No 1547
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D É C L A R A T I O N D U G O U V E R N E M E N T
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Monsieur le président, Avec Patrick Devedjian, nous engageons, avec ce débat sur lénergie, un débat essentiel. La question de lénergie est très loin dêtre seulement technique, et cest tout lenjeu de ce débat. Il sagit à nen point douter dun véritable débat de société. Songeons un instant à cette réalité paradoxale et choquante : un quart des hommes et des femmes dans le monde nont pas accès à lélectricité. A tous les autres cependant, dont nous, habitants des pays développés, faisons partie, lénergie apparaît comme un dû : jen veux pour preuve un sondage effectué avant le débat national organisé par le Gouvernement au cours de lannée passée, selon lequel 70 % des Français interrogés disaient ne rien connaître de cette question. De fait, si les Français ne participent pas à ce débat, cest parce que, pour la plupart dentre nous, lénergie nest, hélas ! pas encore un sujet de préoccupation : lélectricité est là, à portée de main, elle permet tous les progrès. Alors pourquoi sen soucier ? Dautant que les termes du débat paraissent abscons : sécurité nucléaire, énergie renouvelable, ouverture des marchés européens, tout cela semble relever de discussions de spécialistes. Pourtant les enjeux qui sont derrière tous ces débats ne doivent pas être réservés à lexamen des seuls spécialistes. Mais comment sétonner que les Français ne sintéressent pas à un sujet qui reste si complexe, alors même quil est essentiel ? Comment sen étonner, si nous naffirmons pas aujourdhui une forte volonté politique ? Pour la plupart des Français, dailleurs, la question de lénergie se limite encore au seul débat autour du nucléaire, qui met en jeu des arguments souvent plus idéologiques que pragmatiques. Quant aux économies dénergie, nombreux, hélas ! sont ceux qui se demandent si elles sont encore utiles aujourdhui. Ne parlons pas de la nécessité de recourir aux énergies renouvelables, dont beaucoup se demandent sil ne sagit pas dune utopie plutôt que dune véritable opportunité. Prenons lexemple des éoliennes. Lopinion pensait que cétait une solution écologique, jusquà ce quon voie des associations de protection de lenvironnement se mobiliser contre nombre de projets dimplantation. Alors beaucoup ne savent plus que penser ; beaucoup - ayons la franchise de le reconnaître - ne sont plus ni pour, ni contre : ils sinterrogent. Cest lexemple même de débats publics aux enjeux mal compris, au point que le citoyen finit par se détourner de ce qui devrait le concerner au plus haut point. Cest le contraire de la démocratie. Voila pourquoi Patrick Devedjian et moi-même souhaitons que, grâce à ce débat, les Français sapproprient ces enjeux ; quils les approuvent ou quils les contestent, mais quils se passionnent pour cette question. Voilà pourquoi présenter, comme je souhaite le faire, de la manière la plus claire et la plus transparente les priorités de notre politique de lénergie est déjà en soi un enjeu. Je veux dabord vous rappeler quelques faits. Incontestablement lhistoire de lénergie en France sarticule autour de deux dates clés : La première est 1946, année où le général de Gaulle a pris la décision historique de créer, dans un secteur exsangue, deux entreprises nationales, Electricité de France et Gaz de France, chargées à lépoque daccompagner le développement économique de notre pays. Grâce à cette décision, nous disposons aujourdhui de deux champions nationaux. Près de soixante ans ont passé depuis cette date ; la France sest ouverte sur lEurope et lEurope sur le monde. La question que nous devons nous poser est celle de savoir comment poursuivre luvre du général de Gaulle : comment donner à EDF et GDF les moyens de devenir pour lEurope ce quelles sont pour la France depuis soixante ans ? La question nest pas mince. La seconde date marquante cest 1973, date du premier choc pétrolier et de la découverte brutale de notre totale dépendance à légard du pétrole. Cest à cette date que se prennent deux décisions fondamentales : celle dabord de lancer un programme nucléaire sans précédent, grâce auquel la France dispose aujourdhui de trois atouts majeurs et que je crois incontestables. Le premier est un taux dindépendance énergétique de 50 %, à comparer à celui de lItalie, 16 %, et alors que nous navons pas de gisements de pétrole ni de gaz, à linverse des Anglais ou des Néerlandais, et que nous nexploitons plus le charbon comme les Allemands. Malgré cela, grâce à cette décision du début des années soixante-dix, notre pays peut compter sur un taux dindépendance énergétique de 50 %. Deuxième atout, que lon connaît moins, et quavec Patrick Devedjian nous avons voulu souligner : un prix de lélectricité compétitif puisquelle est pour les ménages 10 % moins chère que la moyenne européenne. Troisième avantage, dont jaimerais aussi quon parle davantage : les émissions de CO2 de la France sont inférieures de 40 et de 35 % à celles respectivement de lAllemagne et de lAngleterre. Une plus grande indépendance, pour un coût moindre et un plus grand respect de lenvironnement, je crois que cest là un bilan qui peut rassembler très largement sur lensemble des bancs de cette assemblée. Jen veux pour preuve le fait que, alors que nous avons, chacun à notre tour, assumé lalternance, nul nest revenu sur les choix de 1946 et de 1973. Mais nous sommes aujourdhui à un tournant. La seconde décision majeure du début des années soixante-dix est le lancement dune campagne déconomies dénergie, résumée par cette expression entrée dans le langage courant, celle de « chasse au gaspi ». Peu de campagnes de communication ont imprégné aussi profondément le sentiment des Français. Cette « chasse au gaspi » na malheureusement pas survécu au contre-choc pétrolier de 1986, à savoir une forte augmentation de la production pétrolière, décidée par lOPEP, et leffondrement du prix du baril, qui est passé de trente à dix dollars. Les bonnes habitudes des années soixante-dix se perdent alors, et, reconnaissons-le, jamais aucun gouvernement, aussi forte soit la volonté politique, naura pu reprendre la main sur ce thème des économies dénergie. Nous sommes tous, quelle que soit notre appartenance politique, les héritiers de cette histoire, et notamment de ces deux dates incontournables pour lhistoire économique de notre pays. Le problème, cest que notre parc nucléaire a vieilli. La première centrale, celle de Fessenheim, aura trente ans en 2007. Il sagit dès lors de savoir comment préparer la relève. Voilà une autre question quavec Patrick Devedjian nous souhaitons poser à la représentation nationale, car elle est fondamentale et, à lévidence, on ne peut pas sy dérober. Quant aux économies dénergie, que nous avons remisées avec une certaine imprudence, le simple bon sens nous indique quelles seront indispensables : il nous faudra bien partager demain avec le reste du monde une énergie dont chacun conviendra quau regard de lhistoire mondiale elle est appelée à devenir rare, voire de plus en plus rare. Comment relancer une grande politique dans ce domaine ? Voilà une autre question. Nul ne doute de la nécessité de faire des choix, mais je souhaite maintenant rappeler en quelques mots les contraintes qui pèseront sur ces choix. La première nest pas nouvelle, puisquil sagit de labsence de gisements de pétrole et de gaz sur notre territoire. Le problème est que les conséquences négatives de cette situation pèsent dun poids croissant. Aujourdhui que la Chine est devenue le deuxième consommateur de pétrole au monde, avec un taux de croissance de 10 % par an ; que la production de pétrole des pays de lOCDE stagne ; que lOPEP détient 80 % des réserves de pétrole, et alors que la Russie sera le principal fournisseur de gaz de lEurope dans vingt ans, il est clair que la question de la sécurité dapprovisionnement énergétique de notre pays et de lEurope en général est une question géostratégique absolument incontournable. La seconde contrainte, plus récente, nous est imposée par le réchauffement climatique. La situation est la suivante : aujourdhui sept milliards de tonnes de carbone sont rejetés dans latmosphère. Il en est résulté une augmentation de la température de la planète de 0,6 oC en un siècle. Et ce nest pas fini, puisquon prévoit un réchauffement compris entre 1,5 et 6 oC dici à 2100. Quelques degrés de plus, cest peu nominalement, mais cela suffit pour entraîner des conséquences majeures : atteintes à la santé, avec notamment une recrudescence des maladies tropicales, dommages causés à lenvironnement, multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. Il est ainsi à craindre que lépisode de canicule que nous avons connu lété dernier ne soit que le premier dune longue série. Les rapports sont nombreux sur la question, mais nous nous en tiendrons aux informations qui font consensus : pour stabiliser la température de la planète, lhumanité ne devrait émettre que trois milliards de tonnes de CO2 dans latmosphère, soit deux fois moins quaujourdhui. Cela signifie pour nous, pays riches, qui sommes naturellement les plus gros producteurs de CO2, diviser par quatre nos émissions, soit une réduction de 3 % par an durant cinquante ans si on lisse leffort. Voilà quels sont les enjeux du débat. Face à ces questions et devant ces contraintes, il sagit de déterminer une politique nationale cohérente et ambitieuse. Cest lexercice auquel, avec Patrick Devedjian, nous nous trouvons confrontés. Le Gouvernement vous propose quatre axes prioritaires. Le premier - et nous souhaitons vivement quil puisse faire lobjet dun consensus politique très large - est laffirmation de la nécessité de renouer avec le dynamisme de 1974 en matière de maîtrise de lénergie. Dans dix ans la France doit produire 25 % de richesses en plus avec seulement 9 % dénergie supplémentaire. Dans trente ans il nous faudra produire deux fois plus de richesses avec la consommation dénergie de 2015. Pour y arriver, nous devrons mobiliser toutes les politiques publiques. Jen donnerai six exemples, mais il y en a bien dautres. Nous devrons travailler avec les constructeurs automobiles pour quils affichent, à côté du prix des voitures, le coût annuel de leur consommation dessence. Plutôt que sur linterdiction, nous misons sur linformation pour obtenir des Français quils modifient leurs comportements, et nous pensons que la possibilité de choisir en toute connaissance de cause constitue la clé dun changement des mentalités. Deuxième exemple, nous voulons abaisser dau moins 10 % les seuils de la réglementation thermique - cest-à-dire le degré disolation, la qualité du chauffage, etc. - définie en 2000 pour les bâtiments neufs avec lobjectif de les diviser par trois à lhorizon 2050. Nous imposerons également à lindustrie du bâtiment, quand elle rénove des logements anciens, de respecter des normes defficacité énergétique aussi proches que possible de celles de 2000 pour le logement neuf. Le secteur du bâtiment est en effet celui qui recèle les opportunités déconomies dénergie les plus facilement accessibles. Troisième exemple, dans le domaine des transports, il faut poursuivre nos efforts en matière de respect des limitations de vitesse. Cela est essentiel non seulement pour réduire le nombre de morts de la route, mais aussi pour lenvironnement. Un chiffre : grâce à notre politique de sécurité routière, les consommations dénergie des voitures et des transports en commun ont - tenez-vous bien ! - baissé pour la première fois depuis 1973 ! Moins 1,8 % en 2003, alors que, jusquà présent, ce chiffre navait cessé daugmenter les années précédentes. Quatrième exemple, il faut sans aucun doute affecter la majeure partie de nos ressources financières dinvestissement dans les infrastructures ferroviaires, fluviales et maritimes. Cinquième exemple, nous imposerons par la loi aux fournisseurs délectricité, de gaz et de fioul domestique daider financièrement leurs clients, cest-à-dire les Français, à investir dans la maîtrise de lénergie afin daméliorer lisolation de leur logement ou lefficacité de leur chauffage. Dernier exemple, en tant que ministre de finances, je vous proposerai de faire évoluer la fiscalité énergétique dici à la fin de lannée pour quelle avantage les Français qui participent, au travers de leur consommation dénergie, à une meilleure protection de lenvironnement. Là encore, je crois davantage à lincitation et à la conviction quà la contrainte et à linterdiction, celles-ci naboutissant quà la prohibition. Deuxième axe prioritaire, il nous faut développer les énergies renouvelables. Ces énergies sont encore marginales - 6 % de la consommation française -, mais elles croissent rapidement en Europe, et la France doit rester dans la compétition. Cest bien pour lenvironnement, cest bien pour lemploi. Cest aussi une assurance pour demain si les prix du pétrole ou du gaz devaient augmenter. Nous vous proposons deux objectifs. Le premier doit nous permettre daccroître de 50 % dici à 2015 les énergies renouvelables qui produisent de la chaleur, cest-à-dire le bois, les déchets - se pose à ce sujet le question des usines dincinération - et le solaire. Cest possible car ces énergies ont crû de 8 % pour la seule année 2003. Comment faire ? En améliorant avant la fin de lannée le système des aides financières. En permettant par exemple aux collectivités locales de conditionner, si elles le souhaitent, loctroi dun permis de construire à lobligation de recourir en partie aux énergies renouvelables - comme cest le cas aujourdhui dans une ville aussi moderne et prospère que Barcelone. Le second objectif doit nous permettre de porter la production délectricité dorigine renouvelable de 15 % à 21 % dici à 2010. La priorité dans ce domaine est la préservation du potentiel hydraulique actuel et le développement de léolien, qui pose quand même moins de problèmes que léolien terrestre, même sil y aurait beaucoup à dire sur le sujet. Les filières industrielles concernées ont besoin de visibilité pour se développer en France, mais ce développement ne doit pas donner lieu à des excès en créant des rentes excessives ou des rejets par les populations concernées. Cest la raison pour laquelle nous avons lancé des appels doffres en matière déolien et souhaité que la plus grande attention soit accordée à la concertation locale. Le Gouvernement est contre tous les intégrismes, y compris lorsquil sagit de lintégrisme prétendument écologiste. Là encore, cest une question déquilibre. Enfin, le Gouvernement continuera dencourager le développement des biocarburants, comme il le fait actuellement à travers la défiscalisation mise en place dans la dernière loi de finances. La meilleure manière daider au développement de cette filière fera certainement lobjet dune discussion approfondie devant cette assemblée. Sur les énergies renouvelables, il faut toutefois avoir lhonnêteté de reconnaître que, quelle que soit notre volonté politique, elles resteront un appoint aux énergies classiques et non un substitut, ce qui pose - de façon incontournable, si on veut bien être raisonnable - la question du nucléaire. Dans le domaine nucléaire, quelles sont nos certitudes et quelles sont nos interrogations ? Je pense dailleurs quon naffaiblit pas ses certitudes en ayant le courage de revendiquer des interrogations. La moitié de notre parc nucléaire aura une moyenne dâge de trente ans en 2011. Trente ans étaient, je vous le rappelle, la durée de vie initialement prévue dune centrale. Nous avons de bonnes raisons de penser que cette durée pourra être prolongée de dix ans. Certains prédisent plus ; ils nen savent dailleurs rien. Disons quil est raisonnable daffirmer que ce qui était prévu pour trente ans pourra vraisemblablement lêtre pour quarante ans. Mais cest une probabilité, ce nest pas une certitude. Et en tout état de cause, qui pourrait affirmer sérieusement que notre parc de cinquante-huit centrales durera cinquante ans sans problème ? Même avec la plus grande volonté possible en matière de maîtrise dénergie et le plus fort volontarisme en faveur du développement des énergies renouvelables, il est certain que nous aurons à choisir pour renouveler notre parc nucléaire entre le nucléaire, le gaz et le charbon, cest-à-dire entre les risques - et il en existe sans doute - associés au nucléaire et les émissions de gaz à effet de serre ! Mais que certains ne nous disent pas que nous ne luttons pas assez contre celles-ci tout en manifestant par ailleurs contre le nucléaire ! On peut manifester contre les émissions de gaz à effet de serre ou contre le nucléaire, mais le faire contre les deux à la fois, cest tout simplement irresponsable. Je respecte toutes les opinions. Il ny a pas, de ce point de vue, de délit dopinion, mais, je le répète, cette attitude est irresponsable. Je persiste et je signe ! Dautant plus que notre responsabilité est de mettre notre pays en capacité de lancer une nouvelle génération de centrales entre 2015 et 2020 en remplacement de lactuelle. Autrement dit, les conséquences de notre débat daujourdhui seront visibles entre 2015 et 2020. Le risque, cest que notre pays se retrouve dans une impasse, dont nous serions les seuls responsables. Pour cela - entrons maintenant dans le vif du débat -, une seule technologie est actuellement disponible : le réacteur européen à eau pressurisée, EPR. Ce réacteur est dix fois plus sûr, 10 % moins cher et produit, selon les techniques, entre 15 à 30 % de déchets en moins. Son déploiement industriel est possible dès 2020, et, à cet égard, nous voyons toute la difficulté puisque leffet de latence est considérable entre les décisions que nous devons prendre maintenant et la réalisation : le délai est extraordinairement long. Le déploiement industriel de lEPR est possible dès 2020, alors même que de lavis de tous les scientifiques sur le sujet, les réacteurs, dits de quatrième génération, ne seraient - jemploie le conditionnel, le futur serait sans doute trop affirmatif - au mieux disponibles quà lhorizon de 2045. Vos collègues, Christian Bataille et Claude Birraux nont dailleurs pas dit autre chose dans leur excellent rapport réalisé au nom de lOffice des choix scientifiques et technologiques en mai 2003. Je ne pense pas caricaturer leur position en déclarant cela, avec prudence, bien sûr, compte tenu de la difficulté du sujet. Cest la raison pour laquelle le Gouvernement, conformément à lannonce du Premier ministre, est en faveur de la construction prochaine dun EPR. Cest le troisième axe prioritaire de notre politique énergétique. Il faut tout de même noter quentre la décision que lon prendrait et lexpérimentation, il sécoulerait au moins sept ans. On comprend, là encore, la difficulté du sujet. Mais le Gouvernement souhaite préciser à la représentation nationale quil nest pas question
de signer un chèque en blanc à la filière nucléaire. Je proposerai que soit élaboré un programme dactions précis et quy soient alloués les moyens financiers nécessaires pour préparer lavenir en la matière. Lavenir nous permettra de savoir capturer et stocker, par exemple dans un champ de gaz, le CO2 émis dans latmosphère. Lavenir, cest faire fonctionner nos véhicules avec des biocarburants, de lhydrogène et des piles à combustibles. Lavenir, cest peut-être savoir séclairer avec la technologie du photovoltaïque. Enfin, lavenir, cest consommer de lélectricité et du gaz sans les gaspiller. Telles sont les grandes orientations de notre politique énergétique. Avant de terminer, je voudrais - cest un point auquel M. Devedjian et moi-même tenons beaucoup - inscrire cette politique nationale ambitieuse et cohérente dans un cadre nouveau : le cadre européen. Le temps où la France pouvait définir sa politique énergétique sans tenir compte de celles de ses voisins est révolu, et je vais essayer de le démontrer. LEurope de lénergie doit devenir une réalité. Cela nous permettra de faire gagner nos entreprises et, en même temps, de favoriser lindépendance énergétique de lEurope. Pour cela, nous devons concevoir un véritable projet industriel pour EDF et GDF. A partir du moment où la concurrence souvre sur le marché français, si EDF et GDF ne gagnent pas des parts de marché sur le marché européen, un gigantesque problème demploi se posera. Il faut donc donner les moyens à ces deux grandes entreprises dun projet industriel qui leur permettra de gagner en Europe ce quelles risquent de perdre en France avec louverture du marché à la concurrence. Reconnaissons quEDF et GDF - formidables entreprises - présentent des fragilités. Première fragilité, le principe de spécialité. Ce principe, lié à leur statut actuel, les empêche de faire une proposition commune de gaz et délectricité. Or à la fin de cette année, leurs concurrents pourront proposer une offre commune, couplée. Pas EDF et GDF si nous ne faisons rien. Deuxième fragilité, le statut détablissement public. Il constitue aujourdhui le premier frein au développement dEDF et de GDF à lextérieur de nos frontières. Souvenez-vous de ce qui sest passé en Italie et en Espagne ! Dernière fragilité, EDF comme GDF sont face à des difficultés : EDF est trop endettée et doit renforcer ses fonds propres. Moi, je veux bien que le statut actuel soit merveilleux, mais je pose une question : pourquoi pas un seul gouvernement na donné un centime à EDF et à GDF depuis vingt-deux ans ? Voilà la réalité des choses ! Et durant ces vingt-deux années, la gauche a été plus longtemps au pouvoir que la droite ! Nous sommes donc coresponsables ! EDF a 26 milliards deuros de dettes et 19 milliards deuros de fonds propres, et si lon na rien fait pour renforcer ceux-ci, il ne faut pas verser des larmes de crocodile sur la fragilité dEDF. Dans un marché de concurrence, lEtat, qui a bien dautres choses à faire, nest pas le meilleur actionnaire pour accompagner un développement. Ce nest dailleurs pas une découverte : il la déjà prouvé en ne donnant pas à EDF et à GDF les moyens de leur développement. Agir, cela signifie donc donner à EDF et à GDF les moyens juridiques et financiers de devenir des champions européens. M. Devedjian et moi-même pensons en effet quil y a consensus sur ce sujet : chacun, ici, souhaite quEDF et GDF restent des champions, et nul ne peut prétendre aimer EDF et GDF plus quun autre. Toutefois, on peut, comme il est normal en démocratie, débattre des modalités pratiques qui permettraient à ces grandes entreprises de progresser et de se développer. Nous pensons, quant à nous, quil faut leur donner une nouvelle forme juridique, celle de société, et en même temps leur offrir les moyens daugmenter leurs ressources, et donc leur capital. EDF et GDF ne seront jamais des entreprises comme les autres. On invoque souvent largument de France Télécom. Oserai-je affirmer quil nest pas pertinent ? Un central téléphonique na rien de commun avec une centrale nucléaire. Aussi le gouvernement français a-t-il proclamé solennellement quil ne privatiserait pas EDF et GDF. Les centrales nucléaires ne peuvent être comparées à aucun autre équipement technologique. Il y a, en la matière, une mission de service public. Cela signifie que lEtat restera largement majoritaire dans le capital de ces entreprises nous aurons loccasion de discuter du niveau de sa participation et que ces entreprises resteront publiques. Quant aux agents dEDF et de GDF, ils représentent la première richesse de ces entreprises, non seulement en raison de leur compétence, mais pour leur attachement à leurs entreprises. Au nom de quoi serait-il blâmable de vouloir leur permettre de devenir actionnaires dentreprises dont ils ont fait la prospérité ? Il y aurait, me semble-t-il, quelque incohérence à dire que les électriciens et les gaziers aiment EDF et GDF, et den conclure quil convient donc de leur interdire de devenir les propriétaires dentreprises dont ils sont, au premier chef, responsables du développement, de la prospérité et de lavenir. M. Devedjian et moi-même lavons dit lorsque nous avons reçu les organisations syndicales, et nous le confirmons ici : le statut des agents dEDF et de GDF ne sera pas modifié, la garantie de lemploi dont ils disposent ne sera pas touchée, leurs prestations sociales ne seront pas changées, et leur régime de retraite restera toujours un régime spécial, même si son mode de financement doit être modifié pour en assurer la pérennité, la garantie de lEtat ne pouvant être conservée du fait des règles européennes. Nous devons nous adapter à lEurope, mais nous devons aussi redevenir une force de proposition pour lEurope. La France doit proposer à lEurope des règles communes. Partager un marché unique, cest bien sûr bénéficier dun marché plus efficace, profiter dune solidarité accrue, mais cest aussi minimiser ensemble les risques : celui quune coupure généralisée naffecte une partie de lEurope, celui que la politique insuffisamment prévoyante dun pays en matière de production ne se traduise par des hausses de prix chez ses voisins. On voit bien que, en la matière, nous sommes solidaires les uns des autres. Nous ne voulons pas faire en Europe ce qua fait la Californie. Nous voulons maîtriser collectivement ces risques. Cest pourquoi la France déposera un mémorandum sur lEurope de lénergie. Nous voulons que le parc de production électrique européen soit suffisant, que chaque pays dispose dun niveau minimum de production par rapport à sa consommation, que tout lapprovisionnement ne repose pas sur les exportations : le black-out italien de lété dernier est là pour nous rappeler cette nécessité. Avec les incertitudes stratégiques actuelles, tous les pays doivent se poser la question de la production. Nous voulons permettre à nos entreprises gazières de conserver des contrats dapprovisionnement à long terme avec les pays producteurs pour les inciter à investir dans les réseaux de transport dont nous aurons besoin. La concurrence, cest bien, mais de tels contrats assureront notre sécurité énergétique. Nous voulons trouver les moyens de préserver la compétitivité de nos industries fortement consommatrices délectricité, en leur garantissant des tarifs bas. M. Devedjian a évoqué la question de lacier. Prenons garde à ne pas nous retrouver avec un problème de prix dans quelques mois ou dans quelques années. Nous voulons faire converger les politiques énergétiques européennes vers un modèle commun, avec trois priorités. A quoi servirait que la France se consacre à la relance de la maîtrise de lénergie, si ses voisins nen font pas autant ? Chaque pays européen doit être placé devant ses responsabilités en matière dénergie nucléaire. Cette énergie, qui produit 34 % de lélectricité européenne, évite un accroissement des émissions de gaz à effet de serre quasiment équivalent à celui de lensemble du parc automobile européen. Sans le nucléaire français, cest léquivalent des rejets du parc automobile européen qui se retrouveraient dans latmosphère. Il faut que ce débat ait lieu dans toutes nos démocraties. Nous, qui produisons moins de gaz à effet de serre, nous navons pas à recevoir de leçons de ceux qui en parlent beaucoup et qui en produisent bien davantage que nous. Enfin, nous pensons cest un point important que lEurope doit se doter dune véritable diplomatie de lénergie. La sécurité dapprovisionnement de lEurope dépend évidemment de la qualité du dialogue quelle saura instaurer avec les pays producteurs, mais aussi avec les pays en voie de développement, pour leur permettre daméliorer leur efficacité énergétique. En fédérant les intérêts nationaux, lEurope a assurément, aux côtés de chaque pays, un important rôle à jouer dans ce domaine. Convenons pourtant que, pas plus dans ce domaine que dans tant dautres, elle ne joue pas son rôle, en tout cas pas à la hauteur de lambition quon pourrait avoir pour elle. En conclusion, mesdames et messieurs les députés, en matière dénergie, la France a la chance exceptionnelle dêtre en avance sur ses concurrents sur le plan de la technologie, de leffet de serre, de la compétitivité, de la protection des consommateurs, y compris des plus démunis. Nous navons pas le droit de gâcher par immobilisme ce que nos prédécesseurs nous ont légué. Lhistoire a donné à la France des hommes dEtat qui ont su relever les défis quils ont rencontrés. Serons-nous à la hauteur des bâtisseurs, de ceux qui ont construit notre indépendance ? Nous sommes à un tournant. Ferons-nous aussi bien, mieux ou moins bien ? Ce qui est sûr, cest que limmobilisme est la certitude de léchec. Vous lavez compris, ce nest pas la politique du Gouvernement. ------- N° 1547 Déclaration du Gouvernement relative à lénergie |