N° 3517 - Rapport d'information de MM. François-Michel Gonnot et Philippe Martin (Gers) déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les gaz et huile de schiste




N° 3517

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2011

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION

sur les gaz et huile de schiste

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ET PRÉSENTÉ

PAR M. François-Michel GONNOT

ET M. Philippe MARTIN

Députés.

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INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LES BASES DU DÉBAT : DÉFINITIONS TECHNIQUES, ÉLÉMENTS ÉCONOMIQUES ET SITUATION INTERNATIONALE 15

I.— LES HYDROCARBURES JUSQU’AU XXE SIÈCLE 16

II.— LES HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS 17

III.— LES TECHNIQUES EMPLOYÉES 19

A.— LE FORAGE HORIZONTAL 20

B.— LA FRACTURATION HYDRAULIQUE 21

1. Le principe de la fracturation hydraulique 21

2. Le fluide de fracturation 22

3. Une technique désormais courante dans l’industrie pétrogazière 24

IV.— L’IMPACT STRATÉGIQUE DES NOUVELLES RESSOURCES 27

A.— EN AMÉRIQUE DU NORD 27

B.— DANS LE MONDE 30

C.— DANS L’UNION EUROPÉENNE 31

D.— EN FRANCE 33

1. Des besoins certains pour l’avenir 33

2. Des ressources à confirmer 34

DEUXIÈME PARTIE : L’ENJEU DU DÉBAT : HYDROCARBURES DE SCHISTE ET PRÉSERVATION DE L’ENVIRONNEMENT 37

I.— UN EXEMPLE AMÉRICAIN QUI SUSCITE LA PEUR 38

A.— GASLAND  38

B.— L’ÉMERGENCE D’UNE INDUSTRIE AUX ÉTATS-UNIS 39

II.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE ET LA PROTECTION DE L’ESPACE 41

A.— DES PUITS À N’EN PLUS FINIR ? 42

B.— UNE CONCURRENCE D’USAGE SUR DES SUPERFICIES D’ENVERGURE ? 45

C.— UN TRAFIC ROUTIER INCESSANT ? 47

III.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE ET LES ADDITIFS CHIMIQUES 48

A.— DES PRODUITS SECRETS ? 48

B.— DES PRODUITS DANGEREUX ? 49

C.— QUE DEVIENNENT LES PRODUITS UNE FOIS LE PUITS ABANDONNÉ ? 51

IV.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE ET LA PROTECTION DE L’EAU 52

A.— QUELLE EAU POUR LA FRACTURATION HYDRAULIQUE ? 53

B.— QUELS RISQUES DE CONTAMINATION ? 54

1. Les accidents de surface 55

2. Les risques encourus dans le sous-sol 56

3. Le cas du bassin parisien 58

4. Le cas du sud de la France 59

C.— QUEL TRAITEMENT POUR L’EAU USÉE ? 61

1. Un stockage en bassin de rétention à ciel ouvert ? 61

2. Un facteur de risque sismique ? 62

3. Une eau recyclée ? 62

D.— UNE OBLIGATION FONDAMENTALE : LE POINT INITIAL DE SITUATION 63

V.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE ET LES REJETS DANS L’ATMOSPHÈRE 64

A.— QUEL RISQUE POUR L’AIR ENVIRONNANT ? 64

B.— DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ACCRUES OU DIMINUÉES ? 66

C.— LA PERPÉTUATION DE L’ÂGE DES FOSSILES ? 69

TROISIÈME PARTIE : LES MOYENS DU DÉBAT : LES IMPERFECTIONS DU CODE MINIER 73

I.— LES CARENCES D’UNE LOGIQUE PRODUCTIVISTE 75

A.— UNE INSTRUCTION LONGUE ET COMPLEXE 75

B.— DES DOSSIERS INCOMPLETS QUI NE PERMETTENT PAS LA DÉCISION PUBLIQUE 78

C.— UNE PROCÉDURE SIMPLIFIÉE 80

II.— LES INCONSÉQUENCES RÉVÉLÉES 84

A.— UN ÉTAT LONGTEMPS IGNORANT DES ENJEUX 84

B.— UN ÉTAT EN MANQUE DE COHÉRENCE ET DE COMPÉTENCE 85

C.— UN ÉTAT QUI MÉCONNAÎT LA PAROLE DES CITOYENS SUR LE TERRAIN 87

D.— UN ÉTAT QUI FRAGILISE L’ACTIVITÉ PÉTROLIÈRE TRADITIONNELLE 89

III.— L’INDISPENSABLE RÉFORME DU CODE MINIER 90

A.— L’EXIGENCE D’UNE PLUS GRANDE PRÉCISION TECHNIQUE 90

B.— L’IMPÉRATIVE ASSOCIATION À LA DÉCISION MINIÈRE 91

C.— LA NÉCESSAIRE REFONTE DE LA FISCALITÉ 93

D.— UNE MEILLEURE TRANSPARENCE POUR UNE PLUS GRANDE CONCURRENCE 95

CONCLUSION : QUEL CHEMIN SUIVRE ? 97

CONCLUSION DE FRANCOIS-MICHEL GONNOT, CO-RAPPORTEUR 101

CONCLUSION DE PHILIPPE MARTIN, CO-RAPPORTEUR 105

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION 109

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 129

DÉPLACEMENT À HANOVRE (BASSE-SAXE, ALLEMAGNE) 134

DÉPLACEMENT EN AMÉRIQUE DU NORD 135

ANNEXES 137

Mesdames, Messieurs,

L’actualité de ce début d’année 2011 n’a pas manqué de nous rappeler combien la stratégie énergétique doit désormais trouver une place de premier rang dans les préoccupations des gouvernements nationaux et de la société internationale. La France et l’Europe mènent un combat déterminé pour la réduction de la production de gaz à effet de serre, la promotion du développement durable et la prise en compte des conditions définies par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) (1) pour limiter le changement climatique. Cet engagement politique se traduit par des contraintes économiques et par des mécanismes de contrôle qui ont un impact sur les performances de notre industrie. Vos rapporteurs ont eu l’occasion, en 2010 (2), de mettre en lumière les sacrifices que réclame le système de quotas d’émission de CO2 ainsi que son absolue nécessité dans le respect des objectifs assignés par le Protocole de Kyôto (3). Après le douloureux échec de Copenhague et le relatif succès de Cancún, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale s’apprête à suivre les discussions de Durban d’ici quelques mois.

Les efforts consentis par l’Europe pour préserver l’environnement et réduire l’empreinte carbone de son économie ne sont pas négligeables. Ceux de la France sont même remarquables puisqu’elle ne dispose pas des marges de manœuvre ménagées par les productions électriques fondées sur les fossiles. Le parc nucléaire national, le second au monde, garantissait une énergie abondante et propre – du point de vue climatique du moins, en dépit de la question toujours ouverte des déchets. Les partenaires européens reconnaissaient ces mérites : l’Allemagne prolongeait la durée de vie de ses installations, l’Italie envisageait la construction de nouveaux réacteurs. Il fallait sortir du fossile, éliminer les pollutions nées du charbon et du pétrole. Construire un modèle de croissance durable se justifiait d’autant plus que les réserves d’hydrocarbures prouvées approchaient fatalement de leur épuisement. L’atome se présentait en énergie de substitution idéale à beaucoup.

Ce consensus s’est évanoui avec la catastrophe naturelle qui a frappé le Japon. La combinaison du très fort séisme du 11 mars 2011 et du raz-de-marée de grande ampleur qui l’a suivi ont durement éprouvé la centrale de Fukushima Daichi (4). Sans qu’il soit encore possible de déterminer les conséquences définitives de la catastrophe, classée au plus haut degré de l’échelle des accidents nucléaires à l’instar de l’explosion de Tchernobyl, celle-ci a rappelé au monde l’immense danger d’une production atomique mal maîtrisée, mal sécurisée et mal protégée. La réaction des opinions publiques, parfois transcrite dans les urnes comme en Allemagne (5), en Suisse (6) et peut-être en Italie (7), a mis un terme au renouveau nucléaire en poussant les gouvernements à rechercher des sources d’énergie alternatives.

C’est dans ce contexte – et pour être précis, quelques années auparavant déjà – que les progrès de la technique ont mis à la disposition du monde des ressources pétrolières et gazières insoupçonnées. La fracturation hydraulique et le forage horizontal sont deux techniques anciennes, vieilles chacune de plusieurs décennies. Mais leur juxtaposition dans la même exploitation pétrolière, et leur maîtrise à plusieurs kilomètres de profondeur, a la jeunesse du XXIe siècle. Cette approche a rendu possible la libération et la production des hydrocarbures piégés dans la roche-mère. Ce gaz de schiste était certes connu de longue date, atteint par des puits expérimentaux anciens, mais cette évolution technique a permis la rentabilité économique des opérations. Aux États-Unis, dont les industriels ont développé la technologie, la croissance exponentielle de la production gazière a entraîné une révolution énergétique : les exploitations nationales satisfont la demande domestique, suscitant une réorientation des approches stratégiques américaines dans la sphère internationale.

Ces nouvelles ressources reposent dans les sous-sols d’à peu près tous les continents. L’Europe dispose également de ce « cadeau », que beaucoup jugent empoisonné tant seraient négatives les implications d’une production massive. La mise à disposition du gaz et du pétrole emprisonnés dans la roche-mère entraîne en effet des impacts sur l’environnement qui ne manquent pas de susciter les craintes les plus vives. Les investigations scientifiques et politiques laissent entendre que certaines sont fondées, que d’autres le sont moins, et que d’autres enfin ne l’ont jamais été. Sur le principe, la libération d’un immense volume d’hydrocarbures compromettrait les efforts consentis pour la réduction des émissions de carbone et la transition vers les énergies vertes, dont chacun attendait qu’elles se substituent, du moins à long terme, aux productions contemporaines.

*

* *

Confronté à des manifestations populaires relayées par les médias et par les élus, le Gouvernement a amené les industriels à suspendre les opérations relatives aux gaz et huile de schiste qui exigeraient une fracturation hydraulique de la roche. Les ministres de l’Environnement, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, et de l’Énergie, M. Éric Besson, ont sollicité le 11 février les conseils généraux de l’environnement et du développement durable (CGEDD) d’une part, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) d’autre part, pour disposer d’une expertise technique. Les quatre ingénieurs nommés ont présenté un rapport d’étape le 20 avril ; leurs conclusions définitives étaient attendues le 31 mai (8). Il convient de rappeler la nature politique de ce moratoire prolongé le 11 mars à la demande du Premier ministre, qui démontrait la bonne volonté des industriels, alors qu’aucun décret ou arrêté ne lui a donné force juridique.

La commission du développement durable de l’Assemblée nationale a également entendu les interrogations des citoyens : constatant la nécessité d’un débat apaisé conduit sur des bases consensuelles, et qu’une perspective politique complèterait la vision technique des experts mandatés par le Gouvernement, son président Serge Grouard a proposé aux parlementaires la formation d’une mission d’information bipartisane.

Vos rapporteurs ont accepté leur nomination, votée le 1er mars par la commission. Ils ont également accepté de travailler à un rythme très rapide pour livrer leurs conclusions dans un délai de trois mois. En effet, la commission de l’énergie et du changement climatique de la Chambre des Communes britannique a bénéficié d’une période deux fois plus importante pour remettre son rapport (9). Le bureau d’audiences publiques sur l’environnement du Québec a également pu travailler pendant sept mois (10).

Vos rapporteurs ont procédé à plus de soixante heures d’auditions au cours desquelles ils ont entendu autorités publiques, élus, associations, industriels et juristes pour obtenir une connaissance étendue de la problématique des hydrocarbures de schiste, de ses enjeux et des risques liés à une potentielle exploitation. Comme cette industrie demeure à l’état embryonnaire sur le territoire national, ils ont en outre effectué des déplacements à l’étranger pour enrichir leur point de vue. En Allemagne (État de Basse-Saxe), aux États-Unis d’Amérique (capitale fédérale et État de Pennsylvanie) et au Canada (province de Québec), ils ont découvert des approches très différentes, des exemples à suivre et des erreurs à éviter.

*

* *

La poursuite des missions d’information parlementaire et gouvernementale n’est toutefois pas parvenue à apaiser la crainte d’une exploitation immédiate et sans précaution des gaz et huile de schiste. Le mois d’avril a vu se multiplier les initiatives législatives visant à empêcher l’industrie d’opérer des fracturations hydrauliques et à modifier le code minier pour une plus grande participation des citoyens. L’Assemblée nationale a vu le dépôt de trois propositions de loi (11). Le bureau du Sénat, pour sa part, en a reçu deux (12). Quant au Gouvernement, il a profité de l’ordonnance de codification du code minier pour adjoindre au projet de loi de ratification un article renforçant les procédures de consultation publique (13).

La procédure parlementaire a permis à un de ces textes d’aboutir. La proposition de loi n° 3301 présentée par notre collègue Christian Jacob a été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, en procédure accélérée conformément à la volonté gouvernementale. Sur le rapport de Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, le 11 mai 2011 a vu son adoption solennelle. Le Sénat discutera dans les prochains jours une version légèrement amendée par sa commission de l’économie. La réunion de la commission mixte paritaire et la promulgation du texte devraient avoir lieu avant la fin de la session parlementaire.

Vos rapporteurs saluent la rigueur et la précaution qui ont présidé à l’examen de cette proposition de loi, notamment dans le choix de cantonner son objet aux hydrocarbures. Toutefois, ils ne peuvent que regretter la précipitation de l’ensemble de la procédure. Il ne nous a pas paru cohérent, ni même logique, que le Parlement puisse définitivement adopter une loi avant d’entendre le rapport de ses membres sur le sujet traité, avant de prendre connaissance des conclusions des ingénieurs sollicités par le Gouvernement, avant de disposer de bases de discussions approfondies. Les trois derniers mois ont montré un emballement peu rationnel qu’il conviendra de ne pas réitérer à l’avenir, sous peine de décourager la poursuite de missions d’information et de décrédibiliser la représentation nationale aux yeux des observateurs et de l’étranger. Au vu de la procédure, la question de la poursuite de cette mission s’est logiquement posée. Vos rapporteurs ont néanmoins décidé de la mener à son terme, sur les encouragements du président de la commission, pour faire partager le fruit des travaux déjà accomplis.

En effet, malgré les informations collectées au cours de leurs premières auditions, vos rapporteurs ont choisi d’intervenir le moins possible dans le débat pour éviter de livrer l’impression d’avoir arrêté leur position avant d’entendre toutes les parties. Il reste que les dispositions retenues, acceptables dans une démarche de précaution vouée à trouver une limite dans le temps, interrogent dès lors qu’elles s’avèrent destinées à durer. La fracturation hydraulique, interdite dans le domaine pétrolier, reste licite ailleurs. L’abrogation sans indemnité de permis de recherches régulièrement obtenus heurte la tradition juridique.

La loi votée dans quelques semaines n’est qu’une étape. Elle ne doit pas empêcher une réflexion d’ensemble sur la politique énergétique de la France et une réforme d’envergure de notre code minier, dont les principes apparaissent en décalage manifeste avec les enjeux du XXIe siècle.

*

* *

C’est dans la perspective de ce débat national, et avec la volonté affirmée de faire œuvre utile, que vos rapporteurs ont accompli la mission que leur a confiée la commission du développement durable.

Dans une première partie, les termes du sujet seront définis avec autant de précision que le permet un domaine où les fourchettes statistiques sont très larges car très variables suivant l’opération menée et la nature du sous-sol. La difficile distinction entre conventionnel et non conventionnel, le processus de fracturation, les évaluations des ressources du sous-sol français et l’impact géopolitique de la révolution des hydrocarbures seront expliqués et explicités. Il est trop fréquent de lire dans la presse, ou d’entendre dans les échanges – y compris dans les assemblées parlementaires – des confusions et des généralisations.

Dans une deuxième partie, les interrogations environnementales face aux techniques d’exploration et d’exploitation seront examinées. Les investigations et les déplacements ont permis de les classer en trois catégories : les inquiétudes manifestement fondées, les craintes autrefois justifiées que le droit et le progrès technique ont dissipées, les superstitions que rien de concret ne vient étayer.

Dans une troisième partie, la procédure minière actuelle sera passée au crible. La faible médiatisation de l’octroi des permis a suscité l’émergence d’une « théorie du complot », d’un accord passé entre pouvoirs publics et puissances de l’argent au détriment des citoyens. Rien n’étaye cette thèse (14). L’administration a parfaitement respecté le code minier et ses procédures, aucune intervention politique – c’est bien le problème – n’a eu lieu. La France n’est pas une terre riche en hydrocarbures. Ses règles ont été adaptées en conséquence : on n’entrave pas une industrie peu présente, peu active et peu lucrative. La révolution des gaz et huile de schiste a surpris tous les acteurs. Il convient, désormais, d’en tirer les leçons.

*

* *

Vos rapporteurs ont donc axé leurs travaux sur la situation existante. Ils se sont penchés sur les modalités procédurales et sur les technologies employées dans le but de fournir à l’Assemblée nationale des informations claires et objectives. Le but commun a été de verser ce rapport au débat et de souligner les éléments que le bon sens et l’honnêteté intellectuelle distinguent.

Cette démarche n’exclut pas les désaccords, expressions évidentes de sensibilités divergentes. Avant les modalités juridiques et les bonnes pratiques viennent les orientations politiques. Avant la question « comment ? » vient la question « pourquoi ? ». Au moment où cette mission vient à son terme, vos rapporteurs ne partagent pas la même vision de l’avenir énergétique de la France et de la place que doivent y jouer les hydrocarbures. Le facteur climatique, le rôle de la France sur la scène internationale, le prix économique d’une vertu nationale sans écho à l’étranger, le potentiel réel des énergies renouvelables dans un bouquet énergétique en partie nucléaire, sont entendus différemment. Pour cette raison, si l’analyse contenue dans ce rapport est relativement partagée, les conclusions générales ne le seront pas. Chacun de vos rapporteurs exprimera sa vision à l’issue de l’exposé économique, technique et juridique. Il reviendra à chacun d’arrêter son opinion, une fois correctement informé.

PREMIÈRE PARTIE


LES BASES DU DÉBAT : DÉFINITIONS TECHNIQUES, ÉLÉMENTS ÉCONOMIQUES ET SITUATION INTERNATIONALE

Dans la polémique qui s’est engagée au cours du premier semestre 2011, il n’est parfois pas simple de faire la part du vrai et du faux. Avant de traiter les impacts d’une production des gaz et huile de schiste français sur l’environnement, vos rapporteurs souhaitent apporter une clarification au débat afin que chacun puisse se déterminer en toute connaissance du sujet. (15)

Dans un domaine où la technologie occupe une place éminente comme l’industrie pétrogazière, les mots ont un sens précis que la controverse médiatique peut altérer, en négligeant une subtilité pourtant fondamentale ou en transposant trop vite un terme emprunter de la langue anglaise. Ainsi, le terme « gaz de schiste » provient de la « mauvaise » traduction de l'anglais « shale gas », expression dépourvue de traduction française simple.

Qu’est-ce que le gaz de schiste ? (16)

Selon le Dictionnaire de Géologie de Foucault et Raoult, ce terme anglais shale « désigne toute roche sédimentaire litée à grain très fin, en générale argileuse ou marneuse ». On peut comparer cette définition avec les deux définitions du mot "schiste", qui sont les suivantes dans ce même dictionnaire : « (1) au sens large (qu'il vaut mieux éviter), toutes roches susceptibles de se débiter en feuillet. Ce terme peut donc désigner aussi bien un schiste métamorphique (angl. schist), qu'une roche présentant un clivage ardoisier (angl. slate) ou bien une pélite (argile) feuilletée (angl. Shale)[…] et (2) : roche ayant acquis une schistosité sous l'influence de contraintes tectoniques ».

Dans l'expression « gaz de schiste », le terme « schiste » est donc par définition un terme qu'il est souvent conseillé d'éviter. Cela commence bien ! Ce gaz n'est pas contenu dans des schistes au sens tectono-métamorphique (le sens usuel et conseillé en France), mais dans des argiles et marnes litées, bien sédimentaires. On devrait donc plutôt parler de « gaz de marnes » ou de « gaz de pélites ».

Au Québec, l'expression juste serait plutôt « shales gazifères » ou « gaz de shale ». Le Petit Robert définit un schiste comme une roche se défaisant facilement en plaques mais cette définition est trop floue pour servir à une étude géologique. Le rapport d’étape de la mission conjointe CGIET/CGEDD estime qu’il serait juste de parler de « gaz et huile de schiste », mais il emploie les termes de « gaz et huile de roche-mère » pour respecter le vocabulaire contenu dans sa lettre de mission ministérielle.

S’il revient au Parlement de trancher une querelle lexicale, c’est au moment d’inscrire des mots dans le marbre de la loi. Vos rapporteurs considèrent que les expressions « gaz de schiste » et « huile de schiste » sont entrées dans le débat public. Ils recommandent qu’une loi leur donne un statut en droit à l’occasion de la prochaine réforme du code minier. Ce rapport privilégiera leur emploi, sans toutefois abandonner complètement les autres expressions précédemment évoquées.

I.— LES HYDROCARBURES JUSQU’AU XXE SIÈCLE

Les hydrocarbures sont des composés organiques contenant exclusivement des atomes de carbone et d'hydrogène. Ils sont une ressource énergétique de première importance pour l'économie depuis la révolution industrielle, mais aussi les responsables d’émissions de gaz à effet de serre qui précipitent le changement climatique.

Le gaz naturel conventionnel est principalement constitué de méthane (CH4), l’hydrocarbure le plus simple. Le pétrole, à la composition plus complexe, obéit aux mêmes principes de formation. Celle-ci suppose une accumulation de matière organique, essentiellement végétale, en un lieu coupé de la biosphère qui devrait normalement la dégrader. À mesure que des couches de sédiments se déposent au-dessus de cette strate riche en matières organiques, la température et la pression qui règnent dans la « roche-mère » augmentent. La matière organique se transforme en kérogène disséminé dans la roche sous forme de petits grumeaux.

Selon sa composition et les conditions d’enfouissement, le kérogène produit du pétrole ou du gaz naturel. L’élévation de la pression provoque, au terme de plusieurs millions d’années, une migration des hydrocarbures de la roche mère grâce à sa perméabilité intrinsèque ou à la suite d'une fracturation.

Méthane et autres hydrocarbures mobiles cheminent en suivant les zones perméables en direction de la surface, car ils sont moins denses que l'eau qui imprègne le sous-sol. Ils peuvent arriver en surface où ils sont oxydés ou biodégradés. Ils peuvent aussi être piégés dans des structures géologiques appelées « pièges ». Ils s’accumulent alors dans une zone perméable ou « roche-réservoir » dont une couche imperméable, la « roche piège », interdit la migration.

Un gisement conventionnel d'hydrocarbures exige donc que la roche mère soit suffisamment perméable pour laisser migrer ses hydrocarbures, et que la roche magasin soit elle aussi suffisamment perméable pour qu'un pompage suffise à extraire les hydrocarbures qu'elle contient.

La roche mère fournit pétrole ou gaz en fonction de sa température (donc de sa profondeur). Les flèches blanches montrent la migration du pétrole et du gaz de la roche mère vers et au sein d'une roche magasin, ainsi que le long d'une faille. Si cette migration est stoppée par un piège, on aura un gisement. La roche magasin étant perméable, un simple forage vertical suffit pour extraire une proportion notable des hydrocarbures contenus dans le piège. Si il n'y a pas de « piège », pétrole et gaz pourront atteindre la surface.

Source : planet-terre.ens-lyon.fr

Une incertitude importante règne sur la taille réelle des réserves connues de pétrole et de gaz, dans la mesure où les pays producteurs tentent de limiter la diffusion de cette évaluation stratégique. La hausse continue de la consommation énergétique mondiale et le caractère fini des ressources fossiles devraient provoquer une hausse ininterrompue des prix et encourager le développement d’énergies alternatives. Toutefois, cette hausse des prix rend envisageable l’exploitation de gisements auparavant tenus pour économiquement inexploitables, retardant d’autant l’incitation financière au développement des énergies nouvelles.

C’est le cas des gisements non conventionnels.

II.— LES HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS

Avant toute présentation de ce que recouvrent les hydrocarbures non conventionnels, il convient à nouveau de s’interroger sur le sens des mots. Rien ne distingue les hydrocarbures non conventionnels des autres, sinon le sol qui les recèle et la technologie mise en œuvre pour leur extraction.

De plus, l’usage du terme « non conventionnel » semble particulièrement malvenu. Ce qui est conventionnel fait convention, c'est-à-dire entre dans l’approche traditionnelle d’un domaine donné. Ce qui est non conventionnel relève de la nouveauté. Mais l’histoire et la technique avancent : une innovation tend toujours à être dépassée par une autre, et une approche novatrice à devenir classique à mesure que son usage se répand. Ainsi, les ressources non conventionnelles sont vouées à devenir conventionnelles à l’avenir, de la même façon que « l’époque moderne » des historiens s’achève il y a près de deux siècles, ou que la « nouvelle vague » des cinéastes appartient désormais à l’histoire.

Les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels désignent différents types de ressources :

– « l’huile de schiste » (oil in shale) est un pétrole piégé dans la roche-mère suite à son enfouissement profond ;

– « l’huile de réservoir compact » (tight oil) est parvenue à migrer depuis la roche-mère, mais elle se trouve localisée dans un réservoir peu perméable difficile d’accès ;

– le « gaz de réservoir compact » ou « gaz compact » ou « gaz serré » (tight gaz) s’est accumulé dans un réservoir peu perméable, comme l’huile évoquée ci-dessus. Il s'agit de méthane en position intermédiaire entre le gaz de schiste et le gaz conventionnel ;

– le « gaz de houille » (coalbed methane-CBM) se rencontre dans les couches de charbon, riches en méthane adsorbé, que les mineurs nomment « grisou ». Il est produit par de simples forages verticaux quand une fracturation naturelle de la roche a suffi à libérer une quantité suffisante de méthane pour générer un débit significatif. Dans le cas contraire, il faut stimuler la roche par fracturation hydraulique ;

– le « gaz de mine » (coal mine methane-CMM), de la même nature que le précédent, que l’on récupère par simple pompage dans les anciennes mines non ennoyées, notamment en France dans les anciens filons du Nord-Pas-de-Calais ;

– les « schistes bitumineux » (oil shale) et les « sables bitumineux » (oil sands) sont des matières organiques qui ne sont pas demeurées suffisamment longtemps dans la roche-mère pour se transformer en hydrocarbures. Leur exploitation ne nécessite pas de fracturation hydraulique mais un traitement thermique extrêmement coûteux en énergie ;

– les hydrates de méthane sont un mélange d’eau et de méthane susceptible de cristalliser sous certaines conditions de pression et de température. Ils ne sont pas exploités à l’heure actuelle et ne le seront vraisemblablement pas avant plusieurs décennies. Ils se rencontrent dans le permafrost des zones arctiques et au fond des océans ;

– enfin, le « gaz de schiste » (shale gaz) est un gaz demeuré emprisonné dans la roche sédimentaire, situé à une profondeur de 2 à 3 kilomètres de la surface. Le méthane y est contenu dans des micropores ne communiquant pas ; il est éventuellement adsorbé sur des particules argileuses imperméables. Le milieu tient donc à la fois de la roche mère et du réservoir. Mais cette imperméabilité empêche son extraction par des moyens classiques de forage.

Vos rapporteurs ont sollicité de leurs interlocuteurs successifs une définition des « hydrocarbures non conventionnels ». Beaucoup ont répondu qu’il s’agit des ressources dont l’extraction nécessite un quelconque traitement de stimulation pour obtenir une production commerciale. Cette approche ne satisfait pas vos rapporteurs en ce qu’elle néglige le gaz de mine, sauf à considérer que la stimulation nécessaire à son pompage a eu lieu il y a plusieurs décennies. Finalement, rien ne semble rapprocher les différentes catégories exposées à l’exception de la relative nouveauté de leur exploitation. Vos rapporteurs déconseillent par conséquent l’usage de l’expression « non conventionnel » dans la perspective d’une prochaine réforme du code minier.

III.— LES TECHNIQUES EMPLOYÉES

Le premier puits de gaz naturel foré aux États-Unis, à Fredonia dans l’État de New York, en 1821, était une exploitation de gaz de schiste. Cependant, la faiblesse de la production et la découverte des gisements conventionnels ont détourné les prospecteurs de cette ressource jusqu’au tournant du millénaire. Les opérations d’extraction étaient jusqu’alors très peu rentables, même avec une fracturation hydraulique de la roche. C’est la combinaison de cette technique et de la méthode de forage dirigé – ou « forage horizontal » – qui a donné à l’activité sa rentabilité au début des années 2000 dans le champ texan de Barnett.

A.— LE FORAGE HORIZONTAL

La rentabilité de l’exploitation des gaz et huile de schiste nécessite de fracturer la roche-mère et de libérer suffisamment d’hydrocarbures pour couvrir les coûts liés à l’opération. Cet équilibre financier n’était pas accessible tant que les puits verticaux ne pouvaient atteindre qu’un volume limité de la strate sédimentaire.

Le passage à des forages dirigés change la donne économique. Dorénavant, l’exploitant a la possibilité de creuser un drain qui suit la roche-mère sur plusieurs centaines de mètres, voire sur plusieurs kilomètres, en s’adaptant à ses évolutions. Les fracturations peuvent être réalisées tout au long du drain, avec une fréquence qui varie en fonction du milieu géologique.

La France détient une expertise en matière de forage horizontal puisque les premiers forages ont été effectués à Lacq il y a désormais plus de trente ans. Total a indiqué à vos rapporteurs détenir le record du monde de longueur en la matière avec un forage de plus de onze kilomètres au large de l’Amérique du Sud, mais ce dernier point ne concerne pas l’exploitation des gaz et huile de schiste pour lesquels les forages n’excèdent pas quelques kilomètres.

B.— LA FRACTURATION HYDRAULIQUE

1. Le principe de la fracturation hydraulique

La fracturation hydraulique correspond à la dislocation ciblée de formations géologiques peu perméables au moyen de l'injection, dans le tube de forage et sous très haute pression – plus de 100 bars – d'un fluide destiné à ouvrir des microfissures dans la roche. Des grains de sable gardent ouvertes les fissures de manière à perpétuer l’écoulement des hydrocarbures le long du drain une fois l’injection d’eau sous pression interrompue. La pression de la roche referme en effet les fractures.

La traversée des nappes phréatiques, la grande profondeur à laquelle se déroulent les opérations et la forte pression à laquelle est injecté le fluide de fracturation requièrent l’emploi de cuvelages et de tubes spécifiques. Ceux-ci comportent plusieurs épaisseurs destinées à empêcher les fuites d’eau et les migrations d’hydrocarbures. Des normes internationales définissent la fiabilité des différents produits, et il est techniquement possible – quoique financièrement délicat – de multiplier les couches de ciment et d’acier pour renforcer les conditions de sécurité.

2. Le fluide de fracturation

Le fluide de fracturation est composé à 99,5 % d’eau et d’un agent de soutènement (proppant), généralement du sable, qui sont les seuls composants strictement indispensables à l’opération. L’eau transmet la pression permettant de fissurer la roche et transporte le sable, ce dernier maintenant les fissures ouvertes.

Certains phénomènes viennent cependant compliquer cette procédure et contraignent les opérateurs à adjoindre des produits chimiques à l’eau et au sable.

L’eau injectée peut contenir des bactéries, qui une fois dans le réservoir, sous l’effet notamment de la température, peuvent avoir une activité indésirable comme par exemple une production de sulfure d'hydrogène (H2S). Il est donc nécessaire de faire subir à l’eau injectée un traitement bactéricide en surface avant l’injection. Cette opération peut prendre la forme d’un ajout de désinfectants. Un traitement alternatif à base d’ultraviolets est développé en phase de test, qui permettrait de s’affranchir de ce type d’additifs.

Le sable sédimente assez rapidement dans l’eau, avec pour conséquence possible de s’accumuler dans les fissures à faible distance du puits, ne permettant pas de maintenir ouvertes les fissures éloignées, voire d’en empêcher la formation en bouchant les plus proches. Un produit gélifiant permet de garder le sable en suspension et donc d’assurer qu’il est transporté par l’eau jusque dans les fissures les plus distantes.

Rendre le fluide plus visqueux présente cependant un inconvénient. Lorsque le pompage cesse et que la pression exercée par les roches tend à refermer les fissures, donc à expulser les fluides, le sable se trouve entraîné facilement en chemin inverse pour la même raison qu’il avait pu être amené plus facilement grâce au gel. Un agent présent dans le fluide permet de « casser » le gel avec un effet décalé dans le temps, rendant le fluide à nouveau moins visqueux, et évitant au sable de repartir vers la surface.

Pour faciliter la circulation de l’eau, un produit réducteur de friction est utilisé. Il permet de diminuer considérablement la puissance nécessaire à l’injection, un des principaux facteurs limitant des opérations de fracturation.

Il s’agit là des quatre fonctions cruciales pour assurer une fracturation efficace avant mise en production. D’autres types d’additifs peuvent être utilisés, notamment un acide pour dissoudre certains minéraux et faciliter l’initiation des fissures, un inhibiteur de corrosion pour préserver les tubages en cas d’utilisation d’acide, ou encore des produits permettant d’empêcher la précipitation de minéraux ou de métaux dans les tubages.

La composition exacte des fluides de fracturation dépend très fortement des caractéristiques du réservoir et des conditions du puits.

La quantité d’eau nécessaire au forage et à la fracturation d’un puits de gaz de schiste serait comprise entre 10 000 et 20 000 m³ : un dixième de ce volume est employé au forage, le reste à l’ensemble des fracturations opérées tout au long du drain. Un puits d’huile de schiste consommerait une quantité d’eau moitié moindre. Seule une fraction de ce fluide – de 10 % à 80 %, un tiers en moyenne – remonte à la surface. La charge de son retraitement revient à l’industriel.

Enfin, des projets de recherche semblent en passe d’aboutir pour que l’eau ne soit plus nécessaire au processus de fracturation. Vos rapporteurs ont été informés, lors de leur déplacement en Amérique du Nord, d’une technique de fracturation au propane liquéfié. L’injection à haute pression provoque des fissures dans la roche-mère comme précédemment, mais la température du sous-sol provoquerait l’évaporation et le retour à la surface en même temps que le méthane visé par l’opération. Il convient de se montrer vigilant sur l’avenir de cette technologie qui, si elle venait à se voir généralisée, remettrait en cause l’interdiction établie par la proposition de loi actuellement en discussion au Sénat, puisque celle-ci ne proscrit que la fracturation hydraulique.

3. Une technique désormais courante dans l’industrie pétrogazière

La fracturation hydraulique est utilisée depuis plusieurs décennies pour améliorer la productivité des puits d’extraction d’hydrocarbures conventionnels. La première expérience positive remonte à 1947. Avec la croissance de l’exploitation des ressources non conventionnelles, le rythme s’est accéléré pour dépasser le million de puits fracturés au début du XXIe siècle. Une cinquantaine de fracturations hydrauliques auraient été opérées en France, dont près de trente au cours des dix dernières années. De même, cette technique a été employée à la fin des années 1990 pour la première fois sur un puits horizontal en Allemagne.

Source : Schuepbach Energy

Cette technologie connue s’accompagne d’une surveillance renforcée des opérations, notamment grâce à des simulateurs numériques et à des études microséismiques dont l’analyse des résultats occupe approximativement deux années.

La fracturation hydraulique est aussi une technique en géothermie

Afin de valider la technologie, un projet pilote est en cours de développement à Soultz-sous-Forêts (Alsace). L’objectif est de créer artificiellement des réservoirs géothermiques en profondeur. Pour cela, on utilise la technique de la fracturation hydraulique. Les roches sont fragmentées en injectant de l’eau et des adjuvants chimiques sous pression. Il devient alors possible de créer un échangeur thermique en profondeur grâce au forage de plusieurs puits. L'eau, réchauffée au contact des roches, peut alors transférer l’énergie à une unité de surface qui alimente une turbine.

Cependant, la technique présente encore certains problèmes qui doivent être résolus avant son développement à un stade industriel. L’un des plus importants est l’activité sismique générée lors de la fracturation hydraulique. Un projet, situé à Bâle en Suisse, est actuellement gelé suite à de faibles séismes enregistrés à la fin 2006 et au début 2007 lors d’opérations de fracturation. Le plus important a atteint 3,7 sur l’échelle de Ritcher, un niveau faible mais suffisant pour être ressenti par la population et pour entraîner de très légers dommages…

À Soultz-sous-Forêts, le séisme le plus fort s’est produit en 2003 et a atteint une magnitude de 2,9 sur l’échelle de Ritcher. L’ajout de produits chimiques à l’eau devrait néanmoins permettre de réaliser des fracturations hydrauliques en dissolvant certaines roches tout en réduisant l’activité sismique. Une technique déjà utilisée par l’industrie pétrolière, en particulier pour l’extraction des gaz de schiste.

Enfin, le comportement à long terme des réservoirs ainsi créés reste une inconnue de taille. Les questions à résoudre concernent à la fois les effets d’une injection d’eau à faible température (tout au moins par rapport à la température des roches) et le maintien à long terme d’une température élevée dans les réservoirs créés.

http://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/energie-geothermie/production-electrique-geothermie.php4

Les opérations complexes de fracturation – variation de la pression, des débits, de la composition des différentes strates géologiques, du fluide de fracturation – varient en effet en fonction des caractéristiques de la roche à fracturer. Les règles de l’art exigent un contrôle parfait de la situation par l’opérateur de fracturation (17) au risque d’un défaut d’étanchéité du puits ou d’une fracturation trop puissante qui ouvrirait des fissures au-delà de la strate imperméable, vers des couches poreuses qui permettraient la remonté du fluide vers la surface.

Les fissures créées dans la roche atteignent une longueur d’une cinquantaine de mètres de part et d’autre du drain. Le processus de fracturation est contrôlé depuis la surface par des ingénieurs qui occupent un camion de commande à proximité du puits : à partir des données communiquées par un dispositif d’analyse numérique du sous-sol, le bon déroulement des opérations est suivi en temps réel.

Vos rapporteurs ont assisté à une fracturation hydraulique en direct depuis le camion de contrôle. Ils ont pu constaté le haut degré de technologie que mobilise l’activité de fracturation.

Source : Vermilion

L’usage de la fracturation hydraulique est responsable du profil de production particulier des puits de gaz de d’huile de schiste. Après un premier soutirage de fluide, la pression diminue et l’hydrocarbure sort de lui-même en remontant à travers l'eau demeurée en profondeur. La production est alors extrêmement rapide, mais elle tend à décliner rapidement. La courbe (bleue) ci-après montre un déclin du débit de l’ordre de 95 % à l’issue des quatre premières années, moment à partir duquel la courbe de production cumulée (rouge) augmente à un rythme très ralenti.

Cette structure de production procure à l’industrie des gaz de schiste un dynamisme interne. L’importance de la production des premières années permet un remboursement rapide des frais engagés et met à disposition les sommes nécessaires pour procéder à un nouveau forage sur un autre terrain.

IV.— L’IMPACT STRATÉGIQUE DES NOUVELLES RESSOURCES

A.— EN AMÉRIQUE DU NORD

Les États-Unis d’Amérique ont été les premiers à développer une industrie capable d’exploiter massivement les hydrocarbures non conventionnels en général et les hydrocarbures de schiste en particulier.

Cet avantage s’explique par la politique volontariste du gouvernement fédéral. Les vingt dernières années ont vu se déployer des politiques à destination de l’industrie pétrolière, qu’il s’agisse d’une incitation fiscale pour développer de nouvelles techniques d’extraction ou d’une exemption réglementaire pour parvenir à rentabiliser la production au prix d’une moindre protection de l’environnement. Ces deux points seront développés au cours de la deuxième partie. Les États-Unis ont également bénéficié d’une connaissance sans équivalent des particularités de leur sous-sol grâce à la masse de données collectées par le service géologique fédéral. Celui-ci détient maintenant la capacité de dresser la carte des zones propices à une présence de gaz de schiste en fonction des particularités identifiées dans les formations géologiques.

La production de gaz non conventionnel excède celle de gaz conventionnel : elle représente 54 % du total contre 16 % au début des années 1990. Les gaz serrés jouent pour l’heure un rôle important, mais tous les scénarios montrent que la croissance des exploitations de gaz de schiste devrait prochainement les supplanter, d’autant que les réserves semblent se révéler en cascade. L’histogramme ci-dessous illustre, en rose et au sommet des barres, la hausse continue de ces ressources.

L’explosion de l’activité gazière de l’autre côté de l’Atlantique a des conséquences pour le monde entier. Le graphique de la page précédente montre que le surplus d’offre généré par la production des gaz de schiste a considérablement réduit les importations américaines. Alors que les États-Unis ont consacré la précédente décennie à édifier des terminaux méthaniers destinés à assurer leur approvisionnement énergétique à moindre frais, ils se trouvent désormais en situation de quasi-autosuffisance du point de vue gazier : les importations ne représentaient plus que 11 % de l’approvisionnement en 2009, et les projections dressées par l’administration font état de leur disparition à l’horizon 2035.

Cette révolution a eu pour conséquence la déconnexion des places de marché de gaz. L’Amérique autosuffisante, le commerce s’est altéré jusqu’à faire apparaître deux prix durablement distincts pour la même quantité d’hydrocarbures. Les Européens, soumis à des contrats d’approvisionnement de long terme, paient désormais leur gaz deux fois plus cher que les Américains.

B.— DANS LE MONDE

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) citée par le rapport conjoint CGIET/CGEDD (18), « les ressources mondiales récupérables de gaz non conventionnel (370 Tm3) seraient du même ordre de grandeur que les ressources récupérables conventionnelles (404 Tm3). Le gaz de roche-mère contribuerait pour 183 Tm3 à ces ressources récupérables ». Les hydrocarbures étant de même nature dans les gisements conventionnels et non conventionnels, il existe une corrélation entre la présence des premiers et la probabilité des seconds. Ce sont donc les mêmes zones géographiques qui détiendraient la ressource énergétique : Moyen-Orient, Russie, Amérique latine et Chine. Pour Pékin, une exploitation massive des ressources gazières non conventionnelles permettrait tout à la fois de soutenir la très forte croissance de la demande énergétique et de limiter le recours au charbon, sans pour autant créer la dépendance envers le fournisseur russe que laissait présager la géopolitique des tubes.

C.— DANS L’UNION EUROPÉENNE

Une cartographie géologique est en cours de réalisation et devrait être publiée vers 2015 par GASH (19), consortium européen de recherche scientifique regroupant les principaux acteurs de la filière pétrolière sur le continent. Les ressources supposées du continent sont relativement faibles, mais elles semblent présenter l’avantage d’une relative concentration.

D’après les informations collectées par vos rapporteurs lors de leur visite à Washington, les États-Unis estiment que la France et la Pologne détiennent les deux gisements les plus importants d’Europe, de l’ordre de 5 TM3 chacun. La Norvège, troisième détenteur de cette ressource, en recèlerait moitié moins. Les sols propices se situent pour la plupart au nord de l’Europe.

Les États les plus concernés, qui connaissent pour certains un débat public vif sans atteindre la situation hexagonale, sont en train de prendre position sur le principe d’une exploitation de leurs gisements. Le Royaume-Uni a lancé une expérimentation en refusant toute idée de moratoire sollicité par les associations. En Allemagne, où la compétence minière appartient aux Länder, l’expérimentation a déjà eu lieu en Basse-Saxe et l’opérateur pétrolier en analyse les résultats. Le gouvernement des Pays-Bas s’est également déclaré favorable. Seul le canton de Fribourg, en Suisse, a opté contre la concession de son sous-sol à un industriel du secteur pétrolier.

Les perspectives ouvertes par les gaz de schiste suscitent un enthousiasme particulier en Pologne. Toujours sous la menace d’une rupture de son approvisionnement par son voisin russe, Varsovie souhaite s’engager fortement dans l’exploitation. A son initiative, le 4 février 2011, les conclusions du Conseil de l’Union européenne invitent à l’exploration des hydrocarbures non conventionnels : « afin de renforcer la sécurité de l'approvisionnement de l'Union Européenne, il conviendrait d'évaluer le potentiel dont dispose l'Europe en matière d'extraction et d'utilisation durables de ressources en combustibles fossiles conventionnels et non conventionnels (gaz de schiste et schiste bitumineux) ». Un partenariat a été conclu avec les États-Unis et plus de 90 licences d’exploration ont d’ores et déjà été délivrées. Ce volontarisme devrait se manifester dans la présidence polonaise de l’Union qui commence le 1er juillet.

Vos rapporteurs constatent que, malgré des mouvements associatifs dynamiques, la quasi-totalité de nos partenaires européens font le choix d’exploiter leurs gisements. La visite à Hanovre a été l’occasion de constater qu’un quart du territoire allemand et les deux tiers de celui du Land visité faisaient l’objet de permis d’exploration.

Source : Landesamt für Bergbau, Energie und Geologie, Basse-Saxe

D.— EN FRANCE

1. Des besoins certains pour l’avenir

La hausse de la consommation énergétique mondiale dans le prochain demi-siècle ne fait guère de doutes, alors que les États continents chinois et indien progressent sur le chemin du développement économique et social. Cette croissance atteint 36 % de la consommation énergétique mondiale d’ici 2035 dans un scénario tenant compte des engagements politiques déjà pris et 22 % dans un scénario compatible avec le respect de l’objectif de 450 ppm en gaz à effet de serre (chiffres : DGEC). La part des énergies fossiles diminue certes en pourcentage, de 81 % à 74 % ou 62 % respectivement, mais la consommation de gaz augmente encore en volume de 15 % à 44 %.

Le développement des énergies vertes en Europe pourra difficilement couvrir la totalité des besoins croissants en énergie. Le recours aux combustibles fossiles devrait demeurer incontournable encore longtemps. Or le gaz serait le moins émetteur de CO2. Il est d’ailleurs le complément privilégié (20) par les défenseurs de l’environnement aux éoliennes et au solaire photovoltaïque pour équilibrer le réseau et parer aux périodes sans vent ni soleil, en Espagne par exemple.

Les études menées par la DGEC montrent que la France, en dépit de la diversité de son bouquet électrique et de ses capacités nucléaires, reste dépendante des importations d’hydrocarbures. La part des énergies fossiles y est certes plus faible que dans la plupart des pays industrialisés, mais le gaz représente tout de même 15 % de nos besoins alors que la production domestique ne couvre qu’une fraction de la consommation nationale (de l’ordre de 1 % à 2 %). Les importations de pétrole et de gaz ont coûté 45 milliards d’euros en 2010.

Dans cette situation, le Gouvernement avait prévenu que l’éventuelle production du gaz et de l’huile de schiste contenus dans le sol national viendrait en substitution des importations pour réduire la facture énergétique. L’hypothèse d’un accroissement de la part gazière dans le bouquet électrique national a donc été exclue d’emblée. Le centre d’analyse stratégique estime à 3 milliards d’euros le gain de l’opération pour le commerce extérieur national.

2. Des ressources à confirmer

Les chiffres qui circulent – et qui sont le fait des administrations américaines – à propos des ressources potentielles du sous-sol français interrogent. Alors qu’aucune exploration n’a été menée à son terme sur le territoire national et que les connaissances géologiques sont bien inférieures à celles des services des États-Unis sur leur sous-sol (21), la méthode de calcul interpelle. Il semble qu’elle procède simplement d’une comparaison entre les caractéristiques des sols européens et les propriétés des formations géologiques les plus riches d’outre-Atlantique. Le tableau suivant met ainsi en relation les données du bassin parisien et celles du champ de Bakken qui s’étend sur les États du Dakota du Nord et de Montana ainsi que sur la province de Saskatchewan.

a) Les hydrocarbures liquides non conventionnels : l’or noir du Bassin parisien

Les hydrocarbures liquides non conventionnels désignent principalement les huiles de schiste dans le Bassin parisien, qui abrite l’essentiel des réserves estimées sur notre territoire. La Seine-et-Marne est particulièrement concernée : il s’agit déjà d’un département producteur de pétrole conventionnel, dont l’exploitation a débuté dans les années 1950. Le pétrole produit représente 20 % de la production nationale, mais seulement 0,5 % de la consommation du pays.

Or, selon les estimations auxquelles ont eu accès vos rapporteurs, les réserves en huile de schiste pourraient représenter la moitié des réserves prouvées du champ pétrolifère de la Mer du Nord. Le rapport du CGIET et du CGEDD évoque, à partir de comparaisons avec les formations géologiques analogues exploitées en Amérique du Nord, 100 millions de mètres cube de réserves techniquement exploitables dans le bassin parisien, soit l’un des potentiels les plus prometteurs en Europe.

b) Les hydrocarbures gazeux non conventionnels : le gisement de Lacq ne serait plus qu’un vague souvenir

Les régions françaises les plus propices à la présence de réserves exploitables de gaz non conventionnel sont situées dans le sud du pays. Il s’agit principalement de gaz de schiste. Or d’après les informations dont vos rapporteurs ont eu connaissance, les réserves françaises seraient équivalentes à la production de vingt gisements similaires à celui de Lacq, découvert en 1951 et qui a alimenté en gaz le quart sud-ouest de la France durant une trentaine d’années. Aussi, les réserves de gaz de schiste représenteraient cent ans de consommation française de gaz. Le rapport du CGIET et du CGEDD envisage des réserves exploitables dans le sud-est du pays de l’ordre de 500 milliards de mètres cube, en se fondant à nouveau sur des comparaisons géologiques.

Rapport sur la proposition de loi n° 3392 actuellement discutée au Sénat des députés et rapporteurs Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, p. 24.

Comme leurs collègues avant eux, vos rapporteurs considèrent ces chiffres pour une simple suspicion de l’existence de la ressource, et non pour une preuve de sa présence dans le sous-sol français. C’est aussi, du reste, la position de l’agence internationale de l’énergie qui accueille avec beaucoup de prudence ces estimations. Toutefois, le fait que certains opérateurs du bassin parisien aient procédé avec succès à des tests de fracturation incite à penser que, si les quantités ne sont pas assurées, la présence d’un gisement d’huile de schiste ne prête plus à discussion.

Vos rapporteurs considèrent que le volume exact d’hydrocarbures qui reposent dans la roche-mère du territoire français ne constitue pas un élément fondamental du débat public. 1, 3 ou 5 TM3 ne changent rien à l’inquiétude des populations quant aux dangers d’une exploitation à proximité de leur lieu de vie. L’étude de l’impact environnemental de l’industrie apparaît, par conséquent, d’une importance première.

DEUXIÈME PARTIE

L’ENJEU DU DÉBAT : HYDROCARBURES DE SCHISTE ET PRÉSERVATION DE L’ENVIRONNEMENT

Les interrogations au regard de l’éventuelle exploitation d’hydrocarbures de schiste sur le territoire national témoignent d’une avancée majeure dans la conscience écologique française. Quelques décennies auparavant, tous se seraient réjouis de pareille découverte, et nul n’aurait mis en balance avantages économiques et inconvénient environnementaux avant de décider la mise en production.

Les sensibilités ont évolué. Il faut y voir un succès de la pédagogie du développement durable autant qu’une conséquence de la société de l’information. Au cours des six derniers mois, chacun a pu diffuser et consulter, à travers internet, une série d’informations sur les gaz de schistes – informations tantôt exactes, tantôt surannées, tantôt fantaisistes.

Vos rapporteurs ont pris le parti de suivre le même chemin : ils ont présenté les données recueillies dans les sphères virtuelles de débat aux interlocuteurs auditionnés. Les trois mois de travaux ont permis de distinguer le vrai du faux avec une plus grande clarté. Il en ressort le sentiment d’une polarisation du débat sur l’expérience américaine de la précédente décennie, ce qui a justifié un déplacement de la mission d’information en Pennsylvanie pour, notamment, assister à un processus de fracturation en cours.

Ce constat soulève plusieurs objections. D’abord, l’Amérique n’est pas la France – après une visite au Québec où la situation s’apparente fortement à celle de l’Hexagone, on peut même préciser que les mentalités d’Amérique anglophone divergent grandement de celles des sociétés francophones. Ensuite, dans un secteur technologique fortement innovant à l’encadrement réglementaire balbutiant, les leçons de la précédente décennie perdent rapidement de leur portée. Enfin, les conditions initiales conduisent à interpréter différemment les mêmes considérations : vos rapporteurs ont été surpris de rencontrer à l’étranger des écologistes favorables à la production de gaz de schiste, du moins sous certaines conditions et à court et moyen termes.

I.— UN EXEMPLE AMÉRICAIN QUI SUSCITE LA PEUR

Née aux États-Unis il y a moins de dix ans, l’extraction à grande échelle des hydrocarbures emprisonnés dans la roche-mère demeure, hors du nord du continent américain, à l’état de projet prospectif. C’est donc outre-Atlantique seulement que peuvent s’observer in situ les conditions d’exercice de cette activité, sa viabilité économique et son impact sur l’environnement.

Cette situation donne à la France l’avantage d’un exemple à suivre – ou à ne pas suivre. Néanmoins, il convient de se garder d’une transposition brute de la situation américaine au cas européen. La politique des États-Unis en matière d’énergie vise en premier lieu l’efficacité et la sécurité d’approvisionnement, sur un territoire immense comprenant des zones très peu denses, où l’attachement à la liberté et à l’initiative prime la protection des biens publics.

A.— GASLAND (22)

Gasland, le film documentaire de Josh Fox sélectionné pour les Oscars du cinéma, a beaucoup fait pour alerter les consciences à travers le monde sur les travers de l’exploitation pétrolière et gazière sur le territoire américain. Sa disponibilité sur internet en version française sous-titrée dès janvier 2011, suivie de sa sortie dans les salles et de sa diffusion en avant-première à la télévision (23), les projections publiques organisées dans les départements supposés receler des ressources considérables, lui ont assuré une audience considérable.

Destiné au grand public, le film délivre des informations proprement effrayantes, tant par les images que par les commentaires qui les accompagnent. Quiconque nourrit un intérêt pour le sujet a forcément vu la séquence dans laquelle un homme enflamme l’eau sortie de son robinet. L’effet, saisissant, illustre la pollution des nappes phréatiques due à une activité extractive peu respectueuse de l’environnement. La caméra parcourt différents États américains pour donner à voir les conséquences des forages, allant d’une rivière saturée de gaz à des animaux perdant leur pelage, en passant par des villages coiffés d’un nuage de pollution et par des cartes montrant une multitude de puits en activité sur des territoires immenses…

Les explications scientifiques contenues dans le film exposent les dommages causés par la fracturation hydraulique du fait, principalement, de la grande quantité d’eau requise et de la masse de produits chimiques que nécessite l’exploitation pétrogazière. Il est ainsi fait mention de composés toxiques et polluants, dont on comprend qu’ils se répandent dans l’environnement une fois les opérations terminées.

Enfin, Gasland dénonce l’inaction des autorités de surveillance américaines. Le mélange chimique injecté dans la roche serait tenu secret pour des raisons de propriété intellectuelle, ouvrant la porte à toutes les suspicions. Le contrôle des agences fédérales et le respect des lois de protection de l’environnement seraient également écartés par une exemption légale (24) opportunément obtenue sous la vice-présidence de Dick Cheney, dont les liens avec l’industrie pétrolière et la société Halliburton sont de notoriété publique. Grâce à ce blanc-seing, le succès de la prospection et la maturité de la technologie de fracturation ont provoqué une croissance exponentielle de la production de gaz dont les entreprises ont recueilli les profits financiers.

Le film Gasland s’est donné une mission d’alerte qu’il a parfaitement accomplie. Les faits qu’il avance créent une atmosphère de complot politique et financier qui suscite une hostilité de principe aux gaz et huile de schiste. Dans les territoires potentiellement concernés, cette hostilité de principe s’est immédiatement muée en franche opposition.

Il ne s’agit pas, pour vos rapporteurs, de se livrer à la critique d’une œuvre cinématographique. S’il fallait la mentionner eu égard à son influence décisive sur le débat, il convenait aussi d’en vérifier le contenu auprès des experts rencontrés à l’occasion des auditions. Les accusations de manipulation lancées par les industriels ont été accueillies avec scepticisme ; certains cependant ont avancé des explications convaincantes qui éclairent d’une lumière nouvelle l’exemple américain et mettent en perspective les risques encourus en cas d’exploitation sur le territoire français.

B.— L’ÉMERGENCE D’UNE INDUSTRIE AUX ÉTATS-UNIS

Célébrer l’attachement de l’Amérique à la liberté et à la propriété privée relève du lieu commun. Ce sont pourtant ces attributs de civilisation, que nous connaissons depuis Tocqueville, qui expliquent le succès et le développement de l’industrie des gaz et huile de schiste aux États-Unis.

La présence d’hydrocarbures dans la roche-mère est identifiée de longue date. Ils étaient voués à y demeurer en l’absence d’une technologie d’extraction qui soit à la fois performante et rentable. Tant que les gisements traditionnels ont alimenté les marchés en barils bon marché, leur production relevait de la chimère. Un baril de pétrole à 40 $ condamnait l’entreprise. La montée régulière des cours a levé une partie de l’hypothèque. Une fois assurée la perspective de couvrir les coûts d’investissement induits par le développement d’une nouvelle méthode opérationnelle, les opérateurs pétroliers ont commencé leurs recherches. Leur rentabilité s’est trouvée accrue par l’existence d’une incitation fiscale pour la production domestique d’hydrocarbures (25). Ce dispositif exprime déjà une situation frappante : alors que les crédits d’impôt européens financent les sources renouvelables et les économies d’énergie, le budget américain soutient la prospection d’hydrocarbures.

La genèse des gaz et huile de schiste ne doit rien aux majors de l’industrie pétrolière, qui n’ont inscrit cette ressource dans leur stratégie qu’une fois son potentiel révélé. Les premiers opérateurs du domaine étaient des entreprises de taille restreinte engagées dans une logique prototypique. Leur responsabilité était donc limitée comme leur surface financière, et leurs investigations n’ont pas toujours su placer la sécurité au rang des priorités. Pour une technologie balbutiante, les instruments de contrôle le sont plus encore, et la mentalité de pionnier s’accommode mal des prescriptions de sécurité ou de la préservation de l’environnement.

Il semble ainsi que des pratiques particulièrement déplorables aient eu cours dans les premiers temps de l’industrie. La formidable croissance de l’activité a généré des comportements particulièrement néfastes à l’environnement, que Gasland ne manque pas de souligner : bassins de rétention des eaux usées en plein air, mauvaise facture des puits, ou encore fuites de gaz sur le site de production.

Les investigations conduites par vos rapporteurs ont montré que nombre de ces dérives semblent révolues aujourd’hui. Le déplacement sur un site de production de Pennsylvanie a permis de constater la réalité des installations et la rigueur des procédures de contrôle désormais définies par des compagnies de grande envergure. Ce point est capital : parmi les critiques adressées à l’industrie des gaz et huiles de schistes, beaucoup – pas toutes cependant – s’adressent aux méthodes de forage et d’exploitation plutôt qu’au principe même du forage.

Les principales interrogations que pose l’industrie seront évoquées ci-dessous. Les réponses apportées, avec toute la prudence que requiert l’appréciation d’une opération nouvelle, devraient permettre au débat de s’engager sur des bases plus sereines et sur des informations plus contemporaines. Vos rapporteurs ont identifié les thématiques de l’utilisation de l’espace, de l’emploi de produits chimiques, de protection de l’eau et d’impact sur le climat.

Pour tous ces sujets, vos rapporteurs tiennent à formuler en préalable une recommandation essentielle. Une règlementation draconienne constitue la meilleure garantie du respect des bonnes pratiques et des règles de l’art. Les opérateurs demeurent des entreprises privées dont la vocation consiste à maximiser le profit et donc, aussi, à minimiser les investissements de précaution. L’approche d’autorégulation qui a prévalu aux États-Unis ne peut être acceptée sur le territoire national. Se dédire d’une promesse est toujours possible ; se soustraire à la loi est toujours coûteux. Il ne suffit pas que les solutions aux problèmes soulevés existent, il faut encore qu’elles soient appliquées sans exception. Si le débat sur le bouquet énergétique venait à pencher en faveur d’une exploitation des ressources françaises en gaz et huile de schiste, toutes les préconisations qui suivent devront trouver place dans les lois et règlements qui régissent les activités minières.

II.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE ET
LA PROTECTION DE L’ESPACE

L’apparition d’une activité économique sur un territoire altère sa pureté originelle. Ce constat n’est en rien spécifique à l’industrie des hydrocarbures, et il suffit de parcourir les villages de France pour rencontrer des zones d’activité dans lesquelles le paysage s’est trouvé particulièrement mis à mal.

Comté de La Salle, Texas (photographie aérienne)

Toutefois, l’extraction de gaz et d’huile de schiste soulève des craintes d’un autre niveau, quant à l’envergure de ces dégradations. D’une part, une confusion s’opère parfois avec les sables bitumineux dont l’exploitation – au Canada notamment – requiert des procédés thermiques extrêmement consommateurs d’énergie et dévastateurs pour l’environnement. D’autre part, certains États américains ont été le théâtre d’une ruée sur le gaz qui a vu les puits pulluler. Alors que chaque site entraîne un trafic routier d’importance, une telle densité aboutit sans nul doute à l’impossibilité pour une communauté humaine de résider dans les environs, et à une destruction du paysage sans espoir de restauration.

Les auditions ont montré que cet aspect était particulièrement rédhibitoire dans le sud-est de la France, et notamment dans les départements concernés par les trois permis de recherches de gaz de schiste. Ces territoires ont particulièrement investi dans le tourisme vert et dans une forme raisonnée d’agriculture. A la volonté de défendre un environnement d’ailleurs souvent classé ou protégé, les élus rencontrés ont ajouté leur volonté de préserver un modèle économique menacé par une activité pétrogazière intensive : les gains escomptés ne couvriront pas l’impact négatif sur l’image du territoire (26).

Vos rapporteurs estiment cette demande légitime : il est illogique d’instituer des parcs nationaux et de solliciter la reconnaissance d’un patrimoine exceptionnel auprès d’instances internationales pour autoriser, dans les zones concernées ou dans leur proximité immédiate, une activité industrielle qui, en dépit des bonnes pratiques et de la meilleure volonté des opérateurs, conservera un caractère polluant. Ils recommandent par conséquent que le code minier prescrive l’indisponibilité des ressources minières recelées dans les limites des parcs nationaux ainsi que dans les territoires faisant l’objet de démarches d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il n’est pas question de retrouver en France une situation comparable à celle de la Pennsylvanie, où des terres acquises par l’État pour leur protection sont malgré tout mises en exploitation car la puissance publique, pour limiter la charge budgétaire, a préféré dissocier la propriété du sol de la détention des droits miniers attachés.

A.— DES PUITS À N’EN PLUS FINIR ?

La perspective d’une exploitation d’envergure peut légitimement alarmer les populations environnantes si l’exemple ci-dessus est considéré comme archétypique. Ceci ne semble toutefois pas être le cas. Les paysages parsemés de puits s’expliquent par des facteurs spécifiques. La méthode d’extraction des hydrocarbures de schiste a été déterminée progressivement. Les premiers forages réalisés suivaient une ligne verticale, conforme aux pratiques traditionnelles. Les puits verticaux ne se sont imposés qu’ensuite. L'utilisation de forages horizontaux permet d'augmenter de façon importante la productivité par puits par rapport aux puits verticaux traditionnels : en effet, le forage horizontal permet un drainage du gisement sur une beaucoup plus grande longueur.

Source : Vermilion Energy

Source : Tyndall Centre for Climate Change Research

Les opérateurs ont également rendu possible les forages en étoile (pad), c'est-à-dire l’utilisation d’un puits unique pour creuser plusieurs drains dans toutes les directions. L’emprise au sol peut alors être considérablement réduite. Le regroupement de plusieurs forages sur la même plate-forme permet, à partir du même site, de forer jusqu'à vingt drains horizontaux couvrant ainsi une superficie importante.

Source : Schuepbach Energy

Il s’avère finalement que l’explication des paysages constellés de puits se trouve moins dans les contraintes technologiques que dans les traditions juridiques. En France, le sous-sol appartient à l’État. Le propriétaire du sol ne peut espérer de son bien aucun revenu substantiel s’il venait à receler de grandes quantités de minerais ; seule l’administration est en droit de délivrer un permis exclusif de recherches et une concession d’exploitation. Au contraire, aux États-Unis, la propriété du sol emporte celle du sous-sol. L’exploitant doit négocier ses droits auprès du propriétaire foncier, souvent pour des sommes colossales si le gisement le justifie. Lors de leur visite sur le site de New Derry, vos rapporteurs se sont enquis du montant du loyer acquitté par la société pétrolière auprès du propriétaire du terrain : il atteindrait un million de dollars par mois.

Le morcellement de la propriété foncière trouve un écho dans la multiplication des sites de production. Tout propriétaire est libre de négocier ses droits miniers pour les céder au plus offrant, et de faire jouer la concurrence. Il est donc courant de voir travailler des compagnies différentes sur des terrains voisins, chacun veillant à ce que l’autre ne fore pas au-delà de la limite du terrain loué pour s’accaparer les ressources chèrement acquises.

Le droit français prévient ces dérives. Les permis octroyés ont un caractère exclusif, et les superficies concernées sont suffisamment vastes pour exiger le déploiement d’une structure unique de forage, en étoile, de préférence à plusieurs puits autonomes. L’IFP Énergies Nouvelles estime qu’une production de 1 Gm3/an (équivalent à la production nationale actuelle) requiert un maximum de vingt-cinq pads actifs. Environ sept installations seraient nécessaires la première année, puis deux nouvelles par an. Il convient cependant de rappeler qu’il s’agit là d’estimations dont la validation appellerait une expérimentation.

B.— UNE CONCURRENCE D’USAGE SUR DES SUPERFICIES D’ENVERGURE ?

D’aucuns craignent que les installations de production de gaz et d’huile de schiste ne viennent consommer des terres agricoles déjà rendues rares et chères par l’urbanisation galopante du territoire national. (27) Ceci revient à poser la question de l’emprise au sol réclamée par un puits de forage. Il convient alors de distinguer deux séquences successives : la phase de travaux et la phase d’exploitation.

Dans la phase de travaux, les opérations de fracturation hydraulique sont opérées à partir de bases entièrement mobiles, montées sur des camions qu’il faut stationner sur place le temps nécessaire. La tour de forage crée un fort impact visuel. Un bassin jouxte le terrain des opérations pour entreposer l’eau avant son injection dans le sous-sol. Une cinquantaine de personnes, ingénieurs et ouvriers, met en œuvre un protocole dont la durée est estimée à six mois à compter de l’instant où arrive le premier véhicule, dont trois semaines pour la fracturation proprement dite. La fracturation en elle-même ne s’étend que sur quelques semaines. Les nuisances sont ici importantes en termes de bruit et d’activité tandis que les instruments de forage sont à l’ouvrage. L’aménagement des sites peut de surcroît requérir un déboisement préjudiciable au paysage. Enfin, en cas de succès de la prospection, le gaz recueilli est brûlé à la torchère – du fait de l’absence de gazoduc pour l’évacuer – ce qui peut provoquer une gêne temporaire pendant le dernier mois des opérations.

Dans la phase d’exploitation, seule perdure une tête de puits dont la hauteur n’excède pas deux mètres, et qui est souvent dissimulée par une clôture ou une barrière. L’empreinte au sol se révèle minime. Les aires de stationnement des véhicules lourds remises en état, les bassins de rétention des eaux comblés, la surface utilisée semble tout à fait limitée. Si les hydrocarbures sont entreposés sur place, il faut y ajouter un bâtiment de stockage. S’ils sont acheminés par canalisation, celle-ci est enterrée et ne peut se distinguer au premier regard. Il ne semble donc pas falloir considérer que l’industrie d’extraction pétrogazière fait peser une menace sur l’agriculture et sur les disponibilités foncières, du moins du strict point de vue de l’emprise au sol.

Un site en production

Source : Schuepbach Energy

Bien que la plupart des installations se trouvent en milieu rural pour des raisons de commodité et de rentabilité économique – car l’hectare de campagne coûte moins que le mètre carré en ville, les États-Unis ont autorisé la mise en service de puits situés en zone urbaine. C’est notamment le cas à Fort Worth, dans le Texas. Vos rapporteurs ont été surpris d’apprendre que la distance minimale entre un site de forage et une habitation y est fixée à seulement deux cents pieds, soit soixante mètres. Les opérateurs sont alors tenus de limiter les nuisances sonores lors de la phase de travaux en disposant des murs antibruit autour du chantier et en agrémentant le site d’éléments décoratifs pour accroître son acceptabilité sociale. Si cette proximité de l’activité pétrolière et de la vie urbaine permet d’imaginer la faible emprise exigée par les installations de forage, vos rapporteurs jugent la distance de sécurité américaine excessivement faible, tant pour des raisons de paysage que du fait des rejets dans l’atmosphère provoqués par les opérations de forage.

Un puits en cours de forage sur le campus de l’Université du Texas,
à Arlington

Source : Schuepbach Energy

C.— UN TRAFIC ROUTIER INCESSANT ?

Les forages font craindre une noria de poids lourds sur des routes de faible capacité, pour apporter les immenses volumes d’eau, de sable et d’additifs d’abord, pour emporter la production d’hydrocarbures ensuite. Les désagréments d’une circulation intense ne doivent pas être négligés : l’augmentation du trafic est considérée par des habitants du Texas comme l’inconvénient le plus important du développement industriel du gaz de schiste. (28) Il faut en effet compter un millier d’allers-retours pour un puits d’exploration, dont une majorité de citernes destinées à acheminer l’eau nécessaire à la fracturation.

En outre, ces va-et-vient de véhicules imposants entraînent la dégradation du réseau routier, d’autant plus rapidement que celui-ci n’a pas été conçu pour accueillir une circulation importante de poids lourds. Il n’est pas rare, d’ailleurs, que les industriels assument le coût de la réfection de la voirie une fois les opérations de fracturation menées à leur terme.

Pourtant, des solutions existent pour éviter d’infliger aux habitants un pareil défilé incessant. L’eau utilisée pour la fracturation peut être convoyée par une canalisation, ce qui est fréquent dès lors que les sites comptent plusieurs puits. Le gaz ou le pétrole produit, de la même façon, peut être évacué par pipeline enterré plutôt que par la route. De plus, il convient de rappeler que seule la phase de travaux requiert un trafic important et qu’elle est limitée à quelques mois.

Vos rapporteurs recommandent, dans le cas où l’exploitation des gaz de schiste serait autorisée en France, que le droit minier impose aux opérateurs la limitation des externalités négatives de leur activité sur l’environnement, ce qui est déjà le cas pour les nuisances dues au bruit et à la poussière. Le recours à des infrastructures souterraines, invisibles, ou à défaut à des canalisations de surface, doit toujours prévaloir sur les options mobilisant des colonnes de poids lourds. Si la production des ressources naturelles contenues dans le sous-sol français devait être décidée, une réglementation précise et préalable serait impérative pour minimiser l’impact visuel et auditif sur les alentours. Il reviendra en outre aux autorités locales, préfets et élus, d’arrêter en concertation avec les opérateurs les conditions de l’activité et de son contrôle.

Toutefois, en dehors du sud-est, les principales inquiétudes ressenties par la mission d’information dépassent la question des installations de surface. Le débat national s’est focalisé sur la présence d’additifs chimiques dans les fluides de fracturation, sur les conséquences d’une exploitation des gaz et huile de schiste sur la ressource en eau et, par extension, sur la protection du sous-sol.

III.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE
ET LES ADDITIFS CHIMIQUES

La fracturation hydraulique de la roche requiert l’emploi de produits chimiques destinés à limiter les frictions, faciliter la remontée des fluides vers la surface, augmenter la viscosité du cocktail et empêcher la corrosion des matériaux. Ces additifs posent question et suscitent l’inquiétude, surtout une fois rappelé que seule une partie du fluide injecté a vocation à retourner à l’air libre avec une « fourchette » très large allant de 10 % à 70 % (en moyenne 30 % du fluide injecté ne remonte pas à la surface).

Les observateurs s’inquiètent de la nature des composants utilisés. Cet intérêt est légitime, ne serait-ce que pour appréhender sereinement le voisinage d’une entreprise potentiellement dangereuse si elle est mal dirigée. On ne saurait se satisfaire de la réponse entendue à l’occasion d’une audition, selon laquelle ce qui importe n’est pas ce qui injecté dans le sol mais ce qui en remonte : encore que cette considération puisse être considérée juste, elle n’exonère d’aucune responsabilité ni ne dispense d’une obligation d’information.

Sur ce point encore, l’exemple américain provoque la circonspection et nourrit les inquiétudes.

A.— DES PRODUITS SECRETS ?

Historiquement, la communication des opérateurs pétroliers aux États-Unis s’est articulée autour de plusieurs axes afin d’éviter une hostilité populaire croissante. En premier lieu, la composition des fluides de fracturation est toujours présentée au profane sous la forme de pourcentages. Ceux-ci font apparaître une forte prédominance de l’eau (de l’ordre de 95 %), un complément de sable (approximativement 4 %) et une quantité négligeable de produits chimiques, inférieure à 1 %. Toutefois, il faut garder à l’esprit que le besoin en eau pour un puits dépasse les 10 000 m3 : la masse d’additifs employés s’exprime par conséquent en dizaines de tonnes.

En second lieu, le droit américain protège l’initiative privée de préférence à l’intérêt public, garantissant les droits des individus contre les interventions de l’État. Ainsi, il est possible aux entreprises de garder secrète la confection des fluides injectés dans le sous-sol et, notamment, la liste des additifs chimiques. Ces éléments sont protégés en tant que secrets industriels, et les administrations ne peuvent en obtenir communication préalable. Vos rapporteurs ont été très surpris de constater combien cette situation apparaît normale et légitime à chacun outre-Atlantique : lorsque la question de son incongruité a été posée, il a été rétorqué qu’il s’agissait là d’une « question de confiance ».

Avec la naissance d’une polémique médiatique, la position des industriels a évolué. En contribuant à un site internet (29) qui recense les produits employés pour la fracturation, ils ont admis la nécessité d’une forme de transparence. Chacun peut désormais librement consulter, sinon la recette exacte des mélanges, du moins les différents ingrédients utilisés. Le sujet a-t-il disparu pour autant ? Vos rapporteurs ne le considèrent pas. Si l’autorégulation d’une activité par les entreprises qui l’exercent fait partie de la culture anglo-saxonne, elle n’appartient pas à la tradition française (30). Alors que la terre de France est propriété de l’État, nul n’envisage que les pouvoirs publics puissent ignorer les produits chimiques qui y sont injectés.

Vos rapporteurs plaident par conséquent avec force pour que la réglementation impose aux opérateurs pétrogaziers de fournir à l’autorité administrative la liste des additifs chimiques utilisés dans leurs activités. Il semble d’ailleurs que le droit actuel dispose déjà en ce sens, ne serait-ce que lors du transport des composés par le réseau routier. Les industriels auxquels l’idée a été présentée ont indiqué, du reste, ne pas avoir d’objection dès lors que les mêmes règles s’appliquent à tous.

B.— DES PRODUITS DANGEREUX ?

Le secret maintenu autour de la composition des fluides de fracturation a accrédité le sentiment d’une dangerosité forte que l’on souhaiterait dissimuler. On a parlé de centaines de composants chimiques, dont certains toxiques et cancérigènes, qui seraient ainsi injectés dans le sous-sol.

Le 18 avril 2011, un rapport de la Chambre des Représentants des États-Unis a confirmé les doutes. Rédigé par trois membres démocrates de la commission de l’énergie et du commerce – les parlementaires Waxman, Markey et DeGette – ce document appelle les administrations américaines à exercer un contrôle plus strict sur les opérations de fracturation. Il recense surtout les additifs utilisés par l’industrie entre les années 2005 et 2009. Les quatorze entreprises pétrogazières les plus importantes ont utilisé dans cette période plus de 780 millions de gallons de produits (soit approximativement trois millions de mètres cube) réunissant 2 500 produits et 750 composants différents. Parmi ces derniers, certains se révèlent sans danger : du sel, de l’acide citrique ou encore – les Représentants se sont montrés surpris – du café instantané et des coquilles de noix. D’autres éléments, comme le benzène, sont extrêmement toxiques et cancérigènes ; 500 000 m3 de cette substance ou de substances comparables ont pourtant été employés. Enfin, le rapport déplore que 273 produits n’aient pu être identifiés par les industriels pétroliers, leurs prestataires de service refusant la divulgation de leurs secrets de fabrication.

Ces informations ont été admises par les dirigeants d’entreprise auditionnés. Ceux-ci ont cependant avancé une explication dont vos rapporteurs ont constaté la justesse en la recoupant auprès d’organismes de contrôle et en se déplaçant sur le terrain. Les centaines de produits évoqués concernent la période 2005-2009, soit le moment pendant lequel les techniques de fracturation ont été expérimentées, développées et progressivement améliorées. En outre, les effets recherchés varient en fonction de la nature du sous-sol foré. Enfin, les opérations de fracturation opérées en 2011 n’emploient plus, selon les industriels, qu’une demi-douzaine de produits – eau et sable exclus. Les centaines de produits recensés correspondent par conséquent à l’histoire de l’industrie. Nombre d’entre eux n’ont plus vocation à servir. Les autres demeurent à disposition de l’opérateur en charge du forage, qui les sélectionne suivant les indications recueillies à l’occasion des études préparatoires.

Par ailleurs, les entreprises ont indiqué travailler à l’emploi d’additifs toujours moins nocifs, tels que des composés utilisés dans l’agroalimentaire et des produits de consommation courante. Il serait envisageable, à moyen terme, de limiter encore le nombre de produits chimiques et de ne recourir qu’à des substances biodégradables.

Vos rapporteurs admettent la logique de ces explications, bien que l’absence de contrôle externe laisse toujours planer un doute préjudiciable. La confirmation apportée par l’autorité minière de Basse-Saxe apparaît probante.

De toute façon, la communication de la composition des fluides de fracturation constitue pour vos rapporteurs une condition préalable à l’ouverture d’un débat sur l’opportunité de l’exploitation des gaz et huile de schiste. Il serait également souhaitable qu’une liste de produits autorisés et ayant fait l’objet d’études de risque préalables soit dressée par les autorités publiques – agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), BRGM ou comité ad hoc – et que son respect fasse l’objet de contrôles aléatoires, sur pièce et sur place, tout contrevenant s’exposant à de sévères sanctions pénales. Cette supervision publique, confiée à une agence indépendante des pouvoirs publics comme du secteur pétrogazier, pourrait recueillir l’assentiment de l’opinion publique.

C.— QUE DEVIENNENT LES PRODUITS UNE FOIS LE PUITS ABANDONNÉ ?

Les experts consultés par la mission d’information ont souvent souligné l’expérience mondiale dont disposent les opérateurs dans les techniques de fracturation hydraulique, et le recul dont bénéficie une technologie vieille de plus de soixante ans. Certes, sa combinaison avec le forage horizontal ne remonte qu’à une décennie. Mais aucun accident n’a encore été constaté qui puisse être imputé à la fracturation dans son principe : il s’est toujours agi de puits mal cimentés, mal entretenus ou mal contrôlés. De fait, vos rapporteurs relèvent qu’il n’a jamais été évoqué devant eux un cas de fracturation qui ait conduit à une contamination de l’environnement par les additifs chimiques injectés dans le sous-sol, sauf à ce que le fluide se soit répandu directement en surface.

On pourrait en déduire, jusqu’à preuve du contraire, l’innocuité du processus de fracturation. Toutefois, dans la mesure où ces additifs demeurent piégés en profondeur, et comme leur biodégradabilité ne semble pas encore assurée, il convient de prendre toutes les précautions pour éviter une remontée non désirée. Le rapport provisoire de la mission conjointe CGIET/CGEDD fait état du caractère impératif d’une fermeture correcte des puits arrêtés.

Vos rapporteurs n’écartent pas de faire confiance aux opérateurs pour se conformer à la réglementation minière, mais celle-ci ne saurait résulter en une foi candide. La collectivité doit se prémunir contre des pollutions dues à une mauvaise gestion de l’après-mine par l’opérateur. La loi n° 2008-757 du 1er août 2008, relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, a introduit dans le code de l’environnement les dispositions codifiées aux articles L. 161-1 et suivants sur la prévention et la réparation de certains dommages causés à l’environnement. Celui-ci prévoit que l’atteinte aux sols, aux eaux, aux espèces et aux services écologiques conduit le responsable du fait générateur à réparer les dégâts, sans préjudice d’éventuelles sanctions pénales.

Ce régime de responsabilité s’éteint lorsque le fait générateur remonte à plus de trente années. Vos rapporteurs s’interrogent sur la pertinence de cette prescription dans l’activité des gaz et huile de schiste. Si les additifs injectés à plusieurs kilomètres sous la surface remontent, ce sera dans un avenir bien plus lointain. Certes, repousser la prescription soulève la question de la cohérence du droit : rien ne justifie que le régime de responsabilité des producteurs d’hydrocarbures soit exorbitant. Ce sujet commande ainsi une réflexion d’ensemble qu’il serait vain de prétendre développer ici. Il convient cependant que chacun soit informé des enjeux.

Comme pour tout autre forage profond, la fermeture d'un puits d'exploration ou d'exploitation d'hydrocarbure non conventionnel doit être réalisée selon les règles de l'art et conformément au titre forage du RGIE (Règlement général des industries extractives). Faute de quoi, une corrosion du cuvelage peut se développer et des fuites peuvent intervenir avec pollution de nappe. Un cas connu est celui d'un forage pétrolier dans la région de Chailly-en-Brie, qui n'était plus en exploitation et qui a engendré une pollution, découverte en 1992, de la nappe superficielle par des eaux salées plus profondes ; ensuite le puits a été repris et la pollution stoppée ; la qualité de l'eau a été légèrement et temporairement altérée par augmentation de la salinité, sans conséquence pour l'alimentation en eau potable.

Vis-à-vis de ce risque, les bonnes pratiques pour la fermeture des puits, établies dans les années 90, consistent d'abord en un examen de l'ensemble des données géologiques et hydrogéologiques, puis en un diagnostic de l'ouvrage, comprenant suivant les cas :

– un calibrage des tubages par diagraphie ou caméra vidéo, afin de déceler les zones éventuelles de corrosion ou de dépôt ;

– une vérification de la qualité de la cimentation annulaire des tubages par diagraphie ;

– une analyse chimique des fluides en place afin de choisir une qualité de ciment compatible ;

– un test de mise en pression du tubage afin d'en vérifier l'intégrité.

Des bouchons de ciment sont ensuite réalisés et testés à différentes cotes du forage (épaisseur de chaque bouchon : 50 à 100 m) de façon à garantir l'isolation de chaque niveau perméable par rapport à ses voisins.

Source : rapport d’étape de la mission CGIET/CGEDD, p. 23

Si l’exploitation des gaz et huile de schiste contenus dans le sol national se limitait au contrôle des additifs chimiques employés, une évolution règlementaire suffirait à apporter les garanties propres à lever les doutes. Ce n’est pas le cas. La principale objection opposée à l’industrie pétrolière et à sa volonté de production tient aux impacts successifs de cette activité sur la ressource en eau.

IV.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE ET
LA PROTECTION DE L’EAU

Dans la procédure d’extraction des hydrocarbures de schistes comme dans la perception de cette activité par la population, l’eau constitue la problématique déterminante. Elle apparaît à tous les stades d’opération : il faut la prélever, la stocker, l’injecter et la retraiter. Chacune de ces étapes crée ou peut créer un impact sur l’environnement. Même si des modalités sont envisageables pour restreindre les inconvénients les mieux identifiés, certains points restent en débat parmi les scientifiques, qui s’interrogent notamment sur les pollutions de nappes phréatiques imputables aux opérations d’extraction.

A.— QUELLE EAU POUR LA FRACTURATION HYDRAULIQUE ?

Le prélèvement d’eau à des fins d’exploitation pétrolière fait resurgir la difficile question des conflits d’usage. On sait combien la technique de fracturation hydraulique requiert des volumes très importants. Dans les régions les plus méridionales prospectées par l’industrie, fréquemment touchées par des phénomènes de sécheresse, il s’agit d’un véritable casus belli dans la mesure où des activités économiques, au premier rang desquelles l’agriculture, seraient remises en cause.

Les industriels rencontrés ont comparé les ressources exigées par une fracturation et les prélèvements induits par d’autres activités socialement admises. Ainsi, quand un puits de gaz de schiste consomme 10 à 20 000 m3 (et moitié moins pour un puits d’huile de schiste), l’arrosage d’un terrain de golf requiert chaque année 100 000 m3, l’irrigation de 10 hectares de maïs 20 000 m3. Ces justifications ne convainquent pas vos rapporteurs. Le lien social créé par l’agriculture sur les territoires ruraux dépasse de beaucoup les retombées locales potentielles d’une installation pétrolière. Par ailleurs, s’il n’existe qu’un unique parcours de golf dans le département de l’Ardèche, peut-être est-ce précisément l’indice d’une rareté de l’eau qui y entrave le développement de ce sport. La sécheresse que nous connaissons cette année et ses répercussions inquiétantes pour l’agriculture, le niveau optimum de sécurité de nos centrales nucléaires, renforcent ce sentiment que le besoin massif d’eau exigé pour l’extraction de gaz de schiste est un élément préoccupant.

Les représentants des entreprises ont également souligné que l’eau dont l’industrie a besoin doit présenter une composition courante, mais qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit potable. Cette information est intéressante car elle permettrait de limiter grandement les conflits d’usage. Il serait ainsi possible d’utiliser des eaux impropres à la consommation humaine. Les opérateurs peuvent procéder par prélèvement dans les rivières de surface ou dans les nappes souterraines (31). Les effluents récupérés à l’issue d’une fracturation sont également retraités et réemployés, évitant ainsi de nouvelles ponctions. Enfin, un opérateur a indiqué que les sociétés responsables de sites établis dans des zones arides s’attachent à utiliser l’eau produite par le puits lui-même – car les mines d’hydrocarbures produisent généralement à la fois de l’eau et du pétrole ou du gaz, qu’il faut ensuite séparer en phase d’exploitation – pour limiter les contraintes logistiques.

Par ailleurs, la réglementation en vigueur impose déjà des obligations aux opérateurs miniers dans leur usage des ressources en eau. L’ouverture des travaux est formalisée par un document juridique. Dans le secteur des hydrocarbures, il s’agit le plus souvent d’une déclaration qui porte mention des incidences sur les ressources aquatiques des opérations prévues. Il revient alors au préfet de prescrire par arrêté un cadre contraignant limitant le volume des prélèvements. Les industriels de la région parisienne ont ainsi indiqué à la mission être autorisés à se servir d’un cours d’eau voisin de leurs sites de forage sans que personne ne l’ait remarqué jusqu’à présent.

Vos rapporteurs entendent ajouter un élément à la réflexion. Il a souvent été relevé que les opérations de fracturation hydraulique proprement dites se concentrent sur quelques semaines seulement, et que le forage exploratoire lui-même ne dure généralement pas plus d’un semestre. Aucune ressource particulière n’est requise par la suite, alors que le puits entre en phase d’exploitation. Or la sécheresse, qui pose avec acuité la question de la ressource en eau – et pas seulement dans le sud de la France comme l’actualité de mai 2011 vient le démontrer – est un phénomène essentiellement estival, plus rarement printanier, jamais hivernal. Les difficultés nées de la concurrence des ressources pourraient être singulièrement réduites si la réglementation prescrivait que les opérations de fracturation hydraulique ne peuvent être réalisées que, par exemple, du 1er octobre au 30 avril. 20 000 m3 correspondent ainsi à un deux millionièmes du débit annuel du Rhône, prélèvement indolore s’il est opéré au moment où le fleuve charrie les eaux de la fonte des neiges alpestres.

Cette suggestion a été présentée aux industriels. Ceux-ci ont déclaré qu’une telle initiative règlementaire les conduirait à orienter leurs activités vers d’autres pays moins stricts durant la saison de la prohibition. Ils ont également avancé que les entreprises désireuses de poursuivre malgré tout leur activité seraient incitées à développer un mode opératoire sans prélèvement naturel, ce qui répond également à l’objectif environnemental poursuivi.

L’eau prélevée est stockée à proximité du site dans un bassin, généralement en plein air, en attendant son injection dans le sous-sol. Comme il s’agit d’eau courante, il n’y a pas lieu de s’en alarmer. La multiplicité des puits dans la région de Pennsylvanie visitée par vos rapporteurs a conduit les sociétés responsables à établir sur les hauteurs un réservoir de collecte des eaux de pluie capable d’alimenter les différents bassins sur le principe d’un château d’eau.

Vos rapporteurs considèrent donc que la question des prélèvements en eau doit être considérée avec sérieux. Il en va de même pour le risque de contamination des eaux au moment de la fracturation.

B.— QUELS RISQUES DE CONTAMINATION ?

La phase de fracturation proprement dite est celle qui soulève la plus grande suspicion. Les risques de contamination y sont de trois ordres : par les additifs chimiques, par les hydrocarbures, par les éléments remontés des profondeurs. Ils peuvent se produire soit dans le sous-sol, soit en surface en cas de dysfonctionnement ou de mauvaise manipulation des instruments de forage.

Le schéma ci-dessus, communiqué par les universitaires de l’Université de Montpellier, permet de visualiser les risques de contamination qui peuvent accompagner une fracturation : un défaut de tubage qui fait s’écouler le fluide à la surface ou dans la nappe phréatique voisine, une remontée du fluide chimique à vers les aquifères à partie de la roche-mère par percolation (32) de la couche supérieure ou à travers une faille naturelle. Il présente également l’avantage de faire apparaître les différentes vitesses de déplacement de l’eau injectée en fonction du milieu dans lequel elle se trouve : de l’ordre du mètre par an dans les couches géologiques compactes adjacentes à la zone de fracturation, elle s’exprime en mètres par mois dans les failles montantes et en mètres par heure dans les milieux karstiques.

1. Les accidents de surface

Toute industrie est soumise à des incidents qu’il revient aux chefs de travaux d’anticiper. En la matière, vos rapporteurs jugent le risque identifié. Dans le secteur des hydrocarbures de schiste, la probabilité d’une défaillance est accrue par les volumes d’eau utilisés, les masses de produits chimiques présents sur le site, et la pression d’injection. La proximité des stockages d’effluents peut également être source de danger. Vos rapporteurs ont constaté lors de leur visite de terrain que les prestataires de services pétroliers ont défini une batterie de contre-mesures et des procédures de protection pour réagir au plus vite à la survenue d’un incident. Comme il s’agit autant de l’intérêt des entreprises que de la collectivité d’éviter une défaillance matérielle, le respect de ces lignes directrices de sécurité ne fait pas de doute.

Un accident de cette nature s’est produit le 20 avril 2011 à Leroy Township, dans l’État de Pennsylvanie. Des milliers de litres d’eaux usées de forage se sont échappés d’un puits à la suite d’une explosion. La fuite a pu être contenue après deux heures de travaux. Un mois plus tard, vos rapporteurs ont interrogé le ministère de l’Environnement de Pennsylvanie sur ce sinistre. Les enquêtes en cours semblent montrer que l’explosion et ses conséquences ont été correctement gérées grâce aux précautions prises en amont.

Vos rapporteurs recommandent que l’administration veille à ce que tout chantier pétrogazier ouvert sur le territoire national dispose à sa proximité immédiate d’équipements de secours et de lutte antipollution. Des inspections sur place permettraient de vérifier que les opérateurs se conforment à ces prescriptions.

2. Les risques encourus dans le sous-sol

Le premier danger tient aux additifs chimiques qui pourraient profiter d’une fracturation excessivement puissante, dépassant les limites de la roche-mère, ou d’une faille géologique remontante pour atteindre les aquifères potables. C’est le rôle de la phase d’étude et des investigations microséismiques que de prévenir la réalisation d’un tel scénario, qui n’a d’ailleurs jamais été constaté depuis que les hydrocarbures de schiste sont exploités. Ce point a été répété à vos rapporteurs à l’occasion des déplacements de la mission en Allemagne et aux États-Unis. Cependant, la distance entre la zone de fracturation et la surface est telle que le processus peut être en cours et n’apparaître que dans un futur relativement lointain. Rien ne permet d’avoir la certitude d’une maîtrise complète de ce risque. C’est bien la raison pour laquelle vos rapporteurs ont recommandé la sélection d’additifs plus respectueux de l’environnement.

Le second danger consiste en une contamination des aquifères souterrains et de surface par les hydrocarbures contenus dans la roche fracturée. Le film Gasland en fournit une illustration frappante par l’image du robinet enflammé, imputée à la présence de puits dans le voisinage. Cette affirmation a été partiellement démentie par la Oil and Gas Conservation Commission et le ministère des ressources naturelles de l’État du Colorado (33). Dans certains cas, la présence de gaz dans les aquifères serait antérieure à l’exploitation des hydrocarbures de schiste (et attestée depuis les années 1970). Ailleurs, le méthane contenu dans l’eau s’avère après analyse de nature biogénique – donc issu d’un processus naturel de décomposition dans la nappe phréatique – et non de nature thermogénique – extrait du sous-sol (34). Ailleurs enfin, la fuite provenait de la mauvaise cimentation d’une installation de forage dont l’entreprise responsable avait été condamnée dès 2004, et non de la fracturation hydraulique elle-même.

Vos rapporteurs admettent la crédibilité des deux premiers arguments. Le troisième, en revanche, appelle une vision plus critique. Si les opérations de forage et de fracturation exigent des puits d’une excellente qualité, isolés des nappes phréatiques par cuvelage en acier et cimentation, les incidents devraient s’avérer particulièrement rares. Les cas de connexion entre hydrocarbures et aquifères sont ainsi grandement limités par la réglementation en vigueur, si l’on en croit le rapport d’étape remis par la mission commune CGIET/CGEDD (35) : « sur les 2 000 puits pétroliers forés dans le bassin parisien, un seul puits de production de brut foré dans les années 1990 s’est révélé légèrement fuyard bien que fermé et a conduit à une légère contamination de la nappe phréatique ». Il convient de se féliciter du savoir-faire français, mais conserver à l’esprit que cette expérience ne concerne aucunement les fracturations hydrauliques consécutives à des forages horizontaux dans la roche-mère.

Vos rapporteurs ont consulté avec intérêt une recherche récente de l’Université de Duke (36) qui, pour la première fois, établit une corrélation entre l’exploitation du gaz de schiste en Pennsylvanie et un taux anormalement élevé de méthane dans les aquifères situés à proximité de soixante puits testés. Les scientifiques mentionnent un rapport de 1 à 17 avec les prélèvements effectués à une distance plus importante, et un dépassement des normes de consommation fixées par les autorités de santé américaines. Comment faut-il interpréter ces travaux ? Leurs auteurs ne se prononcent pas sur l’origine du gaz, qu’il provienne de défauts dans la cimentation ou d’une migration directement consécutive à la fracturation hydraulique. Ils se bornent à prôner une surveillance plus stricte des opérations et une plus large collecte de données.

Vos rapporteurs constatent que la science n’écarte pas qu’un lien puisse exister entre l’élévation du taux de méthane dans les eaux de Pennsylvanie et le formidable développement de l’industrie des gaz de schiste qu’a connu cet État. Ils notent par ailleurs que cette étude est pour l’heure isolée et contestée, à la fois par les industriels et par les autorités de l’État. En l’absence de connaissance claire, la prudence impose l’application du principe de précaution et la réalisation d’enquêtes plus poussées.

Le troisième et dernier danger de contamination correspond aux éléments recelés dans le sous-sol qui remontent à la surface en même temps que l’eau employée pour la fracturation. Le fluide récupéré contient les additifs chimiques utilisés, mais il draine également les métaux lourds, radioéléments et autres composés toxiques (arsenic par exemple) recueillis au contact de la roche-mère. La composition de ces effluents varie en fonction des caractéristiques locales. Le New York Times a révélé le 26 février 2011 la radioactivité présente dans des puits de l’État de Pennsylvanie : 42 verraient ainsi l’eau rejetée outrepasser la norme autorisée en radium, 4 en uranium, 41 en benzène, alors que 128 les dépasseraient du fait de la présence d’uranium. Le 16 mai toutefois, une des principales compagnies des eaux de l’État publiait les résultats de tests indiquant une radioactivité normale. Des tests antérieurs, conduits par le ministère de l’environnement de Pennsylvanie en novembre 2010, avaient également conclu à l’absence de contamination.

Il est tout à fait probable que l’eau qui remonte à la surface amène avec elle des éléments physiques dont il aurait mieux valu qu’ils demeurent à des kilomètres sous terre. Cependant, c’est moins le retraitement de l’eau contaminée qui pose problème si les affirmations du New York Times sont jugées crédibles, que l’affirmation selon laquelle les opérateurs avaient découvert la présence de radioéléments avec surprise et sans avoir préalablement déterminé avec certitude la composition du sous-sol.

Vos rapporteurs insistent pour que toute opération de forage et de fracturation soit précédée d’une étude minutieuse de l’environnement et d’une cartographie du sous-sol local. Seules les précautions préalables sont de nature à éviter les mauvaises surprises. Du reste, vos rapporteurs recommandent que la législation minière proscrive les activités de fracturation hydraulique à proximité de gisements identifiés de matières radioactives.

3. Le cas du bassin parisien

Les risques de contamination accidentelle par défaut de contrôle de l’ampleur de la fracturation varient en fonction de la complexité de la géologie locale et de sa connaissance.

Le bassin parisien présente les caractéristiques d’un territoire propice aux opérations d’exploitation de l’huile de schiste. Il se définit en effet comme un empilement relativement régulier de couches géologiques d’épaisseur conséquente. De surcroît, parce qu’il a été régulièrement foré depuis un demi-siècle, les scientifiques connaissent parfaitement son organisation.

Le schéma ci-dessus fait apparaître cette caractéristique ainsi que les ressources potentielles en hydrocarbures : à proximité de Paris l’huile du schiste du Lias (milieu de l’ère secondaire) et dans le Jura le gaz de houille du Permien (ère primaire). On constate aussi, dans la localisation des aquifères, la distance importante – supérieure à un kilomètre – qui les sépare de la roche-mère visée.

Vos rapporteurs estiment que la seule géologie locale ne soulève pas de difficulté spécifique pour l’exploitation des ressources pétrolières conventionnelles et non conventionnelles du bassin parisien.

4. Le cas du sud de la France

Les régions du sud-est de la France couvertes par les trois permis de Nant, Villeneuve-de-Berg et Montélimar se prêtent moins bien à une exploitation gazière. D’une part, sur ses marges orientales, cette zone couvre une partie du Larzac qui a été très peu explorée au cours des précédentes décennies. La méconnaissance de la géologie locale se traduit d’ailleurs par la prudence des investisseurs, puisque le permis de Nant est celui qui mobilise les engagements financiers les plus faibles. Toutes les recherches restent à y accomplir pour déterminer, non seulement les conditions d’une exploitation en toute sécurité, mais même le principe d’une exploitation et la confirmation des espérances des prospecteurs.

D’autre part, la complexité géologique de la zone mieux connue fait apparaître des variations d'épaisseur d'un endroit à l'autre pouvant dépasser une centaine de mètres. La présence de failles génère le danger d’une fuite des fluides de fracturation vers les formations géologiques autres que la roche-mère. Le rapport d’étape de la mission conjointe CGIET/CGEDD fournit un exemple saisissant de cette disparité : « compte tenu du relief et de la tectonique, le Toarcien affleure en certains points tels que la bordure des Causses alors qu'en Ardèche, cet étage est rencontré en sondage à plus de 600 m de profondeur (45 m d'épaisseur) près d'Aubenas, à 1 900 m près de Villeneuve-de-Berg (60 m d'épaisseur) et à plus de 3 000 m (100 m d'épaisseur) près de la vallée du Rhône ».

En outre, les parlementaires des départements concernés ont, comme les chercheurs spécialistes de ces régions, souligné l’extrême complexité du réseau hydrologique dans lequel les aquifères de type karstique, à l’affleurement ou sous couverture, sont les plus représentés. Cette histoire géologique favorise les réservoirs d’eau souterraine à forte potentialité, exploités pour l’approvisionnement d’une moitié de la population du territoire. Or les fractures géologiques ou induites, soumises à la pression des fluides de fracturation, peuvent constituer des drains permettant à l’hydrocarbure de s’échapper vers les aquifères supérieurs, les couches poreuses ou la surface. Un défaut de cimentation des puits conduirait, également, à une contamination rapide facilitée par le relief karstique.

Devant ces éléments, vos rapporteurs sont particulièrement dubitatifs, et même réticents, devant la perspective d’une exploration gazière réalisée sur ces territoires. La complexité des sols et la spécificité du réseau hydrologique les incitent à la plus grande prudence.

Il paraît difficile d’envisager une activité gazière avant que des études particulièrement poussées ne soient portées à la connaissance de la communauté scientifique, des élus et des habitants des territoires concernés.

C.— QUEL TRAITEMENT POUR L’EAU USÉE ?

L’eau utilisée pour la fracturation hydraulique de la roche-mère est vouée, pour partie, à demeurer piégée dans le sous-sol. Toutefois, la fraction restante remonte à la surface au cours de la poursuite de l’exploitation du puits, dans une proportion qui varie grandement, de 10 % à 80 %, en fonction de la nature des sols et des conditions techniques privilégiées.

Cette eau polluée, qui se caractérise par sa très importante salinité, est désormais impropre à la consommation. Son traitement constitue donc un enjeu important dans une optique de préservation de l’environnement. Quant à la composition précise du fluide récupéré, il est possible de la connaître si les études préalables ont été correctement réalisées et la connaissance des spécificités du lieu d’opération suffisamment approfondie.

1. Un stockage en bassin de rétention à ciel ouvert ?

Le documentaire Gasland a fait état de stockage à l’air libre des eaux usées, sans surveillance particulière et sans protection contre l’évaporation, le déversement ou le débordement. La pollution des sols, de l’air, des eaux de surface et, par absorption, des nappes phréatiques, ne fait alors quasiment aucun doute.

Comme pour les aspects précédemment évoqués, il est tout à fait possible que les opérations se soient déroulées de la sorte dans les premiers temps de l’exploitation pétrolière, dans des territoires particulièrement peu denses, et en l’absence de contrôle strict des autorités. Néanmoins, leur déplacement aux États-Unis a permis à vos rapporteurs de constater que cette situation n’est plus d’actualité. La réglementation encadre désormais les rejets effectués, qui sont assujettis à des permis étatiques ou fédéraux en fonction de la composition du fluide.

Les municipalités québécoises redoutaient pour leur part que ces effluents ne soient orientés vers les stations publiques d’épuration, lesquelles ne disposent évidemment pas des équipements nécessaires au retraitement des additifs chimiques sélectionnés pour la fracturation et des éléments toxiques glanés lors du passage dans le sous-sol.

En France, il est évident que ces pratiques ne doivent en aucun cas avoir cours. La réglementation doit explicitement prévoir leur proscription.

2. Un facteur de risque sismique ?

Des propos alarmistes sont parvenus à vos rapporteurs selon lesquels les opérations de fracturation hydraulique de la roche-mère seraient comparables à des tremblements de terre préjudiciables à l’activité humaine. De telles inquiétudes apparaissent improbables : les recherches et les mesures effectuées dans les gisements les plus exploités des États-Unis – au Texas notamment – montrent que ne parviennent en surface que d’infimes vibrations totalement indétectables et sans effet sur la vie des résidents voisins.

En revanche, une interrogation persiste quant à la vulnérabilité accrue des territoires fracturés aux séismes naturels. L’agence fédérale américaine de protection de l’environnement a confié à vos rapporteurs que l’activité sismique anormalement importante dans l’État de l’Arkansas – 700 tremblements de terre enregistrés en six mois – pourrait résulter d’une fragilisation du sous-sol due à l’industrie pétrogazière. Les géologues locaux excluent une corrélation avec les puits en phase d’exploration et de production, mais ils s’interrogent à propos des injections d’eaux usées envoyées sous terre et supposées y demeurer définitivement. Les autorités de l’Arkansas ont décrété un moratoire sur l’enfouissement de ces liquides en attendant le résultat des investigations scientifiques.

Il existe un précédent : en 2008, l’aéroport de Fort Worth (Texas) a été le lieu de séismes pour la première fois de son histoire. Les universitaires mandatés pour en rechercher la cause ont désigné deux puits réservés à l’enfouissement des eaux usées issues de fracturations hydrauliques, sans toutefois être en mesure d’en détailler les raisons ni d’expliquer pourquoi les sites texans comparables ne provoquaient pas les mêmes effets. La fermeture définitive des deux puits identifiés a mis un terme à l’activité sismique dans la région.

En outre, le 31 mai dernier, un séisme d’une magnitude de 1,5 a été enregistré sur le site britannique de Blackpool, où une fracturation hydraulique était en cours de réalisation. Déjà, le 1er avril, un premier tremblement de terre plus puissant – magnitude 2,3 – avait touché la même région. Les services géologiques du Royaume-Uni n’étaient alors pas parvenus à établir une causalité avec le forage, sans toutefois exclure que ce lien puisse exister. Les opérations ont depuis été interrompues dans l’attente de l’analyse des enregistrements sismographiques.

Vos rapporteurs recommandent un suivi attentif des travaux des géologues britanniques pour déterminer la réalité du risque sismique lié à la fracturation hydraulique.

3. Une eau recyclée ?

Les opérateurs industriels considèrent que l’eau qui reflue des forages déjà fracturés peut valablement servir à nouveau pour la fracturation de nouveaux puits. Cette capacité technique constitue un point positif en ce qu’elle limite les besoins de prélèvement dans le milieu naturel, mais elle n’apporte qu’une réponse temporaire à la question du traitement des eaux usées. Il viendra forcément le temps où, après plusieurs fracturations, elles seront considérée comme un déchet non réutilisable auquel il faudra trouver une destination.

La solution la moins coûteuse et la plus évidente consiste à réinjecter les eaux usées dans un puits épuisé avant de sceller l’ensemble. L’enfouissement est supposé définitif. Toutefois, cette pratique ne saurait être retenue tant que n’est pas levée l’hypothèse précédemment évoquée de la vulnérabilité sismique.

Il semble technologiquement possible de procéder à la séparation des eaux, des additifs chimiques et des éléments toxiques. En avril 2011, l’entreprise américaine Altela a annoncé avoir développé un procédé qui permet de traiter 77 % d’un fluide de fracturation pour récupérer une eau distillée. Cette dernière peut être remise à l’exploitant pour d’autres opérations ; son déversement dans les eaux de surface est également jugé sans danger par les autorités publiques. Le reliquat est convoyé vers des décharges spécialisées.

Vos rapporteurs considèrent que ce progrès technique doit être salué et que les taux de recyclage devraient encore croître dans les années futures. Si une exploitation des hydrocarbures de schiste était autorisée en France, il conviendrait de privilégier l’option du traitement plutôt que celle du stockage géologique. Ce choix suppose cependant la mise à disposition d’un nombre suffisant de décharges spécialisées, convenablement sécurisées, pour accueillir les déchets ultimes.

D.— UNE OBLIGATION FONDAMENTALE : LE POINT INITIAL DE SITUATION

L’expérience des pays producteurs de gaz et d’huile de schiste montre la différence fondamentale qui sépare la concomitance, la corrélation et la causalité. Les nations industrielles ont toléré sur leur sol un grand nombre d’activités polluantes au cours de l’histoire, dont les conséquences ne sont pas toutes identifiées aujourd’hui. Ainsi, il devient délicat d’imputer aux opérations les plus récentes les dommages éventuellement causés bien antérieurement. Les États-Unis se trouvent dans cette situation : des pollutions qui se produisent à proximité d’installations de forage se révèlent en fait provenir d’industries classiques, fermées il y a des décennies sans précaution.

Les autorités américaines comme le gouvernement québécois ont engagé une évaluation environnementale d’envergure. L’étude américaine, attendue pour 2014, bénéficie d’autorisations d’engagement de plus de dix millions de dollars. L’inventaire québécois devrait, pour sa part, durer deux ans.

Vos rapporteurs jugent ce point particulièrement important pour la définition d’une stratégie française en matière environnementale, bien au-delà de la seule question des gaz et huile de schiste. Il importe de recenser les caractéristiques du milieu naturel dans l’espace national pour, non seulement disposer d’un inventaire des ressources et des faiblesses du territoire, mais surtout fixer une situation initiale à partir de laquelle toute dégradation pourra être reprochée à son véritable responsable. Ce point initial de situation, confié aux organismes publics compétents en la matière, devra bénéficier des moyens budgétaires nécessaires à son bon accomplissement. En l’attente de la remise des conclusions, la prudence impose de retarder l’autorisation d’activités nouvelles.

Pour les mêmes raisons, vos rapporteurs soulignent la nécessité de prendre en compte des usages concurrents du sous-sol nécessitant des ressources géologiques rares, notamment le stockage de CO2 et de déchets radioactifs. Il convient en effet que la recherche d’hydrocarbures de schiste n’évince pas ces activités.

V.— LES HYDROCARBURES DE SCHISTE ET LES REJETS
DANS L’ATMOSPHÈRE

Les conséquences négatives d’une exploitation des gaz et huile de schiste abordées jusqu’à présent frappaient surtout le voisinage immédiat des installations. Leur impact sur l’air entre également dans cette catégorie dans une perspective de court terme, mais il concerne en revanche la planète entière dès lors qu’entrent dans l’équation les interrogations relatives au changement climatique.

A.— QUEL RISQUE POUR L’AIR ENVIRONNANT ?

Vos rapporteurs ont constaté avec étonnement que, si les inquiétudes exprimées en France concernent essentiellement l’eau, elles laissent peu de place à l’impact des forages sur l’air environnant. Il s’agit pourtant d’une dimension importante, particulièrement prise en compte dans l’approche de l’agence fédérale américaine de l’environnement, et évoquée également par les autorités publiques québécoises.

Le mauvais coffrage d’un puits aboutit à une fuite d’hydrocarbure dans l’aquifère voisin ou dans le sol, donc finalement dans l’air. Ce scénario n’a rien d’improbable. Une étude albertaine a montré que, entre 2005 et 2007, le pourcentage de puits forés présentant une migration de gaz variait de 7 à 19 % alors que les cas de fuite par l’évent atteignaient 9 % à 28 %. Les normes de cimentation ont alors été durcies, permettant la retombée des statistiques à 1 % et 3 % l’année suivante. De surcroît, l’ampleur de ces fuites peut se révéler négligeable – à court terme du moins.

Vos rapporteurs estiment que l’expérience des forages pétrogaziers français et l’absence de la moindre contamination significative par le passé permet de considérer les normes françaises en matière de cimentation comme suffisamment exigeantes. Le contrôle des rejets d’éventuels puits de gaz de schiste devrait permettre de valider cette approche.

En outre, une fois la fracturation opérée, le puits entre immédiatement et à un rythme élevé en phase de production. Tant que les installations nécessaires à l’évacuation du gaz ne sont pas connectées au réseau, celui-ci est passé à la torchère, donc brûlé sans bénéfice pour la collectivité, émettant ainsi des résidus et notamment des gaz à effet de serre.

Une torchère

Le convoi de l’eau et des produits chimiques requis pour la fracturation hydraulique génère un trafic routier important et, par conséquent, un rejet en proportion de gaz d’échappement. Les mille allers-retours de poids lourds génèrent une pollution aérienne sensible, surtout dans les espaces ruraux jusque-là préservés d’une circulation automobile intense. Le recours à des canalisations permet néanmoins d’en réduire le nombre.

Un récent rapport, publié en France (37), laisse supposer que l’extraction des gaz de schiste relâcherait à l’air libre des gaz extrêmement polluants, notamment du sulfure de dihydrogène (H2S). Cette activité serait alors possiblement responsable, entre autres, de pluies d’oiseaux morts aux États-Unis. Rien, dans les travaux de vos rapporteurs, ne permet d’accréditer cette thèse. Par ailleurs, des phénomènes similaires se sont produits en Suède, où n’existe aucune production de gaz de schiste. Il semble s’agir là, à tout le moins, de conjectures hasardeuses.

Les investigations menées par vos rapporteurs tendent à montrer que la source de pollution aérienne la plus considérable dans l’activité d’extraction des hydrocarbures de schiste réside dans les compresseurs utilisés pour injecter le fluide de fracturation dans le sous-sol. Aucun État américain n’a déploré la présence de produits toxiques dans l’air, sinon temporairement dans la ville de Dish (Texas) où la pollution était précisément associée aux opérations de compression.

Ayant assisté à une fracturation hydraulique, vos rapporteurs ont été frappés par les seize super poids lourds qui abritaient les compresseurs. Leur entrée en fonctionnement provoque des rejets aériens visibles à l’œil nu ; elle fait trembler la terre bien plus sûrement que la fracturation elle-même. Ils notent toutefois que des alternatives existent, notamment les générateurs électriques se substituant aux moteurs diesel. Il conviendra d’inscrire ce point dans la réglementation nationale.

Les compresseurs nécessaires à la fracturation sont montés sur camions

Source : déplacement de la mission d’information aux États-Unis

B.— DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE ACCRUES OU DIMINUÉES ?

L’impact d’une exploitation des gaz de schiste sur les émissions de gaz à effet de serre – et donc sur le changement climatique – est particulièrement difficile à déterminer. Il varie en effet en fonction du bouquet énergétique de l’ensemble considéré. Le gaz naturel émet en brûlant une quantité de CO2 deux fois inférieure au charbon, et ce ratio est encore moindre pour les autres polluants. Il est souvent qualifié d’énergie de transition (bridge fuel), permettant d’abandonner les combustibles fossiles les plus néfastes à l’environnement (pétrole, charbon), en attendant que le progrès technique apporte performance et rentabilité aux énergie renouvelables.

Cet argument explique que le discours sur le gaz de schiste des représentants écologistes rencontrés en Allemagne et aux États-Unis s’inscrive en décalage par rapport à l’hostilité manifeste qui prévaut dans le débat français. Dans ces deux pays dont la production électrique dépend encore du charbon pour plus de 40 %, le passage au gaz naturel présenterait un avantage écologique certain. En effet, comme toute énergie fossile, la combustion du gaz rejette du dioxyde de carbone, mais seulement 55 kg par gigajoule de chaleur produite contre 75 pour le pétrole brut et 100 pour le charbon. L’avantage s’accroît encore si la totalité du cycle de production est prise en considération, les gisements conventionnels étant beaucoup moins difficiles d’accès que les veines de charbon. Il existe par conséquent, pour ces nations, un intérêt réel à privilégier le gaz comme source d’énergie dans une perspective de protection du climat. Cette option apparaît plus indiscutable encore dans le cas de la Chine où, plus qu’un choix climatique responsable, le passage au gaz naturel permettrait d’éviter un bilan humain dramatiquement lourd : en 2008, ce sont plus de trois mille personnes qui ont perdu la vie dans les mines de charbon chinoises.

La problématique se présente différemment dans le cas de la France et, comme vos rapporteurs l’ont constaté sur place, dans celui du Québec. Le bouquet électrique de ces deux nations repose très majoritairement sur une source décarbonée : grâce au parc nucléaire d’un côté, grâce aux installations hydroélectriques de l’autre. Aucune réduction des émissions de gaz à effet de serre ne découlerait alors d’une exploitation des gaz et huile de schiste. L’avantage retiré serait de nature économique, par substitution de la production domestique aux importations, mais en aucun cas il n’aurait un caractère écologique.

Une étude scientifique, publiée le 12 avril 2011, instille le doute dans ce raisonnement (38). Les chercheurs avancent que l’empreinte carbone de l’exploitation des gaz de schiste est en réalité bien plus élevée que celle du gaz naturel issu de réservoirs conventionnels. Les puits fracturés seraient en effet sujets à des fuites de méthane tout au long de l’existence, fuites évaluées entre 3,6 % et 7,9 % des volumes totaux produits, soit entre 30 % et 100 % de plus que dans une exploitation conventionnelle. Or le méthane a des effets importants sur l’effet de serre, bien supérieurs à ceux du dioxyde de carbone, même s’il se dégrade plus rapidement dans l’atmosphère – son effet s’estompe au-delà de vingt ans.

Les calculs présentés aboutissent à la conclusion d’une forte nocivité des gaz de schiste dans la lutte contre le changement climatique. Une fois intégrée les fuites de méthane, le bilan carbone initialement présenté est même renversé : le charbon et le diesel deviennent les énergies les moins polluantes à un horizon de vingt ans, le gaz conventionnel apparaît très polluant et le gaz de schiste extrêmement polluant. Des valeurs plus conformes aux résultats classiques se constatent à plus long terme, une fois éliminé le méthane relâché.

Extraits de l’article, les deux graphiques illustrent cette théorie – le premier à vingt ans, le second à cent ans. Les deux premières barres représentent les émissions des gaz de schiste, estimations basse et haute. Les deux suivantes sont le gaz conventionnel, estimations basse et haute également. Ensuite vient le charbon, exploité dans des veines de surface et dans des mines en profondeur. La septième et dernière barre formalise les émissions de diesel. A l’intérieur des histogrammes, le bleu correspond aux émissions de CO2 au cours de la combustion, le orange aux émissions indirectes consécutives à l’extraction et à l’acheminement du combustible, le rose enfin aux émissions fugitives de méthane convertis en équivalent CO2. Cette conversion fait d’ailleurs l’objet de critique, l’étude retenant un pouvoir de réchauffement global du méthane découlant des études les plus récentes, et non celui calculé par le quatrième rapport d’évaluation du GIEC en 2007.

Vos rapporteurs accueillent avec intérêt les positions des associations environnementales étrangères quant à l’opportunité de produire les gaz et huile de schiste de leurs territoires. Elles rappellent que le choix d’exploiter ou non ces hydrocarbures correspond moins à un bilan entre coûts et avantages similaire pour toutes les nations du monde, mais à la prise en compte de facteurs spécifiquement internes que sont la politique énergétique et la composition du bouquet électrique.

Quant à l’étude scientifique de l’université Cornell, vos rapporteurs notent la largeur des fourchettes présentées, que les auteurs expliquent par la qualité variable des pratiques de production. Il est donc admis qu’une réglementation particulièrement stricte pourra limiter fortement l’empreinte carbone des gaz de schiste et la ramener à des valeurs comparables aux gaz conventionnels, acceptables dans le combat livré par l’Europe pour la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Au contraire, la France reste impuissante à faire diminuer les émissions fugitives issues de la production du gaz conventionnel qu’elle consomme, dans la mesure où ses exigences techniques n’ont aucun poids en territoire étranger.

C.— LA PERPÉTUATION DE L’ÂGE DES FOSSILES ?

Plus polluant que le gaz conventionnel ou aussi vertueux que lui, le gaz de schiste – comme l’huile de schiste – restent des énergies fossiles. Doubler les réserves mondiales de gaz, accroître celles de pétrole, pourrait signifier un renoncement dans la lutte contre le changement climatique. Les hydrocarbures redevenant une énergie abondante et bon marché évinceraient alors durablement les énergies décarbonées, plus coûteuses et moins performantes. Alors que les projections du GIEC font ressortir l’impérative maîtrise de la concentration de l’atmosphère terrestre en gaz à effet de serre, cela ne signifierait-il pas, comme déclaré par l’une des personnes auditionnées, « allumer définitivement le four » ?

La crainte ne semble pas infondée. Les États-Unis, qui demeurent la seule puissance à disposer d’une production significative de gaz non conventionnel, ont d’ores et déjà réorienté leur politique énergétique. Alors que se trouve garantie l’indépendance énergétique et que les prix se maintiennent à un niveau relativement bas en dépit d’une tension des marchés consécutive à la politique internationale, le gaz naturel s’impose comme la ressource d’avenir. Il est en outre paré d’une réputation écologique qui justifie son statut d’énergie de transition. Dans l’attente d’une performance accrue des énergies renouvelables, il représente un optimum écologique de second rang et un optimum économique de premier rang.

Ainsi la transition vers les énergies vertes semble entravée par les nouvelles richesses gazières. L’industrie éolienne américaine connaît un déclin : sa rentabilité n’est plus suffisante pour permettre son développement. De 10 GW en 2009, les installations n’ont représenté que 5 GW en 2010 et 2011. Elles pourraient reculer à 3 GW dès 2012 d’après les opérateurs américains. La volonté du Congrès de réduire les déficits budgétaires fédéraux fait en outre peser la menace d’une diminution des incitations fiscales en faveur du renouvelable, ce qui amoindrirait encore la compétitivité de ces filières.

Le déplacement de vos rapporteurs aux États-Unis et leur rencontre avec le ministère fédéral de l’énergie (DoE) paraissent confirmer un recentrage du bouquet énergétique américain vers les énergies fossiles. Le graphique suivant présente les installations de production électrique supplémentaires attendues entre 2010 et 2035. Le bleu représente le nucléaire, le marron le charbon, le vert les énergies renouvelables et le rouge sombre le gaz naturel.

Au cours des vingt-cinq années considérées, le gaz naturel ne cesse de croître alors que toutes les autres sources d’énergie connaissent une réduction. Cette démarche est positive pour ce qui concerne le charbon, plus polluant et dont l’extraction est dommageable à l’environnement local. Mais elle traduit surtout un recul considérable des énergies décarbonées : la progression des énergies renouvelables est fortement ralentie alors que l’investissement dans le nucléaire disparaît à compter de 2020.

Dans la perspective d’une transition vers une économie verte, l’édification de centrales thermiques n’est pas illogique. Les énergies renouvelables ont un caractère fatal, c'est-à-dire que leur production nécessite des conditions particulières liées à l’ensoleillement et à la température extérieure. Il n’y a pas d’électricité éolienne sans vent, pas d’électricité solaire la nuit. Un État doit disposer de sources complémentaires, rapidement activables, pour palier ces périodes d’arrêt. Hormis l’hydraulique, seuls les combustibles fossiles semblent adaptés à ce rôle. Leur existence ne se justifiera plus dès lors que la science maîtrisera le stockage de l’électricité, horizon qui ne semble pas accessible à court ou moyen terme. Le principe d’un investissement dans les centrales électriques à gaz n’est donc en rien néfaste pour la protection de l’environnement. Le volume impressionnant de cet investissement, en revanche, laisse craindre une éviction des technologies vertes des stratégies des opérateurs. Parce qu’il est plus rentable et plus facile d’accès, le gaz de schiste retarderait alors la transition vers une énergie propre.

Cette hypothèse est écartée par les industriels rencontrés par la mission, qui estiment que l’abondance d’une ressource n’entraîne pas automatiquement sa prédominance dans les usages économiques. De la même façon que « l’âge de pierre n’a pas cessé faute de pierres », le temps des hydrocarbures viendrait à son terme par l’apparition d’une énergie propre, peu onéreuse et sans danger pour l’homme.

Vos rapporteurs ont reçu de la commission du développement durable une mission d’information destinée à éclairer le processus de décision national. Ils n’ont pas compétence pour porter un regard sur les options stratégiques des États étrangers. Toutefois, si la production des hydrocarbures de schiste a un impact sur le changement climatique, et si la majorité des grandes puissances se détermine en faveur de cette option stratégique, les efforts consentis par la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre ne porteront pas leurs fruits. Vos rapporteurs recommandent par conséquent que le contexte international soit pris en compte dans la décision d’exploiter, ou non, les ressources du sous-sol français. Ils considèrent également que le critère économique demeure une variable primordiale dans les choix énergétiques des nations, et que la hausse des cours des hydrocarbures constitue la plus puissante incitation en faveur de la recherche sur les nouvelles sources d’énergie.

TROISIÈME PARTIE

LES MOYENS DU DÉBAT :
LES IMPERFECTIONS DU CODE MINIER

Le premier semestre de l’année 2011 a été le théâtre d’une contestation populaire d’envergure, manifestant une franche hostilité de la population contre l’exploitation des gaz et huile de schiste sur le territoire national. Relayée sur internet et réunissant plusieurs milliers de manifestants à l’occasion de journées d’action, cette opposition trouvait ses principaux fondements sur les dommages qu’une production industrielle infligerait à l’environnement. Les arrêtés du 1er mars 2010 par lesquels le ministère de l’Environnement a octroyé trois permis exclusifs de recherche ont ainsi focalisé le débat. Le sous-sol parisien a ensuite été intégré au débat pour ses ressources en huile de schiste, comme la région de Gardanne pour le gaz de houille qu’elle recèlerait. On estime à une quinzaine – le nombre est approximatif – les permis de recherches visant les hydrocarbures de schiste aujourd’hui. Il faut y ajouter les dossiers en attente d’instruction qui seraient au nombre de 45 (39).

Si le principe même d’une production domestique d’hydrocarbures par fracturation hydraulique de la roche suscite la réticence, l’action de la population et l’intervention des élus locaux conduisent à porter un regard critique sur la procédure qui a présidé à la délivrance des titres miniers. Comment considérer acceptable, dans une démocratie moderne, que la législation permette l’autorisation d’activités potentiellement dangereuses pour l’environnement sans jamais consulter les riverains, sans informer davantage les élus locaux, sans que l’autorité politique puisse apprécier au sein du gouvernement les options retenues par l’administration ? Comment juger tolérable la logique uniquement productiviste du code minier qui lie exploration et exploitation, de sorte que le succès de la première provoque presque automatiquement l’autorisation de la seconde ? Comment laisser perdurer, enfin, les mécanismes qui ne laissent au Parlement que le choix de l’interdiction par une loi discutée dans l’urgence, rétroactive et néfaste au bon fonctionnement de l’économie en ce qu’elle remet en cause des droits légalement acquis ?

Il convient de tirer les leçons de ces dysfonctionnements, d’autant qu’ils ne sont en rien imputables à une quelconque violation de la réglementation en vigueur par les entreprises ou par l’administration. Gouvernement, majorité et opposition : chacun s’accorde désormais sur la nécessité d’une réforme du code minier. Plusieurs fois au cours des débats à l’Assemblée nationale, les rapporteurs de la proposition de loi – Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet – ont souhaité que la présente mission d’information contienne des préconisations à cet égard.

Les investigations de vos rapporteurs leur ont effectivement révélé un certain nombre d’imperfections et d’incongruités qui méritent correction. Il ne fait cependant aucun doute que la perspective particulière par laquelle ils ont abordé le sujet minier – les hydrocarbures de schiste – ne les autorise pas à exprimer une appréciation d’ensemble, mais seulement à présenter une série de recommandations ciblées.

Avant d’aborder ces recommandations, il est nécessaire de rappeler quel est le droit positif, sur quelle logique il repose, et comment les permis de recherches ont été délivrés. Il faut aussi rejeter une accusation souvent entendue au début du printemps selon laquelle les pouvoirs publics s’étaient livrés à une modification subreptice du code minier pour faciliter les opérations des industriels pétrogaziers. L’article 92 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, portant simplification et clarification du droit et allègement des procédures, autorisait le Gouvernement à procéder par ordonnance pour codifier le droit minier, constitué alors du décret n° 56-838 du 16 août 1956 et d’un ensemble de textes disparates. L’ordonnance n° 2011-91 portant codification de la partie législative du code minier a ainsi été présentée le 20 janvier 2011, alors que la polémique publique sur les gaz et huile de schiste prenait de l’ampleur. D’aucuns ont alors affirmé que la réorganisation du code n’avait pas été opérée à droit constant, et que la nouvelle version offrait un cadre plus favorable aux industriels. Vos rapporteurs ont sollicité des juristes pour apprécier ce grief : il a été jugé infondé. Contactée, la commission supérieure de codification a également estimé avoir travaillé à droit constant ; les quelques modifications apportées ne concernent pas l’exploitation terrestre des hydrocarbures.

I.— LES CARENCES D’UNE LOGIQUE PRODUCTIVISTE

Les principes généraux du code minier sont applicables sur la totalité du territoire contrôlé par la France, y compris dans l’espace maritime. Conformément à la tradition monarchique, l’État napoléonien détient le droit régalien d’octroyer les concessions minières. Les ressources du sous-sol appartiennent à la puissance publique, non au propriétaire du terrain comme aux États-Unis. Cette règle formalisée en 1810 n’a jamais été écartée depuis. Bien qu’elle restreigne le droit de propriété, elle permet une gestion d’ensemble de la ressource et une réglementation plus efficace pour limiter les impacts en surface. L’État reste mieux à même de défendre l’intérêt général que le propriétaire individuel, enclin à tolérer les dommages infligés à l’environnement pourvu que le loyer de sa terre soit accru en conséquence. Le déplacement de la mission sur les champs gaziers de Pennsylvanie a mis en lumière les dangers d’une rémunération de la personne privée, dont découle la multiplication des sites de forage outre-Atlantique.

Vos rapporteurs plaident en faveur du statu quo sur le principe fondamental du droit minier français qui fait de l’État le détenteur des ressources du sous-sol. L’instauration d’une incitation financière octroyée par les entreprises aux propriétaires des terrains semble plus dangereuse, dans une perspective de protection de l’environnement comme dans une logique de valorisation stratégique des matières premières.

Pour autant, le code minier hérité du Premier Empire et simplifié pour encourager les opérateurs comporte une dimension productiviste affirmée. Sans négliger les aspects environnementaux, il confère aux entreprises des droits considérables pour préserver leurs intérêts. Les détenteurs de permis exclusifs de recherches bénéficient ainsi pratiquement d’un droit à explorer si leur prospection rencontre le succès.

A.— UNE INSTRUCTION LONGUE ET COMPLEXE

Il a beaucoup été reproché à l’autorité administrative d’agir en secret et avec rapidité lorsqu’il s’agit de délivrer un titre minier. Cette célérité dissimulerait une sympathie complaisante envers les industriels et une volonté d’éviter l’intervention du grand public dans ces opérations industrielles. Vos rapporteurs ont pu constater que si le reproche d’une communication insuffisante pouvait valablement être défendu, il est inexact de postuler la brièveté de la procédure minière, surtout si elle débouche sur une concession d’exploitation.

Le graphique ci-dessous retrace les différentes étapes que suit une demande de permis exclusif de recherches. Il faudra en moyenne deux ans pour aboutir à la décision ministérielle. Les arrêtés du 1er mars 2010 sanctionnent par exemple une procédure ouverte le 6 décembre 2007 par le dépôt de la demande de permis de Cévennes, dont la recevabilité a été publiée au Journal officiel du 14 octobre 2008.

Source : DGEC

La demande de permis exclusif de recherches H – pour hydrocarbures – commence par le dépôt d’un dossier auprès du bureau exploration production des hydrocarbures (BEPH). Il comporte des informations sur les capacités techniques et financières du demandeur, un mémoire technique présentant les études préalables, un programme de travaux, un engagement financier sur les dépenses de prospection, des informations sur l’expérience de la société et une notice d’impact minière.

Le dossier est d’abord instruit à l’échelon local par une direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Une fois sa recevabilité déclarée, la demande est publiée au Journal officiel ainsi qu’au Journal officiel de l’Union européenne. Une période de 90 jours s’ouvre au cours de laquelle les différents opérateurs pétroliers peuvent également présenter un dossier sur le même territoire. La DREAL établit un rapport complet, publié et présenté au préfet, qui clôt la phase locale en formulant un avis. Le dossier retourne alors au BEPH qui en étudie les aspects techniques, économiques et financiers. Un avis du directeur de l’énergie conclut ces investigations. Le dossier complet parvient au conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, qui rédige à son tour un rapport. Enfin, la signature de l’arrêté ministériel et sa publication au Journal officiel équivalent à la délivrance du titre minier d’exploration.

La détention d’un permis n’autorise cependant pas une entreprise à procéder immédiatement à des forages. Elle est encore tenue d’obtenir l’accord de la préfecture du territoire concerné pour mener à bien ses travaux. Le dossier comprend un programme des travaux, un descriptif des méthodes de recherche, un document retraçant les précautions en matière de sécurité et de santé, un calcul prévisionnel sur les conditions d’arrêt des travaux et l’estimation des coûts, une étude de danger, les dispositions relatives à la remise en état du site et une notice d’impact. L’aval de la préfecture prend la forme d’un arrêté préfectoral si elle souhaite encadrer les opérations, voire d’un silence si elle accepte sans restriction les projets présentés dans le dossier.

Si l’exploration se conclut par un succès, l’opérateur sollicite un titre d’exploitation – une concession – qui lui est attribuée par décret en Conseil d’État. Il bénéficie alors d’une priorité par rapport à ses concurrents qui n’ont pas mené l’exploration. La procédure comporte alors à l’échelon local une enquête publique ; elle requiert également un avis du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies. La phase de travaux nécessite à nouveau un arrêté préfectoral d’autorisation après enquête publique, étude d’impact et avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST).

Vos rapporteurs constatent avec satisfaction que la délivrance des permis d’exploration de gaz et d’huile de schiste a respecté la réglementation en vigueur. Les vingt-sept mois d’instruction entre la demande initiale et l’arrêté ministériel vont à l’encontre d’une suspicion d’une connivence quelconque de l’autorité administrative à l’égard des pétitionnaires. Pour autant, il est difficile d’expliquer que, durant plus de deux ans, à l’échelon local comme dans les directions centrales, nul n’ait eu le devoir de prévenir la population et ses élus locaux de l’existence de ces procédures.

Quant aux préoccupations environnementales, elles apparaissent au moment de l’octroi du titre de recherches à travers la notice d’impact minière, mais elles s’imposent pour l’essentiel à l’occasion de la phase de travaux.

Article L. 161-1 du code minier

Les travaux de recherches ou d'exploitation minière doivent respecter, sous réserve des règles prévues par le code du travail en matière de santé et de sécurité au travail, les contraintes et les obligations nécessaires à la préservation (…) des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles particulièrement des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1, L. 331-1, L. 332-1 et L. 341-1 du code de l'environnement (…).

La prise en compte de l’enjeu environnemental est relativement ancienne. Dès 1810, le préfet peut prendre toutes mesures si les travaux miniers sont susceptibles de compromettre la sécurité publique, la conservation des eaux minérales ou l’usage des sources. Le XXe siècle renforce les pouvoirs du représentant de l’État, qui peut désormais décider des mesures au frais du mineur, recourir à la force publique, immobiliser du matériel et interdire l’accès des chantiers. Surtout, les pouvoirs publics ont la faculté d’imposer, au terme de la validité d’un titre minier, la remise en état des sites et lieux affectés par les travaux. Les autorisations et déclarations prévues par le code minier équivalent respectivement aux autorisations et déclarations prévues par l’article L. 214-3 du code de l’environnement sur la protection de la ressource en eau.

Les juristes consultés par vos rapporteurs ont souligné la rigueur du droit français dans le régime de l’après-mine (40). Le code minier confirme cette interprétation. Le débat autour des gaz et huile de schiste appelle plus volontiers une réflexion sur les procédures d’attribution des titres de recherche.

B.— DES DOSSIERS INCOMPLETS QUI NE PERMETTENT PAS LA DÉCISION PUBLIQUE

La notice d’impact associée aux permis de recherches précise les conditions dans lesquelles sera entrepris le programme de travaux de recherche, de façon à satisfaire les préoccupations liées à la protection de l’environnement. Elle a donc un triple objectif : décrire le secteur considéré et les protections règlementaires dont il bénéficie, procéder à l’analyse des conséquences probables des travaux sur le milieu environnant dans la zone d’exploration, exposer enfin les mesures prévues pour limiter les inconvénients et les nuisances engendrées par l’activité.

La notice définit le cadre géographique des opérations en précisant la situation, le milieu physique, les paysages, la densité de population. Elle mentionne également les activités économiques déjà présentes sur les lieux d’exploration ainsi que les installations bénéficiant d’un périmètre de protection. L’état de la pollution y figure enfin, de sorte que des dégradations préexistantes ne soient pas imputables à l’activité future. Ceci est conforme aux deux premiers alinéas de l’article L. 155-3 du code minier : « L'explorateur ou l'exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier est responsable des dommages causés par son activité. Il peut s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d'une cause étrangère. Sa responsabilité n'est limitée ni au périmètre du titre minier ni à sa durée de validité. »

Sur la base de ces notices d’impact, la direction générale de l’énergie et du climat a communiqué à vos rapporteurs une liste des permis déjà attribués en France susceptibles de viser des objectifs non conventionnels. Ce recensement apparaît sujet à caution. En effet, un permis exclusif de recherche ne constitue ni une permission d’exploitation ni même une autorisation de travaux de recherche. C’est une opération patrimoniale qui n’autorise aucune activité minière. L’élaboration d’une liste de permis non conventionnels est alors complexe. L’arrêté d’attribution du permis exclusif de recherche ne précise pas la cible géologique des investigations ; le droit acquis à ce stade concerne la substance de manière générale – ici les hydrocarbures – quelles que soient sa profondeur et la roche qui le contient, sous réserve de l’instruction des demandes de travaux de recherche par le préfet et de l’attribution d’une concession d’exploitation.

Les types de permis présentés dans le tableau reposent sur les objectifs géologiques justifiés par l’entreprise dans ses contacts avec l’administration. Ces objectifs peuvent évoluer au cours de la durée de validité du permis, en fonction des résultats des premières études, des échographies du sous-sol et des premiers forages de prospection. Une entreprise recherchant initialement des hydrocarbures conventionnels peut réorienter son activité – là encore, sous réserve de l’instruction des demandes de travaux de recherche par le préfet et sous réserve que les technologies nécessaires soient autorisées. Les objectifs peuvent également être multiples dès l’origine. Plusieurs des demandes de permis retenues dans ce tableau ont également été justifiées par des objectifs conventionnels.

Huile/gaz

Dénomination

Titulaires (associés)

Km²

Date expiration

N 575

G

Gaz de Gardanne

HERITAGE PETROLEUM, EUROPEAN GAS Ltd (op.)

365,00

25.11.2012

N 576

G

Bleue Lorraine

HERITAGE PETROLEUM, EUROPEAN GAS Ltd (op.)

262,00

30.11.2013

M 581

G

Bleue Lorraine Sud

EUROPEAN GAS LIMITED

528,00

07.12.2011

M 590

G

Lons le Saunier

EUROPEAN GAS LIMITED

3795,00

28.07.2012

M 591

H

Mairy

TOREADOR ENERGY FR, EGDON E&P

444,00

15.08.2011

M 603

H

Nogent-sur-Seine

TOREADOR ENERGY FRANCE

266,00

08.08.2012

M 605

H

Leudon-en-Brie

TOREADOR ENERGY FRANCE

105,00

08.08.2012

M 611

G

Moselle

ELIXIR PETROLEUM Ltd

5360,00

20.01.2014

M 613

G

Lorraine

VERMILION REP

661,00

20.01.2013

M 616

H

Château-Thierry

TOREADOR ENERGY FRANCE

779,00

24.10.2014

M 624

G

Nant

SCHUEPBACH ENERGY LLC

4414,00

30.03.2013

M 625

G

Montélimar

TOTAL EPF, DEVON

4327,00

31.03.2015

M 627

G

Villeneuve de Berg

SCHUEPBACH ENERGY LLC

931,00

02.04.2013

M 630

G

Sud Midi

GAZONOR SA

929,00

23.07.2015

Certains gisements ne nécessitent pas l’emploi de la fracturation hydraulique. C’est le cas du gaz de mine du nord de la France sur lequel travaille la compagnie Gazonor. Ces activités n’entrent aucunement dans le débat public à l’heure actuelle.

En outre, le titulaire d’une concession détient la faculté d’explorer les ressources en hydrocarbures de schiste du territoire qui lui a été accordé pour l’exploitation d’un gisement traditionnel (41). C’est le cas de la société Vermilion qui a foré deux puits de recherches d’huile de schiste pour déterminer les potentialités du bassin parisien. Le titre qui a autorisé cette opération – la concession de Champotran – n’apparaît pas dans la liste communiquée par le DGEC.

Ces éléments expliquent la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a choisi, sur la proposition des rapporteurs Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, de renoncer à une abrogation immédiate des permis dits non conventionnels. La liste dont dispose l’administration est indicative car elle se fonde sur une notice d’impact dont la réglementation en vigueur reconnaît le caractère tout à fait préparatoire. Les entreprises ne formulent avec précision la cible géologique recherchée et les techniques employées qu’à l’approche de l’ouverture des travaux.

Vos rapporteurs comprennent l’organisation retenue par la législation. Confier le contrôle de la protection de l’environnement au préfet sur le territoire, donc au moment de l’instruction des demandes de travaux, plutôt qu’à l’échelon central, compétent pour l’attribution des titres miniers, n’est pas dépourvu de logique opérationnelle. Cependant, cette architecture aboutit à un dessaisissement dans la mesure où le Gouvernement n’est plus en mesure de présenter une vision nationale de la situation. Il conviendra que la réforme à venir du code minier corrige ce travers.

C.— UNE PROCÉDURE SIMPLIFIÉE

Il est de bonne pratique administrative de prévoir des procédures strictes, lorsqu’une action publique se déploie avec envergure, et de simplifier les mécanismes, s’ils ne trouvent à s’appliquer que très occasionnellement. Ce principe a été pleinement mis en œuvre par la législation et la réglementation minières. Les ressources du sous-sol, en France, ne constituent pas un enjeu. Les mines de charbon ont fermé. Quant aux réserves de gaz et de pétrole, depuis l’épuisement du gisement de Lacq, leur extraction ne couvre qu’une part plus que symbolique de la demande domestique – de l’ordre de 1 %. Le début des années 1990 marque une forte contraction du nombre de forages d’exploration, qui disparaissent pratiquement en 2000.

À la fin du XXe siècle, l’activité minière cesse d’être un enjeu économique sur le territoire national. Ce constat objectif amène une simplification croissante des procédures minières pour permettre la persistance d’une exploration minimale permettant à l’État de continuer à accumuler des connaissances sur la composition du sous-sol. Les recherches pétrolières et gazières représentent en effet une source importante de données pour les géologues, hydrologues et autres spécialistes du sous-sol, dans les Universités et au BRGM.

Source : DGEC

Par le passé, les permis de recherches étaient soumis à une enquête publique minière, distincte de celle que prévoit désormais le code de l’environnement, d’une durée de trente jours. Ces titres de recherches étaient par ailleurs octroyés par décret en Conseil d’État. La durée excessive de l’instruction et l’absence d’enjeux environnementaux majeurs pendant la phase de recherche ont incité le législateur à renoncer à cette procédure à l’occasion de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail. Le public n’est donc jamais consulté au cours de la phase exploratoire. Les textes ne prévoient que son information à travers une publication au Journal officiel.

Cette modalité apparaît largement insuffisante à vos rapporteurs. Si elle permet aux opérateurs pétrogaziers d’effectuer une veille et de présenter des demandes concurrentes auprès du BEPH, elle ne bénéficie pas d’une visibilité suffisante aux yeux du grand public et des élus locaux.

L’ouverture des travaux miniers par le bénéficiaire d’un permis exclusif de recherches représente l’ultime occasion pour l’administration de prescrire des mesures contraignantes destinées à assurer la protection de l’environnement. C’est aussi la dernière décision administrative qui donne l’occasion de consulter la population et les élus locaux avant que les installations soient mises en place. Le code minier prévoit alors deux procédures en fonction de l’importance des travaux envisagés.

Article L. 162-1 du code minier

L'ouverture de travaux de recherches et d'exploitation de mines est subordonnée soit à une autorisation, soit à une déclaration administratives suivant la gravité des dangers ou des inconvénients qu'ils peuvent représenter pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1. La définition des travaux de recherches et d'exploitation entrant dans l'une ou l'autre de ces catégories est établie par décret en Conseil d'État.

Article L. 162-10 du code minier

Sont soumis à déclaration les travaux de recherches et d'exploitation qui tout en présentant des dangers ou des inconvénients faibles pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 doivent néanmoins se soumettre à la police des mines et aux prescriptions édictées par l'autorité administrative.

La recherche et l’exploitation d’hydrocarbures liquides et gazeux entrent dans le champ de l’article L. 162-10 : présentant des dangers ou des inconvénients considérés comme faibles (42)– ce qui est sans doute vrai si une exploitation classique est comparée à une mine de charbon à ciel ouvert, une déclaration suffit à engager des travaux.

Ce document, déposé en préfecture, est transmis aux services intéressés qui disposent d’un mois pour faire connaître leurs observations. La déclaration est adressée pour information aux maires des communes sur le territoire desquelles les travaux sont prévus. Le public en a communication par voie d’affichage. Lorsque les travaux projetés sont de nature à porter atteinte aux intérêts environnementaux mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier, le préfet prescrit les mesures appropriées pour en limiter les effets. Si aucune consigne n’émane de la préfecture à l’issue d’un délai de deux mois, l’opérateur peut commencer son activité conformément à ses projets. C’est donc au moment de la phase de travaux que la population et ses élus sont mis au courant, autrement que par une publication au Journal officiel, d’une activité pétrogazière prochaine dans le voisinage.

Vos rapporteurs estiment que cette procédure laisse grandement à désirer. Comme les gaz et huile de schiste sont soumis au régime déclaratif et non conditionnés à l’obtention d’une autorisation préfectorale, ils ne sont pas astreints à l’enquête publique prévue par le code de l’environnement. De surcroît, s’il est loisible au représentant de l’État de fixer des conditions à l’ouverture des travaux, au regard du volume des prélèvements en eau par exemple, vos rapporteurs retirent de leurs auditions le sentiment que le principe même des travaux ne peut être refusé que pour des raisons de légalité, non pour des motifs d’opportunité. En l’état actuel du droit, il serait donc très improbable qu’un préfet bloque des travaux miniers parce que des doutes subsistent sur les effets environnementaux de la fracturation hydraulique. En revanche, l’article 1er de la proposition de loi actuellement discutée devant le Sénat donnerait une base juridique à ces décisions de rejet.

L’enquête publique n’existe donc qu’au cours de la phase d’exploitation, au moment de la sollicitation de la concession et avant le lancement des travaux. Une modification substantielle du programme de travaux peut d’ailleurs justifier le lancement d’une nouvelle enquête publique par l’administration.

Article L. 132-2 du code minier

La concession est accordée par décret en Conseil d'État sous réserve de l'engagement pris par le demandeur de respecter des conditions générales complétées, le cas échéant, par des conditions spécifiques faisant l'objet d'un cahier des charges. Les conditions générales et, le cas échéant, spécifiques de la concession, sont définies par décret en Conseil d'État et préalablement portées à la connaissance du demandeur.

Article L. 132-3 du code minier

La concession est accordée après une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.

Il existe un lien très fort entre exploration et exploitation, car le code minier considère que le succès d’une prospection octroie une priorité pour l’obtention d’une concession. L’opérateur pétrogazier est assuré d’obtenir son titre minier, sauf s’il renonce de lui-même à son bénéfice, si les garanties financières qu’il avance sont jugées insuffisantes par l’administration ou si le concessionnaire désigné lui verse une indemnité.

Article L. 132-6 du code minier

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 142-4, pendant la durée de validité d'un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l'intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d'un permis exclusif de recherches a droit, s'il en fait la demande avant l'expiration de ce permis, à l'octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l'intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci.

Article L. 132-7 du code minier

Lorsqu'un inventeur n'obtient pas la concession d'une mine, le décret en Conseil d'État accordant celle-ci fixe, après qu'il a été invité à présenter ses observations, l'indemnité qui lui est due par le concessionnaire.

Ainsi, la procédure minière manque de rigueur en ce qui concerne les hydrocarbures liquides et gazeux. Les permis d’exploration sont attribués à partir de dossiers parcellaires dont les documents ne lient pas les pétitionnaires une fois le titre délivré. Les travaux d’exploration peuvent commencer à la suite d’une simple déclaration en préfecture. Le succès de la prospection entraîne une conversion pratiquement automatique – le code minier parle d’un droit – du permis de recherches en concession d’exploitation, certes après enquête publique. Quant aux travaux de la phase d’exploitation, s’ils font également l’objet d’une enquête publique et s’ils comportent une étude d’impact, ils ne semblent pas non plus pouvoir se trouver bloqués par l’autorité préfectorale.

Vos rapporteurs s’inquiètent de cet enchaînement juridique qui semble laisser une bien faible marge d’appréciation à l’autorité administrative. Il conviendra, là encore, que la prochaine réforme du code minier modifie cette situation en permettant un rejet des demandes de permis pour des raisons d’opportunité.

II.— LES INCONSÉQUENCES RÉVÉLÉES

Au-delà des légitimes interrogations de la population et des élus sur la composition optimale du bouquet énergétique français, le débat sur les gaz et huile de schiste place la législation minière et ses imperfections au cœur de l’actualité. Les investigations de vos rapporteurs ont permis de révéler un certain nombre de carences dans l’organisation de l’État et dans le processus de décision publique.

A.— UN ÉTAT LONGTEMPS IGNORANT DES ENJEUX

Les permis exclusifs de recherches prennent la forme juridique d’un arrêté du ministre de l’environnement. Au 1er mars 2010, date à laquelle ont été signés les titres du sud-est qui ont suscité la polémique, c’est M. Jean-Louis Borloo qui occupait cette fonction. De nombreuses critiques lui ont été adressées au cours de ce dernier semestre, particulièrement à la suite du dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale d’une proposition de loi visant à abroger lesdits permis.

Entendu par vos rapporteurs, M. Jean-Louis Borloo a rappelé combien le sujet minier avait perdu en acuité dans la politique française après les fermetures décidées à la fin du XXe siècle. La signature des arrêtés portant permis exclusif de recherches fait ainsi l’objet d’une délégation au directeur de l’énergie depuis plus d’une décennie. L’administration gère ce sujet considéré comme dépourvu d’intérêt politique ; elle ne prend l’attache de l’autorité politique que pour les dossiers présentant un caractère particulier. M. Jean-Louis Borloo a affirmé n’avoir été saisi qu’une fois des problématiques minières au cours de son ministère, sur un sujet relatif à l’extraction charbonnière. Vos rapporteurs ont également entendu le directeur de l’énergie, M. Pierre-Marie Abadie, dont les propos recoupent les précédents.

Par ailleurs, il est vrai que les interrogations sur le gaz de schiste n’ont traversé l’Atlantique que très récemment. Au moment du dépôt des demandes de permis, à la fin de l’année 2007, nul ne semblait y prêter attention. Cette situation n’est pas spécifique à la France. Les autorités de Basse-Saxe ont ainsi indiqué avoir procédé à des tests de fracturation hydraulique de la roche-mère en année dans l’indifférence générale et sans communication particulière, avant que les premières contestations locales ne conduisent les industriels à interrompre leurs activités.

M. Jean-Louis Borloo a indiqué n’avoir découvert le sujet des gaz et huile de schiste qu’après avoir quitté le Gouvernement. L’administration a cependant adressé à son cabinet une note de conjoncture sur l’impact des ressources non conventionnelles sur la politique énergétique américaine. Vos rapporteurs ont consulté ce document de huit pages daté du 26 mars 2010 – soit plus de trois semaines après la délivrance des permis du sud-est. Le texte s’attarde sur les données économiques et seuls deux paragraphes évoquent l’environnement : l’un pour signaler le risque de pollution des nappes phréatiques, l’autre pour souligner l’impact positif d’une substitution du gaz au charbon dans une optique de lutte contre le changement climatique.

Avant la fin de l’année 2010, les conséquences de l’extraction des hydrocarbures de schiste sur l’environnement ne font effectivement pas grand débat. La France aborde plus volontiers la question des gaz à effets de serre et la politique de soutien aux énergies renouvelables que les sujets du pétrole et du gaz naturel, sinon pour garantir l’approvisionnement national. A l’aune de ce dernier objectif, la décision administrative d’autoriser les explorations apparaît cohérente, puisque la mise en valeur des ressources du sous-sol réduirait la dépendance nationale envers les fournisseurs étrangers. L’enjeu économique d’une production est tout aussi évident.

Vos rapporteurs comprennent que tant l’autorité politique que les services administratifs sont restés ignorants des risques environnementaux liés à l’industrie des hydrocarbures de schiste jusqu’à ce que ce sujet s’impose au cours du dernier semestre. La prise de conscience des dommages potentiellement infligés à l’environnement expliquerait qu’un député souhaite abroger les actes administratifs établis sous sa responsabilité de ministre.

Néanmoins, et même s’il est délicat de juger le passé au vu des connaissances du présent, vos rapporteurs considère que l’État a failli dans sa fonction de stratège. Ignorant du sujet et de ses implications environnementales, il a laissé perdurer un cadre juridique manifestement inadapté à la révolution énergétique des gaz non conventionnels. Il importe désormais d’en tirer les leçons. Sur le fond, vos rapporteurs plaident à nouveau avec force pour une adaptation du code minier aux nouveaux enjeux révélés par la controverse. Quant à l’organisation interne du ministère de l’environnement, il est probable que le sujet minier fasse désormais l’objet d’une attention plus soutenue du cabinet du ministre, et que la signature des titres miniers échappe désormais aux délégations de pouvoir.

B.— UN ÉTAT EN MANQUE DE COHÉRENCE ET DE COMPÉTENCE

La faiblesse d’analyse de l’État et la surprise exprimée devant la contestation populaire conduisent à s’interroger sur l’efficacité de l’organisation gouvernementale sur les sujets miniers. Il semble que la compétence de principe à la matière revienne au ministre chargé de l’énergie. C’est d’ailleurs M. Éric Besson qui a présenté au Conseil des Ministres l’ordonnance de codification du 20 janvier dernier. Or les questions adressées au Gouvernement ont reçu leur réponse de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre chargé de l’environnement, qui représente aussi l’exécutif dans la discussion parlementaire de la proposition de loi interdisant la fracturation hydraulique.

La répartition des compétences en la matière apparaît ainsi relativement imprécise. Trois directions générales interviennent : la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) en charge notamment de la délivrance des permis, la direction de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) compétente pour le code minier, et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) qui exerce la police des mines et édicte les précautions propres à éviter les dommages en lien avec les services déconcentrés. La DGALN relève exclusivement du ministère de l’environnement, la DGEC est partagée entre les ministères de l’environnement et de l’économie, la DGPR rend compte également au ministère de la Santé. Cette situation n’est toutefois pas propre au gouvernement français. Le Québec a connu une discussion politique comparable, qui a vu le ministère du développement durable, de l'environnement et des parcs s’emparer du dossier normalement dévolu au ministère des ressources naturelles et de la faune. Sans doute faut-il y voir une montée en puissance des préoccupations environnementales dans le champ politique ?

Source : DGEC

Vos rapporteurs considèrent que l’éclatement de la structure administrative en plusieurs directions relevant de ministères différents ne permet pas une bonne gestion des affaires minières. La situation antérieure, dans laquelle l’énergie et l’environnement relevaient d’une autorité politique unique, apparaissait plus à même d’offrir une vision globale des sujets. Il serait préférable qu’une réforme du code minier soit portée par une administration en charge de l’ensemble du dossier minier.

De la même façon, à l’Assemblée nationale, le dossier des gaz de schiste a été confié par la conférence des présidents à la commission du développement durable alors que les dispositions minières relèvent, en théorie, de la commission des affaires économiques. La cohérence de l’action parlementaire exigera donc que la commission du développement durable poursuive son action lors de la discussion de la réforme du code minier.

La question de la préservation de la compétence technique de l’État en matière minière suscite également les interrogations de vos rapporteurs, bien qu’elle dépasse de beaucoup le seul sujet des hydrocarbures de schiste. En termes de ressources humaines, la progressive disparition de l’activité minière en France et les perspectives limitées de recrutement dans le secteur éloignent les jeunes ingénieurs de cette spécialité, alors que la génération qui a dirigé les forages de la seconde moitié du XXe siècle s’apprête à se retirer de la vie active. Par ailleurs, les organisations publiques manquent de moyens techniques et financiers pour cultiver une expertise.

Vos rapporteurs ont été surpris d’apprendre que seules les entreprises pétrolières et gazières disposaient aujourd’hui du savoir, du matériel et des finances nécessaires pour réaliser une étude géologique propre à informer la puissance publique dans sa prise de décision. Ce constat est douloureux pour la recherche, car il laisse penser que celle-ci ne peut avoir lieu que dans la probabilité d’une exploitation commerciale. Sans solliciter la restauration du corps des mines tel qu’il existait au cours des siècles précédents, vos rapporteurs estiment indispensable que l’État préserve dans ses services les personnels et les techniques nécessaires à l’évaluation des activités minières.

C.— UN ÉTAT QUI MÉCONNAÎT LA PAROLE DES CITOYENS SUR LE TERRAIN

Il est de l’intérêt de la collectivité nationale que les citoyens s’investissent dans la protection du milieu naturel. Le principe de transparence constitue en effet un facteur de prévention, de protection et de gestion démocratique des risques technologiques dans la mesure où il facilite l’appréhension des enjeux par le citoyen et son intervention dans le processus de décision. Ce principe, au centre des pratiques politiques depuis le succès du Grenelle de l’environnement, figure dans le droit positif français. Il est en effet au cœur de la convention d’Åarhus, qui détient depuis 2002 une force supérieure aux lois nationales ordinaires.

La Convention d'Åarhus

La Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, dite Convention d’Åarhus, a été signée lors de la quatrième Conférence ministérielle «Un environnement pour l'Europe» à Åarhus (Danemark) le 25 juin 1998. Cette Convention a été rédigée dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies (CEE-ONU), en application du Principe 10 de la Déclaration de Rio (1992). Le texte final de la Convention est le résultat de plusieurs années de négociations entre les gouvernements et la société civile représentée par un ensemble d’ONG (…). La Convention d'Åarhus est entrée en vigueur en octobre 2001 après le nombre nécessaire de ratifications.

En France, la Convention a été ratifiée par la loi du 28 février 2002 et publiée par le décret n°2002-1187 du 12 septembre 2002. Elle prévoit notamment que les autorités publiques doivent rassembler et publier les informations environnementales à leur disposition, et permettre la participation du public au processus de décision publique dans certaines activités ayant un impact sur l’environnement. L’annexe I dresse la liste de ces secteurs parmi lesquels figure l’extraction des hydrocarbures.

Sous une forme plus synthétique, les principes de la convention d'Åarhus ont également valeur constitutionnelle. L’article 7 de la Charte de l’environnement dispose ainsi que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».

La Constitution s’impose aux normes de rang inférieur. Toutefois, le code minier n’a pas fait l’objet d’un examen constitutionnel : promulgué en 1956 et demeuré inchangé depuis dans ses principes, il n’a pu être rédigé en conformité avec des exigences de transparence et de protection de l’environnement proclamées un demi-siècle plus tard.

L’enchaînement rapide et presque automatique entre la demande de permis de recherche et l’entrée en phase de production a déjà été décrit précédemment. Les populations et leurs élus sont tenus à l’écart de la décision publique dans la délivrance des titres miniers, et ils sont simplement informés de l’ouverture des travaux d’exploration sans même pouvoir formuler un avis sur leur opportunité. Il y a ainsi une défaillance de l’État qui n’accorde pas à ses citoyens la considération à laquelle ils sont en droit de prétendre.

Il y a aussi matière à s’interroger sur le défaut de communication des opérateurs pétroliers. Vos rapporteurs ne s’expliquent pas comment, dans le bassin parisien où des hydrocarbures sont exploités depuis plus de cinquante ans sans dommage écologique ni impact négatif sur la vie locale, la réaction populaire a pu être aussi vive à l’encontre d’industriels pourtant implantés de longue date. Ils ne comprennent guère davantage pourquoi, dans les régions du sud-est de la France peu accoutumées aux sites de forage, aucune démarche pédagogique n’a été entreprise en amont pour rencontrer les élus et les représentants associatifs afin de présenter les projets en amont.

Les auditions ont permis de comparer ces procédures avec les actions menées à l’étranger. Les autorités minières de Basse-Saxe ont indiqué n’avoir conduit aucune action particulière de communication, mais les fracturations réalisées avant la polémique se sont déroulées dans l’indifférence d’habitants depuis longtemps habitués à côtoyer des puits de forage. Dans l’État voisin de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, en revanche, la contestation est apparue plus sérieuse : l’opérateur pétrolier a pris l’initiative d’une concertation et d’un dialogue entre résidents, industriels et universitaires qui, sans éteindre le débat, en a limité la radicalité à un niveau bien inférieur à celui qui prévaut en France. Un autre industriel a détaillé à la commission ses travaux réalisés en Suède, pays réputé pour ne pas transiger avec la protection de l’environnement : une communication en amont et une explication des mesures de sécurité mises en œuvre ont permis la conduite sans heurt des travaux d’exploration. Enfin, la saisine par le gouvernement québécois du bureau d’audiences publiques sur l’environnement a permis l’expression de toutes les parties, démarche aboutissant à la publication d’un rapport de synthèse unanimement salué comme neutre et constructif.

Vos rapporteurs jugent que les industriels portent une part de la responsabilité dans la réaction hostile de la population et des élus locaux à leurs projets d’exploration d’hydrocarbures de roche-mère. Cependant, il s’agit à nouveau d’un domaine dans lequel l’autorégulation ne peut avoir les vertus de la réglementation. Il importe, par conséquent, de modifier les procédures prévues par le code minier pour une information plus large des populations et une meilleure considération de leurs positions. Les dispositions du code de l’environnement en la matière pourraient tenir lieu de source d’inspiration.

D.— UN ÉTAT QUI FRAGILISE L’ACTIVITÉ PÉTROLIÈRE TRADITIONNELLE

Au-delà de la controverse sur l’opportunité d’une production des gaz et huile de schiste recelés dans le sous-sol français, l’accélération de la procédure législative pourrait avoir comme conséquence la remise en cause de l’activité pétrolière traditionnelle sur le territoire national. La proposition de loi actuellement en discussion devant le Sénat prévoit ainsi de prohiber la technique de fracturation hydraulique, sans considération du caractère conventionnel ou non des hydrocarbures visés.

Or la fracturation hydraulique dans les puits verticaux est pratiquée de longue date en France, que ce soit pour la production d’hydrocarbures ou pour des installations géothermiques. Nul dommage n’a été identifié qui lui soit imputable. De plus, les gisements pétroliers sont de si mauvaise qualité que leur rentabilité est conditionnée à la réalisation d’une fracturation destinée à stimuler leur productivité. Interdire toujours et partout la fracturation hydraulique – pour la seule industrie pétrogazière toutefois – revient à mettre en péril l’équilibre économique des sociétés titulaires de concessions d’exploitation.

Vos rapporteurs regrettent cet effet collatéral de la réponse législative dans le dossier des gaz de schiste. Travaillé en amont, examiné dans le calme, le texte de loi en discussion aurait pu retenir une formulation qui maintienne le statu quo – interdiction d’exploitation des gaz et huile de schiste, production autorisée pour les hydrocarbures conventionnels. Il est probable que les industriels lésés seront fondés à réclamer réparation pour le préjudice causé à leur activité.

III.— L’INDISPENSABLE RÉFORME DU CODE MINIER

Les dysfonctionnements relevés au cours des investigations de vos rapporteurs les conduisent à recommander une révision des principes et des procédures du droit minier. Celui-ci apparaît aujourd’hui techniquement suranné et politiquement archaïque, impropre à garantir de bonnes conditions pour les opérateurs et un cadre rassurant pour les populations. S’il a certes pour vertu de favoriser l’activité sur un territoire dont les richesses minérales ne constituent pas le premier atout, il présente l’inconvénient majeur d’agir en-dehors de la supervision des élus et sans considération de l’intérêt environnemental des citoyens.

A.— L’EXIGENCE D’UNE PLUS GRANDE PRÉCISION TECHNIQUE

L’impuissance publique dans le dossier des gaz de schiste s’explique dans une large mesure par le fait que le code minier considère les hydrocarbures comme un produit unique. Cette approche est fondée du point de vue de la chimie, puisque le gaz naturel et le pétrole se composent toujours des mêmes éléments quels que soient les réservoirs dans lesquels ils reposent. Mais elle apparaît désormais obsolète au regard des technologies employées : si par le passé le simple forage vertical faisait figure de norme, l’exploitation croissante des gaz non conventionnels en Amérique du Nord remet en cause les définitions tenues pour acquises.

L’absence de distinction entre les hydrocarbures en fonction des réservoirs qui les contiennent, et par conséquent entre les techniques nécessaires à leur extraction, a grandement nui à l’intelligibilité de l’examen parlementaire de la proposition de loi déposée par Christian Jacob. Alors que le texte original visait les hydrocarbures non conventionnels et les permis exclusifs de recherches afférents, il s’est avéré impossible pour l’administration d’établir une liste des sites et des documents en débat. Le dossier de demande des permis de recherches ne comprend en effet que des pièces de valeur indicative, qui ne lient pas le demandeur quant à la nature des produits qu’il espère découvrir. L’Assemblée nationale, sur la proposition de ses rapporteurs, s’est résolue à modifier son approche et à bannir une technologie, employée de longue date et dans d’autres secteurs, avec toutes les conséquences négatives qu’implique ce choix.

Par ailleurs et bien que ceci n’entre pas dans leur mission, vos rapporteurs ont recueilli des commentaires peu engageants sur la réglementation nationale en matière de forage en mer à grande profondeur. Il semble, là aussi, que les dispositions en vigueur nécessitent une actualisation.

Vos rapporteurs recommandent que la réforme du code minier mette un terme à l’unicité des permis H destinés aux hydrocarbures : l’action publique sera facilitée par une définition législative des hydrocarbures de schiste, des gaz compacts, des gaz de houille, des gaz de mine, et de toute autre ressource que la technologie rendrait accessible à la production industrielle.

Ils préconisent également que la délivrance des titres miniers requière la constitution d’un dossier comportant des documents plus précis et juridiquement opposables à leur auteur. La notice d’impact minière et le programme de travaux, notamment, devront être établis avec clarté. Un changement dans les objectifs du détenteur du permis nécessitera l’aval de l’administration.

B.— L’IMPÉRATIVE ASSOCIATION À LA DÉCISION MINIÈRE

Le droit positif, dans sa volonté de favoriser la mise en valeur des ressources du sous-sol, procède à une association graduelle de la population à la décision minière en matière d’hydrocarbures. Ignorant le grand public à la délivrance des permis de recherches, il prévoit son information à l’occasion de la déclaration des travaux et sa consultation par enquête publique au moment de l’octroi de la concession d’exploitation.

Cette situation fait naître dans la population et chez les élus locaux le sentiment d’être tenus à l’écart d’une décision qui, pourtant, les concerne au premier chef. Elle n’est pas non plus exempte d’incohérences. Vos rapporteurs ont pu constater lors de leur séjour américain combien une fracturation hydraulique est une opération lourde, y compris au stade de l’exploration. Les ingénieurs interrogés ont clairement mentionné que les procédures de prospection et de production sont tout à fait similaires, à tel point que les puits d’exploration sont en cas de succès convertis en puits d’exploitation. Il convient qu’ils satisfassent aux mêmes normes techniques puisqu’ils sont à la source des mêmes risques, pour l’environnement et le personnel, en cas de dysfonctionnement. En outre, elle induit une forme d’inéquité territoriale puisque les mesures de sécurité prescrites par l’administration à l’occasion de la déclaration de travaux dépendent des pratiques préfectorales et de la politique des services locaux.

Toutefois, la séparation des phases de délivrance des titres miniers et d’ouverture des travaux conserve une certaine logique. L’échelon déconcentré possède une meilleure connaissance des enjeux environnementaux locaux et une meilleure vision des contraintes de sécurité qu’il convient d’imposer. La demande de permis présente un caractère unique ; elle vise des espaces géographiques très étendus. Les travaux, quant à eux, sont nombreux et très localisés.

Vos rapporteurs estiment possible de conserver le phasage actuellement prévu par le code minier, avec une attribution des titres miniers par l’échelon central et un examen des travaux par l’administration préfectorale.

Ils recommandent que la procédure d’attribution des permis exclusifs de recherches prenne désormais en compte le sentiment des territoires. Les élus locaux constituent à cette fin les meilleurs relais. Une fois le dossier déclaré complet et recevable, l’État devra notifier aux maires des communes concernées et au président du conseil général l’existence d’une demande d’exploration minière, son objet et ses conditions. Une consultation du public pourrait, à ce stade, être organisée par voie électronique.

Ils préconisent également que l’ouverture des travaux de recherches ne soit plus soumise à la procédure déclarative simplifiée, mais à la procédure normale d’autorisation. Celle-ci exigerait la tenue d’une enquête publique et la production d’une étude d’impact dans le respect des dispositions du code de l’environnement, conformément à l’actuel article L. 162-4 du code minier, garantissant ainsi une large participation de la population et des investigations approfondies. L’autorité préfectorale serait fondée à rejeter la demande pour des raisons d’opportunité tenant aux circonstances locales et à l’examen du dossier.

Article L. 162-4 du code minier

L'autorisation d'ouverture de travaux de recherches ou d'exploitation est accordée par l'autorité administrative compétente, après la consultation des communes intéressées et l'accomplissement d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, d'une étude d'impact réalisée conformément au chapitre II du titre II du même livre Ier du même code ainsi que, le cas échéant, de l'étude de dangers prévue à l'article L. 512-1 de ce code. Le dossier d'enquête ne contient pas les informations couvertes par le droit d'inventeur ou de propriété industrielle que le demandeur ne souhaite pas rendre publiques ainsi que les informations dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique.

Les modifications relatives aux travaux, aux installations ou aux méthodes de nature à entraîner un changement substantiel des données initiales de l'autorisation donnent lieu, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, à une demande d'autorisation nouvelle soumise à l'accomplissement d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.

Enfin, vos rapporteurs ont été séduits par le dispositif d’association des élus locaux et des représentants associatifs actuellement en vigueur dans le domaine nucléaire. Le décret n° 2008-251 du 12 mars 2008 relatif aux commissions locales d'information (CLI) auprès des installations nucléaires de base permet la constitution d’un organe spécifique à l’initiative du président du conseil général. Il réunit les parlementaires locaux et les élus des différentes collectivités territoriales, les représentants d'associations locales de protection de l'environnement, les délégués des organisations syndicales de salariés représentatives dans les entreprises concernées et des personnalités qualifiées représentant le monde économique. Ce système, conforme aux exigences constitutionnelles et à la convention d’Åarhus, assure un regard citoyen sur les installations dangereuses situées dans leur périmètre de vie. Chaque commission se réunit au moins deux fois par an pour produire un rapport annuel d'activité. Elle organise une information régulière du public sur ses travaux et sur les informations qui lui sont communiquées par les exploitants, par les autorités administratives indépendantes ou encore par les services de l’État.

Si le principe d’une exploitation des gisements français d’hydrocarbures de schiste venait à prévaloir, vos rapporteurs suggèrent que la loi institue une CLI dans tous les départements concernés. Cette instance servirait utilement d’interface entre l’administration déconcentrée, les opérateurs pétroliers et le grand public.

C.— LA NÉCESSAIRE REFONTE DE LA FISCALITÉ

L’exploitation des hydrocarbures de schiste est souvent présentée par ses défenseurs comme une voie d’enrichissement de la collectivité. C’est sans doute vrai pour les entreprises du secteur pétrolier et pour leurs salariés. Vos rapporteurs se sont enquis des salaires des ouvriers et des ingénieurs rencontrés à l’occasion de leur déplacement en Pennsylvanie. Ceux-ci s’établissent à un niveau bien supérieur à la moyenne des salaires américains, bien qu’il faille prendre en compte les sujétions importantes qu’impose l’activité de forage : déplacements incessants, longues journées sur le terrain ou dans le camion de commande, nuits à l’hôtel.

Les zones concernées bénéficient des retombées indirectes de l’activité pétrolière dans la mesure où les équipes de forage vivent et consomment sur les lieux. Le nombre d’emplois directs et indirects offerts par l’industrie d’extraction pour la seule Pennsylvanie atteint ainsi les 80 000, alors que 202 personnes travaillent dans la direction des hydrocarbures.

Cette vision positive appelle quelques corrections qu’ont effectuées les autorités québécoises lorsqu’elles se sont penchées sur les retombées favorables pour la collectivité d’une production de gaz de schiste. Le cas du Québec est apparu extrêmement instructif car vos rapporteurs y ont découvert à la fois une réglementation minière très proche du droit français et un travail de fond des autorités de surveillance. Ainsi, le vérificateur général adjoint et commissaire au développement durable (43)a relevé combien l’administration locale a manqué d’anticiper la ruée vers les gaz non conventionnels. Les droits exigés par Québec sur les permis, de l’ordre de quelques dizaines de cents l'hectare par année en fonction de la date d’émission des titres miniers, représentent des recettes de 200 000 dollars canadiens. Par comparaison, la Colombie-Britannique, qui a adjugé les permis aux enchères, encaisse 2,4 milliards de dollars en droits.

En France, la fiscalité spécifique aux hydrocarbures ne touche que la production, à l’exclusion des activités de recherches. La demande d’un permis exclusif de recherches revêt donc un caractère gracieux. Il existe trois instruments fiscaux spécifiques à l’activité d’extraction : la redevance tréfoncière, la redevance progressive des mines et la redevance départementale et communale des mines. Cette dernière se substitue à la contribution économique territoriale, anciennement la taxe professionnelle.

La redevance tréfoncière instituée par l’article L. 132-15 du code minier est fixée par l’acte de concession. Elle prévoit le dédommagement des propriétaires de sol de la privation de leurs droits sur le tréfonds par l’octroi d’un titre d’exploitation. Son montant est fixé à 15 € l’hectare.

Les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, à l'exception des gisements en mer, sont tenus de payer annuellement à l'État une redevance à taux progressif et calculée sur la production. Cette redevance est due rétroactivement au jour de la première vente des hydrocarbures extraits à l'intérieur du périmètre qui délimite la concession, dispose l’article L. 132-16 du code minier. Les taux s’appliquent aux gisements mis en application après 1980. Le rendement de cette redevance est aujourd’hui très faible, de l’ordre de à 5,9 millions d’euros en 2010. Le rapport provisoire CGEDD/CGIET indique que 3 concessions pétrolières sur 70 seulement réalisent une production annuelle suffisamment importante pour justifier une taxation.

Enfin, la redevance départementale et communale des mines (RDCM) est un impôt local qui bénéficie aux collectivités concernées par l’exploitation minière. Les articles 1519 (pour la part communale) et 1587 (pour la part départementale) du code général des impôts instituent des redevances proportionnelles dont le montant est obtenu en multipliant les quantités produites d’une matière donnée par un tarif unitaire. Ce tarif est révisé chaque année, par voie législative et réglementaire. Ses modalités de calcul sont particulièrement complexes puisqu’elle prend en compte, non seulement la localisation du puits, mais aussi le lieu de séjour des mineurs (44). Sa clef de répartition avantage grandement les conseils généraux, qui reçoivent l’essentiel du produit levé, au détriment des conseils municipaux. Les sommes prévues pour le gaz et le pétrole se montent ainsi à 75,4 euros par 100 000 m3 et 262 euros par centaine de tonnes nettes pour le département, et respectivement 59,6 euros et 86,1 euros pour les communes. La RDCM rapporte approximativement 20 millions d’euros annuels.

Vos rapporteurs jugent surannée la fiscalité française sur les hydrocarbures, conçue dans la décennie 1980 pour encourager la prospection et la production dans un pays pauvre en gisements conventionnels. Son poids sur l’industrie des hydrocarbures apparaît plus faible que dans les autres pays développés, notamment en Europe. Vos rapporteurs préconisent une réforme de la RDCM de sorte que l’affectation de son produit soit rééquilibrée au bénéfice des communes ou de leurs groupements à fiscalité propre. En outre, ils plaident en faveur d’une taxation attachée aux permis d’exploration, dont la forme resterait à définir. L’instauration d’enchères comme il s’en pratique dans l’ouest canadien pourrait provoquer de substantielles recettes pour l’État dans un contexte budgétaire contraint, si le principe d’une exploitation des gaz de schiste du territoire national devait prévaloir et si les ressources du sous-sol s’avéraient suffisamment importantes pour provoquer l’intérêt des entreprises.

D.— UNE MEILLEURE TRANSPARENCE POUR UNE PLUS GRANDE CONCURRENCE

L’examen du code minier révèle enfin des dispositions surprenantes au regard des principes du droit de la concurrence. Bien que ceci n’intéresse que de façon connexe le sujet des hydrocarbures de schiste, la perspective d’une réforme prochaine conduit à en faire brièvement état.

En premier lieu, l’attribution des permis exclusifs de recherches fait l’objet d’une mise en concurrence à la suite de la publication d’une demande dans les Journaux officiels de la République française et de l’Union européenne. Les dossiers concurrents peuvent être déposés dans un délai de 90 jours. Cette période apparaît extrêmement courte pour constituer un dossier convaincant, surtout si la précision des documents qui le composent devait s’accroître conformément aux précédentes observations. Toutefois, la concurrence semble effective puisque, pour les permis du sud-est, une société est parvenue à présenter une demande dans les délais impartis.

En deuxième lieu, il existe une priorité pour l’inventeur de la ressource minière, c'est-à-dire au bénéfice d’un titulaire de permis exclusif de recherches dont la prospection s’est révélée fructueuse. Le code minier fait état de son droit à obtenir une concession par dérogation à la procédure de mise en concurrence : l’exploitation ne peut être confiée à un tiers qu’à la condition d’une indemnité. L’article L. 132-11 limite sa durée à cinquante ans.

En troisième lieu, la prolongation des concessions est traditionnellement dispensée de mise en concurrence. Le nouveau code minier a semblé revenir sur cette disposition, mais elle réapparaît au 1° de l’article 2 du projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 11 avril. Comme les prolongations sont accordées pour 25 années renouvelables sans limite, la concession s’avère de fait perpétuelle.

Ainsi, la concurrence dans l’accès à une ressource minière se limite aux 90 jours suivant la publication de la demande de permis exclusif de recherches. Une fois celui-ci accordé, et sous réserve du succès de la prospection, son détenteur dispose d’un droit devenu pratiquement définitif à exploiter le gisement.

Vos rapporteurs comprennent l’intérêt pour l’État d’inciter puissamment les sociétés privées à engager les fonds nécessaires à la prospection minière dans le but de mettre en valeur le sous-sol national. Toutefois, la très courte période de mise en concurrence des titres miniers apparaît excessive. De plus, comme ces permis d’exploration sont octroyés à titre gracieux, et comme la fiscalité minière s’applique en fonction des volumes de production, la compétition ne peut avoir lieu que sur le terrain des pratiques d’opération et des précautions de sécurité. Or les documents qui les décrivent n’ont qu’une valeur indicative.

Il serait par conséquent de bonne pratique que l’État organise une meilleure concurrence dans la sollicitation des titres miniers, et qu’il profite de la compétition entre les entreprises pour glaner quelques recettes. Vos rapporteurs conseillent l’instauration d’une procédure d’appel d’offres, voire une mise aux enchères des permis comme l’organise la Colombie-britannique.

CONCLUSION :
QUEL CHEMIN SUIVRE ?

La proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, déposée par Christian Jacob, a été approuvée par l’Assemblée nationale le 11 mai dernier et par le Sénat le 9 juin. Selon toute vraisemblance, son principe fera l’objet d’un accord en commission mixte paritaire pour une adoption définitive avant la fin de la session parlementaire.

Cette initiative fera de la France le premier État dans lequel le gaz et l’huile de schiste ne pourront faire l’objet d’une production industrielle, sauf à ce qu’une innovation technologique permette leur extraction par une autre voie. Elle ne règlera pour autant pas la question de l’actualisation du code minier. Par ailleurs, ce qui est interdit par la loi pourra toujours être autorisé par une loi ultérieure : rien n’autorise une génération à prendre une décision qui obère l’initiative des générations ultérieures.

Ainsi, l’interdiction de la fracturation hydraulique laisse demeurer les hydrocarbures dans le sous-sol qui les abrite. Vos rapporteurs s’accordent pour considérer qu’il s’agit, pour l’heure, au vu des incertitudes de la technique et des défaillances de la législation, de la meilleure solution.

Mais quel chemin faut-il privilégier pour l’avenir ? Trois options sont envisageables.

Un premier scénario pourrait voir exploiter les gaz et huile de schiste du territoire français dès la réforme du code minier adoptée, si toutefois les scientifiques ont alors dissipé les craintes qui s’attachent à la procédure d’extraction. Sans impact majeur sur l’environnement immédiat et notamment sur la ressource en eau, cette production permettrait de réduire la facture énergétique française et de développer une activité économique sur le territoire national.

Un deuxième choix consisterait en une approche patrimoniale de la gestion de la ressource. Dans un monde qui tend à épuiser toujours davantage les gisements fossiles, la France conserverait à sa disposition une masse considérable d’énergie facilement exploitable dont les cours mondiaux sont, selon toute probabilité, voués à croître durablement. Le pays aurait l’opportunité de décider d’une production au moment qu’il jugerait le plus opportun, le plus à même de lui conférer un avantage déterminant sur la scène internationale. Cette option comporte néanmoins tous les risques inhérents à une analyse prospective : rien ne dit qu’une révolution énergétique n’aura pas lieu, que de nouveaux gisements ne seront pas découverts dans l’intervalle, que ce trésor souterrain ne constituerait pas une faiblesse devant les appétits de nouvelles grandes puissances.

Une troisième voie, enfin, tendrait à laisser définitivement la roche-mère conserver ses richesses fossiles. La France a fait de la lutte contre le changement climatique un axe fondamental de sa diplomatie. Elle renforcerait cette position en refusant de prolonger l’âge des fossiles par l’exploitation de ces nouvelles ressources et en investissant, de préférence, dans les énergies renouvelables et décarbonées. Pour être crédible, cette option devrait s’accompagner d’un contrôle strict des importations d’hydrocarbures, car renoncer aux forages domestiques n’aurait aucune vertu si des ressources fossiles exploitées hors des frontières nationales étaient consommées en substitution.

Imaginer une stratégie sur le gaz et l’huile de schiste, c’est ébaucher le nécessaire débat sur le bouquet énergétique national. Les hydrocarbures n’en constituent qu’un volet – certes important – à côté de la question nucléaire, de l’avenir des renouvelables, de la préservation de l’environnement et de la sécurisation de l’approvisionnement. Il revient à l’autorité politique de déterminer des priorités et de définir une voie. Les informations contenues dans ce rapport contribueront à l’objectivité des décisions.

Il reste que la France ne décidera que pour elle-même, et que les stratégies suivies par les autres nations ne devront pas être ignorées. Un investissement national massif en faveur des énergies propres, ou même un effort d’envergure européenne en ce sens, ne suffiront pas à limiter le changement climatique si les principales puissances économiques persistent sur le chemin des énergies fossiles.

A l’heure actuelle, les territoires qui ont décrété un moratoire de nature à interrompre la production d’hydrocarbures non conventionnels sont très peu nombreux. L’État de New York, aux États-Unis, a prohibé toute exploration pour ne pas risquer la contamination de ses nappes phréatiques. La province de Québec, au Canada, a édicté des conditions si drastiques que les opérations de fracturation y ont été arrêtées ; la Belle Province bénéficie, il est vrai, d’un potentiel hydroélectrique qui lui permet de ne pas dépendre excessivement des hydrocarbures dans son bouquet électrique. Le canton suisse de Fribourg a également écarté l’idée d’une exploration de gisements éventuels. L’Afrique du Sud, enfin, semble le seul État – avec la France – à avoir proclamé un moratoire.

On mentionnera, pour mémoire, l’hostilité marquée des pays traditionnellement producteurs d’hydrocarbures, au premier rang desquels la Russie. Leur position affirme combien l’exploitation de gaz et de pétrole non conventionnels serait périlleuse pour l’environnement, et à quel point les techniques de fracturation sont dangereuses. Il est vrai que la découverte des nouveaux gisements a singulièrement affaibli leur poids sur la scène internationale, alors même que les réserves russes en gaz naturel constituaient pour Moscou un avantage diplomatique majeur dans le dialogue avec ses deux clients voisins, l’Union européenne et la Chine.

L’enthousiasme semble plus grand dans des espaces jusqu’à présent voués à importer des hydrocarbures à grands frais. On sait que l’Amérique du Nord est le berceau des gaz non conventionnels et que des gisements prometteurs ont été découverts en Amérique du Sud. La Chine a résolu d’explorer son sous-sol, qui contiendrait des réserves parmi les plus importantes au monde : des explorations ont été décidées en Mongolie intérieure – avec Total notamment – tandis que des investissements importants de Petrochina au Canada semblent garantir une maîtrise technologique à court terme. L’Inde a lancé une évaluation de sa législation minière pour accueillir prochainement les entreprises du secteur. Quant à l’Australie, elle semble souhaiter se spécialiser dans le gaz de houille.

Tandis que les autres continents paraissent décider à exploiter leurs ressources, quelle peut être la position de l’Europe ? La Pologne, qui prendra la présidence de l’Union au second semestre 2011, perçoit dans le gaz de schiste une opportunité de se libérer de sa dépendance envers son fournisseur russe. La plupart des pays du nord de l’Europe ont donné un accord de principe à l’exploitation : expérimentation en cours en Grande-Bretagne, étude des résultats des premiers tests en Allemagne, position favorable de l’exécutif aux Pays-Bas. Le pourtour méditerranéen apparaît étranger à la discussion en l’absence de gisement significatif.

CONCLUSION DE FRANCOIS-MICHEL GONNOT, CO-RAPPORTEUR

La France sera sans doute, dans quelques semaines, le premier pays au monde à interdire la fracturation hydraulique, c’est-à-dire, en fait, à rendre impossible l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste.

Personnellement, je suis de ceux qui estiment qu'une telle interdiction, dans la mesure où elle n’est pas de portée générale mais seulement limitée à certains usages de la fracturation hydraulique, est juridiquement « douteuse ». Le Conseil constitutionnel sera peut-être, un jour, amener à en décider, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité.

L’interdiction est aussi gravement préjudiciable à l’ensemble de l’industrie pétrolière et gazière française, peu ou prou condamnée à terme à arrêter ses opérations sur le territoire national.

Je suis donc persuadé que cette interdiction ne sera que temporaire.

Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement si notre sous-sol renferme vraiment les richesses en hydrocarbures que disent les experts ? Elles sont, affirment-ils, les deuxièmes par leur importance en Europe, derrière celles de la Pologne. Comment notre pays pourrait-il refuser au moins de savoir ce que son sous-sol renferme exactement, alors que chaque année il doit payer à l’étranger une facture de 46 milliards d’euros (soit 2,5 % du PIB national !) pour importer les quantités de gaz et de pétrole nécessaires à sa consommation intérieure ?

Quels que soient les engagements internationaux de la France au regard de ses rejets de gaz à effet de serre, il sera opportun, un jour, que notre pays se pose la question de savoir s’il ne faudrait pas mieux produire sur notre territoire les quantités de gaz et de pétrole qui nous sont indispensables, plutôt que de les importer. Quels dirigeants responsables et lucides s’interdiraient de poser la question ?

Il ne s’agit pas, en effet, de remettre en cause ici la volonté de notre pays de respecter ses engagements internationaux de réduire ses émissions carbonées. Il ne s'agit pas ici de laisser penser que la production d'huile et de gaz de schiste pourrait venir freiner la montée en puissance des énergies renouvelables. Il s'agit tout simplement de réfléchir s’il ne serait pas possible de substituer une production nationale à des importations extrêmement coûteuses.

Mais, il va de soi que cela ne pourrait pas se faire, et ne devra pas se faire, bien sûr, à n’importe quelles conditions.

Vu l’émoi populaire suscité en France par la perspective d’une exploration (car il ne s’agit que d’exploration pour le moment, et non d’exploitation), on peut comprendre que l’on cherche, le temps d’un moratoire de quelques mois ou de quelques années, à mieux comprendre les technologies employées et leurs conséquences.

On peut admettre que la France veuille prendre le temps nécessaire à se garantir de toute menace sur l’environnement et la santé publique. Peut-être devrait-on aussi profiter de ce temps pour investir dans des projets de recherche, sous l’égide du ministère compétent, destinés à mettre au point ou inventer des technologies françaises plus propres et plus sûres, que celle de la fracturation hydraulique telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui sur le continent nord-américain.

Il est également souhaitable que l’on prenne le temps de rafraîchir notre vieux code minier et notre fiscalité pétrolière inadaptée, le temps aussi de faire entrer dans les lois et les règlements les multiples préconisations de ce rapport d’information.

Je pense même que nous devrions aller plus loin : ainsi, le Parlement devrait officiellement saisir l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) du suivi des rapports que le Gouvernement est censé déposer chaque année sur l’évolution des techniques. Il pourrait aussi exercer ses pouvoirs de contrôle sur d'éventuelles expérimentations qui pourraient être autorisées.

L’Office pourrait également suivre le travail d’adaptation nécessaire des législations minière et environnementale. Il en a toutes les compétences et toute la crédibilité.

Le temps de l’expertise et de la modernisation de nos réglementations étant passé, viendra ensuite, inévitablement, le temps du débat. Il devra être public, comme sait si bien les mener la commission nationale du débat public (CNDP), et il devra être national.

Le Parlement jugera in fine, en fonction des conclusions de ce débat, s’il est en mesure de légiférer à nouveau, soit pour revenir sur l’interdiction de la fracturation hydraulique, soit pour abolir définitivement la recherche de ces hydrocarbures sur notre sol, soit pour différer leur exploitation dans l’attente d’une flambée des prix due à la rareté croissante de ces ressources sur la planète.

Je regrette que le Parlement et le Gouvernement n’aient pas choisi cette procédure, plus progressive et raisonnable, comme l’ont fait le Canada et le Land allemand de Basse-Saxe, par exemple. Cela eût sans doute été mieux que de légiférer dans l’extrême urgence et dans l’émotion.

La question de l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste a surgi avec violence dans notre société. Les responsables politiques auraient pu gérer leur réponse avec calme et expertise, comme, me semble-t-il un grand pays industriel, qui a une longue histoire minière et pétrolière derrière lui, se devait de le faire.

Il n’est peut-être pas trop tard, puisque le débat national sur l’ensemble de notre politique énergétique ne fait que commencer, à nous poser sereinement les bonnes questions sur la fracturation hydraulique et la recherche d’huile et de gaz de schiste dans le sous-sol français.

J’ose espérer que la défense de nos intérêts nationaux apparaîtra, bientôt, aussi importante que l’air du temps qui pousse à ne rien faire, par peur et ignorance. J’espère, en attendant, que le dossier des gaz et huile de schiste restera ouvert pour être traité demain sans passion, mais avec sérieux et méthode comme ont essayé de le faire vos deux rapporteurs pendant cent jours, au-delà de leurs divergences politiques…

CONCLUSION DE PHILIPPE MARTIN,
CO-RAPPORTEUR

« Un monde plus sûr ne peut être qu’un monde qui respecte davantage la nature et encourage la sobriété plutôt que la satisfaction d’exigences matérielles démesurées » (Wolfgang Kromy)

À l’issue de la mission qui m’a été confiée avec François-Michel Gonnot par la commission du développement durable sur les gaz de schiste, la conclusion personnelle à laquelle je parviens est que la France doit renoncer à extraire de son sous-sol les hypothétiques gaz et huile de schiste qui s’y trouveraient.

Comme le souligne ce rapport, le délai de trois mois qui nous a été accordé pour cette mission est rapidement apparu trop court pour nous permettre des investigations plus profondes ou pour vérifier en les recroisant les affirmations des personnes que nous avons auditionnées, notamment celles des industriels qui se sont attachés fort logiquement à présenter leur activité sous le meilleur jour.

Pour autant, de nombreux témoignages et de non moins nombreuses constatations in situ invitent à cette conclusion de bon sens. Depuis les conflits d’usage de l’eau, massivement utilisée en la circonstance, jusqu’à la modification des paysages, en passant par l’altération des écosystèmes, les risques de dégâts collatéraux sur la nappe phréatique du fait des explosions souterraines qui précèdent la fracturation hydraulique, la dégradation de la biodiversité ou bien encore le devenir des dizaines de tonnes d’additifs chimiques qui ne pourront être remontées à la surface à l’issue de la phase d’exploitation, les arguments ne manquent pas qui justifient une opposition résolue à une activité minière agressive qui a pu se développer sans contrôle démocratique des élus et des citoyens et, à l’entendre, en toute méconnaissance de cause de la part du Ministre de tutelle au moment où les permis exclusifs ont été accordés.

J’ajoute, pour le regretter, que la dimension des enjeux financiers de ce dossier n’a pas pu être correctement abordée. Le refus, en particulier, de messieurs Albert Frère et Paul Desmarais d’être auditionnés par notre mission n’aura pas permis de répondre aux interrogations qui pèsent sur les conditions dans lesquelles des accords industriels et financiers ont pu se nouer à cette occasion.

Mais il y a plus important, qui doit nous conduire à une réflexion et à des décisions qui ne se borneraient pas aux bénéfices, non avérés, de quelques dizaines d’années d’extraction de cette énergie fossile.

La France doit renoncer aux gaz de schiste parce qu’après trois mois d’auditions et de visites sur des sites de fracturation, il apparaît clairement qu’entre les zones d’ombre qui entourent à chaque étape cette activité et les atteintes, bien réelles celles-là, à l’environnement, le principe constitutionnel de précaution ne saurait se fondre en un principe d’expérimentation, cette expérimentation fût-elle scientifiquement et publiquement encadrée.

La France doit renoncer aux gaz de schiste car, en laissant se développer à grande échelle son exploitation sur notre territoire, elle rendra inatteignable l’objectif qu’elle s’est elle-même fixé de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050.

D’une manière plus générale, la France doit s’interdire une activité qui ne lui permettrait pas de respecter ses engagements nationaux (loi POPE), européens (« Paquet énergie climat ») et internationaux (protocole de Kyoto et engagements de Copenhague et de Cancun à stabiliser de 2°C le réchauffement climatique).

L’émission, en 2010, de 30,6 milliards de tonnes de gaz carbonique et l’augmentation de 5 % des rejets de dioxyde de carbone énergétique au cours de cette même année devraient au contraire pousser l’Europe, et la France au sein de l’Europe, à plus de volontarisme et à plus d’ambition dans ce domaine.

Au lieu de cela, les déclarations récentes du Président de la République Nicolas Sarkozy assurant le Premier Ministre polonais Donald Tusk de la « neutralité » de la France en cas de développement par la Pologne de l’exploitation des gaz de schiste, apparaissent comme un formidable bond en arrière de la France au regard de l’ambition environnementale qu’elle avait affichée jusqu’au sommet de Copenhague.

Être neutre avec la Pologne sur la question des gaz de schiste, c’est être partisan du laisser-faire climatique à l’échelle de la planète.

La France doit renoncer aux gaz de schiste car on ne peut pas, comme le répète à l’envie le Ministre de l’énergie, vouloir réduire notre dépendance aux énergies fossiles et accroître sa dépendance en se lançant dans l’exploitation…d’une nouvelle énergie fossile !

La France doit renoncer aux gaz de schiste car on ne saurait agresser des territoires entiers – leurs paysages, leur ressource en eau – contre l’avis unanime des citoyens et des élus qui vivent sur ces territoires, lesquels nous ont réaffirmé tout au long de notre mission leur hostilité à cette pratique qui leur a été imposée.

La France doit enfin renoncer aux gaz de schiste – c’est la raison la plus importante à mes yeux – car, dans le cas contraire, elle tournera le dos à la nécessaire transition environnementale qu’impose l’état de la planète et celui de nos ressources naturelles.

Passer de « l’ébriété » à la « sobriété » énergétique, cesser d’épuiser sans fin des ressources naturelles « finies », c’est ainsi que nous romprons avec l’égoïsme environnemental des pays riches, dont le réchauffement climatique est la manifestation la plus visible.

Stabiliser notre consommation d’énergie, améliorer l’efficacité énergétique de nos bâtiments et de nos logements, investir massivement dans les énergies renouvelables – éolien, photovoltaïque, biomasse –, donner à la recherche publique les moyens d’innover dans les énergies décarbonées, développer des mesures incitatives en direction de la « recherche et développement » plutôt que faire perdurer des niches fiscales « grises » et néfastes pour l’environnement, voilà les orientations qui doivent être les nôtres et qui ne s’accommodent pas d’un énième « fric-frac » de notre sous-sol.

À court terme, et par voie de conséquence, la France doit abroger les permis exclusifs imprudemment accordés par le Gouvernement en mars 2010.

Les débats récents ont largement démontré que le processus de décision qui a conduit à leur délivrance ne respecte pas les standards actuels qui président aux décisions en matière d’environnement.

Aussi, sans qu’il soit besoin d’attendre le vote définitif de la proposition de loi Jacob ou la réforme de notre code minier, le Ministre en charge de la délivrance des titres miniers doit, et peut, abroger ces permis. Le Parlement, s’il ne se laisse pas enfermer dans le débat sur les champs respectifs de compétence du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire peut, lui aussi, décider de cette abrogation.

À plus long terme, la France doit envoyer un signal à l’Europe et au Monde en empruntant les voies et moyens juridiques qui lui permettront de proscrire définitivement l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste sur le territoire métropolitain et ultramarin, y compris les forages en eaux profondes.

Convaincu que notre avenir énergétique passe par une « trajectoire du possible », mêlant réduction de notre consommation d’énergie et développement d’énergies de substitution aux énergies fossiles et au tout nucléaire, plutôt que par la fuite en avant qu’on nous propose une fois encore avec l’exploitation des gaz de schiste, j’invite notre Assemblée et le Gouvernement à faire le choix des générations futures en disant non à une ressource incertaine, anti-écologique, qui se traduirait immanquablement par un affaiblissement de la voix de la France dans la lutte internationale contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, en même temps qu’il constituerait une nouvelle et grave entorse à un Grenelle de l’environnement.

EXAMEN DU RAPPORT PAR LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 8 juin 2011, la Commission a procédé à l’examen du rapport d’information de MM. François-Michel Gonnot et Philippe Martin sur les gaz et huile de schiste.

M. Stéphane Demilly, vice-président. Je souhaiterais tout d’abord excuser le président de notre commission, Serge Grouard, qui m’a demandé de présider cette importante réunion pour laquelle je présenterai en préambule les éléments contextuels.

La commission du développement durable a décidé la création d’une mission d’information sur l’exploitation des gaz et huile de schiste en France. Elle a désigné, le 1er mars dernier, deux co-rapporteurs : François-Michel Gonnot pour le groupe UMP et Philippe Martin pour le groupe SRC. La mission d’information a travaillé dans un délai très court de trois mois, réalisant une soixantaine d’auditions et des déplacements dans trois pays étrangers – Allemagne, États-Unis et Québec. Je précise, par ailleurs, que quatre ingénieurs des conseils généraux de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ont été mandatés par le Gouvernement pour une étude comparable. Leurs travaux étaient attendus pour le 31 mai mais ils n’ont pas encore été rendus. La date de leur restitution nous est encore inconnue.

Je cède maintenant la parole à nos deux rapporteurs.

M. François-Michel Gonnot, co-rapporteur. Philippe Martin et moi allons tenter de vous communiquer le bilan de nos réflexions. Elles sont souvent complexes, parfois techniques et pas toujours consensuelles. Mais nous avons essayé de conduire des travaux sérieux en nous abstrayant de la pression de l’actualité et des passions qui agitent l’opinion.

Nos investigations ont été menées dans le respect de plusieurs principes. En premier lieu, nous avons pris acte de l’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi déposée par Christian Jacob : nous avons considéré, par conséquent, la fracturation hydraulique interdite dans l’industrie pétrogazière sur le territoire national.

En deuxième lieu, nous avons gardé l’esprit ouvert pour embrasser l’ensemble du sujet et des problématiques liées, en évitant les préjugés et les a priori. La mission d’information a donc auditionné tous ceux qui ont souhaité être entendus. Ce choix a conduit à procéder indépendamment des travaux des ingénieurs mandatés par le Gouvernement, avec lesquels une seule réunion a été tenue dans la foulée de la publication de leur rapport d’étape. Philippe Martin et moi avons poursuivi nos propres réflexions. C’est la raison pour laquelle – et certains ont pu en être surpris – nous nous sommes astreints à intervenir le moins possible dans l’examen de la proposition de loi de Christian Jacob, que ce soit en commission ou en séance publique. Nous avons considéré que c’était la meilleure façon de conserver le recul nécessaire pour mener à bien la mission qui nous avait été confiée.

Nous avons inventorié les questions que posent la fracturation hydraulique et la production d’hydrocarbures de schiste. La presse et Internet fourmillent d’articles sur l’emprise foncière, la circulation routière, la protection de zones particulières comme un parc national, etc. Nous nous sommes évidemment penchés sur les additifs contenus dans les fluides de fracturation, sur leur nature, leur proportion, les raisons qui président à leur emploi, leur nocivité, leur devenir. La question de l’eau, essentielle pour beaucoup d’entre vous, nous a occupés longtemps : elle intervient du début à la fin de la procédure de fracturation, du prélèvement au retraitement en passant par l’injection et les risques de contamination. On parle moins des risques sismiques, mais ils se sont manifestés en Amérique du Nord et au Royaume-Uni ; nous avons donc réfléchi à leur propos. L’impact sur l’air est également très peu abordé dans le débat public français alors qu’il occupe une place plus importante dans les études américaines. Nous nous sommes enfin interrogés sur le bilan carbone des hydrocarbures de schiste, qui a été mis en cause par des études universitaires en raison, notamment, des fuites de méthane qui se produisent pendant le processus d’extraction. Personne, toutefois, n’a encore dressé un tableau comparatif des émissions de gaz à effet de serre des différentes sources d’énergie en intégrant, pour chacune, l’ensemble du cycle de production – ce serait particulièrement utile pour les combustibles que nous importons.

La troisième partie du rapport traite d’un sujet fréquemment abordé à l’occasion du débat parlementaire : la réforme du code minier et de ses dispositions relatives aux hydrocarbures. Nous savons que ce droit n’a pas été actualisé depuis longtemps et que les préoccupations environnementales formalisées par le Grenelle de l’environnement n’y ont pas été intégrées. Les procédures ne permettent pas suffisamment la participation de la population et des élus. Nous formulons des propositions pour y remédier, comme nous recommandons de revoir la fiscalité minière qui nous est apparue largement surannée et trop éloignée des collectivités territoriales.

La première partie du rapport, enfin, tend à expliciter la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. La législation ne précise pas le caractère conventionnel ou non des hydrocarbures ; nous suggérons de régler le problème en sériant les différents types de gaz et de pétrole qui peuvent exister dans notre sous-sol. Nous précisons aussi ce que désigne le terme de « fracturation hydraulique » et quelles recherches sont en cours pour mettre en œuvre des techniques alternatives. Nous présentons enfin les ressources supposées dans les différents continents d’après les chiffres communiqués par l’Agence internationale de l’énergie.

M. Philippe Martin, co-rapporteur. Je vais prolonger cette présentation, mais je suggère d’ores et déjà que la commission débatte à nouveau du sujet des hydrocarbures de schiste une fois que chacun aura pris connaissance des termes de notre rapport, car je comprends combien il doit être difficile pour les commissaires de le parcourir dans un temps très limité.

François-Michel Gonnot et moi avons tenté de dépasser nos divergences politiques pour apporter à notre commission et, au-delà, à notre assemblée, une somme d’informations objectives sur un dossier relativement nouveau dans le débat énergétique de notre pays. Une série d’interventions législatives ont rendu nos travaux un peu plus difficiles encore. Le rapport le mentionne ; le président Serge Grouard l’avait souligné en son temps. Il sera bon que l’Assemblée nationale apprenne à expertiser d’abord et à légiférer ensuite, plutôt que le contraire. Je sais que Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet partagent cet avis.

Le délai de trois mois a été court, surtout quand on pense que l’enquête québécoise a, par exemple, duré sept mois. En outre, nos moyens limités ne nous permettent pas toujours de recouper toutes les données alors même – et c’est normal – que les industriels cherchent à présenter leurs activités sous leur meilleur jour. Il n’a pas été facile de vérifier à chaque fois.

La mission d’information n’a pas pu aborder les enjeux financiers et industriels. Je regrette que MM. Albert Frère et Paul Desmarais, que nous avions invités à présenter les ressorts de leurs investissements dans ce secteur, aient décliné notre invitation. Nous n’étions pas une commission d’enquête, nous n’avons pas pu requérir leur présence.

Le rapport que nous présentons aujourd’hui réalise une photographie de la problématique des hydrocarbures de schiste. Ce dossier n’est pas seulement énergétique ou environnemental, il est aussi un enjeu démocratique et de citoyenneté. C’est la raison pour laquelle, à l’issue de nos travaux, nous sommes parvenus à des conclusions différentes. Nous n’avons pas voulu les estomper. Nous n’avons pas voulu, non plus, formaliser nos désaccords par l’interruption de la mission d’information : c’eût été tirer un trait sur tout le travail que nous avions accompli. Nous avons préféré passer au-dessus de cela et apporter autant d’informations que possible. C’est la raison pour laquelle j’ai cosigné des préconisations qui devraient être mises en œuvre dans le cas éventuel où la France s’engagerait dans la voie d’une exploitation des gaz de schiste. Cela ne signifie pas – ce sera d’ailleurs le sens de ma conclusion – que je sois favorable à cette issue. A partir du cadre existant, nous avons détaillé ce qui pourrait être amélioré.

Ainsi, il y a dans ce rapport une partie factuelle et objective, puis des conclusions personnelles forcément subjectives. Dans la partie factuelle, il y a ce que nous avons vu, entendu et lu. Nous avons pu assister à une fracturation hydraulique et nous rendre compte de ce dont il s’agit, en termes visuels comme sonores.

M. François-Michel Gonnot, co-rapporteur. La fracturation en elle-même dure trois heures. Un puits sera fracturé plusieurs fois, ce qui porte le temps des opérations à quinze jours ou trois semaines. Une fois ceci fait, le puits produit une dizaine d’années.

M. Philippe Martin, co-rapporteur. Tout au long de ce dossier, j’ai vu s’accumuler les doutes, les incertitudes, le manque de recul. Ceci ne signifie pas qu’il n’existe aucune réponse à apporter. Toutefois, tant les organismes publics rencontrés que nos diverses auditions ont renforcé ces doutes. Vous lirez dans la deuxième partie du rapport les impacts sur l’environnement de cette activité. Nous considérons ainsi qu’il faut préserver les parcs nationaux de toute exploitation, contrairement à ce qui peut être pratiqué en Amérique du Nord.

Je pense, ainsi, qu’il existe une grande différence de vue entre la vision qui prévaut de l’autre côté de l’Atlantique et la nôtre. Lorsque nous nous y sommes rendus, nous avons vu combien nos questionnements étonnaient les industriels : la logique des « pionniers » est d’extraire l’énergie du sous-sol pour subvenir aux besoins du pays. Quand je demandais quel était le risque de contamination des nappes phréatiques, on me répondait qu’on trouverait une solution pour régler le problème, le cas échéant. Et quand j’interrogeais sur la situation des générations futures, on me disait qu’elles géreraient leur héritage comme la génération actuelle doit gérer le sien. Je crois important de le répéter car cette mentalité diffère beaucoup de la nôtre, et l’environnement y occupe un rang bien moins prééminent.

L’exploitation suscite une circulation routière importante. Le site que nous avons visité est plutôt campagnard et peu densément peuplé. Le passage de camions imposants y était une nouveauté. Les élus locaux, dans l’assistance, savent combien nos populations sont attentives à l’impact d’une activité nouvelle sur le trafic routier.

En ce qui concerne les additifs, nous avançons vers la fin de la culture du secret. Beaucoup a été dit sur leur nombre – y compris des choses fausses. Aujourd’hui, on sait qu’une demi-douzaine d’adjuvants est utilisée. Dans l’hypothèse où la France s’engagerait dans une production des gaz et huile de schiste, la communication de la composition des fluides est une condition sine qua non. Une autorité indépendante devrait assurer le suivi de la question.

L’utilisation massive de l’eau constitue une difficulté. Quand les industriels répliquent qu’elle est moindre que pour les cultures agricoles, ce n’est pas satisfaisant. La sécheresse actuelle nous rappelle l’acuité de la concurrence des usages. Il semble possible d’utiliser l’eau qui provient du forage. Le rapport recommande, dans le cas où la France autoriserait cette activité, de limiter les fracturations à des périodes hivernales pendant lesquelles l’accès à la ressource semble plus aisé. Des pollutions restent possibles cependant : le 20 avril dernier, en Pennsylvanie, des milliers de litres d’eau usée ont été répandus dans l’environnement. Quant au sous-sol, il peut être menacé par des techniques agressives, notamment celles qui nécessitent une explosion souterraine en prélude à l’injection du fluide. Je rappelle que l’Angleterre a connu il y a quelques jours un séisme sur son site expérimental de fracturation. Les amplitudes minimes ne doivent pas nous faire négliger cet aspect intrusif de la technologie.

J’ajoute que d’autres méthodes sont envisagées, qui permettraient de ne pas utiliser de l’eau. On a parlé de gaz liquéfié ou encore d’arc électrique. Ces perspectives ne nous ont pas forcément rassurés.

La puissance publique a été excessivement inattentive. Le rapport évoque d’ailleurs une autorité étatique longtemps ignorante des enjeux, en manque de cohérence et de compétence, et qui méconnaît la parole des citoyens.

En attendant de répondre à vos questions et de vous livrer nos conclusions personnelles, je voudrais rappeler l’interrogation préalable qui a guidé nos travaux : la France a-t-elle raison de s’engager dans l’exploitation des gaz de schiste ? Pour ma part, je pense que non.

M. François-Michel Gonnot, co-rapporteur. Je souligne que les trois premières parties du rapport constituent une analyse partagée. Nous y abordons la question de la géothermie profonde, qui emploie également la fracturation hydraulique et des additifs chimiques, ce qui est étonnant car la même technique suscite d’un côté une approbation générale et de l’autre côté des oppositions marquées. Les essais de géothermie ont ainsi suscité des séismes, en Alsace et en Suisse par exemple.

Le rapport opère un tour d’horizon des pays dotés de gisements conséquents. C’est intéressant de voir qui se précipite avec enthousiasme, qui dresse un cadre réglementaire strict au préalable, et qui décide de proscrire la production. Certaines zones ont édicté un moratoire préventif : New York, le Québec, l’Afrique du Sud ou encore le canton suisse de Fribourg. La plupart des nations fédérales considèrent que la compétence minière appartient aux entités fédérées : la majorité des États américains et des provinces canadiennes ont fait le choix de la production. Des zones mènent une expérimentation, comme la Grande-Bretagne et le Land allemand de Basse-Saxe. La Pologne espère se lancer bientôt pour échapper à sa dépendance envers la Russie. La Chine souhaite couvrir rapidement 10 % de ses besoins énergétiques par le gaz. L’Australie et l’Inde ne font pas exception à l’agitation mondiale.

Après ces cent pages d’analyses partagées, vous trouverez donc deux conclusions. Nous avons estimé que la France, comme d’ailleurs les pays étrangers, n’a pas traité la question de fond : personne ne s’est interrogé sur la place que pourraient occuper les gaz de schiste dans notre bouquet énergétique. C’est un débat que nous n’éviterons pas. Il devra se poursuivre, notamment après Fukushima. La place et le coût des énergies renouvelables, l’indépendance énergétique, la limitation des émissions de gaz à effet de serre, sont autant de facteurs à prendre en compte. Les conclusions abordent donc la question du principe d’une exploitation. La réponse appartient au pays, quand chacun aura décidé qu’il est temps de l’esquisser. Nous avons souhaité contribuer à ce débat : Philippe Martin dans un sens, et moi dans un sens un peu différent.

M. Stéphane Demilly, vice-président. Je souhaiterais poser deux premières questions très simples pour lancer le débat. Avez-vous des précisions sur le calendrier retenu par le Gouvernement pour la réforme du code minier ? Considérez-vous, par ailleurs, comme normal que les élus locaux n’aient pas été préalablement informés de la délivrance de permis sur leur territoire ?

M. Yanick Paternotte. Il est difficile pour nous de nous faire une religion sur l’ensemble de ces sujets, d’autant que nos rapporteurs parviennent à des religions conclusives différentes ! Paradoxalement, je me félicite de cette diversité d’approches, s’agissant d’une problématique encore neuve que l’Union européenne et les États-Unis abordent de manière diamétralement opposée.

A la lecture du projet de rapport, j’ai le sentiment qu’après une période de pratiques un peu « sauvages » entre 2005 et 2009, l’industrie évolue désormais dans un cadre mieux régulé.

Je suis heureux que notre commission ait pris l’initiative de lancer cette mission d’information, même si je regrette – comme je l’ai déjà dit dans un passé récent – que nous ayons eu à examiner avant d’en connaître les conclusions les deux propositions de loi présentées sur ce sujet.

Je crois que nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat global sur la stratégie énergétique de notre pays. Lorsque nous importons du gaz ou du pétrole, le bilan carbone de leur production et de leur transport n’est aucunement pris en compte. Un tel débat pourrait constituer un thème pertinent dans le cadre de la prochaine élection présidentielle, de même que les effets du Grenelle de l’environnement que le Gouvernement et sa majorité ont initié et porté.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la technique de fracturation hydraulique, le projet de rapport mentionne l’utilisation, aujourd’hui, d’une dizaine de produits chimiques d’appoint. Quels sont ces produits ? S’agit-il de dérivés benzéniques – on parle souvent du toluène ? En connaît-on les quantités et les effets sur l’environnement ? Peut-on imaginer opérer une fracturation sans faire appel à de tels adjuvants ? Y a-t-il un espoir de voir apparaître, à terme, une fracturation sans danger pour les nappes phréatiques ?

S’agissant du code minier, qui a fait l’objet d’un travail remarquable de nos collègues Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, avez-vous des recommandations à formuler quant à sa réforme à venir ?

Comment cette problématique des gaz et huile de schiste est-elle appréhendée par les autres pays membres de l’Union européenne? L’Union elle-même y est-elle sensible et s’en préoccupe-t-elle suffisamment ?

Enfin, comment l’effort de recherche publique, que vous semblez appeler de vos vœux, pourrait-il accompagner le développement de ces technologies et sur quels organismes pourrait-il s’appuyer ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Je pense également qu’il sera nécessaire de réfléchir collectivement, dans les mois qui viennent, à la stratégie énergétique de demain. Celle-ci devra arbitrer entre divers enjeux, comme l’indépendance et l’environnement. Deux enjeux notamment me semblent fondamentaux : la lutte contre le réchauffement climatique ainsi que la réduction des risques environnementaux et sanitaires.

Je m’interroge sur la rentabilité des exploitations de gaz et huile de schiste. Le pré-rapport des ingénieurs estime que l’exploitation d’huile de schiste ne permettrait d’en récupérer que de 1 % à 2 % ; pour ce qui concerne le gaz, la proportion serait de 20 % à 40 %. On peut donc penser qu’à l’avenir, les entreprises rechercheront une plus grande efficacité, ce qui les conduira à fracturer la roche-mère toujours plus profondément. Le risque sera alors de faire appel à des techniques toujours plus violentes sur le plan sismique. Les incidents survenus au Royaume-Uni doivent nous inquiéter à cet égard.

J’ai pris connaissance de diverses études sur le bilan du gaz de schiste en termes d’émission de gaz à effet de serre. Il serait apparemment aussi mauvais que celui du charbon. Au regard des engagements pris par la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique, on ne peut que s’inquiéter de l’exploitation, demain, de ces nouvelles énergies fossiles.

Je souhaiterais également que nos rapporteurs puissent relayer, auprès du ministère chargé de l’énergie, mes inquiétudes sur la prochaine réforme du code minier : en réponse à une question sur sa date d’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée, M. Éric Besson a indiqué, le 1er juin dernier, que celle-ci était « imminente », ajoutant aussitôt « qu’en politique, l’imminence peut être plus ou moins longue ». Je crois que le plus tôt sera le mieux.

S’agissant enfin des permis exclusifs de recherche déjà accordés, qui sont inconnus des parlementaires, avez-vous été en mesure de prendre connaissance de leurs dossiers d’instruction ? Dans l’affirmative, ces dossiers mentionnaient-ils la technologie que l’exploitant avait l’intention d’utiliser ?

M. Yves Cochet. Je voudrais revenir sur le contexte démocratique et politique de notre sujet. À l’origine de la confusion relevée à juste titre par plusieurs de nos collègues, il y a le Gouvernement qui a fait une énorme erreur de communication – et peut-être de politique industrielle – en accordant des permis exclusifs de recherche dans le bassin parisien et dans le sud-est. La contestation a pris pour cible ces permis, en s’élevant notamment contre le caractère confidentiel de la démarche, l’absence de débat et l’approche autoritaire du pouvoir exécutif. Nous avons assisté ensuite à une course de vitesse, au sein de notre assemblée, entre les groupes UMP et SRC, pour le dépôt d’une proposition de loi sur la question. L’ancien ministre Jean-Louis Borloo a déposé également son propre texte, faisant par là acte de contrition.

La proposition de loi de M. Christian Jacob partait d’une position politiquement compréhensible et juridiquement claire : l’abrogation pure et simple de tous les permis de recherche déjà accordés ainsi que l’interdiction de la fracturation hydraulique. Puis des amendements ont rendu les choses plus obscures. Pour la première fois – et il s’agit d’une nouveauté soulignant la difficulté du sujet – deux rapporteurs ont travaillé de concert, l’un issu de la majorité, l’autre de l’opposition. Celui issu du groupe SRC, M. Jean-Paul Chanteguet, a été « pris en étau » : si le texte a bien été voté par notre commission, le groupe SRC a voté contre lors de l’examen en séance publique. Je relève que cette parité majorité-opposition a également été respectée dans la mission d’information dont nous examinons le rapport ce matin, puisque nous avons deux co-rapporteurs.

Ma première question porte sur la différence de nature existant entre le sous-sol nord-américain – dans les Appalaches ou le Texas par exemple – et la géologie européen. Le rapport qui nous est présenté établit-il une différence entre le premier, où la régularité dans la distribution des différentes strates semble quasi-constante, et le second, où les failles et fractures donnent un ensemble beaucoup plus hétérogène ? Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a-t-il conduit des études comparatives dans ce domaine ?

Je reviens sur le rapport de MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet sur la proposition de loi de M. Christian Jacob. Dans le vocabulaire pétrolier international, l’adjectif « conventionnel » fait référence à la matière extraite du sous-sol, selon son emplacement, et s’emploie par exemple pour parler du gaz. Dans leur rapport, nos deux collègues ont pris le parti de l’employer à propos des procédés d’extraction, le forage hydraulique étant considéré comme conventionnel, contrairement à la fracturation hydraulique qualifiée de « non conventionnelle ». Comment avez-vous résolu cette ambiguïté sémantique ?

S’agissant des ressources disponibles en France, à quelle conclusion nos rapporteurs ont-ils pu parvenir, à la fois pour l’huile et pour le gaz de schiste, par exemple à partir de données fournies par le BRGM ou par d’autres organismes scientifiques ? Ou bien la profondeur rend-elle toute évaluation de ce qui se trouve sous nos pieds impossible, le BRGM lui-même, ou l’IFP Énergies nouvelles, pouvant avancer que les réserves avoisinent les 3, les 30 ou les 100 milliards de barils ?

Plusieurs députés. C’est bien pour cela qu’il faut faire des recherches !

M. Yves Cochet. François-Michel Gonnot nous a indiqué dans sa présentation qu’un puits d’exploitation de gaz de schiste pouvait, après la fracturation hydraulique initiale, produire pendant 10 à 15 ans. Il me semble que la durée de vie moyenne d’un puits, avec un rendement fortement décroissant, s’élèverait plutôt à 5 ou 10 ans, comme tendrait à prouver les exemples outre-Atlantique de Barnett au Texas ou des Appalaches. Quels éclaircissements peut-il nous fournir à ce sujet ?

Enfin l’impact paysager et sanitaire, qui varie en fonction des caractéristiques géographiques des États détenteurs de réserves, a-t-il été mesuré ? Il paraît évident que cet impact demeure plus faible aux États-Unis, compte tenu de l’immensité des espaces dont certains restent exempts de peuplement, qu’au sein des espaces européens et notamment français, si l’on prend l’exemple de la Seine-et-Marne où ne résident pas que MM. Jean-François Copé et Christian Jacob ! Se pose donc la question de la démocratie : nous ne pouvons pas agir avec les mêmes principes que les Américains qui conservent l’héritage, dans leurs mentalités, de leur ancêtres « cowboys », et qui partent à la conquête de l’environnement sans se soucier, ni du principe de précaution, ni du legs aux générations futures.

Enfin, que pensez-vous de l’amendement sénatorial scélérat à la proposition de loi de M. Jacob, actuellement en cours d’examen au Sénat ? Il propose une dérogation au principe d’interdiction de la fracturation hydraulique pour des raisons scientifiques.

M. Philippe Martin, co-rapporteur. Aux États-Unis, on a assisté à un véritable débat démocratique car les bassins d’exploitation concernés sont souvent très peuplés. S’agissant de l’amendement adopté par le Sénat, il est certes intéressant d’envisager des forages expérimentaux entourés scientifiquement. Mais outre la frilosité des industriels qui ne sont pas certains de pouvoir exploiter ces puits, j’y vois un obstacle : on ne peut pas prendre comme référence un forage bardé de sécurités, propre à limiter les risques, pour une activité à grande échelle où les industriels ne s’entoureraient pas forcément des mêmes précautions.

En ce qui concerne l’information des élus, le déficit est incontestable. Il en va de même pour les citoyens, qui se sont trouvés devant le fait accompli.

La question de la fracturation sans additif constitue un objectif de recherche. Aucun expert n’a pu dire que cette opération était à ce jour possible sans eau, sans sable ou sans adjuvant chimique.

La Pologne, qui doit présider l’Union européenne à compter du 1er juillet prochain, a inscrit parmi les priorités de sa présidence l’indépendance énergétique de l’Europe. La Commission ne semble pas avoir encore répondu à cette demande. Le Président de la République Nicolas Sarkozy a souligné la neutralité de la France à l’égard de la Pologne, si celle-ci exploitait massivement les gaz de schiste. Parce que nous sommes dans une situation d’interdépendance, cette neutralité contrevient à ce que nous faisons dans notre pays. Enfin, le bilan en termes d’émission de gaz à effet de serre n’est pas bon, cet aspect ayant peut-être été minoré.

La mobilisation contre l’exploitation du gaz de schiste a été particulièrement forte au Québec, de la part des associations, des municipalités et du public. Elle a porté sur la question du « pourquoi faire ? » plutôt que sur le « comment faire ? ».

M. François-Michel Gonnot, co-rapporteur. En ce qui concerne la réforme du code minier, nous observons que le Gouvernement est soucieux d’aller vite. Mais une importante question se pose : quelle procédure sera utilisée ? Les ministres en charge de l’énergie et de l’environnement se jugent tous deux compétents en la matière ; un arbitrage interministériel sera nécessaire sur ce point. En outre, le Parlement doit faire comprendre au Gouvernement qu’il souhaite avoir une vue d’ensemble, de nombreuses dispositions ayant un caractère réglementaire. Notre rapport mentionne, par ailleurs, la question du périmètre des compétences au sein même de l’Assemblée nationale : sur un tel sujet, il est souhaitable que les responsabilités soient partagées entre les commissions des affaires économiques et du développement durable, laquelle a une vision plus environnementale.

S’agissant de l’absence de consultation des élus au moment de la délivrance des permis, il faut rappeler que, par le passé, la délivrance des permis d’exploration intervenait après une enquête publique spécifique. Celle-ci a été supprimée en 1994. Le Gouvernement, qui voulait encourager l’exploitation des ressources minières, souhaitait alors rendre plus facile la délivrance des permis d’exploration. Le Parlement l’avait accepté.

La liste des principaux adjuvants figurera en annexe du rapport. Les industriels manifestent une volonté de plus en plus forte de communiquer sur la nature des produits avant leur injection. Ils sont, par ailleurs soucieux d’utiliser au maximum des produits biodégradables. Une autre question essentielle, peu évoquée et pour laquelle des précautions sont nécessaire, est celle de la remontée des adjuvants à la surface.

Au plan européen, il est clair que le dossier a acquis une dimension politique. Mais il faut bien noter que les réglementations minières relèvent des États et même, dans le cas de l’Allemagne, des Länder. La Commission ne devrait ainsi logiquement pas aller au-delà ; il paraît très peu envisageable qu’elle s’implique dans la réforme des codes miniers nationaux et dans les conditions de délivrance des permis.

Pour le lancement des programmes de recherche, on nous indique souvent qu’il n’y aurait pas d’autre méthode que la fracturation hydraulique. Certains imaginent de nouvelles techniques, telle que l’utilisation de gaz liquéfié à la place de l’eau, mais s’agit-il là d’une solution d’avenir ? En toute hypothèse, de nouvelles technologies sont sans doute à trouver, de nouveaux brevets à déposer, et la recherche publique pourrait jouer un rôle important.

La rentabilité pour les industriels est le sujet majeur : le coût de production est certes important, mais le bénéfice est directement corrélé aux prix du marché. Aujourd’hui, les prix du pétrole sont élevés, mais ceux du gaz ont beaucoup diminué. Aux États-Unis, ils sont deux fois inférieurs à ce qu’ils sont en Europe, justement en raison de l’exploitation massive des gisements non conventionnels.

Le bilan de l’exploitation des gaz et huile de schiste en termes d’émission de gaz à effet de serre est mauvais. Toutefois, il faut le comparer avec celui du pétrole produit ailleurs, transporté sur de longues distances et raffiné, et réfléchir ainsi sur l’ensemble du processus à l’échelle de la planète. Il ne semble pas qu’il existe d’étude globale sur ce point.

Les ressources françaises demeurent méconnues et nous devons nous fonder, comme c’est le cas dans tous les autres pays, sur les estimations opérées par les géologues américains. Le BRGM a lui-même une très mauvaise connaissance de notre sous-sol très profond. Les chiffres qui circulent sont d’ailleurs que des estimations.

80 % de la production d’un puits sont réalisés les quatre premières années. La mission, enfin, n’a pas voulu entrer dans le débat sur la proposition de loi. Elle ne se prononcera pas, pareillement, sur l’amendement adopté par le Sénat au sujet des expérimentations.

M. Michel Havard. Merci à MM. Gonnot et Martin pour ce rapport très intéressant, élaboré dans un contexte particulier qui ne nous a pas pleinement satisfaits. Pour autant, sous réserve d’un examen plus approfondi, il semble que vos conclusions et préconisations rejoignent celles que nous avons défendues dans le cadre de la proposition de loi de Christian Jacob. En effet, il s’agit en priorité d’interrompre un processus mal engagé, tant au plan juridique que fiscal, environnemental ou territorial. Ainsi, les questions relatives aux emprises foncières ne sont pas traitées dans un cadre juridique adapté. Il convient donc d’y remédier au travers d’une réforme du code minier.

Il est également indispensable d’ouvrir le débat sur la stratégie énergétique nationale, comme sur l’avancée de la connaissance de notre sous-sol qui nécessite des forages verticaux traditionnels. Nous avons besoin de temps pour en débattre et nous souhaitons que ces discussions aient lieu au Parlement. La définition des conditions dans lesquelles pourraient être menées des expérimentations scientifiques nécessite d’installer un cadre précisant qui fait quoi, selon quelles procédures et à quelle fin : cela ne peut pas être renvoyé au Gouvernement.

Une seule question, sur la géothermie : il semble que la technique de la fragmentation hydraulique y soit très rarement utilisée mais disposeriez-vous de précisions à apporter à ce sujet ?

M. Philippe Plisson. Je souscris à l’excellente conclusion de Philippe Martin : « au travers de cet important sujet, c’est un véritable choix de modèle de développement – et même de société – qui se dessine. » Un seul mot, en revanche, pour qualifier l’attitude du Gouvernement et de la majorité dans cette affaire : « atermoiements » ! Le ministre Borloo a signé les arrêtés d’exploration, le responsable du groupe UMP – après le groupe SRC – dépose une proposition de loi visant à les interdire, et il est finalement soutenu par le député Borloo qui vient contredire le ministre qu’il a été.

La suite des événements n’a rien simplifié. Lors de son audition devant notre commission le 1er juin dernier, le ministre de l’énergie, M. Besson, réitère l’avis favorable du Gouvernement à des expérimentations sur le gaz de schiste au motif qu’il pourrait, je cite, « fournir un siècle de consommation »… De son côté le président Nicolas Sarkozy, le 3 juin, assure au Premier ministre polonais Donald Tusk qu’il ne fera pas de difficulté à la Pologne qui souhaite exploiter ses réserves. Quant au groupe Total, dont l’État est actionnaire à hauteur de 23 %, il se positionne pour l’exploitation de ces gisements polonais avec le groupe Exxon Mobil.

La position exprimée par Philippe Martin étant limpide, ma question s’adresse à François-Michel Gonnot : au-delà des positions démagogiques et électoralistes suscitées par les oppositions locales (murmures), ce rapport permet-il à la majorité parlementaire et au Gouvernement d’adopter enfin une position claire sur les gaz de schiste ? Dans l’affirmative, laquelle ?

M. André Chassaigne. Je salue l’excellent travail de nos deux rapporteurs. Je viens de parcourir leurs conclusions respectives, que je ne trouve d’ailleurs pas en totale opposition. Il y a d’un côté une opposition très franche et de l’autre le souhait d’ouvrir un débat. Mais dans les deux cas, il me semble qu’il eût été nécessaire d’insister davantage sur l’exigence d’études. La recherche – notamment publique – est indispensable et le rapport pèche un peu par excès de timidité à cet égard. Des ouvertures en direction de l’IFPEN ou du BRGM auraient été bienvenues.

S’agissant de la réforme du code minier, de l’application de la convention d’Åarhus ou de la mise en œuvre de la Charte de l’environnement – laquelle exige une procédure de consultation qui n’est malheureusement pas encore transcrite dans notre droit -, votre rapport est très clair et vos réponses aux questions précédentes l’ont encore précisé.

En matière de demande de permis exclusif, vous ne précisez pas le contenu exact des dossiers pour ce qui concerne la fracturation hydraulique. Cependant, j’ai obtenu des réponses dans le rapport provisoire au Gouvernement de MM. Durville, Leteurtrois, Gazeau et Pillet sur les hydrocarbures de roche-mère, que je cite : « s’agissant des hydrocarbures de roche-mère, si l’on veut conclure sur l’exploitabilité et la rentabilité économique d’un gisement, il est indispensable de réaliser en outre quelques essais de fracturation hydraulique, en forage vertical le plus souvent, assortis de prises de données complètes, notamment pression-débit des fluides et micro sismicité. » Selon ce rapport provisoire, il semble donc bien que, mécaniquement, une recherche menée au titre d’un permis exclusif implique des essais de fracturation hydraulique. Ceci rend donc caduques les dispositions de la proposition de loi.

M. Bertrand Pancher. La violence de la réaction du public contre les techniques d’extraction d’huile et de gaz de schiste est liée à l’extrême centralisation des décisions énergétiques dans notre pays, ainsi qu’à la culture du fait accompli et du secret. Je dis à ceux qui déplorent la fin des recherches en ce domaine que nous n’avons que ce que nous méritons. J’espère que le Gouvernement comme le Parlement sauront tirer la leçon de cet échec.

François-Michel Gonnot a évoqué le nécessaire débat public sur les énergies de demain. Je considère pour ma part qu’il doit avoir lieu immédiatement, à la suite de cet échec sur les gaz de schiste, de l’accident de Fukushima et de l’arrêt brutal des sept centrales nucléaires allemandes. A mon sens, ce débat doit être déconnecté de la campagne présidentielle et mené dans un climat non passionnel. Yves Cochet a parlé d’une erreur de communication du Gouvernement. Les torts sont partagés car je ne vois pas ce qui a distingué la gauche de la droite dans la conduite de la politique énergétique depuis quarante ans…

M. Yves Cochet. Cela va changer !

M. Bertrand Pancher. J’ai noté le trouble de M. Gonnot suite à la révélation des techniques de forage en géothermie. Compte tenu des contraintes juridiques qui en découlent, n’est-il pas temps de réformer la réglementation de la recherche ? A quel endroit y a-t-il des risques sismiques élevés ou des risques particuliers de pollution?

Du fait notamment de la loi « Bataille », la Haute-Marne et la Meuse mènent une recherche sur le stockage des produits nucléaires en fin de vie. Or j’apprends qu’il y a des explorations de gaz de schiste dans cette même région : comment faire en sorte qu’elles soient définitivement arrêtées ? Quelles garanties pouvons-nous obtenir à cet égard ?

M. Albert Facon. Dans l’ex-bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, plusieurs industriels m’ont fait part de leur inquiétude quant au devenir de l’extraction du gaz de houille, le grisou. A la page 19 du rapport, il est indiqué que les interlocuteurs des rapporteurs sont restés assez confus quant à la définition des hydrocarbures non conventionnels, laquelle n’est pas satisfaisante au regard, précisément, du gaz de houille. Depuis des dizaines d’années, la société Gazonor l’extrait sans aucun problème. En outre, cette industrie permet de l’empêcher de remonter à la surface, ce qui est précieux car, du fait de l’arrêt des houillères, il n’y a plus de pompage de l’air dans les galeries.

Pouvez-vous nous rassurer en confirmant que l’extraction du gaz de houille n’est pas menacée d’une quelconque interdiction ? Des emplois sont en jeu et, à la veille d’une probable réforme du code minier, nous souhaitons disposer de garanties à ce sujet.

M. Jean-Marie Sermier. Il existe un vrai danger que la discussion sur les gaz de schiste, confisquée par les idéologies, ne s’appuie sur des clichés plutôt que sur des faits. Or n’est-il pas temps de lancer un débat de société et de dresser un bilan carbone comparé avec le charbon, d’autant que celui-ci risque d’être encore plus utilisé en Allemagne dans les années à venir ? Nos réflexions doivent porter sur des risques établis.

S’agissant de la mesure des risques sur le sous-sol, votre rapport reste mesuré et n’apporte pas de certitude : ainsi, aux pages 57 et 58, vous parlez d’études « isolées » ou « contestées » et de contre études venant infirmer les précédentes.

Êtes-vous en mesure de fournir des résultats confirmés et attestés ? Si tel n’est pas le cas, ne faudrait-il pas créer un observatoire international du risque, assis sur l’expérience des pays déjà engagés dans cette exploitation ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Pourquoi la fracturation hydraulique serait-elle admissible en géothermie et inenvisageable pour ce qui concerne la recherche de gaz de schiste ? Peut-on avancer sur ce point ? S’agit-il de la même technique ? Dans sa conclusion, Philippe Martin se déclare opposé à la technique de la fracturation hydraulique : cette opposition vaut-elle aussi pour la géothermie alors que celle-ci a été encouragée par nombre de régions, notamment dans l’est de la France – où plusieurs collectivités l’utilisent – et en Bretagne, dans les zones granitiques ? S’agit-il d’une énergie d’avenir ? Est-elle ou non dangereuse ?

Je souscris à l’analyse d’André Chassaigne sur la nécessité de soutenir l’effort de recherche. On ne peut pas se dire que l’on a peut-être sous les pieds une énorme réserve d’énergie et ne pas en tenir compte. J’estime que le rapport devrait aller plus loin dans la comparaison des deux techniques et expliquer pourquoi la fracturation hydraulique serait bonne pour la géothermie et mauvaise pour la prospection des gaz schistiques.

M. André Vézinhet. Lors de la discussion générale sur la proposition de loi, j’avais choisi de concentrer mon propos sur les aquifères profonds et je souhaite y revenir aujourd’hui car il s’agit à mes yeux d’un sujet essentiel.

Les aquifères profonds sont alimentés par des réseaux presque toujours méconnus : lorsqu’on verse de la fluorescéine à cinquante kilomètres, on la retrouve à la résurgence, ce qui signifie que le bassin de réception est extrêmement vaste. Au reste, les professeurs Avias et Mattauer, qui furent mes maîtres à la faculté des sciences de Montpellier, ont enseigné toute l’importance des aquifères. Il s’agit en effet de la seule eau que l’humanité peut consommer quasi directement. Ainsi, sans jamais faillir, l’aquifère de la source du Lez alimente tout au long de l’année 500 000 habitants dans la région de Montpellier. Dans le cadre des recherches en eau du département de l’Hérault, nous venons de découvrir un nouvel aquifère qui permettra de pallier une pénurie prévisible, à terme, dans tout le cœur du département. Or l’étude géologique qui figure dans l’excellent rapport de nos collègues – et je partage sur ce point l’analyse d’Yves Cochet – me semble très insuffisante. On n’y parle que du risque de prélèvement d’eau dans la nappe phréatique mais le problème est tout à fait différent : la nappe phréatique, on connaît ses limites et on sait comment elle est abondée alors que l’on ne sait rien de l’aquifère profond. Dans le sud de la France, il y a nombre de failles et de résurgences comme à Fontaine de Vaucluse ou à la source du Durzon. Ce sont des aquifères de première importance car ce sont eux qui répondront demain aux besoins en eau potable. C’est pourquoi il importe de ne prendre aucun risque sans disposer au préalable d’études géologiques très poussées.

M. Francis Saint-Léger. Dans l’une des premières phrases de sa conclusion, François-Michel Gonnot indique que « l’interdiction » ne sera que temporaire. S’agit-il de l’interdiction d’exploitation ou, comme nous l’avons décidée, de celle de la fracturation hydraulique ? En d’autres termes, devons-nous revenir sur notre vote en faveur de l’interdiction de la fracturation ? Existe-t-il d’autres techniques présentant une moindre incidence environnementale ?

Au début du rapport, il est indiqué qu’il a été procédé au cours de la dernière décennie à une trentaine d’opérations de fracturation hydraulique en France : dispose-t-on d’une analyse des conséquences de ces forages ?

Enfin, estimez-vous que le code minier révisé devra prévoir une interdiction absolue de délivrer des permis dans les parcs nationaux – tel celui des Cévennes – et dans les territoires en voie de classement au patrimoine mondial ?

M. Stéphane Demilly, vice-président. Messieurs les rapporteurs, je vous invite à répondre aux différents intervenants en évoquant successivement les thèmes abordés par chacun d’entre eux.

M. François-Michel Gonnot, co-rapporteur. Monsieur le président, je débuterai mon intervention par le cas de la géothermie. Il s’agit d’un sujet complexe, qui échappe bien évidemment au cœur de notre mission. Nous étions néanmoins quasiment forcés de nous pencher sur le sujet, dès lors que la fracturation hydraulique peut être utilisée pour certaines opérations. Je pense notamment au projet de Soulz-sur-Forêts, en Alsace. Il s’agit, je le rappelle, d’un projet financé par l’Union européenne, l’État et les collectivités locales. Il semble donc avoir fait l’objet d’un large consensus parmi les élus et les responsables politiques. Or, la mise en œuvre de la géothermie sur le site suppose de recourir à la fracturation hydraulique. Jusqu’à présent, les essais pratiqués ont été source de difficultés, notamment après le constat de mouvements sismiques. Je me permets donc, en réponse à Francis Saint-Léger, d’exprimer certains doutes quant à la justification de l’interdiction d’une technique dans certains cas – l’exploitation d’hydrocarbures – et son autorisation pour d’autres. Ma position est minoritaire au sein de l’Assemblée nationale, je le reconnais.

Comme vous le savez, l’un des grands principes du droit français est le caractère non-discriminatoire d’une disposition. Le texte voté il y a quelques semaines présente, à mon sens, quelques fragilités juridiques que le Conseil constitutionnel sera peut-être à même de soulever s’il est saisi. Il serait dommageable, à mes yeux, de voir le juge constitutionnel déclarer l’inconstitutionnalité de la loi relative à l’interdiction de la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures. Rien ne serait pire car les permis seraient pleinement restaurés dans leurs droits et l’objectif initial totalement manqué !

Notre rapport invite donc à examiner les dangers de la fracturation hydraulique pour toutes les activités où elle est mise en œuvre.

Je souhaite à présent évoquer la thématique de la recherche, dont a notamment parlé André Chassaigne. La connaissance géologique de notre sous-sol profond est des plus mauvaises, voire quasi inexistante. Ceci s’explique par l’histoire : les travaux de recherches ont en effet eu pour objet les nappes phréatiques et les ressources minières. Seuls les pétroliers disposent d’un certain savoir-faire sur l’exploration des profondeurs. Aussi, notre connaissance est circonscrite aux territoires explorés par les groupes pétroliers : Bassin parisien et vallée du Rhône notamment. Ailleurs, nous ignorons la nature géologique des sous-sols, ou du moins nous n’en avons qu’une connaissance partielle. C’est particulièrement vrai dans certaines régions où des permis ont pourtant été délivrés. Nous avons souhaité distinguer dans le rapport les zones connues de celles sur lesquelles nous ne savons pratiquement rien. André Vézinhet nous a interpellés sur ce sujet et, comme lui, nombre de nos interlocuteurs nous ont mis en garde quant à la complexité des aquifères profonds. D’après nous, il est donc nécessaire de n’entamer aucune activité dans ces régions avant de disposer d’une connaissance exacte des sous-sols. Nous ne souhaitons pas que des permis soient délivrés dans ces zones.

André Chassaigne notait que nous évoquions trop brièvement dans le rapport l’exigence d’un programme de recherches. La raison en est simple : nous n’étions pas totalement d’accord. Philippe Martin, il me corrigera, m’a dit : « si je suis contre l’exploitation des hydrocarbures de schiste, je ne peux pas me prononcer en faveur d’un programme de recherches ». En fait, un tel programme devrait comprendre deux aspects. D’abord, l’amélioration de la connaissance de notre sous-sol. Le BRGM ou IFP-Énergies Nouvelles seraient prêts à se pencher sur le sujet, mais il reste à trouver le financement ! Ensuite, il me semble pertinent qu’ils abordent les procédures industrielles. Yanick Paternotte a d’ailleurs évoqué le sujet. La France pourrait, à mon sens, être à l’origine d’avancées technologiques en la matière.

Plusieurs de nos collègues nous ont également interrogés sur la mise en place d’un pilotage de la filière. Lors de la discussion de la proposition de loi de Christian Jacob, certains amendements allant dans ce sens n’ont pas été adoptés. Nous n’avons donc pas voulu proposer un dispositif déjà rejeté, par respect pour la décision de la représentation nationale. Néanmoins, à titre personnel, je me permets de suggérer de confier à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) une mission de suivi des techniques employées et des programmes mis en œuvre dans le monde. Je pense que l’OPECST pourrait également piloter le travail de modernisation de notre droit de l’environnement et de notre droit minier. D’après moi, l’Assemblée nationale devrait opérer ce suivi de manière régulière au cours des prochaines années.

En réponse à Albert Facon sur l’exploitation du gaz de mine, je serai très clair : nous avons auditionné les dirigeants de Gazonor. Son exploitation se situe hors du champ de la fracturation hydraulique. Tous les programmes doivent donc être poursuivis. Il s’agit même parfois d’un intérêt national en termes de sécurité publique.

Yves Cochet a fait part des difficultés à distinguer les hydrocarbures conventionnels des hydrocarbures non conventionnels. Une imprécision existe, c’est vrai. Nous avons donc essayé d’aborder la question d’un point de vue différent. À nos yeux, la réforme du code minier pourrait être l’occasion de créer différentes catégories de permis selon le type d’hydrocarbure recherché : permis de gaz de schiste, permis de gaz de houille, permis d’huile de schiste, etc. Une telle évolution permettrait de clarifier les procédures et de les rendre plus transparentes, en accord d’ailleurs avec le souhait exprimé à l’instant par Jean-Paul Chanteguet.

Bertrand Pancher a évoqué les risques de conflit entre les différents projets : exploration et exploitation d’hydrocarbures contre géothermie, lieux de stockages de déchets nucléaires ou de CO2. Il faudra que le législateur demeure attentif afin d’arbitrer entre différents objectifs éventuellement concurrents.

Avant de conclure, je répondrai à Francis Saint-Léger sur le recours à la fracturation hydraulique dans le passé en France. Il y a eu quelques dizaines de cas, dont aucun n’a posé problème. Toutefois, il est important de préciser que ces opérations ont été réalisées dans des puits verticaux, dont deux très récemment en Seine-et-Marne d’ailleurs.

Enfin, en réponse à Jean-Paul Chanteguet, les dossiers d’instruction des permis sont très minces, mais les procédures sont longues.

M. Jean-Paul Chanteguet. Deux ans en effet !

M. François-Michel Gonnot, co-rapporteur. La procédure prévoit notamment la consultation des préfets et des DREAL. Les permis attribués en mars 2010 faisaient ainsi suite à des demandes déposées vingt-sept mois auparavant !

M. Stéphane Demilly, vice-président. Merci de ces précisions. La parole est à Philippe Martin.

M. Philippe Martin, co-rapporteur. François-Michel Gonnot a apporté la plupart des réponses, que je partage. Nous sommes en effet parvenus à ne pas nous étriper au cours de ces semaines de travail et, même si Fabienne Labrette-Ménager tente de procéder à une sorte de « fracturation » entre François Michel Gonnot et moi-même, nous sommes d’accord sur nombre de points ! (Sourires)

Je me permettrai donc simplement de compléter certains points. Concernant la géothermie, il convient de bien distinguer la géothermie classique de la géothermie profonde. Seule cette dernière peut éventuellement être source de difficultés, comme nous le mentionnons dans le rapport à la page 25. Nous avons interrogé à ce sujet les personnes rencontrées au cours de notre déplacement au Canada, où la géothermie est pratiquée, parfois à proximité des habitations. Soyons honnête, la géothermie est beaucoup mieux acceptée socialement que la fracturation hydraulique en vue de l’exploitation d’hydrocarbures.

M. Bertrand Pancher. Mais cela revient au même !

M. Philippe Martin, co-rapporteur. Il existe une autre différence. En effet, dans le cas des hydrocarbures, la fracturation hydraulique vise à créer des failles alors que, dans le cas de la géothermie, il s’agit plutôt d’essayer d’élargir des failles naturelles existantes.

Comme l’a souligné Michel Havard, ce dossier a été mal engagé depuis le début. Nous l’avons tous constaté et nous avons trouvé surprenant de voir un parlementaire déposer une proposition de loi visant à interdire ce qu’il a autorisé en tant que ministre. Comme Jean-Louis Borloo nous l’a expliqué avec beaucoup de franchise à l’occasion de son audition, les services administratifs en charge de l’instruction des dossiers n’ont pas cru nécessaire de porter à sa connaissance l’existence de ces demandes. D’ailleurs, la note qui lui a été adressée sur le sujet, le 26 mars 2010, intervient trois semaines après la signature des permis. Aux yeux des fonctionnaires en charge du dossier, la procédure, habituelle, était totalement conforme à la réglementation.

Ceci explique ma position en faveur d’une abrogation des permis, telle qu’exprimée dans ma conclusion. D’abord, j’ai en mémoire la réponse du Premier Ministre à une question de notre collègue Christian Jacob, le 13 avril dernier : François Fillon a évoqué lui-même une annulation des permis. Mais au-delà, je suis convaincu que si Jean-Louis Borloo, alors ministre, avait eu connaissance de l’impact environnemental de la fracturation hydraulique avant la signature des permis, ces derniers n’auraient pas été accordés. Dès lors, il semble logique de procéder à leur abrogation.

Par ailleurs, je tiens à le dire, si nous n’avons pas eu accès aux dossiers de demande de permis, nous savons qu’il est fait mention de la technique de fracturation hydraulique. Le délai de deux mois prévu par la proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée me semble en ce sens peu utile dans la mesure où l’administration doit avoir une connaissance précise des techniques employées par les industriels.

De plus, les organismes publics de recherche ne disposent pas d’assez de moyens financiers et humains. Nous avons été effrayés de découvrir les ressources dont dispose le BRGM en comparaison des structures similaires aux États-Unis. On ne peut que regretter la dépendance de la France à l’égard d’organismes américains pour la connaissance de son propre sous-sol.

Enfin, au sujet de la recherche, François-Michel Gonnot a fait part de mon opposition à la mise en œuvre immédiate d’un programme de recherche. En revanche, si la France décidait de développer cette activité, il faudrait alors mettre en place des expérimentations sous contrôle public. Mais il me semble plus pertinent de mener une réflexion globale sur notre bouquet énergétique. La France ne doit pas se prononcer en faveur de la poursuite de ces activités. Une telle position serait contraire à nos propres engagements nationaux – je pense à la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE) – mais également à nos engagements européens quant à la réduction de 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre et internationaux, qu’il s’agisse du Protocole de Kyoto ou de la volonté manifestée par le Président de la République lors du Sommet de Copenhague de stabiliser le réchauffement climatique. Comme le soulignait Philippe Plisson, le ministre en charge de l’énergie, M. Éric Besson, a rappelé lors de son audition devant la commission du développement durable que l’un des objectifs était la réduction de la dépendance de la France aux énergies fossiles. Les hydrocarbures de roche mère entrent dans cette catégorie.

M. Stéphane Demilly, vice-président. Avant de nous prononcer sur l’autorisation de publication du rapport, M. Gonnot souhaite apporter un complément.

M. François-Michel Gonnot, co-rapporteur. Vous l’aurez compris, Philippe Martin a quelque peu développé la conclusion qu’il présente dans le rapport… Comme j’aime lui rappeler souvent, « en politique c’est comme en amour, il ne faut jamais dire : jamais ; il ne faut jamais dire : toujours ! ».

M. Philippe Martin, co-rapporteur. Mais ce qui compte, ce sont les preuves d’amour !

Interrogée sur la publication du rapport d’information, la commission l’autorise à l’unanimité.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

INDUSTRIELS

HESS OIL FRANCE

– M. Mark Katrosh, président d'Hess Oil France

– M. David Marshall, directeur des forages

– M. Abdelhak Laajel, responsable hygiène sécurité et environnement

– M. Mathieu Slama, conseiller en communication

– Mme Stéphane Hari, géologue

TOTAL

– M. Bruno Courme, directeur-général de Total Gas Shale Europe

– M. Jean-François Pagès, directeur technique de Total Gas Shale Europe

– M. François Tribot Laspière, adjoint au directeur des affaires publiques de Total France

SOCIÉTÉ VERMILION

– M. Peter Sider, vice-président

– M. Jean-Pascal Simard, directeur financier

– Mme Pantxika Etcheverry, ingénieur d’études

– Mme Catherine Fourré-Koulourath, directrice conseil

TOREADOR ÉNERGIE FRANCE

– M. Marc Senges, président

– M. Julien Balkany, vice-président

– M. Emmanuel Mousset, directeur opérationnel de Toréador Energie France

GAZONOR

– M. Julien Moulin, président de Gazonor SAS et président d’European Gas Limited

– M. Nicolas Ricquart, directeur de Gazonor

GDF-SUEZ

– M. Jean-François Cirelli, vice-président de GDF SUEZ et directeur général délégué de GDF SUEZ 

– M. Didier Holleaux, directeur-adjoint en charge des activités industrielles, branche exploration-production

– Mme Valérie Alain, directeur des relations institutionnelles

SCHUEPBACH ENERGY

– M. Martin Schuepbach, président

– Me Marc Fornacciari, avocat

SHELL FRANCE

– M. Patrick Roméo, président

– M. Tim Tjan, directeur exploration

– M. Jacopo Spinnler, géoscientifique

GROUPE SCHLUMBERGER

– M. Pascal Panetta, président des sociétés françaises de Schlumberger

– M. Kamel Bennaceur, chef-économiste

HALLIBURTON

– M. Rémy Caulier, vice-président Europe et directeur France

– M. Mike Watts, directeur des affaires publiques

– M. Stuart Kemp, directeur juridique

– M. Steve Ackerman, business development manager

– Me Boris Martor, avocat

– M. Jean-Philippe Daniel, conseil

VEOLIA

– Mme Martine Vullierme, directeur des risques Véolia Environnement

– M. Didier Bigeonneau, Véolia Eau

– Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante, directeur des relations institutionnelles

POUVOIRS PUBLICS

ASSEMBLÉE NATIONALE

– M. Jean-Louis Borloo, député, ancien ministre chargé de l’environnement

– MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs de la proposition de loi « visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique »

– M. Jean-Claude Flory, député

– M. Pierre Morel-À-L’Huissier, député, accompagné de MM. André Baret, maire de Hures-la-Parade (Lozère), et Laurent Nurit

– M. Pascal Terrasse, député

RAPPORTEURS DE LA MISSION GOUVERNEMENTALE SUR LES ENJEUX ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX DES HYDROCARBURES DE ROCHE-MÈRE (GAZ ET HUILE DE SCHISTE)

– MM Jean-Pierre Leteurtrois et Didier Pillet, Conseil Général de l’Industrie, de l’Énergie et des Technologies (CGIET)

– MM. Jean-Louis Durville et Jean-Claude Gazeau, Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD)

IFP ÉNERGIES NOUVELLES

– M. Olivier Appert, président

AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE

– M. Didier Houssin, directeur des marchés et de la sécurité énergétique

AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L’ALIMENTATION, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL (ANSES)

– M. Gérard Lasfargues directeur général adjoint scientifique

– Mme Alima Marie

– M. Jean-Nicolas Ormsby

DIRECTION GÉNÉRALE DE L'ÉNERGIE ET DU CLIMAT (DGEC)

– M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l'Énergie

– M. Philippe Geiger, sous-directeur de la sécurité d'approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques

– Mme Carole Mercier, chef de bureau exploration – production

DIRECTION DE LA LÉGISLATION FISCALE (DLF)

– M. Philippe-Emmanuel de Beer, sous-directeur en charge de
la fiscalité des entreprises

CENTRE D’ANALYSE STRATÉGIQUE (CAS) – DÉPARTEMENT DU DÉVELOPPEMENT DURABLE (DDD) :

– M. Étienne Beeker, chargé de mission Énergie

– M. Dominique Auverlot, chef du département développement durable du CAS

MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE

– M. Frank Supplisson, directeur de cabinet de M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, chargé de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique

– M. Lionel Corre, conseiller du pôle énergie

MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT

– M. Jean-Marie Durand, directeur adjoint de cabinet de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

BUREAU DE RECHERCHES GÉOLOGIQUES ET MINIÈRES

– M. Jean-François Rocchi, président

– M. Didier Bonijoly, chef de service géologie

– M. Olivier Bouc, ingénieur au service des risques

ASSOCIATION DES RÉGIONS DE FRANCE (ARF)

– M. Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes

CHERCHEURS

UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

– M. Michel Séranne, chargé de mission au CNRS, géologue et membre du laboratoire Géosciences Montpellier

– Mme Françoise Elbaz-Poulichet, directrice de recherche au CNRS, hydrologue et membre du laboratoire Hydrosciences Montpellier

ORGANISATIONS SYNDICALES

ASSOCIATION FRANÇAISE DU GAZ

– M. Hervé Malherbe, président

– M. Long Lu, délégué général adjoint

GROUPE DES ENTREPRISES PARAPÉTROLIÈRES ET PARAGAZIÈRES

– Pr. Jean Ropers, président

UNION FRANÇAISE DES INDUSTRIES PÉTROLIÈRES

– M. Bruno Ageorges, secrétaire général de la chambre syndicale d’exploration/production

– M. Olivier Gantois, délégué général

– M. Christian Chavane, directeur des relations institutionnelles

ASSOCIATIONS

DE L’EAU DANS LE GAZ

– M. Éric Delhaye

FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT 

– Mme Maryse Arditi, pilote de la mission énergie

– Mme Adeline Mathien, chargée de mission énergie

– Mme Morgane Piederrière, chargée du suivi législatif et des relations institutionnelles

– M. Olivier Gourbinot, juriste

UFC-QUE CHOISIR ?

– M. Grégory Caret, directeur des études

COORDINATION NATIONALE DES COLLECTIFS CONTRE LA PROSPECTION ET L'EXPLOITATION DU GAZ ET DE L'HUILE DE SCHISTE

– M. Pierre Doerler

– M. Aymeric de Valon

– Mme Éva Marion

– Mme Claire Chanut

OBSERVATEURS EXTÉRIEURS

– M. Bruno Weymuller, consultant

– M. Fabrice Nicolino, journaliste

– Mme Marine Jobert, journaliste

JURISTES

– Me David Desforges, avocat

– Me Rémi Benoît, avocat

– Pr. Philippe Billet, professeur agrégé de droit public (Université Jean Moulin, Lyon 3), président de la société française pour le droit de l’environnement

DÉPLACEMENT À HANOVRE (BASSE-SAXE, ALLEMAGNE)

9 mai 2011

LANDESAMT FÜR BERGBAU, ENERGIE UND GEOLOGIE (LBEG) (Autorité minière du Land de Basse-Saxe)

– M. Klaus Söntgerath, directeur de la surveillance des installations et économie de l’énergie

– Dr. Johannes Müller, bureau de l’énergie et de la géologie

BUNDESANSTALT FÜR GEOWISSENSCHAFTEN UND ROHSTOFFE (BGR) (Office fédéral des matières premières)

– Dr. Harald Andruleit, directeur adjoint en charge des aspects économiques de la géologie des matières premières énergétiques

EXXONMOBIL GAS MARKETING DEUTSCHLAND GmbH

– M. Norbert Stahlhut, porte-parole du groupe

– M. Heinrich Hermstapelberg, affaires publiques

– MM. Dieter Sieber et Harald Kassner, division des opérations

– Mme Ritva Westendorf-Lahouse, affaires publiques

BUND (Union allemande pour la défense de l’environnement et la protection de la nature)

– Pr. Ralf Krupp, géologue

DÉPLACEMENT EN AMÉRIQUE DU NORD

15-20 mai 2011

ÉTATS-UNIS

§ WASHINGTON, DC

DEPARTMENT OF ENERGY (ministère de l’énergie)

– M. Michael Schaal, directeur de l’ « Office of Oil & Gas Analysis », Energy Information Agency (EIA)

– M. Aloulou Fawzi, économiste en énergie au sein de l’EIA

ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY (agence de protection de l’environnement)

– Mme Anna Philipps, directrice Europe

– M. Paul Gunning, division du changement climatique

– M. Maurice LeFranc, bureau de l’air

– Mme Bernadette Rappold, division du contentieux

– Mme Chitra Kumar, division de l’eau

– M. Fred Hauchman, bureau de la recherche

COMMISSION ENERGY AND NATURAL RESOURCES DU SÉNAT 

– Mme Allyson Anderson, conseillère énergie et mines

§ HARRISBURG, PENNSYLVANIE

PENNSYLVANIA DEPARTMENT OF ENVIRONMENTAL PROTECTION (ministère de l’environnement de l’État de Pennsylvanie)

– M. John Hines, secrétaire adjoint

– M. Marcus Kohl, adjoint

– M. Scott Perry, directeur du bureau des hydrocarbures

– M. John Quigley, ancien secrétaire du Department of Conservation and Natural Resources (ministère du patrimoine et des ressources naturelles de l’État de Pennsylvanie)

§ PITTSBURGH, PENNSYLVANIE

HALLIBURTON

– M. Brian White, responsable des ventes

– M. Perry Harris, responsable des opérations nord-est

– M. Markas Jackson, responsable de la production nord-est

QUÉBEC, CANADA

§ QUÉBEC

POUVOIRS PUBLICS

– M. Pierre Arcand, ministre du développement durable, de l’environnement et des parcs du Québec

– Me Pierre Renaud, président du bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE)

– M. Jean Cinq-Mars, vérificateur général adjoint, commissaire au développement durable

ASSOCIATION PÉTROLIÈRE ET GAZIÈRE DU QUÉBEC (APGQ)

– M. Stéphane Gosselin, directeur

– M. Frédéric Badina, ingénieur géologue, Réservoir Intragaz Canada

– M. David Vincent, directeur du développement, GASTEM

ASSOCIATION QUÉBÉCOISE DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION ATMOSPHÈRIQUE (AQLPA)

– M. André Bélisle, président

§ MONTRÉAL

UNION DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC (UMQ)

– M. Michel Gilbert, maire de Mont-Saint-Hilaire

– Mme Peggy Bachman, directrice générale

– Mme Marieke Cloutier, responsable des dossiers environnementaux

– M. Jean-Philippe Boucher, responsable des dossiers économiques

MORATOIRE D'UNE GÉNÉRATION

– MM. Martin Poirier et Sébastien Rioux, porte-parole

A N N E X E S

– Annexe 1 : Exemple de composition d’un fluide de fracturation

– Annexe 2 : Note de la commission de protection Pétrole et Gaz de l’État du Colorado

– Annexe 3 : Exemple d’un arrêté accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux

ANNEXE 1

EXEMPLE DE COMPOSITION D’UN FLUIDE DE FRACTURATION

Types d’additifs

Principaux composés chimiques

Pourcentage en volume de la composition

1 Eau

 

90

2 Agents de soutènement

Silice cristalline, billes de céramique

9,51

3 Acides forts, dissolvant les métaux

Acide chlorhydrique

0,123

4 Agents réducteurs de friction

Polyacrylamide, huiles minérales

0,088

5 Surfactants (agents diminuant la tension

superficielle)

2-Butoxyéthanol,Isopropanol,

Octylphénol éthoxylé

0,085

6 Stabilisants de l’argile

Chlorure de potassium

Chlorure de tétraméthylammonium

0,06

7 Agents gélifiants

Bentonite , Gomme Guar,

Hydroxyéthylcellulose

0,056

8 Inhibiteurs des dépôts dans les canalisations

Ethylène-glycol, Propylène-glycol

0,043

9 Agents de contrôle du pH

Carbonate de sodium,

Carbonate de potassium,

Chlorure d’ammonium

0,011

10 Agents de tenue des gels

Hémicellulase, Persulfate d’ammonium,

Quebracho

0,01

11 Agents de maintien de la fluidité en cas d’augmentation de la température

Perborate de sodium, Borates,

Anhydride acétique

0,007

12 Agents de contrôle du taux de fer

Acide citrique, EDTA

0,004

13 Inhibiteurs de corrosion

Dérivés de la Quinoléine,

Diméthylformamide (DMF),

Alcool propargylique

0,002

14 Biocides (antiseptiques)

Dibromoacétonitrite, Glutaraldéhyde,

DBNPA

0,001

(Source: Ground water protection and all consulting 2009)

http://www.netl.doe.gov/technologies/oil-gas/publications

ANNEXE 2

ANNEXE 3

EXEMPLE D’UN ARRÊTÉ ACCORDANT UN PERMIS EXCLUSIF DE RECHERCHES
DE MINES D’HYDROCARBURES LIQUIDES OU GAZEUX

1 () L'objectif principal est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de moitié d'ici 2050 à l'échelle planétaire. Ceci signifie, pour les pays industrialisés, une division par quatre de leurs rejets.

2 () Voir le rapport n° 2638 déposé le 18 juin 2010 par la mission d’information sur les marchés de quotas de gaz à effet de serre (Philippe Martin président, François-Michel Gonnot rapporteur).

3 () Le protocole de Kyōto est un traité international visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) dont les pays participants se rencontrent une fois par an depuis 1995. Signé le 11 décembre 1997 lors de la troisième conférence annuelle des parties à la Convention (COP 3), il est entré en vigueur le 16 février 2005 pour assigner des objectifs chiffrés de contrôle des émissions à chaque pays jugé développé en 1990, année de référence.

4 () Il semble désormais que trois des six réacteurs de la centrale aient subi une fusion partielle de cœur, entraînant des rejets radioactifs massifs.

5 () Le débat sur l’opportunité d’une sortie du nucléaire, particulièrement vif outre-Rhin, est considéré comme l’une des principales raisons de la victoire des Verts dans l’élection régionale du Land de Bade-Wurtemberg le 27 mars 2011. Constatant un consensus national, le gouvernement allemand a annoncé la sortie de l’atome à l’horizon 2022. L’Italie semble également devoir renoncer à relancer son programme nucléaire.

6 () Le gouvernement suisse a recommandé mercredi 25 mai au Parlement de ne pas remplacer les centrales nucléaires au terme de leur durée d'exploitation. Le pays sortirait par conséquent progressivement du nucléaire d'ici à 2034.

7 () Le peuple italien se prononcera par référendum les 12 et 13 juin sur une relance de son programme nucléaire.

8 () Le Premier ministre a annoncé lors de la séance de questions au Gouvernement de l’Assemblée nationale du mercredi 13 avril la prolongation de cette mission « afin que la recherche scientifique soit conduite jusqu’à son terme ». La date de remise du rapport final CGIET/CGEDD reste par conséquent inconnue.

9 () Chambre des Communes, Energy and Climate Change Committee, rapport du 23 mai 2011.

10 () Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, Développement durable de l’industrie des gaz de schiste au Québec, rapport n° 273, février 2011.

11 () Il y eut ainsi la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault visant à interdire l'exploration et l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels et à abroger les permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, et tendant à assurer la transparence dans la délivrance des permis de recherches et des concessions (n°3283), déposée le 30 mars 2011 ; puis la proposition de loi de M. Christian Jacob visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (n°3301), déposée le 31 mars 2011 ; enfin la proposition de loi de M. Jean-Louis Borloo visant à interdire la recherche et l'exploitation immédiates d'hydrocarbures non conventionnels, et l'encadrement strict de celles-ci (n°3283), déposée le 13 avril 2011.

12 () Il s’agit de la proposition de loi de Mme Nicole Bricq visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schiste (n°377), déposée le 24 mars 2011, et de la proposition de loi de M. Michel Houel visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (n°417), déposée le 7 avril 2011.

13 () Projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, n° 3338, déposé le 13 avril 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale.

14 () Vos rapporteurs regrettent cependant que MM. Albert Frère et Paul Desmarest, conviés à s’exprimer devant la mission d’information sur les intentions qui leur sont parfois prêtées, aient choisi de décliner l’invitation.

15 () Cette partie fait appel aux contributions des différentes personnes et institutions auditionnées au cours de la mission d’information, aux différents rapports et articles communiqués par la liste de diffusion de l’Université Paris Diderot Paris 7, et au site planet-terre hébergé par l’Ecole normale supérieure de Lyon.

16 () http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-gaz-schiste.xml#gaz-conventionnel

17 () Ces entreprises spécialisées sont les prestataires des sociétés pétrolières, pour le compte desquelles elles mènent à bien les fracturations des puits. Vos rapporteurs ont rencontré les représentants de deux champions internationaux, les groupes Halliburton et Schlumberger.

18 () P. 5.

19 () Consortium regroupant notamment Total, GDF Suez, IFP-Énergies nouvelles, Vermilion REP, Schlumberger, Exxon Mobil, Repsol, Statoil…

20 () Le gaz est toutefois moins performant que la meilleure énergie qui soit du point de vue environnemental, c'est-à-dire l’énergie qui n’est pas consommée. Les économies et la réduction de l’intensité énergétique demeurent l’option la plus efficace pour respecter les engagements de la France en faveur du climat.

21 () « L’Inventaire minier du territoire national, réalisé par le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM…) de 1975 à 1991, n’a pas été l’occasion d’identifier les ressources non conventionnelles présentes sur le territoire national » écrivent dans leur rapport sur la proposition de loi n° 3392 actuellement discutée au Sénat les rapporteurs Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet.

22 () Gasland de Josh Fox, États-Unis, 2011.

23 () Canal + a programmé Gasland le 4 avril 2011, soit deux jours avant la sortie en salles.

24 () L’Energy Policy Act de 2005 a exclu l’application du Safe Drinnking Water Act pour les fracturations hydrauliques, sauf en cas d’utilisation de diesel.

25 () The Crude Oil Windfall Profits Tax Act, Section 29. 1980. Le crédit d’impôt octroyé s’élevait à 0,5 dollar pour 1 000 pieds cube jusqu’en 1992 pour tous les gaz non conventionnels définis par la très faible perméabilité de leur réservoir.

26 () Vos rapporteurs ont notamment consulté avec intérêt des dossiers documentaires sur les territoires d’Ardèche et de Lozère remis par les parlementaires élus qui avaient sollicité une audition.

27 () La préservation des terres arables constitue un objectif de la politique nationale approuvé par la commission du développement durable (avis n° 2581 de Christian Patria sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, déposé le 9 juin 2010).

28 () L’étude est mentionnée dans le rapport du BAPE, p. 183.

29 () http://fracfocus.org/

30 () On notera avec intérêt que la commission de l’énergie et du changement climatique de la Chambre des Communes recommande également que la composition des fluides de fracturation soit connue. Vos rapporteurs ont constaté que l’autorité de Basse-Saxe dispose des listes mais pas du droit de les publier.

31 () Vermilion a par exemple indiqué être autorisé, par arrêté préfectoral, à prélever jusqu’à 2000 m3 quotidiens sur un cours d’eau passant près d’une de leurs installations.

32 () Mouvement de l'eau traversant lentement un terrain perméable.

33 () La note produite par les services du Colorado figure en annexe.

34 () Il suffit de se rendre dans le marais poitevin pour observer des eaux saturées de gaz sans implication de l’industrie. Il est même possible, en remuant la vase et en approchant une allumette, d’enflammer l’eau.

35 () P. 26.

36 () Methane contamination of drinking water accompanying gas-well drilling and hydraulic fracturing, Stephen G. Osborn, Avner Vengosb, Nathaniel R. Warner and Robert B. Jackson, Duke University, Durham, NC, Proceedings of the National Academy of Sciences, 9 mai 2011.

37 () André Picot, L’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schiste ou hydrocarbures de roche-mère par fracturation hydraulique, association toxicologie chimie, 3 mai 2011.

38 () Robert W. Howarth, Renée Santoro et Anthony Ingraffea, Methane and the greenhouse-gas footprint of natural gas from shale formations, Climatic Change Letters, Université Cornell de New York.

39 ()  « Quatre-vingt-cinq dossiers sont en cours d’instruction, dont quarante-cinq impliquent le cas échéant de recourir à une technique non conventionnelle ou à l’exploitation de gaz non conventionnels, et nous reviendrons sur cette distinction. » (Mme Nathalie Kosciusko-Morizet à l’Assemblée nationale, deuxième séance du mardi 10 mai 2011)

40 () Cette rigueur découle notamment de la loi n° 99-245 du 30 mars 1999 réformant le code minier, dite « loi après-mine ».

41 () C’est l’article L. 132-12 du code minier qui fonde cette liberté. Il dispose que « l'institution de la concession entraîne l'annulation du permis exclusif de recherches pour les substances mentionnées et à l'intérieur du périmètre institué par cette concession, mais le laisse subsister à l'extérieur de ce périmètre. Toutefois, le droit exclusif du titulaire d'effectuer tous travaux de recherches à l'intérieur du périmètre de cette concession est maintenu. »

42 () C’est ce qui ressort de l’article 3 du décret n°2006-649 du 2 juin 2006 modifié relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains.

43 () Dans le système français, le Vérificateur général du Québec serait l’équivalent de la Cour des comptes. Son adjoint est spécialisé sur les thématiques du développement durable.

44 () La répartition de la part communale s’opère comme suit : 35 % au conseil général du département du lieu d’extraction qui les répartit entre les communes qu’il désigne, 17,5 % aux communes où se situent les installations d’extraction ; 20 % aux communes où se situent les puits producteurs, 27,5 % à un fonds commun national qui les répartit aux communes où résident des agents occupés à l’exploitation des mines et aux industries qui lui sont liées.


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