Jacques, Jules, Marie, Joseph Le Roy Ladurie

1902 - 1988

Informations générales
  • Né le 28 mars 1902 à Saint-mihiel (Meuse - France)
  • Décédé le 6 juin 1988 à Caen (Calvados - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Calvados
Groupe
Centre républicain d'action paysanne et sociale et des démocrates indépendants
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 9 octobre 1962
Département
Calvados
Groupe
Indépendants et paysans d'action sociale

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)



Né le 28 mars 1902 à Saint-Mihiel (Meuse) Décédé le 6 juin 1988 à Caen (Calvados)

Ministre de l'agriculture du 17 avril au 11 septembre 1942
Député du Calvados de 1951 à 1955

C'est aux hasards de la vie de garnison que Jacques Le Roy Ladurie doit d'avoir vu le jour à Saint-Mihiel, le 28 mars 1902 : son père, le capitaine Emmanuel Le Roy Ladurie, était alors stationné avec le 25e bataillon de chasseurs à pied dans ce petit bourg de la Meuse.

Chrétien fervent, Emmanuel Le Roy Ladurie est destitué à l'été 1902 pour avoir refusé d'exécuter les décrets pris par le gouvernement d'Emile Combes dans le cadre de la lutte contre les congrégations ; il se retire alors sur les terres familiales de Normandie, et embrasse la profession d'exploitant agricole. Ce « traumatisme paternel » de l'officier déchiré entre ses convictions d'homme de foi et ses devoirs d'homme d'épée, Jacques Le Roy Ladurie dira plus tard l'avoir vécu « dans un esprit de sympathie et de filiale solidarité » ; cet épisode façonne sa conscience politique et explique pour une part la distance qu'il conservera toujours vis-à-vis de la République parlementaire.

A dix-sept ans, alors qu'il s'apprête à passer son baccalauréat, Jacques Le Roy Ladurie tombe gravement malade, et passe plusieurs mois alité entre la vie et la mort. Lorsqu'il se rétablit enfin, ses médecins lui intiment de choisir une vie « au grand air » ; c'est donc paradoxalement plus par nécessité que par choix que Jacques Le Roy Ladurie s'oriente vers le métier d'exploitant agricole en intégrant en 1922 les rangs de l'Ecole supérieure d'agriculture d'Angers.

Diplômé de l'« Agro » en 1924, Jacques Le Roy Ladurie s'installe à Moutiers-en-Cinglais, à vingt kilomètres au sud de Caen, dans une ferme entourée de 140 hectares de labours, d'herbages et de bois que possède sa famille. Orateur talentueux, inlassable promoteur d'une agriculture « moderne », il acquiert très vite une grande autorité auprès des paysans de la région. Remarqué par Henri Chéron, figure politique du département, ancien ministre de l'agriculture dans le cabinet Poincaré, il est nommé à vingt-trois ans secrétaire du syndicat agricole du Calvados que préside le comte d'Olliamson. Quatre ans plus tard, il s'engage dans l'action politique : candidat aux élections municipales de 1929, il est porté à la tête de la mairie de Moutiers-en-Cinglais ; il occupera ces fonctions pendant plus d'un demi-siècle, jusqu'en 1983, avec une courte interruption de 1945 à 1947.

La notoriété de Jacques Le Roy Ladurie dépasse bientôt les frontières du département et de la région : porté en 1933 à la présidence de l'Union Nationale des Syndicats Agricoles, il s'impose comme l'un des principaux interlocuteurs du gouvernement, auprès duquel il défend avec détermination la cause du corporatisme agricole. Sur le plan politique, Jacques Le Roy Ladurie affiche des opinions clairement conservatrices ; très introduit à Paris, où il bénéficie du réseau de relations tissé par son frère Gabriel, associé à la banque Worms, il fréquente notamment le comte de Paris et des personnalités en vue comme Gaston Bergery et Anatole de Monzie.

Chaud partisan des accords de Munich, Jacques Le Roy Ladurie est sans illusion sur les chances de la France face à l'Allemagne lorsque sonne l'heure de la mobilisation. Il se présente au 36e Régiment d'Infanterie, basé à Caen, mais son incorporation lui est refusé, en raison de sa santé, jugée précaire, et des charges de famille qui lui incombent - il est alors le père de quatre jeunes enfants. En juin 1940, constatant la débâcle de l'armée française, Jacques Le Roy Ladurie dit avoir songé à gagner Londres ; le comte d'Olliamson l'en aurait toutefois dissuadé en le convaincant que sa place, au plus fort de la crise, était en France et non en Angleterre.

Si le destin de la France, en cet été 1940, ne se joue pas à Londres, alors il se joue à Vichy : c'est animé par cette conviction que Jacques Le Roy Ladurie rejoint la préfecture de l'Allier au début du mois de juillet. Il y rencontre le 18 août le maréchal Pétain, qui fut à l'Ecole Supérieure de Guerre le camarade de promotion de son père, et cherche à attirer son attention sur les risques de famine qui pèsent sur la France occupée et désorganisée. En décembre 1940, à la faveur du remplacement de Pierre Laval par Pierre-Etienne Flandin, Pétain lui propose le portefeuille de l'agriculture, qu'il refuse pour deux raisons : d'une part, il souhaite voir ses compétences étendues aux problèmes de ravitaillement, considérant qu'ils sont indissolublement liés à ceux de l'agriculture ; d'autre part, il craint de voir son action ministérielle sabotée par une faction d'ultras de la collaboration emmenée par le docteur Henri Martin. Jacques Le Roy Ladurie continue néanmoins à fréquenter les allées du pouvoir : à l'été 1941, il accepte ainsi, à la demande du ministre des Finances Yves Bouthillier, de siéger au sein d'un comité d'experts, le Conseil d'Etudes Economiques.

En avril 1942, Pierre Laval lui propose enfm le portefeuille de ministre de l'agriculture, secrétaire d'Etat à l'agriculture et au ravitaillement. Il accepte, spécifiant toutefois qu'il entend cantonner son action aux questions techniques, et rester étranger aux intrigues politiques qui font le quotidien de Vichy. Cette expérience ministérielle dure moins de six mois. Dans ses mémoires, Jacques Le Roy Ladurie dira avoir vécu comme une rupture le discours prononcé le 22 juin 1942 par Pierre Laval (« Je souhaite la victoire de l'Allemagne »). Il aurait en outre été découragé de ne pas parvenir à freiner la hausse des prélèvements agricoles allemands. La promulgation, en septembre, de la loi sur le Service du Travail Obligatoire, l'aurait enfin convaincu de présenter sa démission.

Hostile au durcissement collaborationniste du régime, Jacques Le Roy Ladurie se rapproche alors de la Résistance. En janvier 1943, il rejoint les rangs de l'Organisation Civile Militaire, et se place sous les ordres de Jean Blocq-Mascart. Sous le nom de capitaine Lempereur, il livre des combats aux côtés des FFI dans les maquis autour d'Orléans. C'est à ce dernier titre que Jacques Le Roy Ladurie, incarcéré en juin 1945 pour avoir exercé des responsabilités ministérielles dans le régime de Vichy, bénéficie six mois plus tard d'un non-lieu de la commission d'instruction de la Haute Cour de justice.

Son semestre passé au gouvernement de Vichy pèsera pourtant lourd dans la suite de sa carrière : étoile montante du syndicalisme agricole de l'avant-guerre, Jacques Le Roy Ladurie ne pourra prétendre après 1945 aux hautes responsabilités auxquelles il semblait promis. Il recouvre néanmoins très vite l'ensemble de ses mandats syndicaux, à la tête de l'Union des syndicats agricoles du Calvados, de la chambre d'agriculture du Calvados et de la chambre régionale d'agriculture de Normandie. De même, il retrouve dès 1947 la mairie de Moutiers-en-Cinglais.

Aux élections législatives du 17 juin 1951, il conduit une liste d'« Unité Nationale et des Indépendants Républicains ». Il annonce alors sa volonté d'oeuvrer « contre la gabegie politique et financière de l'Assemblée défunte ; contre la dictature des partis installés au pouvoir depuis cinq ans, avec la complicité du parti communiste ; contre une loi électorale [instituant les apparentements] qui est une escroquerie et un abus de confiance à l'égard du suffrage universel ». La liste de Jacques Le Roy Ladurie recueille 26201 voix sur 180651 suffrages exprimés, et emporte l'un des cinq sièges à pourvoir ; les autres sièges échoient au communiste André Lenormand, au démocrate-chrétien Jean-Marie Louvel, à l'Indépendant Joseph Laniel et au gaulliste Raymond Triboulet.

Jacques Le Roy Ladurie est nommé membre de la Commission des affaires économiques (1951), de la Commission de la reconstruction et des dommages de guerre et de la Commission des finances ; celle-ci le désigne pour faire partie de la sous-commission chargée d'émettre un avis sur les taxes parafiscales figurant à l'état annexé à la loi de finances, et de la Commission de coordination de l'énergie atomique et des recherches nucléaires.

L'activité parlementaire de Jacques Le Roy Ladurie, au cours de la législature, est intense et éclectique. Observateur acéré de la politique économique française, le député du Calvados rédige une quinzaine de rapports et avis au nom de la Commission des finances. Il suit aussi avec une particulière attention les questions agricoles, soulignant à plusieurs reprises la vocation exportatrice de l'agriculture française. Son intervention du 24 mars 1953 est à cet égard exemplaire. Déplorant le « déficit permanent de notre balance commerciale », il se livre à une défense du productivisme agricole : « d'où provient ce déficit ? Essentiellement de l'excès de nos importations agricoles sur nos importations. Ce disant, je ne viens pas défendre les intérêts particuliers de telle ou telle catégorie de producteurs. Mais n'est-il pas scandaleux qu'au lieu de nourrir l'Europe, comme c'est notre vocation, nous importions à prix d'or et le plus souvent à contre-temps des denrées que nous sommes capables de produire en abondance ? (...) La situation changerait (...) si, demain, la France se décidait, conformément à sa vocation naturelle, à devenir la grande ravitailleuse des pays qu'elle environne ».

Au cours de la législature, Jacques Le Roy Ladurie se prononce en faveur de l'adoption de la loi Barangé-Marie sur l'école (21 septembre 1951) et contre la création de la CECA (13 décembre). Il vote la confiance à Antoine Pinay (6 mars 1952) à Joseph Laniel (26 juin 1953), et à Pierre Mendès France (17 juin 1954). Jacques Le Roy Ladurie vote pour la question préalable opposée à la discussion du projet de ratification du traité de Paris (30 août ; le vote aboutit au rejet de la CED) ; enfin il accorde son soutien à Edgar Faure lors du vote d'investiture de celui-ci à la Présidence du Conseil (23 février 1955).

Battu aux élections du 2 janvier 1956, Jacques Le Roy Ladurie rassemble néanmoins sur son nom propre 21675 suffrages, alors que la moyenne de la liste recueille 15824 voix. Joseph Laniel, qui ne recueille sur son nom que 18730 voix, est cependant élu puisque la moyenne de sa liste obtient 15979 voix.

Jacques Le Roy Ladurie est élu en novembre 1958 dans la 5e circonscription du Calvados, avec quelques centaines de voix d'avance sur le candidat de « Défense professionnelle et des intérêts économiques », Camille Voivenel. Il est battu au premier tour en 1962 par André Halbout.

Jacques Le Roy Ladurie décède le 6 juin 1988 à l'hôpital de Caen.