Alexandre Sanguinetti

1913 - 1980

Informations générales
  • Né le 27 mars 1913 à Le caire (Egypte)
  • Décédé le 9 octobre 1980 à Saint-mandé (Val-de-Marne - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 25 novembre 1962 au 8 février 1966
Département
Paris
Groupe
Union pour la nouvelle République-UDT
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IVe législature
Mandat
Du 30 juin 1968 au 1er avril 1973
Département
Haute-Garonne
Groupe
Union des démocrates pour la République

Biographies

Biographie de la Ve République

SANGUINETTI (Alexandre, Antoine, Jourdan)
Né le 27 mars 1913 au Caire (Egypte)
Décédé le 9 octobre 1980 à Saint-Mandé (Val-de-Marne)

Député de la Seine de 1962 à 1966
Ministre des anciens combattants et victimes de guerre du 8 janvier 1966 au 1er avril 1967
Député de la Haute-Garonne de 1968 à 1973

La liste des fonctions qu’occupa effectivement Alexandre Sanguinetti au cours de sa carrière politique ne donne qu’une faible idée de sa place dans la famille gaulliste des années 1960 et 1970. Le journaliste Dominique Jamet devait parler de lui comme d’un « empêcheur de tourner en rond » au moment de sa disparition, en 1980. Rétif aux disciplines quelles qu’elles fussent, Alexandre Sanguinetti était capable de jeter des lueurs d’héroïsme au cœur du plus technique des débats parlementaires. Cet homme de combat semblait isolé et comme égaré dans un monde politique de plus en plus « policé » dès le milieu des années 1970.
La vie d’Alexandre Sanguinetti commence au Caire, où son père travaille comme substitut au contentieux du ministère égyptien de l’intérieur. Ses familles maternelle comme paternelle l’attachent cependant à la Corse et à la France. Jean-Pierre Gaffory, « protecteur de la nation corse » au XVIIIème siècle, le général Dominique Franceschetti ou le préfet de police Pierre-Marie Pietri au XIXème siècle figurent en effet au nombre de ses ascendants. Le frère cadet d’Alexandre Sanguinetti devait en outre effectuer une brillante carrière dans la marine, avant de rompre avec le devoir de réserve sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, et de s’engager à gauche à la fin des années 1970. Après avoir fréquenté le collège Stanislas, le jeune Alexandre Sanguinetti poursuit ses études supérieures aux facultés de lettres et de droit du Caire, d’Angers et de Paris. Il fait alors partie des Camelots du roi, mouvement de jeunesse de l’Action française. Lorsqu’éclate la deuxième guerre mondiale, il est bachelier en droit et a obtenu une licence ès lettres. Mobilisé en 1939, il est ensuite nommé administrateur des biens juifs en Tunisie par les autorités de Vichy en 1941. C’est au début de l’année 1943 qu’il décide de s’engager en faveur de la France Libre et rejoint les commandos d’Afrique. Il participe avec eux à plusieurs campagnes en Afrique du Nord, puis en Italie. En juin 1944, Alexandre Sanguinetti est grièvement blessé lors de la prise de l’île d’Elbe et doit être amputé de la jambe droite. Ses états de service lui valent d’être plus tard décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre 1939-1945.
A la Libération, il est nommé chef de service au Centre national d’informations économiques et conserve ce poste jusqu’en 1949. C’est à la même époque qu’il commence à approcher les milieux de pouvoir, d’abord comme attaché au cabinet du Garde des sceaux François de Menthon jusqu’en mai 1945, puis auprès du socialiste André Philip, ministre de l’économie en 1946-1947. Au début des années 1950, il est actif au sein du Centre de liaison pour l’unité française, qu’ont fondé notamment Jacques Isorni et Jean-Louis Tixier-Vignancour. Ce mouvement est favorable à une réhabilitation du maréchal Pétain et souhaite que d’anciens vichystes comme Pierre-Etienne Flandin soient amnistiés. Associé à plusieurs affaires de négoce dans les années 1950, Alexandre Sanguinetti s’investit surtout dans les mouvements de défense des anciens combattants. En avril 1956, il participe avec Jacques Soustelle à la fondation de l’Union pour le Salut et le Renouveau de l’Algérie française (USRAF). Lorsque Michel Debré essaie de fédérer gaullistes et « nationaux » autour du soutien au général de Gaulle, l’ancien officier de l’armée d’Afrique s’agrège à un groupe où figurent notamment le conseiller d’Etat Maxime Blocq-Mascart, le colonel Pierre Battesti ou l’ancien résistant Alain Griotteray. Alexandre Sanguinetti devient à cette époque secrétaire général du Comité d’action des Associations nationales des anciens combattants (CAANAC) et utilise cette fonction comme une tribune contre le régime de la IVème République.
A la mi-juillet 1957, il conduit une délégation d’anciens combattants qui se rend à Alger pour prêter serment de « s’opposer par tous les moyens à toute mesure qui menacerait l’intégrité du territoire et l’unité française ». La même année, il fonde le Parti patriote révolutionnaire (PPR) avec Jean-Baptiste Biaggi, ancien membre du RPF. Si le PPR se réclame du nationalisme, ses activités relèvent plus de l’activisme que de la politique au sens traditionnel. Très actif au sein des milieux qui souhaitent un changement de régime et agissent pour en créer les conditions, Alexandre Sanguinetti se rapproche alors des gaullistes par l’intermédiaire de Roger Frey, secrétaire général des Républicains sociaux, qu’il connaît depuis de nombreuses années.
Après le retour au pouvoir du général de Gaulle le 1er juin 1958, l’ancien officier des commandos d’Afrique achève de trouver sa place dans la galaxie du gaullisme. Il participe à la création de l’Union pour la Nouvelle République (UNR) aux côtés de Roger Frey et devient son collaborateur au secrétariat général à l’automne 1958. Il suit Roger Frey au ministère de l’information en janvier 1959 : la confiance qui règne entre les deux hommes vaut à Alexandre Sanguinetti d’être nommé chef de cabinet. Jusqu’en octobre 1962, sa carrière reste attachée à celle de Roger Frey, lequel devient ministre délégué auprès du Premier ministre en février 1960, puis ministre de l’intérieur en mai 1961. Place Beauvau, Alexandre Sanguinetti se voit plus particulièrement confier la lutte contre l’Organisation Armée secrète (OAS).
Désireux de concourir lors des élections législatives de novembre 1962, il reçoit l’investiture de l’UNR pour la 25ème circonscription de la Seine, qui couvre l’ouest du 18ème arrondissement de Paris. Le siège est détenu par le jeune Michel Sy, opposant à la politique algérienne du général de Gaulle, qui a voté la motion de censure du 4 octobre 1962 et se réclame du Centre national des indépendants. Alexandre Sanguinetti se présente aux électeurs du 18ème arrondissement comme un homme qui « sert depuis longtemps l’Etat, c’est-à-dire la Nation » et rappelle dans sa profession de foi électorale les différentes étapes d’une vie d’engagement, de la deuxième guerre mondiale à « la lutte contre la subversion anti-républicaine ». Il récuse l’idée selon laquelle les gaullistes mépriseraient le Parlement et le juge indispensable à « l’équilibre des pouvoirs ». Son programme se confond avec le soutien au général de Gaulle et au régime de la Vème République. Il arrive largement en tête du premier tour de scrutin avec 15882 voix, soit 42,2% des suffrages exprimés. Une semaine plus tard, il affronte le communiste Camille Denis et le journaliste Dominique Padovani, investi par le Centre républicain d’André Morice et ancien candidat de l’UNR dans la 25ème circonscription de la Seine en novembre 1962. Cette triangulaire n’empêche pas Alexandre Sanguinetti de l’emporter avec 50,5% des suffrages exprimés le 25 novembre 1962.
Il s’inscrit au groupe de l’UNR à l’Assemblée nationale et s’en affirme très vite comme une des personnalités les plus marquantes. Il rejoint en outre la Commission de la défense nationale et des forces armées et en prend d’emblée la vice-présidence en décembre 1962. Alexandre Sanguinetti consacre l’ensemble de ses interventions dans l’hémicycle aux problèmes militaires entre 1962 et 1966. Il expose ses convictions en matière de défense nationale dès la séance publique du 23 janvier 1963, à l’occasion de la discussion des crédits militaires. Le député de la Seine se dit convaincu « qu’il n’existe pas de force militaire réelle qui ne soit fondée désormais sur l’existence et la disposition de l’atome ». Il plaide en faveur d’une refonte globale de la politique de défense et d’une concentration de l’effort militaire « sur la notion de couverture ». Cette couverture pourrait être composée d’«une force stratégique nucléaire qui assure la défense et la représailles à longue distance et de forces tactiques, terrestres aériennes et marines, qui assurent une protection de courte distance ». Une logique sous-tend les idées d’Alexandre Sanguinetti, celle d’une armée de professionnels, mieux équipée et mieux formée, qui consacre une part importante de ses moyens à la recherche et à la stratégie. Favorable à la suppression du service militaire, l’ancien combattant des armées de la France Libre propose surtout de ne plus accorder la priorité à l’armée de terre dans le système de défense français. Il envisage de ne plus affecter qu’entre 30 et 40% des militaires à l’armée de terre, à l’image de la Russie soviétique ou des Etats-Unis. Alexandre Sanguinetti conclut son propos en affirmant « que le salut des nations occidentales ne viendra plus que de la domination de l’air et de la mer », et non des opérations traditionnelles à terre.
L’élu parisien s’affirme comme un avocat passionné de la force de frappe française contre ceux qui en critiquent le coût, qu’ils soient centristes, radicaux ou socialistes. Le 13 juin 1963, il interrompt ainsi l’ancien ministre Maurice Faure dans l’hémicycle, pour comparer les « 13 000 milliards » qu’auraient coûté les « guerres perdues » d’Indochine et d’Algérie au budget de la force de frappe, « qui représente la moitié des subventions accordées au monde agricole » seulement. Maurice Faure s’étonne, en réponse, qu’une telle comparaison soit avancée par « un homme qui a mêlé son nom au complot du 13 mai 1958 au nom de l’Algérie française ». Cette réputation sulfureuse d’ancien agitateur nationaliste devenu expert de la lutte contre l’OAS à partir de 1961 devait de fait poursuivre Alexandre Sanguinetti jusqu’à sa mort.
Rapporteur pour avis des crédits d’équipement du ministère des armées pour 1965 et 1966, le député de la Seine observe que les budgets militaires de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne dépassent, en volume, celui de la France. Il estime que les crédits accordés aux forces armées soutiennent « une immense partie des recherches technologiques françaises » dans les années 1960 et s’élève contre les discours qui dépeignent les dépenses militaires comme improductives (6 novembre 1964). Alexandre Sanguinetti s’illustre à nouveau dans la défense de la force de frappe lors du débat sur le projet de loi de programme relatif à certains équipements militaires à l’automne 1964. Il repousse les arguments de ceux qui voient dans les efforts nucléaires de la France une marque de défiance à l’encontre de l’OTAN et observe qu’ « aucune alliance ne se fortifie de la faiblesse matérielle et morale d’une de ses parties ». Il refuse pour les armées françaises le destin « de l’auxiliaire barbare dans la Rome des premiers César », c’est-à-dire de force d’appoint aux troupes américaines, sans capacité d’action propre et ne se résigne pas à un monde bipolaire. Il regrette au contraire que l’effort atomique ne représente que 40% du budget d’équipement et 20% de l’ensemble des budgets militaires français dans une loi de programme qui prévoit d’y affecter un peu plus de 54 milliards de francs. L’objectif demeure, selon lui, de protéger la France « du nationalisme des autres » et de « maintenir l’intégrité, la sécurité et l’indépendance de la patrie » (1er décembre 1964).
A l’automne 1965, Alexandre Sanguinetti participe à la session parlementaire de l’OTAN à New York. Il communique ses impressions à ses collègues à l’occasion du débat sur le budget des affaires étrangères pour 1966. Redoutant que « la présence des forces américaines en Europe » serve « d’alibi à la paresse et à la lâcheté des Européens », il affirme qu’ « il ne doit pas y avoir d’intégration militaire et politique, dans le cadre de l’alliance atlantique, entre l’Amérique et l’Europe » sur une base d’inégalité. Il dit enfin sa conviction que le pari des « partisans de la supranationalité européenne » « risque d’être mortel pour la France ». Le sacrifice de « l’existence souveraine de la nation française » lui paraît en effet de nature à rendre le monde plus incertain, et non plus sûr (20 octobre 1965). Les votes d’Alexandre Sanguinetti sont conformes à la discipline de groupe entre 1962 et 1966, qu’il s’agisse d’autoriser la ratification du traité de l’Elysée (13 juin 1963) ou de réformer le service militaire (26 mai 1965).
En janvier 1966, l’ami de Roger Frey entre au gouvernement comme ministre des anciens combattants et victimes de guerre. Il y succède à Jean Sainteny. Ce n’est pas dans l’exercice de ces fonctions exécutives qu’Alexandre Sanguinetti devait toutefois marquer les mémoires. Il ne conserve du reste ce portefeuille que pendant un peu plus d’un an. En mars 1967 ont en effet lieu des élections législatives. Le journaliste Claude Estier, proche de François Mitterrand, défie Alexandre Sanguinetti dans la 25ème circonscription de Paris, avec l’étiquette de la Convention des institutions républicaines et de la FGDS. Largement en tête à l’issue du premier tour avec 41% des suffrages exprimés, le ministre des anciens combattants et victimes de guerre est ensuite confronté à une situation inédite. Le communiste Urbain Nédélec, qui se classe second en nombre de voix, accepte de se retirer en faveur de Claude Estier, sur consigne de son parti. Le 12 mars 1967, la qualité du report des voix communistes et la préférence de certains électeurs centristes pour un candidat de la gauche modérée permettent à Claude Estier d’être élu député de Paris grâce au soutien de 50,2% des suffrages exprimés.
Cette défaite coûte son ministère à Alexandre Sanguinetti. Si d’autres vaincus des élections législatives partagent son sort, comme le jeune Jean Charbonnel, des ministres plus importants conservent leur portefeuille malgré leur échec électoral en mars 1967, tels Maurice Couve de Courville ou Pierre Messmer.. Après les événements de mai et la dissolution de l’Assemblée nationale, Alexandre Sanguinetti reçoit l’investiture de l’UDR pour la 1ere circonscription de la Haute-Garonne. Sans implantation locale, il ne cherche pas à protester de son attachement à la région toulousaine dans sa profession de foi électorale, même s’il a choisi Antoine Osète, ancien adjoint au maire de la Ville rose, comme suppléant. Alexandre Sanguinetti résume l’alternative proposée aux électeurs à l’été 1968 à un choix entre « le renouveau national » et « la destruction de notre société et de notre civilisation ramenées par le totalitarisme au niveau des pays sous-développés ». Il devance le sortant socialiste André Rey (27,9%) à l’issue du premier tour en obtenant 37,6% des suffrages exprimés. Le 30 juin 1968, une étroite majorité (50,9%) permet à Alexandre Sanguinetti de retrouver les bancs du Palais-Bourbon comme député de la Haute-Garonne. Cette victoire doit beaucoup à un désir de retour à l’ordre après les événements de mai 1968 : la 1ère circonscription de la Haute-Garonne avait en effet préféré François Mitterrand au général de Gaulle à une confortable majorité (54,8%) lors de l’élection présidentielle de décembre 1965.
Inscrit au groupe de l’Union des démocrates pour la Républiques (UDR), Alexandre Sanguinetti joue un rôle important à l’Assemblée nationale sous la 4ème législature, en qualité de président de la Commission de la défense nationale et des forces armées. La confiance de ses collègues lui permet en effet d’accéder à ce poste dès le 13 juillet 1968. L’essentiel des vingt neuf interventions d’Alexandre Sanguinetti dans l’hémicycle a naturellement trait aux questions de défense entre 1968 et 1973. Le 5 décembre 1968, la déclaration du gouvernement sur la situation militaire lui offre l’occasion de louer la cohérence de la politique de défense suivie depuis le début des années 1960. Il salue à cet égard le rôle de Pierre Messmer, ministre des armées depuis 1960 et juge que la France a, en sortant du commandement intégré de l’OTAN, « retrouvé une certaine volonté d’exister ». Ses fonctions ne le dissuadent pas cependant de critiquer certaines décisions du ministère de la défense, en particulier après que Georges Pompidou a succédé au général de Gaulle. Le 9 juin 1970, il regrette ainsi que la réforme du service national n’ait pas été examinée en fonction de la troisième loi de programme militaire. Il réaffirme de plus qu’il est favorable au raccourcissement de la durée du service militaire, voire à sa suppression. Il observe que la conscription est en effet liée « à l’âge préindustriel, voire à l’âge rural » et insiste sur la difficulté d’intégrer dans les rangs de l’armée les générations nombreuses issues du « baby-boom » des années 1940 et 1950. Attaché aux symboles, le président de la Commission de la défense nationale jure pourtant qu’il ne demandera « jamais l’abrogation de la disposition de la loi de l’an VI, qui permet à la patrie d’appeler ses enfants à sa défense ».
Alexandre Sanguinetti ne s’interdit pas de s’exprimer sur des dossiers « civils » après 1968. Il figure ainsi au nombre de ces députés gaullistes qui s’alarment du libéralisme de la loi d’orientation sur l’enseignement supérieur défendue par Edgar Faure. Partisan de la sélection à l’entrée dans les études supérieures, il déplore surtout la trop grande « autonomie » reconnue selon lui aux Universités, à un moment où « c’est la nation qu’il faut protéger de son Université ». Il craint que le gouvernement ne place « sous ses pieds une bombe propre à annuler rapidement les effets » du retour à l’ordre de juin 1968. Lors du vote sur l’ensemble du texte, il fait partie des rares élus à ne pas l’approuver, mais choisit l’abstention le 10 octobre 1968, comme l’ancien ministre Christian Fouchet.
Alexandre Sanguinetti, bien qu’élu d’une ville où la tradition d’opposition à la capitale est très ancienne, émet en outre d’importantes réserves sur la réforme du Sénat et de la région qui devait être soumise à référendum en avril 1969. Le 13 décembre 1968, le député de la Haute-Garonne prononce en effet un véritable réquisitoire contre ce texte. Rappelant qu’il a risqué sa vie pour sauver « la République une et indivisible » pendant la seconde guerre mondiale, il fait « l’éloge de la centralisation, qui n’est pas la concentration ». Il voit en effet dans « la marche vers l’unité » « une règle de l’histoire » et conteste la responsabilité de Paris dans « la sclérose française ». Les problèmes du pays tiennent plus, selon lui, à une surreprésentation des campagnes au Parlement comme dans les Conseils généraux. Il rappelle que « ce sont les provinces réunies à Paris qui ont imposé le protectionnisme paysan, le protectionnisme industriel » et va jusqu’à s’exclamer que « ce n’est pas Paris qui a fait le vin-roi et la betterave-reine ». Alexandre Sanguinetti croit discerner dans cette réforme la main de « hauts fonctionnaires » trop heureux d’ouvrir la voie à un « alourdissement de l’appareil bureaucratique ». Son intervention est saluée par les applaudissements de plusieurs élus gaullistes et centristes.
L’ancien responsable des associations d’anciens combattants ne considère pas les institutions de 1958 comme un monument sans défaut. Très soucieux du bon fonctionnement du Parlement, il souhaite que l’Assemblée nationale porte son nombre de commissions permanentes à dix, contre six depuis les débuts de la Vème République (proposition de loi constitutionnelle du 5 décembre 1968). Il commence surtout à réfléchir aux problèmes constitutionnels après le départ du général de Gaulle, en avril 1969. Alexandre Sanguinetti prend alors position pour le quinquennat, en envisageant en outre que le mandat présidentiel ne puisse être renouvelé qu’une seule fois (proposition de loi constitutionnelle du 16 septembre 1969). Le 16 septembre 1969, il dépose également une proposition de loi organique visant à modifier les conditions permettant de se présenter à l’élection présidentielle. Craignant que les candidatures s’y multiplient, il suggère d’abandonner le système de parrainages par des élus pour des pétitions nationales de 100 000 citoyens se déclarant, par écrit, en faveur d’une candidature. Les préfectures de chaque département recevraient les pétitionnaires pour s’assurer de leur identité sur présentation de leur carte d’électeur. Quelques jours plus tard, il propose un autre texte de loi afin de limiter le nombre de ministres à douze et de secrétaires d’Etat à dix huit, toute modification de l’architecture gouvernementale devant faire l’objet d’une loi.
Alexandre Sanguinetti se situe dans la majorité entre 1968 et 1973, mais sa « place à part » dans la famille gaulliste lui permet de faire entendre à l’occasion une voix dissonante dans l’hémicycle. Il ne prend pas part au vote sur la loi relative à l’exercice du droit syndical dans les entreprises (4 décembre 1968) mais approuve la loi « anti-casseurs » (4 juin 1970) ou la déclaration de politique générale de Jacques Chaban-Delmas (15 octobre 1970). Le 27 avril 1972, il choisit à nouveau de ne pas prendre part au vote sur la création des régions. Des élus gaullistes parisiens, comme Roland Carter ou André Rives-Henrÿs, adoptent alors la même attitude.
Alexandre Sanguinetti sollicite le renouvellement de son mandat parlementaire en mars 1973 dans la première circonscription de la Haute-Garonne. Il y affronte huit autres candidats. Achille Auban, ancien sous-secrétaire d’Etat sous la IVème République, représente le PSU, tandis que la Ligue communiste est incarnée par un jeune professeur de philosophie, Daniel Bensaïd. Le principal adversaire d’Alexandre Sanguinetti est cependant Alain Savary, ancien élu de Saint-Pierre-et-Miquelon et compagnon de la Libération, investi par le Parti socialiste. En tête à l’issue du premier tour avec 35,8% des voix, Alexandre Sanguinetti perd son siège au profit d’Alain Savary une semaine plus tard.
Il accède paradoxalement à d’importantes responsabilités partisanes au lendemain de cette défaite. Alain Peyrefitte entre en effet dans le gouvernement Messmer en mars 1973 et Alexandre Sanguinetti lui succède comme secrétaire général de l’UDR. Cet électron libre doit faire régner la discipline dans la famille gaulliste, au moment où la maladie de Georges Pompidou n’échappe plus aux observateurs avertis. Après la mort du chef de l’Etat le 2 avril 1974, Alexandre Sanguinetti apporte la caution du mouvement gaulliste à Jacques Chaban-Delmas. Malgré l’échec de ce dernier et l’élection de Valéry Giscard d’Estaing, Alexandre Sanguinetti conserve son poste pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que le Premier ministre Jacques Chirac décide d’investir l’appareil de l’UDR et réussisse à en prendre le secrétariat général en décembre 1974. L’ancien ministre est alors nommé président de l’Office de recherche scientifique des territoires d’Outre-mer (ORSTOM). En novembre 1975, l’exécutif décide de mettre fin à ses fonctions, après qu’Alexandre Sanguinetti a émis des critiques très dures à l’encontre du président Giscard d’Estaing.
La deuxième moitié des années 1970 sonne l’heure d’une certaine « prise de distance » d’Alexandre Sanguinetti quant au quotidien de la vie publique. Il se consacre à l’écriture et publie sept ouvrages entre 1976 et 1980, sans déserter pour autant les plateaux de télévision ou de radio, où il multiplie les bons mots cruels pour la nouvelle génération de responsables politiques. Ses relations avec Jacques Chirac se tendent à partir de la création du Rassemblement pour la République, en décembre 1976. Alexandre Sanguinetti lui reproche de construire un mouvement dévoué à sa seule personne et qui n’use du vocable gaulliste que de manière instrumentale. C’est cependant sous l’étiquette du RPR qu’il se présente une dernière fois aux élections législatives, en mars 1978, dans la 14ème circonscription de Paris, qui comprend l’est du 13ème arrondissement. Devancé dès le premier tour par le polytechnicien Paul Quilès, jeune espoir du Parti socialiste, Alexandre Sanguinetti n’obtient que 48,2% des suffrages exprimés lors du scrutin décisif. Après avoir publié J’ai mal à ma peau de gaulliste, l’ancien ministre se met lui-même en « congé illimité » du RPR en décembre 1978.
Il multiplie dès lors les interventions auprès de l’opinion pour lutter contre les thèses des autonomistes ou indépendantistes corses, mais aussi pour soutenir l’idée d’une candidature de Michel Debré à l’élection présidentielle de 1981. Alexandre Sanguinetti est emporté par un infarctus quelques mois avant cette échéance. La presse salue en lui un « baroudeur » ou un « enfant terrible » du gaullisme, un « condottiere » qui avait impressionné ses amis et adversaires par son courage. Le président Giscard d’Estaing rend hommage à un « incomparable animateur » de la vie politique française, tandis que Michel Debré parle d’un « soldat de l’an II (…) qu’aucune audace ne rebutait ». Au nom du Parti socialiste, Jean-Pierre Chevènement s’associe à ces regrets et évoque « un homme politique original et vigoureux », qui « savait que la France est une grande chose et qu’elle vaut la peine d’être continuée, défendue et agrandie ».