Bernard Stasi

1930 - 2011

Informations générales
  • Né le 4 juillet 1930 à Reims (Marne - France)
  • Décédé le 4 mai 2011 à Paris 18e (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 11 juillet 1968 au 1er avril 1973
Département
Marne
Groupe
Progrès et démocratie moderne
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ve législature
Mandat
Du 2 avril 1973 au 5 mai 1973
Département
Marne
Groupe
Union centriste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIe législature
Mandat
Du 3 avril 1978 au 22 mai 1981
Département
Marne
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIe législature
Mandat
Du 2 juillet 1981 au 1er avril 1986
Département
Marne
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 14 mai 1988
Département
Marne
Groupe
Union pour la démocratie française
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 13 juin 1988 au 1er avril 1993
Département
Marne
Groupe
Union pour la démocratie française

Biographies

Biographie de la Ve République

STASI Bernard
Né le 4 juillet 1930 à Reims (Marne)
Mort le 4 mai 2011 à Paris

Député de la Marne de 1968 à 1973, de 1978 à 1993

Ministre des départements et territoires d’outre-mer du 5 avril 1973 au 27 février 1974

L’histoire politique et parlementaire retient de Bernard Stasi l’image d’un centriste à l’humanisme unanimement reconnu. Né le 4 juillet 1930, il grandit avec ses frères Mario et Gérard dans une famille d’immigrés nés en Italie, en Espagne et à Cuba. Engagé dans le scoutisme, il poursuit de solides études, en obtenant une licence en droit et en fréquentant l’Institut d’Études Politiques de Paris. L’année de ses dix-huit ans, Bernard Stasi demande et obtient la nationalité française. En 1959, il sort de l’École Nationale d’administration (ENA), dans la promotion Vauban.

Il devient administrateur civil au ministère de l’Intérieur. Quelques mois plus tard, le voici chef de cabinet du préfet d’Alger, fonction qu’il exerce, en pleine guerre d’Algérie, et encore plusieurs mois après les accords d’Évian, jusqu’en 1963. Dès lors, comme conseiller technique, il est membre de plusieurs cabinets ministériels des gouvernements de Georges Pompidou, notamment, à celui de Maurice Herzog, secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports (1963-1966). Mai 1968 le convainc de s’engager en politique et, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, il est candidat dans la quatrième circonscription de la Marne, son département natal. Le 23 juin, il est élu député de l’arrondissement d’Épernay et entre au Palais-Bourbon : il a 38 ans. Il a battu dès le premier tour avec 57,4 % des suffrages exprimés et 28 698 voix le député sortant communiste Robert Morillon. Démocrate-chrétien, il s’inscrit naturellement au groupe Progrès et Démocratie moderne, celui de Jacques Duhamel, de Joseph Fontanet ou du jeune Jacques Barrot qui tous soutiendront le candidat Pompidou, dès le premier tour de l’élection présidentielle en 1969.

La première législature du député Stasi est plutôt dense, d’autant qu’il devient, à son mitan, maire d’Epernay en 1970, à l’occasion d’une élection partielle, consécutive à la disparition de Roger Menu, le sénateur-maire de la ville. À l’Assemblée nationale, il siège successivement à la commission de la Défense nationale et des forces armées (1968-1969), puis à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, pour le restant de la législature. Il ne dépose qu’une seule proposition de loi, visant à faciliter l’extension de la priorité accordée à certains organismes de travailleurs handicapés en matière de marchés publics, le 18 mai 1972. En revanche, il intervient dans vingt-trois discussions différentes, dont il ressort le même thème de prédilection, forgé dix ans plus tôt : la jeunesse et les sports. C’est le cas dans la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 1969. Il souhaite « intégrer le sport dans l’éducation », s’attache à régler le problème des animateurs, souhaite donner une place plus grande aux activités physiques dans la formation de la personnalité et, ainsi, permettre à la jeunesse de participer plus activement aux activités de la nation. Il soutient d’ailleurs la création d’un service civique national. Il s’en explique, dans la séance du 30 octobre 1968, précisant que le service civique peut précéder le service national, lui succéder, ou en constituer une cinquième option.

L’année d’après, il intervient à nouveau dans la discussion budgétaire, au chapitre, cette fois-ci, de l’Agriculture. Il soutient ardemment, comme le montrent ses propos dans la séance du 12 décembre 1969, le financement des mouvements de jeunesse et d’éducation populaire. Le 9 juin 1970, il prend la parole dans la discussion du projet de loi relatif au service national, en indiquant que la conscription est au fondement d’une véritable politique de défense, qui renforce l’intégration des jeunes dans la communauté nationale. Il défend tout particulièrement la possibilité de prévoir des allocations supplémentaires au bénéfice de ceux des appelés qui suivraient des cours de formation professionnelle. Le PLF pour 1971 l’appelle encore sur ces questions, notamment, le 23 octobre 1970, dans la promotion des auberges de jeunesse et du comité franco-allemand pour la jeunesse, ainsi que le sport à l’Université. C’est tout naturellement qu’il pose une question d’actualité relative à la composition de l’équipe de France de Rugby, le 30 avril 1971.

Il soutient le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas et sa Nouvelle Société dans laquelle l’équipement sportif et socio-éducatif doit avoir toute sa place. Il travaille en étroite collaboration avec le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Population, le démocrate-chrétien Joseph Fontanet. Le 22 juin 1971, dans le cadre de l’équipement des zones d’urbanisation nouvelle, il met en lumière l’importance des équipements de base du type « clubs de jeunes », et souhaite voir renforcer le haut comité de la jeunesse, des sports et des loisirs. Il souhaite d’ailleurs la création d’un office français d’échanges internationaux pour les jeunes. Dans la discussion du PLF pour 1972, le 6 novembre, il défend à nouveau le sport à l’école, en rappelant comme un leitmotiv depuis quatre ans, l’insuffisance de son encadrement. Il fait un combat de la nécessité de mettre sur pied d’égalité la jeunesse rurale et la jeunesse urbaine, en soulignant l’obligation pour une politique de la jeunesse de créer des relations avec les mouvements et les associations. Le 9 juin 1972, enfin, il pose une question d’actualité relative au Comité du sport olympique français.

Sous le gouvernement Messmer, il renouvelle son soutien à Joseph Fontanet, qui devient ministre de l’Éducation nationale. Le 10 novembre 1972, dans la discussion du PLF pour 1973, il rappelle ses engagements fondamentaux, notamment la nécessité de l’ouverture de l’école sur la vie.

Au cours de la même législature, il dépose deux amendements sur des textes divers – handicapés et création des régions – mais ils ne sont pas discutés. Par ailleurs, il s’exprime en faveur du projet de loi portant création et organisation des régions, le 27 avril 1972, après avoir voté la confiance aux gouvernements de Maurice Couve de Murville et de Jacques Chaban-Delmas, avant de la donner à celui de Pierre Messmer, quelques semaines plus tard, le 5 juillet 1972.

Réélu député de la Marne, le 4 mars 1973, dès le premier tour avec 26 114 voix et 50,5 % des suffrages exprimés, battant une nouvelle fois Robert Morillon, il entre peu après dans le deuxième gouvernement de Pierre Messmer. Ministre des Départements et Territoires d’outre-mer, représentant le groupe de l’Union centriste de l’Assemblée nationale, Bernard Stasi a le soutien du Président Pompidou, qui a vu dans ce jeune député, un espoir de la majorité. Comme ministre, il intervient dans six débats, notamment dans la discussion générale du projet de loi – un article unique – conférant le statut de territoire d’outre-mer aux îles Wallis et Futuna, le 26 avril 1973. Il souhaite, ce faisant, étendre à l’archipel les règles applicables en Nouvelle-Calédonie. Il s’efface derrière le rapporteur ; il en fera de même pour le projet de loi relatif au régime des eaux dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, le 14 juin suivant. Enfin, le ministre défend son budget, lors des débats sur le projet de loi de finances pour 1974, pour les DOM le 26 octobre, et pour les TOM, le 31 octobre. À nouveau, il insiste sur le rôle de la jeunesse, notamment sa formation, dans la coordination des politiques publiques ultramarines. Ce qui lui permet aussi d’intervenir sur la question scolaire, en veillant à l’application progressive dans ces territoires, notamment dans le territoire des Afars et des Issas, de la loi Debré sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privé, adoptée en 1959.

Comme ministre, rue Oudinot, il interdit les brimades contre les opposants, et rencontre la femme de Paul Vergès, chef du Parti communiste réunionnais autonomiste. D’une manière générale, il proclame son désir de « moraliser » les élections dans les DOM-TOM. Ces mesures semblent gêner certains élus de ces régions. Sa condamnation du coup d’État de Pinochet viole la solidarité avec un gouvernement muet sur ce sujet. Le ministre perd alors le soutien présidentiel. Pierre Messmer ne le reprend pas dans son troisième gouvernement, au grand dam des centristes du Centre Démocratie et Progrès.

Bernard Stasi ne retrouve pas les bancs de l’Assemblée nationale, à son départ du gouvernement. C’est son suppléant Pierre Caurier, conseiller général et maire de Sézanne, qui conserve le siège jusqu’en 1978. Bernard Stasi se consacre alors à sa mairie d’Épernay, à la tête de laquelle il a été réélu en 1971. Il la perdra en 1977, avant de la reconquérir en 1983.

Réélu aux élections législatives de 1978, au second tour, avec 37 215 voix et 59 % des suffrages exprimés, face au maire d’Épernay, le communiste Jacques Perreira, Bernard Stasi, qui a participé à la fondation du Carrefour social-démocrate avec Lionel Stoléru, Olivier Stirn et René Lenoir, s’inscrit au groupe de l’Union pour la Démocratie française (UDF), nouvelle formation politique créée par le chef de l’État, Valéry Giscard d’Estaing. Il est élu vice-président de l’Assemblée nationale et siège à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Au cours de cette législature, il est aussi secrétaire de la commission d’enquête sur les conditions de l’information publique. La même année, il est nommé membre de la délégation parlementaire pour la radiodiffusion-télévision française, inspiré sur ces questions par son collègue démocrate-chrétien et sénateur du Nord, André Diligent, spécialiste des médias à la chambre haute.

Il ne dépose qu’une proposition de loi, en date du 4 décembre 1980, qui fixe le délai dans lequel doit être exercée l’action en recherche de paternité. Il pose une question au gouvernement par session. Sa fonction de vice-président l’occupe grandement en séance publique ; en trois ans, il répond à trente-huit rappels au règlement sur un total de cinquante interventions dans l’hémicycle. C’est à cette époque que son intérêt pour les questions d’immigration, liées à celle de la famille, trouvent un débouché législatif dans son activité parlementaire. Il intervient dans la discussion du projet de loi relatif aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers, qui aboutit à la création de l’Office national d’immigration. C’est l’époque du regroupement familial, décidé par Valéry Giscard d’Estaing, et de la création d’un secrétaire d’État aux Travailleurs manuels et immigrés. Le 29 mai 1979, alors que les Européens s’apprêtent à élire l’Assemblée de Strasbourg au suffrage universel direct, Bernard Stasi prend part à la discussion du projet de loi sur les politiques migratoires, et inscrit fermement son action dans la lutte contre le racisme et la xénophobie. Il met en garde contre certaines dispositions du texte qui relèvent d’une conception de l’immigration selon laquelle les immigrés sont considérés comme étant seulement de passage en France. C’est aussi la raison pour laquelle il défend leur meilleure intégration dans la communauté nationale, effort que la France a consenti pour les réfugiés du Vietnam.

Aussi la discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité et protégeant la sécurité des personnes l’intéresse-t-il. Le 16 juin 1980, fidèle à sa franchise dans l’expression de ses convictions, il prend la parole pour regretter l’absence de concertation dans l’élaboration de ce texte, et notamment l’insuffisance des moyens que la justice propose. Il rappelle l’opposition des professions de justice au projet. Les amendements et sous-amendements qu’il défend sont caducs ou rejetés, à l’issue de leur discussion. D’ailleurs, il s’abstient volontairement lors du scrutin solennel sur le projet de loi renforçant la sécurité et protégeant les personnes – dit projet de loi Peyrefitte –, le 18 décembre 1980.

Il a publié son premier ouvrage en 1979, Vie associative et démocratie nouvelle, et défend la candidature de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République, en 1981, avec son parti le Centre des Démocrates sociaux (CDS). Malgré la victoire de François Mitterrand à la magistrature suprême, Bernard Stasi est réélu député de la Marne dès le premier tour, avec 30 081 voix et 52,7 % des suffrages exprimés, et reste l’un des vice-présidents de l’Assemblée nationale jusqu’en 1983. Il siège tout naturellement au groupe d’UDF et retrouve la commission des lois de l’Assemblée nationale pour le restant de la législature. En sa qualité de vice-président, il répond à quatorze reprises à des rappels au règlement et intervient dans la discussion de quatre projets de loi. Il est également rapporteur de la proposition de loi visant à la création d’un dispositif de prévention, d’information et de traitement des difficultés des entreprises, en septembre 1981. Comme en décembre 1980, il dépose à nouveau une proposition de loi sur le délai dans lequel doit être exercée l’action en recherche de paternité, le 1er octobre 1981, proposition qui n’est toujours pas discutée. En revanche, quelques mois plus tôt, le 17 juillet 1981, son intervention dans la discussion du projet de loi sur la décentralisation – porté par le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre – est remarquée : il est largement favorable au projet, et voit dans la réforme un « facteur d’efficacité ». Mais il pointe un certain nombre d’écueils probables, comme la précipitation dans l’examen du projet de loi, la question encore non réglée de la répartition des compétences et des ressources entre l’État et les différentes collectivités locales, l’enchevêtrement des compétences entre les différents niveaux de décentralisation.

Favorable à l’abolition de la peine de mort, comme un certain nombre de ses collègues du CDS tels Jacques Barrot ou Pierre Méhaignerie, le député de la Marne intervient dans le débat sur le projet de loi Badinter. Le 17 septembre 1981, il salue le respect des engagements politiques par le gouvernement socialiste. Il rappelle que la peine de mort est un « faux remède » en face de l’insécurité ; il met en garde contre les risques de la vengeance privée et contre les peines irréductibles de trop longue durée, qui viendraient en substitution de la peine capitale. Il regrette enfin que l’Abolition n’ait pas été discutée ni adoptée sous la précédente législature.

Dans le projet de loi de finances pour 1982, il défend la région qu’il s’apprête à conquérir et à présider, la Champagne-Ardenne. Quand le budget du ministère de l’Agriculture arrive à l’ordre du jour de la discussion parlementaire, il insiste sur le mécanisme de l’offre des vins, en défendant la création d’une organisation professionnelle pour le vin de Champagne, le 6 novembre 1981.

Par ses prises de position courageuses à droite, Bernard Stasi devient la bête noire du Rassemblement pour la République (RPR) et soutient plusieurs textes de la majorité. Il figure clairement à la gauche de son parti, le CDS, dont il convoite la présidence en 1982, alors que la succession de Jean Lecanuet est ouverte. Pierre Méhaignerie, son concurrent, l’emporte. Bernard Stasi, député et président du Conseil régional, vice-président de l’Assemblée nationale, se prépare à reconquérir la mairie d’Épernay, perdue en 1977. Aussi, son investissement à l’Assemblée nationale est-il moins intense à partir de 1982. Il est rapporteur d’une proposition de loi relative à la création du parrainage éducatif, déposée le 14 avril 1982 ; il est le signataire d’une proposition de loi relative à la création des réserves et des parcs marins, déposée la semaine suivante sur le bureau de l’Assemblée nationale. Il intervient, en qualité de vice-président de l’Assemblée, essentiellement par des réponses aux rappels au règlement. En première lecture, il s’abstient volontairement lors du vote solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Une grande partie du CDS, par nature girondin, ne souhaitait pas voter contre les lois « Defferre », tels Jacques Barrot, Loïc Bouvard, Jean Briane, Edmond Alphandéry, Pierre Méhaignerie ou Georges Mesmin. Mais en seconde lecture, ce sera un vote centriste unanimement « contre » ce projet de loi, ainsi qu’en troisième lecture, le 22 janvier 1982.

Les interventions de Bernard Stasi dans les débats se limitent à l’étude des projets de loi de finances pour 1983, 1984 et 1985. Il explique le refus du groupe UDF d’accorder la confiance au gouvernement Mauroy, à la suite de la présentation par Jacques Delors, ministre de l’Économie et des Finances, du programme économique du gouvernement. Bernard Stasi insiste, le 21 septembre 1982, sur « l’humiliation représentée par la seconde dévaluation », et déclare que le gouvernement a mal interprété les conditions internationales de l’économie. La stratégie suivie, pense-t-il, est « en échec ». Il soutient en revanche la politique diplomatique du gouvernement, menée par Claude Cheysson, dans laquelle il détecte de bonnes intentions, notamment dans la prise en compte de « la défense des intérêts essentiels de la Nation ». Le 17 novembre 1982, il profite de la discussion budgétaire du ministère des Affaires étrangères pour cependant faire le reproche d’avoir reçu le Président Sékou Touré, mais aussi d’avoir repris les livraisons d’armes avec l’Argentine. Il dénonce aussi la « non-crédibilité du gouvernement » qui, d’une part, souhaite être ferme avec Moscou quand, d’autre part, il compte des ministres communistes en son sein. Car Bernard Stasi n’a jamais caché son anticommunisme. Quelques mois plus tard, le 30 novembre 1983, dans une question au gouvernement, il critique les propos de Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste français, tenus dans Le Monde sur le danger d’installer en Europe de nouveaux missiles américains et sur la prise en compte de la force de dissuasion française dans les négociations de Genève.

Réélu maire d’Épernay en 1983, le député de la quatrième circonscription de la Marne intervient longuement dans la discussion du projet de loi sur la gestion, la valorisation et la protection de la forêt, en déposant vingt amendements qui sont, ou retirés, ou rejetés. Il fait de la mise en valeur et de la protection de la forêt française « un impératif national ».

Mais cette fin de législature témoigne surtout de la prise à bras le corps, par Bernard Stasi, du thème de l’immigration. Il adopte des positions très décalées sur la crise de novembre 1984 en Nouvelle-Calédonie : il affirme alors que les responsabilités de la crise kanake étaient antérieures à 1981. Ceci lui vaut de vives critiques des giscardiens, et notamment de l’ancien ministre de l’Intérieur Christian Bonnet qui le qualifie de « Stasibaou », par allusion au dirigeant kanak Jean-Marie Tjibaou.

Le 1er janvier 1985, il publie un ouvrage qui fait grand bruit, y compris dans sa propre formation politique : L’Immigration, une chance pour la France. Cinq mois plus tard, le 6 juin, il prend part à la discussion sur la déclaration du gouvernement relative à l’immigration. Il rappelle que celle-ci est une réalité quotidienne et que, s’il y a progression du racisme en France, ceci s’explique par les difficultés nées de l’immigration. Il défend cependant la nécessité d’une meilleure maîtrise des flux migratoires. Deux mesures détonnent à droite, qui illustrent son combat volontariste : la création d’emplois dans les pays de retour et l’amélioration de la formation professionnelle des immigrés. Il défend aussi la participation des immigrés à la vie locale et souhaite, à titre symbolique, le développement de jumelages entre les villes françaises et les villes du Maghreb ou de l’Afrique noire. Cette même année, en 1985, il obtient le prix de la Licra – Bernard-Lecache, du nom du fondateur de la Ligue internationale contre l’antisémitisme.

Le Front national est vent debout contre lui et Jean-Marie Le Pen n’hésite pas à dire, dans un débat sur France-Inter, le 6 février 1986 : « Quand on s’appelle Stasi, on fait comme le Parti communiste, on change de nom ». Les prises de position de Bernard Stasi lui coûteront cher politiquement. En 1986, Bernard Stasi est réélu en tête de liste UDF dans la Marne. Alors que la droite UDF-RPR remporte les élections législatives, il perd l’élection interne à la présidence de la commission des Affaires étrangères du Palais-Bourbon. Les députés du Front national et un député de la droite votent pour le socialiste Roland Dumas, pourtant membre de l’opposition, qui l’emporte. Le député de la Marne siègera tout de même à la commission des Affaires étrangères. Il dépose une proposition de loi, dès le 17 juillet 1986, tendant à la reconnaissance du statut d’interné et de déporté aux prisonniers civils de la province de Nghe-An, détenus par le Viet-Minh entre 1946 et 1954. Il interroge le gouvernement à deux reprises, le 11 juin et le 10 décembre de cette même année, sur les relations avec les pays du Maghreb et sur l’aide au Salvador. D’une manière générale, le député champenois, qui a soutenu Raymond Barre dans son opposition à la cohabitation, reste critique sur la politique du gouvernement dirigé par Jacques Chirac, notamment sur la politique étrangère conduite par le ministre Jean-Bernard Raimond. Il est préoccupé par la situation en Amérique centrale, au Guatemala et au Salvator. Il considère que la position de la France n’est « pas claire ». Au titre de la politique européenne, il regrette que l’Acte unique, adopté en 1986, ne fasse pas mention de la nécessité d’une politique culturelle. Il s’inquiète enfin, le 24 octobre 1986, de l’absence d’Europe dans le débat planétaire sur le désarmement. Le 7 août 1986, il s’exprime en faveur du projet de loi relatif aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, comme son groupe parlementaire.

Le 12 juin 1988, Bernard Stasi remporte les élections législatives, pour la sixième fois, dans la nouvelle sixième circonscription de la Marne, issue du redécoupage électoral. Il l’emporte au second tour avec 23 241 voix et 52,1 % des suffrages exprimés, contre le candidat socialiste, Michel Thomas. Il siège à la commission des Affaires étrangères jusqu’à la fin de la législature, soit jusqu’au printemps 1993. Cette législature, qui s’ouvre peu de temps après la réélection de François Mitterrand à la présidence de la République, voit le jour sous les auspices de la France unie. C’est un peu la raison de la création du groupe parlementaire Union du centre (UDC), indépendant – et à la gauche – du groupe UDF. Pierre Méhaignerie le préside, alors que Michel Rocard est Premier ministre, pendant trois ans. Au lendemain de l’ouverture manquée aux centristes, Bernard Stasi, pressenti avec Jacques Barrot et Pierre Méhaignerie pour entrer au gouvernement, élabore une opposition constructive au sein du groupe UDC, et largement partagée par ses membres. Sur une très large majorité des sujets présentés par le gouvernement Rocard, du projet de loi sur la mise en place du revenu minimum d’insertion (RMI) jusqu’à la loi Évin, en passant par le texte relatif à la contribution sociale généralisée (CSG), les centristes du CDS s’abstiennent, voire se prononcent en faveur des initiatives gouvernementales : c’est le cas, notamment, sur le projet de loi relatif au revenu minimum d’insertion, le 12 octobre 1988. Au cours de l’année 1989, Bernard Stasi pose cinq questions au gouvernement, pour mettre en évidence son soutien à la politique étrangère du gouvernement : Liban, Communauté européenne, Europe de l’Est, l’adhésion de l’Autriche à la CEE, Tiers-monde. Il défend, le 24 novembre 1989, le vote favorable de son groupe sur la création de la troisième voie d’accès à l’École nationale d’administration (ENA).

Fort de son expérience, Bernard Stasi participe à la mission d’information commune sur l’intégration des immigrés, à compter du 13 décembre 1989. Il devient rapporteur pour avis du PLF pour 1991, sur le budget du ministère des Affaires étrangères et, plus spécifiquement, le chapitre de l’immigration, le 17 octobre 1990. Il a déposé d’ailleurs un avis, sur le même thème et au nom de la même commission, la semaine précédente, et poursuit son soutien tacite, mais régulier à son ami Michel Rocard, par le biais de deux questions au gouvernement : au sujet des élections libres en Roumanie, à la suite de la chute du régime des Ceausescu ; sur la situation au Liban, et notamment le sort du général Aoun. Le jour où le Premier ministre quitte Matignon, en mai 1991, Bernard Stasi lance : « Merci Michel ! », comme pour appuyer un soutien presque continu, entre 1988 et 1991.

Les deux dernières sessions de la législature confirment son intérêt croissant pour les questions diplomatiques et pour celle de l’immigration. Le 10 octobre 1991, il est rapporteur d’information sur le problème des nationalités et des frontières en Europe centrale et orientale, et est également rapporteur pour avis, au nom de la commission des Affaires étrangères, sur les projets de loi de finances pour 1992 et 1993. Le 5 novembre 1991 : il met en lumière les problèmes liés au travail clandestin, et notamment souhaite le renforcement de sa répression. Il évoque le droit du sol, lié à la question de la nationalité française. Il souhaite aussi que le gouvernement éclaire la représentation nationale au sujet des évènements d’août 1989 en Union soviétique.

Enfin, il intervient, dans l’hiver 1991, dans deux discussions consécutives aux déclarations du gouvernement sur la politique au Moyen-Orient, alors que la France s’est engagée dans la guerre du Golfe. Le 16 janvier 1991, Bernard Stasi a annoncé le vote « pour » du groupe de l’Union du centre. Le 19 mars suivant, il a rappelé la nécessité de la contribution de l’Union européenne au Maghreb. Le 3 novembre 1992, comme rapporteur pour avis de la commission des Affaires étrangères pour l’Immigration, il met en lumière le rôle de l’Allemagne, comme « terre d’accueil pour les réfugiés » et la baisse de l’émigration du Maghreb vers l’Europe. Il est enfin l’un des rares acteurs politiques à dénoncer le génocide en Bosnie, en juillet 1995.

Dès le début de l’été 1990, Bernard Stasi, député de la Champagne, a décidé de défendre le projet de loi relatif à la lutte contre le tabagisme et à la lutte contre l’alcoolisme, porté par Claude Évin, ministre de la Santé et des solidarités, en combattant les publicités – non encadrées – pour l’alcool. Cette initiative lui coûtera son mandat de député. Il dépose trois amendements. Tous les trois, soutenus par le député alsacien, Germain Gengenwin, autorisent le parrainage des boissons alcooliques, avec autorisation préfectorale mais sans promotion commerciale, ni incitation à leur consommation. Ceci a pour but d’encadrer la publicité tous azimuts sur les alcools. Au cours de la session 1992-1993, Bernard Stasi rejoint la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales pour un mois (décembre 1992-janvier 1993), le temps de défendre un amendement sur la retransmission des compétitions de sport mécaniques permettant, sur autorisation préfectorale, le parrainage de manifestations culturelles ou philanthropiques non spécifiquement destinées à la jeunesse, par une marque de boissons alcooliques. Cet amendement ne sera finalement pas soumis au vote. Par ailleurs, le 18 juin 1992, le député de la Marne vote en faveur de l’ensemble du projet de loi constitutionnelle ajoutant un titre à la Constitution : « De L’Union européenne ».

Battu aux élections législatives de 1993 par Philippe-Armand Martin, viticulteur, Bernard Stasi ne retrouve pas les bancs de l’Assemblée. Il publie cette année-là son troisième ouvrage : La Politique au cœur. Il obtient l'annulation de l'élection, mais il est à nouveau battu lors de l'élection législative partielle en 1994, en grande partie en raison de sa défense de la loi Évin. Il ne préside plus aux destinées de sa région depuis 1988, mais il est réélu maire d’Épernay en 1989, puis en 1995. À 64 ans, il oriente sa vie politique différemment : il est élu député européen en 1994 sur la liste UDF-RPR dirigée par Dominique Baudis et Hélène Carrère d’Encausse. Il siège à Strasbourg jusqu’en 1998. Très proche de François Bayrou, avec lequel il passe régulièrement ses vacances, il est premier vice-président du CDS, puis de Force démocrate. En 1998, son ancien condisciple de l’ENA, avec lequel il a noué des liens en Algérie, Jacques Chirac, le nomme au poste de Médiateur de la République, pour six ans, jusqu’en 2004. À ce titre-là, au début de l’automne 2003, il reçoit la mission de présider la Commission de réflexion sur la laïcité, qui préconisa, quelques jours avant la Noël de cette même année, le vote d’une loi interdisant le port des signes ostentatoires à l’école publique. Ce sera chose faite, avec la loi du 15 mars 2004.

Le combat de Bernard Stasi pour l’intégration des immigrés et pour la richesse de la diversité française se poursuit après 2004. Mais, si l’ancien député de la Marne accepte de présider, toujours à la demande de Jacques Chirac, la mission de préfiguration de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) en 2004-2005, il renonce à en prendre la tête à partir de 2005. Il soutient François Bayrou dans la campagne pour la présidence de la République, en 2007, à la suite de la parution d’un nouvel ouvrage Tous Français, l’immigration, la chance de la France.

Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

Atteint de la maladie d’Alzheimer, Bernard Stasi quitte progressivement la vie publique. Il disparaît à 80 ans dans la nuit du 3 au 4 mai 2011, à l’hôpital Bretonneau, à Paris (18e). Les villes de Reims et d’Épernay lui rendent hommage, en appelant de son nom un parc dans la première commune, une place dans la seconde. Jacques Chirac avait nommé Bernard Stasi officier de l’ordre national de la Légion d’honneur, en 2003. À l’annonce de la disparition du député de la Marne, François Bayrou lui rend un hommage très appuyé : « Le premier, et si souvent seul, il a eu le courage de défendre l’idée que pour un pays comme le nôtre, l’immigration n’était pas une charge, mais au bout du compte une chance. Il a défendu sans faiblesse une certaine idée de la laïcité, respectueuse des religions, et déterminée en même temps à faire respecter la primauté des valeurs républicaines. Il a été un combattant des causes justes, un homme debout ».