Charles, René de Montalembert

1810 - 1870

Informations générales
  • Né le 15 avril 1810 à Stanmore (Royaume-uni)
  • Décédé le 13 mars 1870 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 23 avril 1848 au 26 mai 1849
Département
Doubs
Groupe
Droite
Régime politique
Deuxième République
Législature
Assemblée nationale législative
Mandat
Du 13 mai 1849 au 2 décembre 1851
Département
Doubs
Groupe
Droite
Régime politique
Second Empire - Corps législatif
Législature
Ire législature
Mandat
Du 29 février 1852 au 29 mai 1857
Département
Doubs
Groupe
Opposition

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Pair de France, représentant en 1848 et 1849, député au Corps législatif de 1852 à 1853, né à Stanmore (Angleterre) le 15 avril 1810, mort à Paris le 13 mars 1870, fils de Marc-René de Montalembert (1777-1831), pair de France, et d'Elise - Rosée Forbes, rigide protestante d'Ecosse, Charles René de Montalembert fut d'abord confié aux soins de l'abbé de Monnier-Laquanée, ancien oratorien, d'une imagination assez exaltée, puis fut placé au collège Henri IV, où l'abbé Lacordaire était alors aumônier.

Il eut un peu plus tard comme directeur spirituel l'abbé de Lamennais, et, sous cette double influence, sa foi profonde chercha de bonne heure à concilier le catholicisme avec le libéralisme.

« Il avait, disait-il plus tard, fait de la liberté l'idole de son âme, et ce qu'il combattait c'est la Révolution érigée en principe, en dogme, en idole ; la Révolution qui, sous le nom de démocratie, n'est que l'explosion de l'orgueil, insatiable comme la mort, et comme elle implacable, qui prépare les peuples à la tyrannie, qui les en rend dignes, qui les contraint surtout à s'y résigner, crainte de pire, » (Discours de réception à l'Académie française.)

M. de Montalembert compta au début parmi les plus ardents disciples de la doctrine menaisienne, fut un des fondateurs et des rédacteurs principaux du journal l'Avenir, et entreprit contre le gouvernement de Louis-Philippe et surtout contre le monopole universitaire une véritable croisade, dans laquelle il fut suivi par une fraction importante du parti catholique. Dans ce dessein, il ouvrit, le 29 avril 1831, avec MM. de Coux et Lacordaire, une Ecole Libre, qu'ils persistèrent à vouloir inaugurer malgré l'interdiction dont l'avait frappée l'autorité. Montalembert et ses associés furent traduits de ce chef en police correctionnelle. Mais la mort du père de Montalembert, survenue pendant l'instance, ayant appelé celui-ci à siéger à la Chambre des pairs par droit héréditaire, il réclama et obtint la haute juridiction de l'assemblée dont il allait faire partie. Après des débats qui ne manquèrent ni de solennité ni de grandeur, l'accusé fut condamné à 100 francs d'amende, ce qui équivalait à un acquittement. Il s'était défendu lui-même, avec un rare talent, bien que ce fût son début comme orateur, et avait invoqué l'esprit de la révolution de Juillet par laquelle avaient dû être rompues toutes les entraves de la liberté civile, politique et religieuse.

Montalembert, en raison de son âge, ne prit séance à la Chambre des pairs que le 14 mai 1835. Ami et partisan de Lamennais jusqu'à la condamnation du philosophe en cour de Rome, on le vit revenir, à dater de ce moment, à des opinions plus orthodoxes, et se tourner vers l'étude du moyen âge. À cette période de son existence appartient le livre célèbre intitulé : Vie de sainte Elisabeth de Hongrie (1836).

À la Chambre des pairs, M. de Montalembert siégeait dans l'opposition libérale et catholique à la fois. Il combattit très vivement, en 1842, le projet de M. Villemain sur l'enseignement, et, l'année suivante, profita des discussions soulevées à la Chambre des pairs sur les rapports de l'Eglise et de l'Etat pour publier un Manifeste catholique qui eut beaucoup de retentissement. Vers le même temps, il épousa Mlle de Mérode, fille d'un ministre belge, et, après un voyage à l'étranger, vint reprendre son siège au Luxembourg.

Trois discours remarquables sur la liberté de l'Eglise, la liberté d'enseignement et la liberté des ordres monastiques, appelèrent encore l'attention sur ses doctrines : le dernier contenait un magnifique éloge de la Société de Jésus.

En 1847, il fonda en faveur du Sonderbund (ligue séparative des sept cantons catholiques de la Suisse) un comité qui prit le nom de Société religieuse.

En même temps, il se ralliait à la cause des nationalités opprimées et parlait à plusieurs reprises pour la Pologne (1831,1844, 1848) et pour l'Irlande. Le 10 février 1848, il fit célébrer à Notre-Dame un service funèbre pour honorer la mémoire d'O'Connell.

On remarqua beaucoup un passage d'un de ses derniers discours à la Chambre des pairs, dans lequel, ne croyant peut-être pas être si bon prophète, il prédisait l'avènement de la République à trois mois de date.

Montalembert accepta le gouvernement nouveau, et offrit même ses services dans un manifeste qui lui fut souvent rappelé. Toutefois l'auteur de la Biographie impartiale des représentants du peuple à l'Assemblée constituante, dans la notice qu'il lui consacre, se borne à écrire à ce sujet : « Il ne s'agit point de savoir si un homme tel que M. de Montalembert s'est rallié ou non à la République. Les électeurs du Doubs ne se sont point bercés de cette idée ; en l'envoyant à l'Assemblée nationale, ils ont seulement rendu un éclatant hommage à son intelligence brillante, à son cœur sincèrement ami de la vertu, de la religion, de la patrie ».

Il avait été élu, le 23 avril 1848, représentant du Doubs à l'Assemblée constituante, le 7e et dernier, par 22 543 voix (67 322 votants, 78 670 inscrits). Il prit place à l'extrême droite, fut un des chefs du parti catholique et monarchiste qui combattit les institutions républicaines, et appartint, en dehors de l'Assemblée, au comité électoral conservateur de la rue de Poitiers. Conséquent toutefois avec ses principes libéraux, il vota contre le rétablissement du cautionnement des journaux, contre les poursuites contre Louis Blanc et contre le maintien de l'état de siège pendant la discussion de la Constitution, dont il refusa (4 novembre 1848) d'approuver l'ensemble. Il se montra également opposé à l'admission de Louis Bonaparte, dont il devait, à quelque temps de là, soutenir presque sans réserves la politique présidentielle ; d'autre part, il opina avec la droite:

- pour le rétablissement de la contrainte par corps,
- contre l'abolition de la peine de mort,
- contre l'amendement Grévy,
- contre le droit au travail,
- pour la proposition Rateau,
- contre l'amnistie,
- pour l'interdiction des clubs,
- et pour l'expédition de Rome, qu'il loua hautement le gouvernement d'avoir entreprise.

Dès la séance du 30 novembre 1848, comme Ledru-Rollin reprochait au ministère présidé par Cavaignac d'être intervenu contre la révolution romaine en faisant embarquer précipitamment des troupes françaises, Montalembert répondit :

« Il ne s'agit pas d'une souveraineté ordinaire, il ne s'agit pas d'un Etat ordinaire, il s'agit de celui qui est le souverain spirituel de 200 millions d'hommes, et de l'Etat qui est le centre de cette souveraineté ; il s'agit de la liberté même de l'idée catholique. Eh bien, je dis que c'est un immense honneur et un immense bonheur pour la République française que d'avoir pu inaugurer en quelque sorte son action dans le monde de la politique, dans les affaires étrangères, en appuyant, en sauvant, en consacrant cette indépendance de l'idée catholique, et je l'en félicite pour ma part du fond de mon cœur. Je la félicite de pouvoir peser du poids de l'admiration et de la reconnaissance sur les cœurs et sur les consciences de tant de millions d'hommes répandus sur la surface du monde. »

L'orateur fit ensuite l'apologie de Pie IX, dit que la France venait d'imiter l'exemple de Charlemagne en étendant son épée pour protéger le pape, repoussa toute ressemblance entre la révolution de Février et celle de Rome, et termina par un ardent éloge de M. de Rossi, son ancien collègue à la Chambre des pairs.

Il parla aussi très longuement en faveur de la proposition Rateau, le 12 janvier 1849, et déclara qu'il se trouvait en présence de trois partis, de trois fractions dans l'Assemblée :

« la première est une minorité qui veut à tout prix s'en aller, pour beaucoup de très bonnes raisons, je le sais, et entre autres bonnes raisons, parce qu'elle se croit sûre de revenir. Une seconde fraction, qui est également en minorité, selon moi, ne veut à aucun prix s'en aller, par de très bonnes raisons aussi, je n'en doute pas, et, parmi elles, par une raison personnelle, c'est qu'elle est à peu près sûre de ne pas revenir. Entre ces deux fractions, j'en distingue une troisième qui n'a pas de parti pris sur cette question, qui n'est pas la majorité, mais qui la fera. »

Ce jour-là, Montalembert se trouva pleinement d'accord avec Victor Hugo, qui devait, dans l'Assemblée suivante, soutenir contre lui tant et de si brillantes luttes oratoires.

Réélu, le 13 mai 1849, représentant du Doubs à l'Assemblée législative, le 3e sur 6, par 32,702 voix (52 664 votants, 81 875 inscrits), et, en même temps, représentant des Côtes-du-Nord, par 67 934 voix (110 201 votants, 164 242 inscrits), Montalembert opta pour le Doubs, fut remplacé dans les Côtes-du-Nord, le 8 juillet suivant, par M. de Largentaye, et prit à la tête de la majorité parlementaire un rôle des plus marquants.

Il soutint contre la gauche en général et particulièrement contre l'éloquence rivale de Victor Hugo un long combat politique qui commença à propos du motu proprio du pape, et se poursuivit avec une vivacité singulière dans la discussion du projet de loi organique de l'enseignement (loi Falloux-Parieu). Ce fut à propos de cette loi que l'orateur catholique s'écria qu'il fallait entreprendre « une expédition de Rome à l'intérieur ! » Lorsque, dans les premiers mois de l'année 1851, la majorité monarchiste commença de se détacher du prince-président, Montalembert s'efforça, au contraire, de soutenir ce dernier contre les défiances de certains parlementaires, déclara, à ce propos, qu'il n'était ni son conseiller, ni son confident, mais son témoin, et alla jusqu'à protester contre « une des ingratitudes les plus aveugles et les moins justifiées de ce temps-ci ». Au sujet de la demande d'allocation de 1 800 000 francs au président de la République, il dit : « Je veux le gouvernement représentatif, je veux la tribune parlementaire, et son intervention dans toutes les matières de législation, de politique générale et sociale ; mais je ne veux pas de son intervention taquine, bavarde, quotidienne, omnipotente et insupportable dans toutes les affaires du pays. Exiger cela, c'est selon moi, dans notre temps et dans notre pays, le véritable moyen de l'amoindrir, de l'affaiblir, et de la dépopulariser en France et en Europe. » (10 février 1851.) Il se fit charger du rapport sur la loi pour l'observation du dimanche, qui ne fut pas votée. En juin, il porta la parole dans la grande discussion qui s'engagea lors du projet de révision de la Constitution, et se mesura une fois de plus avec Victor Hugo.

Lors du coup d'Etat du 2 décembre, Montalembert s'associa à la protestation des députés de la droite, sans prendre part à la réunion de la mairie du Xe arrondissement. Il accepta d'abord de faire partie de la Commission consultative; mais il donna sa démission, lors des décrets sur les biens de la famille d'Orléans : « Mon nom, dit-il, est une enseigne ; je ne le laisserai pas plus longtemps sur une boutique dans laquelle on commet de pareilles infamies. »

Elu, le 29 février 1852, député de la 1re circonscription du Doubs au Corps législatif, par 20 139 voix (23 434 votants, 39 652 inscrits), il y représenta à peu près à lui tout seul, remarque un biographe, toute l'opposition. Cette tribune sans écho n'était pas pour lui plaire : « Je combattais en désespéré, écrivait-il plus tard, dans une cave sans air ni lumière. » En 1854, la Chambre vota contre lui une autorisation de poursuites, à l'occasion d'une lettre confidentielle qu'il avait écrite à Dupin aîné, lettre publiée, contre sa volonté, dans les journaux belges; ces poursuites aboutirent à une ordonnance de non-lieu.

Il se représenta dans la même circonscription, aux élections du 22 juin 1857 ; mais il se vit opposer, cette fois, un concurrent officiel, M. de Conégliano, qui fut élu par 17.387 voix, tandis que Montalembert n'en réunissait que 4 359 et le général du Pouëy 7 151. Il se tint dès lors à l'écart de la politique militante, et se consacra à ses travaux de publiciste et d'historien. Un article, publié le 25 octobre 1858 dans le Correspondant, revue placée sous son inspiration, et intitulé : Un débat sur l'Inde au parlement anglais le fit condamner en police correctionnelle, le 24 novembre, à six mois de prison et 3 000 francs d'amende. L'empereur lui fit remise de la peine le 2 décembre ; mais Montalembert, qui avait interjeté appel, refusa la grâce. La cour, par arrêt du 21 décembre, confirma le jugement, en réduisant l'emprisonnement à 3 mois ; un nouveau décret impérial fit encore remise de la peine. Le mauvais état de sa santé écarta définitivement M. de Montalembert des affaires publiques.

En butte aux attaques violentes de M. Louis Veuillot et de son journal l'Univers, il se consacra aux études historiques, et parut, en 1863, au congrès catholique de Malines.

Il salua avec joie l'avènement de l'empire libéral (janvier 1870), et il mourut avant d'en voir la suprême catastrophe.

« M. de Montalembert, a dit Ed. Scherer, était une nature d'artiste, de poète, de catholique romantique ; comme orateur, il avait la voix, la chaleur, le naturel, je ne sais quoi de distingué et de charmant. » Sainte-Beuve dit aussi : « Jamais, sous prétexte d'avoir mis son humilité une fois pour toutes aux pieds du Saint-Siège, son talent d'orateur ne s'est passé plus en sûreté de conscience ses facultés altières, piquantes et ironiques. »

Admis à l'Académie française le 5 février 1852, en remplacement de Droz, il y fut reçu par son ancien adversaire, Guizot.

On lui doit, entre autres ouvrages :
- Du catholicisme et du vandalisme dans l'art (1829) ;
- Du devoir des catholiques dans la liberté d'enseignement (1844) ;
- Trois discours prononcés à la Chambre des pairs (1844) ;
- Saint Anselme (1844) ;
- Quelques conseils aux catholiques sur la direction à donner à la polémique actuelle (1849) ;
- Des intérêts catholiques au XIXe siècle (1852) ;
- l'Avenir politique de l'Angleterre (1855) ;
- Pie IX et lord Palmerston (1856) ;
- Les Moines d'Occident (1860-1867) ;
- Une Nation en deuil : la Pologne en 1861 (1861) ;
- le Père Lacordaire (1862) ;
- le Pape et la Pologne.

Rédacteur intermittent de la Revue des Deux-Mondes et rédacteur assidu du Correspondant, il entreprit, en 1861, une édition générale de ses œuvres.