N° 1868 - Proposition de loi de M. Marc Le Fur visant à supprimer les niches fiscales et sociales accordées aux sportifs professionnels



N° 1868

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à supprimer les niches fiscales et sociales
accordées aux
sportifs professionnels,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marc LE FUR, Gilles CARREZ, Yves ALBARELLO, Jean-Paul ANCIAUX, Martine AURILLAC, Sylvia BASSOT, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Véronique BESSE, Étienne BLANC, Roland BLUM, Claude BODIN, Marcel BONNOT, Gilles BOURDOULEIX, Loïc BOUVARD, Françoise BRANGET, Françoise BRIAND, Philippe BRIAND, Patrice CALMÉJANE, Bernard CARAYON, Dino CINIERI, Jean-François CHOSSY, Jean-Louis CHRIST, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Geneviève COLOT, Louis COSYNS, Jean-Yves COUSIN, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Rémi DELATTE, Richard DELL’AGNOLA, Sophie DELONG, Nicolas DHUICQ, Michel DIEFENBACHER, Jacques DOMERGUE, Dominique DORD, Jean-Pierre DUPONT, Yannick FAVENNEC, Daniel FIDELIN, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Cécile GALLEZ, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Claude GATIGNOL, Bernard GÉRARD, Charles-Ange GINESY, Philippe GOSSELIN, Jean-Pierre GRAND, Anne GROMMERCH, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Arlette GROSSKOST, Serge GROUARD, Louis GUÉDON, Christophe GUILLOTEAU, Arlette FRANCO, Francis HILLMEYER, Françoise HOSTALIER, Denis JACQUAT, Paul JEANNETEAU, Marc JOULAUD, Patrick LABAUNE, Jacques LAMBLIN, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Marguerite LAMOUR, Pierre LANG, Laure de LA RAUDIÈRE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Thierry LAZARO, Jacques LE GUEN, Geneviève LEVY, Michel LEZEAU, Alain MARC, Henriette MARTINEZ, Jean-Pierre MARCON, Thierry MARIANI, Muriel MARLAND-MILITELLO, Franck MARLIN, Philippe Armand MARTIN, Alain MARTY, Jacques MASDEU-ARUS, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Philippe MEUNIER, Jean-Claude MIGNON, Pierre MORANGE, Jean-Marie MORISSET, Georges MOTHRON, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Yves NICOLIN, Yanick PATERNOTTE, Christian PATRIA, Béatrice PAVY, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Étienne PINTE, Michel PIRON, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Frédéric REISS, Jacques REMILLER, Bernard REYNÈS, Camille de ROCCA-SERRA, Bruno SANDRAS, Georges SIFFREDI, Dominique SOUCHET, Lionel TARDY, Yves VANDEWALLE,Christian VANNESTE, Isabelle VASSEUR, Patrice VERCHÈRE, Philippe VIGIER, Philippe VITEL, Gérard VOISIN, Michel VOISIN, André WOJCIECHOWSKI, Marie-Jo ZIMMERMANN et Michel ZUMKELLER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que le marché des transferts des joueurs de football, le mercato, bat son plein, les français sont informés chaque jour de transfert atteignant des millions d’euros.

Alors que notre pays connaît une crise économique majeur et que la situation est difficile pour nombre de nos concitoyens. Il convient de revenir à la raison et faire en sorte que les footballeurs redeviennent des contribuables comme les autres, le talent ne justifiant pas tout.

Le départ pour l’étranger de l’un des meilleurs joueurs de championnat de France de Ligue 1 de football, au-delà de l’émotion suscitée chez les passionnés de ce sport, vient de démontrer de manière éclatante l’inutilité des niches fiscales et sociales accordées aux sportifs professionnels.

Il est du devoir du législateur, afin d’une part de préserver les ressources de l’État et de notre système de protection sociale, et d’autre part d’éviter la mise en place d’un système sportif fondé sur un endettement excessif et de niches fiscales injustifiées de fixer des limites raisonnables.

Les clubs français ne pourront jamais rivaliser avec la démesure financière du real de Madrid de Chelsea et du Milan AC et les contribuables français ne doivent pas faire les frais d’une course à l’échalote sportive malsaine.

Alors que nombre de salariés de notre pays subissent de manière directe ou indirecte, les effets de la crise, les rémunérations des sportifs professionnels atteignent des niveaux supérieurs à nombre de cadres et dirigeants d’entreprises.

En effet, les rémunérations des dix joueurs de footballeurs les mieux payés de la Ligue de Football sont-elles comprises entre 100 000 et 285 000 euros mensuels, le salaire moyen des joueurs de Ligue 1 s’établissant à 47 000 euros mensuels.

Ces rémunérations bénéficient d’une multiplicité de mécanismes fiscaux et sociaux avantageux visant à diminuer l’imposition sur le revenu des sportifs professionnels :

– l’option pour le bénéfice moyen (Article 100 bis du code général des impôts) ;

– l’utilisation extensive du régime du droit à l’image (Article 222-2 du code du sport) ;

– le régime fiscal de l’impatriation (Article 81 B du code général des impôts).

Dans cette période de crise économique, ces niveaux de rémunération, et plus encore ces avantages fiscaux et sociaux injustifiés, sont choquants !

Le bénéfice moyen est un système de lissage des revenus permettant d’atténuer la progressivité de l’impôt. En vertu de l’article 100 bis du code général des impôts lorsqu’un contribuable opte pour le bénéfice moyen son revenu doit être immédiatement établi d’après la moyenne des recettes et des dépenses des trois, ou cinq sur option du contribuable, dernières années. L’application de ce mécanisme peut permettre une réduction d’un tiers du revenu imposable.

Les sportifs titulaires bénéficient au titre du droit à l’image, dans le cadre de l’article 222-2 du code du sport, d’une distinction entre d’une part le salaire assujetti aux cotisations du régime général de sécurité sociale et d’autre part la fraction de rémunération qui leur est versée en raison de la vente ou de l’exploitation ou de l’enregistrement de leur interprétation, qui fait l’objet d’une exonération de ces cotisations.

Ce dispositif, actualisé par la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008, s’applique aux rémunérations versées jusqu’au 30 juin 2012.

Le nombre de sportifs professionnels bénéficiaires du « droit à l’image collective » s’est ainsi élevé, en 2007, à 1 267 personnes, 639 footballeurs, 492 rugbymen et 136 basketteurs.

Dans son rapport annuel au titre de l’année 2009, la cour des comptes souligne « alors mêmes que le sport professionnel, en tant qu’activité privée lucrative, draine des masses financières de plus en plus importantes » que les règles fiscales et sociales relatives au droit à l’image des sportifs « abouti à ce que ce régime d’aide publique bénéficie avant tout aux sportifs professionnels dont les rémunérations sont les plus importantes et à ce que cet avantage soit d’autant plus grand que ces rémunérations sont élevées ».

Ces dispositifs représentent ont un coût important pour le budget de l’État et des organismes de sécurité sociale. Ainsi le seul mécanisme du droit à l’image se serait-il traduit, selon la Cour des comptes par un coût total de 95 millions d’euros pour les finances de l’État.

Selon les magistrats de la juridiction financière, « cette charge budgétaire, que le Ministère chargé des sports n’avait aucunement anticipé, s’est traduit dans un premier temps par plusieurs irrégularité budgétaires ».

Ces dispositifs ont été mis en œuvre au nom de la compétitivité des clubs français et de la nécessité de maintenir ou de faire revenir dans les championnats français les sportifs les plus talentueux exerçant dans les championnats étrangers.

Or, le rapport 2009 de la Cour des comptes met clairement en évidence que « depuis sa mise en place, les départs des meilleurs joueurs français vers l’étrangers n’ont pas été interrompus, ni même freiné » et que « le retour massif des joueurs les plus réputés, qui était attendu, ne s’est pas produit ».

Le départ de l’un des meilleurs joueurs français lors du mercato 2009-2010 pour le Réal de Madrid illustre la pertinence de l’analyse de la juridiction financière.

En réponse aux observations de la Cour des comptes, le Secrétariat d’État chargé des sports a même reconnu, que le régime du droit à l’image collective ne pouvait combler que de manière mineure le différentiel de rémunération entre les clubs français et étrangers..

Dans son rapport 2009, la Cour des comptes recommande d’ailleurs, « la suppression de ce dispositif et la réaffectation des crédits ainsi libérés sur des actions plus directement en rapport avec les objectifs assignés par les pouvoirs publics au programme sport », tels que en particuliers l’accroissement de la pratique sportive découlant d’une meilleure formation des jeunes ».

Le régime fiscal favorable de l’impatriation, qui concerne également les sportifs professionnels résulte de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 qui a créé un article 81 B du code général des impôts disposant que « Les salariés et les personnes mentionnées aux 1°, 2° et 3° du b de l’article 80 ter appelés par une entreprise établie dans un autre État à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée ne sont pas soumis à l’impôt à raison des éléments de leur rémunération directement liés à cette situation. Cette disposition s’applique jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de leur prise de fonctions et à la condition que les personnes concernées n’aient pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle de cette prise de fonctions ». Les sportifs de haut niveau, et plus particulièrement les footballeurs professionnels, qui négocient, lors de leurs transferts en provenance de clubs étrangers, une importante prime d’impatriation.

Ainsi lors du mercato 2008-2009, les quatre transferts les plus importants du championnat de France de Ligue 1 de football ont-ils coûté aux contribuables français, au titre de l’impatriation, la somme de 1 494 890 € !

C’est pourquoi, il est aujourd’hui indispensable, dans un souci de préservation des deniers publics, de transparence et de moralisation du sport professionnel, conformément aux recommandations de la Cour des comptes de supprimer les niches fiscales et sociales accordées aux sportifs professionnels.

Ainsi l’article 1er de la présente proposition vise à préciser les conditions d’application de l’article 100 bis du code général des impôts relatif à l’option fiscale du bénéfice moyen et à en exclure les sportifs professionnels.

L’article 2 vise à mettre fin au régime du droit à l’image pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2010.

Enfin, l’article 3 vise à exclure du bénéfice du régime fiscal de l’impatriation les sportifs professionnels.

L’adoption de ces mesures permettrait de clarifier le régime fiscal des sportifs de haut niveau, de rétablir une certaine équité fiscale ; les principaux bénéficiaires du régime actuel étant les sportifs de haut niveau les mieux rémunérés ; de mieux protéger les deniers publics et de rationaliser les mécanismes de soutien au sport de haut niveau.

Tels sont, Mesdames, Messieurs les objectifs de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

À l’article 100 bis du code général des impôts supprimer les mots : « de même que ceux provenant de la pratique d’un sport ».

Article 2

Au IV de l’article 222-2 du code du sport substituer les mots : « jusqu’au 31 décembre 2009, aux mots : « jusqu’au 30 juin 2012 ».

Article 3

À l’article 81 B après les mots : « les salariés » rajouter les mots : « à l’exception des sportifs professionnels ».


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