N° 3615 - Rapport d'information de MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par l'article 1er de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite "loi Tepa"



N° 3615

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 juin 2011.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom du comité d’évaluation et de contrôle
des politiques publiques sur

l’évaluation des dispositifs de promotion
des
heures supplémentaires prévus par l’article premier
de
la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur
du
travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi « Tepa »

par MM. Jean-Pierre GORGES et Jean MALLOT,

Députés.

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INTRODUCTION 11

SYNTHÈSE DU RAPPORT 16

PREMIÈRE PARTIE : INCITER À LA RÉALISATION DHEURES SUPPLÉMENTAIRES ET COMPLÉMENTAIRES : UN DISPOSITIF INNOVANT ET COMPLEXE, RAPIDEMENT ÉLABORÉ, ADOPTÉ ET MIS EN APPLICATION 19

I. UN DISPOSITIF COMPLEXE À FORTE DIMENSION POLITIQUE 19

A. LE CONTEXTE DE LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE ET DES PREMIERS MOIS DU QUINQUENNAT : LE SOUHAIT AFFICHÉ DE LA RÉHABILITATION DE LA « VALEUR TRAVAIL » 19

1.– La « loi Tepa », un prolongement de deux thèmes centraux au cœur de la campagne de l’élection présidentielle de 2007 20

a) Deux thèmes importants des débats de la campagne présidentielle : la « valeur travail » et le pouvoir dachat 20

b) Naissance de la formule « Travailler plus pour gagner plus » 20

2.– La loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat dite loi Tepa : un texte emblématique 21

a) Le projet de loi Tepa est lun des premiers projets discutés par le Parlement 21

b) Un texte législatif éminemment politique, à limpact psychologique certain mais difficilement mesurable 22

c) Lélaboration de la mesure 22

B. LES OBJECTIFS : METTRE EN APPLICATION LE SLOGAN DE LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE « TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS » 23

1.– Les objectifs mentionnés lors des débats parlementaires 24

a) La présentation de la mesure dans le cadre du projet de loi 24

b) Les débats parlementaires 25

2.– Le cercle vertueux recherché : plus d’heures travaillées, plus de revenus, plus d’emplois, plus de croissance 26

C. UN DISPOSITIF COMPLEXE REPOSANT SUR CINQ PILIERS 27

1.– Un dispositif incitatif aux volets social et fiscal et reposant sur cinq piliers 27

a) Présentation générale 27

b) La législation applicable aux heures supplémentaires en 2007 et ses évolutions ultérieures 29

2.– Le dispositif fiscal fixe les grands principes de l’allègement des prélèvements portant sur les rémunérations versées au titre des heures complémentaires et supplémentaires 29

a) Le volet fiscal est au cœur du dispositif car il détermine lassiette des allègements 29

b) Les rémunérations concernées et les modalités de lexonération 30

c) Les obligations relatives à lapplication de lexonération de limpôt sur le revenu 32

d) La réintégration des rémunérations exonérées au revenu fiscal de référence 33

3.– Un dispositif d’application très large de réduction de cotisations salariales et d’allègements des cotisations dues par les employeurs 34

a) La réduction de cotisations sociales salariales créée par larticle L. 241-17 nouveau du code de la sécurité sociale 35

b) La déduction de cotisation de sécurité sociale due par lemployeur prévue par larticle L. 241-8 nouveau du code de la sécurité sociale présente un caractère forfaitaire et elle est majorée pour les entreprises employant au plus 20 salariés 38

c) La modification du calcul de lallègement général sur les bas salaire (dit « allègement Fillon ») 42

4.– La promotion de la réalisation d’heures complémentaires et supplémentaires, une mesure inédite et innovante 43

a) Une mesure inédite en France 43

b) Une mesure innovante en raison de sa cible – les heures supplémentaires – et de lun de ses volets – la réduction de cotisations salariales 44

II. PEU DÉTUDES PRÉALABLES COMMUNIQUÉES AU PARLEMENT MAIS UNE MISE EN APPLICATION EXPRESS 45

A. L’ABSENCE D’ÉTUDE D’IMPACT OU DE DOCUMENTS SIMILAIRES COMMUNIQUÉS AU PARLEMENT 45

1.– En 2007, aucune disposition n’obligeait le gouvernement à joindre aux projets de loi une étude d’impact 45

2.– L’insuffisante information du Parlement 46

a) Peu dinformations ont été données aux parlementaires 46

b) La difficulté de la réalisation dune étude dimpact en 2007 46

c) Un rapport de membres du Conseil danalyse économique (CAE) était très réservé quant à lefficacité économique du dispositif 47

3.– La mesure n’est pas le fruit du dialogue social 48

B. LA PUBLICATION RAPIDE DES TEXTES D’APPLICATION A PERMIS UNE ENTRÉE EN VIGUEUR TRÈS RAPIDE DU DISPOSITIF 48

1.– La publication rapide des textes réglementaires d’application 49

2.– La mobilisation des acteurs publics et privés pour s’ajuster au nouveau dispositif normatif 49

III. LE SUIVI PARLEMENTAIRE DUNE DÉPENSE DE PLUS DE 4,5 MILLIARDS DEUROS 50

A. UN RAPPORT AU PARLEMENT EN JANVIER 2009 FACTUEL ET NÉCESSAIREMENT PEU PROLIXE QUANT AUX MODALITÉS DU VOLET « TRAVAILLER PLUS » 50

1.– Le rapport remis au Parlement en janvier 2009 50

2.– Des échanges de courriers entre le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et la ministre 51

B. L’ÉVALUATION PARLEMENTAIRE DE L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF ÉTAIT À CONSTRUIRE 52

1.– Des indications chiffrées mais parcellaires 52

2.– L’évaluation approfondie du dispositif, tant parlementaire que gouvernementale, restait à réaliser 53

a) Les travaux parlementaires 53

b) Les travaux de la Cour des comptes 54

c) La révision des dépenses fiscales menée par le Gouvernement inclut larticle premier de la loi Tepa 55

DEUXIÈME PARTIE : LE MÉCANISME NA PAS PRODUIT UNE AUGMENTATION MESURABLE SIGNIFICATIVE DU NOMBRE TOTAL DHEURES TRAVAILLÉES 56

I. UNE MESURE MARQUÉE PAR LE CONTEXTE DE LANNÉE 2007 ET QUI A CONNU UNE APPLICATION MASSIVE 56

A. « TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS » : UNE MESURE MARQUÉE PAR LE CONTEXTE PARTICULIER DE L’ANNÉE 2007 ET QUI VISE À CHANGER LES COMPORTEMENTS DES SALARIÉS ET DES EMPLOYEURS 56

1.– La conjoncture économique au premier semestre 2007 56

2.– Une mesure, cinq cibles : volume d’heures supplémentaires, revenus des salariés, temps de travail des salariés, croissance et niveau de l’emploi 57

3.– Changer les comportements des employeurs et des salariés 57

B. UN DISPOSITIF D’APPLICATION MASSIVE : PLUS DE NEUF MILLIONS DE BÉNÉFICIAIRES, SOIT PLUS D’UN ACTIF SUR TROIS 58

1.– Les données fournies par l’administration fiscale 58

2.– Une application massive dans le secteur privé 59

3.– Dans les fonctions publiques, la mesure a facilité les restructurations en contribuant aux gains de rémunération 60

a) Des conditions dapplication et un contexte particuliers 60

b) Dans la fonction publique de lÉtat, une mesure qui a surtout bénéficié aux enseignants et aux agents relevant des catégories B et C 61

c) Dans la fonction publique hospitalière 63

d) Dans la fonction publique territoriale 64

II. LEFFICACITÉ DU VOLET DE LA MESURE INCITANT AU « TRAVAILLER PLUS » NA PAS ÉTÉ CONSTATÉE 65

A. L’ÉVALUATION DOIT RECHERCHER LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES RÉELLEMENT « SUPPLÉMENTAIRES » ET MESURER L’ÉVENTUELLE AUGMENTATION DU TEMPS DE TRAVAIL GLOBAL 65

1.– L’évaluation est rendue difficile par l’absence de point de référence en matière de nombre d’heures supplémentaires 65

a) Labsence de « point zéro » de la comptabilisation des heures supplémentaires 65

b) Lampleur de la crise à partir de 2008 67

2.– À la recherche des heures supplémentaires « supplémentaires » 67

a) Lheure supplémentaire, une « zone grise » du droit du travail ? 67

b) Rechercher le volume dheures supplémentaires « supplémentaires » suscitées par le dispositif 68

3.– L’effet de la mesure sur le coût du travail est ambigu 69

a) Des effets incitatifs sur lemployeur et le salarié nécessairement contrastés 69

b) Lévolution du coût de lheure supplémentaire suscitée par la loi est fonction de la rémunération des salariés et de la taille de lentreprise 69

B. LE VOLET RELATIF AU « TRAVAILLER PLUS » N’EST PAS DOCUMENTÉ 71

1.– Les risques d’effet d’aubaine et d’optimisation ne sont pas négligeables 71

2.– Le « travailler plus » n’est pas retrouvé dans des proportions substantielles 73

a) Le nombre total dheures supplémentaires des salariés du secteur privé a légèrement diminué entre 2007 et 2010 74

b) Un phénomène de « révélation » dheures supplémentaires déjà effectuées par les salariés 75

c) La comparaison des effets de la réforme avec un « groupe de contrôle » non affecté par la mesure 82

d) La « cristallisation » de la durée du travail à 35 heures, un effet paradoxal de la réforme 83

3.– Le nombre d’heures supplémentaires reste déterminé par les variations de l’activité 83

4.– Le dispositif, un instrument supplémentaire mis à la disposition des entreprises pour ajuster les moyens de production à l’activité, a pu peser sur la création d’emplois 84

a) Un instrument de gestion des moyens de production 84

b) Un effet ambigu sur lemploi 85

c) Heures supplémentaires et crise de 2008-2009 86

TROISIÈME PARTIE : LEFFET FAVORABLE SE RÉDUIT AU VOLET « GAGNER PLUS », PLUTÔT BÉNÉFIQUE EN PÉRIODE DE RÉCESSION, MAIS COÛTEUX POUR LES FINANCES DE LÉTAT 88

I. LASPECT « GAGNER PLUS » EST AVÉRÉ MAIS NE BÉNÉFICIE PAS À TOUS LES SALARIÉS 88

A. LES BÉNÉFICIAIRES DE LA DÉPENSE FISCALE 89

1.– La distribution par déciles des revenus des foyers concernés par le dispositif 89

2.– L’absence de plafonnement de l’avantage fiscal peut être problématique 91

B. LE DISPOSITIF EST ESSENTIELLEMENT UNE MESURE DE DISTRIBUTION DE REVENUS 91

1.– L’évaluation du gain de revenus nets dépend du nombre d’heures supplémentaires effectuées et imputables à la loi Tepa 91

2.– Un gain annuel moyen d’environ 500 euros 92

3.– Un gain marginal correspondant à environ 0,3 % du revenu disponible des ménages 96

C. L’APPLICATION DU DISPOSITIF A ÉTÉ DIFFÉRENCIÉE ET A CRÉÉ DES INÉGALITÉS 96

1.– L’application du dispositif a été différenciée suivant les secteurs, les entreprises et les salariés 96

a) La mesure, malgré son caractère large, na pas bénéficié à tous les actifs et peut emporter des effets contre-redistributifs 97

b) Une application différenciée suivant les secteurs et les régions 97

c) Une application fonction de la taille de lentreprise 99

d) Des conséquences différentes suivant les caractéristiques des salariés 100

2.– Un impact sur les négociations salariales encore difficilement évaluable 101

II. DES COÛTS ÉLEVÉS POUR LÉTAT 102

A. LES COÛTS ASSOCIÉS À LA MESURE DÉPASSENT 4,5 MILLIARDS D’EUROS PAR AN 102

1.– La mesure de réduction des ressources des régimes de sécurité sociale est compensée 102

a) Le principe dune compensation 102

b) Lapplication du principe 103

2.– La mesure représente des coûts importants pour l’État 104

a) Lestimation des coûts annuels pour lÉtat du dispositif : au moins 4,5 milliards deuros 104

b) Depuis 2007, les finances publiques sont placées sous de fortes contraintes aggravées par lampleur de la crise de 2008 - 2009 109

B. LES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE LA MESURE 109

1.– Le financement nécessaire de la mesure à moyen terme en réduit l’efficacité globale 109

2.– La mesure a eu un effet marginal sur le produit intérieur brut et sur l’emploi 111

a) Le rapport au Parlement estimait que l’augmentation de 3 % des revenus salariaux induits par le dispositif conduisait à une augmentation du PIB de 0,15 % 115

b) Un effet contracyclique certain mais nécessairement limité 115

c) Un effet sur l’emploi difficile à mesurer 116

QUATRIÈME PARTIE : LE BILAN CONDUIT À RECOMMANDER DAMÉLIORER LES CONDITIONS DE CONCEPTION DES POLITIQUES PUBLIQUES ET À PROPOSER DES MODIFICATIONS DU DISPOSITIF 113

I. LA NÉCESSITÉ DES ÉTUDES DIMPACT PRÉALABLES ET DE LADAPTABILITÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES 113

A. DE LA NÉCESSITÉ DE LA RÉALISATION DES ÉTUDES D’IMPACT ET DE LEUR TRANSMISSION AU PARLEMENT 113

1.– L’absence de réponse du Gouvernement ne permet pas de conclure à l’existence d’une étude d’impact ex ante 113

2.– Comment renforcer l’expertise économique du Parlement ? 114

B. ADAPTER RAPIDEMENT LES POLITIQUES PUBLIQUES AUX CHANGEMENTS OBSERVÉS 115

1.– Stabilité de la norme législative et nécessaire adaptabilité 115

2.– Procéder régulièrement à une revue des dispositifs d’exonération fiscale et sociale 115

II. COMMENT AMENDER LE DISPOSITIF ? 116

A. LES RÉSULTATS DE L’ÉVALUATION SOULIGNENT LA DIFFICULTÉ À SUPPRIMER UNE MESURE DE REVENUS 116

1.– Les salariés et les entreprises se sont approprié la mesure 116

2.– Un contexte défavorable à une suppression brutale 116

3.– Des modifications pourtant nécessaires 117

B. LA SUPPRESSION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES PATRONALES ET LA MODIFICATION DU CALCUL DE L’ALLÈGEMENT GÉNÉRAL SUR LES BAS SALAIRES (FILLON) 118

1.– La subvention du coût de l’heure supplémentaire s’est révélée peu efficiente 118

a) La subvention de la « dernière » heure du travail du salarié se justifie-t-elle encore aujourdhui ? 118

b) Ne faudrait-il pas privilégier la lutte contre le sous-emploi ? 118

2.– Supprimer la déduction forfaitaire de cotisations sociales employeurs 119

3.– Réintégrer les heures supplémentaires au calcul du montant des allègements généraux sur les bas salaires 120

C. L’EXONÉRATION SALARIALE ET L’EXONÉRATION FISCALE : LES OPTIONS POSSIBLES 120

1.– Le dispositif fiscal 120

a) La suppression complète du dispositif fiscal ? 120

b) Le plafonnement de lavantage fiscal ou du montant de son assiette ? 121

c) Réduire lassiette de lavantage fiscal à la partie majorée de la rémunération de lheure supplémentaire ? 122

2.– L’exonération des cotisations salariales 122

III. UNE RÉFLEXION À ENGAGER SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES RELATIVES AU TEMPS DE TRAVAIL 122

A. LE TEMPS DE TRAVAIL DES SALARIÉS : PRIVILÉGIER UNE LOI-CADRE, UNE NÉGOCIATION PAR BRANCHE ET UNE STABILITÉ DE LA NORME 122

1.– Une mesure de contournement de la législation relative au temps de travail qui a généré ses propres effets indésirables 122

2.– Aborder différemment les politiques relatives aux temps de travail des salariés ? 123

B. RÉFLÉCHIR À LA SUPPRESSION DES AIDES PUBLIQUES SUPPOSÉES ACCOMPAGNER L’APPLICATION DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 124

RÉUNION DU COMITÉ DU 30 JUIN 2011 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION 125

ANNEXE N° 1 : LISTE DES AUDITIONS 135

ANNEXE N° 2 : HEURES SUPPLÉMENTAIRES : ÉTAT DU DROIT EN JUIN 2007  137

ANNEXE N° 3 : COURRIER DES RAPPORTEURS À Mme LE MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE 143

ANNEXE N° 4 :

– COURRIER DE M. LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN À Mme LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI (8 AVRIL 2008) 145

– COURRIER DE Mme LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI, À M. LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN ( 25 AVRIL 2008) 145

ANNEXE N° 5 :

– COURRIER DE M. LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRAL ET DU PLAN À Mme LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI (19 JANVIER 2009) 155

– COURRIER COMMUN DE Mme LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI, ET DE M. LE MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE À M. LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRAL ET DU PLAN (13 MARS 2009) 155

ANNEXE N° 6 : APPLICATION DE L'ARTICLE PREMIER DE LA LOI TEPA : DIFFÉRENTS CAS-TYPES 162

ANNEXE N° 7 : DURÉE ANNUELLE EFFECTIVE DU TRAVAIL DE 2003 À 2009 163

ANNEXE N° 8 : DURÉE HEBDOMADAIRE MOYENNE DU TRAVAIL 1990-2008 165

ANNEXE N° 9 : RÉPONSES AU QUESTIONNAIRE ENVOYÉ À Mme LA DIRECTRICE DE LA LÉGISLATION FISCALE 167

INTRODUCTION

Le présent rapport vise à procéder à l’évaluation de l’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi Tepa », qui tendait à promouvoir la réalisation d’heures supplémentaires grâce à des allègements fiscaux et sociaux au bénéfice des salariés et des employeurs.

Le 12 janvier 2011, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail « l’évaluation des mesures fiscales et sociales en faveur des heures supplémentaires. » Lors de cette réunion du Comité, les rapporteurs, MM. Jean-Pierre Gorges (groupe Union pour un mouvement populaire – UMP, membre de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire) et Jean Mallot (groupe Socialiste, radical, citoyen – SRC, membre de la commission des Affaires sociales et du Comité), ont retracé le processus qui les avait conduits à proposer au CEC de retenir ce thème.

Le sujet relatif à la loi Tepa trouve son origine dans une initiative du groupe SRC. Ce dernier a fait application des dispositions de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale qui prévoit que « chaque groupe peut obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu’un rapport d’évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité […] soit réalisé ». Demandant pour la première fois la mise en œuvre de ce qu’il est convenu d’appeler le « droit de tirage », le groupe SRC a ainsi souhaité que le Comité s’intéresse à l’évaluation des effets sur la cohésion sociale de plusieurs politiques publiques menées depuis 2007. Le thème proposé avait été initialement formulé comme suit : « Politiques publiques et évolution des inégalités sociales ».

Cette rédaction assez large rendait nécessaire une définition plus précise du périmètre du sujet. L’étude de faisabilité prévue par l’article 4 du Règlement intérieur du Comité, menée par les rapporteurs, désignés à cet effet par le CEC le 25 février 2010, a donc porté sur le sujet « Politiques publiques et évolution des inégalités sociales ».

Pendant les travaux relatifs à cette étude de faisabilité, les rapporteurs ont en particulier entendu M. Eric Heyer, directeur adjoint de l’Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE). Cette audition, portant sur les politiques relatives au temps de travail, a notamment concerné l’efficacité et l’impact économique et social d’une disposition centrale de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat : l’exonération de prélèvements fiscaux et les allègements de prélèvements sociaux sur les rémunérations versées au titre des heures complémentaires et supplémentaires effectuées par les salariés.

L’audition a permis de dresser un premier état des nombreuses interrogations entourant ce dispositif : s’il est possible de le mesurer, quel a été l’accroissement net, dû au dispositif, du nombre d’heures supplémentaires travaillées ? Quel a été l’accroissement du nombre total d’heures travaillées ? Y a-t-il eu des effets d’aubaine ? Quel a été l’impact, à court et moyen termes, sur le pouvoir d’achat des salariés concernés ? Quelles ont été les conséquences de la mesure, par secteur, par type de salariés, par branche, par catégorie d’entreprises, et plus généralement, sur la croissance économique ? Les éventuels effets positifs de la mesure justifient-ils les montants des dépenses publiques engagées ?

Les rapporteurs ont estimé que les problématiques soulevées par l’évaluation de cette mesure, en raison de leur intérêt et de leur complexité, exigeaient l’engagement de travaux consacrés exclusivement à cette disposition.

Par la suite, conformément aux dispositions du Règlement qui régissent le fonctionnement du Comité, un groupe de travail a été constitué autour des deux rapporteurs, avec la désignation par la commission des Affaires sociales de M. Jean-Patrick Gille (groupe SRC) et de M. Dominique Tian (groupe UMP).

*

L’article premier de la loi Tepa se prête particulièrement bien à une démarche d’évaluation par une instance parlementaire telle que le CEC. Il s’agit en effet d’une mesure de politique publique au périmètre bien circonscrit. Si son adoption est relativement récente, son application sur une période de près de quatre années permet d’imprimer à l’analyse un recul suffisant. Le dispositif est connu et il est coûteux pour les finances publiques. Ses effets sont en principe mesurables, notamment par l’observation des variations du nombre d’heures supplémentaires, de la durée du travail et des revenus supplémentaires générés par son application.

La mesure présente en outre un caractère politique et emblématique marqué en raison du contexte de son adoption. Cette disposition a en effet été présentée par le Gouvernement et la majorité issus des élections du printemps 2007 comme une mesure importante visant à remédier aux effets jugés négatifs de la réduction du temps de travail.

L’évaluation de l’article premier de la loi Tepa est un sujet transversal, ce qui justifie que le CEC s’en soit saisi. En effet, la mesure, dont l’aspect économique, financier et budgétaire est évident, présente également des dimensions relevant du financement de la sécurité sociale ainsi que du droit du travail, et particulièrement des relations collectives de travail. La problématique de la durée du travail est bien au cœur de la mesure. À titre de rappel, si le projet de loi avait été renvoyé à l’Assemblée nationale pour examen au fond à la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, la commission des Affaires sociales et la commission des Affaires économiques s’en étaient saisies pour avis.

*

Les rapporteurs ont souhaité mener une démarche d’évaluation la plus large et la plus rigoureuse possible.

Deux volets leur ont paru particulièrement intéressants : le premier relatif à l’efficience de la mesure, le second à ses conditions d’élaboration, notamment en ce qui concerne la réalisation d’une éventuelle étude d’impact ex ante.

Les rapporteurs ont d’abord souhaité évaluer l’efficacité de la mesure à l’aune de ses buts initiaux. Très classiquement, la démarche d’évaluation, après avoir rappelé les caractéristiques du dispositif évalué, s’est attachée à identifier les objectifs initiaux de la disposition. Ces objectifs et leur hiérarchisation se sont, en l’espèce, révélés plus complexes que le rappel du célèbre slogan « travailler plus pour gagner plus ».

L’évaluation de l’efficacité de la mesure a posé la question de la nature des indicateurs pertinents, d’abord en ce qui concerne la durée du travail (l’aspect « travailler plus ») : volume d’heures supplémentaires (quelle augmentation nette est imputable au dispositif ?) et variation du nombre total d’heures travaillées (les heures supplémentaires sont-elles « supplémentaires » ?). Il a également été nécessaire d’apprécier, en fonction notamment de la taille de l’entreprise et du niveau des rémunérations, d’une part, l’évolution des revenus nets des salariés (l’aspect « gagner plus ») et, d’autre part, du coût du travail. Les rapporteurs ont également examiné l’impact de la mesure sur d’autres variables : le niveau de l’emploi, le dynamisme de la demande et l’évolution du taux de croissance de l’économie française, à court, moyen et long termes.

Cette efficacité, qu’on pourrait qualifier de « brute », a ensuite été comparée aux moyens mis en œuvre, c’est-à-dire les crédits d’État finançant les mesures d’allègements. L’efficacité, notamment s’agissant de l’impact sur le PIB, est d’ailleurs partiellement fonction du mode de financement de la mesure. En cas de financement par la dette publique, à l’effet positif de court terme de relance de la consommation correspond une augmentation future des prélèvements, source d’appauvrissement. Cette mise en perspective permet d’approcher une estimation de l’efficience de la mesure évaluée.

L’évaluation a aussi visé à identifier les éventuels effets pervers du dispositif et les phénomènes de redistribution de revenus entre agents qu’il est de nature à susciter.

Outre l’appréciation de l’efficience de la mesure, les rapporteurs ont également souhaité éclairer les conditions dans lesquelles la décision publique, et particulièrement le projet de loi, avaient été conçus. Ils ont donc interrogé des représentants de l’appareil gouvernemental sur le processus politico–administratif ayant conduit à la préparation, à l’éventuelle évaluation ex ante du dispositif, à l’adoption et à la mise en œuvre de la mesure.

*

Les rapporteurs ont principalement procédé par auditions. Ils ont ainsi réalisé 23 auditions, dont le périmètre a permis de couvrir la plupart des sujets et d’interroger les parties prenantes (1). Les rapporteurs ont ainsi notamment entendu des responsables d’administration, des économistes indépendants, les représentants des employeurs et des salariés ainsi que des directeurs de ressources humaines. À titre d’exemple, les divers aspects du dispositif ont été étudiés, qu’il s’agisse du pilotage (direction générale du trésor), du coût pour les finances publiques (direction du budget, direction de la sécurité sociale – DSS), de l’impact sur les relations du travail (direction générale du travail – DGT) ou de l’application du dispositif à la fonction publique (direction générale de l’administration publique – DGAFP).

Les rapporteurs ont également procédé par questionnaires écrits. Un questionnaire exhaustif a ainsi été transmis à la Direction de la législation fiscale (DLF) afin d’obtenir des données précises sur l’application du volet fiscal du dispositif. De même, afin notamment d’apprécier le processus de conception de la mesure et les éventuels efforts d’évaluation ex ante menés par l’administration, un courrier a été envoyé le 28 janvier 2011 à la ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, Mme Christine Lagarde, lui demandant communication de la copie des documents ayant été produits et utilisés dans la phase d’élaboration de la mesure. Un courrier a également été envoyé par M. Bernard Accoyer, président du Comité et Président de l’Assemblée nationale, au Premier ministre, M. François Fillon, afin d’attirer son attention sur la présente démarche d’évaluation. Enfin, les rapporteurs ont exprimé, par courrier, à l’issue de leurs travaux, le souhait d’entendre la ministre Mme Christine Lagarde.

La réponse au questionnaire envoyé à la DLF est bien parvenue aux rapporteurs. En revanche, la ministre n’a pas transmis les documents demandés, ce qui est regrettable. L’audition de la ministre n’a pas non plus été possible.

Le degré de coopération des administrations concernées a été variable. Certaines, comme la direction de direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) (2) ou l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) (3), ont répondu avec rapidité et précision aux diverses demandes des rapporteurs.

D’autres ont été moins réactives, retardant parfois considérablement la démarche d’évaluation menée par les parlementaires. Ainsi, il est à souligner qu’aucune réponse n’a été apportée aux sollicitations adressées à la Direction générale de l’organisation des soins (DGOS)(4), ce qui aurait pourtant permis de faire un point exhaustif sur l’application du dispositif aux personnels de la fonction publique hospitalière, particulièrement concernés par le dispositif.

Les rapporteurs imputent ces difficultés aux multiples tâches et sollicitations auxquelles sont confrontées ces administrations mais aussi à l’insuffisante influence de la culture de l’évaluation des politiques publiques, qu’il s’agisse de l’évaluation ex ante ou ex post. Ils formulent donc le souhait que la présente démarche puisse contribuer à la développer au sein de l’administration.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

L’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi Tepa », visait à promouvoir la réalisation d’heures supplémentaires. Les gains de revenus ainsi suscités et l’augmentation du temps de travail des salariés devaient provoquer un surcroît de croissance, permettant de lutter contre le chômage. Il s’agissait de mettre en pratique la formule « travailler plus pour gagner plus ».

Le présent rapport est le fruit de la démarche d’évaluation de cette disposition, menée, à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC) par deux rapporteurs, l’un issu de la majorité et l’autre de l’opposition.

L’étude s’est concentrée, d’une part, sur l’estimation de l’efficience du dispositif (son efficacité ramenée à ses coûts) et, d’autre part, sur les conditions d’élaboration de la décision publique.

L’article premier de la loi Tepa est une mesure incitative, augmentant les revenus des salariés et diminuant le coût de l’heure supplémentaire pour l’employeur. Ce dispositif, de structure complexe, repose sur cinq piliers distincts : exonération fiscale, exonération de cotisations sociales salariale et employeur, réforme de l’allègement sur les bas salaires et majoration de la rémunération des heures supplémentaires pour les entreprises de vingt salariés au plus.

Cette mesure emblématique, marquée par le contexte économique et politique de l’année 2007, décidée sans réelle étude ex ante, a connu une application rapide et massive. Le dispositif a bénéficié à plus de neuf millions de salariés, pour un gain moyen annuel d’environ 500 euros et un gain médian d’environ 350 euros.

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Malgré les difficultés de l’évaluation, notamment liées à l’absence de recensement fiable des heures supplémentaires avant l’adoption de la réforme et à l’intensité de la crise économique de 2008–2009, les deux rapporteurs ont mis en évidence un faisceau d’indices soulignant que le « travailler plus » n’est pas identifiable : le nombre annuel d’heures supplémentaires n’a pas connu de hausse significative et la durée moyenne effective du travail n’a pas substantiellement augmenté. L’application du dispositif est marquée par un fort effet d’aubaine, un certain nombre d’heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ayant bénéficié des allègements fiscaux et sociaux.

Le dispositif a certes permis de gratifier certains salariés. Il a aussi, voire peut-être surtout, facilité les restructurations dans l’administration de l’État. Son application dans les hôpitaux publics a également entraîné une meilleure rémunération des personnels particulièrement sollicités et affectés par les modalités de la réduction du temps de travail.

Conçue en partie comme un instrument destiné à pallier certains inconvénients des lois portant réduction du temps de travail, la mesure a contribué à « cristalliser » la durée du travail à 35 heures, employeurs comme salariés ayant un intérêt commun à déclarer des heures supplémentaires.

Le « gagner plus » est effectivement identifié et a contribué à maintenir le pouvoir d’achat de certains salariés grâce au surcroît de revenus ainsi distribués. La mesure a entraîné des gains très variables : le dispositif n’a bénéficié ni aux non-salariés ni aux salariés n’effectuant pas d’heures supplémentaires. Il a peu bénéficié aux salariés à temps partiel. Seuls les foyers imposables ont pu effectivement bénéficier de la totalité du dispositif, le gain fiscal – non plafonné – étant par ailleurs fonction du taux marginal d’imposition. De même, l’effet de la mesure diffère sensiblement selon les secteurs et les régions.

Le coût total de la mesure est évalué à plus de 4,5 milliards d’euros. Son absence de financement par des prélèvements supplémentaires ou des redéploiements de dépense a permis, à court terme, de stimuler la demande intérieure et donc de contribuer à lutter contre la récession de 2009. Cependant, à moyen et à long terme, cette dépense peu efficace, financée par un surcroît de dette publique – dont les intérêts correspondant à la dépense annuelle atteignent environ 140 millions d’euros – ne manquera pas d’alourdir les prélèvements obligatoires futurs.

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Compte tenu de ce constat, les deux rapporteurs formulent plusieurs propositions communes. Ils insistent d’abord sur la nécessité de l’évaluation préalable approfondie de ce type de décision, ainsi que sur l’adaptation indispensable de telles mesures de politique économique lorsque les modifications de contexte l’imposent.

Le choix de subventionner les contributions dues par l’employeur au titre de la rémunération de l’heure supplémentaire suscite des interrogations. Cette heure supplémentaire est en effet l’heure où la marge de l’entreprise est généralement maximale. Dans un contexte de sous-emploi persistant, plutôt que de subventionner la « dernière heure », ne conviendrait-il pas de faciliter l’embauche de salariés supplémentaires – la « première heure » ?

Une proposition réunit l’accord des deux rapporteurs. Sous réserve d’une évaluation préalable, ils recommandent la suppression des avantages bénéficiant aux employeurs au titre des heures supplémentaires. Cette mesure, dont l’enjeu financier s’élève à près de 1,3 milliards d’euros, permettra de mettre fin aux effets d’aubaine les plus marqués.

Le rapport examine ensuite les différentes options envisageables et se conclut sur des considérations plus générales visant, d’une part, à dresser les grandes lignes d’une réglementation du temps du travail qu’il conviendrait de fonder davantage sur la négociation sociale au niveau de la branche et, d’autre part, à envisager la suppression graduelle des aides publiques versées aux entreprises pour accompagner la réduction du temps de travail.

PREMIÈRE PARTIE : INCITER À LA RÉALISATION
D
HEURES SUPPLÉMENTAIRES ET COMPLÉMENTAIRES :
UN DISPOSITIF INNOVANT ET COMPLEXE, RAPIDEMENT ÉLABORÉ, ADOPTÉ ET MIS EN APPLICATION

L’article premier de la loi Tepa vise à modifier les comportements des salariés et des employeurs afin d’aboutir, d’une part, à des gains de revenus (5) et, d’autre part, à l’augmentation du temps de travail des salariés.

À cette fin, il incite respectivement employeurs et salariés à faire réaliser et à effectuer des heures supplémentaires ou complémentaires. L’incitation consiste en des allègements fiscaux et sociaux.

Ce dispositif législatif présente trois caractéristiques majeures : il est emblématique, inédit et complexe.

La mesure, qui correspond à l’application d’une partie importante du programme de M. Nicolas Sarkozy, élu Président de la République le 6 mai 2007, a fait l’objet d’une adoption rapide par le Parlement. Son application au 1er octobre 2007, soit moins de deux mois après sa promulgation, a été rendue possible par la publication des textes d’application dans un délai extrêmement court.

I. UN DISPOSITIF COMPLEXE À FORTE DIMENSION POLITIQUE

L’évaluation doit évoquer le contexte particulier des mois ayant suivi le second tour de l’élection présidentielle de 2007. Elle recensera ensuite les objectifs poursuivis par l’article premier de la loi Tepa en se fondant notamment sur les débats parlementaires.

A. LE CONTEXTE DE LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE ET DES PREMIERS MOIS DU QUINQUENNAT : LE SOUHAIT AFFICHÉ DE LA RÉHABILITATION DE LA « VALEUR TRAVAIL »

L’évaluation des effets de la mesure doit prendre en compte le contexte dans lequel la disposition a été conçue et présentée aux Français et aux parlementaires.

1.– La loi Tepa, un prolongement de deux thèmes centraux au cœur de la campagne de lélection présidentielle de 2007

a) Deux thèmes importants des débats de la campagne présidentielle : la « valeur travail » et le pouvoir dachat

Une partie de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007 s’est développée autour de deux thèmes connexes, d’une part, celui de la revalorisation du pouvoir d’achat, notamment des salariés, et, d’autre part, celui de la mise en avant de la « valeur travail ». Le débat politique autour de l’opportunité de maintenir en l’état la législation relative à la réduction du temps de travail adoptée sous la XIe législature puis amendée sous la XIIe législature fut notamment assez vif.

Dans ce contexte, une des mesures-phares du programme du candidat Nicolas Sarkozy consistait à proposer de pallier les conséquences jugées « malthusiennes » et « restrictives » de l’application des lois portant réduction du temps de travail. La durée de travail légale de 35 heures ainsi que les dispositifs de contingentement étaient, dans cette perspective, présentés comme des contraintes inutiles. Le travail devait être « libéré » ou « déverrouillé » de ce qui était alors décrit comme un carcan (6).

Le débat prenait cependant aussi en compte, d’une part, l’attachement de beaucoup de Français, particulièrement les salariés, à la fixation d’une durée légale du travail à 35 heures et, d’autre part, les ajustements réalisés par les employeurs et les salariés depuis 2002 pour s’adapter à cette durée légale. Il n’était donc pas proposé de supprimer ce dispositif mais de mettre en place des conditions permettant d’en pallier les inconvénients supposés.

b) Naissance de la formule « Travailler plus pour gagner plus »

Avant l’élection présidentielle de 2007, des travaux parlementaires avaient montré le chemin à suivre. Ainsi, sous la précédente législature, M. Hervé Novelli avait déposé le 13 juin 2006 à l’Assemblée nationale une proposition de loi (n° 3148) « visant à favoriser le travail et la revalorisation du pouvoir dachat (7) ». Ce texte proposait notamment :

– d’une part, une suppression de la majoration des heures supplémentaires effectuées par les salariés des PME ;

– d’autre part, une exonération des cotisations salariales dues au titre de la rémunération des heures supplémentaires.

Le financement proposé consistait en la suppression des exonérations de charges patronales créées par les lois de réduction du temps de travail. Il s’agissait de « donner du pouvoir dachat en basculant les exonérations de charges patronales sur les charges salariales tout en favorisant le travail ». Ce texte n’a pas été examiné par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à laquelle il avait été renvoyé.

Lors de son discours du 14 janvier 2007 au congrès de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), le candidat Nicolas Sarkozy déclarait pour sa part : « Je veux l’exonération de charges sociales et de l’impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires pour qu’enfin on comprenne en France que le travail est une émancipation, que cest le chômage qui est une aliénation. » (8)

Cette proposition a vite été traduite par le slogan « Travailler plus pour gagner plus ». La concision de la formule était supposée concilier la progression du pouvoir d’achat, remède aux effets jugés négatifs de la réduction du temps de travail, et la revalorisation souhaitée de la « valeur travail ».

Dans le document « Mon projet : ensemble tout devient possible » (2007), le candidat Nicolas Sarkozy écrivait ainsi : «  Je veux être le président du pouvoir d’achat. Pour cela, je permettrai dabord à ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus de le faire, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Les heures supplémentaires seront toutes payées au moins 25 % de plus que les heures normales, et elles seront exonérées de toute charge sociale et de tout impôt. En travaillant quatre heures de plus par semaine, un salarié rémunéré au smic gagnera immédiatement 165 euros nets de plus par mois (9). »

2.– La loi en faveur du travail, de lemploi et du pouvoir dachat dite loi Tepa : un texte emblématique

a) Le projet de loi Tepa est lun des premiers projets discutés par le Parlement

M. Nicolas Sarkozy élu à la présidence de la République, un des premiers projets de loi déposés (10) sur le bureau de l’Assemblée est le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Les dispositifs que prévoit la loi Tepa consistent à mettre en place des aspects importants du programme économique du candidat élu Président et de ses engagements pris pendant la campagne présidentielle. Le premier gouvernement dont François Fillon est le Premier ministre est réuni le 18 mai 2007. M. Jean-Louis Borloo y occupe les fonctions de ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi. Après le 18 juin 2007 (« deuxième gouvernement Fillon »), Mme Christine Lagarde succède à M. Jean-Louis Borloo et présente au Parlement le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

b) Un texte législatif éminemment politique, à limpact psychologique certain mais difficilement mesurable

L’article premier de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa), objet de la présente démarche d’évaluation, est un article d’un texte législatif dont un grand nombre de dispositions sont supposées « redonner sa place à la valeur travail », comme l’indique une formule du site internet du ministère de l’Économie et des finances le 1er août 2007 : « Profiter de son travail toute sa vie ». Cette loi, selon le site internet précité, « vise à redonner sa place au travail comme valeur et outil damélioration du pouvoir dachat » (11).

La loi Tepa comporte d’autres dispositions présentées comme concourant au même objectif : expérimentation du revenu social d’activité (RSA), exonération fiscale des revenus du travail étudiant ou création d’un « bouclier fiscal ». La loi Tepa fait elle-même partie d’un programme plus large intitulé « Programme confiance, croissance, emploi ».

La mesure relative aux heures supplémentaires est la plus emblématique de la loi car elle est supposée avoir un effet massif. Elle concerne le plus de bénéficiaires potentiels et représente l’effort le plus important en termes de dépenses publiques.

Selon les termes des éléments d’information alors disponibles sur le site internet du ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie, le projet de loi Tepa vise à créer un « choc de confiance ».

Les dispositions de la loi ont effectivement pu avoir un impact psychologique significatif positif sur les agents économiques, salariés, employeurs et agents publics. L’effet stimulant a pu être renforcé par son adoption et son application rapides. Cependant, cet aspect particulier de la loi est dépendant des anticipations des agents et de leur psychologie. Il ne peut pas être mesurable directement, du moins dans le cadre de la présente démarche d’évaluation. Cet aspect relatif au « choc » éventuel qu’aurait représenté la loi Tepa sur les anticipations des acteurs ne sera donc pas abordé dans le présent rapport.

c) L’élaboration de la mesure

L’élaboration du dispositif de l’article premier du projet de loi est d’abord menée au sein du cabinet du ministre M. Jean-Louis Borloo et des services du ministère de l’économie et des finances. Le travail est poursuivi par les mêmes services et le cabinet de Mme Christine Lagarde.

Son élaboration est pilotée par la Direction du Trésor (alors dénommée Direction générale du Trésor et des politiques économiques), la rédaction étant pour l’essentiel confiée à la Direction de la législation fiscale et à la Direction générale du travail (alors dénommée Direction des relations du travail – DRT).

Le projet de loi est adopté en Conseil des ministres le 20 juin 2007. Le projet de loi portant le numéro n° 4 (12) est enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 juin 2007, soit une semaine après son adoption par le Conseil des ministres. Conformément à l’article 45 de la Constitution (13), l’urgence est déclarée par le Gouvernement le 29 juin.

Le Parlement réuni en session extraordinaire, le projet de loi est adopté par l’Assemblée nationale le 6 juillet 2007, puis par le Sénat le 27 juillet. La commission mixte paritaire se tient le 31 juillet et l’adoption définitive par l’Assemblée nationale et le Sénat a lieu le 1er août 2007.

Soixante députés de l’opposition saisissent le Conseil constitutionnel le 2 août en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution. La saisine mentionne notamment le dispositif de l’article premier de la loi Tepa en invoquant une rupture du principe de l’égalité devant les charges publiques.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, a jugé que le texte de l’article premier de la loi Tepa était conforme à la Constitution. Il a noté que le but recherché par le dispositif de l’article premier de la loi relève bien de l’intérêt général (le Gouvernement, dans ses observations, évoque ainsi « la croissance » et « l’augmentation du nombre d’heures travaillées ») et a relevé que le moyen retenu est d’application très large, s’appliquant quelles que soient les situations du salarié effectuant des heures supplémentaires.

La loi Tepa est promulguée le 21 août et publiée au Journal officiel le lendemain (JORF n° 193 du 22 août 2007).

B. LES OBJECTIFS : METTRE EN APPLICATION LE SLOGAN DE LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE « TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS »

La démarche de l’évaluation doit s’attacher à rechercher les objectifs initiaux de la mesure faisant l’objet de l’évaluation. À cette fin, les rapporteurs ont analysé les débats parlementaires correspondants, et particulièrement l’examen du projet de loi par la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan (14), commission saisie au fond, et la discussion à l’Assemblée nationale.

1.– Les objectifs mentionnés lors des débats parlementaires

a) La présentation de la mesure dans le cadre du projet de loi

La communication relative à la réunion du Conseil des ministres du 20 juin 2007 indique que Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi, a présenté un projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :

« Ce projet de loi met en œuvre les engagements pris par le président de la République devant les Français. Il a pour objet de redonner toute sa place au travail comme valeur, comme outil d’amélioration du pouvoir dachat et comme instrument de lutte contre le chômage. Les mesures présentées sarticulent autour de cet objectif. (…) 1. Réhabiliter le travail. Les heures supplémentaires et complémentaires bénéficieront dune exonération dimpôt sur le revenu et de charges salariales et patronales. L’objectif du Gouvernement est que cette mesure soit applicable dès le 1er octobre 2007 à lensemble des entreprises et des salariés du secteur privé. Elle s’appliquera également, selon des modalités adaptées, au secteur public. (…) Ces différentes mesures (15) permettront une baisse des prélèvements obligatoires de 11 milliards deuros dès 2008. Elles témoignent de la fidélité du Gouvernement aux engagements présidentiels et portent en elles la croissance de demain. »

• Les « orientations générales » du projet de loi

L’exposé des motifs du projet de loi comporte des « orientations générales », qui mettent en valeur le fait que « la relance de léconomie passe en priorité par la réhabilitation du travail comme valeur, comme outil d’amélioration du pouvoir d’achat et comme instrument de lutte contre le chômage ». La référence à la campagne présidentielle est également notée : « (…) la présente loi (…) vise à donner corps aux engagements clairs pris devant les Français par le Président de la République. »

• La promotion de la réalisation des heures complémentaires et supplémentaires

L’exposé des motifs comprend quelques lignes relatives à la mesure. Il formule l’hypothèse, notamment sur la base de comparaisons internationales, que « l’augmentation de la durée moyenne de travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à laugmentation de notre rythme de croissance. »

À ce stade, il est donc intéressant de noter que, si l’analyse se limite à ces lignes, c’est bien l’augmentation de la durée moyenne du travail qui est recherchée.

Dans cette perspective, l’article premier de la loi comporterait :

– deux objectifs de long terme : augmenter le taux de croissance et le niveau d’emploi ;

– deux objectifs intermédiaires : la hausse de la durée moyenne du travail et du pouvoir d’achat ;

– un instrument, la croissance du nombre des heures supplémentaires, lui-même actionné par les allègements sociaux et fiscaux.

L’exposé des motifs poursuit : « Pour parvenir à cet objectif, il faut jouer à la fois sur loffre et sur la demande. Tel est lenjeu de larticle 1er, qui vise à diminuer le coût du travail pour les entreprises qui augmentent la durée de travail de leurs salariés, tout en incitant ces derniers à travailler plus par la garantie dune augmentation substantielle de leurs revenus. Cet article prévoit pour les entreprises un allègement de cotisations sociales qui les incitera à accroître leur offre de travail. »

Le document note également que « dans les faits, l’accord du salarié facilite grandement le recours aux heures supplémentaires. Pour tenir compte de cette réalité et pour que ceux qui acceptent de travailler davantage en récoltent les fruits, les salariés bénéficieront dune réduction de cotisations sociales et d’une exonération dimpôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007. »

L’exposé des motifs souligne le caractère large de la mesure, appelée à bénéficier à l’ensemble des entreprises et des salariés, qu’ils soient employés dans le secteur privé ou du secteur public, à temps plein ou à temps partiel. Il indique ainsi que « l’ensemble des heures supplémentaires sera pris en compte, qu’il s’agisse des heures dites du contingent, des heures supplémentaires réalisées dans le cadre des accords de modulation du temps de travail ou encore dun cycle de travail, des heures choisies ou des heures effectuées dans le cadre dune convention de forfait. »

b) Les débats parlementaires

Les développements infra concernent exclusivement l’Assemblée nationale, première assemblée saisie.

• L’examen du projet de loi par la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Lors de la présentation du projet devant la commission des Finances, la ministre de l’Économie utilise « la métaphore de la moisson » supposée illustrer l’ensemble du projet de loi, la mesure relative aux heures supplémentaires étant qualifiée de « l’étape du mûrissement », « au point de rencontre du social, du fiscal et du financier ». Selon la ministre, c’est la mesure « qui coûtera le plus mais aussi qui libérera le plus le travail » : « Cette disposition incitera donc fortement les salariés à effectuer des heures supplémentaires et contribuera à accroître le pouvoir d’achat de ceux qui choisiront de travailler plus, sans que cela ne soit imposé à quiconque ni que soit modifiée la durée légale du travail. On peut donc bien parler dun soutien à la valeur travail. » La ministre illustre son propos par un exemple concret : « un salarié payé 1 500 euros bruts dans une petite entreprise verra, sil effectue chaque semaine quatre heures supplémentaires, soit 39 heures au lieu de 35, ses revenus annuels augmenter de 2 500 euros (16) ! ».

• La discussion en séance publique

La ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi, en séance publique, souligne « la remise à l’honneur du travail, pour laquelle les Français se sont si clairement prononcés en élisant Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République ». Elle note également que « selon la formule désormais célèbre, travailler plus permettra à chacun de gagner plus. Le coût de cette mesure est estimé à 6 milliards deuros. À titre dexemple, un salarié payé 1 400 euros net dans une petite entreprise réalisant quatre heures supplémentaires par semaine verra ses revenus annuels augmenter de 2 500 euros (17). »

La discussion porte notamment sur les aspects techniques de la mesure. La distinction entre l’augmentation « brute » du nombre d’heures supplémentaires et l’augmentation de la durée moyenne du travail est peu abordée, sauf en ce qui concerne la présentation des mesures destinées à éviter des effets d’aubaine ou des comportements d’optimisation (cf. infra).

La mesure n’est présentée ni comme une mesure de redistribution ni comme une mesure d’insertion ; elle est supposée s’articuler avec les autres instruments de politiques publiques d’emploi ou de lutte contre la précarité, notamment le RSA et la prime pour l’emploi – (PPE).

2.– Le cercle vertueux recherché : plus dheures travaillées, plus de revenus, plus demplois, plus de croissance

L’objectif de croissance du nombre d’heures supplémentaires est présenté dans un cadre macro-économique plus large. Il s’agit non seulement d’augmenter le volume des heures supplémentaires mais aussi d’accroître la durée du travail et d’obtenir plus de pouvoir d’achat. Ces objectifs de court terme doivent aboutir in fine à un surcroît de croissance destiné à financer, partiellement ou totalement, le coût budgétaire de la mesure. Le site internet du ministère de l’Économie et des finances illustre ainsi la démarche suivie : « Cest permettre de travailler plus, de gagner plus, et donc d’avoir plus de croissance et ainsi plus d’emplois. Cest cela, le cercle vertueux du choc de confiance. »

Le rapporteur général du budget, rapporteur du projet de loi, M. Gilles Carrez, déclare ainsi lors d’une séance de l’Assemblée nationale : « Notre vœu le plus cher est que la mesure crée une dynamique qui entraînera une augmentation du nombre d’heures, laquelle générera de la croissance supplémentaire, des recettes supplémentaires, et ainsi, la mesure s’autofinancera. »

C. UN DISPOSITIF COMPLEXE REPOSANT SUR CINQ PILIERS

Si la formule du « travailler plus pour gagner plus » est d’une compréhension plutôt aisée, la structure du dispositif législatif retenu est relativement complexe : il s’applique en effet dans les champs sociaux et fiscaux et s’appuie sur cinq piliers distincts.

1.– Un dispositif incitatif aux volets social et fiscal et reposant sur cinq piliers

La mesure vise à appliquer concrètement la formule : « travailler plus pour gagner plus ». Le moyen retenu est la diminution du coin socio-fiscal (18) sur la rémunération des heures supplémentaires.

a) Présentation générale

La mesure vise à modifier à la fois le coût (pour l’employeur) et le revenu (pour le salarié) de l’heure supplémentaire afin d’inciter à des changements de comportements des agents concernés et promouvoir la réalisation d’heures supplémentaires.

La mesure, qui s’applique aux rémunérations versées ou perçues au titre des heures effectuées à compter du 1er octobre 2007, est supposée agir par cinq moyens différents, dont certains produisent des effets opposés.

Trois dispositions de l’article premier de la loi Tepa bénéficient au salarié :

– l’exonération des revenus perçus de l’assiette de l’impôt sur le revenu (article 81 quater nouveau du code général des impôts),

– la réduction de cotisations salariales (article L. 241-17 nouveau du code de la sécurité sociale),

– l’accroissement de la majoration de la rémunération des heures supplémentaires pour les salariés employés dans les entreprises employant au plus 20 salariés (19).

Deux dispositions de l’article premier de la loi Tepa sont à l’avantage de l’employeur :

– la déduction forfaitaire sur le montant des cotisations sociales et contributions patronales (article L. 241-18 nouveau du code de la sécurité sociale) ;

– la modification du calcul de « l’exonération Fillon (20) » (article L. 241-13 du code de la sécurité sociale).

• Un élargissement du dispositif en février 2008

La loi n° 2008-111 pour le pouvoir d’achat du 8 février 2008 a complété le dispositif afin d’élargir son application. Les dispositions de cette loi s’inscrivent dans la volonté manifestée au début de la XIIIe législature de faire « prévaloir la valeur travail » et de remédier aux effets d’une réduction du temps de travail jugée inadaptée.

Cette loi prévoit donc que le salarié peut demander à son employeur la « monétisation » d’un certain nombre de jours. Le salarié, sous certaines conditions, notamment la conclusion d’accords relatifs à l’organisation du temps de travail, peut bénéficier des dispositifs suivants :

– le rachat de jours de réduction du temps de travail acquis jusqu’au 31 décembre 2009 ;

– le rachat de jours de repos au titre de périodes accomplies jusqu’au 31 décembre 2009 et auxquels renonce le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année ;

– le rachat des droits affectés au 31 décembre 2009 sur un compte épargne temps ;

– la monétisation de tout ou partie du repos compensateur de remplacement applicable au titre de l’accomplissement des heures supplémentaires.

Le IV de l’article premier de cette loi dispose que les allègements sociaux et fiscaux issus de la loi Tepa sont applicables au titre du rachat des journées de réduction du temps de travail et des jours de repos acquis du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, et aux rémunérations versées au titre de la conversion monétaire du repos compensateur de remplacement.

b) La législation applicable aux heures supplémentaires en 2007 et ses évolutions ultérieures

L’état du droit en matière de réglementation de la durée du travail, lorsqu’est discuté le projet de loi en juin 2007, est complexe. Il est remarquablement bien décrit par le rapport (21) de M. Gilles Carrez, rapporteur du projet de loi Tepa pour la commission des Finances. Cet état du droit est détaillé au sein de l’annexe n° 2, qui s’inspire des développements du rapport précité.

Comme le soulignent à de nombreuses reprises les débats parlementaires, la loi Tepa n’est pas destinée à changer le droit applicable aux heures supplémentaires. Des amendements d’origine parlementaire ayant cette finalité recueillent d’ailleurs un avis défavorable de la ministre pour ce motif ; ils sont finalement rejetés.

La législation relative au droit du travail a été ensuite profondément modifiée à l’été 2008 (cf. infra, annexe n° 2) dans le sens d’un assouplissement significatif.

2.– Le dispositif fiscal fixe les grands principes de lallègement des prélèvements portant sur les rémunérations versées au titre des heures complémentaires et supplémentaires

a) Le volet fiscal est au cœur du dispositif car il détermine lassiette des allègements

Le I de l’article premier de la loi Tepa a introduit dans le code général des impôts (CGI) un article 81 quater nouveau définissant les conditions de l’exonération de l’assiette de l’impôt sur le revenu des rémunérations versées au titre des heures supplémentaires ou complémentaires. Les modalités d’application du volet fiscal du dispositif ont ensuite été précisées par voie d’instruction fiscale (22).

Le I de l’article 81 quater du CGI fixe l’assiette des rémunérations de ces heures exonérées du point de vue fiscal et social. À cette assiette déterminée par le CGI sont appliqués les allègements sociaux.

C’est en référence à cet article du CGI que sont rédigés les deux articles nouveaux du code de la sécurité sociale établissant les conditions d’exonération de prélèvements sociaux ou de déduction forfaitaire (cf. infra).

b) Les rémunérations concernées et les modalités de lexonération

Le I de l’article 81 quater du CGI recense les rémunérations versées au titre des heures (23) supplémentaires ou complémentaires ouvrant droit à l’exonération d’impôt sur le revenu et donc aux allègements de cotisations sociales. Le II et le III de l’article 81 quater du CGI détaillent les conditions d’application de cette exonération.

• Un périmètre d’application très large

L’idée générale ayant présidé aux travaux du législateur est, comme le rappelle le rapport précité de M. Gilles Carrez, d’étendre l’application des mesures d’allègements au plus grand nombre de salariés ou d’agents publics, tout en garantissant une certaine égalité de traitement afin d’éviter toute censure du texte par le Conseil constitutionnel au motif d’une rupture d’égalité devant les charges publiques.

L’article a donc été rédigée de manière à ce que le statut du salarié (24) comme les modalités d’organisation du temps de travail n’aient pas d’impact sur le bénéfice des avantages fiscaux et sociaux. L’organisation de la durée du travail peut donc être fondée sur la semaine, sur quatre semaines, l’année ou le cycle (cf. infra, annexe n° 2), toute heure considérée comme « supplémentaire » dans ce cadre est concernée par le bénéfice de l’exonération.

À titre illustratif, le I de l’article 81 quater dispose que l’exonération concerne les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures (25), ou des heures effectuées entre un plafond inférieur fixé par voie contractuelle ou conventionnelle et cette durée.

L’exonération est aussi applicable aux salariés, cadres ou non cadres, dont la durée du travail est fixée par une convention de forfait jours. Généralement, la notion d’heures supplémentaires n’est pas applicable à ces salariés mais par souci d’équité, la loi leur étend le bénéfice du dispositif. Les rémunérations afférentes aux jours de repos auxquels les salariés concernés renonceraient pour porter leur durée du travail au-delà de 218 jours par an (26) sont éligibles au dispositif.

L’exonération est aussi, notamment, applicable aux rémunérations versées aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail (dans la limite du dixième de la durée contractuelle du travail) et aux salaires versés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires. Des dispositions spécifiques concernent les cas des assistants maternels et les « éléments de rémunération » versés aux agents publics (titulaires ou non titulaires) au titre des heures supplémentaires, selon des modalités prévues par décret.

C’est exclusivement la rémunération de l’heure travaillée qui est visée par le dispositif ; le champ de l’exonération exclut les rémunérations afférentes aux heures de repos compensateur pris par le salarié en contrepartie d’heures supplémentaires effectuées, qu’il s’agisse d’heures de repos compensateur obligatoire ou d’heures de repos remplaçant une majoration salariale.

• L’assiette de l’exonération est d’application large puisqu’elle concerne l’intégralité de la rémunération de l’heure supplémentaire : la rémunération « de base » et la partie majorée

Le CGI précise les modalités de l’exonération fiscale, qui s’applique, d’une part, à la rémunération « de base » de l’heure supplémentaire et, d’autre part, à sa majoration.

La rémunération des heures supplémentaires est exonérée de l’impôt sur revenu, mais le bénéfice fiscal n’est effectif que lorsque le foyer auquel est rattaché le salarié déclarant ces heures est imposable. En effet, il ne s’agit pas d’un crédit d’impôt, contrairement à la prime pour l’emploi.

S’agissant des salariés, l’exonération de la majoration s’applique dans la limite des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable. À défaut (27), les limites sont des taux de 25 % ou 50 % pour les heures supplémentaires et un taux de 25 %, pour les heures complémentaires.

Ces deux derniers points sont notamment destinés à prévenir les conséquences négatives d’effets d’aubaine ou d’optimisation sociale via une majoration excessive « locale » de la rémunération de l’heure supplémentaire. Des dispositions spécifiques concernent le cas des salariés sous convention de forfait.

S’agissant des agents publics, la loi impose de prendre en compte les éléments de rémunération « dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés » : ces modalités ont été précisées par un décret énumérant les éléments éligibles (28).

c) Les obligations relatives à lapplication de lexonération de limpôt sur le revenu

• Les dispositions visant à prévenir les abus

Le III de l’article 81 quater du CGI comporte des dispositions dont le respect conditionne le bénéfice des exonérations fiscale et sociale. Ainsi, afin d’éviter un recours abusif aux heures supplémentaires, l’employeur doit respecter les dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail, dont les durées maximales.

Trois autres dispositions visent à prévenir les abus, principalement proposées ou précisées par des amendements du rapporteur pour la commission des Finances, M. Gilles Carrez.

Ainsi, le bénéfice de l’exonération n’est pas applicable lorsque les rémunérations exonérées se substituent à d’autres éléments de rémunération (à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération exonérés). L’instruction fiscale précise que l’objectif poursuivi est « d’éviter la suppression d’un élément de rémunération existant (prime de résultat, par exemple) au bénéfice de l’accomplissement d’heures supplémentaires ou complémentaires exonérées. »

De plus, l’exonération n’est pas applicable à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 20 juin 2007 (29), de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du code du travail (30). L’objectif est d’éviter une réduction artificielle du temps de travail compensée par un volume d’heures supplémentaires, l’horaire antérieur restant constant.

De même, l’exonération n’est pas applicable à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail (cf. annexe n° 2), sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret.

• Des obligations de déclaration et d’information supplémentaires

Le X de l’article premier de la loi Tepa dispose que les représentants du personnel (comité d’entreprise ou, à défaut, délégués du personnel) sont informés annuellement par l’employeur des volumes et de l’utilisation des heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés de l’entreprise ou de l’établissement.

L’employeur doit porter dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS) – ou, s’il ne relève pas du régime général de sécurité sociale, dans une déclaration spécifique – le nombre d’heures supplémentaires ou complémentaires (ou le nombre de jours auxquels le salarié a renoncé) qui ouvrent droit à l’exonération d’impôt sur le revenu. L’employeur précise également le montant de la rémunération correspondante. Le montant des rémunérations considérées est, à partir de la DADS, pré-imprimé par l’administration sur les cases concernées de la déclaration d’ensemble des revenus du contribuable. Celui-ci doit vérifier l’exactitude de ce montant et, en cas d’erreur, le modifier.

d) La réintégration des rémunérations exonérées au revenu fiscal de référence

Le montant du revenu fiscal de référence (RFR) détermine notamment l’ouverture de droits à des exonérations, à des dégrèvements d’office ou à des abattements de taxes foncières ou de taxe d’habitation placés sous condition de ressources. Surtout, son montant conditionne le bénéfice ou la tarification de certaines prestations assurées par l’État, les régimes de la sécurité sociale ou les collectivités territoriales, dont la prime pour l’emploi (PPE).

Le III de l’article premier de la loi Tepa, qui complète à cet effet l’article 200 sexies du CGI, neutralise les effets de l’exonération fiscale des rémunérations versées au titre des heures complémentaires et supplémentaires en en réintégrant le produit au RFR. Cette disposition conduit à écarter les effets de l’exonération fiscale sur le calcul du montant du RFR.

Les montants des rémunérations concernées sont bien pris en compte pour l’appréciation des revenus perçus par la personne considérée. Or le niveau du RFR est l’un des éléments conditionnant l’éligibilité au bénéfice de la prime pour l’emploi (31). Il permet de déterminer le cas échéant son montant.

Les gains de revenus permis par le dispositif peuvent donc donner lieu à l’augmentation du montant de la taxe d’habitation ou la diminution du montant des allocations logement. De même, la prime pour l’emploi peut diminuer. Cette intégration au RFR permet néanmoins d’éviter un accroissement artificiel du nombre de bénéficiaires ou du montant des PPE versées.

Elle garantit également une certaine égalité de traitement entre des salariés aux niveaux de revenus identiques mais dont certains effectueraient des heures supplémentaires. Le rapport de M. Gilles Carrez note à ce sujet qu’« en labsence d’une telle disposition, l’exonération proposée aurait (…) privé du bénéfice de la PPE certains salariés à temps très partiel, mais réalisant des heures complémentaires dont les rémunérations leur permettent d’atteindre le seuil minimal de revenu ouvrant droit au bénéfice de la prime. À linverse, elle aurait rendu éligibles à la prime d’autres salariés ou augmenté le montant qu’ils auraient perçu à son titre (32). »

3.– Un dispositif dapplication très large de réduction de cotisations salariales et dallègements des cotisations dues par les employeurs

L’article premier de la loi Tepa établit, en sus de l’exonération fiscale, trois allègements sur les cotisations sociales exigibles sur les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires :

– une réduction des cotisations salariales (a),

– une déduction forfaitaire des cotisations patronales (b),

– une neutralisation du montant des rémunérations correspondantes dans le calcul de l’allègement sur les bas salaires (c).

Le IV de l’article premier de la loi Tepa, pour déterminer l’assiette des rémunérations concernées par ces allègements, fait une référence à l’assiette fiscale définie par le I du même article (cf. supra). En conséquence, le volet relatif aux prélèvements sociaux est d’application très large. Le bénéfice du volet social de la mesure est subordonné au respect des conditions applicables au volet fiscal du dispositif.

Afin de créer deux nouvelles réductions et déductions de cotisations sociales, l’article premier de la loi Tepa insère deux articles nouveaux (L. 241-17 et L. 241-18) dans le code de la sécurité sociale. Ces nouvelles dispositions sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er octobre 2007.

Ces dispositions législatives ont fait l’objet des textes réglementaires d’application suivants :

– le décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007 (33) a déterminé les modalités d’application de cette réduction et de cette déduction, en modifiant les articles D. 241-7 et D. 241-13 du code de la sécurité sociale (réduction générale des cotisations employeurs) et en créant les articles D. 241-21 à 241-27 portant notamment application de la réduction de cotisations salariales et de la déduction forfaitaire des cotisations employeurs de sécurité sociale ;

– la circulaire DSS/5b/2007/358 du 1er octobre 2007 relative à la mise en œuvre de l’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat ;

– la circulaire DSS/5B/2008/34 du 5 février 2008 portant diffusion d’un « questions-réponses » relatif aux modalités techniques d’application de l’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

a) La réduction de cotisations sociales salariales créée par larticle L. 241-17 nouveau du code de la sécurité sociale

Cet article crée une réduction de cotisations sociales salariales au titre des rémunérations versées au titre des heures supplémentaires, complémentaires ou de toute autre durée additionnelle de travail effectuée. Il s’agit, en termes juridiques, d’une réduction ; cependant, l’ampleur donnée à cette réduction par le décret d’application (cf. infra) transforme cette mesure de réduction en un dispositif d’exonération. Cette exonération est une mesure de revenus immédiate et lisible pour tous les salariés bénéficiaires : la rémunération « nette » du salarié au titre de l’heure supplémentaire est en effet augmentée jusqu’à atteindre sa rémunération « brute ».

• Le périmètre des rémunérations concernées est fixé en référence à l’assiette fiscale

Ouvrent droit à la réduction de cotisations salariales les rémunérations versées au titre de toute heure supplémentaire ou complémentaire ou de toute autre durée de travail effectuée par le salarié, lorsque cette rémunération entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du CGI.

• Modalités de calcul de la réduction proportionnelle des cotisations salariales de sécurité sociale : une exonération de cotisations sociales salariales

Selon la rédaction de l’article L. 241-17 nouveau du code de la sécurité sociale, toute heure concernée par le dispositif ouvre droit à une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération. Cette réduction est cependant limitée aux cotisations et contributions légales et conventionnelles rendues obligatoires par la loi et dont le salarié est redevable au titre de cette heure.

Le montant de la réduction est donc défini (34)dans la limite de la somme des taux de prélèvements suivants :

– cotisation salariale d’assurance maladie (0,75 %),

– cotisations d’assurance vieillesse (6,75 % au total),

– cotisations ouvrières au régime de retraite complémentaire (équivalent à 3,8 %),

– cotisations salariales d’assurance chômage (2,40 %),

– contributions CSG/CRDS (équivalent à 7,76 %),

– le cas échéant, les cotisations salariales dues au régime d’assurance maladie complémentaire obligatoire, applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.

La réduction ne vise donc pas les cotisations de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire.

Le total des taux de cotisations et contributions précitées atteint 21,46 % jusqu’au plafond de la sécurité sociale pour un salarié non-cadre et 21,59 % jusqu’au plafond pour un salarié cadre.

Le taux de la réduction correspond au rapport entre la somme des cotisations et contributions rendues obligatoires par la loi mises à la charge du salarié au cours du mois où est payée la durée supplémentaire travaillée et la rémunération du même mois. Comme cela avait été précisé pendant les débats parlementaires, le taux maximal de cette réduction a été fixé par décret à 21,5 % (article D. 241-21 du code de la sécurité sociale). Compte tenu de ce taux, la réduction de cotisations sociales salariales s’apparente donc à une exonération totale.

Le décret n° 2008-76 du 24 janvier 2008 a appliqué la mesure aux salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.

• Limites et conditions d’application de la réduction salariale

Le montant de rémunération versé au titre des heures supplémentaires ou complémentaires ouvrant droit à la réduction de cotisations salariales est pris en compte dans les limites prévues au II de l’article 81 quater du CGI auquel renvoie l’article L. 241-17 nouveau du code de la sécurité sociale. La réduction de cotisations salariales s’applique en principe aux rémunérations afférentes aux heures supplémentaires et complémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, du taux prévu par la convention collective ou accord professionnel ou interprofessionnel applicable. À défaut d’accord ou de convention, la réduction de cotisations salariales s’applique dans la limite des taux de 25 % ou 50 % prévus pour les heures supplémentaires par l’article L. 212-5 du code du travail.

• Cumul et conditions d’application de la réduction

La réduction n’est pas cumulable avec une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale ou avec l’application d’assiettes forfaitaires ou de montants forfaitaires de cotisations. Elle est en revanche cumulable avec l’application de taux réduits de cotisations. L’article D. 241-22 nouveau du code de la sécurité sociale précise qu’en cas d’application de taux réduits, la réduction de cotisations salariales est calculée en tenant compte de ces taux minorés.

Le bénéfice de la réduction de cotisations est subordonné au respect des dispositions fixées par le CGI et visant à lutter contre les effets d’aubaine ou d’optimisation (cf. supra). Le bénéfice de la réduction est également subordonné à la mise à disposition des agents du service des impôts compétents ou des agents chargés du contrôle du recouvrement (mentionnés à l’article L. 243-7 du code de la sécurité sociale) par l’employeur d’un document en vue du contrôle de l’application de la réduction.

• Un système original : l’imputation de la réduction de cotisations sociales salariales sur les cotisations dues par le salarié sur l’ensemble de sa rémunération

Le II de l’article L. 241-17 nouveau du code de la sécurité sociale dispose que la réduction de cotisations salariales s’impute sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale (cotisations aux branches maladie et vieillesse (35)) dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire. Cela permet d’éviter la complexité supplémentaire qu’aurait suscitée un système de remboursement des cotisations par l’administration sociale.

Il est prévu que cette réduction ne peut dépasser le montant dû au titre de l’ensemble de la rémunération, ce qui permet d’écarter le cas d’une éventuelle « cotisation sociale négative » (36). La circulaire d’application de la DSS précise qu’il n’y a pas de report possible sur le mois suivant ou sur un autre salarié.

• Cas-type

La circulaire de la DSS du 1er octobre 2007 donne l’exemple d’un salarié non-cadre rémunéré, sur la base hebdomadaire de 35 heures de travail, 2 200 euros par mois (soit 14,51 euros/heure) et effectuant 8 heures supplémentaires majorées de 25 % :

– la rémunération au titre des huit heures supplémentaires s’élève à 145,10 euros (37) ;

– le salaire brut soumis à cotisations se monte donc à 2 345,10 euros  (38) ;

– le montant de l’ensemble des cotisations et contributions dues sur le « brut » est de 503,26 euros ;

– le rapport cotisations salariales/salaire brut atteint 21,46 % ;

– la réduction de cotisations salariales est de 31,14 euros (39) ;

– le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues sur l’ensemble de la rémunération est de 175,88 euros (40)les 31,14 euros peuvent donc être intégralement déduits.

b) La déduction de cotisation de sécurité sociale due par lemployeur prévue par larticle L. 241-8 nouveau du code de la sécurité sociale présente un caractère forfaitaire et elle est majorée pour les entreprises employant au plus 20 salariés

Le IV de l’article premier de la loi Tepa insère un article L. 241-18 nouveau dans le code de la sécurité sociale afin d’y créer une déduction forfaitaire de cotisations sociales dues par les employeurs au titre des rémunération des heures supplémentaires concernées par le dispositif fiscal.

L’application de cet article du code de la sécurité sociale a été ensuite précisée par des dispositions réglementaires et notamment par l’article D. 241-24 du code de la sécurité sociale, qui a fixé les montants des déductions forfaitaires. Lors des débats, le Gouvernement avait informé les parlementaires du niveau de ces montants.

Le champ et la portée de cette déduction de cotisations employeur sont moins larges que ceux de la réduction de cotisations salariales ou dispositif fiscal. Premièrement, cette déduction présente un caractère forfaitaire. Son montant par heure supplémentaire rémunérée est donc limité, ce qui a tendance à avantager relativement les employeurs de salariés à bas niveau de qualification et aux faibles rémunérations. Le caractère forfaitaire de la déduction est cependant un élément déterminant qui permet de limiter l’impact des éventuels effets d’aubaine de la part des employeurs. Deuxièmement, cette déduction ne bénéficie pas :

– aux employeurs publics,

– aux particuliers employeurs,

– ainsi qu’aux rémunérations correspondant aux heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel.

• Champ des employeurs concernés : exclusion des particuliers employeurs et de la majorité des employeurs publics, dont l’État et les collectivités territoriales

Le I de l’article L. 241-18 nouveau du code de la sécurité sociale dispose que la déduction est applicable aux salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13 du même code, cet article définissant le champ des employeurs éligibles aux allègements généraux de cotisations sociales (dits « allègements Fillon »). Le mécanisme bénéficie donc aux employeurs du secteur privé soumis à l’obligation d’affiliation à l’assurance chômage (sauf les particuliers employeurs) et certains salariés du secteur parapublic pour lesquels l’employeur est également soumis à cette obligation (entreprises publiques, établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales et sociétés d’économie mixte dans lesquelles les collectivités territoriales ont une participation au moins égale à 30 % du capital).

• Périmètre des heures et des rémunérations concernées : exclusion du champ de la déduction des rémunérations versées au titre des heures complémentaires

La déduction s’applique aux rémunérations versées au titre des heures supplémentaires ou de toute autre durée du travail entrant dans le champ d’application fiscal. Cependant, afin de ne pas encourager le développement du temps partiel au détriment des durées de travail à temps plein, les rémunérations versées au titre des heures complémentaires ne sont pas concernées par le bénéfice des déductions forfaitaires.

• Majoration de la déduction forfaitaire pour les entreprises comptant au plus 20 salariés

Le montant de la réduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale a été fixé par décret à 0,50 euro par heure concernée. Pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié bénéficiant d’une convention en forfait jour, la déduction forfaitaire sera égale à sept fois le montant de 0,50 euros.

Ce montant de 0,50 euro est majoré de 1 euro (le montant total de la déduction atteint donc 1,50 euro) pour deux types d’entreprises.

Il s’agit d’abord des entreprises employant au plus 20 salariés lors de l’entrée en vigueur du dispositif. L’exposé des motifs fonde comme suit ainsi cette majoration : « Cet allègement sera majoré pour les PME de 20 salariés au plus, pour tenir compte de leur besoin important en heures supplémentaires et pour leur permettre de mieux répondre aux sautes dactivité, face auxquelles leur taille réduite constitue un handicap. ». Le périmètre des entreprises éligibles a été par la suite élargi. En effet, comme le rappelle l’annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, l’article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a autorisé que cette majoration bénéficie aussi aux entreprises qui, en raison de l’accroissement de leur effectif, dépassent au titre de l’année 2008, 2009 ou 2010, pour la première fois, l’effectif de 20 salariés. L’article 135 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a prolongé cet avantage pour les entreprises qui dépassent pour la première fois au titre de l’année 2011 le seuil de 20 salariés.

La majoration de la déduction forfaitaire bénéficie aussi aux entreprises appliquant le régime dérogatoire prévu aux I et II de l’article 4 de la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise. En application du I de l’article 4 précité, les entreprises de 20 salariés au plus au 31 mars 2005 n’appliquant pas de majoration salariale conventionnelle pouvaient appliquer un taux dérogatoire de majoration (taux dérogatoire à la majoration légale) de 10 % des quatre premières heures supplémentaires et ce jusqu’au 31 décembre 2008 (41).

Or ces dispositions dérogatoires sont supprimées à compter du 1er octobre 2007 par le XI de l’article premier de la loi Tepa. L’entreprise comptant 20 salariés au plus au 31 mars 2005 peut donc bénéficier d’une majoration de la déduction forfaitaire supposée compenser, au moins partiellement, ce surcoût (cet effet de compensation dépend du niveau de rémunération, cf. infra, deuxième partie).

• Imputation de la déduction sur l’ensemble des cotisations dues par les employeurs et conditions de cumul

La déduction forfaitaire est imputée sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire. La déduction ne peut dépasser ce montant (42).

La déduction forfaitaire s’impute donc sur les cotisations dues par les employeurs aux régimes de sécurité sociale (maladie, maternité, invalidité, décès, et vieillesse ; allocations familiales ; accidents du travail et maladies professionnelles) ainsi que sur les contributions recouvrées selon les mêmes règles (contribution au Fonds national d’aide au logement, versement de transport, taxe destinée au financement des transports en commun et contribution de solidarité autonomie).

L’article premier de la loi Tepa a rendu possible le cumul de cette déduction avec d’autres mesures d’exonérations de cotisations patronales (salariés embauchés en ZRR ou ZRU, exonération de cotisations patronales au titre des services à la personne…). La circulaire d’application précitée de la DSS précise que la déduction forfaitaire est cumulable avec les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale et des autres cotisations patronales recouvrées selon les mêmes règles, restant dues par l’employeur au titre de l’ensemble de la rémunération versée au moment du paiement de la durée supplémentaire travaillée. La déduction forfaitaire des cotisations patronales intervient donc après l’application des autres exonérations de cotisations patronales auxquelles l’entreprise peut prétendre.

• Conditions, obligations déclaratives et contrôles

Comme pour la réduction de cotisations salariales, le bénéfice de la déduction forfaitaire est subordonné à la mise à disposition des agents du recouvrement d’un document par l’employeur en vue du contrôle de l’application de la réduction.

• Conditions du bénéfice de la déduction

La loi du 21 août 2007 met en place pour ces entreprises une condition supplémentaire. Les entreprises bénéficiant de la déduction forfaitaire doivent respecter les dispositions du règlement CE n° 1998/2006 du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis qui permet l’octroi d’aides sans obligation de notification à condition qu’elles ne dépassent pas un certain plafond d’aides par entreprise, pour une période de trois exercices fiscaux, dont l’exercice en cours. Comme le prescrit la circulaire précitée de la DSS, le montant de la déduction forfaitaire des cotisations patronales et des autres aides entrant dans le champ du règlement précité ne doit pas excéder 200 000 euros sur une période de trois ans.

c) La modification du calcul de lallègement général sur les bas salaire (dit « allègement Fillon »)

• La réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale

La loi n° 2003-47 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi du 17 janvier 2003 a mis en place une réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale applicable aux cotisations dues sur les rémunérations versées à compter du 1er juillet 2003 (dite « réduction Fillon » ou « allègement Fillon »). Cette réduction succède à « l’allègement Aubry II » destiné à accompagner la réduction du temps de travail ainsi qu’à la réduction unique dégressive sur les bas salaires, qui lui est antérieure.

L’allègement Fillon consiste en une forte réduction des charges sociales patronales sur les bas salaires, ce qui aboutit à rendre progressif le barème des cotisations sociales sur les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 smic. Il n’a pas d’impact sur la rémunération nette du salarié. Il vise la réduction du coût du travail non qualifié et la promotion de l’emploi de ce type de salariés dans un contexte de concurrence accrue des pays à bas coût de main d’œuvre.

L’avantage en termes de réduction des cotisations sociales dues par les employeurs est égal au produit de la rémunération brute du salarié par un coefficient. Pour les entreprises de plus de 19 salariés, le coefficient était calculé ainsi avant l’entrée en vigueur de la loi Tepa : coefficient = (0,26/0,6) x [(1,6 x smic horaire x nombre d’heures normales et supplémentaires rémunérées /rémunération mensuelle brute du salarié) – 1].

Compte tenu du mode de calcul du coefficient, la réduction est maximale au niveau du smic (le coefficient de réduction est alors en effet égal à 0,26). Son montant diminue ensuite à peu près linéairement de manière inverse à l’augmentation de la rémunération. Il s’annule à 1,6 smic horaire brut : à 1,6 smic, le coefficient de réduction est égal à 0, le montant de la réduction est donc nul.

Compte tenu de son mode de calcul, le coefficient varie en fonction de la rémunération de référence du salarié ; son montant revêt une importance particulière, notamment pour les employeurs dont les entreprises comptent une majorité de bas salaires. Avant l’entrée en vigueur de la loi Tepa, les rémunération versées au titre des heures supplémentaires, compte tenu des majorations salariales correspondantes, conduisaient bien à accroître l’écart avec la rémunération au niveau du smic. Le coefficient et donc le taux de réduction de cotisations accordée au titre de l’allègement Fillon diminuaient mécaniquement.

• Les modifications apportées par l’article premier de la loi Tepa

Il a été jugé paradoxal et pour le moins contre-productif que la réalisation d’heures supplémentaires, que la loi Tepa entendait favoriser, soit la source de la diminution d’un avantage antérieurement consenti aux employeurs concernant les bas salaires.

La modification du calcul de l’ « allègement Fillon », telle que prévue dans le projet de loi initial, a fait l’objet d’une profonde réforme via un amendement gouvernemental. L’amendement adopté au Sénat a réécrit l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Le V de l’article premier de la loi Tepa procède donc à deux modifications importantes du calcul de l’allègement général sur les bas salaires :

– d’une part, les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires sont exclues de la rémunération utilisée comme référence pour le calcul du montant des allègements généraux. La réalisation et la rémunération de ces heures supplémentaires ne font pas varier le taux de la réduction. Le coût de cette disposition est important pour les finances publiques (cf. infra, troisième partie) ; 

– d’autre part, il n’est plus fait référence au salaire horaire du salarié mais à sa rémunération mensuelle hors heures supplémentaires et à la valeur mensuelle du smic pour 151,67 heures sur la base de la durée légale du travail. Le coefficient était ainsi calculé : coefficient = (0,26/0,6) x [1,6 x (montant mensuel smic/rémunération brute mensuelle du salarié hors heures supplémentaires) - 1)]. Retenir cette base permet de limiter certains effets d’aubaine(43).

4.– La promotion de la réalisation dheures complémentaires et supplémentaires, une mesure inédite et innovante

a) Une mesure inédite en France

La promotion de la réalisation des heures supplémentaires comme moyen d’augmenter le pouvoir d’achat et le temps de travail, en visant l’augmentation de la croissance, est une démarche inédite. Une mesure de ce type n’avait encore jamais été appliquée en France.

Les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, entendus par les rapporteurs, ont cependant indiqué que cet outil, sous des formes variables, avait été utilisé dans d’autres pays. Ainsi, l’Autriche a mis en place une exonération de l’impôt sur le revenu correspondant à la majoration de rémunération de l’heure supplémentaire depuis 1996. L’application de la mesure est plafonnée à 10 heures par mois. En Belgique, les prélèvements fiscaux et sociaux sur la majoration des heures supplémentaires sont réduits depuis 2005 ; l’Italie a introduit une mesure similaire en 2008, mais l’a interrompue à la fin de la même année en raison de la montée du chômage. Le Luxembourg, enfin, prévoit depuis début 2008 des exonérations d’impôts et de charges sociales pour les heures rémunérées au-delà de la durée légale.

Cette politique n’a cependant pas été appliquée avec l’ampleur qu’a connue la France ; ainsi, les expériences étrangères exonèrent uniquement la majoration de la rémunération. Dans ce cas, la partie de la rémunération correspondant à l’heure « normale » n’était pas exonérée. De plus, l’utilisation de cette politique est plafonnée. Enfin, l’utilisation de cet instrument à l’étranger n’a parfois pas été durable, comme le montre le cas de l’Italie.

Il est d’ailleurs regrettable que le Gouvernement n’ait pas fait réaliser le bilan de ces expériences étrangères préalablement aux débats parlementaires. Sa transmission au Parlement aurait contribué à la bonne information du législateur.

b) Une mesure innovante en raison de sa cible – les heures supplémentaires – et de lun de ses volets – la réduction de cotisations salariales

Les allègements de cotisations de sécurité sociale dues par les employeurs sont une mesure utilisée depuis longtemps dans le cadre de la politique de l’emploi ; leur efficacité est parfois d’ailleurs contestée et leurs effets pervers soulignés, notamment l’effet de trappe à bas salaires. Les exonérations d’assiette de l’impôt sur le revenu sont également assez fréquentes dans notre droit, qu’il s’agisse, par exemple, de promouvoir des objectifs d’emploi ou environnementaux.

Le caractère innovant de la mesure Tepa réside plutôt dans deux dimensions : l’objet de cette politique, et son outil principal. C’est en effet la première fois qu’une politique publique prend pour cible les heures supplémentaires, qui constituent un élément de la durée du travail. De plus, il est assez innovant qu’une politique publique utilise l’outil de la réduction de cotisations de sécurité sociale dues par les salariés.

II. PEU DÉTUDES PRÉALABLES COMMUNIQUÉES AU PARLEMENT MAIS UNE MISE EN APPLICATION EXPRESS

Le mécanisme de l’article premier de la loi Tepa a été présenté comme le symbole du retour du « volontarisme » en politique, comme en témoigne la chronologie de l’adoption du projet de loi et son application au 1er octobre 2007. On peut d’ailleurs noter le paradoxe d’une mise en application accélérée alors que peu de travaux d’évaluation des impacts semblent avoir été réalisés, ou, du moins, transmis au Parlement.

A. LABSENCE DÉTUDE DIMPACT OU DE DOCUMENTS SIMILAIRES COMMUNIQUÉS AU PARLEMENT

Une étude d’impact relative à un projet de loi consiste notamment à en faire une évaluation ex ante, en simulant ses effets, ses conséquences (voulues ou non) et ses coûts pour les finances publiques (44).

1.– En 2007, aucune disposition nobligeait le gouvernement à joindre aux projets de loi une étude dimpact

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, postérieure à la loi Tepa, traduit une volonté de mieux éclairer les choix faits en matière de législation et d’améliorer la qualité de l’écriture de la loi. Le troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution issu de cette révision prévoit que la présentation des projets de loi doit satisfaire aux conditions fixées par une loi organique. La loi organique du 15 avril 2009 a disposé que les projets de loi déposés à compter du 1er septembre 2009 doivent faire l’objet d’une étude d’impact.

Depuis cette date, la plupart des projets de loi doivent être accompagnés, lors de leur dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat, d’une étude d’impact. Les dispositions du domaine dit « non exclusif » des lois de finances et des lois de financement font, pour leur part, l’objet d’« évaluations préalables », dont l’absence ou l’insuffisance ne peut toutefois donner lieu à un report de leur inscription à l’ordre du jour, contrairement au cas des autres projets de loi.

Le projet de loi Tepa n’était pas accompagné d’une étude d’impact. Certes, aucune disposition juridique n’imposait alors le dépôt d’un tel texte et qu’il était donc très rare que le gouvernement accompagnât le dépôt d’un projet de loi d’annexes détaillées constituant une étude d’impact. Les informations étaient données, le cas échéant, lors de la discussion parlementaire, de manière orale, ou écrite le cas échéant.

2.– Linsuffisante information du Parlement

a) Peu dinformations ont été données aux parlementaires

« La meilleure étude dimpact, cest le suffrage universel » a affirmé la ministre lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale. La lecture des comptes-rendus de la discussion parlementaire montre cependant que la ministre a été à plusieurs reprises interpellée en séance publique sur le manque d’éléments précis d’évaluation fournis à l’appui de certaines de ses affirmations. Si la ministre décrivait avec précision le dispositif proposé, la description des mécanismes macro-économiques qu’il était supposé susciter n’était pas détaillée. Les demandes relatives à la transmission des éventuels travaux préalables d’évaluation étaient le fait des représentants de l’opposition ; il est cependant à relever que M. Charles de Courson (député du groupe Nouveau Centre), notant que le Parlement manquait d’éléments d’évaluation, a déposé avec le rapporteur M. Gilles Carrez un amendement précisant le contenu du rapport d’évaluation que le Gouvernement devait remettre au Parlement (45) (amendement adopté et devenu le XIV de l’article premier de la loi Tepa).

b) La difficulté de la réalisation dune étude dimpact en 2007

Il faut donc déplorer l’absence d’éléments d’information rendus publics, transmis au Parlement avant la discussion et l’adoption du projet de loi et permettant de procéder à une authentique évaluation ex ante de la mesure.

Cependant, la question de la faisabilité de cette étude d’impact reste de toutes les manières posée. Sa réalisation aurait été rendue difficile par les incertitudes statistiques entourant le chiffrage du nombre d’heures supplémentaires réalisées avant le 1er octobre 2007 (cf. infra). En outre, il est extrêmement difficile de réaliser une étude d’impact « en dynamique » de ce type de mesure, c’est-à-dire une analyse intégrant toutes les conséquences possibles des changements de comportement des agents économiques concernés.

Les rapporteurs ont eu connaissance d’une fiche préparée par la Dares à l’été 2007, transmise au directeur de cabinet de la ministre. Cette note intitulée « Effets possibles sur l’emploi et les heures travaillées de la mesure dexonération fiscale et sociale sur les heures supplémentaires » s’approche d’une étude d’impact sommaire de l’article premier du projet de loi. Cette analyse exploratoire reposait sur une modélisation simple, théorique et stylisée, des effets à moyen terme de la mesure sur l’offre et la demande de travail induits par le dispositif envisagé. Elle s’attachait à en détailler les coûts prévisibles, sans chercher en revanche à en mesurer les effets de stimulation à court terme. Son contenu aurait néanmoins pu utilement être communiqué aux parlementaires avant la discussion de la mesure.

Le document prévoyait que la mesure aurait un effet limité de réduction du coût du travail (- 0,1 % du coût mensuel total) et donc sur la demande de travail par les entreprises (équivalent de + 7500 à 15 000 équivalents ETP, résultat variant selon les hypothèses d’élasticité de la demande de travail à son coût). Il estimait que la mesure aurait un effet plus sensible sur les revenus des salariés mais « complexes » sur l’offre de travail des ménages, notamment parce que la décision de faire réaliser les heures supplémentaires relève des prérogatives de l’employeur et parce que le mode de financement présente une grande importance. En l’absence de financement (46), la mesure envisagée aurait un impact positif sur le volume d’heures travaillées et serait globalement neutre sur le nombre d’emplois.

Compte tenu de l’absence d’éléments transmis lors des débats de l’été 2007, les rapporteurs ont souhaité prendre connaissance des travaux d’évaluation ex ante menés au sein des administrations. Il aurait été en effet intéressant de disposer des éventuels travaux évaluant le coût prévisionnel de la mesure sur les finances publiques ou définissant les conditions permettant effectivement à la durée moyenne du travail des salariés d’augmenter.

Les rapporteurs ont donc envoyé un courrier en ce sens à la ministre. Aucune réponse n’a été apportée à cette demande.

c) Un rapport de membres du Conseil danalyse économique (CAE) était très réservé quant à lefficacité économique du dispositif

Le rapport n° 68 rédigé par les économistes Patrick Artus, Pierre Cahuc et André Zylberberg, membres du CAE, était intitulé « Temps de travail, revenu et emploi ». Ce document a été présenté au Premier ministre M. Dominique de Villepin et au ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie M. Thierry Breton lors de la séance du CAE du 6 mars 2007.

Le site internet du CAE indique que le rapport a été publié le 30 août 2007, soit plus d’une semaine après la promulgation de la loi Tepa et plus de cinq mois après sa présentation aux ministres.

Les rapporteurs ont interrogé au sujet de ce délai M. Pierre Joly, secrétaire général du CAE. Il leur a assuré que le rapport avait été mis en ligne au printemps 2007, avant la discussion parlementaire (47). Cependant, cette mise en ligne comporterait un élément fortuit car elle résulterait d’une « fuite » dont l’origine n’aurait pas été identifiée.

Ce délai de publication assez long (48) doit-il être interprété à l’aune des développements du rapport relatif à la promotion des heures supplémentaires ? Les conclusions de ce rapport se révèlent en tous les cas assez défavorables quant à l’efficacité à attendre de la mesure : « la détaxation des heures supplémentaires aurait un effet incertain sur lemploi, encourageant des comportements de fraude et favorisant les insiders (ceux qui ont des revenus dactivité) vis-à-vis des outsiders (49), avec le risque dun coût non négligeable pour les finances publiques. »

3.– La mesure nest pas le fruit du dialogue social

Comme les rapporteurs ont pu le constater lors de leurs auditions, la mesure d’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires n’est pas issue du dialogue social. Il est vrai qu’elle ne modifie pas le droit du travail et qu’elle ne constitue qu’une dépense pour l’État (50), qui compense les pertes de recettes occasionnées par la mesure aux régimes de sécurité sociale (cf. infra, troisième partie). Selon les informations recueillies par les rapporteurs lors de leurs auditions, le dispositif ne répond directement ni à une demande des représentants des salariés ni à une demande des représentants des employeurs.

En 2007, la consultation des partenaires sociaux s’est principalement effectuée lors de l’avis donné par le conseil d’administration de l’Acoss lors de sa réunion extraordinaire du 11 juin, conformément à l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale. Les représentants des salariés se sont déclarés contre la mesure, notamment sous la forme d’un document commun à la CFDT, la CFE-CGC et la CGT.

B. LA PUBLICATION RAPIDE DES TEXTES DAPPLICATION A PERMIS UNE ENTRÉE EN VIGUEUR TRÈS RAPIDE DU DISPOSITIF

La loi publiée en août 2007 disposait que l’article premier était applicable aux rémunérations versées au titre des heures supplémentaires effectuées à partir du 1er octobre 2007. Le délai très bref séparant la date de publication de la loi de la date de l’application du dispositif doit être souligné. Il est d’usage que ce type de mécanisme adopté à l’année n ne soit applicable qu’au 1er janvier de l’année n+1.

Cette rapidité a conduit, d’une part, les administrations à accélérer sensiblement le processus de rédaction et de publication des textes d’application et, d’autre part, à déployer des efforts de communication substantiels visant à faciliter l’adaptation de tous les acteurs au nouveau dispositif.

Il faut donc souligner la grande réactivité des administrations concernées, dont certaines ont travaillé très en amont de la date d’adoption du dispositif. Ainsi, selon sa représentante entendue par les rapporteurs, il est d’usage que l’administration fiscale, pendant les campagnes électorales nationales, travaille à la faisabilité technique des propositions des principaux candidats. La mesure relative aux heures supplémentaires avait donc fait l’objet de certains travaux techniques préalables lors du premier semestre 2007.

1.– La publication rapide des textes réglementaires dapplication

Selon un responsable d’administration auditionné par les rapporteurs, la publication des textes d’application a fait l’objet d’un traitement particulièrement rapide (des « délais jamais vus »). De nombreuses réunions de concertation, à l’échelon ministériel ou interministériel, ont précédé la publication de ces textes. Certaines réunions se sont tenues dès le début du mois de juin 2007, associant des représentants de la direction de la sécurité sociale, des éditeurs de logiciels de paie, des éditeurs sociaux, des experts-comptables ainsi que des représentants des caisses de sécurité sociale. Il était en particulier nécessaire de préparer le plus en amont possible les modifications du bordereau récapitulatif de cotisations (BRC), formulaire par lequel une entreprise déclare ses cotisations sociales à l’Urssaf (51), et de la déclaration annuelle de données sociales (DADS).

Le projet de décret relatif au régime général est soumis à consultation le 30 août. Il est publié le 25 septembre. Le décret relatif à l’application du dispositif dans la fonction publique est publié le 5 octobre. Les décrets relatifs aux régimes spéciaux sont également publiés rapidement. Le dispositif normatif est complété par des circulaires, notamment la circulaire DSS/5B/2007/358 du 1er octobre 2007.

2.– La mobilisation des acteurs publics et privés pour sajuster au nouveau dispositif normatif

La mise en place du dispositif a nécessité des ajustements de la part des acteurs institutionnels et privés. Elle a suscité des coûts substantiels de communication. Il faut à cet égard mentionner le travail de l’Acoss qui a mis en place un dispositif de communication à l’intention des employeurs. Les Urssaf ont ainsi envoyé plus de huit millions de brochures adaptées aux grandes catégories de cotisant (employeurs du régime général à la déclaration mensuelle, employeurs du régime général trimestriel, employeurs du secteur public, particuliers…). Les plates-formes téléphoniques des Urssaf ont également été mises à contribution, et les sites internet utilisés ont été alimentés en informations utiles. Une campagne a été diffusée sur certaines stations de radio du 26 novembre au 9 décembre 2007.

Il a fallu également procéder à la modification rapide des logiciels de paie. Selon les représentants de l’Acoss, les acteurs ont éprouvé quelques difficultés, du moins au début, à s’adapter au nouveau dispositif. Des restitutions d’un montant significatif ont ainsi été accordées aux entreprises qui ont éprouvé des difficultés à bien évaluer leurs droits.

La ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi a confié une mission à M. Alain Tapie afin d’informer et de promouvoir le dispositif des heures supplémentaires. Il a remis ses conclusions à Mme Christine Lagarde le 11 mars 2008.

III. LE SUIVI PARLEMENTAIRE DUNE DÉPENSE DE PLUS DE
4,5 MILLIARDS D
EUROS

Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, les résultats de l’évaluation ex ante, si elle a été effectivement réalisée, n’ont pas été communiqués au Parlement, ni lors de la discussion de 2007 ni pour les besoins de la présente démarche d’évaluation.

Mais qu’en est-il de l’évaluation ex post et, plus généralement, du suivi parlementaire de la mesure ? La dépense publique correspondant à l’article premier de la loi Tepa est conséquente (cf. infra, troisième partie) ; pourtant, l’information du Parlement sur ses effets restait parcellaire. L’évaluation parlementaire en opportunité de la mesure restait donc à construire.

A. UN RAPPORT AU PARLEMENT EN JANVIER 2009 FACTUEL ET NÉCESSAIREMENT PEU PROLIXE QUANT AUX MODALITÉS DU VOLET « TRAVAILLER PLUS »

1.– Le rapport remis au Parlement en janvier 2009

La rédaction initiale de l’article premier du projet de loi prévoyait qu’un rapport « sur l’évaluation de l’application du présent article » serait remis au Parlement par le Gouvernement « avant le 1er juillet 2009 ». Un amendement présenté à l’Assemblée nationale par M. Gilles Carrez, rapporteur du projet de loi pour la commission des Finances, et M. Charles de Courson, a permis d’accroître la qualité et la quantité des informations fournies aux parlementaires.

Le XIV de l’article premier de la loi Tepa, dans sa rédaction issue de cet amendement, dispose que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’évaluation de l’application du présent article avant le 31 décembre 2008. Ce rapport doit porter sur :

– l’évolution du nombre d’heures supplémentaires, complémentaires et choisies constatée à l’échelle nationale et par branche d’activité ;

– l’impact sur l’économie nationale et les finances publiques de cette évolution ;

– l’évolution des salaires dans les entreprises selon l’importance de leur recours aux heures supplémentaires, complémentaires et choisies ;

– les conséquences de l’article pour l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en tant qu’employeurs.

Ce rapport a été remis au Parlement le 29 janvier 2009 – donc avec retard. Ce document comporte une grande somme d’informations et détaille l’application du dispositif. Malgré un bon rendu factuel, il y manque des développements importants sur l’efficacité des exonérations de cotisations sociales et des informations relatives à l’effectivité du volet « travailler plus ». Il est également dommage qu’il ne présente pas une description des mécanismes macro-économiques à l’œuvre. Cette lacune est notamment explicable par le manque de recul sur l’application d’une réforme entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

2.– Des échanges de courriers entre le président de la commission des Finances de lAssemblée nationale et la ministre compétente

Il est intéressant de noter que l’évaluation de l’effet de l’article premier de la loi Tepa a rapidement donné lieu à de vifs échanges entre l’opposition et le Gouvernement. Ainsi, M. Didier Migaud, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, a écrit à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi, dès le mois d’avril 2008, afin de lui demander des précisions sur l’application du dispositif et sur l’évolution du nombre d’heures supplémentaires sur la période fin 2007 – début 2008, en pointant la « surestimation » du nombre d’heures supplémentaires réalisées en 2006 et en 2007. Le courrier demandait également la communication de l’éventuelle étude d’impact préalable.

Un autre courrier fut envoyé à Mme Christine Lagarde le 18 janvier 2009, demandant des précisions sur le nombre d’heures supplémentaires et le coût de la mesure pour l’État. Des réponses furent apportées le 25 avril 2008 et le 13 mars 2009 au Président de la commission des Finances, mais aucun élément s’approchant d’une étude d’impact ne lui a été transmis (52).

B. LÉVALUATION PARLEMENTAIRE DE LEFFICACITÉ DU DISPOSITIF ÉTAIT À CONSTRUIRE

1.– Des indications chiffrées mais parcellaires

La mesure fait l’objet d’un suivi régulier via plusieurs sources :

– les documents annexés aux projets de loi de finances (tomes I et II du fascicule « Voies et moyens »),

– les documents annexés aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (principalement l’annexe 5),

– les chiffres donnés dans le cadre de la tenue de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

L’annexe 5 aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) donne des précisions chiffrées quant aux volumes globaux de dépenses correspondant aux exonérations et déductions de cotisations sociales de sécurité sociale, sans distinguer toutefois les exonérations de cotisations salariales des déductions de cotisations patronales. Le tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé aux projets de lois de finances chiffre le coût de la dépense fiscale, mais de manière très agrégée.

Quant à la structure de la mission budgétaire « Remboursements et dégrèvements » du budget général, elle est à juste titre critiquée par le rapporteur pour la commission des Finances de l’Assemblée nationale M. Jean-Yves Cousin (rapport n° 2857 « Annexe 38, remboursements et dégrèvements » (53)). Ce dernier souligne l’absence d’évaluation du bien fondé et de la performance des mesures financées dans le cadre de cette mission : « Limperméabilité de la mission à la nouvelle constitution budgétaire est dailleurs telle quelle ne figure pas dans la loi de programmation pluriannuelle et quaucune projection sur les années 2010 et 2011 ne figure au projet annuel de performance, à la différence des autres missions du budget de lÉtat ».

Le suivi de l’application du dispositif est donc très segmenté. Il ne porte pas sur l’ensemble de la mesure de l’article premier de la loi Tepa. Il s’agit d’indications chiffrées, succinctes et parcellaires portant sur les montants des exonérations et le nombre de bénéficiaires. Ces données peuvent d’ailleurs diverger (cf. infra, deuxième partie).

2.– Lévaluation approfondie du dispositif, tant parlementaire que gouvernementale, restait à réaliser

a) Les travaux parlementaires

• Le rapport de la mission d’information sur les exonérations de cotisations sociales

Parmi les travaux parlementaires, on peut notamment citer le remarquable rapport d’information n° 1001 intitulé « Vers une révision générale des exonérations de cotisations sociales » publié en juin 2008 à la suite des travaux de la mission d’information commune (54)de l’Assemblée nationale sur les exonérations de cotisations sociale. Certes, M. Yves Bur (groupe UMP), auteur du rapport, estime qu’il est alors trop tôt pour tirer un bilan du dispositif de l’article premier de la loi Tepa, même si « les premières études menées à linitiative du président de la commission des Finances ont permis de souligner ce que confirment les chiffres publiés par lAcoss : le dispositif est source dimportants effets daubaine, et se révèle coûteux au regard de sa faible efficacité, et des faibles gains de pouvoir dachat moyen quil offre aux salariés ».

Le rapport dresse pourtant des suggestions de lignes directrices très pertinentes pour la gouvernance des mesures d’exonération de cotisations sociales : elles devraient être évaluées ex ante, soumises à un objectif de coût, ratifiées par les lois de financement de la sécurité sociale et systématiquement réévaluées après trois ans d’application.

• Le rapport sur l’application de la loi fiscale de juillet 2008

Le rapport n° 1012 sur « lapplication des mesures fiscales contenues dans les lois de finances et dans la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de lemploi et du pouvoir dachat » (juillet 2008) du rapporteur général de la commission des Finances, M. Gilles Carrez indique que « conformément à lobjectif qui lui était imparti, [la mesure a permis] daccroître fortement le revenu des salariés au titre des heures supplémentaires quils réalisent ».

Compte tenu notamment du peu de recul disponible, le rapport restait beaucoup plus prudent quant à « leffet de la mesure sur le volume dheures effectuées et donc de limpact complet de la mesure en termes de pouvoir dachat, impact dont lévaluation supposerait de déterminer le nombre dheures supplémentaires et assimilées qui auraient été réalisées en labsence de la loi. Tous les éléments disponibles conduisent toutefois à penser que la mesure a permis la réalisation dheures supplémentaires qui nauraient pas été effectuées en son absence ».

• La proposition de loi du député Alain Vidalies « pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs »

M. Alain Vidalies a déposé une proposition de loi (55)« pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs » dont l’article 2 vise à supprimer le dispositif de l’article premier de la loi Tepa.

Le rapport n° 1597 qu’il a rédigé au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur cette proposition de loi décrit de manière très critique une mesure jugée peu efficace, coûteuse et destructrice d’emplois. La commission a rejeté la proposition de loi lors de sa séance du mercredi 8 avril 2009.

La proposition a été discutée en séance publique à l’Assemblée nationale le jeudi 30 avril et rejetée lors d’un vote solennel le mardi 5 mai 2011.

• L’examen du projet de loi de finances pour 2011 au Sénat

Il est intéressant de noter que le rapporteur spécial pour la commission des Finances du Sénat des crédits de la Mission Travail et Emploi, M. Serge Dassault (groupe de l’Union pour un mouvement populaire), s’appuyant sur les travaux de la Cour des comptes, préconisait la suppression du dispositif, du moins son volet fiscal (56). Le rapporteur a déposé un amendement en ce sens mais l’a retiré lors de la réunion de la commission.

b) Les travaux de la Cour des comptes

Les travaux de la Cour des comptes ont été fournis, notamment dans le cadre du Conseil des prélèvements obligatoires (57). Le CPO a en effet publié en octobre 2010 un rapport intitulé « Entreprises et « niches » fiscales et sociales : des dispositifs dérogatoires nombreux  ». Le rapport, jugeant que le dispositif présente « une efficacité limitée pour un coût élevé », préconisait sa suppression : « l’efficience du dispositif semble très limitée, le gain en PIB étant en tout état de cause inférieur au coût de la mesure. » (58).

c) La révision des dépenses fiscales menée par le Gouvernement inclut larticle premier de la loi Tepa

Il peut sembler à la fois difficile et inefficient d’affecter à la dépense fiscale un indicateur annuel de performance. Cela exigerait notamment de définir un indicateur ad hoc du type « Surcroît dheures supplémentaires imputables au dispositif », dont l’élaboration serait longue, incertaine et coûteuse. Une évaluation de fond menée à intervalle régulier apparaît sans doute préférable.

L’article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012 a prévu l’évaluation de l’ensemble des dispositifs d’atténuation de recettes fiscales et sociales d’ici à la fin de la mandature, et pour les dépenses fiscales en vigueur le 11 février 2009, d’ici le 30 juin 2011. Dans ce cadre, la dépense fiscale n° 120136 relative à l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires et des heures complémentaires de travail doit bien faire l’objet d’une évaluation.

Selon les informations recueillies par les rapporteurs, c’est bien l’ensemble du dispositif de l’article premier de la loi Tepa qui fera l’objet de l’évaluation, et pas uniquement son volet fiscal.

DEUXIÈME PARTIE : LE MÉCANISME NA PAS PRODUIT UNE AUGMENTATION MESURABLE SIGNIFICATIVE DU NOMBRE TOTAL DHEURES TRAVAILLÉES

Cette partie s’attache à évaluer la réalisation d’un des objectifs de la mesure, l’accroissement du volume d’heures travaillées : la loi Tepa a-t-elle conduit au « travailler plus » ?

I. UNE MESURE MARQUÉE PAR LE CONTEXTE DE LANNÉE 2007 ET QUI A CONNU UNE APPLICATION MASSIVE

A. « TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS » : UNE MESURE MARQUÉE PAR LE CONTEXTE PARTICULIER DE LANNÉE 2007 ET QUI VISE À CHANGER LES COMPORTEMENTS DES SALARIÉS ET DES EMPLOYEURS

Le mécanisme-cible de la mesure et les objectifs correspondants (cf. infra, 2 et 3) doivent être replacés dans le contexte de l’année 2007 (cf. infra, 1).

1.– La conjoncture économique au premier semestre 2007

L’introduction de la mesure est marquée par le contexte économique prévalant au premier semestre de l’année 2007. La croissance du PIB atteint en effet 2,2 % en 2006 et 1,9 % en 2007.

Ce dynamisme relatif créait des tensions sur certaines catégories de main d’œuvre ou secteurs (traditionnellement, la construction et le secteur HCR hôtellerie – cafés – restaurants). Le taux de chômage, à environ 8 %, contre 8,8 % en 2006, semblait se rapprocher peu à peu du taux de chômage structurel (59).

Dans ces conditions, il pouvait être justifié – les considérations relatives au coût de la mesure ou aux effets d’aubaine et d’optimisation mises à part – de souhaiter mettre en place un tel dispositif. La mesure était en effet censée permettre de remédier à certains goulots d’étranglement constatés dans le processus de production. Dans l’esprit de ses promoteurs, elle devait rendre plus facile le recours aux heures supplémentaires et susciter un surcroît de croissance grâce à la flexibilité accrue des entreprises.

Les conditions macro-économiques ont ensuite profondément changé. Les années suivantes furent en effet marquées par la croissance atone de 2008 et la récession de 2009, le PIB croissant ensuite de 1,5 % en 2010. Le chômage n’a pas poursuivi sa décrue et a atteint 9,1 % en 2009 et 9,7 % au premier trimestre 2011.

2.– Une mesure, cinq cibles : volume dheures supplémentaires, revenus des salariés, temps de travail des salariés, croissance et niveau de lemploi

Une des difficultés de la démarche d’évaluation réside dans l’identification précise et exhaustive des objectifs de politique économique de la mesure. En effet, le dispositif poursuit des objectifs diversement mis en avant, qui se déclinent également selon leur échéance respective :

– les deux objectifs de « premier rang », de court terme, sont explicites : augmenter le nombre d’heures supplémentaires et le pouvoir d’achat, soit « travailler plus pour gagner plus ». L’évaluation de la mesure doit donc nécessairement s’intéresser à la réalisation de ces objectifs (cf. infra, troisième partie, pour l’évaluation du « gagner plus ») ;

– un objectif de « deuxième rang » de la mesure, moins mis en avant lors de la discussion parlementaire, vise à l’augmentation globale du temps de travail des salariés. Il serait en effet peu efficient que le volume d’heures supplémentaires effectuées augmente mais que la durée totale effective de travail reste constante ; la présente évaluation tentera d’estimer la réalisation de cet objectif (cf. infra) ;

– enfin, la mesure poursuit des objectifs que l’on pourrait qualifier « de troisième rang » car formulés de manière encore plus diffuse dans les débats parlementaires. Ces objectifs sont supposés être le résultat, à moyen et long terme, des effets du dispositif : croissance du produit intérieur brut et du niveau de l’emploi, contribuant ainsi à faire diminuer le taux de chômage.

3.– Changer les comportements des employeurs et des salariés

Afin d’aboutir aux résultats recensés supra, le mécanisme visé est censé réduire le coût de l’heure de travail et augmenter la rémunération nette (ou « supernette » en y incluant l’exonération fiscale) perçue par le salarié. L’effet de ces deux mesures est supposé conduire à :

– une augmentation du nombre d’heures supplémentaires,

– un surcroît de pouvoir d’achat grâce au supplément de revenus ainsi distribué,

– une demande stimulée,

– et donc un surcroît de croissance et une amélioration du niveau de l’emploi.

L’idée présidant au dispositif est bien d’inciter à changer les comportements par la modification combinée du coût et du revenu tiré de l’heure supplémentaire.

Laugmentation de la rémunération nette de l’heure supplémentaire est présumée emporter deux effets.

D’une part, elle augmentera les revenus des salariés. D’autre part, elle est censée les conduire à accroître leur offre de travail, incitant certains à revenir sur le marché du travail et à occuper un emploi (cet « effet d’offre » est accru, en théorie, s’agissant des personnes employées à temps partiel, dans la mesure où elles sont réputées susceptibles de pouvoir moduler la quantité d’heures de travail qu’elles effectuent).

La réduction du coût associé à l’heure supplémentaire de salarié doit inciter les employeurs à accroître la demande de travail en direction des ménages. Cet effet est cependant modulé, dans certains cas, par la hausse du coût de l’heure supplémentaire pour les entreprises de 20 salariés au plus qu’entraîne l’application d’un des volets du dispositif (cf. infra).

B. UN DISPOSITIF DAPPLICATION MASSIVE : PLUS DE NEUF MILLIONS DE BÉNÉFICIAIRES, SOIT PLUS DUN ACTIF SUR TROIS

L’évaluation de l’efficacité du volet « travailler plus » de la mesure pose la question de la pertinence des indicateurs correspondants. En effet, interpréter l’évolution brute, annuelle ou trimestrielle, du nombre total d’heures supplémentaires, si elle constitue un premier indicateur – nécessaire – de l’efficacité de la mesure en la matière, est loin d’être suffisant.

1.– Les données fournies par ladministration fiscale

Les données extraites des déclarations de revenus ne permettent pas de quantifier le nombre d’heures supplémentaires exonérées. Elles identifient le nombre de personnes en déclarant et le nombre de foyers concernés, ainsi que le volume des rémunérations versées à ce titre. Le tableau suivant, qui recense les données fiscales les plus récentes communiquées aux rapporteurs, montre notamment le faible nombre de foyers fiscaux où plus d’un membre effectue des heures supplémentaires, complémentaires ou choisies rémunérées ayant fait l’objet d’une déclaration. Il livre également des données intéressantes quant au nombre de foyers fiscaux non imposables déclarant des heures supplémentaires.

VOLET FISCAL DE LEXONÉRATION DE LIMPÔT SUR LE REVENU
DES HEURES COMPLÉMENTAIRES ET SUPPLÉMENTAIRES 2008-2010

 

Au titre des revenus 2007 (année incomplète)

Au titre des revenus 2008

Au titre des revenus 2009

Au titre des revenus 2010

Nombre de salariés déclarants des heures supplémentaires,
en millions 
(60)

4,453

9,477

9,258

ND

Nombre de foyers fiscaux concernés (61),
en millions

ND

ND

8,638 dont

- 5,7 de foyers imposables

- 2,9 de foyers non imposables

ND

Assiette d’exonération,
en milliards d’euros

1,9

11,6

11,6

ND

Total de la dépense fiscale en milliards d’euros

0,220

1,290

1,390 (62)

1,360

Source : Direction de la législation fiscale et tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé aux projets de lois de finances.

Le chiffre de 9,2 millions de bénéficiaires est à rapprocher de l’emploi salarié total, soit 23,6 millions de salariés et assimilés en 2009 (63). Le dispositif a donc concerné près de 40 % des salariés. De ce point de vue, l’application est bien massive, même si le montant du gain par déclarant peut varier très sensiblement : il suffit en effet à un salarié de déclarer une heure supplémentaire exonérée pour être décompté comme bénéficiaire (cf. infra, troisième partie).

La rémunération totale résultant des heures supplémentaires exonérée d’impôt s’élevait en 2008 et 2009 à 11,6 milliards d’euros.

2.– Une application massive dans le secteur privé

Le tableau suivant donne des indications sur le nombre total d’heures supplémentaires, la répartition par taille des entreprises et le nombre de salariés concernés pour les années 2008 à 2010.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DHEURES SUPPLÉMENTAIRES
SUR LA PÉRIODE 2008 – 2010

 

Volume total dheures supplémentaires

Tranches dentreprises
par nombre de salariés

2008

2009

2010

1 à 9

180 137 393

181 321 415

185 009 068

10 à 19

123 446 741

118 435 921

121 103 020

20 à 49

141 064 040

128 894 844

134 499 216

50 à 99

60 949 632

56 020 756

58 061 544

100 à 249

69 643 220

60 435 891

65 498 337

250 à 499

34 689 385

31 158 469

32 330 171

500 à 1 999

45 292 522

39 768 274

39 559 809

2 000 et plus

72 523 611

61 473 226

67 963 755

TOTAL (Acoss)

727 746 544

677 508 794

704 024 920

Nombre de salariés (tous régimes) concernés en millions

6,035

5,16
(soit - 19 % par rapport à 2008)

NC

Source : Acoss et annexe 5 aux projets de loi de financement de la sécurité sociale pour le nombre de salariés.

Des développements infra procéderont à une analyse de ces données.

3.– Dans les fonctions publiques, la mesure a facilité les restructurations en contribuant aux gains de rémunération

a) Des conditions dapplication et un contexte particuliers

L’application du dispositif aux personnels relevant des trois fonctions publiques (fonction publique de l’État, fonction publique hospitalière et fonction publique territoriale) diffère de la mise en place du mécanisme dans les entreprises.

Ainsi, les employeurs publics, quel que soit le statut de l’agent, ne bénéficient pas de la déduction de cotisations. L’effet incitatif du volet social de la mesure visant à modifier les comportements des employeurs ne peut donc se déployer.

L’autre particularité est que l’activité des personnels relevant des trois fonctions publiques n’a pas été directement concernée par la récession de 2008 - 2009.

S’agissant des fonctions publiques, l’application du dispositif est donc limitée à ses volets relatifs à l’exonération de cotisations salariales et à l’exonération fiscale, le tout à l’avantage exclusif de l’agent public dont les revenus augmentent. La mesure a néanmoins bénéficié aux employeurs publics en facilitant la réalisation d’heures supplémentaires par des agents mieux rémunérés et donc supposés plus motivés.

L’article premier du décret n° 2007-1430 du 4 octobre 2007 portant application aux agents publics de l’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat liste de manière exhaustive les dispositifs permettant le bénéfice de l’exonération fiscale et de l’exonération de cotisations salariales. Applicable aux trois fonctions publiques, l’article 2 du décret met en place un système rigoureux de contrôle du décompte des heures supplémentaires ; ainsi, seules les heures supplémentaires liées à l’activité principale du fonctionnaire (64) sont éligibles au dispositif.

Il est de plus à signaler que le décret n° 2008-199 du 27 février 2008 relatif à la rémunération des heures supplémentaires (indemnités horaires pour travaux supplémentaires) de certains fonctionnaires a porté à 25 % la majoration de la rémunération des 14 premières heures supplémentaires, les 14 suivantes étant rémunérées à 27 %. Cette mesure a contribué à aligner le statut des agents concernés sur celui des salariés du secteur privé, au moins pour la rémunération des huit premières heures supplémentaires.

b) Dans la fonction publique de lÉtat, une mesure qui a surtout bénéficié aux enseignants et aux agents relevant des catégories B et C

La réforme s’est appliquée pour l’État dans le contexte particulier intervenu après le lancement, dès l’été 2007, de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Ce programme de réforme a conduit à un certain nombre de restructurations, particulièrement des échelons locaux des administrations, conséquence notamment de la fusion de directions d’administrations centrales.

Corrélativement, le contexte était également marqué par l’application de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dite « règle du un sur deux ». Celle-ci consiste à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; en contrepartie, 50 % de l’économie ainsi réalisée doit être reversée aux personnels en activité sous la forme de mesures catégorielles (ces sommes sont qualifiées de « retour catégoriel »). L’application de l’article premier de la loi Tepa a contribué au respect de la règle du « un sur deux », la possibilité de mieux rémunérer les heures supplémentaires ayant facilité son application.

La Cour des comptes a présenté en septembre 2010 devant la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire un rapport relatif à l’évolution de la masse salariale de l’État (65). Malgré la règle du « un sur deux », la Cour constate une « dérive » des dépenses de personnel de l’État, essentiellement imputable au poids des mesures catégorielles et au financement des heures supplémentaires (66).

Contrairement à la situation prévalant dans le secteur privé (cf. infra), des données relatives aux heures supplémentaires des fonctionnaires de l’État, antérieures à l’application de la réforme étaient disponibles ; c’était notamment le cas des effectifs concernés et des revenus tirés des heures supplémentaires effectués. Il n’a en revanche pas été possible de recueillir des données portant sur le nombre d’heures concernées. Sur le champ des dépenses en personnel de l’État, les chiffres sont les suivants :

LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES DANS LA FONCTION PUBLIQUE DÉTAT,
DÉPENSES ET EFFECTIFS CONCERNÉS POUR LA PÉRIODE 2007 - 2010

 

2006

2007

2008

2009

2010

Dépenses totales au titre des heures supplémentaires en milliards d’euros

(Croissance en % par rapport à l’année antérieure)


0,986


0,979


1,293



(+ 32)


1,431



(+ 10,7)


1,495



(+ 4,5)

(NB : dont 732,7 millions d’euros au titre des heures supplémentaires réalisées par les enseignants de l’enseignement secondaire et technique)

Effectifs concernés en milliers (67)

(Croissance en % par rapport à l’année antérieure)

509 514

507 064

549 893

(+ 8,4)

552 718

(soit + 0,5)

557 870

(soit + 0,9)

Estimation du montant moyen par fonctionnaire en euros (68)

(Croissance en % par rapport à l’année antérieure)


1 935


1 930


2 351




(+ 21,8)


2 589




(+ 10,1)


2 680




(+ 3,5)

Source : Direction générale de ladministration et de la fonction publique (DGAFP)

Le nombre d’agents concernés constitue environ un cinquième du nombre total des fonctionnaires de l’État (69) : le dispositif n’est donc pas appliqué de manière aussi massive que dans le secteur privé. Le nombre d’agents concernés par le versement de rémunérations pour heures supplémentaires n’augmente que faiblement entre 2006 et 2010. Il semble donc que l’application du nouveau dispositif soit assez concentrée, probablement sur les fonctionnaires bénéficiant des « retours catégoriels » et les fonctionnaires dont le régime indemnitaire est peu favorable. Selon les données fournies par la DGAFP, le dispositif bénéficie principalement aux agents titulaires, et parmi eux, aux enseignants (70) et aux agents des catégories B et C. Les autres bénéficiaires à titre principal sont les policiers, les personnels de l’administration pénitentiaire et les conducteurs automobiles. Il est à noter que si les bénéficiaires sont à parts égales des hommes et des femmes, les montants versés aux hommes sont plus importants (58 % contre 42 %), ce qui pourrait être imputable aux différences globales constatées de niveaux de rémunération.

Malgré l’absence d’effets incitatifs visant les employeurs, les dépenses totales au titre des heures supplémentaires augmentent significativement entre 2007 et 2008, hausse qu’on peut imputer :

– au moins partiellement, à la mise en œuvre concomitante de la RGPP et aux besoins en heures supplémentaires nés des ajustements suscités par ces réformes ;

– à l’augmentation des obligations de service des enseignants du secondaire ;

– de manière plus marginale, à l’accroissement de la majoration de la rémunération des heures supplémentaires intervenue en février 2008 (cf. supra), celle-ci ne s’appliquant cependant qu’aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires.

c) Dans la fonction publique hospitalière

Malgré l’absence de réponse de la part de la Direction générale de l’organisation des soins (DGOS) (71) aux demandes des rapporteurs, l’audition des représentants de la Fédération hospitalière de France (FHF) a permis de dresser un premier bilan qualitatif de l’application du dispositif.

Le dispositif, dans ses volets fiscaux et d’exonération de cotisations salariales (72), s’est appliqué aux agents publics hospitaliers fonctionnaires et non-titulaires, à l’exception des personnels médicaux ; il a principalement bénéficié aux infirmières, aux sages-femmes et aux secrétaires médicales.

Sur l’ensemble des établissements adhérents à la FHF, le volume d’heures déclarées en 2008 et 2009 représente des rémunérations totales d’environ 44 millions d’euros. Il s’est significativement accru depuis 2007 (+ 20 % du nombre d’heures supplémentaires selon les données de la FHF). À la suite de la loi Tepa, les agents ont préféré l’indemnisation des heures supplémentaires plutôt que leur récupération ; l’indemnisation est en effet jugée de nature plus incitative à la réalisation d’heures supplémentaires (73). Le recours à l’intérim semble avoir légèrement diminué.

Le dispositif est jugé utile dans la mesure où il permet, d’une part, de gratifier des personnels aux conditions de travail particulièrement difficiles (travail de nuit et urgences, notamment) et, d’autre part, de remédier au niveau insuffisant de la rémunération de certaines catégories, particulièrement des cadres. Il permet enfin d’obtenir plus facilement l’accord des personnels pour être rappelés pour des heures supplémentaires dans le contexte d’une organisation de travail rendue plus tendue par la concurrence du secteur privé et la réduction de la durée légale du travail.

Dans un contexte de croissance de l’activité hospitalière publique, où certains métiers de l’hôpital connaissent des difficultés de recrutement et où les créations d’emplois sont rares, le dispositif est jugé positivement par les représentants des hôpitaux entendus par les rapporteurs.

d) Dans la fonction publique territoriale

Pour apprécier l’application du dispositif, il manque les données relatives au nombre d’heures supplémentaires réalisées avant la réforme dans les administrations territoriales.

Selon les données du rapport au Parlement, issues d’enquêtes menées auprès des collectivités représentatives de 1,585 millions d’agents et portant sur le 4e trimestre 2007 et les cinq premiers mois de 2008, 113 000 agents en moyenne chaque mois ont bénéficié du dispositif d’exonération des indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) en 2007, soit 7,1 % des effectifs de la fonction publique territoriale, à raison de 16 heures mensuelles par agent.

La plupart des heures supplémentaires avaient été effectuées par des agents de catégorie C. Le nombre d’heures supplémentaires effectuées par agent concerné était supérieur à celui mis en évidence dans le secteur privé.

Selon « Le rapport annuel sur l’état de la fonction publique – Faits et chiffres 2009 - 2010 » (74), 174 000 agents en moyenne, chaque mois, ont bénéficié en 2008 du dispositif. Cela représente environ 10 % des effectifs totaux.

Le rapport indique également que sur 15 mois d’application, la mesure a porté sur 33,9 millions d’heures supplémentaires, le montant des exonérations atteignant 80,4 millions d’euros.

II. LEFFICACITÉ DU VOLET DE LA MESURE INCITANT AU « TRAVAILLER PLUS » NA PAS ÉTÉ CONSTATÉE

La démarche d’évaluation suivie par les rapporteurs a d’abord cherché à évaluer l’effectivité du volet « travailler plus » de la mesure visée par l’article premier de la loi Tepa, avant de s’attacher à évaluer le « gagner plus » et la réalisation des objectifs de moyen et long terme de croissance du PIB et du niveau de l’emploi (cf. infra, troisième partie). Cette évaluation exige un travail préalable de définition de la formule du « travailler plus ».

A. LÉVALUATION DOIT RECHERCHER LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES RÉELLEMENT « SUPPLÉMENTAIRES » ET MESURER LÉVENTUELLE AUGMENTATION DU TEMPS DE TRAVAIL GLOBAL

1.– Lévaluation est rendue difficile par labsence de point de référence en matière de nombre dheures supplémentaires

M. Gilles Carrez, dans son rapport précité sur l’évaluation de la loi fiscale (juillet 2008), estimait qu’« il nest […] pas possible, à ce stade, d’évaluer rigoureusement l’impact de la loi sur le nombre d’heures travaillées ». Selon l’un des responsables d’administration centrale entendus par les rapporteurs, « il n’est pas exclu que l’évaluation de la loi Tepa soit pratiquement impossible ».

Il est vrai que l’évaluation se heurte aux difficultés traditionnelles de l’analyse économique. Il est en effet notoirement difficile d’imputer à un événement isolé – ici la réforme évaluée – l’évolution d’une ou de plusieurs variables macro-économiques (analyse « toutes choses égales par ailleurs »).

De plus, une autre difficulté de l’évaluation réside dans la variété des situations des entreprises et des salariés concernés : l’impact de la mesure varie en effet de manière significative suivant la taille et le secteur de l’entreprise, le montant des rémunérations du salarié ou le caractère imposable du foyer auquel il appartient.

En outre, l’évaluation doit tenir compte de deux facteurs spécifiques rendant encore plus ardues l’analyse et l’interprétation de l’évolution des heures supplémentaires : l’absence de comptabilisation fiable des heures supplémentaires avant 2007 (a) et la conjoncture de 2008-2009 (b).

a) Labsence de « point zéro » de la comptabilisation des heures supplémentaires

L’un des points les plus délicats de la démarche d’évaluation tient à l’absence de la mesure fiable du nombre d’heures supplémentaires avant le 1er octobre 2007. C’est la raison pour laquelle en 2007, lors de la préparation du projet de loi, la Dares avait estimé, sur la base des données alors disponibles, le nombre d’heures supplémentaires à 900 millions d’heures. Ce chiffre s’est révélé excessif (cf. infra, les développements sur les causes de cette surestimation). En conséquence, les coûts prévisionnels de la mesure avaient été surestimés.

• Un changement de la mesure des heures supplémentaires après le 1er octobre 2007

Avant la fin de l’année 2007, les données disponibles provenaient de l’enquête trimestrielle Acemo (75) réalisée par la Dares auprès des entreprises de plus de dix salariés (une enquête spécifique annuelle traitant les entreprises de moins de dix salariés). Il n’y avait alors ni incitation ni obligation à déclarer spécifiquement les heures supplémentaires.

Ainsi, les heures supplémentaires faisant l’objet de repos compensateurs ou consacrées au remplacement ponctuel de collègues absents n’étaient souvent pas déclarées dans les enquêtes, de même que les heures supplémentaires « structurelles » (cf. infra). Comme le souligne le rapport remis au Parlement sur l’évaluation de l’article premier de la loi Tepa, compte tenu des accords conventionnels, la définition même de l’heure supplémentaire était difficile à appréhender de manière uniforme. La fiabilité de ces données n’était pas certaine.

La base statistique a été améliorée, notamment grâce à l’enquête Ecmoss de l’Insee (76), les données relatives à 2005 n’ayant été cependant disponibles qu’à la fin de l’année 2007. De plus, l’Acoss fournit des chiffres de référence, sur la base des déclarations à l’administration du recouvrement (77).

• Les heures supplémentaires avant la loi Tepa : 730 millions d’heures en 2007 ?

En octobre 2008, une publication de la Dares (78) a estimé, sur la base d’enquêtes de l’Insee (enquête annuelle Ecmoss), de la Dares (enquête trimestrielle Acemo) et de l’Acoss auprès des entreprises, que le nombre d’heures supplémentaires en 2006, sur le champ des entreprises du secteur concurrentiel et hors secteur agricole, se montait à environ 630 millions, « cette estimation étant entourée dune marge notable dincertitude ». La même étude estimait à 730 millions le nombre d’heures supplémentaires effectuées en 2007, soit une hausse de près de 100 millions par rapport à 2006. Plusieurs facteurs indépendants de la loi Tepa ont eu un effet à la hausse du montant total des heures supplémentaires entre 2006 et 2007 : d’une part, le dynamisme de la conjoncture, et, d’autre part, les conséquences de la modification du cadre règlementaire relative aux conséquences de l’annulation du régime d’« équivalence » dans les hôtels, cafés et restaurants (79).

b) Lampleur de la crise à partir de 2008

L’évaluation des variations du nombre d’heures supplémentaires imputables exclusivement au dispositif est enfin rendue particulièrement difficile par la crise de 2008-2009. Cette crise économique a été particulièrement intense, menant à un recul du PIB en 2009 de – 2,6 % (les précédentes récessions conduisant à des baisses du PIB concernaient les années 1975 et 1993). Cet épisode conjoncturel atypique a brouillé les repères existants. Il rend difficile l’interprétation des variations d’une donnée qui est de plus dépourvue de « point zéro ».

2.– À la recherche des heures supplémentaires « supplémentaires »

a) Lheure supplémentaire, une « zone grise » du droit du travail ?

Effectuer des heures supplémentaires peut emporter, pour les salariés concernés, des conséquences dommageables, comme la dégradation de leur qualité de la vie personnelle ou familiale, voire de leur santé. Cela peut en outre entraîner des dépenses supplémentaires, souvent constituées de frais de transport ou de garde d’enfants80. Afin de protéger les salariés, des dispositions légales prévoient donc le plafonnement de la durée du travail.

Les employeurs décident généralement du nombre des heures supplémentaires réalisées par les salariés. Ces derniers ne peuvent refuser de les réaliser si elles remplissent les conditions fixées par les dispositions conventionnelles et législatives applicables. Cette considération doit cependant être nuancée.

Une étude de la Dares a ainsi montré, sur la base d’enquêtes, que le nombre de refus d’heures supplémentaires par les salariés a triplé entre 1998 et 2004. L’étude de la Dares indique ainsi que ce type de conflit est souvent cité comme la seule forme d’action collective dans les petits établissements de moins de 100 salariés (81).

De plus, les spécialistes des ressources humaines estiment qu’avant 2007, et encore aujourd’hui, la mesure exacte du volume d’heures supplémentaires effectivement travaillées est difficile. Dans certains cas, la décision d’effectuer et de déclarer une heure supplémentaire relève des décisions conjointes de l’employeur (voire de l’encadrement) et du salarié. L’heure supplémentaire serait ainsi, pour reprendre les termes d’un professionnel des relations du travail entendu par les rapporteurs, une « zone grise » du droit du travail, relevant d’accords informels entre les salariés et leur encadrement. En particulier, l’heure supplémentaire individuelle – qui n’est pas intégrée à des horaires collectifs – est parfois effectuée à l’initiative du salarié. Cette dernière observation est surtout valable pour les salariés qualifiés, ces derniers ayant particulièrement bénéficié du dispositif (cf. infra, troisième partie).

Avant 2007, notamment en raison de la législation assez rigide en matière de temps de travail (information de l’inspection du travail, repos compensateurs), de nombreux employeurs versaient des « primes » ou des « bonus », qui s’apparentaient à la rémunération des heures supplémentaires non déclarées. Pour les salariés des petites entreprises, il était parfois difficile de faire déclarer les heures supplémentaires et d’en obtenir le paiement. Dans d’autres cas, la rémunération des heures supplémentaires, avec la majoration, était intégrée aux heures normales : les heures supplémentaires étaient bien réalisées et payées, mais pas déclarées comme telles.

Avant la réforme issue de la loi Tepa, une heure supplémentaire travaillée pouvait être non déclarée, voire non rémunérée, surtout dans les très petites entreprises (TPE).

b) Rechercher le volume dheures supplémentaires « supplémentaires » suscitées par le dispositif

L’appréciation du « travailler plus » doit s’analyser dans la globalité du temps de travail du salarié. C’est bien en effet l’accroissement global des heures travaillées qui est recherché, pas seulement celui des heures supplémentaires.

C’est pourquoi la démarche d’évaluation pose la question de savoir si la mesure a permis de créer des heures supplémentaires « supplémentaires », c’est-à-dire des heures de travail effectives créées et directement imputables au dispositif. Cette démarche impose de se pencher sur les évolutions respectives des heures supplémentaires et de la durée globale de travail. Celles-ci dépendent directement du caractère incitatif de la mesure sur l’employeur.

3.– Leffet de la mesure sur le coût du travail est ambigu

a) Des effets incitatifs sur lemployeur et le salarié nécessairement contrastés

La réduction du coût de l’heure supplémentaire, elle-même suscitée par la déduction forfaitaire de cotisations sociales, est supposée avoir une influence directe sur la décision de l’employeur de faire réaliser des heures supplémentaires par son salarié. Compte tenu de la rémunération accrue de l’heure supplémentaire et de son caractère incitatif pour le salarié, l’employeur peut également moins hésiter à faire réaliser des heures supplémentaires.

Qu’en est-il du comportement des salariés qui, dans la plupart des situations, effectuent les heures supplémentaires à la demande de l’employeur ? La majoration du revenu tiré de ces heures supplémentaires peut effectivement inciter certains salariés à effectuer ces heures supplémentaires de la manière la plus productive possible et avec une motivation accrue. Elle peut aussi les inciter à revenir sur le marché du travail. Cet effet est difficilement mesurable mais il est moins évident que l’effet incitatif visant l’employeur. Il est du reste à souligner que « l’effet retard » de l’avantage fiscal au titre de l’impôt sur le revenu, perçu un an après les revenus encaissés, ne contribue pas à cet effet de stimulation.

b) Lévolution du coût de lheure supplémentaire suscitée par la loi est fonction de la rémunération des salariés et de la taille de lentreprise

Comme cela a été noté supra, l’article premier de la loi Tepa abroge de manière anticipée des dispositifs dérogatoires permettant à certaines entreprises, essentiellement des entreprises de 20 salariés au plus, de ne majorer que de 10 % certaines heures supplémentaires (il a également mis fin de manière anticipée à un mode d’imputation des heures supplémentaires sur le contingent relativement favorable aux employeurs) (82). Ces entreprises ont dû, à compter du 1er octobre 2007, majorer la rémunération de ces heures supplémentaires à un taux de 25 %. Ce point conduit à nuancer l’effet incitatif de la déduction forfaitaire de cotisations sociales pour l’employeur.

La mesure conduit bien à une diminution du coût de l’heure supplémentaire dans les entreprises où les dispositions dérogatoires de la loi du 31 mars 2005 ne s’appliquaient pas, diminution particulièrement sensible pour les rémunérations jusqu’à 1,6 smic (la baisse atteint environ 20 % au niveau du smic). Ce cas peut concerner des entreprises de vingt salariés au plus bénéficiant de la majoration de la déduction forfaitaire et appliquant une majoration salariale des heures supplémentaires conventionnelle (par exemple, le secteur des cafés et restaurants).

Néanmoins, la mesure, malgré la majoration de la déduction forfaitaire de cotisations sociales patronales, a pu accroître, sur l’année 2008, le coût du travail pour d’autres entreprises, comme le montre le tableau suivant établi par l’institut COE-Rexecode.

ÉVOLUTION DU COÛT DUNE HEURE SUPPLÉMENTAIRE
À LA SUITE DE L
APPLICATION DE LA LOI TEPA

(en %)

Salaire horaire

1 smic

1,1 smic

1,2 smic

1,3 smic

1,4 smic

1,5 smic

1,6 smic et plus

Entreprises de 20 salariés au plus


- 4,6


- 1,7


0,5


2,2


3,6


4,7


5,7

Entreprises de plus de
20 salariés


- 4,8


- 4,1


- 3,6


- 3,2


- 2,9


- 2,6


- 2,4

Répartition des effectifs salariés (en %)


13


11


11


9


7


6


43

Source : calculs COE-Rexecode et DADS pour la répartition des effectifs salariés.

Note de lecture : pour une entreprise de moins de 20 salariés, le coût dune heure supplémentaire dun salarié rémunéré 1,1 smic est, suite à lapplication de la loi Tepa, inférieur de 1,7 % au coût supporté avant la réforme.

Le tableau supra établit que la combinaison des différents mécanismes à l’œuvre conduit bien à l’accroissement du coût de l’heure supplémentaire, dans les entreprises de vingt salariés au plus, pour les salariés rémunérés à plus de 1,2 smic. Cet accroissement peut être sensible dans le cas des salariés rémunérés au-delà de 1,6 smic (à titre de rappel, le salaire médian en 2006 se montait à 1 555 euros nets) (83).

Sur des bases un peu différentes, le rapport d’information précité de M. Gilles Carrez sur l’application de la loi fiscale évalue les effets de la mesure sur le coût mensuel du travail pour un salarié travaillant 39 heures par semaine en cas de relèvement de la majoration salariale : le coût de l’heure supplémentaire diminuerait de 5,72 % pour un salarié au smic et augmenterait de 13 % pour un salarié rémunéré à 2 smic.

Quant à l’effet global macro-économique sur le coût du travail, il est fonction :

– de la distribution des rémunérations des salariés ;

– du nombre de salariés employés dans les entreprises visées par la fin anticipée du régime dérogatoire ;

– du nombre d’heures supplémentaires réalisées par ces salariés et de la proportion des rémunérations considérées dans la masse salariale totale (sur le champ de l’Acoss, l’assiette des heures supplémentaires représente environ 3,5 % de la masse salariale totale).

Selon certaines études (cf. supra, note de la Dares rédigée à l’été 2007), le coût du travail diminuerait globalement de 0,1 %. Cette diminution apparemment très faible doit être cependant nuancée : en effet, c’est plutôt la diminution du coût du travail « en marginal » – celui de l’heure supplémentaire effectuée par un même salarié – qui est visée par la mesure, objectif plus ou moins atteint selon la taille de l’entreprise et le niveau de rémunération (cf. supra).

L’effet de la mesure sur le coût de l’heure supplémentaire étant contrasté, l’effet incitatif sur l’employeur en est donc réduit, ce qui pourrait expliquer partiellement les résultats décevants s’agissant du nombre d’heures supplémentaires directement imputables au dispositif (cf. infra). L’institut COE-Rexecode estime l’effet incitatif sur le temps de travail global à l’équivalent de 4 000 emplois à temps plein (emplois ou équivalents en heures travaillées).

B. LE VOLET RELATIF AU « TRAVAILLER PLUS » NEST PAS DOCUMENTÉ

1.– Les risques deffet daubaine et doptimisation ne sont pas négligeables

De manière générale, la théorie économique estime qu’utiliser la durée du travail comme base taxable n’est pas efficient car il est difficile de la mesurer et donc de la vérifier. Le contrôle par l’administration est en effet réputé difficile, la durée du temps de travail étant souvent déclarée d’un commun accord par l’employeur et le salarié. Dans cette perspective, la mesure évaluée comporte des risques substantiels de subvention d’heures supplémentaires déjà réalisées et de substitution d’heures supplémentaires subventionnées à des heures « normales ».

Ces risques étaient identifiés à l’été 2007 puisque l’exposé des motifs du projet de loi indiquait que « des dispositions sont bien entendu prévues pour prévenir les effets doptimisation, afin déviter lartifice consistant à limiter ou à réduire la durée du travail pour faire fictivement apparaître des heures supplémentaires ou complémentaires. » Dans les faits, les inspecteurs du travail et du recouvrement, accaparés par d’autres tâches de contrôle jugées prioritaires, ne peuvent vérifier que ces conditions ont été respectées.

• Définitions

En termes de politiques publiques, l’effet d’aubaine peut être défini comme une situation où les acteurs perçoivent l’aide sans modifier les comportements visés, qui sont déjà conformes à l’incitation créée par les autorités publiques.

Transposé au présent dispositif, l’effet d’aubaine correspond au cas où la mesure subventionne massivement des heures supplémentaires, qui, de toutes façons, auraient été réalisées. Ce risque théorique est effectivement important puisque la mesure s’applique à l’intégralité du « stock » d’heures supplémentaires préexistantes. Elle ne se limite pas à subventionner l’augmentation de ce stock, c’est-à-dire les heures supplémentaires « supplémentaires ».

En termes de politiques publiques, les comportements d’optimisation sont relativement fréquents. Ils désignent les cas où, si les acteurs concernés par la subvention publique ont bien modifié leurs comportements en fonction de l’aide perçue, leurs actions sont essentiellement destinées à maximiser la subvention publique. Le dispositif d’incitation publique fonctionne (les comportements ont bien changé) mais il perd en efficience.

• Une sous-déclaration initiale favorisant ces effets

La publication précitée de la Dares (84) d’octobre 2008 a cerné la « sous-déclaration » des heures supplémentaires pour l’année 2006 sur le champ des entreprises de dix salariés ou plus (hors secteur agricole, emploi public et services domestiques), en formulant les hypothèses suivantes :

– environ 12 % des salariés à temps complet auraient été concernés par cette sous-déclaration ;

– lorsque cette sous-déclaration est identifiée, elle aurait été massive : 96 % des heures supplémentaires n’auraient alors pas été déclarées ; cela aurait été particulièrement le cas dans l’industrie ;

– en 2006, la proportion de salariés à temps complet concernés par les heures supplémentaires aurait été ainsi supérieure d’un tiers à celle que les entreprises ont déclaré à l’enquête ECMOSS ;

– par rapport à une enquête de 2004, le nombre moyen annuel d’heures supplémentaires réalisées par les salariés dans le champ de l’étude devrait être révisé substantiellement à la hausse : 98,4 heures contre 55 heures.

Les données disponibles tendent à montrer qu’une part importante d’entreprises, surtout dans la catégorie des PME (les entreprises de moins de 20 salariés employaient près de 30 % des salariés en 2006), conservaient une durée effective du travail de 39 heures (85). Les heures entre 35 et 39 heures étaient alors qualifiées d’heures supplémentaires « structurelles », la rémunération de ces heures supplémentaires n’étant parfois pas identifiée mais intégrée à la rémunération des heures normales. Avant 2007, ces heures supplémentaires structurelles n’étaient souvent pas déclarées.

La loi Tepa a pu contribuer à changer ces comportements : l’employeur a été incité à déclarer des heures supplémentaires effectives, heures jusqu’alors payées mais pas rémunérées en tant qu’heures supplémentaires (voire pas rémunérées). Des primes ont pu être transformées en paiement d’heures supplémentaires.

Cette sous-déclaration des heures supplémentaires « structurelles » constituait une sorte de gisement naturel pour l’effet d’aubaine. Elle a pu conduire après le 1er octobre 2007 à une hausse du nombre d’heures supplémentaires déclarées sans que la durée du travail effective n’augmente.

La mesure de l’article premier de la loi Tepa peut emporter un phénomène d’optimisation de la part de l’employeur, éventuellement avec le concours du salarié. Ce comportement tendrait à organiser la substitution d’heures supplémentaires subventionnées à des heures normales.

2.– Le « travailler plus » nest pas retrouvé dans des proportions substantielles

Conçu en 2007, dans une période de relatif dynamisme de la croissance, le dispositif s’est ensuite rapidement appliqué dans un contexte de fort repli de l’activité. Si 2008 est marqué par une croissance atone (+ 0,2 %), 2009 connaît en effet une véritable récession.

Sans même s’interroger sur la nature des heures supplémentaires identifiées (heures supplémentaires « supplémentaires » ou non), il faut noter que le « travailler plus » peut s’apprécier en fonction des indicateurs suivants, dont l’évolution respective peut diverger :

– variation annuelle du volume d’heures supplémentaires : cet indicateur « brut » est finalement assez pauvre car il est fonction du nombre de salariés et du nombre d’heures supplémentaires par salarié ;

– variation du nombre d’heures supplémentaires par salarié ;

– variation du nombre de salariés concernés ;

– variation du recours aux heures supplémentaires par les entreprises (le recours pouvant être, à l’échelle d’une entreprise, réduit ou massif).

a) Le nombre total dheures supplémentaires des salariés du secteur privé a légèrement diminué entre 2007 et 2010

Une publication de la Dares a estimé le nombre d’heures supplémentaires pour 2006 à 630 millions et pour 2007 à 730 millions (cf. supra). Il s’agit bien d’estimations, la croissance de 2007 étant marquée par des facteurs exogènes à la loi Tepa (cf. infra). Sur cette base et sur le champ de l’Acoss, le tableau suivant fait le point sur l’évolution du nombre d’heures supplémentaires entre 2007 et 2009 :

Évolution du nombre dheures supplémentaires entre 2007 et 2010

 

2007
(estimation)

2008

2009

2010

Nombre d’heures supplémentaires sur le champ Acoss

730 000 000

727 746 544

677 508 794

704 024 920

Nombre de salariés concernés par la mesure (champ Direction de la sécurité sociale), en millions

ND

(86)

5,160

ND

Source : Dares (estimation 2007), Acoss (2008-2010)

• 2007-2008

Si cette estimation du nombre d’heures supplémentaires en 2007 à 730 millions est exacte, elle montre qu’en 2008, malgré le début de la crise, le nombre total d’heures supplémentaires s’est stabilisé. Il n’y a donc pas eu de gain majeur en termes de nombre total d’heures supplémentaires entre 2007 et 2008 (la mesure étant déjà applicable au dernier trimestre de 2007). Cet indice serait donc plutôt défavorable à l’évaluation de l’efficacité du dispositif.

• 2008-2011

Le volume total d’heures supplémentaires est ensuite affecté par la crise de 2009 (avec une diminution de – 7%). Il remonte légèrement en 2010, la tendance à la hausse devenant plus significative sur le premier trimestre de 2011. Le niveau trimestriel du début de l’année 2008 n’a en effet été retrouvé qu’au premier trimestre de l’année 2011, période au cours de laquelle 40 % des 1 556 000 entreprises ayant rempli un bordereau récapitulatif de cotisations (BRC) ont déclaré des exonérations au titre de la loi Tepa.

• Si la baisse du nombre total d’heures supplémentaires entre 2007 et 2010 indique apparemment une faible efficacité du dispositif, celle-ci doit être interprétée avec précaution

Ainsi, le nombre total d’heures supplémentaires resterait stable entre 2007 et 2008. Cependant, comment interpréter cette stabilité ? Que se serait-il passé en l’absence de la loi Tepa ? En effet, il ne peut être exclu que la mesure a pu permettre de conserver constant ce niveau d’heures supplémentaires. Sans l’effet de la mesure, ce niveau aurait peut-être fortement diminué.

Comme le souligne l’Acoss dans sa publication « Acosstats », la faible longueur des séries ne permet pas encore de procéder à une correction des variations saisonnières : les évolutions trimestrielles sont donc à interpréter avec précaution. De plus, compte tenu de l’absence de données historiques sur l’évolution du nombre d’heures supplémentaires, il est difficile de se référer à des études antérieures pour étudier les modalités d’ajustement du volume d’heures supplémentaires en cas de forte récession. En particulier, aucune comparaison en termes d’élasticité du volume des heures supplémentaires aux variations du PIB n’est possible avec la dernière crise comparable, celle de 1993.

Ces données globales doivent être donc complétées par des données moyennes par salarié (temps de travail moyen et nombre d’heures supplémentaires moyen par salarié).

b) Un phénomène de « révélation » dheures supplémentaires déjà effectuées par les salariés

L’évolution du nombre d’heures supplémentaires travaillées doit être complétée par des données relatives au temps de travail afin d’apprécier si la mesure a pu créer des heures supplémentaires « supplémentaires ».

• La mesure du temps de travail

Les données estimées relatives au « temps de travail moyen » des salariés sont disponibles sur le site internet de la Dares, qui procède par enquêtes Acemo (hors agriculture et emplois publics). Il faut à cet égard distinguer les trois concepts suivants :

– la durée collective hebdomadaire : il s’agit de la durée hebdomadaire moyenne du travail des actifs en emploi. Elle concerne les entreprises de plus de dix salariés, sur le champ des salariés à temps complet. Cette durée correspond à la durée collective (ou « offerte »), mesurant « lhoraire collectif de travail, commun à un groupe de salariés tel quil est affiché sur leur lieu de travail ».

– la durée moyenne hebdomadaire : elle estime la durée individuelle moyenne hebdomadaire sans évènements exceptionnels, y compris les heures supplémentaires ;

– la durée annuelle effective de travail est une estimation de la durée effective de travail excluant les congés et incluant les heures supplémentaires ; cette dernière donnée est la plus pertinente s’agissant de la présente évaluation.

• En 2007, une proportion importante de salariés continuait à travailler environ 39 heures par semaine

Si la durée collective du temps de travail des salariés était bien d’environ 35 heures avant 2007, la durée hebdomadaire moyenne du travail des salariés à temps complet était de 39,2 heures en 2007 (cf. annexe n° 8). Comme le note la Dares, elle est supérieure à 35 heures en raison des heures supplémentaires dites « structurelles ». Certaines entreprises, notamment les plus petites, n’ont pas modifié leur organisation du travail sur des durées de 35 heures et rémunérèrent donc des heures supplémentaires sur une base régulière.

• Après 2007 : pas d’augmentation significative de la durée effective moyenne de travail (87) entre 2007 et 2009

La durée hebdomadaire moyenne augmente de 2007 à 2009 mais de manière peu importante : 39,2 heures en 2007, 39,3 en 2008 et 39,4 en 2009 (soit + 0,5 % entre 2007 et 2009). Cet indicateur avait légèrement augmenté entre 1992 et 1993, année où une forte récession avait conduit à un recul du PIB (88).

L’augmentation de cette durée, difficile à interpréter en raison de la crise de 2009, est cohérente avec l’augmentation continue observée depuis le « point bas » de 2002 (37,7 heures), la durée maximale entre 1990 et 2009 ayant été observée en 1995 (39,9 heures).

Les données de la Dares montrent une augmentation non significative de la durée effective annuelle de travail des salariés à temps complet entre 2007 et 2008 (1 658 à 1 673 heures, soit 15 heures supplémentaires sur l’année) et une baisse légère entre 2008 et 2009 (de 1 673 à 1 640 heures) (89).

• Le « travailler plus » n’est pas significativement identifié

L’évolution de ces données de temps de travail entre 2007 et 2009 n’est pas un indice favorable de l’efficacité finale de la mesure et de l’effectivité du « travailler plus » s’agissant de l’impact sur la durée totale travaillée. Il est vrai que l’analyse doit aussi tenir compte de l’impact de la récession de 2008 et de 2009, une hypothèse optimiste étant que le dispositif Tepa et les avantages associés aux heures supplémentaires auraient ralenti la diminution de la durée du travail entre 2008 et 2009, qui sans eux, aurait été supérieure.

Cependant, une autre analyse, moins favorable peut être avancée : le dispositif aurait conduit pour l’essentiel à subventionner les heures supplémentaires « structurelles » qui auraient été effectuées en l’absence du dispositif Tepa. La stabilité de la durée effective moyenne est en effet compatible avec les effets d’aubaine et d’optimisation mentionnés plus haut.

Il est d’ailleurs à souligner qu’aucune des personnes entendues par les rapporteurs n’a pu démontrer que le dispositif avait suscité directement la réalisation d’heures supplémentaires « supplémentaires », heures de travail qui auraient été exclusivement imputables à la mesure.

Ces interprétations doivent être nuancées par trois facteurs :

– le caractère estimé des données (seules l’exploitation sur le long terme des déclarations annuelles de données sociales – DADS (90) permettra de disposer du « constaté ») ;

– la durée réduite de l’observation ;

– le caractère atypique de la récession de 2008-2009.

Un tableau joint (cf. annexe n° 6) fait le point sur quelques cas-types, en comparant la situation antérieure à la loi Tepa et la situation postérieure. Il montre notamment comment une augmentation du nombre d’heures supplémentaires peut ne pas correspondre à une augmentation de la durée effective du travail.

• Un « recours » accru aux heures supplémentaires depuis la loi Tepa

Il est intéressant de se pencher sur le nombre moyen d’heures supplémentaires réalisé par salarié, donnée qui traduit l’intensité du recours des entreprises aux heures supplémentaires. Des chiffres fournis par la Dares permettent de faire le point sur ces variables.

NOMBRE MOYEN DHEURES SUPPLÉMENTAIRES TRIMESTRIELLES DÉCLARÉES
PAR SALARIÉ DEPUIS 2002
(91)*

Date

Ensemble des salariés à temps complet

Salariés des entreprises avec durée collective du travail à 35 heures

Salariés des entreprises avec durée collective du travail supérieure à
35 heures

T1 2002

4,71

2,74

11,01

T2 2002

4,76

2,76

11,76

T3 2002

4,74

2,81

11,97

T4 2002

5,20

3,21

12,84

T1 2003

4,89

2,86

12,70

T2 2003

4,82

2,86

12,20

T3 2003

5,07

3,08

12,72

T4 2003

5,35

3,19

13,39

T1 2004

5,10

2,97

12,77

T2 2004

5,24

3,06

13,03

T3 2004

5,24

3,09

13,00

T4 2004

6,15

3,74

14,82

T1 2005

5,62

3,39

13,65

T2 2005

5,96

3,55

14,61

T3 2005

5,99

3,64

14,50

T4 2005

6,47

4,12

15,89

T1 2006

5,86

3,53

15,41

T2 2006

6,09

3,65

16,39

T3 2006

6,05

3,68

15,97

T4 2006

6,68

4,35

16,56

T1 2007

6,18

3,75

16,53

T2 2007

6,80

4,19

17,83

T3 2007

6,80

4,10

18,11

T4 2007

8,81

5,18

24,47

T1 2008

8,68

5,06

24,64

T2 2008

9,15

5,50

25,53

T3 2008

9,26

5,54

25,71

T4 2008

9,90

5,94

27,55

T1 2009

8,80

5,26

24,72

T2 2009

8,97

5,27

25,85

T3 2009

8,96

5,29

26,15

T4 2009

10,46

6,55

28,69

T1 2010

9,65

5,84

27,12

T2 2010

10,23

6,40

27,98

T3 2010

10,19

6,36

27,98

T4 2010

11,27

6,98

30,17

* La hausse du nombre d’heures supplémentaires déclarées au 1er trimestre 2008 peut refléter pour partie une modification des comportements déclaratifs des entreprises à l’enquête.

Source : Direction de lanimation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares), ministère du Travail, de lemploi et de la santé.

NOMBRE MOYEN DHEURES SUPPLÉMENTAIRES TRIMESTRIELLES DÉCLARÉES PAR SALARIÉ À TEMPS COMPLET SELON LA DURÉE COLLECTIVE DÉCLARÉE PAR LENTREPRISE


Source : Direction de lanimation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares), ministère du Travail, de lemploi et de la santé.

Les évolutions du nombre d’heures supplémentaires déclarées à compter du 4e trimestre 2007 reflètent pour partie une modification des comportements déclaratifs des entreprises à l’enquête (intégration des heures supplémentaires « structurelles » des entreprises déclarant une durée du travail supérieure à 35 heures). Cette remarque vaut également pour le graphique suivant (cf. infra), qui rend compte de la même évolution mais en glissement annuel.

La loi Tepa correspond bien à une hausse de la déclaration du nombre moyen d’heures supplémentaires par salarié dès le 4e trimestre 2007, qu’elle a sans doute suscitée ; les entreprises ont donc déclaré plus d’heures supplémentaires par salarié après la loi Tepa. Les entreprises ayant une durée collective du travail supérieure à 35 heures sont bien celles qui ont déclaré faire effectuer le plus grand nombre d’heures supplémentaires par salarié.

Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport « Entreprises et niches fiscales et sociales » estime que l’évolution constatée du volume des heures supplémentaires par salarié est compatible avec un fort effet d’optimisation. Il indique ainsi que compte tenu des « effets de substitution », la « hausse du nombre d’heures supplémentaires déclarées ne [correspond] pas nécessairement à une hausse du nombre d’heures effectuées. La très forte progression du volume d’heures supplémentaires par salarié, de 34,5 % entre le 2e trimestre 2007 et le 2e trimestre 2008 semble notamment peu compatible avec lévolution de la conjoncture (ralentissement de la croissance en 2008). Cette hausse reflète en partie les modifications des comportements déclaratifs des entreprises à l’enquête Activité et conditions d’emploi de la main dœuvre (Acemo) depuis la loi Tepa. »

GLISSEMENT ANNUEL DU NOMBRE MOYEN DHEURES SUPPLÉMENTAIRES TRIMESTRIELLES DÉCLARÉES PAR SALARIÉ


Source : Direction de lanimation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), ministère du Travail, de lemploi et de la santé.

c) La comparaison des effets de la réforme avec un « groupe de contrôle » non affecté par la mesure

Les rapporteurs ont entendu avec intérêt MM. Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, auteurs d’un document de travail intitulé « La défiscalisation des heures supplémentaires : les enseignements de l’expérience française (92) ». L’intérêt de l’étude réside dans la tentative d’évaluer les effets de la réforme en utilisant un groupe de contrôle auquel la réforme n’est pas appliquée(93), en l’occurrence les salariés frontaliers résidant en France et travaillant au Luxembourg, Belgique, Allemagne et Suisse, par rapport à un groupe concerné par la réforme, les salariés travaillant en France dans les départements frontaliers. Ont été comparées (94), sur une période de quinze mois avant et de quinze mois après la réforme :

– d’une part, la variation du nombre d’heures supplémentaires et du volume total d’heures travaillées dans le groupe concerné par la réforme ;

– d’autre part, la variation du nombre d’heures supplémentaires et du volume total d’heures travaillées dans le groupe de contrôle, les salariés frontaliers, non concernés par la réforme ;

– et enfin la différence entre les deux variations.

L’étude montre d’abord que, s’agissant de la population concernée par la réforme, les heures supplémentaires augmentent significativement après octobre 2007, mais que la durée totale n’augmente pas significativement. Cette augmentation des heures supplémentaires est particulièrement forte pour les professions qualifiées et les salariés gagnant plus de 1,3 fois le smic.

La comparaison avec le groupe de contrôle non affecté par la réforme fait apparaître les constats suivants :

– en comparaison avec les salariés travaillant dans les pays frontaliers, le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les salariés travaillant en France (particulièrement par les salariés qualifiés) augmente nettement ;

– les heures totales effectuées n’évoluent pas de manière significativement différente ;

– ni les heures supplémentaires ni les heures travaillées n’évoluent différemment pour les ouvriers travaillant en France comparés à ceux travaillant à l’étranger.

Les auteurs concluent que la mesure a bien eu un impact sur le nombre d’heures supplémentaires ouvrant le droit au dispositif fiscal, particulièrement pour les salariés les plus qualifiés, mais qu’elle n’a pas eu d’impact significatif sur les heures totales travaillées. Il n’y a pas eu d’heures supplémentaires « supplémentaires ». Ce biais favorable aux salariés les plus qualifiés s’explique notamment par la difficulté à contrôler précisément leur temps de travail.

d) La « cristallisation » de la durée du travail à 35 heures, un effet paradoxal de la réforme

Comme cela a été décrit supra (cf. première partie), la réforme poursuivait un objectif politique. Après les mesures augmentant significativement le contingent annuel d’heures supplémentaires (passage à 180 heures en 2002 puis à 220 heures en 2003) et la création en 2005 du dispositif des « heures choisies », il s’agissait en 2007 de remédier aux effets jugés négatifs de la réforme relative à la durée du travail.

À cette aune, la réforme semble assez contre-productive, ainsi qu’en sont convenues plusieurs personnes auditionnées. La mesure a conduit, à l’inverse, à institutionnaliser la durée légale du travail de 35 heures. En effet, depuis le 1er octobre 2007, compte tenu des incitations qui s’attachent aux heures supplémentaires, employeurs comme salariés ont un intérêt commun à privilégier – en tous les cas dans leurs déclarations – le respect rigoureux de la limite déclenchant le passage aux heures supplémentaires (généralement 35 heures sur une base hebdomadaire).

Le dispositif de l’article premier de la loi Tepa présente ainsi le paradoxe assez inédit d’une mesure de contournement et de parachèvement des lois portant réduction du temps de travail.

3.– Le nombre dheures supplémentaires reste déterminé par les variations de lactivité

La mesure n’a pas fondamentalement modifié la manière dont la variation de l’activité, telle qu’elle est perçue par l’entreprise, détermine en partie la décision de l’employeur de faire réaliser des heures supplémentaires aux salariés. Comme les rapporteurs l’ont constaté pendant leurs auditions, les entreprises continuent bien à décider du nombre d’heures supplémentaires en fonction des prévisions de leur activité. Ces auditions confirment les résultats d’une étude de la Dares réalisée sur la base d’une enquête téléphonique de 2008 auprès des employeurs (95) faisant le point sur l’impact de la loi Tepa dans les premiers mois de son application :

– une minorité d’entreprises (représentant l’équivalent de 20 % des salariés des secteurs concurrentiels) ont augmenté leur recours aux heures supplémentaires dans les premiers mois de mise en œuvre de l’article premier de la loi Tepa ;

– la très grande majorité des entreprises qui ont déclaré ne pas avoir augmenté leur recours aux heures supplémentaires le justifient par un manque de dynamisme de leur activité ;

- les entreprises qui ont déclaré avoir accru leur recours aux heures supplémentaires l’ont justifié d’abord par la hausse de leur activité (ces entreprises représentant 65 % des salariés), puis par la minoration du coût des heures supplémentaires (56 % des salariés (96)).

Une part des entreprises ont également signalé avoir procédé à des arbitrages entre heures supplémentaires et recours à l’intérim ou aux recrutements sous contrat à durée déterminée ou indéterminée. Certaines ont fait état de difficultés de recrutement ou d’une demande des salariés. La publication de la Dares conclut pour 2008 que des « premiers éléments de constat macroéconomique suggèrent que la mise en œuvre de la loi Tepa n’a pas modifié profondément le lien, constaté dans lindustrie et les services marchands ces dix dernières années, entre les fluctuations cycliques de lactivité et celles de lintérim et du volume d’heures supplémentaires. »

4.– Le dispositif, un instrument supplémentaire mis à la disposition des entreprises pour ajuster les moyens de production à lactivité, a pu peser sur la création demplois

a) Un instrument de gestion des moyens de production

Les entreprises disposent d’une palette d’instruments pour faire face aux variations de l’activité. Elles peuvent certes procéder à des solutions « externes » comme le recours accru à la sous-traitance, l’embauche de personnels supplémentaires (en CDI ou en CDD, à temps complet ou à temps partiel) ou le recours à l’intérim ; elles peuvent également solliciter leurs salariés grâce à des modes d’organisation du temps de travail différents (modulation, annualisation…).

En cas de crise, il est admis que les entreprises cherchent généralement d’abord des solutions de flexibilité externe (sous-traitance, intérim) ou interne (chômage partiel, réduction des heures supplémentaires) avant, le cas échéant, d’envisager des licenciements. En cas de rebond de l’activité, le processus est comparable, l’embauche de salariés supplémentaires intervenant lorsque l’employeur a épuisé les autres solutions de flexibilité.

La mesure visait à faciliter l’usage des heures supplémentaires par les entreprises comme instrument de gestion des effectifs, ce qui a pu amener les employeurs à modifier le schéma ci-dessus. Dans ce contexte, comme le soutiennent notamment la plupart des organisations représentatives des salariés, l’incitation à faire réaliser des heures supplémentaires a-t-elle constitué un frein à l’embauche depuis octobre 2007 ?

b) Un effet ambigu sur lemploi

Comme le soulignent notamment l’étude du Conseil des prélèvements obligatoires et le rapport « Temps de travail, revenu et emploi » (97) l’accroissement de la durée du travail des salariés auquel incite le dispositif pourrait effectivement conduire les entreprises à substituer des heures de travail à des emplois. La mesure accroîtrait bien le recours aux heures supplémentaires en réduisant le recours aux embauches, notamment les embauches de personnels intérimaires.

Dans cette perspective, le dispositif aurait des effets variables suivant le cycle économique. En phase haute de cycle, il faciliterait la réalisation d’heures de travail, mais en réduisant encore davantage l’appétence des employeurs pour des embauches supplémentaires ; en cas de récession, il pourrait conduire à une réduction plus forte du nombre d’emplois par un recours accru ou maintenu aux heures supplémentaires subventionnées.

Cependant, il est également relevé que la majoration de la rémunération des heures supplémentaires induite par l’un des volets de la mesure pourrait emporter un effet favorable sur l’emploi, en rendant relativement moins coûteuse l’embauche d’un salarié supplémentaire. La « niche » sociale (déduction forfaitaire à l’avantage de l’employeur) pourrait, de plus, en réduisant le coût du travail total, inciter structurellement les employeurs à embaucher des salariés supplémentaires.

Enfin, d’un point de vue théorique et de moyen terme, la hausse des prélèvements destinés à financer le dispositif peut peser sur les revenus du travail et donc éloigner du travail certains salariés, dont ceux travaillant à temps partiel ou ceux dont les revenus salariaux sont bas (aspect développé infra, cf. troisième partie).

L’effet global de la mesure sur le niveau de l’emploi est donc ambigu. Il est fonction de facteurs divers, comme les difficultés de recrutement, variables suivant les branches, les contraintes technologiques et la sensibilité de la demande des biens produits à leur prix (98).

c) Heures supplémentaires et crise de 2008-2009

Constituant un moyen de flexibilité supplémentaire pour l’employeur, la mesure a pu contribuer à réduire l’offre d’emplois en période de récession. L’effet négatif sur l’emploi est cependant difficile à évaluer ; la plupart des économistes s’accordent pour souligner qu’il serait infondé de diviser le nombre d’heures supplémentaires réalisées dans l’année par, à titre d’exemple, 1 607 heures (99), pour obtenir un « nombre annuel d’emplois non créés ». L’enquête de la Dares menée en 2008 ne permet d’ailleurs pas de répondre de manière déterminante à cette question : « Comme l’enquête ne fournit pas l’ampleur des ajustements de l’emploi, il n’est pas possible d’en tirer un bilan global, positif ou négatif, en termes d’emploi. »

Selon certains interlocuteurs entendus par les rapporteurs, les variables d’ajustement utilisés par les entreprises restent le recours à l’intérim ou aux prestataires (dont les sous-traitants) : en situation de crise, ces deux secteurs sont les premiers à être affectés par les effets de la récession. L’enquête de la Dares précitée fournit des éléments sur l’évolution du recours aux heures supplémentaires sur la période 2007-2008, éléments dont la validité est cependant subordonnée aux hypothèses de construction de l’indicateur d’heures supplémentaires.

Dans l’industrie, il semble que les heures supplémentaires aient commencé à ralentir au second semestre 2007, avec un trimestre de retard par rapport à l’intérim. L’ajustement à la baisse, tant des heures supplémentaires que de l’intérim, s’est ensuite accéléré, en lien avec le recul de l’activité. Dans les services marchands, il est cependant difficile, jusqu’au troisième trimestre 2008, de distinguer les effets de la fin du régime d’équivalence dans les hôtels, cafés et restaurants de ceux de la crise économique ou de l’impact de la loi Tepa, mais l’ajustement s’est également accéléré au tournant 2008-2009.

L’enquête de la Dares de mai 2010 note que « tant dans l’industrie que dans les services marchands, l’ajustement des heures supplémentaires et de l’intérim a contribué, du moins jusqu’à une période récente, à amortir le recul de l’emploi permanent. Enfin, en comparaison notamment de la dernière phase de ralentissement du début des années 2000, la baisse du recours à l’intérim semble avoir été plus marquée que celle du recours aux heures supplémentaires. »

Les données relatives au troisième et au dernier trimestre de l’année 2010 montrent une hausse marquée du nombre d’heures supplémentaires dans le champ de l’Acoss, en particulier dans l’industrie. Or le nombre d’emplois intérimaires créés dans l’industrie croît aussi pendant les troisième et quatrième trimestres de 2010 (100), ce qui pourrait montrer que l’effet de substitution entre les heures supplémentaires et les emplois intérimaires n’est pas si intense et que les entreprises utilisent de manière simultanée les deux instruments. Cette observation ponctuelle devra être confirmée sur une longue période.

*

En conclusion, le mécanisme n’a probablement pas conduit à augmenter sensiblement le nombre d’heures travaillées ; les heures supplémentaires restent bien déterminées par les anticipations de l’activité par les entreprises. Le contournement des lois de réduction de temps du travail n’est pas passé par l’article premier de la loi Tepa, qui constitue essentiellement une mesure visant à accroître les revenus de certains salariés (cf. infra, troisième partie).

TROISIÈME PARTIE : LEFFET FAVORABLE SE RÉDUIT
AU VOLET « GAGNER PLUS », PLUTÔT BÉNÉFIQUE
EN PÉRIODE DE RÉCESSION, MAIS COÛTEUX
POUR LES FINANCES DE L
ÉTAT

Si le volet « travailler plus » est difficile à retrouver, certains salariés ont bien bénéficié, dans des proportions diverses, d’une augmentation de leurs revenus salariaux nets, contribuant à soutenir leur pouvoir d’achat (I). L’impact de cet « effet revenus », de court terme, sur la conjoncture constitue l’essentiel de l’aspect favorable d’une mesure coûteuse pour les finances publiques (II).

I. LASPECT « GAGNER PLUS » EST AVÉRÉ MAIS NE BÉNÉFICIE PAS À TOUS LES SALARIÉS

La mesure agit sur les revenus nets des salariés ou agents publics par trois instruments au plus :

– l’exonération de cotisations sociales salariales, qui bénéficie à tous ;

– l’exonération fiscale pour les foyers imposables à l’impôt sur le revenu, le gain de revenus nets dépendant alors notamment de la tranche d’imposition (cf. infra, A) ;

– pour les salariés travaillant dans les entreprises d’au plus 20 salariés, la majoration de la rémunération de l’heure supplémentaire (101).

L’accroissement des revenus tirés de la rémunération de l’heure supplémentaire a pu également emporter des conséquences difficilement évaluables sur la motivation accrue des salariés et leur productivité pendant ces heures supplémentaires. Cet effet difficilement mesurable est sans doute négligeable du point de vue de l’analyse macro-économique.

La mesure était aussi destinée, en améliorant les revenus des salariés, à les inciter à accroître leur offre de travail. Selon l’estimation ex ante de l’institut COE - Rexecode, la mesure était susceptible de créer un volume d’heures travaillées équivalant à 76 000 emplois (102).

A. LES BÉNÉFICIAIRES DE LA DÉPENSE FISCALE

S’agissant de l’exonération fiscale, les effets positifs de la majoration des revenus nets fonctionnent avec un certain décalage compte tenu de la période séparant la réalisation des heures supplémentaires, la déclaration des revenus et le paiement de l’impôt.

La dépense fiscale (n° 120136) est retracée dans le tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé aux projets de loi de finances. Il s’agit de la présentation agrégée du coût de la dépense fiscale et du nombre de foyers concernés (103). Aucune donnée n’indique la ventilation de l’avantage fiscal par foyer bénéficiaire ; de plus, les déclarations d’impôt sur le revenu ne conduisent pas le déclarant à mentionner le nombre des heures supplémentaires mais uniquement le montant de leur rémunération.

Les derniers chiffres disponibles concernent les revenus perçus au titre de 2009. La dépense fiscale atteint 1 360 millions d’euros. À la demande des rapporteurs, l’administration fiscale a fourni des données plus détaillées, qui font apparaître les constats suivants :

– 8 599 088 foyers fiscaux (sur un total de 36 599 197 foyers fiscaux, soit 23,5 % des foyers fiscaux) ont déclaré des revenus d’heures supplémentaires exonérés d’impôt sur le revenu ;

– l’avantage fiscal annuel moyen est de 162 euros et la médiane est de 45 euros (104). Il représente en moyenne 0,6 % du revenu fiscal de référence ;

– le montant des revenus éligibles au dispositif (105) est en forte croissance entre 2007 (1,919 milliard d’euros) (106) et 2008 (11,6 milliards d’euros), le montant au titre de 2009 étant stable à 11,6 milliards d’euros.

1.– La distribution par déciles des revenus des foyers concernés par le dispositif

Le tableau suivant précise la distribution par déciles de revenu fiscal de référence des foyers imposables ayant déclaré des revenus d’heures supplémentaires.

comparaison de la distribution des foyers fiscaux imposables

au titre des revenus 2009 et de la distribution des foyers fiscaux imposables
ayant déclaré des revenus tirés des heures supplémentaires

Quantile

Borne inférieure du revenu fiscal de référence


(en euros)

Borne supérieure du revenu fiscal de référence


(en euros)

Nombre de foyers fiscaux imposables au titre des revenus 2009

Nombre de foyers fiscaux imposables déclarant des revenus dheures supplémentaires

Proportion, parmi les foyers imposables, de foyers déclarant des revenus dheures supplémentaires

(en %)

Masse totale
de recettes supplémentaires 
(107) résultant de la taxation au barème des heures supplémentaires
(en euros)

1

0 €

14 605 €

1 953 112

679 936

34,81 %

80 846 242 €

2

14 605 €

17 161 €

1 953 386

707 293

36,21 %


134 287 269 €

3

17 161 €

19 772 €

1 953 361

580 120

29,70 %

101 263 362 €

4

19 772 €

23 108 €

1 953 196

582 374

29,82 %

111 879 022 €

5

23 108 €

26 640 €

1 953 283

479 566

24,55 %

86 301 704 €

6

26 640 €

30 822 €

1 953 330

544 030

27,85 %

121 618 540 €

7

30 822 €

36 164 €

1 953 232

619 797

31,73 %

140 066 449 €

8

36 164 €

43 869 €

1 953 352

603 464

30,89 %

156 768 915 €

9

43 869 €

58 601 €

1 953 392

518 369

26,54 %

163 648 975 €

10

Plus de 58 601 €

1 953 351

332 269

17,01 %

218 800 136 €

 

TOTAL

19 532 995

5 647 217

 

1 315 480 615 €

Source : DLF et CEC

La proportion de foyers concernés ne se répartit pas de manière égale sur chaque décile de revenu fiscal de référence. La proportion de foyers concernés est assez concentrée sur les deux premiers déciles (0 à 17 161 euros de revenu fiscal de référence) et les septième et huitième déciles (30 822 à 43 869 euros de revenu fiscal de référence). À titre de référence, en 2008, le revenu fiscal de référence moyen atteignait 22 202 euros.

2.– Labsence de plafonnement de lavantage fiscal peut être problématique

La DLF a indiqué que parmi les 1 097 foyers fiscaux ayant le plus bénéficié de l’avantage fiscal, l’avantage moyen s’élève à 8 011 euros, la médiane à 7 757 euros (et l’écart-type à 1 665 euros). Dans cette population, l’avantage fiscal représente en moyenne 8 % du revenu fiscal de référence.

L’absence de plafonnement du gain fiscal peut être problématique car conduisant à des avantages pouvant être jugés disproportionnés, surtout dans des situations où le nombre d’heures supplémentaires n’aurait pas réellement augmenté. Ainsi, la députée Valérie Boyer a posé au Gouvernement la question écrite n° 83083 le 6 juillet 2010. Cette question relative à l’application de la mesure aux professeurs des classes préparatoires note que « le dispositif de la loi TEPA leur permet de défiscaliser 30 000 euros sur un revenu annuel de 85 000 euros », sans que le nombre d’heures supplémentaires ait été augmenté. La réponse ministérielle, en date du 5 octobre 2010, n’infirme ni ne confirme ces chiffres. Elle se conclut par ces deux phrases : « La loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir dachat avait comme objectif d’instaurer une incitation forte à laccomplissement dheures supplémentaires. Même si elle a pu se traduire, dans certains cas, par des effets daubaine significatifs, le Gouvernement nenvisage pas actuellement de mettre en œuvre des mesures diminuant cette incitation. »

B. LE DISPOSITIF EST ESSENTIELLEMENT UNE MESURE DE DISTRIBUTION DE REVENUS

1.– Lévaluation du gain de revenus nets dépend du nombre dheures supplémentaires effectuées et imputables à la loi Tepa

Le gain de pouvoir d’achat lié à la réforme ne se confond pas avec la rémunération des heures supplémentaires. Il devrait être calculé, pour chaque salarié, en prenant en compte les avantages procurés par la loi Tepa et en comparant la situation du salarié concerné à la situation antérieure à l’application de la loi Tepa. Au moins deux cas devraient être distingués.

• Des heures supplémentaires « supplémentaires » ont été effectuées par le salarié

Le gain total correspondant à ces heures supplémentaires dues à l’effet incitatif de la loi Tepa dépend par construction du nombre de ces heures (108). Sur ces heures qui n’auraient pas été effectuées en l’absence de la loi Tepa, le gain est en quelque sorte « maximal », équivalent au cumul de la rémunération normale nette de ces heures, leur majoration nette, l’exonération salariale correspondant à la rémunération normale et sa majoration (soit 21,5 % de la rémunération brute) et le gain fiscal correspondant pour les foyers imposables, gain fonction de la tranche d’imposition du foyer dont le salarié est membre.

• Le nombre d’heures supplémentaires effectuées avant la loi Tepa n’est pas augmenté

Dans ce cas, la loi Tepa permet aux salariés d’en accroître le montant de revenus nets correspondants. Dans cette hypothèse, le gain pour le salarié concerné est la somme :

– dans tous les cas, du gain correspondant à l’exonération des cotisations salariales de sécurité sociale (soit 21,5 % du « brut ») ;

– éventuellement, de l’augmentation de la majoration de la rémunération des heures supplémentaires (cas des salariés des entreprises de 20 salariés au plus) (109) ;

– le cas échéant, du gain fiscal.

Certains salariés peuvent cumuler les deux situations, continuant à effectuer des heures supplémentaires « structurelles » et réalisant des heures supplémentaires imputables à la loi Tepa. Le calcul rigoureux des gains de pouvoir d’achat est donc particulièrement complexe, renvoyant à la situation de chaque salarié. Il est donc nécessaire de procéder par l’étude de cas-types (cf. infra).

2.– Un gain annuel moyen denviron 500 euros

• En valeur absolue

En valeur absolue, selon les données communiquées par la Direction du budget, le gain annuel moyen par salarié ou agent public concerné se monte à environ 500 euros, soit 42 euros par mois, et le gain médian à 350 euros (110).

Le rapport précité de M. Gilles Carrez présentait les cas-types suivants issus de simulations effectuées par la Direction de la législation fiscale, sur la base de 4 heures supplémentaires par semaine. Le gain mensuel par mois pour un salarié varie entre 46 et 113 euros ; le gain lié au volet social est significativement supérieur à l’avantage fiscal.

ESTIMATIONS DES GAINS TOTAUX DE POUVOIR DACHAT
PAR SALARIÉ DANS UNE ENTREPRISE EFFECTUANT
4 HEURES SUPPLÉMENTAIRES PAR SEMAINE

Rémunération du salarié (111)

Taille de l’entreprise

Gain total net (en euros par an)

Dont gain salarial et social

Dont gain fiscal

Gain par mois

1 smic

20 salariés au plus

799,7

664,72

135

66

1,6 smic

20 salariés au plus

1 361,8

1063,80

298

113

1 smic

Plus de 20 salariés

676,4

461,40

215

56

1,6 smic

Plus de 20 salariés

1 079,4

738,36

298

89

N.B. : Les gains nets sont exprimés en euros par salarié, hors la rémunération des 4 heures supplémentaires hebdomadaires.

Source : Rapport n° 62 de M. Gilles Carrez, rapporteur pour la commission des finances de lAssemblée nationale sur le projet de loi Tepa et secrétariat du CEC

À titre de comparaison, l’Insee indique que le montant du salaire net moyen d’un salarié (privé et semi-public) à temps complet en 2008 atteignait 2 069 euros par mois (112).

Dans la fonction publique d’État, le montant moyen annuel des revenus tirés des heures supplémentaires auquel s’applique l’exonération de cotisations est de 2 320 (113) euros par agent, ce qui est un montant assez élevé. L’avantage moyen annuel par fonctionnaire, en terme d’exonérations de cotisations, se monterait à environ 200 euros par an et par agent.

• En valeur relative

Selon les estimations de l’institut COE - Rexecode, le dispositif conduit à un accroissement moyen de 52 % du revenu antérieurement tiré d’une heure supplémentaire. Pour sa part, lors de la discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale, le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale pour la commission des Finances, M. Gilles Carrez, a déclaré en séance : « Aujourdhui, l’heure supplémentaire accomplie par un salarié d’une entreprise de moins de vingt salariés lui rapporte 10 % de plus ; demain, grâce à laugmentation du taux de majoration de 10 à 25 % et aux exonérations de cotisations sociales et de CSG, elle lui rapportera 60 % de plus. ». Le tableau suivant, issu du rapport précité de M. Gilles Carrez relatif à « L’application de la loi fiscale » de juillet 2008, montre que l’application combinée des différentes mesures conduit à « majorer selon la situation du salarié, de 27,4 % à 131 % la rémunération « nette nette » (après charges salariales et impôt sur le revenu) tirée de la réalisation dune heure supplémentaire. » Logiquement, le surcroît de revenu, compte tenu du dispositif fiscal et de la majoration de la rémunération de l’heure supplémentaire, est maximal pour le salarié imposé à un taux d’imposition sur les revenus de 40 % et bénéficiant du relèvement de la majoration salariale.

Accroissement du revenu tiré dune heure supplémentaire selon le taux dimposition marginal,
comparaison avant Tepa / après Tepa, état du droit octobre 2007


 

 

Sans relèvement de la majoration salariale

Avec relèvement de la majoration salariale (1)

Taux
marginal d
imposition

 

0

5,5

14

30

40

0

5,5

14

30

40

Avant le
1er octobre

Rémunération brute

110

110

110

110

110

110

110

110

110

110

 

Rémunération nette (après charges sociales salariales (2) )

86,35

86,35

86,35

86,35

86,35

86,35

86,35

86,35

86,35

86,35

 

Rémunération « nette nette » (après charges sociales salariales et IR)

86,35

81,9

75,1

62,2

54,1

86,35

81,9

75,1

62,2

54,1

Depuis le
1er octobre

Rémunération brute

110

110

110

110

110

125

125

125

125

125

 

Rémunération nette (après charges sociales salariales (2) )

110

110

110

110

110

125

125

125

125

125

 

Rémunération « nette nette » (après charges sociales salariales
et IR)

110

110

110

110

110

125

125

125

125

125

Évolution de la rémunération « nette nette » de lheure supplémentaire
(en %)

27,4

34,3

46,5

76,8

103,3

44,7

52,6

66,4

101

131

(1) pour les heures supplémentaires concernées (à lexclusion donc des heures supplémentaires réalisées au-delà de la quatrième heure supplémentaire de la semaine).

(2) les charges sociales salariales sont supposées représenter 21,5 % du salaire brut, cumul des taux applicables aux rémunérations inférieures au plafond de la sécurité sociale et plafond de lexonération des charges sociales salariales pesant sur les heures supplémentaires pour les salariés relevant du régime général.

Source : rapport dinformation n° 1012 du 3 juillet 2008, sur lapplication des mesures fiscales contenues dans les lois de finances et dans la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de lemploi, et du pouvoir dachat et présenté par M. Gilles Carrez, rapporteur général.

• Portrait-type du bénéficiaire

Compte tenu de la construction du dispositif, le volet fiscal concerne plutôt par construction les revenus médians ; le volet relatif aux exonérations de cotisations salariales concernerait plutôt les premiers déciles de revenus. Selon les informations communiquées aux rapporteurs par les administrations, de manière générale, le profil-type du bénéficiaire serait plutôt un homme, dans un emploi stable, à la rémunération médiane (soit 1 600 euros mensuels), travaillant dans la métallurgie ou dans les secteurs de l’hôtellerie, des cafés et des restaurants.

3.– Un gain marginal correspondant à environ 0,3 % du revenu disponible des ménages

L’ampleur de l’effet positif de la mesure sur le revenu disponible des ménages au titre de 2009, hors la rémunération des éventuelles heures supplémentaires imputables au dispositif, peut être grossièrement évalué à 0,3 % (coût de la mesure en 2009 hors avantage employeurs : 3,836 milliards d’euros / revenu disponible Insee des ménages en 2009 : 1 267,1 milliards d’euros). Cet impact sur le revenu disponible des ménages est donc, en termes macro-économiques, d’un montant marginal en valeur relative.

C. LAPPLICATION DU DISPOSITIF A ÉTÉ DIFFÉRENCIÉE ET A CRÉÉ DES INÉGALITÉS

Le dispositif de l’article premier de la loi Tepa a eu une application différenciée suivant les secteurs et les entreprises. Certains actifs en ont peu ou pas du tout bénéficié (1). De plus, il n’est pas exclu que le dispositif ait, au moins transitoirement, pesé sur les négociations salariales à l’avantage des employeurs (2).

1.– Lapplication du dispositif a été différenciée suivant les secteurs, les entreprises et les salariés

Les dernières données disponibles de l’Acoss concernent le premier trimestre de l’année 2011. Environ 40 % des entreprises (114) ont déclaré des heures supplémentaires éligibles aux allègements ; l’assiette des heures supplémentaires représente 3,5 % de la masse salariale totale. L’ensemble des exonérations représente 0,9 % de la masse salariale (dont 0,7 % pour les salariés). Sur le premier trimestre 2011, le volume d’heures supplémentaires représente une moyenne de 9,8 heures supplémentaires par salarié (115). Ces données agrégées couvrent cependant une grande variété de situations.

a) La mesure, malgré son caractère large, na pas bénéficié à tous les actifs et peut emporter des effets contre-redistributifs

Comme cela a été souligné supra, la mesure a été conçue pour bénéficier au plus grand nombre de salariés. Par construction, elle n’a pas bénéficié aux travailleurs indépendants (116) : artisans, commerçants, membres des professions libérales, auto-entrepreneurs… De manière générale, la mesure est favorable aux personnes disposant d’un emploi salarié, et elle contribue donc à dégrader relativement la situation des autres catégories (actifs non-salariés ou actifs sans emploi notamment).

Parmi la population salariée, la mesure ne bénéficie complètement qu’aux foyers imposables. Or environ un tiers des foyers où au moins l’une des personnes composant le foyer a déclaré des heures supplémentaires sont des foyers fiscaux non imposables (117). Ces foyers ne peuvent donc bénéficier de la mesure fiscale, alors même que leurs revenus sont bas. Par ailleurs, la proportion de foyers fiscaux déclarant des heures supplémentaires est plus grande pour les foyers imposables que celle des foyers non imposables : la mesure de distribution de revenus par la réalisation d’heures supplémentaires profite donc plus aux classes moyennes (imposables) qu’aux foyers fiscaux les plus modestes, non imposables.

Ces phénomènes peuvent entraîner des effets redistributifs de revenus difficiles à évaluer. Un des facteurs discriminants est la facilité ou la propension avec laquelle le salarié peut effectuer des heures supplémentaires.

Si la mesure devait être financée par l’impôt plutôt que par la dette, le salarié non imposable, le non-salarié n’effectuant pas d’heures supplémentaires ou les inactifs pourraient se retrouver en situation de financer le dispositif via les impôts directs ou indirects dont ils s’acquittent. Cette réduction du revenu disponible serait de nature à emporter plusieurs effets négatifs dont l’ampleur serait fonction du ou des prélèvements retenus. Cela pourrait aboutir à une demande intérieure déprimée ou une diminution de l’offre de travail par les ménages en raison de la moindre attractivité des revenus tirés du travail, ce cas affectant particulièrement les salariés à temps partiel.

b) Une application différenciée suivant les secteurs et les régions

• Suivant les secteurs

Les dernières données fournies par l’Acoss montrent que, de manière générale, les heures supplémentaires sont particulièrement fréquentes pour les salariés des entreprises des secteurs suivants : industrie métallurgique, construction, hébergement et restauration ainsi que les transports. À l’inverse, les entreprises des secteurs des activités financières, des secteurs de la recherche et développement, de l’immobilier, de l’éducation et des activités récréatives ou associatives y recourent relativement moins. Il est à noter que le taux de féminisation de l’emploi des secteurs précités recourant aux heures supplémentaires est réduit (ainsi, dans la métallurgie, ce taux était de 20 % en 2003), ce qui explique la prédominance masculine constatée parmi les bénéficiaires de ces heures supplémentaires.

• Suivant les régions

Le rapport remis au Parlement identifie des particularités d’application en termes géographiques : « Les exonérations de la loi du 21 août 2007 sont davantage utilisées dans les départements ruraux que dans les zones urbaines. Le sud de la France, particulièrement les Alpes, la Corse et le Massif central font un usage deux à trois fois plus important de la mesure que le grand bassin parisien. »

Le tableau suivant fait le point sur l’application de la mesure par régions au dernier trimestre de l’année 2010, en rapprochant ces chiffres de la proportion de l’emploi régional dans l’emploi national. On remarque la relative sous-représentation de l’Île-de-France par rapport à sa proportion dans l’emploi global. Les variables relatives à la proportion des salariés employés dans les PME (où les heures supplémentaires sont plus nombreuses) et à la spécialisation sectorielle (cf. supra) expliquent en partie ces différences.

HEURES SUPPLÉMENTAIRES ET EMPLOI PAR RÉGION

 

Heures supplémentaires

Emploi

 

En nombre

En %

En nombre

En %

DOM

2 222 202

1,3 %

305 801

1,7 %

Ile-de-France

36 250 683

20,6 %

4 481 595

25,3 %

Champagne-Ardenne

3 686 270

2,1 %

319 006

1,8 %

Picardie

4 895 481

2,8 %

421 250

2,4 %

Haute-Normandie

5 156 351

2,9 %

475 114

2,7 %

Centre

6 754 099

3,8 %

634 547

3,6 %

Basse-Normandie

3 965 125

2,3 %

353 947

2,0 %

Bourgogne

4 494 685

2,6 %

404 022

2,3 %

Nord-Pas-de-Calais

10 016 965

5,7 %

1 016 385

5,7 %

Lorraine

5 644 257

3,2 %

540 574

3,1 %

Alsace

5 503 516

3,1 %

536 622

3,0 %

Franche-Comté

3 211 728

1,8 %

287 311

1,6 %

Pays de la Loire

9 746 274

5,5 %

985 847

5,6 %

Bretagne

7 868 521

4,5 %

777 017

4,4 %

Poitou-Charentes

4 110 521

2,3 %

404 046

2,3 %

Aquitaine

8 324 457

4,7 %

791 449

4,5 %

Midi-Pyrénées

6 895 792

3,9 %

736 845

4,2 %

Limousin

1 372 311

0,8 %

161 643

0,9 %

Rhône-Alpes

22 180 699

12,6 %

1 857 603

10,5 %

Auvergne

3 104 891

1,8 %

315 041

1,8 %

Languedoc-Roussillon

5 687 343

3,2 %

558 938

3,2 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

13 786 534

7,8 %

1 263 154

7,1 %

Corse

906 969

0,5 %

68 335

0,4 %

TOTAL

175 785 674

100,0 %

17 696 092

100,0 %

Source : Acoss (4e trimestre 2010). En grisé les régions utilisant proportionnellement plus le dispositif par rapport à leur part dans lemploi total.

c) Une application fonction de la taille de lentreprise

La mesure a surtout été utilisée massivement par les PME ; d’une part, parce qu’elles sont réputées plus attentives aux coûts et, d’autre part, parce que ces entreprises (et particulièrement les TPE) n’ont pas toutes diminué le temps de travail de leurs salariés à 35 heures et leur font donc réaliser des heures supplémentaires structurelles. Les grandes entreprises sont généralement parvenues à s’adapter rapidement à la fixation de la durée du travail à 35 heures et ne font réaliser que rarement un grand nombre d’heures supplémentaires à leurs salariés ; leurs cadres sont par ailleurs souvent au « forfait jours », excluant la réalisation d’heures supplémentaires.

Il faut distinguer, d’une part, le nombre d’entreprises concernées et, d’autre part, la masse salariale que représentent les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires.

Ainsi, selon l’Acoss, la part de la masse salariale représentée par les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires et complémentaires est décroissante avec la taille des entreprises. Elle atteint 6,8 % pour les entreprises de moins de 10 salariés alors qu’elle représente 1,3 % pour les entreprises de plus de 2 000 salariés. Au premier trimestre 2011, plus de 46 % des heures supplémentaires éligibles étaient effectuées au sein d’entreprises de moins de dix salariés ; cette proportion est stable.

En revanche, la proportion d’entreprises ayant recours aux exonérations Tepa croît avec la taille de l’entreprise : de 33,7 % pour les entreprises de moins de 10 salariés (TPE), elle atteint 89,8 % pour celles de plus de 2 000 salariés. Cette différence est notamment imputable à la relative complexité de la mesure, les grandes structures disposant de services de ressources humaines plus susceptibles de les mettre en œuvre.

Selon certains représentants des salariés entendus par les rapporteurs, la mesure a conduit à multiplier les heures supplémentaires dans les secteurs et les entreprises, notamment les petites entreprises sous-traitantes, aux conditions de travail difficiles et dépourvues d’institutions représentatives du personnel.

d) Des conséquences différentes suivant les caractéristiques des salariés

• Le cas des salariés qualifiés

La mesure est particulièrement favorable aux salariés qualifiés non soumis à des horaires collectifs de travail ; il leur est en théorie plus facile de déclarer des heures supplémentaires sans contrôle de l’employeur. A contrario, en théorie, un salarié qualifié payé au-dessus du smic peut se voir « imposer » par son employeur une diminution de sa rémunération horaire normale et une augmentation de sa rémunération au titre des heures supplémentaires, sa rémunération totale restant stable.

• Une application peu intéressante pour les cadres

La convention de forfait en jours s’applique à une grande majorité de cadres. Dans ce mécanisme, sont considérées comme des « heures supplémentaires » les jours travaillés au-delà de 218 jours par an. Or beaucoup de cadres ont un forfait dont le nombre de jours est inférieur à 218 (la moyenne est de 214 jours par an), ce qui réduit pour eux l’intérêt de l’application du dispositif.

• Les salariés placés dans les situations les plus précaires n’ont guère profité de la mesure

S’agissant des salariés à temps partiel, la possibilité de bénéficier du dispositif via les heures complémentaires est limitée en raison, d’une part, du plafonnement de leur durée (10 % de la durée contractuelle du travail - cf. annexe n° 2) et, d’autre part, de l’absence de majoration de la rémunération de ces heures. La déduction forfaitaire de cotisations sociales employeurs, supposée inciter les employeurs à faire réaliser des heures supplémentaires, n’est, pour sa part, pas applicable aux rémunérations versées aux salariés à temps partiel, qui sont d’ailleurs souvent des femmes (118) et dont les revenus, généralement peu élevés, ne leur permettent pas d’être imposables. Il est d’ailleurs à rappeler que dans le cas d’un salarié à temps partiel ayant plusieurs contrats de travail avec différents employeurs, le décompte des heures est fait par employeur, ce qui est d’autant moins favorable au salarié.

L’enquête précitée de la Dares réalisée en 2008 montre d’ailleurs que le recours aux heures complémentaires n’avait pas augmenté. Enfin, la durée hebdomadaire moyenne et la durée annuelle de travail des salariés à temps partiel ont assez substantiellement diminué entre 2008 et 2009 (plus de – 2 % pour la durée annuelle) (119).

2.– Un impact sur les négociations salariales encore difficilement mesurable

À court ou moyen terme, il n’est pas exclu qu’à la réduction du « coin » socio-fiscal, principalement à l’avantage des salariés, succède une volonté de « rattrapage » des employeurs. Il est en effet possible que ces derniers invoquent l’effet positif de la mesure sur les rémunérations nettes des salariés comme moyen de mieux négocier les revendications salariales.

On pourrait alors craindre un moindre dynamisme de la rémunération brute « de base ». L’effet positif de la mesure sur les revenus et le pouvoir d’achat des salariés serait alors partiellement absorbé par la stagnation de la rémunération des heures normales. Ce phénomène risque d’être marqué pour les salariés rémunérés entre 1 et 1,6 smic en raison de la maximisation recherchée des allègements sur les bas salaires.

Cette crainte a été confirmée par les auditions des représentants des salariés. Ceux-ci ont noté que la distribution de certaines primes avait pu être remise en cause au motif que la loi Tepa conduisait à un gain de pouvoir d’achat significatif pour les salariés. Il est assez difficile, et peut-être trop tôt, de mesurer les conséquences du dispositif en la matière. Les effets seront sans doute également fonction de la taille des entreprises, de la branche considérée et des éventuels goulots d’étranglement constatés en matière de main d’œuvre.

II. DES COÛTS ÉLEVÉS POUR LÉTAT

A. LES COÛTS ASSOCIÉS À LA MESURE DÉPASSENT 4,5 MILLIARDS DEUROS PAR AN

Selon le rapport remis au Parlement au début de l’année 2009, « le coût pour les finances publiques de la mise en œuvre de larticle 1 de la loi du 21 août 2007 est évalué en régime de croisière à 4,4 milliards deuros (après prise en compte des gains pour la sécurité sociale liés à laugmentation de la majoration dans les entreprises de moins de 20 salariés). »

Les coûts de la mesure correspondent à des dépenses constatées en période de croissance atone, voire négative. Si la conjoncture devient plus favorable, conduisant à une utilisation plus intense de la mesure, les coûts augmenteront significativement.

1.– La mesure de réduction des ressources des régimes de sécurité sociale est compensée

a) Le principe dune compensation

Les rémunérations versées au titre des heures faisant l’objet du dispositif continuent à ouvrir des droits au bénéfice des salariés concernés. La mesure peut donc s’analyser comme privant de ressources les régimes de sécurité sociale ainsi que les organismes concourant à leur financement ou à l’amortissement de leur endettement.

La question de la compensation des pertes de ressources pour les régimes de la sécurité sociale avait partiellement motivé l’avis négatif des organisations représentatives des salariés au sein du conseil d’administration de l’Acoss, lors de la demande d’avis de l’instance sur le projet de loi.

En l’absence de disposition législative contraire, l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale (120), qui prévoit la compensation intégrale par l’État des pertes de recettes pour les régimes de sécurité sociale, s’est appliqué. L’annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011, « Présentation des mesures d’exonération ou d’exemption d’assiette des cotisations ou contributions sociales », note ainsi : « Du fait, notamment, des incertitudes sur limpact financier de cette mesure, le principe dune compensation intégrale de ce dispositif a été retenu. »

Les lois de finances successives intervenues depuis 2007, initiales ou rectificatives, ont donc fixé les modalités de la compensation. La compensation a été réalisée via l’affectation d’un panier de recettes, dont la composition a varié. Cette formule de compensation est a priori plus favorable à une compensation intégrale que des compensations par crédits budgétaires. La compensation de la mesure présente néanmoins une particularité. En effet, elle consiste à la fois en une compensation en droits constatés et en une compensation en encaissements/décaissements. Cela constitue une source de complexité comptable accrue, dont l’utilité n’est pas prouvée, et à des ajustements en loi de finances rectificative.

b) Lapplication du principe

Malgré les dispositions précitées, le taux de couverture effectif des exonérations compensées, de 101 % pour 2008, n’atteint que 98 % en 2009 et 95 % en 2010 (121). La compensation n’est donc pas intégrale. Les développements suivants sont issus de l’annexe 5 au PLFSS pour 2011.

• Exercice 2007

En 2007, la compensation de pertes de recettes de 263 millions d’euros due à l’application du dispositif de l’article premier de la loi Tepa a été opérée par l’affectation d’une fraction de 22,38 % du produit de la taxe sur les véhicules de société. Les recettes ont été inférieures au manque à gagner de 3 millions d’euros. La dette a été apurée grâce au surplus de recettes constaté en 2008 (cf. infra).

• Exercice 2008

L’article 53 de la loi de finances initiale pour 2008 affecte à la compensation de la mesure un « panier » de trois recettes différentes (une fraction de la taxe sur les véhicules de sociétés, la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés et la TVA brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées). Les recettes affectées étaient excédentaires, la loi de finances rectificative pour 2008 a réaffecté au budget de l’État la part de taxe de véhicule sur les sociétés. La compensation a été légèrement excédentaire de 35 millions d’euros.

• Exercice 2009

En 2009, la dynamique du rendement des recettes a été moindre que la dépense correspondant aux allègements relatifs aux heures supplémentaires. La loi de finances rectificative pour 2009 a donc affecté une fraction de 3,99 % de droits de consommation sur les tabacs. Cependant, la compensation est restée insuffisante à hauteur de 47 millions d’euros. L’annexe conclut que « linsuffisance cumulée de financement au 31 décembre 2009 sétablit donc à 12 millions deuros. »

• Exercice 2010

La loi de finances pour 2010 a modifié la composition du « panier » de recettes fiscales, le pourcentage des recettes perçues au titre des droits de consommation sur les tabacs diminuant. Le montant des recettes fiscales affectées en 2010 à la compensation du dispositif s’élèverait à 3 milliards d’euros, soit un montant identique au montant définitif au titre de l’exercice 2009 (122). Le coût des exonérations relatives aux heures supplémentaires et complémentaires devrait représenter près de 3,1 milliards d’euros en 2010 (+ 2,0 % sur un an). L’insuffisance de financement au titre de 2010 atteindrait donc 200 millions d’euros.

• Prévisions pour l’exercice 2011

En 2011, les recettes fiscales affectées (contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés, TVA brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées et droits de consommation sur les tabacs) auraient un rendement prévisionnel de 3,2 milliards d’euros, principalement grâce au redressement attendu du produit de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés. Compte tenu du niveau prévu des exonérations, « linsuffisance tendancielle de financement » passerait à environ 80 millions d’euros en 2011.

2.– La mesure représente des coûts importants pour lÉtat

a) Lestimation des coûts annuels pour lÉtat du dispositif : au moins 4,5 milliards deuros

Les coûts totaux pour l’État sont la somme du volet fiscal et des volets relatifs aux exonérations de cotisations sociales salariales et déductions forfaitaires de cotisations sociales patronales, à quoi s’ajoute le coût de la modification de l’allègement Fillon. L’estimation du coût total du dispositif présente des difficultés multiples liées :

– au fait que les données chiffrées et hétérogènes se trouvent dans des documents publics différents et correspondent à des périmètres parfois divergents (données fiscales/données sociales, salariés/agents publics, Acoss/autres régimes…) ;

– au décalage de la dépense fiscale par rapport à l’année où sont réalisées les heures supplémentaires ;

– aux « effets croisés (123) » des différentes mesures composant le dispositif ;

– à l’effet de la fin du dispositif transitoire et dérogatoire de la limitation de la majoration de la rémunération des heures supplémentaires à 10 %. Cette mesure qui devait expirer au 31 décembre 2008 a suscité une hausse du produit des cotisations dues par les employeurs concernés (la déduction n’étant que forfaitaire) ;

– au cas particulier de la modification du calcul de l’allègement Fillon sur les bas salaires, qui fait l’objet d’un traitement à part : selon la direction de la sécurité sociale (DSS), il est très difficile d’estimer, au sein de cet agrégat, le coût qui relève de cette mesure spécifique ;

– au financement éventuel du dispositif par la dette, ce qui pourrait conduire à ajouter à la dépense totale supportée par l’État le paiement des intérêts annuels dus au titre des obligations émises pour financer le déficit public correspondant (cf. infra).

• Coût de la dépense fiscale

En 2011, la dépense fiscale considérée est la 13ème dépense fiscale par son montant, comme l’indique le tome II du fascicule « Voies et moyens » annexé au PLF 2011. Il s’agit de l’une des quatre dépenses fiscales les plus dynamiques en 2010. Le coût de la niche fiscale pour l’année 2010 (donc au titre des revenus perçus par les salariés en 2009) se monte à 1,39 milliards d’euros (124). Les coûts respectifs au titre des revenus de 2007 étaient de 220 millions d’euros et de 1,290 milliard d’euros au titre des revenus de 2008.

À titre de rappel, conformément au premier alinéa de l’article 10 de la LOLF, les dépenses fiscales ont un caractère évaluatif. Le II de l’article 9 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 dispose que « le coût des dépenses fiscales est stabilisé en valeur à périmètre constant » sur la période considérée.

Cet encadrement ne s’applique pas spécifiquement à la mesure visée à l’article Tepa mais à l’ensemble des « niches fiscales ».

• Coût de la « niche » sociale

Le III du même article prévoit que « le coût des réductions, exonérations ou abattements dassiette sappliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement est stabilisé en valeur à périmètre constant ».

La « niche » sociale présente trois particularités : elle est générale (du moins dans son volet de l’exonération de cotisations salariales), elle augmente les revenus nets salariaux et elle s’applique aux rémunérations immédiatement perçues. La décomposition du montant total pour 2010 fait apparaître les chiffres suivants, transmis par la direction de la sécurité sociale :

– exonération de cotisations salariales : 2,287 milliards d’euros pour le régime général, 99 millions d’euros pour le régime agricole ;

– déduction forfaitaire de cotisations employeurs : 667 millions d’euros pour le régime général, 37 millions d’euros pour le régime agricole.

S’agissant de la fonction publique d’État, selon les données communiquées aux rapporteurs, le coût annuel de l’exonération de cotisations salariales est d’environ 300 millions d’euros.

La « réduction Fillon » sur les bas salaires est assimilée à une dépense pour l’État (en compensation des moindres recettes pour les régimes de sécurité sociale). La loi Tepa a neutralisé l’effet du paiement d’heures supplémentaires sur le calcul du montant de la réduction de cotisations patronales (cf. supra). Le rapport au Parlement sur l’application de l’article premier de la loi Tepa estime à environ 600 millions d’euros, sur l’année 2008, le coût de la modification du calcul des allègements Fillon sur le champ de la mesure. Cet élément avait été chiffré ex ante à un milliard d’euros (Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2007), sans doute sur la base surestimée du nombre d’heures supplémentaires.

• Les coûts totaux du dispositif en « régime de croisière » : un coût de 4,5 milliards d’euros sur l’année 2010

Le premier bloc de dépenses publiques est constitué de l’exonération fiscale et des exonérations de cotisations sociales (exonération de cotisations salariales et déduction forfaitaire des cotisations employeurs), soit :

– dépense fiscale : 1,4 milliards d’euros sur les revenus perçus au titre de 2009 (données de la Direction générale des finances publiques) ;

– dépense sociale : 3,2 milliards d’euros (données DSS tous régimes) ;

– dépenses relatives aux heures supplémentaires nouvelles des fonctionnaires : 0,2 milliard d’euros (fonction publique d’État uniquement) ;

– estimation de l’ « effet croisé » : 0,3 milliard d’euros (source Direction du budget (125)).

Le total de ce premier bloc est d’environ 4,5 milliards d’euros (126).

Le deuxième bloc est constitué du gain pour les finances publiques issu du supplément de revenu permis par le relèvement de la majoration de la rémunération des heures supplémentaires (127). Ce gain est estimé par la Direction du budget à 0,6 milliards d’euros ; des conventions statistiques majorent toutefois ce gain.

Le troisième bloc concerne le coût de la réforme de l’allègement Fillon, d’un montant également estimé à 0,6 milliards d’euros ; ce coût compense approximativement la dépense correspondant au deuxième bloc.

Le coût total, selon la Direction du budget, atteindrait donc environ 4,5 milliards d’euros (4,5 – 0,6 + 0,6).

Cette somme constitue un minimum. En effet, d’autres données permettent d’aboutir aux chiffres suivants, qui prennent notamment en compte le fait que le dispositif transitoire et dérogatoire de la majoration à 10 % de la rémunération des heures supplémentaires des salariés employés dans les entreprises d’au plus 20 salariés devait en tout état de cause expirer au 31 décembre 2008 et qu’il est possible de ne plus imputer ce gain au dispositif Tepa à partir de l’année 2009.

ESTIMATION DES COÛTS TOTAUX NETS DU DISPOSITIF
DE L
ARTICLE PREMIER DE LA LOI TEPA

Coûts en millions deuros

2007

2008

2009

2010

Coûts totaux : 1+2+3+4+5

583

4 816

5 325

5 449

1. Coûts de la dépense fiscale

220

1 290

1 360

1 360

2. Coûts totaux niche sociale (tous régimes DSS (128)) hors Fillon (129)

263

3 026

3 065

3 189

3. Calcul allègement Fillon


200
(sur 3 mois)

600

600

600

4. Gains liés à la majoration des heures supplémentaires (source DGTPE)

- 100

- 400

0

0

5. Coûts de l’exonération salariale fonction publique d’État

NC

300

300

300

Coûts de la « niche » sociale salariale (Acoss et CCMSA (130))

196

2 239

2 276

2 386

Coûts de la « niche sociale » patronale (Acoss et CCMSA)

55

707

691

704

Source : CEC d’après données DSS, Acoss, CCMSA, DGTPE.

Cette évaluation « haute » est plus proche de celle réalisée par M. Gilles Carrez, dont le rapport sur « Lapplication de la loi fiscale » de juillet 2008 évalue le coût en régime croisière du dispositif à près de 5 milliards d’euros (5,4 milliards d’euros sur la base de données fournies par le ministère de l’Économie, des finances et de l’emploi, données marquées par la surestimation initiale par le Gouvernement du nombre d’heures supplémentaires effectuées en 2007). La mesure constitue près de la moitié des dépenses totales engagées par la loi Tepa.

Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport de 2011 « Entreprises et niches fiscales et sociales », évalue le coût du dispositif à 4,1 milliards d’euros.

Le rapport au Parlement évalue le coût annuel net pour l’État en régime de croisière à 4,4 milliards d’euros, sur la base des hypothèses suivantes (131) :

– un volume d’heures supplémentaires de 750 millions d’heures (720 pour le champ Acoss et 30 pour le régime agricole) ;

– un salaire moyen des salariés déclarant des heures supplémentaires de 1,25 smic.

• Que représente cette somme ?

Afin de remettre en perspective cette somme, il est possible de faire une comparaison entre ces 4,5 milliards d’euros et d’autres agrégats. Cette somme représente ainsi :

– 0,23 % du produit intérieur brut de la France en 2009 ;

– 20 % de la dépense au titre des allègements généraux de cotisations sociales en 2009 ;

– 41 % du déficit 2009 de la branche maladie du régime général ;

– 38 % des crédits pour 2011 de la Mission « Travail et Emploi » (11,46 milliards d’euros de crédits de paiement, somme n’incluant pas les dépenses fiscales et sociales).

• Tentative d’estimation du coût de l’heure subventionnée

Le coût total pour l’État de l’heure subventionnée, en première estimation, se monte à un peu moins de 6 euros (calcul réalisé sur la base de l’estimation donnée par le rapport remis au Parlement).

Sur la base de l’hypothèse d’un coût total de 5,449 milliards d’euros en 2010 (cf. supra), uniquement sur le champ de l’Acoss, le coût pour l’État de l’heure supplémentaire subventionnée peut être estimé à près de 7 euros (132). Ces coûts par heure concernent autant les heures supplémentaires « de stock » que les heures supplémentaires nouvelles directement suscitées par la mise en place du dispositif.

b) Depuis 2007, les finances publiques sont placées sous de fortes contraintes aggravées par lampleur de la crise de 2008 - 2009

Le coût de 4,5 milliards d’euros du dispositif représente environ 3 % du déficit de l’État prévu pour 2011 (150 milliards d’euros), ce qui n’est pas négligeable. Compte tenu de ce coût important pour les finances de l’État, il n’est pas inutile de rappeler très brièvement les contraintes pesant sur ces dernières.

Ces contraintes sont en partie nées de l’ampleur de la crise de 2008 – 2009 qui a fortement réduit le volume des recettes fiscales. La succession des déficits publics conduit à un accroissement de la dette publique dont la maîtrise devient de plus en plus difficile, mettant en péril le respect des engagements de la France pris dans le cadre de l’Union européenne. Dans ce contexte, le coût des dépenses fiscales et sociales, dont celui du dispositif de l’article premier de la loi Tepa, doit être bien apprécié à l’aune de leur utilité.

B. LES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE LA MESURE

Comment financer les transferts de revenus décrits plus haut ?

Il apparaît que les modalités de financement de la mesure jouent un rôle quant à son efficacité. En effet, l’absence de financement du dispositif a pu lui permettre, du moins à court terme, d’assurer un effet contracyclique conjoncturel en 2008 et 2009.

Il est alors possible de considérer que la mesure a eu un impact positif sur le PIB (2). Cependant, cet impact marginal contribue à accroître le montant total de la dette publique française (1) et donc la charge de son service annuel.

1.– Le financement nécessaire de la mesure à moyen terme en réduit lefficacité globale

L’évaluation de l’efficacité de la mesure doit intégrer les modalités de financement du dispositif et son bouclage macro-économique (133). Quel est le mode de financement de la dépense correspondant au dispositif ? Les débats parlementaires ne permettent pas de répondre de manière explicite à la question ; la ministre n’évoque en effet ni de redéploiement d’autres dépenses ni de mesures de prélèvements supplémentaires – ce qui aurait d’ailleurs été contradictoire avec la finalité du dispositif. La mesure, compte tenu des déficits mentionnés plus haut, apparaît donc in fine financée depuis le 1er octobre 2007 par un surcroît annuel de dette publique.

Or, à moyen et long terme, la contrainte de financement de la dépense publique impose ses nécessités : la dette publique et ses intérêts sont remboursés, généralement par de nouveaux emprunts et/ou par des prélèvements supplémentaires. Il faudrait donc, en toute rigueur, ajouter aux coûts pour l’État recensés plus haut le paiement des intérêts de la dette contractée pour financer le déficit supplémentaire.

Sur la base d’un financement de la dette par l’émission d’une obligation assimilable au Trésor (OAT) à un taux de 3,25 %, le service annuel de la dette correspondant à une dépense annuelle de 4,5 milliards d’euros atteint un montant d’environ 140 millions d’euros. À cette somme s’ajoute le remboursement du principal.

Cette dépense annuelle en intérêts est ensuite à multiplier par le nombre d’années d’application non financée du dispositif. Les éventuels effets indésirables et de redistribution entre les différents agents seront fonction des caractéristiques du ou des prélèvements retenus (TVA, impôt sur le revenu…) pour financer le service de la dette.

En raison de la contrainte de financement de la dépense publique, l’augmentation du PIB imputable à la mesure sera réduite, voire annulée. Cet effet est constaté sur une période plus ou moins longue et dépend notamment des anticipations des agents économiques et du modèle macro-économique retenu pour l’analyse. Les auditions des économistes Julien Matheron, de la Banque de France, auteur d’un document de travail intitulé « Défiscalisation des heures supplémentaires : une perspective déquilibre général » et Éric Heyer, directeur adjoint de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), auteur d’un document de travail de l’OFCE intitulé : « Efficacité de la politique économique et position dans le cycle » (n° 2010-26, octobre 2010), ont permis de mettre en évidence cet effet, dont l’ampleur reste fonction des modèles économiques utilisés.

Cependant, comme cela est montré infra, le financement par la dette n’est pas sans avantage.

2.– La mesure a eu un effet marginal sur le produit intérieur brut et sur lemploi

Les objectifs de l’article premier de la loi Tepa ne se limitent pas au nombre d’heures supplémentaires et à la croissance du temps de travail. Le dispositif a aussi vocation à agir sur le PIB et sur le niveau de l’emploi. Or l’absence de financement immédiat de la dépense a pu emporter des effets conjoncturels positifs, du moins à court terme. L’ampleur de cet effet contra-cylique est proportionnelle aux sommes supplémentaires injectées dans le circuit économique.

a) Le rapport au Parlement estimait que l’augmentation de 3 % des revenus salariaux induits par le dispositif conduisait à une augmentation du PIB de 0,15 %

D’un point de vue macro-économique, les données fournies par le rapport au Parlement estimaient à 3 % l’effet favorable sur les salaires (134)associé aux exonérations sociales et fiscales portant sur les heures supplémentaires (sur la base d’une masse salariale brute perçue par les salariés effectuant des heures supplémentaires proche de 150 milliards d’euros). Selon le même document, « Les allègements prévus par la mesure heures supplémentaires (impôt sur le revenu, cotisations sociales employeurs, cotisations sociales employés) se traduiraient par un effet favorable sur le PIB de près de 0,15 %, soit environ la moitié de leffet favorable sur la croissance de la loi du 21 août 2007 dans son ensemble».

Cependant, les hypothèses comme le mode de calcul de ces données ne sont pas précisées ; à titre de rappel, la mesure coûte l’équivalent de 0,23 % du PIB. Quant à l’institut COE - Rexecode, il évalue l’effet positif sur le PIB de l’année 2010 à 2,7 milliards d’euros en 2010, soit un gain en PIB inférieur à la dépense publique totale (135).

Le rapprochement du montant annuel de la dépense (0,23 % du PIB) et de l’efficacité en termes de points de PIB (0,15 %) conduit à constater le manque d’efficience de la mesure.

b) Un effet contracyclique certain mais nécessairement limité

Dans une analyse de très court terme, le dispositif a consisté à injecter des revenus supplémentaires dans le circuit économique en augmentant les revenus nets tirés des heures supplémentaires par certains salariés. Cet effet de surcroît de revenus, sous certaines conditions relatives notamment aux comportements d’épargne et de consommation des bénéficiaires, a pu stimuler la demande intérieure. Cette stimulation a pu emporter un effet positif sur la conjoncture. L’impact dépend de multiples facteurs pas tous directement mesurables dans le cadre de la présente étude et de paramètres relatifs au modèle macro-économique adopté pour observer ces phénomènes.

Compte tenu de son absence de financement immédiat (cf. supra), l’effet contracyclique de ce transfert de pouvoir d’achat a donc pu amortir l’intensité de la récession de 2009 en soutenant la consommation des ménages. Cet effet est cependant conditionné au fait que le supplément de revenu n’ait pas été épargné par précaution, le contexte économique étant particulièrement incertain.

Cette hypothèse peut cependant partiellement se fonder sur le fait que la crise de 2009 a été relativement amortie en France, dont le PIB a diminué de 2,6 % contre 2,5 % aux États-Unis, 4,9 % en Allemagne et 4,4 % au Royaume-Uni. Il est cependant difficile d’isoler la part de la mesure dans cette évolution. Deux points ont pu significativement limiter cet effet de stimulation :

– la propension marginale à consommer des ménages bénéficiaires est un facteur majeur pour apprécier un éventuel effet de stimulation forte de la demande émanant des ménages. Or la mesure bénéficie principalement à des revenus médians dont la propension marginale à consommer est inférieure à celle des ménages placés dans des situations plus précaires ;

– l’effet de la stimulation globale de la demande intérieure est également limité par l’ampleur finalement réduite de la dépense par rapport au PIB, soit 0,23 %.

c) Un effet sur l’emploi difficile à mesurer

À titre de rappel, le Gouvernement avait évalué lors de la discussion parlementaire le surcroît d’heures supplémentaires induit par la réforme à 70 millions d’heures (ou 45 000 emplois équivalents temps plein). 70 millions d’heures représente environ un dixième du nombre d’heures supplémentaires réalisées annuellement.

D’un point de vue théorique, la mesure aurait un impact sur la quantité de travail effectué ; cependant, il est impossible de départager cet impact entre, d’une part, des heures travaillées et, d’autre part, des emplois. Ainsi, selon les estimations ex post de l’institut COE - Rexecode, la mesure aurait permis la création de l’équivalent (136) de 2 400 emplois dans l’industrie et de 34 000 emplois dans les services marchands, soit un résultat inférieur aux projections gouvernementales.

QUATRIÈME PARTIE : LE BILAN CONDUIT À RECOMMANDER DAMÉLIORER LES CONDITIONS DE CONCEPTION DES POLITIQUES PUBLIQUES ET À PROPOSER DES MODIFICATIONS DU DISPOSITIF

Les recommandations des rapporteurs concernent deux domaines distincts : les modalités d’élaboration de la décision publique (I) et l’opportunité d’apporter des aménagements au dispositif de l’article premier de la loi Tepa (II).

I. LA NÉCESSITÉ DES ÉTUDES DIMPACT PRÉALABLES ET
DE L
ADAPTABILITÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES

Une partie des propositions des rapporteurs, tirant les conclusions des modalités d’élaboration du dispositif de l’article premier de la loi Tepa, concerne les modalités de préparation des politiques publiques par l’exécutif et les relations entre l’exécutif et le Parlement.

A. DE LA NÉCESSITÉ DE LA RÉALISATION DES ÉTUDES DIMPACT ET DE LEUR TRANSMISSION AU PARLEMENT

1.– Labsence de réponse du Gouvernement ne permet pas de conclure à lexistence dune étude dimpact ex ante

Les auditions auxquelles les rapporteurs ont procédé démontrent qu’un important travail de conception, exigeant une concertation interministérielle substantielle, a bien présidé à l’élaboration du processus, en amont et en aval des débats parlementaires. En particulier, des prévisions de coûts budgétaires, même marquées par une certaine imprécision (137), ont bien été effectuées. Les textes d’application, de grande qualité, ont été adoptés dans des délais très brefs, quelques semaines après la date de publication de la loi.

Cependant, rien n’indique formellement qu’une véritable étude d’impact ex ante ait bien été réalisée. Une telle étude permet de recenser les effets probables de la mesure dont l’adoption est projetée, et d’apprécier ainsi son efficacité et son coût. Ce type d’étude exhaustive, généralement réalisée de manière approfondie par les exécutifs des collectivités territoriales en cas de projet d’investissement ou par la Commission européenne, semble pourtant nécessaire en raison du montant de la dépense publique.

Compte tenu de l’absence de communication des documents préparatoires et des éventuelles études d’impact ex ante, les rapporteurs ne peuvent apprécier avec la rigueur nécessaire les conditions dans lesquelles la mesure a été élaborée. Cette absence de communication des documents aux rapporteurs, éminemment regrettable, souligne les progrès que doit effectuer l’administration dans la valorisation de l’activité de l’évaluation des politiques publiques, qu’elle soit réalisée ex ante ou ex post.

Le droit en vigueur issu de la réforme organique de 2009 (138) prévoit qu’une étude d’impact est jointe aux projets de lois déposés sur le bureau de la première assemblée saisie depuis le 1er septembre 2009. En application de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique du 15 avril 2009, il convient de noter qu’en revanche, n’entrent pas dans le champ de l’obligation organique les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, dont les dispositions non exclusives font l’objet d’une « évaluation préalable », qui figurent dans une annexe aux projets.

Même si l’article premier de la loi Tepa ne relève pas, en tout état de cause et à ce jour, du domaine exclusif des lois de finances (139), l’absence de transmission d’évaluation préalable transmise au Parlement donne matière à réflexion. Il souligne la nécessité, pour les parlementaires, de disposer d’études d’impact de qualité.

Ainsi, les rapporteurs soulignent la nécessité que les « évaluations préalables » jointes aux dispositions « exclusives » des projets de loi de finances et de financement fassent bien l’objet de travaux approfondis. En la matière, il serait peu approprié de se satisfaire d’un respect uniquement formel d’une obligation destinée à améliorer la transparence démocratique et la qualité de la législation.

2.– Comment renforcer lexpertise économique du Parlement ?

L’évaluation du dispositif de l’article premier de la loi Tepa a mis en évidence la nécessité d’une amélioration de l’expertise du Parlement, notamment lorsqu’il discute d’un projet de loi de nature économique.

Cette expertise devrait d’abord passer par une transparence accrue des informations et analyses détenues par le Gouvernement sur le dispositif dont l’adoption est proposée au Parlement. À cet égard, il serait opportun de rendre publics les rapports du Conseil d’analyse économique (CAE) le plus rapidement possible, après leur présentation au Premier ministre ou au ministre ayant commandé l’étude.

Le cas échéant, compte tenu de sa relative indépendance, de la qualité des membres et des travaux du Conseil d’analyse économique, il pourrait être proposé de rapprocher le CAE du Parlement en instaurant un « droit de tirage » sur les travaux du Conseil. À un rythme à déterminer, les parlementaires pourraient demander au CAE de travailler sur un thème précis. Les travaux du CAE pourraient ainsi enrichir directement les travaux parlementaires. Le cas échéant, il serait intéressant d’envisager que le Parlement puisse formellement demander au CAE une évaluation préalable des coûts et des avantages des mesures proposées par le Gouvernement.

B. ADAPTER RAPIDEMENT LES POLITIQUES PUBLIQUES AUX CHANGEMENTS OBSERVÉS

1.– Stabilité de la norme législative et nécessaire adaptabilité

S’agissant des textes législatifs, il y a un compromis à trouver entre, d’une part, la nécessaire stabilité de la norme, exigence soulignée auprès des rapporteurs par certaines personnes auditionnées, et, d’autre part, son adaptabilité indispensable aux changements de contexte et de circonstances.

Les représentants des employeurs, particulièrement des artisans et des petites entreprises, entendus par les rapporteurs, ont insisté sur les coûts d’ajustement aux nouvelles normes et ont souligné la nécessité d’une certaine visibilité en la matière. Cependant, l’impératif de stabilité, cher aux acteurs économiques, doit également se conjuguer avec la nécessité de l’évaluation et donc de l’ajustement indispensable des politiques publiques aux changements de situation. Cet ajustement rapide est d’autant plus nécessaire lorsque l’évaluation rend compte d’une efficience réduite de la dépense publique.

Ainsi, le déclenchement de la profonde récession intervenue en 2008 – 2009 aurait dû inciter le gouvernement à s’interroger sur le maintien en l’état du dispositif de l’article premier de la loi Tepa, mécanisme conçu et adopté dans un contexte macro-économique différent.

2.– Procéder régulièrement à une revue des dispositifs dexonération fiscale et sociale

Il faut donc procéder à un réexamen régulier et approfondi de l’opportunité des mesures fiscales et sociales, particulièrement des mesures d’exonération, de manière à évaluer rapidement la nécessité d’adapter ces mesures aux changements macro-économiques. Cette mesure permettrait de lutter contre le processus de sédimentation législative qui caractérise les dispositifs des « niches » fiscales et sociales.

Ainsi, les rapporteurs souhaitent souligner l’intérêt des conclusions de la mission d’information commune sur les exonérations sociales de l’Assemblée nationale. Le rapport préconisait en effet de borner dans le temps la portée des exonérations ou des niches créées par la loi. Le rapporteur de cette mission estimait qu’une durée de trois ans pourrait constituer la norme générale à appliquer à une mesure d’exonération ou d’exemption d’assiette. Il était proposé que le cas échéant, ces mesures ne soient adoptées que pour un nombre limité d’exercices, leur reconduction formelle étant subordonnée au dépôt d’une évaluation précise des coûts et des avantages du dispositif considéré.

II. COMMENT AMENDER LE DISPOSITIF ?

Cette partie comporte les développements relatifs aux recommandations des rapporteurs concernant le dispositif.

À titre liminaire, il convient de noter qu’il n’y a pas lieu de proposer de revenir sur l’une des dispositions de l’article premier de la loi Tepa : la fin anticipée du régime dérogatoire de la majoration des heures supplémentaires des salariés d’un certain nombre d’entreprises.

A. LES RÉSULTATS DE LÉVALUATION SOULIGNENT LA DIFFICULTÉ À SUPPRIMER UNE MESURE DE REVENUS

1.– Les salariés et les entreprises se sont approprié la mesure

L’article premier de la loi Tepa a introduit un dispositif innovant. Les salariés et les entreprises se sont approprié la mesure : ce dispositif est maintenant, au bout de près de quatre années d’application et malgré la relative complexité qu’il a apportée, complètement intégré au comportement des employeurs et des salariés. Leurs décisions économiques individuelles prennent bien en compte les incitations de la mesure. Malgré ses inconvénients, ses coûts et ses ambiguïtés, la mesure de défiscalisation et d’exonération de cotisations sociales fait bien partie, depuis l’automne 2007, de « l’équation comportementale » des agents économiques concernés, employeurs (publics et privés), salariés et agents publics.

2.– Un contexte défavorable à une suppression brutale

Les rapporteurs n’ignorent pas la difficulté politique majeure à remettre en cause un tel dispositif dans une période marquée par trois évolutions principales :

– la progression du pouvoir d’achat des ménages semble insuffisante à une proportion grandissante de Français, en particulier des salariés ;

– un des moteurs de la croissance du PIB français est la consommation privée, alimentée partiellement par les revenus issus des salaires ;

– dans certaines branches ou entreprises, les rémunérations des salariés ne progressent que très peu en volume et il leur est difficile d’obtenir des revalorisations conséquentes.

Un raisonnement similaire s’applique aux pans de l’économie affrontant une concurrence internationale : la mesure de l’article premier de la loi Tepa a pu, même marginalement et à court terme, diminuer le coût du travail et donc améliorer légèrement la compétitivité des entreprises. Cette affirmation est à nuancer en fonction des branches, dont une grande partie ont utilisé la loi Tepa sans avoir à faire face, directement, à la compétition internationale (exemple des hôtels, cafés et restaurants).

Enfin, le caractère assez massif de l’application de la mesure (plus de neuf millions de bénéficiaires) rend sa modification, et a fortiori sa suppression brutale, particulièrement délicate à réaliser.

L’intérêt de la mesure renvoie moins à une solution – complexe – aux éventuels problèmes posés par la réduction du temps de travail qu’à l’insuffisante rémunération nette perçue par les salariés. Ce point est particulièrement important s’agissant des personnels de la fonction publique d’État et hospitalière : le dispositif s’y est appliqué, sans avantage financier pour l’employeur, avec un succès sans doute partiellement imputable à l’insuffisante reconnaissance des efforts individuels effectués en matière de temps de travail.

3.– Des modifications pourtant nécessaires

Néanmoins, il semble aux rapporteurs que la démarche d’évaluation a mis en évidence des problèmes importants et qu’il est nécessaire de modifier la mesure considérée. Certains effets positifs du dispositif mentionnés plus haut pourraient sans doute être atteints par d’autres moyens ou politiques publiques présentant une complexité moindre, avec des effets indésirables moins importants ou à des coûts minorés. Compte tenu du coût de la mesure pour l’État, de son caractère peu efficient, des inégalités qu’elle suscite et de l’état dégradé des finances publiques, le statu quo ne semble donc pas possible.

Pour autant, une suppression complète, telle que préconisée par le Conseil des prélèvements obligatoires, pourrait emporter des effets négatifs brutaux et surtout induire des coûts d’ajustement importants pour les acteurs. Elle pourrait bouleverser à nouveau les relations de travail.

Compte tenu de ces contraintes, les rapporteurs ont préféré identifier une « proposition – socle » minimale qui leur semble susceptible de recueillir le consensus le plus large : la suppression des avantages sociaux forfaitaires bénéficiant aux employeurs. Ce volet du dispositif leur paraît en effet le moins fondé en opportunité.

Cette proposition centrale est complétée par un certain nombre de développements ayant vocation à alimenter le débat et exposant les avantages et les inconvénients des autres modifications possibles du dispositif.

B. LA SUPPRESSION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES PATRONALES ET LA MODIFICATION DU CALCUL DE LALLÈGEMENT GÉNÉRAL SUR LES BAS SALAIRES (FILLON)

1.– La subvention du coût de lheure supplémentaire sest révélée peu efficiente

a) La subvention de la « dernière » heure du travail du salarié se justifie-t-elle encore aujourdhui ?

Du point de vue de l’employeur, le volet du dispositif relatif à la déduction de cotisations sociales patronales s’apparente à la subvention par l’État d’une heure d’activité où la marge de l’entreprise est la plus élevée. Généralement, les coûts fixes de l’employeur (équipements et dépenses de formation des salariés par exemple) sont économiquement amortis sur les « heures normales » ; la marge est donc forte sur ces heures supplémentaires. Subventionner le coût des heures où la marge est particulièrement élevée ne peut donc que susciter des interrogations.

Ce point est cependant légèrement à nuancer compte tenu des effets différenciés de la mesure sur le coût de l’heure supplémentaire, notamment sur les entreprises de 20 salariés au plus. Ce dispositif dérogatoire de majoration des heures supplémentaires, dont la suppression (passage d’une majoration de 10 % à 25 %) pouvait justifier partiellement la déduction forfaitaire, devait en tout état de cause prendre fin au 31 décembre 2008. De plus, cette suppression est maintenant bien prise en compte par les entreprises visées.

b) Ne faudrait-il pas privilégier la lutte contre le sous-emploi ?

L’objectif de promotion de l’emploi et de lutte contre le chômage était un objectif de deuxième ou de troisième rang du dispositif, qui visait avant tout à augmenter la durée du travail et à accroître le pouvoir d’achat de certains salariés. La mesure reposait sur le double constat, effectué en 2007, d’une durée moyenne du travail des salariés jugée insuffisante et d’un pouvoir d’achat à augmenter.

Ne peut-on pas considérer que le diagnostic a changé en 2011, notamment en raison de la croissance du nombre de demandeurs d’emploi observée depuis 2008 ? En effet, dans un contexte de sous-emploi persistant, est-il encore fondé de continuer à subventionner les heures supplémentaires, heures sur lesquelles la marge de l’employeur est maximale ?

Afin de favoriser l’entrée dans l’entreprise de personnes sans emploi, il serait sans doute plus opportun de subventionner les « premières heures », ou du moins les premières embauches, plutôt que les heures supplémentaires. Cette politique est déjà partiellement mise en place via le contrat unique d’insertion (CUI), qui cible les personnes à l’employabilité réduite, mais ces mesures mériteraient sans doute d’être étendues à une population plus large.

*

Compte tenu des risques d’optimisation liés à la substitution « d’heures supplémentaires » à des « heures normales », des effets massifs d’aubaine observés ainsi que du faible impact de la mesure sur la durée du travail considérée dans son ensemble, les rapporteurs estiment raisonnable de remettre en cause ce volet du dispositif. Cette remise en cause de l’avantage consenti aux employeurs se décline en deux volets distincts :

– d’une part, la suppression de la déduction forfaitaire des cotisations sociales dues par les employeurs ;

– d’autre part, la réintégration des heures supplémentaires au calcul du montant des allègements généraux sur les bas salaires.

Si ces mesures étaient envisagées, elles devraient faire l’objet d’une évaluation préalable approfondie afin d’en apprécier tous les coûts et tous les avantages. L’adoption de ces deux mesures permettrait, en première analyse, une économie d’environ 1 300 millions d’euros pour le budget de l’État.

2.– Supprimer la déduction forfaitaire de cotisations sociales dues par l’employeur

La suppression éventuelle de la déduction forfaitaire aurait un rendement correspondant au montant de la dépense, soit environ 700 millions d’euros. Afin d’éviter un choc d’adaptation subi par les employeurs – certes peu probable compte tenu des montants relativement faibles – il serait possible d’envisager une suppression graduelle, au risque cependant de renforcer la complexité du dispositif. L’économie correspondant à la suppression de cette dépense pourrait soit contribuer à la réduction du déficit du budget de l’État, soit être réaffectée au financement de mesures jugées plus aptes à promouvoir les objectifs poursuivis par la mesure : l’augmentation du temps de travail, du PIB et du niveau de l’emploi par la réduction du coût du travail pour les entreprises.

Une autre voie pourrait être le conditionnement du bénéfice de cette aide à un certain nombre d’obligations. Elle réduirait le rendement de la mesure de la suppression mais permettrait d’orienter les décisions des employeurs de manière à favoriser des buts d’intérêt général, comme l’embauche de jeunes sans qualification ou la conclusion d’accords sur des thèmes à déterminer.

3.– Réintégrer les heures supplémentaires au calcul du montant des allègements généraux sur les bas salaires

Les rapporteurs proposent également de réintégrer la rémunération des heures supplémentaires dans le calcul du montant de l’allègement général sur les bas salaires. La réintégration de ces rémunérations majorées diminuera mécaniquement le montant de l’allègement et donc la dépense qu’il constitue pour les finances publiques.

Une telle mesure permettrait à l’État d’économiser environ 600 millions d’euros.

Le rapport précité du CPO sur les niches sociales bénéficiant aux entreprises considère cette mesure comme l’ « ajustement le plus modéré » du dispositif de l’article premier de la loi Tepa : « lexclusion des heures supplémentaires du calcul de lallègement Fillon accroît (…) le caractère attractif du régime des heures supplémentaires, et donc les risques doptimisation résidant dans la substitution nominale des heures supplémentaires au salaire correspondant au temps de travail normal. (…) Cette mesure pourrait toutefois pénaliser le recours aux heures supplémentaires pour les niveaux de salaires inférieurs à 1,6 smic. »

C. LEXONÉRATION SALARIALE ET LEXONÉRATION FISCALE : LES OPTIONS POSSIBLES

Les développements infra présentent les avantages et les inconvénients des éventuelles modifications des autres volets du dispositif. Ces analyses ont vocation à alimenter le débat, les rapporteurs ne se prononçant pas formellement sur l’opportunité de ces mesures.

1.– Le dispositif fiscal

a) La suppression complète du dispositif fiscal ?

Le CPO suggère de cibler la mesure sur les contribuables aux revenus les plus modestes en supprimant l’exonération de l’impôt sur le revenu.

En effet, alors que cette exonération fiscale accroît le coût du dispositif, elle est moins incitative que l’exonération de cotisations salariales en raison du décalage d’un an entre la réalisation de l’heure supplémentaire et la perception du gain fiscal correspondant. De plus, elle peut être considérée comme « anti-redistributive » dans l’hypothèse où des personnes non imposables, par le truchement des impôts indirects, contribuent au financement d’une mesure bénéficiant, dans des proportions non négligeables, à des foyers percevant des revenus plus élevés. Par ailleurs, la suppression du volet fiscal du dispositif n’aurait pas d’impact sur le coût du travail et elle emporterait certainement un impact très modéré sur l’offre de travail par les ménages.

L’estimation du rendement de cette suppression correspondrait à la dépense fiscale, soit un montant d’environ 1,360 milliards d’euros.

b) Le plafonnement de lavantage fiscal ou du montant de son assiette ?

Il pourrait être envisagé de limiter la portée de l’avantage fiscal afin, d’une part, de réduire la dépense et, d’autre part, de diminuer les inégalités afférentes.

Certes, le dispositif est bien encadré par les dispositions applicables du code du travail limitant le recours aux heures supplémentaires. De plus, l’article premier de la loi Tepa dispose également que les « surmajorations » résultant d’un accord d’entreprise ne sont pas prises en compte.

Cependant, les rapporteurs estiment qu’il ne serait pas illégitime que les gains fiscaux résultant de la mesure ne soient pas excessifs. À la demande des rapporteurs, la DLF a travaillé sur les effets du plafonnement du montant de l’avantage fiscal et du plafonnement du montant des revenus tirés de la rémunération des heures supplémentaires.

• Le plafonnement du montant de l’avantage fiscal serait difficile à mettre en œuvre

La DLF indique qu’un éventuel plafonnement de l’avantage fiscal serait délicat : il obligerait à une double liquidation du montant de l’impôt dû, avec et sans l’exonération. La solution présenterait en outre un inconvénient pour les salariés, qui seraient incapables de savoir si les heures supplémentaires qu’ils accomplissent feront effectivement l’objet d’une exonération.

• Le plafonnement du montant des revenus tirés des heures supplémentaires

Ce plafonnement serait plus facile à mettre en œuvre. Il pourrait être réalisé soit en valeur absolue, soit en proportion du revenu fiscal de référence. L’articulation de ce plafonnement avec l’exonération de cotisations sociales et la déduction de cotisations sociales devrait également, dans ce cas, faire l’objet d’arbitrages. La mesure présenterait cependant l’inconvénient d’introduire une complexité supplémentaire dans le dispositif.

c) Réduire lassiette de lavantage fiscal à la partie majorée de la rémunération de lheure supplémentaire ?

Une autre possibilité consisterait à limiter la subvention publique à la partie majorée de la rémunération de l’heure supplémentaire, à l’instar de plusieurs pays européens. À la demande des rapporteurs, en prenant l’hypothèse d’une rémunération majorée à un taux de 25 %, la DLF a ainsi estimé que le coût de l’exonération fiscale atteindrait 362 millions d’euros (contre 1 360 millions d’euros, coût du volet fiscal de la mesure au titre des revenus 2009). Cette mesure permettrait donc de réduire la dépense de près d’un milliard d’euros.

2.– Lexonération des cotisations salariales

La mise en cause de l’exonération des cotisations salariales serait la plus difficile à appliquer compte tenu de son impact direct et immédiat sur le pouvoir d’achat des salariés concernés.

Compte tenu de son coût, elle pourrait être complètement ou partiellement supprimée, le cas échéant, graduellement. Elle pourrait aussi être sensiblement réduite en ne portant que sur la partie majorée de la rémunération. Le coût de la mesure pourrait alors être ramené à environ 800 millions d’euros contre 3,1 milliards d’euros actuellement.

La question des conditions de son maintien éventuel pour certains fonctionnaires et agents publics pourrait être posée.

III. UNE RÉFLEXION À ENGAGER SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES RELATIVES AU TEMPS DE TRAVAIL

A. LE TEMPS DE TRAVAIL DES SALARIÉS : PRIVILÉGIER UNE LOI-CADRE, UNE NÉGOCIATION PAR BRANCHE ET UNE STABILITÉ DE LA NORME

1.– Une mesure de contournement de la législation relative au temps de travail qui a généré ses propres effets indésirables

Le dispositif de l’article premier de la loi Tepa a pu être envisagé comme une mesure de contournement du dispositif de réduction du temps de travail, que le Gouvernement jugeait trop rigide. Dans cette perspective, le mécanisme adopté présentait un « coût politique » réduit comparé à la remise en cause complète du dispositif de la réduction du temps de travail.

L’article premier de la loi Tepa s’est plutôt révélé comme une disposition complexe et générant ses propres effets pervers. Il a contribué à institutionnaliser le dispositif dont l’assouplissement était souhaité. De plus, la complexité juridique qui en résulte est préjudiciable aux petites entreprises.

Les rapporteurs estiment qu’en matière de temps de travail, il serait opportun de mettre fin à la succession de mesures et de contre-mesures. L’effet global sur la croissance et l’emploi de la succession de ces mesures, qui désorientent les agents économiques et emportent à chaque réforme des coûts d’ajustement parfois substantiels, devient par trop difficile à identifier.

2.– Aborder différemment les politiques relatives aux temps de travail des salariés ?

Les rapporteurs préconisent que la réglementation du temps de travail soit, pour l’essentiel, réalisée au niveau de la branche.

Il serait plus efficient et plus lisible que la loi fixe les grands principes de la définition du temps de travail, dont une « durée-repère » (35 heures) ainsi que les différents plafonnements destinés à protéger les salariés et leur santé. Cette loi serait, le cas échéant, complétée par un accord national interprofessionnel.

Des négociations menées au niveau de la branche, au plus près des besoins des entreprises et des préoccupations des salariés concernés, permettraient de déterminer les modalités précises du temps de travail, les majorations applicables aux heures supplémentaires, les modes de décompte ainsi que les éventuels repos compensateurs.

Cette mesure introduirait de la diversité dans le paysage normatif, compte tenu du nombre actuel de branches, qui est certes excessif (plus de mille selon la Direction générale du travail). Si les agents économiques sont aujourd’hui habitués à plus d’uniformité juridique en la matière, le droit élaboré suivant ces nouvelles prescriptions deviendrait plus lisible et plus stable, permettant aux acteurs économiques de s’engager dans des relations durables, favorisant ainsi la croissance économique de long terme.

L’élaboration de la réglementation du temps de travail au niveau de la branche préserverait un certain équilibre dans les négociations entre représentants des employeurs et des salariés. La réduction concomitante du nombre de branches pourrait garantir l’expertise des négociateurs.

B. RÉFLÉCHIR À LA SUPPRESSION DES AIDES PUBLIQUES SUPPOSÉES ACCOMPAGNER LAPPLICATION DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Près de dix ans après l’adoption des lois portant réduction du temps de travail, il serait légitime de considérer que les entreprises ont eu le temps de s’organiser pour absorber le réel surcoût correspondant, grâce la modération salariale, la hausse de la productivité horaire et l’introduction de dispositifs innovants de modulation du temps de travail des salariés.

Des aides publiques, sous la forme d’allègements de cotisations, ont également significativement contribué à cette adaptation. Ces aides se sont ajoutées à celles visant, depuis 1993, à favoriser l’emploi de personnes à faibles rémunérations. Le montant des dépenses correspondantes constitue aujourd’hui une charge conséquente pour les finances publiques tout en contribuant à générer des effets indésirables substantiels :

– un phénomène de « trappes à bas salaires » via un barème des cotisations sociales devenu progressif pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 smic,

– une insuffisante spécialisation de l’économie française sur les secteurs économiques à forte valeur ajoutée employant des salariés à haut niveau de qualification et à rémunération élevée,

– et enfin une complexité accrue des relations entre l’État et les régimes de la sécurité sociale.

Ces sommes, tous dispositifs confondus, dépassent 20 milliards d’euros par an (dont environ 12 milliards d’euros destinés à accompagner la réduction du temps de travail), montant auquel s’ajoute le coût du dispositif de l’article premier de la loi Tepa destiné, lui, à augmenter la durée du travail.

Compte tenu, d’une part, des dispositions ayant assoupli le dispositif de la réduction du temps de travail et, d’autre part, de la durée de dix ans ayant permis l’adaptation des employeurs, ne conviendrait-il donc pas de diminuer graduellement les aides correspondantes afin d’aboutir à leur suppression ?

Les rapporteurs estiment qu’il est nécessaire d’évaluer ex ante les conséquences d’une diminution des aides publiques versées aux entreprises et supposées les aider à appliquer ces lois de réduction du temps de travail. Cette remise en cause devrait être graduelle et annoncée préalablement afin que les entreprises concernées puissent, le cas échéant, se réorganiser en conséquence.

RÉUNION DU COMITÉ DU 30 JUIN 2011 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION

M. le Président Bernard Accoyer. Je rappelle que ce sujet a été proposé par le groupe SRC au titre de son premier « droit de tirage » annuel.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. La mesure concernée, qui constitue l’article 1er de la loi TEPA, avait été annoncée pendant la campagne présidentielle. Elle vit le jour à l’été 2007, soit dix ans après la mise en place des 35 heures ; or, aujourd’hui, la gauche et la droite commencent à s’accorder à dire que son efficacité n’est pas complète.

Son objectif était de réconcilier les Français avec le travail et de gommer les effets négatifs des 35 heures, dont, pour ma part, je souhaitais la suppression pure et simple.

Il s’agissait de favoriser les heures supplémentaires, au bénéfice des salariés comme des entreprises : pour les premiers avec les bonus induits par l’exonération de charges sociales et, le cas échéant, par la défiscalisation ; pour les seconds avec l’exonération de charges sociales et les avantages liés au nouveau mode de calcul du dispositif Fillon.

Puisque la mesure avait été programmée peu avant l’élection présidentielle, aucune étude d’impact précise n’avait été réalisée. Nous souhaitons d’ailleurs que ce type d’étude devienne plus systématique. Quoi qu’il en soit, la mesure plaît aux Français : elle donnait une traduction à la formule « Travailler plus pour gagner plus ». De surcroît, sa mise en œuvre s’inscrivait dans un contexte de dynamisme économique puisque, à l’été 2007, la croissance était supérieure à 2 % et le taux de chômage s’établissait à 7,5 %.

L’interprétation des résultats peut évidemment faire débat. Il est néanmoins intéressant de constater, au terme de nos six mois d’auditions, que le diagnostic est pour ainsi dire unanime.

Les résultats sont cependant différents pour les salariés, selon qu’ils appartiennent au secteur privé ou au secteur public. Dans le privé, en période de ralentissement de l’activité économique, le dispositif a donné lieu à un fort effet d’aubaine, puisque plus de 9 millions de salariés travaillaient encore 39 heures ; reste que, globalement, peu d’heures supplémentaires furent créées au-delà de ces quatre heures entre 2008 et 2010.

Dans le secteur public, la mesure est en revanche particulièrement efficiente car elle ne dépend pas de l’évolution du marché. C’est tout particulièrement vrai dans la fonction publique d’État, où le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a entraîné une réorganisation du travail, et bien entendu dans la fonction publique hospitalière, où les heures supplémentaires ont permis de pallier, en termes d’organisation du travail et d’utilisation des compétences, les effets néfastes des 35 heures. J’ajoute que l’absence d’exonération de charges sociales pour ces employeurs rend le dispositif plus avantageux pour les finances publiques.

Le coût total de la mesure serait d’environ 4,5 milliards d’euros, dont 3,2 milliards au bénéfice des salariés et 1,3 milliard au bénéfice de l’entreprise. Dans la fonction publique, l’exonération coûte environ 300 millions d’euros ; dans le privé, la dépense fiscale s’élève à 1,2 milliard d’euros et les exonérations de charges sociales patronales atteignent également 1,3 milliard d’euros.

La mesure, qui n’a pas eu l’efficacité qu’on en attendait en matière de création d’heures supplémentaires, a en revanche augmenté le pouvoir d’achat dans un contexte économique difficile.

Pour le monde de l’entreprise, qui se plaint habituellement du coût du travail, les exonérations de charges – 1,3 milliard, dont 700 millions d’exonérations de charges sociales et 600 millions au titre du nouveau calcul de l’allégement Fillon – ont constitué un bénéfice immédiat. On peut se dire que le contexte n’était pas approprié, mais la mesure a apporté un nouveau souffle aux entreprises. Il est patent, néanmoins, qu’elle n’a pas aboli les 35 heures : c’est la loi d’août 2008 qui l’a fait, puisqu’elle dispose que le temps de travail est désormais négociable au niveau de l’entreprise, même si les 35 heures restent le seuil à partir duquel sont comptabilisées les heures supplémentaires. En bonne logique, il aurait été préférable de voter le dispositif Tepa après la loi de 2008.

Si l’outil est très efficace dans la fonction publique, il constitue surtout un gain de pouvoir d’achat pour les salariés du privé. Pour eux, je ne vois pas comment on pourrait le remettre en cause, dans la mesure où ils ne bénéficient pas de la disposition permettant de travailler 35 heures payées 39 – disposition qui coûte 12 milliards d’euros au budget de l’État. Le but serait d’obtenir des heures supplémentaires au-delà de ces 39 heures ; mais c’est l’activité économique qui en décidera.

L’allégement du coût du travail est nécessaire pour encourager l’embauche, mais pas de cette façon : puisque c’est le marché qui commande la création d’heures supplémentaires par les entreprises, la mesure, loin d’inciter à l’embauche, risque d’empêcher le recours à l’intérim, au CDD et surtout au CDI. Afin d’inciter les entreprises à embaucher, les exonérations, qui représentent 1,3 milliard d’euros, devraient plutôt porter sur les premières heures travaillées.

De ces conclusions, M. Mallot tirera sans doute des orientations différentes. Cela dit, il me semble impossible de revenir sur les avantages octroyés aux salariés. Au niveau de l’entreprise, il faut trouver d’autres moyens de diminuer le coût du travail, notamment sur les premières heures travaillées. D’une façon générale, le dispositif est contradictoire avec la loi de 2008 : la durée à partir de laquelle les heures supplémentaires doivent être comptabilisées relève plutôt d’accords de branche. C’est ainsi que l’on tirerait un trait définitif sur les 35 heures !

M. Jean Mallot, rapporteur. Au risque de surprendre, je n’ai pas grand-chose à ajouter sur le constat sur lequel nous n’avons pas de désaccord.

Il me semble cependant qu’il importe de bien distinguer l’évaluation et les préconisations, sur lesquelles M. Gorges et moi-même sommes d’ailleurs aussi partiellement d’accord.

Nous souhaitons qu’à l’avenir, de telles mesures fassent l’objet d’une étude d’impact, ou que, à tout le moins, on utilise les études qui existent déjà. En l’occurrence, le Conseil d’analyse économique en avait réalisé une, où il se montrait très réservé : il est regrettable, pour employer une litote, qu’elle soit restée confidentielle jusqu’après le vote du projet de loi.

Cette étude d’impact, nous avons en quelque sorte voulu la faire a posteriori. L’objectif général de la mesure était de revaloriser le travail, d’augmenter le pouvoir d’achat et, si possible, d’encourager l’emploi.

La mesure présente cinq aspects. Le premier est la défiscalisation de la rémunération des heures supplémentaires. J’insiste sur ce point, car c’est la rémunération de l’heure entière qui est défiscalisée, et non, comme dans certains pays, la seule majoration de 25 %. Le deuxième aspect est la réduction de cotisations sociales salariales ; le troisième, la hausse de la majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés au plus, majoration que la loi de 2005 avait portée à 10 % – cette disposition devait prendre fin au 31 décembre 2008.

Quatrième aspect : la déduction forfaitaire sur les cotisations patronales – 0,50 euro par heure supplémentaire, et 1,50 euro dans les entreprises de vingt salariés au plus.

Enfin, le dispositif modifie le mode de calcul de l’allégement Fillon sur les bas salaires.

L’effet d’aubaine, massif, était prévisible, puisque ces mesures s’appliquaient aussi aux heures supplémentaires existantes – 730 millions en 2007. Or les heures supplémentaires sont déjà, parmi les heures travaillées, les plus rentables pour les entreprises et les plus rémunératrices pour les salariés. Elles offrent donc un double avantage.

Les effets sur l’emploi sont mitigés. Le dispositif ne crée guère d’heures supplémentaires au-delà de 39 heures et, en période de crise, il donne au chef d’entreprise un moyen alternatif à l’intérim, au CDD ou à l’embauche. Il ralentit donc la réduction du chômage.

La mesure donne, par définition, du pouvoir d’achat aux salariés – mais il en irait de même si l’on distribuait directement de l’argent à la sortie du métro. La question qu’il faut en conséquence se poser est celle de son efficacité. Or, si la mesure coûte 4,5 milliards aux finances publiques, soit 0,23 % du PIB, elle n’augmenterait celui-ci que de 0,15 %.

D’autre part, elle accroît les inégalités. La défiscalisation, par exemple, ne concerne que les personnes imposées sur leur revenu ; or elle est financée par une dette qui, par définition, repose sur tous les contribuables.

Le dispositif est aussi paradoxal, puisque, comme M. Gorges l’a montré, elle a « cristallisé » les 35 heures et a eu plus d’effets dans la fonction publique que dans le secteur privé.

Nous partageons plusieurs préconisations.

La première est de supprimer les réductions de cotisations patronales : soutenir les heures supplémentaires alors qu’elles sont déjà les plus avantageuses pour l’entreprise est en effet une incongruité économique. Cette suppression permettrait de récupérer 1,3 milliard d’euros – 700 millions au titre de la réduction des cotisations et 600 millions au titre du calcul de l’allégement Fillon.

Quant aux cotisations salariales, je comprends l’argument de M. Gorges : il est délicat de revenir sur les gains octroyés aux salariés. J’estime pour ma part que les 2,4 milliards d’euros correspondant pourraient subventionner les « première heures » plutôt que les heures supplémentaires, afin d’encourager l’embauche.

Nous n’avons pas non plus le même avis sur la défiscalisation, qui me semble très injuste et que je propose donc de remettre en cause. Une variante serait de plafonner l’avantage fiscal, ou d’appliquer la défiscalisation uniquement à la partie majorée de l’heure supplémentaire.

Par ailleurs, nous sommes tombés d’accord pour dire que, si la loi doit fixer la durée du travail, notamment en instituant un plafond maximal notamment pour préserver la santé des salariés, les adaptations relèvent de la négociation par branche. Il convient cependant selon moi de respecter la hiérarchie des normes, donc de revenir sur la loi de 2008 qui l’a inversée : l’accord de branche devrait primer sur l’accord d’entreprise – M. Gorges pense le contraire, mais il faut bien que nous ayons quelques désaccords.

Nous préconisons enfin de supprimer graduellement les 12 milliards d’aides publiques consenties pour accompagner la réduction du temps de travail : depuis dix ans, les entreprises ont eu le temps de s’adapter.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales. Ma première réaction, à la lecture de ce document utile et de qualité, a été la surprise : il contient en effet de vraies propositions.

Notre fil directeur est de concilier trois objectifs : la compétitivité, la réduction des déficits et la justice. Les avantages accordés aux employeurs peuvent être remis en question, comme l’a montré M. Gorges, dans l’optique de réduire les déficits. En revanche, les avantages octroyés aux salariés sont une absolue nécessité. Lorsque le taux de chômage avoisine les 7 %, trouver de la main-d’œuvre devient très difficile. Je suis, pour ma part, élu dans un bassin d’emploi où le taux de chômage n’est que de 5 % : les heures supplémentaires y sont vitales. Si celles-ci perdent leurs avantages, les salariés ne voudront plus en faire. Cela entraînera donc de nouvelles rigidités pour l’entreprise, et sera injuste pour les salariés qui bénéficient jusqu’à présent du dispositif, au premier rang desquels les ouvriers.

Ces avantages, d’ailleurs, doivent être maintenus dans le privé plus encore que dans le public : les entreprises privées et leurs salariés ont dû faire de réels efforts de productivité pour compenser la lourde charge des 35 heures. Bref, des économies sont possibles, mais seulement sur les exonérations des charges patronales, et jusqu’à un certain niveau seulement – puisque les heures supplémentaires leur coûtent tout de même 25 % de plus en rémunération brute.

Croire qu’on peut facilement remplacer un salarié par un autre dans des entreprises de plus en plus technologiques est un leurre. Où trouver de la main-d’œuvre en période de relance économique ? Les incitations salariales sur les heures supplémentaires sont donc indispensables, en plus que d’être justes !

M. Olivier Carré, suppléant le président du groupe UMP. Messieurs les rapporteurs, je n’ai pu faire qu’une lecture superficielle du projet de rapport, mais je vous ai écoutés attentivement.

Permettez-moi de formuler quelques objections. Les premières tiennent au contexte. En 2007, alors que j’étais chef d’une petite entreprise, nous appréhendions beaucoup le passage aux 35 heures. L’asymétrie est grande, en effet, entre les compétences qui existent dans l’entreprise et les qualifications des éventuels candidats à l’embauche, sans parler des rigidités du contrat de travail. Dans des secteurs comme les transports, où l’on s’inquiétait beaucoup de la mise en œuvre des 35 heures, les heures supplémentaires ont permis de trouver des solutions rapides à l’échelle micro-économique : certaines de vos conclusions, macro-économiques, n’ont en effet pas de sens à l’échelle des entreprises et au regard des relations entre employeur et employés.

Par ailleurs, l’asymétrie que j’évoquais joue encore plus dans le secteur public, qui se trouve être, comme par hasard, celui où le dispositif a produit les plus d’effets. Sans ce dernier, y aurait-il eu une telle augmentation du pouvoir d’achat en période de crise ?

Il est vrai que la dynamique espérée dans le secteur privé n’a pas eu lieu, même si le travail appelle toujours le travail : c’est lorsqu’une entreprise, par le travail de tous ses membres, fidélise un client, et donc stabilise un surcroît d’activité, qu’elle peut embaucher. L’intérim et les heures supplémentaires présentent des avantages respectifs, mais au moins les secondes permettent-elles d’octroyer du pouvoir d’achat à l’équipe que représente l’entreprise. Je conçois que de tels aspects soient difficiles à mesurer, mais ils sont fondamentaux.

On a évoqué les faibles effets du dispositif sur la croissance, mais je rappelle qu’au moment de sa mise en œuvre, notre pays était en récession. Beaucoup de conclusions du rapport me semblent donc devoir être relativisées compte tenu du changement de contexte économique en cours.

Monsieur Mallot, si le secteur privé a créé si peu d’heures supplémentaires, en quoi le système mis en place a-t-il pu gêner l’embauche ?

M. Louis Giscard d'Estaing. La mesure répondait à une observation que j’avais formulée en 2005 et 2006 : jusqu’alors, seules les cotisations sociales patronales faisaient l’objet d’exonérations. Il s’agissait donc d’en faire bénéficier aussi les salariés, afin d’améliorer leur pouvoir d’achat. C’est cette observation qui fut prise en compte dans la loi Tepa.

Par ailleurs, les entreprises de moins de vingt salariés faisaient l’objet d’un régime dérogatoire puisque, jusqu’au 1er janvier 2008, elles pouvaient rester aux 39 heures ; pour les autres entreprises, la majoration des heures supplémentaires s’établissait, selon les seuils, à 25 % et à 50 %. En plus de l’aspect relatif à la rémunération, il s’agissait donc d’harmoniser les régimes des différents types d’entreprise.

Les données figurant dans le rapport montrent bien qu’entre 2002 et 2007, les heures supplémentaires ont augmenté dans toutes les catégories d’entreprise. Si l’on constate une accélération à partir de 2007, c’est que la tendance était déjà engagée depuis la mise en place des 35 heures.

En ce qui concerne l’évaluation, n’oublions pas que la mesure a eu des effets bénéfiques sur le pouvoir d’achat en 2008 et 2009. Il faut néanmoins s’interroger, à partir de votre travail, sur le cumul des exonérations de charges.

Mme Laure de La Raudière, suppléant le président de la commission des Affaires économiques en tant que vice-présidente. Je remercie le groupe SRC d’avoir utilisé son droit de tirage sur ce sujet : cela nous permet aujourd’hui d’avoir un vrai débat de fond.

Le droit du travail doit offrir suffisamment de souplesse pour accompagner le développement des entreprises, notamment en permettant à leurs salariés d’effectuer les heures supplémentaires nécessaires à l’obtention de nouveaux contrats. C’est ainsi qu’une entreprise peut se développer et, par la suite, créer des emplois pérennes.

Vos présentations, messieurs les rapporteurs, ont montré que le dispositif a amorti les effets de la crise en donnant du pouvoir d’achat aux salariés. Il répondait aussi, on le souligne trop peu, à un souci d’équité.

Je serai plus modérée que M. Méhaignerie sur les exonérations de charges pour les entreprises : il faudrait étudier précisément leur impact, notamment en termes de compétitivité, avant d’envisager de les remettre en cause. Cette question est d’ailleurs l’une des préoccupations de la mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale, présidée par le Président Bernard Accoyer. Il ne faudrait pas que l’augmentation des coûts de production nuise à la compétitivité de nos entreprises !

L’idée selon laquelle on créerait plus d’emplois s’il y avait moins d’heures supplémentaires est fausse pour les PME, monsieur Mallot. Or n’oublions jamais que 90 % des emplois sont créés dans les PME ! Dans ces entreprises, chaque salarié a un rôle bien défini : le travail est difficilement mutualisable, à la différence des grands groupes. C’est pourquoi le passage aux 35 heures y a été si difficile.

Enfin, il faut se demander quels seraient les effets du dispositif en période de croissance.

M. Jean-Patrick Gille, membre du groupe de travail désigné par la commission des Affaires sociales. Je crois percevoir chez les orateurs précédents une certaine réticence à entendre ce que disent nos rapporteurs. Ceux-ci ne proposent à aucun moment de supprimer les heures supplémentaires : ils posent simplement la question de savoir si ce dispositif de subvention par l’État des heures supplémentaires n’est pas inutile, coûteux et injuste. L’accord de nos deux rapporteurs sur ce point est tout de même révélateur !

Les propos de M. Méhaignerie confirment que les politiques qui sont menées se réduisent à encourager le travail de ceux qui en ont déjà, comme si c’était la seule alternative au partage du travail. Un tel dispositif constitue tout au plus un substitut à une politique salariale, il ne crée pas d’emplois supplémentaires, quand il n’a pas une incidence négative sur l’emploi, notamment des jeunes. En outre il n’est pas financé, sinon par la dette, et donc par les générations futures. Il ne prépare pas l’avenir !

Si cette politique paternaliste peut faire quelques heureux sur le plan micro-économique, on ne peut que s’interroger sur sa pertinence au niveau macro-économique.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. Le diagnostic posé par notre rapport est partagé par tout le monde, du Medef à la CGT. Le constat est simple, pourvu qu’on ne confonde pas les éléments de conjoncture et le mécanisme lui-même.

À aucun moment il n’est proposé de supprimer les heures supplémentaires elles-mêmes outil efficace pour l’économie et qui doit être amélioré. Le rapport s’interroge simplement sur la pertinence, en l’absence de croissance économique, d’un dispositif qui n’a fait que bonifier un stock d’heures supplémentaires déjà existant. Ce sont 735 millions d’heures supplémentaires qui ont bénéficié de ce bonus tombé du ciel. En réalité, ce dispositif a eu pour seul effet de « cristalliser » les 35 heures, les heures effectuées au-delà de la durée légale étant toutes comptabilisées comme heures supplémentaires.

En réalité, et tous les entrepreneurs nous le disent, c’est le coût du travail qui est excessif, et la question est de savoir comment moduler ce coût. Si l’on veut réduire le taux de chômage, il vaut mieux bonifier les premières heures, qui présentent l’avantage, entre autres, d’être moins dépendantes de la conjoncture que les dernières.

Il ne s’agit pas du tout de remettre en cause un dispositif, qui doit être évalué en fonction de l’évolution du contexte : si nous retrouvons demain une croissance à 4 ou 5 %, nous aurons besoin d’heures supplémentaires. Mais est-il opportun, en attendant, de donner un double bonus à l’entreprise, sous cette forme du moins ?

M. Jean Mallot, rapporteur. Nous devons débattre à partir de ce que nous avons effectivement écrit. Ce rapport a été extrêmement facile à rédiger, tant le diagnostic était partagé par tous ceux que nous avons auditionnés, les divergences ne touchant qu’à la manière de faire évoluer le dispositif.

Personne ne souhaite interdire aux salariés d’effectuer des heures supplémentaires : nous nous interrogeons seulement sur l’opportunité de les bonifier au-delà des 25 % dont elles bénéficient déjà, alors que le dispositif ne fait que révéler des heures supplémentaires qui n’étaient pas déclarées comme telles, créant un effet d’aubaine massif.

Vous m’opposez le pouvoir d’achat. Il est évident que distribuer 3,8 milliards d’euros d’argent public aux salariés ne peut pas être sans effet sur le pouvoir d’achat. Nous disons simplement qu’il y a des moyens plus efficaces de l’accroître. Si on mesure l’impact de cette mesure sur l’augmentation du PIB, on s’aperçoit qu’elle coûte plus de points de PIB qu’elle n’en produit.

Par ailleurs, la concurrence de ce dispositif avec l’embauche dépasse les simples conséquences de la crise, puisqu’il constitue un outil supplémentaire de gestion de la main-d’œuvre.

Quant à l’effet sur la compétitivité, il est discutable, le dispositif profitant ainsi beaucoup au secteur de l’hôtellerie-restauration, peu exposé à la concurrence mondiale.

M. Pierre Méhaignerie. En France, bonifier les heures supplémentaires de 25 % ne suffit pas, les salariés qui en bénéficient perdant de nombreuses prestations en retour. On ne peut nier, par ailleurs, que, dans l’industrie ou le BTP en particulier, ces bonifications sont nécessaires pour assurer la réactivité des entreprises, notamment des PME. Il est cependant légitime de s’interroger, quand on veut faire des économies, sur les avantages octroyés aux entreprises.

M. Daniel Goldberg. On doit quand même se demander dans quelle mesure ce dispositif a pu avoir un réel effet contracyclique à compter du déclenchement de la crise. Sans même discuter de son opportunité en 2007, n’aurait-on pas dû en suspendre l’application à partir de 2008 ?

Plus largement, nous devons nous interroger sur ce que doit être le mode de relation « normal » entre l’employeur et le salarié, qu’il s’agisse du secteur public ou privé. Il s’agirait de déterminer quelle marge de souplesse est acceptable si l’on veut concilier la compétitivité et la justice sociale.

M. Olivier Carré. Je me reconnais davantage dans les derniers propos de M. Gorges que dans son exposé liminaire. J’ajouterais que l’effet du dispositif sur le pouvoir d’achat des salariés est incontestable, même s’il est financé par la dette – mais qu’est-ce qui ne l’est pas en ce moment ? Le premier objectif de la mesure est donc atteint.

S’agissant de son impact sur la croissance, deux éléments sont à prendre en compte. En termes quantitatifs, le dispositif a surtout profité aux salariés du public, à en croire le rapport : de ce point de vue, il n’y a donc pas d’effet contracyclique. Deuxièmement, les éléments du contexte rendent très difficile une évaluation du dispositif.

En tout état de cause, nous manquons encore du recul suffisant. Comme Louis Giscard d’Estaing l’a fait remarquer, le dispositif a intensifié le recours aux heures supplémentaires : il n’y a pas eu d’effet d’aubaine, mais une redistribution. En tout, ce sont près de 12 milliards d’euros de rémunération nette de ces heures supplémentaires de plus dans la poche des salariés, soit 0,8 % du PIB.

Même si le rapport présente le mérite, dans la perspective d’une meilleure utilisation des fonds publics, de mettre en exergue la nécessité de réexaminer les cumuls d’exonérations, les éléments techniques dont il fait état ne me semblent pas pour autant de nature à remettre en cause le dispositif. Libre à chacun de le contester sur le plan politique, mais, monsieur le Président, le CEC ne me semble pas avoir pour vocation d’estampiller des programmes politiques – je ne dis pas cela pour M. Jean-Pierre Gorges, mais pour d’autres.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. Tous les spécialistes partagent le diagnostic : on n’a pas constaté de créations d’heures supplémentaires, mais de simples adaptations des contrats de travail pour permettre aux salariés de profiter du nouveau dispositif. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont d’ailleurs mis en garde devant les risques de dérapage du dispositif du fait de la récession et du chômage, certains ayant même modélisé mathématiquement ces dérives.

Comme M. Goldberg, nous nous sommes posé la question de savoir s’il ne fallait pas suspendre l’application du dispositif au moment de la récession. Mais comment refuser de verser aux salariés ce qu’ils considèrent légitimement comme un dû, les heures concernées ayant bien été effectuées en plus des 35 heures. C’est pourquoi je persiste à dire que ce sont les 35 heures qui sont à l’origine du problème ! Toute mesure, même juste, qui vise à améliorer un dispositif congénitalement malfaisant ne fait que dégrader encore la situation !

Reste qu’il ne faut pas démanteler un dispositif qui ne donnera sa pleine mesure qu’en période de croissance, quand les salariés devront travailler au-delà de la trente-neuvième heure. Il faudrait simplement trouver les moyens de réduire le coût des premières heures travaillées plutôt que des dernières, sur le modèle de la loi Fillon. Il est quand même contradictoire d’exonérer de charges sociales, en particulier patronales, des heures supplémentaires à un moment où les comptes de la nation et de la sécurité sociale sont en péril.

M. le Président Bernard Accoyer. Vos conclusions, messieurs les rapporteurs, divergent parfois de celles de la mission d’information sur la compétitivité de l’économie française, qui constatait, entre autres, que celle-ci se dégradait depuis dix ans. Votre rapport reconnaît l’utilité du dispositif dans l’industrie et la fonction publique hospitalière, ce qui est loin d’être négligeable. En effet, c’est surtout le secteur industriel qui souffre d’un retard de compétitivité et la désindustrialisation de notre pays est l’obsession de tous les responsables politiques. En outre, chacun s’accorde aujourd’hui à reconnaître que les 35 heures ont fortement contribué à désorganiser le fonctionnement de l’hôpital.

En réalité, ce dossier souffre d’une approche manichéenne. Nous devons absolument parvenir à dégager des convergences sur la valeur et la place du travail, ainsi que sur le poids de la dette publique – à cet égard, je vous rappelle, cher Jean Mallot, que les 35 heures dans la fonction publique sont financées par la dette, autant que ce dispositif d’exonérations des heures supplémentaires –, toutes questions qui ne doivent pas rester sans solution après qu’un énième rapport leur aura été consacré.

Il n’en reste pas moins que tous ces travaux seront utiles dans la période de débat qui va bientôt s’ouvrir.

Je note toutefois que plusieurs remarques formulées ici ont substantiellement enrichi ou nuancé le rapport. Ces remarques figureront dans le compte-rendu publié de notre réunion.

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport d’information, incluant le compte rendu de nos travaux.

Le rapport sera distribué et publié sur le site internet de l’Assemblée nationale. Il sera transmis au Gouvernement.

ANNEXE N° 1

LISTE DES AUDITIONS

– M. Éric Heyer, directeur-adjoint de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) (4 novembre 2010).

– M. Pierre Cahuc, professeur à l’École Polytechnique, membre du CAE (Conseil d’analyse économique), chercheur au Crest (centre de recherche de l’Insee), et M. Stéphane Carcillo, maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne, membre du Crest (18 janvier 2011).

– M. Pierre Ricordeau, directeur de l’Acoss, M. Benjamin Ferras, directeur de cabinet du directeur et secrétaire général du Conseil, directeur de la mission coordination nationale et communication, et M. Alain Gubian, directeur financier, directeur des statistiques, des études et de la prévision (18 janvier 2011).

– M. Antoine Magnier, directeur de la Dares, et de M. Sébastien Roux, sous-directeur des salaires, du travail et des relations professionnelles, au ministère du Travail, de l’emploi et de la santé (19 janvier 2011).

– M. Julien Matheron, adjoint au chef du service d’étude des politiques structurelles, direction générale des études et des relations internationales de la Banque de France (9 février 2011).

– Mme Marie Message, rapporteur général du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires et M. Alain Pichon, président suppléant du Conseil des prélèvements obligatoires (15 février 2011).

– M. Jean Lardin, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement, de l’Union professionnelle artisanale (UPA) (16 février 2011).

– M. Jean-Christophe Sciberras, président de l’association des directeurs des ressources humaines (ANDRH), et directeur des ressources humaines de l’entreprise Rhodia (1er mars 2011).

– Délégation de la Confédération française de l’encadrement et confédération générale des cadres (CFE-CGC), composée de Mme Marie-Françoise Leflon, secrétaire nationale, de M. Pierre-Malo Hecquet, délégué national au secteur emploi et de M. Kevin Gaillardet, chargé d’études économiques (2 mars 2011).

– Délégation du Mouvement des entreprises françaises (Medef), composée de M. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations sociales, de Mme Catherine Martin, directrice des relations sociales, et de M. Guillaume Ressot, directeur-adjoint à la direction des relations avec les pouvoirs publics (8 mars 2011).

– Mme Marie-Christine Lepetit, directrice de la législation fiscale de la direction générale des finances publiques au ministère du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État (9 mars 2011).

– M. Pierre Joly, secrétaire général du Conseil d’analyse économique (CAE) (10 mars 2011).

– Délégation de la Confédération générale du travail (CGT), composée de Mme Marie-Laurence Bertrand, responsable nationale, et de M. Michel Fontaine (10 mars 2011).

– M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), accompagné de Mme Geneviève Roy, vice-présidente en charge des affaires sociales, M. Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général, et Mme Sandrine Bourgogne, secrétaire générale adjointe (29 mars 2011).

– Délégation de la Confédération générale du travail - Force Ouvrière (CGT-FO), composée de M. Pascal Pavageau, secrétaire confédéral, MM. Sébastien Dupuch, assistant confédéral, Philippe Guimard, assistant confédéral, et Mme Heidi Akdouche, assistante confédérale (29 mars 2011).

– Délégation de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), composé de MM. François Branchu et Jean-Michel Drou, secrétaires confédéraux de (6 avril 2011).

– M. Jonathan Bosredon, sous-directeur du financement de la sécurité sociale à la Direction de la sécurité sociale, ministère du Travail, de l’emploi et de la santé (12 avril 2011).

– M. Denis Ferrand, directeur général de l’institut COE-Rexecode (3 mai 2011).

– M. Michel Yahiel, délégué général de l’Association des régions de France (ARF) (4 mai 2011).

– M. Benoît Coeuré, directeur général adjoint du Trésor, accompagné de M. Nicolas Ferrari, chef de bureau au service des politiques publiques, ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie (11 mai 2011).

– Mme Myriam Bernard, sous-directeur des carrières et des rémunérations, et M. Nicolas de Saussure, chef de bureau, Direction générale de l’administration et de la fonction publique, ministère du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État (24 mai 2011).

– M. Patrick Lambert, adjoint au délégué général, responsable du pôle ressources humaines hospitalières, Fédération hospitalière française, accompagné de Mmes Nicolle Gallais-Ferrier, adjointe de M. Lambert, et de Caroline Lesné, juriste (31 mai 2011).

– M. Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail, ministère du Travail, de l’emploi et de la santé, accompagné de Mme Anne-Marie Morais, chargée de mission (7 juin 2011).

– M. Rodolphe Gintz, sous-directeur des finances sociales, et M. Éric Ginesy, chef du bureau des comptes sociaux et de la santé, direction du Budget, ministère du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État (8 juin 2011).

ANNEXE N° 2

HEURES SUPPLÉMENTAIRES : ÉTAT DU DROIT EN JUIN 2007 (140)

La présente annexe vise à rendre compte de l’état du droit en matière d’heures supplémentaires en 2007. Elle rend également compte de la modification importante opérée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

– La notion d’heure supplémentaire

La notion d’heure supplémentaire renvoie à la définition de la durée légale hebdomadaire de travail. Conformément à l’article L. 212-5 du code du travail et à l’article L. 713-1 du code rural, les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail légale, fixée à trente-cinq heures par l’article L. 212-1 du code du travail, ou de la durée considérée comme équivalente.

Cette notion fondamentale d’« équivalence » renvoie à des formules spécifiques d’organisation du temps de travail, notamment du temps de travail des salariés dont l’emploi comporte des périodes d’inaction. Le rapport de M. Gilles Carrez (141) souligne que les personnes auxquelles la réglementation de la durée du travail est applicable sont des salariés. Ces dispositions ne s’appliquent notamment pas aux agents publics, aux professionnels indépendants et aux mandataires sociaux. Elles ne sont pas non plus applicables aux cadres à statut spécifique que sont les cadres dirigeants et à certains salariés dont la situation est régie par des normes ad hoc (142).

– Le recours à l’heure supplémentaire dans le droit applicable en juin 2007

Il est important de noter que les heures supplémentaires doivent être réalisées par le salarié à la demande de son employeur si la demande de ce dernier respecte le cadre légal et conventionnel applicable (respect du contingent des durées maximales de travail, information des institutions représentatives du personnel…). L’employeur peut en effet librement recourir aux heures supplémentaires dans la limite d’un contingent (en 2007, il s’agit d’un contingent annuel fixé par convention, accord de branche étendu ou par accord d’entreprise ou d’établissement ; à défaut, il était fixé par décret, à 220 heures par an et par salarié). La législation applicable en 2007 dispose que jusqu’au 31 décembre 2008, les heures supplémentaires ne s’imputent sur ce contingent qu’à partir de la trente-sixième heure dans les entreprises comprenant vingt salariés ou moins au 31 mars 2005. Les heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent doivent être autorisées par l’inspecteur du travail, le cas échéant après l’avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.

En application de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise, des heures dites « heures choisies » peuvent être effectuées par le salarié, en accord avec son employeur, lorsqu’une convention ou un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement le prévoit. Ces heures, effectuées au-delà du contingent, donnent lieu à une majoration de salaire et, le cas échéant, à des contreparties, notamment en termes de repos compensateur, selon des modalités précisées par la convention ou l’accord collectif. Le taux de la majoration ne peut être inférieur à celui applicable à la rémunération des heures supplémentaires. Les heures choisies ne sont pas soumises à l’autorisation de l’inspecteur du travail.

– La majoration de la rémunération de l’heure supplémentaire

Si l’on exclut les cas où l’heure supplémentaire donne lieu à un repos compensateur, les heures supplémentaires sont rémunérées par un salaire majoré : 25 % pour chacune des huit premières supplémentaires, 50 % pour les heures suivantes. Ces majorations peuvent être fixées par voie conventionnelle, mais sans être inférieures à 10 %.

La législation issue de la loi précitée du 31 mars 2005 prévoit qu’à titre dérogatoire, jusqu’au 31 décembre 2008, le taux de majoration est fixé à 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires dans les entreprises et unités économiques de vingt salariés au plus au 31 mars 2005, sauf lorsqu’un taux différent a été fixé par une convention ou un accord de branche étendu conclu ou révisé après le 21 janvier 2003.

Le contrat de travail peut prévoir la rémunération d’un certain nombre d’heures supplémentaires dans le cadre d’un salaire forfaitaire, cette convention de forfait ne pouvant toutefois être moins favorable au salarié que l’application du droit commun. Ces conventions de forfait font l’objet d’un régime légal spécifique pour ce qui concerne les cadres (cf. infra).

En application du II de l’article L. 212-5 du code du travail, le paiement de tout ou partie des heures supplémentaires et des majorations peut être remplacé par un repos compensateur équivalent lorsqu’une convention ou un accord collectif étendu le prévoit ou, en l’absence d’une telle convention ou d’un tel accord et dans les entreprises où ne sont pas constituées de sections syndicales, lorsque le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ne s’y opposent pas (143).

– Le décompte des heures supplémentaires

Le décompte des heures supplémentaires est l’une des questions les plus complexe en matière du droit du travail. Elle fait d’ailleurs l’objet de fréquents contentieux entre salarié et employeur. Les heures supplémentaires sont, en principe, décomptées dans le cadre de la semaine civile. Cette règle connaît cependant de nombreuses dérogations relatives à l’organisation du travail dans l’entreprise et à ses conséquences sur le salarié concerné. Ces dérogations concernent :

– les horaires individualisés,

– l’organisation de la durée de travail par cycles,

– la réduction du temps de travail par l’attribution de jours de réduction du temps de travail sur une période de quatre semaines,

– l’annualisation du temps de travail, via la négociation collective, par l’attribution de jours de réduction du temps de travail (144),

– la modulation du temps de travail