L'exposition du centenaire

Les députés et la grande guerre

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expo 14-18 : bache

expo 14-18 : bache

Inaugurée le 24 juin 2014, l'exposition "Les députés et la Grande guerre" est ouverte jusqu'à la fin de l'année 2014 aux visiteurs du Palais-Bourbon et est présentée tout au long du parcours de visite.

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Quand, le 2 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre, la République française reste en droit fondée sur les lois constitutionnelles de 1875, qui ont établi un régime parlementaire dont l’évolution coutumière avait encore renforcé le pouvoir des Chambres. Comment ce régime allait-il affronter l’épreuve de la guerre ? Celle-ci n’exigeait-elle pas un exécutif fort, à l’opposé de ces gouvernements, sans cesse contraints de négocier le soutien de majorités fluctuantes, qui s’étaient succédé depuis les débuts de la Troisième République ? La guerre n’était-elle pas porteuse de dictature, civile ou militaire, surtout dans le contexte européen où dominaient les monarchies plus ou moins autoritaires ? La faiblesse de l’exécutif ne serait-elle pas un facteur d’infériorité ? Si ces questions avaient été débattues dans les premières années du XXe siècle, nul projet de réforme de modification de l’équilibre des pouvoirs entre le gouvernement et les Chambres, en cas de circonstances exceptionnelles, n‘avait abouti.

Or, comment le Parlement pourrait-il continuer à fonctionner normalement, alors que nombre de ses membres sont en âge d’être mobilisés et ne bénéficient d’aucune exemption. Si l’âge des sénateurs les exclut de l’appel sous les drapeaux dans leur grande majorité, il n’en va pas de même des députés : près du tiers d’entre eux sont mobilisés, engagés volontaires ou officiers de réserve.

Réunies le 4 août 1914 en session extraordinaire, les Chambres apportent une réponse pragmatique aux difficultés de la situation. Emporté par une unanimité que consacre le terme d’Union sacrée, avancé par le président Poincaré dans son message aux Chambres, le Parlement décide de s’ajourner et de laisser au gouvernement le soin de mener la guerre. La conviction que celle-ci sera courte et forcément victorieuse explique le ralliement des élus à cette solution qui permet aux députés mobilisables ou aux engagés de rejoindre leurs unités et de remplir leur devoir militaire, sans avoir le sentiment de faillir à leur mandat politique.

Cependant à l’automne 1914, alors que la victoire de la Marne a sauvé le pays d’une défaite immédiate et que les armées s’enterrent dans les tranchées d’une guerre de position, il apparaît que le conflit va se prolonger. Dès lors, la question du gouvernement du pays et de la conduite de la guerre se pose en termes nouveaux : les élus du peuple peuvent-ils laisser le cabinet Viviani seul en charge des affaires ? Le 26 août, l’entrée au gouvernement de ministres socialistes et de parlementaires chevronnés, ayant exercé des responsabilités ministérielles, a certes renforcé l’autorité du gouvernement, traduisant dans les faits l’Union sacrée des partis et des groupes parlementaires. Mais la liberté laissée au commandement militaire par le ministre de la Guerre Alexandre Millerand soulève l’hostilité de nombreux élus qui tiennent à prendre part à la conduite du pays et de la guerre, à remplir leur fonction législative, à contrôler le gouvernement et à rendre au pouvoir civil son rôle face au pouvoir militaire.

Après la réunion en session extraordinaire des 22 et 23 décembre 1914, où toutes les mesures prises par le gouvernement depuis le 4 août sont approuvées, la session de 1915 s’ouvre normalement le deuxième mardi de janvier. Le gouvernement n’est pas prêt à rompre la légalité républicaine en mettant le Parlement en congé et celui-ci n’est pas prêt à renouveler sa décision d’ajournement du 4 août.

Dès lors, deux questions se posent : quel va être le sort des députés mobilisés et quelles règles les Chambres peuvent-elles adopter pour ne pas gêner les décisions de l’exécutif ni renseigner l’ennemi lors des débats en séance publique. Là encore, des solutions pragmatiques sont trouvées : les députés mobilisés peuvent choisir entre la Chambre et l’armée, quitte pour certains à aller de l’une à l’autre, renseignant ainsi directement leurs collègues sur la situation aux armées ; d’autre part, les Chambres siègent en permanence mais évitent d’aborder en séance publique les questions concernant directement la défense nationale, portant leurs interrogations et leurs critiques d’abord au sein des grandes commissions où elles auditionnent le président du Conseil et les ministres, puis en 1916 et 1917, en tenant des séances en comité secret.

De janvier 1915 à septembre 1917, ce modus vivendi, porté par l’Union sacrée, permet aux institutions de fonctionner : le Parlement poursuit son œuvre législative (102 lois adoptées en deux ans, de 1915 à décembre 1916) et, si les gouvernements Viviani, Briand et Ribot ne sont pas mis en minorité, ils présentent leur démission quand les critiques exprimées au sein des commissions et lors des comités secrets traduisent la perte de confiance des Chambres.

Tout en soutenant les efforts des gouvernements Briand, Ribot et Painlevé pour reprendre une certaine autorité face au Haut Commandement, le Parlement s’efforce également d’établir un contrôle parlementaire aux armées : au terme d’un long combat, les membres de la commission de l’Armée obtiennent en octobre 1917 des laissez-passer permanents pour se rendre en mission d’information sur le front.

Ce mode de fonctionnement se transforme, avec la rupture de l’Union sacrée à l’été 1917 et la mise en minorité du gouvernement Painlevé, en novembre. Dès lors, le président Poincaré se résigne à faire appel à Georges Clemenceau qui forme un gouvernement soutenu non plus par la totalité des Chambres, mais par une majorité des deux tiers. Si ses méthodes ont pu être considérées comme « dictatoriales », il faut cependant reconnaître que Clemenceau a respecté les prérogatives des parlementaires qui lui accordent majoritairement leur confiance jusqu’à la fin de la législature, plus encore au Sénat, dont il avait été le leader respecté depuis 1914, qu’à la Chambre. S’il fait une entorse aux lois constitutionnelles, c’est en négociant les traités de paix : la responsabilité en revenait en principe au président de la République. Mais du fait de l’effacement de la fonction, entamé dès 1879, la question ne s’est pas posée. Quant au Parlement, bien que certains de ses membres aient souhaité être associés à la négociation, il n’avait pour seule prérogative que d’autoriser la ratification des traités par le président de la République.

L'exposition se propose de mettre en valeur les étapes et les modalités du fonctionnement de la Chambre d'août 1914 à la fin de la législature, prolongée jusqu'en octobre 1919.

REMERCIEMENTS

Cette exposition a été possible grâce à la participation et à la collaboration de :
- pour leurs dons d’archives :
    M. Patrick Bokanowski et la famille de Maurice Bokanowski,
    M. Alain Dannhauer et la famille de Jules-Louis Breton,
- pour leurs prêts :
    M. Jean Pisani-Ferry et la famille d’Abel Ferry.
L’Assemblée nationale tient à remercier Mmes Isabelle Chave et Roseline Salmon et le département Exécutif et législatif des Archives nationales, M. Serge Fouchard et le Musée Albert Kahn, Mme Florence Duhot, chef du pôle commercial de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, M. Christian Morinière et l’Association Aristide Briand de Saint-Nazaire,  M. Hervé Revel de la Société d’études historiques de Tremblay-en-France, ainsi que le Service historique de la Défense et le Secrétariat général pour l’Administration du ministère de la Défense, la Bibliothèque nationale de France, la Ville de Castres et le Centre national et musée Jean Jaurès pour leur précieuse collaboration.                     
Cette exposition bénéficie du label de la Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale.