Robert Thomazo

1904 - 1973

Informations générales
  • Né le 14 janvier 1904 à Dax (Landes - France)
  • Décédé le 10 avril 1973 à Paris (Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 9 octobre 1962
Département
Basses-Pyrénées
Groupe
Union pour la nouvelle République

Biographies

Biographie de la Ve République

THOMAZO (Jean-Robert)
Né le 14 janvier 1904 à Dax (Landes)
Décédé le 10 avril 1973 à Paris (Seine)

Député des Basses-Pyrénées de 1958 à 1962

Le nom du « colonel Thomazo » et le surnom « Nez de cuir » sont plus fréquemment associés à l’histoire de la guerre d’Algérie et à celle du combat pour l’Algérie française qu’à l’histoire parlementaire. Et pourtant, durant quatre ans, Jean-Robert Thomazo fut député des Basses-Pyrénées, élu sous l’étiquette UNR en 1958. Né le 14 janvier 1904 à Dax, fils de François Thomazo, rentier et de Jeanne Dive, sans profession, Jean-Robert Thomazo est issu d’une famille de propriétaires terriens landais, originaire de Tartas et de ses environs. « Gascon mâtiné de Basque, il a été élevé, selon Jean-Raymond Tournoux, dans le culte de la Grande Armée, dans le souvenir de l’arrière grand-père, chef de bataillon des volontaires landais en 1793, puis colonel de l’armée impériale ». Et pendant longtemps – en 1958 encore – Jean-Robert Thomazo se dit bonapartiste. Après avoir été élève de l’école Notre-Dame du Sacré-Cœur à Dax pour ses études secondaires, Jean-Robert Thomazo prépare Saint-Cyr au lycée Montaigne à Bordeaux. Admis à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr en 1923, il commence une carrière militaire qui ne cesse qu’en 1958 quand il entre au Parlement. Andrée dite Gabrielle Cazamayou, épousée à Dax en 1928 lui a donné six enfants en six ans, quatre garçons – dont un meurt en bas âge - puis deux filles mais Jean-Robert Thomazo est aussi le père de cinq autres enfants reconnus, d’un autre lit, trois garçons et deux filles.
Au cours de ces trente cinq ans dans l’armée, Jean-Robert Thomazo participe à la guerre du Rif (1926), à la campagne de France (1940), puis à la campagne d’Italie (1944) puis de France et d’Allemagne (1944-1945) avant de servir en Indochine (1951-1953) et en Algérie (1955-1958). Evadé de France par l’Espagne (novembre 1942), Jean-Robert Thomazo s’engage dans la Résistance. C’est en Italie, lors de la bataille de Cassino qu’un obus lui arrache une partie du nez. A partir de cette blessure, il porte un pansement tenu par des lanières de cuir ce qui lui vaut le surnom de « nez de cuir ». Comme l’écrit Christophe Nick : « avec son crâne tondu et luisant, ses yeux vert d’eau, il arbore un faciès saisissant ».
Mais le temps fort de cette carrière se situe en Algérie, à la fin des années 1950. C’est l’Algérie qui propulse Jean-Robert Thomazo sur le devant de la scène et lui met le pied à l’étrier en politique. En effet, « Nez de cuir » est un des activistes les plus importants à Alger en mai 1958 et participe à tous les complots contre la IVe République pour maintenir l’Algérie française. Jean-Robert Thomazo est alors le patron des Unités territoriales – forces supplétives composées de pieds noirs - et l’adjoint du général Allard, commandant en chef de l’armée de terre en Algérie. Ami de Biaggi, il fait partie de ceux qui accueillent Léon Delbecque à Alger puis Lucien Neuwirth. Membre du Comité de Salut public au soir du 13 mai, il en devient, avec d’autres colonels – Ducasse, Trinquier -, un des vice-présidents qui entourent Massu. Il participe à l’opération en Corse le 25 mai et le général Salan le nomme « gouverneur civil et militaire de la Corse ». Surnommé « le petit Salan », il occupe cette fonction jusqu’au 13 juin, date à laquelle il remet ses pouvoirs au nouveau préfet de la Corse, Guy Lamassoure.
C’est sa participation active aux événements de mai 1958 qui ramènent au pouvoir le général de Gaulle et le soutien de Biaggi, plus que son appartenance ancienne au RPF, qui permettent à Jean-Robert Thomazo d’obtenir l’investiture du nouveau parti gaulliste, l’UNR, pour les premières élections législatives de la Ve République, dans la 4e circonscription des Basses-Pyrénées, celle de la Côte basque. Dès 1958, Jean-Robert Thomazo entre au comité central du parti gaulliste. Sa profession de foi annonce avec fermeté les convictions avec sur le plan national : « l’Algérie doit rester française » et « poursuivre l’œuvre de rénovation en luttant contre les résidus du « Système » tant dans le domaine des lois que dans celui des hommes ». A l’échelle locale, il préconise l’organisation d’une « région économique de type provincial qui doit comprendre le Pays basque, le Béarn, la Bigorre et la Basse Vallée de l’Adour ». Le candidat se définit ainsi pour les électeurs : « je ne suis pas ce que vous appelez, parfois dédaigneusement, un « politicien ». Militaire, je sers mon pays ». Le seul titre qu’il indique dans la signature de sa profession de foi est « commandeur de la Légion d’honneur ».
Pour ces élections de 1958, Jean-Robert Thomazo affronte cinq candidats dont pas moins de trois députés sortants : Guy Petit (CNI), maire de Biarritz ; Joseph Garat (SFIO) et Albert Mora (PCF). Les autres sont le radical Jacques Simonet et un conseiller général MRP, le commandant Georges Poirier. Le 23 novembre, il devance largement ses concurrents, recueillant 23606 voix sur 61751 suffrages exprimés tandis que Petit n’en obtient que 16923 ; Garat 9286 et Mora 6650, loin devant Poirier (3302) et Simonet (1984). Au 2e tour, avec 34163 voix, Thomazo gagne la triangulaire qui l’oppose à Garat (16205) et Mora (6240).
A l’Assemblée nationale, Jean-Robert Thomazo entre au groupe UNR et le 8 juillet 1959, il est élu membre du Sénat de la Communauté. Mais il quitte le groupe gaulliste un an plus tard, le 16 octobre 1959 en même temps que Delbecque et Biaggi notamment pour manifester son opposition à la politique algérienne du général de Gaulle après le discours sur l’autodétermination du 16 septembre. Dès le 19 septembre 1959, il a fait partie des 19 parlementaires dont 5 UNR – Battesti, Biaggi, Delbecque, Vaschetti et lui - qui signent le manifeste du RAF (Rassemblement pour l’Algérie française). A près sa rupture, il s’inscrit le 20 octobre au groupe de l’Unité de la République qui réunissait les élus d’Afrique du nord et accueille désormais aussi des élus métropolitains partisans de l’Algérie française. Il y siège jusqu’au 4 juillet 1962.
Durant pratiquement toute la législature, Jean-Robert Thomazo appartient à la Commission de la défense nationale et des forces armées. Le député de la Côte basque se montre un parlementaire plutôt actif qui intervient beaucoup, surtout en début de législature (10 fois en 1959, 7 en 1960, 2 en 1961 et 3 en 1962). Ses interventions portent le plus souvent sur les affaires algériennes mais n’excluent pas la défense des intérêts du département des Basses-Pyrénées. Dès juin 1959, il prend part à la discussion du projet de loi portant dispositions financières intéressant l’Algérie pour affirmer « l’importance du problème algérien pour la défense de la civilisation occidentale », rappeler « le péril soviétique ». Après le discours du général de Gaulle le 16 septembre 1959, Jean-Robert Thomazo intervient, le 15 octobre, dans la discussion sur la politique générale du gouvernement : il expose « le danger d’une solution fédéraliste en Algérie avec la menace de sécession à terme » et évoque « le drame de conscience des patriotes déchirés entre leur fidélité au général de Gaulle et leur attachement à l’Algérie ». Le 7 décembre 1960, après une déclaration du Premier ministre relative à l’Algérie, il réaffirme « les dangers d’une République algérienne » et « la nécessité de l’Algérie française », dénonçant le 29 juin 1961, « l’abandon progressif et déshonorant de nos frères musulmans ». Le 20 mars 1962, il évoque « l’humiliation ressentie par le Parlement, la nation et l’armée à la suite des accords d’Evian ».
Au service de sa terre d’élection, Jean-Robert Thomazo plaide, à plusieurs reprises, la cause du port de Bayonne renforcé par l’exploitation du gisement de gaz de Lacq, préconise des travaux d’aménagement facilitant « l’évacuation des soufres de Lacq et plus généralement l’expansion industrielle des régions des Basses-Pyrénées, des Hautes-Pyrénées et de la vallée de l’Adour » (19 novembre 1959). Dans la discussion budgétaire pour 1962, il observe les conséquences sociales et économiques de la fermeture des Forges de l’Adour et préconise une série de mesures : « un assouplissement du régime des prix du charbon et des transports en leur faveur, la participation financière de l’Etat (…) au plan de rénovation des usines du Boucau et (…) la nécessité, en matière de décentralisation, de soutenir par priorité des entreprises industrielles déjà décentralisées et déjà implantées dans des régions industrielles sous-développées » (28 octobre 1961).
Les votes du député à l’Assemblée sont conformes à son évolution politique et à sa rupture avec de Gaulle. S’il approuve la politique générale du gouvernement lors du scrutin du 16 janvier 1959, il ne prend pas part au vote le 15 octobre de la même année après la nouvelle déclaration de politique générale du gouvernement Debré puis vote contre les pouvoirs spéciaux pour le gouvernement (2 février 1960). S’il approuve le projet de loi concernant l’enseignement privé (23 décembre 1959), il refuse la confiance au gouvernement Pompidou le 27 avril 1962, s’oppose à la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault le 5 juillet 1962 et vote la motion de censure qui fait chuter le gouvernement Pompidou le 4 octobre 1962.
Ce gaulliste que l’historien Jérôme Pozzi classe dans la catégorie « national-gaulliste », à l’image d’un Biaggi, n’est pas candidat aux élections législatives de novembre 1962 et affirme, selon Le Monde, son intention de « continuer la lutte dans le pays, mais non plus sur les bancs d’un Parlement impuissant ». Jean-Robert Thomazo se rapproche du Béarnais Jean-Louis Tixier-Vignancour dont il soutient la carrière politique, des « comités T-V » de 1964, pour la présidentielle de 1965, à l’adhésion à l’ARLP (Alliance républicaine pour les libertés et le progrès), mouvement dans lequel il s’investit beaucoup. Son ultime engagement politique fut sa candidature, aux élections législatives de mars 1973, dans la première circonscription des Pyrénées-Orientales et son élimination à l’issue du premier tour. La maladie le surprend alors et il meurt au Val-de-Grâce le 10 avril 1973.
Dans la nécrologie du député, Le Monde rappelle « quelques épisodes assez aventureux (les « barricades » en janvier 1960 ; une arrestation sur les Champs-Elysées en novembre ; divers incidents et procès ; la dissolution de son « Front national combattant ») et l’interdiction d’aller en Algérie avec d’autres parlementaires en janvier 1962, puis en Allemagne le mois suivant ». Le journal L’Aurore rend hommage à ce « soldat militant » qui a toujours plaidé la « Cause » - de l’Algérie française – avec la même droiture, la même émotion qui lui valent l’amitié des pieds-noirs » et ajoute «Nez de Cuir est mort à 69 ans. Et avec lui peut-être, une certaine idée de la patrie », précisant que « les deux fils de ce baroudeur, morts pour la France, étaient tombés l’un en Indochine, l’autre en Algérie ».