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Mercredi 12 octobre 2016 après-midi, la commission d’enquête sur la fibromyalgie a adopté, à l'unanimité, le rapport présenté par Patrice Carvalho.
En application des dispositions du Règlement de l'Assemblée nationale relatives à la publication des rapports des commissions d’enquête qui imposent un délai de 5 jours francs, le rapport n'est communicable que le 19 octobre.
Le rapport présente 20 propositions. Il préconise notamment d'adopter désormais le concept de maladie plutôt que celui de syndrome pour évoquer la fibromyalgie, d'accentuer l'effort de recherche -notamment de recherche clinique -, d'améliorer la formation initiale et continue des médecins, d'encourager une approche pluri-professionnelle et de favoriser le développement des programmes d’éducation thérapeutique du patient, d'élaborer des recommandations et des référentiels, d'inclure la fibromyalgie dans la liste des pathologies complexes ouvrant droit à une majoration de tarification pour les consultations de généralistes, de garantir la reconnaissance de l’ALD aux cas sévères et coûteux en soins de manière homogène sur le territoire national, la HAS établissant des recommandations de prise en charge.
Intervention du rapporteur Patrice Carvalho, devant la commission d'enquête, mercredi 12 octobre 2016
Madame la Présidente,
Chers collègues,
Je vous rappelle que notre commission d’enquête a été créée par la Conférence des présidents le 10 mai 2016 à la demande du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et que, depuis cette date, nous avons tenu 20 auditions au cours desquelles nous avons entendu 36 personnes parmi lesquelles, des médecins et des représentants des institutions du système de santé publique mais aussi des associations de patients.
Parallèlement, nous avons été destinataires de nombreux témoignages spontanés à la suite de la création de la commission d’enquête [...]. Je souhaite remercier les auteurs de ces courriers qui m’ont aidé à mieux comprendre leurs difficultés et vous verrez certains extraits de ces témoignages dans le rapport car ils sont souvent précis et convaincants.
Comme vous le savez, j’étais à l’initiative de la création de cette commission d’enquête et je voudrais dire aujourd’hui que les auditions que nous avons conduites ensemble dans un esprit consensuel et positif m’ont conforté dans cette orientation tant le besoin de reconnaissance des patients était grand.
Si notre commission a contribué à modifier le regard de nos concitoyens sur les souffrances des malades de la fibromyalgie en leur donnant la parole dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, elle aura atteint un de ses objectifs.
Nos travaux ont aussi mis l’accent sur les insuffisances de notre système de santé dans le traitement de cette souffrance et ont permis d’identifier des propositions d’amélioration.
Vous verrez ainsi que nous formulons 20 propositions qui, je l’espère, recueilleront votre approbation. Elles reflètent les échanges que nous avons eus en marge des auditions et elles ne vous surprendront donc pas. Afin de ne pas monopoliser la parole, je n’en présenterai que quelques-unes.
En premier lieu, il m’est apparu que le fait que les médecins parlent de syndrome ne contribuait pas à crédibiliser la souffrance subie par les patients auprès de leurs proches et de leur entourage professionnel.
Pour ces raisons, je souhaite que les autorités sanitaires françaises évoluent dans la terminologie qu’elles utilisent et adoptent désormais le concept de maladie plutôt que celui de syndrome pour évoquer la fibromyalgie.
Si les causes de la fibromyalgie comme sa prévalence et son coût restent encore difficiles à cerner, il me semble qu’elles sont encore fortement sous-estimées et que nous devrions progresser dans l’épidémiologie de cette maladie.
Les souffrances qu’elle engendre sont bien réelles et je me suis efforcé de les retracer dans mon rapport, dans leur diversité et leur impact quotidien, grâce aux témoignages des patients et de leurs associations. Vous verrez que j’ai notamment beaucoup utilisé la remarquable enquête de l’association FibromyalgieSOS menée en 2014 auprès de 4500 patients.
S’agissant des réponses de notre système de santé publique à cette maladie, j’estime tout d’abord que la France devait accentuer son effort de recherche, notamment de recherche clinique, qui semble très en deçà de la prévalence de la fibromyalgie dans notre pays et de ce qui est pratiqué dans certains autres pays occidentaux.
L’expertise collective engagée par l’INSERM devrait toutefois contribuer à approfondir nos connaissances et renouveler nos modes d’action mais seulement à compter de 2018.
Les représentants de l’INSERM que nous avons entendus, dont son président directeur général, M. Yves Lévy, ont d’ailleurs expressément affirmé qu’ils suivaient nos auditions et qu’ils tiendraient compte de nos propositions dans leurs travaux : il n’y a donc pas de concurrence entre nos deux démarches mais bien une complémentarité.
Dans un autre registre, il importe que la formation initiale et continue des médecins soit améliorée afin que cette maladie soit mieux connue et reconnue. Je fais à cet égard des propositions précises, en lien avec la réforme du 3ème cycle des études de médecine.
Une plus grande sensibilisation aux outils de repérage, notamment aux questionnaires qui nous ont été présentés, permettra aussi un diagnostic plus précoce et réduira l’errance médicale.
De nombreux intervenants nous ont décrit les effets secondaires indésirables des traitements médicamenteux tout en rappelant qu’il n’existait pas d’autorisation de mise sur le marché de molécule pour la fibromyalgie en Europe.
Il faut donc encourager une approche pluri-professionnelle de la prise en charge des patients afin de promouvoir la réadaptation à l’effort sans créer d’addiction à des médicaments dont l’effet durable est fortement sujet à caution.
Dans cet ordre d’idées, je propose de favoriser le développement des programmes d’éducation thérapeutique du patient, fondé sur une évaluation scientifique des modules existants.
La table ronde que nous avons tenue avec la présidente en présence de plusieurs patientes atteintes d’une forme grave de fibromyalgie à l’hôpital Cochin, dans le service du professeur Perrot, nous a convaincus du bienfondé du programme d’éducation thérapeutique qu’elles suivaient, comme l’ont aussi relevé de nombreuses personnes que nous avons auditionnées.
Afin de lutter contre l’errance médicale, il faut que la Haute autorité de santé, dans la continuité de son rapport de 2010, définisse un modèle de prise en charge susceptible de servir de référence aux médecins généralistes et spécialistes.
La définition d’un véritable parcours de soins suppose en effet l’élaboration de recommandations et de référentiels susceptibles d’aider les médecins généralistes à coordonner la prise en charge et à mieux orienter les patients vers les spécialistes et les centres de traitement de la douleur, qu’il faut conforter et développer.
Inclure la fibromyalgie dans la liste des pathologies complexes ouvrant droit à une majoration de tarification pour les consultations de généralistes, comme le prévoit la future convention entre les caisses d’assurance maladie et les médecins libéraux, permettrait de reconnaître la spécificité de ces patients qui nécessitent une consultation approfondie que les médecins généralistes n’ont pas toujours le temps de mener.
Une autre des préoccupations exprimées par les associations de patients est l’inégalité de prise en charge par l’assurance maladie (affections de longue durée) ou la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (prise en charge du handicap) selon les territoires. Nos investigations et notamment les chiffres fournis par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) confortent cette appréciation.
Il importe avant tout que la reconnaissance de l’ALD soit garantie aux cas sévères et coûteux en soins, de manière homogène sur le territoire national, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, notamment pour l’appréciation de la condition de traitement particulièrement coûteux prévue par la circulaire de 2009 pour les affections hors liste.
Il appartient d’abord à la HAS d’établir des recommandations de prise en charge. La CNAMTS nous a ainsi indiqué qu’elle avait sollicitée la HAS à cet effet par courrier en date du 16 juin 2016, ce qui laisse penser que la création de notre commission d’enquête n’est pas complètement étrangère à cette initiative salutaire. L’établissement de recommandations permettra ainsi de réaliser des actions de formation auprès du réseau des médecins conseils afin d’obtenir la meilleure cohérence des avis donnés
Enfin, apprendre à gérer la fatigue, les douleurs, le stress, demande un travail d’équipe qui n’est pas seulement médical mais pluri professionnel et peut nécessiter le recours à des traitements médicamenteux et non médicamenteux, parfois à des médecines complémentaires.
Si les traitements médicamenteux sont a priori pris en charge par l’assurance maladie, d’autres possibilités, pourtant déterminantes dans le traitement de la douleur, sont peu ou pas pris en charge
J’estime qu’il serait utile que la HAS définisse un panier de soins (balnéothérapie, consultation d’un psychologue, activités de retour à l’effort, éventuellement compléments alimentaires) éligible à une prise en charge, peut-être forfaitaire, plus adaptée aux besoins des patients fibromyalgiques que les médicaments.
Voilà, madame la présidente, mes chers collègues, brièvement résumé, le contenu des analyses et propositions que vous trouverez dans le rapport et je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.