénier, Félix Pyat riposta dans la Réforme, par un virulent pamphlet intitulé : Marie-Joseph Chénier et le prince des critiques, pamphlet qui fit condamner le journaliste démocrate à six mois de prison. Dans ce parallèle entre Chénier et Janin, Félix Pyat appréciait avec enthousiasme l'auteur de Tibère.

Chénier avait donné en prose un Tableau historique de l'état et du progrès de la littérature française depuis 1789, qui suffirait, à défaut d'autres titres, à lui assigner une place distinguée parmi les écrivains français.