N° 1430 tome XVI - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1430

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2014
(n° 1395)

TOME XVI

RECHERCHE ET
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE INDUSTRIELLE

PAR M. Christophe BORGEL

Député

——

Voir les numéros : 1395, 1428 (annexe 37).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. EXAMEN DES CRÉDITS PRÉSENTÉS POUR LE PROGRAMME 192 : UNE DOTATION MAINTENUE DANS UN CONTEXTE TENDU 7

A. ACTION N° 1 « ORGANISMES DE FORMATION SUPÉRIEURE ET DE RECHERCHE » 7

B. ACTION N° 2 : « SOUTIEN ET DIFFUSION DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE » 12

C. ACTION N° 3 : « SOUTIEN DE LA RECHERCHE INDUSTRIELLE STRATÉGIQUE » 14

II. UN SYSTÉME DE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE/INNOVATION CONSÉQUENT MAIS COMPLEXE 19

A. UNE MULTIPLICITÉ DE DISPOSITIFS 19

1. Une recherche efficiente et financée 19

2. Dont la qualité n’atteint pas toujours ses objectifs 20

B. L’EXEMPLE DU CRÉDIT IMPÔT RECHERCHE ET DE LA BANQUE PUBLIQUE D’INVESTISSEMENT 23

1. Le crédit impôt recherche persiste à faire parler de lui 23

2. OSEO est devenu la Bpifrance 26

III. LA MULTIPLICATION DES DISPOSITIFS FAVORISE-ELLE LE PASSAGE DE LA RECHERCHE Á L’INNOVATION VALORISÉE SUR LES MARCHÉS ? 31

A. UN NOMBRE EXCESSIF DE STRUCTURES 31

1. Le risque de la dispersion 31

2. Une grande diversité des dispositifs de financement de la recherche industrielle 32

B. QUI N’EMPÊCHE PAS UNE CERTAINE RÉUSSITE 35

1. Des réussites incontestables 35

2. Préparer l’avenir 36

EXAMEN EN COMMISSION 39

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 41

Avec une évolution de + 2,3 % en autorisations de d’engagement (AE) et de 1,4 % en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finances pour 2014, le programme 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », est préservé alors que le contexte budgétaire est contraint. Ce budget répond à une volonté claire et affichée du Gouvernement de soutenir la recherche, l’innovation industrielle et le continuum entre les deux qu’est le transfert de la recherche. Cela illustre la volonté du Gouvernement et de sa majorité de soutenir la recherche et l’innovation industrielle comme le montrent encore les nombreuses initiatives prises dans ce domaine au cours des derniers mois.

Si elle ne peut être qu’artificiellement détachée de la recherche universitaire, la recherche industrielle demeure le socle de l’innovation. Après une décennie de destruction de l’emploi industriel qui a nourri un « fantasme de pays sans usine », confrontée à un contexte industriel parfois incertain comme à une concurrence internationale acharnée, la France a désormais pour enjeu majeur de reconstruire son appareil productif. Le développement de notre R&D (qui représente 2,3% de notre PIB, tandis que celle de l’Allemagne est de 2,8 % et celle de l’Europe du nord de 3%), la mobilisation des outils existants pour soutenir l’innovation, sont des clés pour relever ce défi. Soulignons enfin que dans bien des cas, c’est à l’échelle européenne qu’il faudra agir.

Nous avons d’indéniables atouts pour relever ce défi : la recherche publique française est de grande qualité, singulièrement, dans les phases amont, l’engagement public en faveur de la recherche et de l’innovation est fort. Par ailleurs, notre population connaît un niveau de formation élevé et elle constitue un marché pour les produits innovants. De son côté, le tissu productif est conséquent avec des PME innovantes et dynamiques et des grands groupes puissants ; tous concourent à la renommée de la France dans ses domaines d’excellence.

Nous avons pourtant encore des marges de progrès sur lesquelles il convient de s’investir : le transfert de la recherche – bien qu’une première étape ait été franchie en le reconnaissant comme mission de l’enseignement supérieur et de la recherche dans la loi du 22 juillet 2013 – doit être encore encouragé. Cela passera notamment par des lieux de dialogue et des efforts de compréhension mutuels entre certains acteurs de la recherche et ceux de l’industrie, ainsi que par une valorisation de la collaboration des chercheurs publics avec le secteur privé.

Enfin, un soutien durable de la puissance publique vers tous les écosystèmes de la recherche industrielle, ainsi qu’une simplification des procédures administratives et délais de traitement des dossiers de financements et de subventions, sont des voies à considérer dans un futur très proche.

L’objet du présent rapport pour avis, outre l’examen des crédits demandés pour le programme 192, est de rechercher si l’ensemble des dispositifs mis en œuvre, en termes financiers comme en termes de structures, concourt efficacement à porter le fruit de la recherche qu’est l’innovation dans sa réalisation industrielle sur les marchés.

Les crédits s’établissent pour le PLF 2014 à 204,6 millions d’euros pour les dépenses autres que de personnel et à 101,1 millions d’euros pour les dépenses de personnel en AE = CP.

L’action 1 concerne le financement des actions d'enseignement supérieur, de recherche et de soutien à la création d'entreprises mises en œuvre par les établissements sous tutelle du ministère du redressement productif et du ministère de l'économie et des finances, particulièrement engagés dans le soutien au développement économique et l'amélioration des performances des entreprises. Leurs actions comportent trois volets majeurs :

– la formation de cadres de haut niveau, capables d'innover en coopération avec des équipes pluridisciplinaires et d'évoluer dans un contexte international ;

– le développement des activités de recherche en partenariat avec les entreprises sur les technologies de pointe les plus porteuses d'avenir, en particulier au sein des pôles de compétitivité ;

– le soutien à la création d'entreprises au sein des différentes régions dans lesquelles ils sont implantés, par l'incubation de projets et le transfert technologique.

Les dépenses de fonctionnement regroupent les subventions pour charge de service public des opérateurs du programme : Institut Mines-Télécom, Écoles des mines, SUPÉLEC et Groupe des écoles nationales d’économie et de statistique (GENES), qui comprend l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) et l’École nationale de la statistique et de l’analyse de l’information (ENSAI).

L’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) est un opérateur rattaché au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du ministère de la culture et de la communication.

Les subventions pour charges de service public en PLF 2014, qui s’élèvent à 199,65 millions d’euros (AE=CP) contre 201 millions d’euros en AE et 201 millions d’euros en CP en LFI 2013, sont en légère baisse de – 0,7 %.

Concernant les emplois, le plafond en ETP des opérateurs connaît une baisse de près de 1 % par rapport à 2013 avec un effort de réduction fixé à – 5 ETP. Cet effort est modulé en fonction des opérateurs afin de prendre en compte des éléments de contexte propres à chaque établissement (mise en place progressive du GENES…). Il concerne l’Institut Mines Télécom à hauteur de – 3 ETP et SUPELEC à hauteur de - 2 ETP. Les efforts de rationalisation et de mutualisation porteront notamment sur les fonctions support. Des corrections techniques sont également opérées à hauteur de – 16 ETP : – 12 ETP pour les écoles des mines et – 4 pour l’Institut Mines Télécom.

Cette évolution maîtrisée traduit la contribution des écoles à l’effort d’économie budgétaire, tant en termes d’emplois que de crédits de fonctionnement, tout en préservant leurs capacités pédagogiques d’assurer un enseignement de haut niveau.

Toutefois, les dotations d’intervention inscrites en titre 6 à hauteur de 4,95 millions d’euros qui correspondent aux bourses sociales et aux bourses au mérite versées aux étudiants sont en augmentation, d’environ 7 %, pour tenir compte notamment de l’évolution prochaine des barèmes, qui conduira à une augmentation du nombre d’élèves boursiers.

ÉVOLUTION 2013/2014 DES CRÉDITS DU PROGRAMME 192

(en euros)

Programme 192
Recherche et
enseignement supérieur

LFI 2013

PLF 2014

Évolution LFI 2013/PLF 2014

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 1 :
Organismes de formation supérieure et de recherche

305 664 356

305 704 356

305 681 508

305 681 508

17 152 000

22 848 000

0,01 %

– 0,01 %

Action 2 :
Soutien et diffusion de l’innovation stratégique

377 656 214

377 656 214

385 911 386

385 911 386

8 255 145

8 255 145

2,19 %

2,19 %

Action 3 :
Soutien de la recherche industrielle

265 389 112

322 362 445

279 210 000

300 343 253

12 820 888

– 22 019 192

5,21 %

– 6,83 %

TOTAL P 192

948 709 682

1 005 723 015

970 802 894

991 936 147

22 093 212

– 13 786 868

2,33 %

– 1,37 %

Source : Documentation budgétaire

Les dépenses de personnel (titre 2) s’élèvent à 101 080 405 euros, répartis de la façon suivante :

(en euros)

Opérateurs

 

AE/CP

Écoles des mines

Rémunérations

58 729 124

CAS pensions

23 800 839

Total

82 529 963

GENES

Rémunérations

13 421 585

CAS pensions

5 128 857

Total

18 550 442

TOTAL

101 080 405

Les 1 267 ETPT du programme, dont 42,1 % de catégorie A+, 19,8 % de catégorie A, 20,7 % de catégorie B et 17, 4 % de catégorie C, correspondent aux emplois des écoles des mines pour 985 ETPT et du Groupe des écoles nationales d’économie et de statistiques (GENES) pour 282 ETPT.

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) regroupent les subventions pour charge de service public versées aux opérateurs du programme, qui s’élèvent en 2014 à 199,6 millions d’euros (AE/CP), selon la décomposition suivante :

(en euros)

Opérateurs

AE/CP

Écoles des mines

71 465 841

Institut Télécom

109 546 799

SUPELEC

9 020 778

ENSCI

1 585 895

GENES

8 028 792

TOTAL

199 648 105

Pour toutes les écoles, ces dotations permettent de couvrir les charges de service public, à la fois de personnel pour la rémunération des personnels recrutés au niveau des établissements sous contrat de droit public, et de fonctionnement.

Les crédits d’intervention (titre 6) permettent d’octroyer aux élèves des bourses sur critères sociaux, sur des critères similaires à ceux du ministère de l’enseignement supérieur :

– 2,97 millions d’euros pour les écoles des mines et 1,53 million d’euros pour l’Institut Mines-Télécom ; environ 37 % des élèves ingénieurs en formation dans ces écoles ont obtenu une bourse ;

– 0,45 million d’euros pour les écoles du GENES ; pour l’année 2012-2013, 19,6 % des élèves ont obtenu une bourse.

Les crédits s’établissent en PLF 2014 à 385,9 millions d’euros en AE et CP, soit en légère augmentation (+ 2 % environ) par rapport à la loi de finances initiale 2013.

L’action 2 tend à accroître les capacités d’innovation et de croissance des entreprises industrielles (PME/ETI) en accompagnant financièrement leurs projets et en facilitant la diffusion large des technologies et des process innovants dans le tissu économique. Conformément aux engagements du Président de la République et du Gouvernement lors des Assises de l’entrepreneuriat, la priorité de cette action concerne le renforcement du dispositif incitatif d’exonération des charges sociales des jeunes entreprises innovantes (JEI).

Dans le projet de loi de finances pour 2014, elle se traduit par :

– une dotation de 160 millions d’euros en AE et CP, en hausse de 67 %, pour financer le renforcement de l’exonération de cotisations sociales patronales pour les jeunes entreprises innovantes (JEI), PME qui consacrent au moins 15 % de leurs charges annuelles à des projets de R&D ; cette exonération de charges sociales est compensée par l’État aux organismes de sécurité sociale ;

– une dotation de 205,5 millions d’euros en AE et CP, en baisse de 21 % par rapport à la loi de finances initiale 2013, pour l’accompagnement financier et en conseil par Bpifrance Financement (anciennement OSEO Innovation) des projets d’innovation technologique et industrielle, au travers des programmes « innovation stratégique industrielle » (ISI) pour les entreprises de moins de 5 000 salariés et « aide à l’innovation » (AI) pour les entreprises de moins de 2 000 salariés ;

– une dotation de 2,5 millions d’euros, stable par rapport à 2013, destinée au cofinancement des réseaux régionaux de développement technologique (RDT) ;

– une subvention pour charges de service public de 14,3 millions d’euros, en baisse de 3,7 %, destinée à financer les actions de recherche du Laboratoire national d’essais (LNE), les dépenses de fonctionnement de l’opérateur restant imputées sur le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » ;

– une dotation de 3,6 millions d’euros en AE et CP, en baisse de 5 %, pour la stimulation de la diffusion des technologies de l’électronique et des microsystèmes dans les produits des PME de tous les secteurs, au travers du programme national CAP’TRONIC mis en œuvre par l’association JESSICA France. Ce programme apporte aux PME des prestations de conseil et d’expertise pour renforcer l’intégration de solutions électroniques à leurs produits, afin d’accroître leur compétitivité.

Le statut Jeunes Entreprises Innovantes est réservé aux entreprises de moins de 8 ans qui engagent des dépenses de recherche et de développement. Il était entré en vigueur le 1er janvier 2004 et devait prendre fin le 31 décembre 2013.

Pour les stimuler plus directement, le gouvernement a décidé de prolonger jusqu'au 31 décembre 2016 le statut de jeune entreprise innovante. Les exonérations sociales accordées aux JEI sont élargies. Elles seront rétablies à 100% pour les sept années qui suivent la création de la JEI et non plus dégressives. La nouveauté dans cette prorogation du statut JEI réside dans l’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale étendue aux personnels affectés aux activités d’innovation (et non plus que de recherche).La hausse de 67 % des crédits du dispositif JEI correspond donc à la suppression de la dégressivité de l’exonération des charges sociales qui pénalisaient les entreprises en croissance et d’autre part, à l’élargissement de l’assiette des dépenses éligibles à l’innovation, plus précisément aux personnels affectés à des activités de conception de prototypes et de lignes pilotes de produits nouveaux, tels que définis pour l’extension aux dépenses d'innovation du crédit d'impôt recherche.

La baisse de 21 % qui affecte la dotation allouée à Bpifrance Financement s’explique par la suppression du financement par l’État du fonctionnement du volet Innovation de la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance). Conformément à la lettre-plafond du Premier ministre, ce dernier sera réalisé par redéploiements rendus possibles par la constitution de Bpifrance dans la limite de 44 millions d’euros.

Les baisses constatées pour le LNE et le programme national CAP’TRONIC mis en œuvre par l’association JESSICA France traduisent l’effort d’économie budgétaire consentis par ces organismes.

Les dépenses de fonctionnement (titre III) correspondent à la subvention pour charges de service public de 14,3 millions d’euros (AE/CP) versée au laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), afin de financer les actions de recherche que l’État confie à cet opérateur.

Dispositifs

AE

CP

Réseaux régionaux de développement technologique

2 500 000

2 500 000

Bpifrance Financement (ex-OSÉO innovation)

205 500 000

205 500 000

Jeunes entreprises innovantes

160 000 000

160 000 000

CAP’TRONIC

3 596 588

3 596 588

Total

371 596 588

371 596 588

Les crédits d’intervention (titre VI) s’élèvent à 371,6 millions d’euros (AE/CP) ; ils se décomposent en quatre dispositifs :

1) Une dotation destinée au cofinancement des réseaux régionaux de développement technologique (RDT), fixée à 2,5 millions d’euros (AE/CP). Ces instruments de coopération essentiels au niveau régional en matière d’innovation sont cofinancés par l’État et les collectivités territoriales.

2) Une dotation de 205,5 millions d’euros en AE/CP destinée à financer l’activité « Innovation » de Bpifrance Financement. Les crédits de Bpifrance Financement lui permettront de financer :

– le programme « aides à l’innovation » (AI) qui est orienté prioritairement vers les PME de plus de 50 salariés et les projets d’innovation de rupture ;

– le programme « innovation stratégique industrielle » (ISI) qui soutient des projets de recherche collaborative portant sur des innovations de rupture pour des montants d’aide de 3 à 10 millions d’euros par projet. Les entreprises de moins de 5 000 salariés (PME et ETI) sont la cible privilégiée de ce programme ;

– le secrétariat français d’Eurêka, pour un montant estimé à environ 0,8 million d’euros.

3) Une dotation destinée à l’ACOSS, fixée à 160 millions d’euros (AE/CP), au titre de la compensation de l’allègement des cotisations sociales patronales pour les personnels participant aux projets de recherche des jeunes entreprises innovantes (JEI). Ce dispositif va être renforcé à compter de 2014 pour développer son caractère incitatif.

Par ailleurs, il est prévu une suppression de la dégressivité des exonérations, qui pénalisait les entreprises en croissance, d’autre part, le champ de ces exonérations sera étendu aux personnels affectés à des activités de conception de prototypes et de lignes pilotes de produits nouveaux, tels que définis pour l'extension aux dépenses d'innovation du crédit d'impôt recherche.

4) Une dotation de 3,6 millions d’euros (AE/CP) pour la mise en œuvre du programme CAP’TRONIC, qui apporte aux PME des prestations de conseil et d’expertise pour renforcer l’intégration de solutions électroniques à leurs produits, afin d’accroître leur compétitivité.

Les crédits s’établissent pour 2014 à 279,21 millions d’euros en AE et 300,34 millions d’euros en CP. Ils sont en augmentation de 5 % environ en AE et en diminution de 7 % en CP.

Les interventions de l’action 3 relèvent intégralement du Fonds de compétitivité des entreprises (FCE). Le fonds permet de soutenir sous la forme de subventions, des projets coopératifs de recherche industrielle dont l’objectif est de lever des verrous technologiques. À ce titre, il vise à favoriser le développement de partenariats entre des acteurs économiques privés (PME, ETI et grandes entreprises) et des acteurs publics du domaine de la recherche (université, laboratoires et écoles) afin, notamment, de renforcer le positionnement de l’industrie française dans les technologies et les secteurs stratégiques. Le FCE intervient dans deux domaines :

– pour des projets de recherche et développement stratégiques, relevant des filières industrielles et de télécommunications. Le FCE finance les partenaires français participant aux projets du programme européen Eurêka, au titre de clusters organisés par grands domaines stratégiques, comme les micro et nano électronique, (CATRENE), micro systèmes, interconnexion et packaging (EURIPIDES), logiciel middleware (ITEA 2), télécommunications (CELTIC).

– pour des projets de recherche et développement des pôles de compétitivité par le biais du Fonds unique interministériel (FUI). Les projets soutenus sont sélectionnés dans un cadre interministériel à l’issue d’appels à projets (2 appels à projets sont lancés chaque année) et font l’objet d’une instruction interministérielle commune.

En ce qui concerne les autorisations d’engagement ainsi que les crédits de paiements, l’évolution des crédits conduit :

Ø Pour les AE à une augmentation de 10 % de la dotation destinée au Fonds de compétitivité des entreprises (FCE) hors FUI qui passe de 150,81 millions d’euros à 166,21 millions d’euros. La priorité de cette action est la poursuite et le renforcement du programme « Nano 2017 » lié au pôle nanoélectronique de Crolles à Grenoble (98,21 millions d’euros au titre du programme national et 18 millions d’euros au titre du volet de coopération européenne dans le cadre du cluster Eurêka CATRENE pris en charge par l’État), seul pôle industriel européen dans le domaine des technologies les plus avancées pour la production des circuits intégrés. Le montant prévisionnel total du soutien apporté par l’État à ce programme sur 5 ans (2013-2017) sera de 600 millions d’euros ;

Ø d’autre part à une baisse d’environ 1 % des crédits accordés au Fonds unique interministériel, qui passe de 114,58 millions d’euros à 113 millions d’euros, pour la 2e année de la phase 3 de la politique des pôles de compétitivité.

Ø Pour les CP :

Ø Pour le FCE-hors FUI : à une augmentation des CP (près de 21 %) pour couvrir majoritairement les restes à payer des projets en cours et accompagner le programme « Nano 2017 ».

Ø Pour le FUI : à une forte baisse de près de 30 % en raison notamment d’un rééchelonnement des paiements affectés aux projets.

 

AE

CP

FCE – hors FUI

166 210 000

177 743 253

FUI (pôles de compétitivité)

113 000 000

122 600 000

Total

279 210 000

300 343 253

Source : Documentation budgétaire

Les crédits d’intervention (titre 6) s’élèvent à 279,21 millions d’euros en AE et 300,34 millions d’euros en CP, intégralement destinés au Fonds de compétitivité des entreprises (FCE), qui permet de soutenir, par le biais de subventions, la recherche et le développement réalisés au sein de projets partenariaux public/privé, dont la vocation est de faire sauter des verrous technologiques. Il intervient dans deux domaines :

– pour des projets de recherche et développement stratégiques, relevant des filières industrielles et de télécommunications ; le FCE finance les partenaires français participant aux projets du programme européen Eurêka, au titre de clusters organisés par grands domaines stratégiques ;

– pour des projets de recherche et développement des pôles de compétitivité par le biais du Fonds unique interministériel (FUI) ; les projets soutenus sont sélectionnés dans un cadre interministériel à l’issue d’appels à projets (2 appels à projets sont lancés chaque année) et font l’objet d’une instruction interministérielle commune.

Le budget de la Mission recherche et enseignement supérieur (Mires) pour 2014, qui inclut celui du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, mais aussi les crédits de recherche de plusieurs autres ministères, demeure stable, avec 25,77 milliards d’euros. Il s’élève à 31,4 milliards d’euros si l’on ajoute les pensions et 5,3 milliards d’euros d’investissements d’avenir. La part du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche progresse de 0,5 %, à 23,04 milliards d’euros, dont 12,81 milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et la recherche universitaire, 2,46 milliards d'euros pour les bourses et la vie étudiante, et 7,77 milliards d’euros pour la recherche.

principales composantes de l’évolution du financement de la recherche

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Évolution

valeur

%

Recherche universitaire

2 264

2 773

3 315

3 446

3 599

3 675

3 744

3 776

1 511

67 %

Recherches pluridisciplinaires (hors ANR)

3 965

3 638

4 083

4 177

4 344

4 346

4 362

4 400

435

11 %

ANR

596

834

700

817

787

687

760

759

163

27 %

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 112

1 126

1 209

1 224

1 232

1 237

1 250

1 282

170

15 %

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables

2 433

1 233

1 217

1 260

1 264

1 444

1 352

1 378

– 1 055

– 43 %

Recherche en matière économique et industrielle

525

863

450

544

692

790

673

700

175

33 %

Recherche spatiale

1 239

1 248

1 238

1 270

1 278

1 377

1 399

1 413

174

14 %

Autres

383

388

379

395

387

348

354

347

-36

– 9 %

Investissements d'avenir

       

2,8

400

1 006

1 000

1 000

 

CIR (créance)

1 500

1 800

4 500

4 700

5 050

5 277

5 527

5 751

4 251

283 %

Total

14 017

13 902

17 030

17 834

18 635

19 583

20 427

20 805

6 788

48 %

Source : Cour des comptes Le financement public de la recherche, un enjeu national, Rapport public thématique, juin 2013

Le tableau ci-dessus donne, sur la période 2006-2013, la ventilation des crédits par composantes. Il en ressort que la recherche universitaire, la recherche en matière économique et industrielle et les crédits attribués à l’Agence nationale de la recherche (ANR) enregistrent les plus fortes hausses, respectivement + 67 %, + 33 % et + 27 %.

Comme le relève la Cour des comptes, dans le rapport consacré au financement public de la recherche (1), entre 2009 et 2013, les concours de l’État en faveur de la recherche, toutes sources confondues, ont crû de près de 50 % en euros courants. Ils résultent de trois sources, les crédits budgétaires, les investissements d’avenir gérés de manière extrabudgétaire et la dépense fiscale associée au crédit d’impôt recherche (CIR), de loin la plus dynamique à la suite de la réforme de 2008.

La volonté de l’exécutif ne saurait être remise en cause dans le maintien de l’effort en faveur de la recherche. Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, l’a d’ailleurs rappelé à l’occasion des premières rencontres parlementaires pour l’innovation en soulignant que la recherche fondamentale devait être sanctuarisée et que la France se situe au 6e rang mondial des publications scientifiques mondiales et au 4e rang des domaines comme l’immunologie, la génomique, la physique ou les mathématiques. Les initiatives récentes illustrent assez cette volonté, tels la création de la Commission « Innovation 2030 », les 34 plans d’actions destinés à relancer et à dynamiser l’industrie française ou l’adoption de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013. Doivent encore être mentionnées les mesures prises ou annoncées par le Gouvernement comme celles présentées en conseil des ministres le 7 novembre 2012 par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et la ministre déléguée à l’innovation, aux PME et au numérique, pour « refonder » la politique de transfert de la recherche publique ou lors de sa présentation de l’agenda stratégique pour la recherche, le transfert et l’innovation intitulé « France Europe 2020 » en mai 2013. Par ailleurs, la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et la recherche mentionne désormais explicitement la mission de transfert comme l’une des missions de la recherche publique.

Le plan innovation, annoncé par le Premier ministre en avril dernier dans les conclusions du séminaire de suivi du pacte de compétitivité, et actuellement en cours de préparation par le Gouvernement, comportera également un axe « accroissement de l’impact économique de la recherche publique par le transfert » et devrait initier des actions concrètes en la matière.

Les efforts conduits ne trouvent pas leur traduction dans le ratio dépenses de recherches/PIB. De fait, celui-ci a peu varié en France entre 2000 et 2010, sans commune mesure avec les crédits alloués. Il est passé, globalement, de 2,15 % du PIB en 2000 à 2,24 % en 2010 (43,4 millions d’euros), pour les administrations, de 0,81 % à 0,83 % et pour les entreprises, de 1,34 % à 1,43 %.

Dans le rapport Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, remis le 5 novembre 2012, Louis Gallois, Commissaire général à l’investissement considère que la France demeure parmi les pays les plus actifs de l’OCDE en matière de R&D publique. En revanche, la dépense de R&D des entreprises françaises reste faible. Même en hausse par rapport à l’année 2008, les dépenses de R&D sont inférieures à celles des entreprises allemandes, finlandaises ou suédoises sur la même période (respectivement 1,9 %, 2,7 % et 2,3 % du PIB). La différence de poids de l’industrie dans le PIB dans ces pays n’explique qu’une partie de l’écart. Les crédits publics de soutien à la R&D sont proportionnellement moins orientés vers le développement économique que chez nos principaux compétiteurs. 5,4 % des entreprises industrielles allemandes ont bénéficié d’un financement public au titre de la R&D, en 2008, contre 1,4 % des entreprises industrielles françaises. Le Crédit Impôt Recherche (CIR), dont les effets positifs sont reconnus, joue un rôle décisif pour modifier cette situation défavorable. Ces travers sont qualifiés de structurels dans le rapport.

Source : Cour des Comptes

La France est donc encore pénalisée dans le déroulement du process qui doit conduire de la recherche à l’innovation, puis de l’innovation aux marchés ; cependant, des évolutions positives doivent être relevées.

Le rideau de fer qui séparerait la recherche et l’industrie n’est plus de mise. Certes, une certaine culture pouvait entretenir un climat de défiance mais des actions conduites, depuis une décennie pour certaines d’entre elles, portent leurs fruits et le mot d’ordre « passer de l’usine à projets à l’usine à produits » fait florès. Le brevet ne doit plus être sanctuarisé comme une œuvre d’art existant per se destiné à être enfermé dans une tour d’ivoire. Il ne s’agit pas de remettre en cause la notion de propriété intellectuelle mais de fluidifier la circulation des acquis de la recherche. En novembre 2012, France Brevets a publié une étude concernant le marché des brevets déposés en Europe dans le secteur des télécoms. Celle-ci montre que 40 % de ces brevets ne sont pas exploités. En ce qui concerne la France, 55 % des brevets provenant des entreprises de taille moyenne sont cédés à l’étranger et 45 % sont acquis ; ceux qui proviennent des grandes entreprises connaissent un rapport de 90 % de cessions contre 10 % d’acquisition. La France ne doit plus être exportatrice massive de brevets mais les exploiter au profit de son économie. À titre d’exemple, il peut être rappelé que l’entreprise française qui a déposé le plus de brevets en 2012 est PSA Peugeot Citroën, avec 1 348 dépôts, alors même qu’elle s’est trouvée cette année dans une situation plus que critique avec 5 milliards d’euros de pertes.

Dans son intervention précitée, Mme la ministre a considéré qu’il fallait « combler la vallée de la mort qui sépare, chez nous la recherche et l’innovation ». À cet égard, plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur ont fait état du malaise ressenti par de nombreuses PME relatif à la crainte de voir les fruits de leur innovation aspirés par les grands groupes. Cette situation explique partiellement la sous-exploitation des brevets déposés par nos PME. À cet égard, le déséquilibre de la balance cession/acquisition de brevets des grands groupes est assez parlant, particulièrement si l’on y ajoute quelques égarements dans l’usage fait du crédit impôt recherche. Au demeurant, il ne s’agit pas de stigmatiser à l’envi les grands groupes mais d’améliorer les conditions de leur collaboration avec les PME et ETI dans les structures recevant de l’aide publique, tels les pôles de compétitivité.

En ce qui concerne les chercheurs, des mesures ont été prises en faveur de leur mobilité. Selon les rapports annuels publiés par la Commission de déontologie, entre 2003 et 2012, le nombre cumulé de personnes ayant bénéficié de l’autorisation de cette commission en vertu des articles L. 413-1 et suivants du code de la recherche (avis favorables et favorables sous réserve) s’élève à 860.

La majorité des agréments délivrés par la Commission concerne l’autorisation donnée à un agent public d’apporter un concours scientifique à une entreprise privée qui valorise les travaux de recherche qu’il a réalisés dans l’exercice de ses fonctions publiques, tout en continuant à exercer à titre principal ses fonctions dans le service public. En effet, cette disposition concerne 716 agents publics sur 860, ce qui correspond à un pourcentage de 83 % en moyenne sur l’ensemble des dix dernières années. Par ailleurs, L’article 90 de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 prévoit que le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur s’assure de la prise en compte dans l’évaluation des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche de leur participation à la création d’entreprises et aux activités des entreprises existantes.

Enfin, le transfert demeure le maître mot du processus qui conduit de la recherche à la mise sur le marché.

Le rapport : L’innovation un enjeu majeur pour la France, fait par MM. Beylat et Tambourin et remis le remis le 5 avril 2013 définit comme suit le transfert :

Le transfert est usuellement défini comme le processus qui permet de passer d’une invention, issue de la recherche publique ou de la recherche industrielle, à l’innovation. La problématique de transfert est donc posée tout autant à la recherche publique (comment avoir un impact économique de la production de R&D des laboratoires de la recherche publique) qu’à la recherche industrielle (comment avoir un impact économique de la production de R&D des laboratoires d’une entreprise).

Par extension et dans une acception plus large, le transfert recouvre le transfert des personnes (la mobilité des chercheurs, en premier lieu des doctorants, vers les entreprises), le transfert et le partage des connaissances par les partenariats de R&D entre recherche publique et entreprises (la recherche partenariale), et, enfin, le transfert de technologies à proprement parler par diffusion dans le tissu économique et création d’entreprises.

Créé en 1983 et largement modifié par la loi de finances pour 2008, le CIR représente aujourd’hui 30 % des dépenses de R&D des entreprises jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses, 5 % au-delà, le franchissement de ce seuil étant calculé filiale par filiale dans les groupes industriels. Depuis 2009, il a fait l’objet de 10 rapports. Le dernier, de la Cour des comptes, fait à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale (2), et rendu public en septembre dernier ne manque pas de relever les failles du dispositif. Les principales critiques concernent les différences de répartition de la manne fiscale en fonction de la taille des entreprises bénéficiaires, l’aspect incontrôlable de l’augmentation de la créance et les difficultés rencontrées dans la vérification de la pertinence de l’utilisation des sommes concernées.

En ce qui concerne le premier point, la Cour constate que la créance moyenne par entreprise est très différente selon la taille des entreprises, comme le sont les dépenses déclarées : en 2011 en moyenne, les très petites entreprises déclarantes (de moins de 10 salariés) bénéficient d’un crédit d’impôt de 58 000 euros, les entreprises de plus de 5 000 salariés de 11,4 millions d’euros.

montant moyen de la créance cir par taille d’entreprises

Source : Cour des Comptes

Au total, entre 2007 et 2011, la créance moyenne des entreprises de moins de 250 salariés a augmenté de 40 %, celle des entreprises de plus de 5 000 a plus que doublé (+ 130 %).

Sur le second point, la Cour évoque « un risque pour les finances publiques à l’horizon 2014 et au-delà ». De fait, par construction, le montant de la créance augmente de façon inéluctable, caractéristique qui n’avait pas été perçue en 2008. Le ressaut en 2013 s’est élevé à 1,05 milliard d’euros et, en 2014, un ajustement de plus de 2,2 milliards d’euros sera nécessaire. En fonction des critères retenus, la dépense fiscale pourrait rapidement converger vers 6 milliards d’euros et atteindre 7 milliards (valeur de l’euro 2010).

Entre 2008 et 2011, le nombre d’entreprises déclarantes a augmenté de 47 %, atteignant près de 20 000 en 2011, pour un montant de dépenses de R&D déclarées de 18,4 milliards d’euros générant un crédit d’impôt de 5,17 milliards d’euros multiplié par plus de trois depuis 2007 (1,7 milliard d’euros) et en augmentation de 3 % par rapport à 2010 (5,05 milliards d’euros).

Évolution du CIR au titre des années 2003 à 2011

Source : Documents budgétaires

Enfin, l’une des critiques régulièrement adressées au CRI est que certains groupes constituent des filiales dont l’activité est fictive afin de constituer de la trésorerie au détriment du contribuable. À ce sujet, l’administration interrogée par votre rapporteur, a apporté la réponse suivante :

« Toutes les entreprises sont susceptibles de déclarer des dépenses non éligibles et l’une des missions du ministère chargé de la recherche est précisément de rendre des avis sur l’éligibilité des dépenses déclarées au titre d’activités de R&D. Ce risque est globalement plus élevé dans les secteurs relativement peu intensifs en R&D, où les entreprises qui innovent pensent ou prétendent qu’elles font de la recherche. De ce point de vue, il est à noter qu’à mesure que des entreprises plus nombreuses utilisent le dispositif, la part des secteurs moins intensifs en recherche tend à augmenter :

– très forte augmentation de déclarants dans les secteurs dits à risque (informatique, bâtiment, commerce, architecture…) ;

– déclaration simultanée de CIR R&D et de CIR THC pour des entreprises qui ne déclaraient jusque-là que du CIR THC ou du CIMA. Ce comportement est peut-être le résultat de l'action de certains cabinets conseils.

Pour les groupes fiscalement intégrés, l’un des axes d’optimisation possible est la création de filiales pour passer sous le plafond de 100 millions d’euros et profiter du taux de 30 %. Pour les filiales existantes, l’optimisation peut consister à répartir les activités de R&D pour avoir des déclarants à moins de 100 millions d’euros. L’expérience depuis 2008 suggère que ces comportements existent sans être systématiques dans les grands groupes.

Les dépenses de sous-traitance représentent un axe de fraude très difficilement contrôlable. L’optimisation fiscale peut se traduire soit par des déclarations de dépenses externalisées non éligibles, soit par des doubles déclarations (par le non-respect de la règle de neutralisation des factures des donneurs d’ordre dans l’assiette du sous-traitant). Au total, la sous-traitance est une source de surestimation de l’assiette déclarée autant chez le donneur d’ordre que chez le sous-traitant. Les risques sont dus à l’insuffisante capacité à contrôler l’aspect R&D ainsi que le respect de la territorialité du CIR limité à l’EEE et à la difficulté à faire respecter le principe de neutralisation des dépenses déclarées par les sous-traitants pour le calcul de leur propre CIR ».

Si un affinement des instruments de contrôle et d’évitement des effets d’optimisation fiscale sera nécessaire, comme l’indique la Cour des comptes, et si la question du financement à moyen/court terme demeure posée, il n’en reste pas moins que le crédit impôt recherche demeure un instrument privilégié de la politique de R&D de la France et, partant, de son effort d’innovation. C’est un instrument de la batterie d’outils de soutien à la R&D qui a fait ses preuves, les règles qui le régissent sont stables depuis des années et cette prévisibilité est un élément essentiel pour les entreprises qui ont besoin d’une vision à plus ou moins long terme pour investir.

Depuis le 12 juillet 2013, OSEO est devenu Bpifrance Financement, filiale de la banque publique d’investissement Bpifrance.

L’activité du groupe OSEO comporte trois métiers, aux modèles économiques différents :

– le soutien à l’innovation (programmes AI – « Aides à l’Innovation », et ISI – « Innovation Stratégique Industrielle », d’OSEO innovation), dont les ressources sont publiques, tant pour le financement des interventions que pour le fonctionnement. Seule l’activité innovation est financée sur le programme 192 ;

– les interventions en garantie peuvent faire l’objet de dotations publiques annuelles, dans le cadre du programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi », pour la seule couverture du risque prévisionnel sur les nouveaux engagements, en fonction du taux de perte estimé ;

– le financement, qui regroupe :

Garantie

L’année 2012 a connu un niveau d’activité légèrement en retrait par rapport à celui de 2011, en montant de concours garantis comme en risques couverts, pour un nombre identique d’entreprises accompagnées.

Cette relative stabilité cache en réalité des variations des concours garantis plus importantes mais qui se neutralisent, à la baisse pour les fonds création et transmission et à la hausse pour les fonds de développement.

En 2012, les activités de création et de transmission totalisent cependant plus de 50 % des concours garantis (plus de 30 % pour la création).

Financement

L’activité financement a connu en 2012 un nouveau record absolu en cofinancement de l’investissement, et une croissance très soutenue des encours

Le crédit-bail immobilier se maintient à un bon niveau dans une conjoncture difficile alors que le crédit-bail mobilier continue de se développer sur un marché en contraction.

Les prêts « mezzanine », qui financent principalement les investissements immatériels et le BFR, rencontrent une activité très soutenue grâce au contrat de développement participatif et au prêt vert.

Innovation

L’activité Innovation d’OSEO, financée sur le programme 192, comporte deux volets :

– le programme « aide à l’innovation » (AI), qui consiste principalement en un soutien financier et un accompagnement personnalisé aux PME (au sens communautaire) ;

– le programme « innovation stratégique industrielle » (ISI), qui a pour objectif de soutenir des projets collaboratifs présentant une innovation de rupture portés par des entreprises de moins de 5 000 salariés.

L’intervention d’OSEO en soutien à l’innovation est réalisée sous forme de subventions, d’avances remboursables ou de prêts à taux zéro. Les subventions aux entreprises porteuses de projets innovants ne font pas l’objet de remboursements, au contraire des avances remboursables, pour lesquelles le taux de remboursement constaté est de l’ordre de 55 % pour le programme AI. Pour le programme ISI, il n’y a pas encore de retour sur les remboursements, mais ceux-ci seront assortis d’intérêts et d’intéressement au résultat.

En 2012, les interventions d’OSEO sur dotation de l’État se sont réparties comme suit :

Pour accomplir ses différentes missions, OSEO SA (aujourd’hui Bpifrance Financement SA) est susceptible de recevoir des financements publics sous forme de :

– capitaux propres pour respecter la réglementation prudentielle de solvabilité applicable aux établissements de crédit ;

– prêts pour financer ses activités de crédit ;

– dotations aux fonds de garantie ;

– dotations budgétaires pour financer son activité de soutien à l’innovation.

En 2012, OSEO SA a procédé à une augmentation de capital de 539 millions d’euros souscrits :

– par ses actionnaires publics, l’État, à travers l’EPIC OSEO (365 millions d’euros), la Caisse des Dépôts et Consignations (139 millions d’euros), l’Agence Française de Développement (9 millions d’euros) ;

– et ses actionnaires privés, banques et divers (26 millions d’euros).

Cette augmentation de capital a permis à OSEO SA de doter sa nouvelle filiale OSEO Industrie de 500 millions d’euros.

En 2012, OSEO SA n’a pas contracté d’emprunt auprès de l’État.

Les dotations publiques qu’OSEO SA reçoit pour financer son activité de garantie ont connu une baisse sans précédent ces dernières années, passant de 477 millions d’euros en 2010 à 158 millions d’euros en 2011 et 28 millions d’euros en 2012. Cette évolution a été permise par la mobilisation d’excédents de dotations redéployés (46 millions d’euros en 2010, 152 millions d’euros en 2011 et 254 millions d’euros en 2012), et la réalisation exceptionnelle d’une plus-value de 214 millions d’euros lors de la cession d’un portefeuille financé par les fonds de garantie.

Les dotations pour l’activité innovation connaissent une baisse régulière de 2009 à 2012, compensée en partie en 2012 par un redéploiement depuis les fonds de garantie, à hauteur de 35 millions d’euros. Pour l’exercice 2012, les dotations sur le programme 192 au titre de l’activité innovation d’OSEO ont été de 43,9 millions d’euros pour le fonctionnement et de 195,9 millions d’euros pour les interventions.

Création de Bpifrance

La banque publique d'investissement Bpifrance a été créée par la loi du 31 décembre 2012. Cette création permet de regrouper et d’articuler les structures publiques accompagnant les entreprises à chaque étape de leur développement : OSEO, CDC Entreprise et le FSI.

L’État et la Caisse des Dépôts en sont actionnaires à 50 %. Bpifrance est pleinement opérationnelle depuis le 12 juillet 2013, date à laquelle les processus d’apports de l’État et de la Caisse des Dépôts à Bpifrance ont été achevés : OSEO devient Bpifrance Financement, CDC Entreprises devient Bpifrance Investissement, et le Fonds Stratégique d’Investissement (FSI) devient Bpifrance Participations.

Bpifrance met une palette d’outils complémentaires au service des PME et des entreprises de taille intermédiaire, qui viennent compléter l’action des acteurs économiques (entreprises, banques et fonds d’investissement) en partageant les risques aux moments clés du développement. Ses interventions se caractérisent par leur capacité d’entraînement sur les acteurs privés du financement des PME et de l’innovation, tout en optimisant l’effet de levier de ressources publiques.

PRÉVISIONS D’ACTIVITÉ FINANCÉE SUR LE PROGRAMME 192 POUR 2013

(euros)

Dotation d’intervention 2013

 

217 744 096

Mise en réserve initiale

 

13 064 646

Surgel budgétaire

 

8 709 764

Dotation nette

 

195 969 686

Source : Documentation budgétaire

La dotation permet une capacité d’intervention de 100 millions d’euros pour le programme ISI, et de 276 millions d’euros pour le programme AI (3)

Dotations 2014

Le budget 2014 du programme 192 prévoit une dotation pour fonctionnement et intervention de l’activité innovation de Bpifrance Financement de 205,5 millions d’euros.

Échanges entre Bpifrance et l’ANR

Les missions de Bpifrance Financement et de l’Agence nationale de la recherche sont complémentaires. Pour fluidifier les échanges, il est prévu une participation réciproque aux travaux de Bpifrance et de l’ANR. On peut citer en particulier les éléments suivants :

– le président de Bpifrance ou son représentant assiste aux conseils d’administration de l’ANR ;

– le directeur général de l’ANR assiste aux comités d’engagement du programme Innovation stratégique industrielle ;

– des représentants de Bpifrance participent aux comités de pilotage scientifique de l’ANR ;

Bpifrance participe au comité de pilotage des Instituts Carnot et aux évaluations de ces Instituts.

les crédits de fonctionnement d’oseo perdus, les crédits de fonctionnement
de la bpifrance retrouvés

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoyait, au sein de l’action n° 2 du programme 192 « Soutien et diffusion de l’innovation technologique » une dotation de fonctionnement d’un montant de 45,4 millions d’euros en AE et CP pour d’OSEO. 70 % de cette somme étant consacrée à la couverture des charges de personnel. Il était encore indiqué que les effectifs du siège d’OSEO exercent au niveau national, d’une part, des fonctions support ainsi que des missions d’expertise et de veille nationale et européenne, d’autre part, des fonctions d’instruction des dossiers les plus structurants. La dotation de fonctionnement permettant de faire face aux charges liées à la mise en œuvre du programme « aides à l’innovation » (AI), correspondant à l’activité historique de l’agence (ex-ANVAR) et du programme « innovation stratégique industrielle » (ISI), mis en place après la fusion au 1er janvier 2008 de l’ex-Agence de l’innovation industrielle avec OSEO innovation. Elle contribuait également à financer la gestion des aides aux projets de R&D des pôles de compétitivité soutenus par le Fonds unique interministériel (FUI).

À la page 13 du présent rapport, on trouve à ce sujet le commentaire suivant, provenant de la documentation budgétaire : « Conformément à la lettre-plafond du Premier ministre, ce dernier sera réalisé par redéploiements rendus possibles par la constitution de Bpifrance dans la limite de 44 millions d’euros ».

Il se trouve qu’à l’occasion de son audition par votre rapporteur, M. Paul-François Fournier, directeur exécutif de la mission innovation de Bpifrance, a indiqué que cette ligne de crédit de fonctionnement avait disparu dans le projet de loi de finances pour 2014. Après avoir fait part de son embarras auprès de l’administration compétente il lui a été assuré, au moyen d’une lettre signée par quatre ministres, que les crédits de fonctionnement de l’établissement seraient maintenus. Votre rapporteur ne peut que se réjouir de cette heureuse issue, tant les implantations décentralisées de Bpifrance demeurent garantes du succès de son indispensable mission.

Dans son rapport précité sur le financement de la recherche, la Cour des comptes évoque « un dispositif foisonnant », un des interlocuteurs de votre rapporteur a utilisé le terme de « mille feuilles ». Force est de constater, par ailleurs, qu’à cette multiplicité de modes de financement, répond un nombre important de structures et groupements susceptibles d’en être bénéficiaires. Cet éparpillement rend l’ensemble peu lisible, tant pour les institutions chargées d’en vérifier l’efficacité que pour les acteurs de terrains jusqu’au sein de l’entreprise. Cette situation désavantage tout particulièrement les petites PME qui ne disposent pas, à la différence des structures industrielles plus conséquentes, des moyens en temps et en personnel pour mettre en œuvres les financements et collaborations alors qu’une ingénierie du financement paraît de plus en plus souvent indispensable.

À cet égard et une fois encore, le Crédit impôt recherche est exemplaire puisque l’évolution du dispositif a permis l’éclosion de nombreux cabinets de conseil, véritables chasseurs de subventions rémunérés au pourcentage, dont l’objet est de guider les entreprises dans le « maquis » de la subvention. Bien entendu, ces pratiques ne valent que pour des entreprises, ou des groupes, de taille conséquente. Au demeurant, il ne s’agit pas d’agiter sempiternellement le chiffon rouge du CIR car des aménagements législatifs et réglementaires sont venus améliorer la situation. De plus, au sein de structures telles les instituts Carnot, les pôles de compétitivité ou les centres techniques industriels, les petites structures peuvent être convenablement orientées.

Entendu par votre rapporteur, l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l’agriculture (Irstea qui est agréé institut Carnot) a considéré « qu’il y a un manque sur l’accompagnement financier des PME, start-up ou ETI. Il faudrait trouver une façon de « protéger » les projets à long terme dans ces entreprises, compatibles avec les relations avec la recherche (c’est de fait l’intention du CIR). Irstea peut assurer les tests et essais de nouvelles technologies en fin de développement, mais par contre manque de ressources humaines pour accompagner les PME et start-up « dans la vallée de la mort » (industrialisation après validation des prototypes). C’est également un moment où il y a un manque notoire de capital-risque en France. Les SATT pourront peut-être combler une partie de ce manque et prendre un rôle réel dans ce système.

En matière de start-up, Irstea a une expérience et un dispositif pour aider les essaimages de personnels Irstea. Mais l’entrepreneuriat n’est pas encore une qualité courante chez les chercheurs ».

Lors de son audition par votre rapporteur, M. Paul-François Fournier, directeur « Innovation » de Bpifrance a exposé qu’une des difficultés de l’exercice du financement de l’innovation des entreprises résidait dans la nécessité de l’accompagnement tout au long du parcours.

Pour mémoire, les principaux dispositifs étatiques de soutien à l’innovation peuvent être rappelés en conservant à l’esprit qu’il convient de distinguer la R&D et l’innovation. L’innovation est une démarche consistant à produire et commercialiser un produit ou service à partir d’une idée nouvelle. Le recours à la R&D est bien entendu souvent indispensable, mais d’autres facteurs sont tout aussi cruciaux, comme le marketing, le design, l’esprit entrepreneurial.

Au titre des incitations fiscales peuvent être mentionnés :

– Le Crédit d’impôt recherche (CIR) a été stabilisé sur la durée du quinquennat (décision n° 26 du Pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi). Ce dispositif est apprécié des entreprises, et comme pour tout mécanisme d’incitation fiscale, mais plus encore s’agissant d’une mesure influençant les stratégies et projets de R&D de moyen et long termes des entreprises, il est important d’en maintenir les caractéristiques essentielles dans la durée afin qu’elles puissent mener leurs projets dans un cadre de coût fixe.

– le crédit d’impôt innovation a été instauré depuis le 1er janvier 2013 pour les PME, étendant les dépenses éligibles au CIR à la conception de prototypes et installations pilotes de produits nouveaux. D’un taux de 20 % et avec une assiette plafonnée à 400 000 euros, ce crédit d’impôt réservé aux PME a vocation à inciter celles-ci à industrialiser leur innovation au sortir du projet de R&D, en intégrant des facteurs d’innovation comme le design et l’éco-conception.

– Le dispositif en faveur des jeunes entreprises innovantes (JEI) qui doit être confirmé et renforcé. Il combine des avantages fiscaux et sociaux (exonérations de cotisations sociales patronales) pour favoriser le développement des jeunes entreprises innovantes qui renouvelleront le tissu de PME et d’ETI françaises.

Par ailleurs, la création la banque publique d'investissement, Bpifrance, permet de regrouper et d’articuler les structures publiques accompagnant les entreprises à chaque étape de leur développement : OSEO, CDC Entreprises et le FSI. OSEO devient Bpifrance Financement, CDC Entreprises devient Bpifrance Investissement et le Fonds Stratégique d’Investissement (FSI) devient Bpifrance Participations. De son côté, le programme d’investissements d’avenir, dont le renforcement a été décidé au printemps 2013, contribue également au renforcement des outils de soutien à la recherche et l’innovation. Une part notable de ses ressources a été affectée à des actions structurantes visant à renforcer l’effort de R&D et à soutenir l’innovation en France.

Les entreprises peuvent également bénéficier de financements de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR) pour des projets de recherche plus amont menés en collaboration avec des organismes de recherche. Néanmoins, ces financements sont en baisse : alors que la part du budget d’intervention de l’ANR allouée aux entreprises devait être de 25 % à la création de l’agence, elle est en constante baisse depuis 2005, et s’établit à 8,4 %. Le budget de l’ANR a connu une baisse de près de 10 % entre 2012 et 2013.

Le fonds national de valorisation a pour objet d’accroître l’efficacité du dispositif français de valorisation de la recherche publique. Il vise à améliorer significativement ses résultats, sous forme de licences, de partenariats industriels, de création d’entreprises ou à faciliter la mobilité des chercheurs. Ce fonds a été créé dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Il est doté d'un milliard d’euros. L’agence nationale de la Recherche est chargée de sa mise en œuvre. Le fonds a vocation à financer France Brevets et une quinzaine de « sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT) ».

À l’échelle européenne, l’initiative intergouvernementale EUREKA couvre les projets internationaux pour les technologies proches du marché. Les projets EUREKA comportent deux catégories : les projets dits coopératifs, concernant des PME, et les grands programmes stratégiques ou clusters dont la France est l’un des principaux financeurs.

En termes de structures, peuvent être cités, les pôles de compétitivité définis par la loi de finances pour 2006 comme « le regroupement sur un même territoire d'entreprises, d'établissements d’enseignement supérieur et d'organismes de recherche publics ou privés qui ont vocation à travailler en synergie pour mettre en œuvre des projets de développement économique pour l’innovation ». Beaucoup de ces pôles connaissent une réussite certaine, cependant, leur nombre (71) laisse interrogateur : une telle quantité est-elle bien nécessaire ? Ne conviendrait-il pas d’établir une distinction entre les pôles à vocation régionale et d’autres, au rayonnement plus large ?

Le réseau des instituts Carnot compte à ce jour 34 unités. Le label Carnot est attribué pour une période de cinq années renouvelable à des structures de recherche publique, les instituts Carnot, qui mènent simultanément des activités de recherche amont, propres à renouveler leurs compétences scientifiques et technologiques, et une politique volontariste en matière de recherche partenariale au profit du monde socio-économique. Leur financement relève du Fonds unique interministériel (FUI). Il faut relever que ces instituts représentent 10 % des effectifs la recherche publique et qu’ils portent 60 % des projets industriels confiés à la recherche publique.

Fonctionnant avec l’appui des organisations professionnelles, les Centres techniques industriels (CTI) constituent pour le tissu industriel français un dispositif majeur de transfert technologique et d’innovation. Certains ont reçu le label Carnot. Le dispositif s’appuie sur un réseau plus de 3 200 collaborateurs hautement qualifiés, ingénieurs, scientifiques et techniciens experts en recherche industrielle et transferts, ainsi que sur une expérience de plus de quarante ans dans ce domaine. En apportant aux entreprises des infrastructures d’essais et d’évaluation, des compétences scientifiques et technologiques, des informations, des analyses, les services que proposent les CTI contribuent grandement à la compétitivité du tissu industriel, au renforcement de l’emploi, à l’attractivité du « Site France ». Les CTI sont ainsi un trait d’union entre l’industrie et la recherche. Par leurs missions statutaires, ils garantissent l’accès de leurs services à toutes les entreprises de leur branche industrielle étant ainsi des contributeurs de compétences, infrastructures et services. Trop mal connus, les Centres techniques industriels ont fait l’objet d’un ajout au sein du code de la recherche dans la loi 22 juillet 2013 sur l’Enseignement supérieur et la recherche. Le nouvel article 342-2 du code précité se voit donc ainsi complété : « Les Centres Techniques Industriels fonctionnent en réseau et sont tenus de communiquer à l’instance de coordination des centres, avec l’accord des entreprises concernées par une demande de recherche et d’innovation, les informations susceptibles de contribuer à l’implication de tous les centres du réseau. À ce titre, ils veillent à ce que les secrets d’affaires dont ils ont connaissance ne soient pas divulgués, sauf dans les cas où la loi en dispose autrement ».

Les Structures de recherche sous contrat remplissent un rôle assez similaire et pâtissent du même manque de visibilité que les CTI. Or l’expertise et la culture du transfert que CTI et SRC ont acquis au court des décennies, puisqu’il s’agit de leur cœur de métier, peuvent constituer un maillon important dans la chaîne de l’innovation.

Les sociétés d’accélération du transfert de technologie relèvent du droit privé et sont donc des sociétés par actions simplifiées (SAS). Situées au carrefour du monde de la recherche et des entreprises, les SATT sont de nouveaux acteurs économiques qui ont pour objet d’accroître l’efficacité du dispositif français de valorisation de la recherche, en accélérant notamment son transfert et son utilisation par l’industrie. Les SATT interviennent comme prestataires de services en matière de valorisation de la recherche pour leurs actionnaires et d’autres clients potentiels. Elles disposent également de moyens financiers pour soutenir des projets en phase de maturation. Leur principale activité est donc d'investir dans des projets de maturation d’inventions et de preuve de concept pour créer in fine, par les avancées de la R&D, de la valeur et des emplois dans des entreprises, existantes ou nouvelles, qui vont exploiter ces innovations. 14 SATT ont été retenues pour des appels à projet.

La France demeure en tête du peloton dans le domaine de l’innovation. Anne Lauvergeon, présidente de la Commission Innovation 2030, a indiqué à votre rapporteur que la France représente 4 % de la R&D mondiale. Dans son classement annuel «Top 100 Global Innovators» publié récemment, Thomson Reuters place la France à la troisième place du classement des pays les plus innovants au monde, comme l’an dernier, derrière les États-Unis (1er) et le Japon (2e).

Ce classement englobe à la fois les entreprises et les centres de recherche qui développent une politique de brevet très dynamique. Quatre critères sont pris en compte : le nombre de brevets déposés, le taux de succès de ces derniers, c’est-à-dire la différence entre les brevets déposés et ceux qui sont effectivement validés, la portée internationale de ces brevets et enfin leur influence, soit le nombre de fois où ils sont cités par d'autres sociétés lors de leur processus d’innovation.

Sur ces critères, neuf entreprises françaises sont intégrées dans le classement : Alcatel-Lucent, Arkema, L’Oréal, Michelin, Safran, Saint-Gobain, Thales, EADS et Valeo. À leurs côtés figurent le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’IFP Énergies nouvelles. Tous étaient déjà présents dans le top 100 l’an dernier. Ces sociétés et organismes ont dégagé 49,9 milliards de dollars en recherche en 2012. «Cette réussite est en grande partie due à la politique d'innovation du pays qui a institué un crédit d'impôt recherche», indique l’étude.

Certes, ce classement met en exergue des groupes français de dimension mondiale et ne saurait faire oublier que le maintien comme le développement de notre tissu industriel innovant doit demeurer une préoccupation constante. Les initiatives récentes qui ont été prises pour rendre plus performant le mode de financement de la recherche ne manqueront pas de porter leurs fruits. Cet effort doit être poursuivi sur tous les fronts. Le financement public de la recherche peut et doit encore gagner en efficacité, il est souhaitable que nos chercheurs puissent consacrer plus de temps à leur travail plutôt qu’à la recherche des financements. De même, les circuits devraient être raccourcis pour l’obtention des agréments et des financements car la structure des PME ne leur permet pas de rester deux ou trois ans dans l’attente de trésorerie. Il apparaît que ces temps longs sont souvent dus au passage dans différentes administrations. Sans remettre en cause le « droit de veto » de chacune de ces administrations, votre rapporteur souhaite soulever la piste de la constitution d’un seul comité au sein duquel siégerait conjointement l’ensemble des administrations concernées qui évaluera à ce seul moment les dossiers afin de raccourcir les délais. Il semblerait d’ailleurs qu’il faille réfléchir à la place de Bpifrance dans ce processus, qui pourrait être secrétaire du comité en charge de la gestion des temps de traitement de dossiers, car ce sont les chargés d’affaires de Bpifrance qui connaissent les spécificités des entreprises concernées et le caractère urgent ou non des projets. De manière plus large la constitution de l’établissement de Bpifrance doit apporter des améliorations conséquentes.

Pour renouer avec la logique d’anticipation qui a permis la construction de nos « champions » industriels, a été mise en place sous l’égide du Président de la République une commission présidée par Mme Anne Lauvergeon composée d’industriels, de scientifiques et de représentants de la société civile. La mission lui a été confiée d’identifier les besoins nouveaux de notre société à horizon 2025, et les innovations majeures qui permettront à de nouvelles entreprises ou à de nouvelles usines d’y répondre, puis sélectionner celles dans lesquelles la France a la capacité de faire émerger les leaders mondiaux de 2025.

Le rapport de la commission innovation 2030, remis en octobre dernier et intitulé Un principe et sept ambitions pour l’innovation propose de progresser dans les domaines suivants :

– le stockage d'énergie ;

– le recyclage des matières premières dont les métaux rares ;

Par ailleurs, le Président de la République a lancé, le 12 septembre dernier, les 34 plans de la Nouvelle France Industrielle, placé sous la responsabilité du ministère du redressement industriel. Les 34 plans définissent les défis d’aujourd’hui, les relais de croissance sur les marchés de demain que nos entreprises ont à conquérir.

Entendue par votre rapporteur, Mme Lauvergeon a considéré que ses travaux étaient complémentaires des 34 plans.

L’innovation doit être tirée par les besoins, les marchés, le client, s’appuyer sur le design en plus de la technologie. Autrement dit, la France est encore trop guidée par la technologie seule, or celle-ci n’est pas suffisante en elle-même : elle doit être pensée en produit fini rendu attractif notamment par le design et doit répondre à un usage sociétal, et in fine à un besoin ou un nouveau désir du consommateur. Une méthode radicalement nouvelle et concrète sera ainsi mise en œuvre pour faire émerger ces nouveaux leaders de 2025.

Il ne s’agira pas d’une niche fiscale ni d’un appel à projets de recherche collaborative de plus, mais de concours d’innovation financés par l’État par l’intermédiaire d’un programme spécifique des investissements d’avenir déjà doté de 300 millions d’euros. Ces concours mondiaux d’innovation seront lancés d’ici la fin de l’année sur chacun des sept thèmes sélectionnés par la Commission. Ils seront ouverts à tous, petits et grands, entreprises nouvelles ou existantes : sans avoir à remplir de dossier épais, les projets les plus jeunes pourront bénéficier d'un investissement rapide sous trois mois pour faire mûrir leur idée. Les concours seront aussi ouverts aux créateurs ou aux entreprises étrangères qui veulent s’implanter sur notre territoire, car il faut attirer les talents du monde entier pour trouver les solutions les plus habiles.

L’État saura prendre des risques calculés au démarrage, osera faire des essais et soutenir des projets originaux, pour permettre le succès des projets les plus innovants et les plus pertinents.

Les projets les plus prometteurs auront vocation à mobiliser dans la durée beaucoup plus de moyens, moyens privés bien sûr, mais aussi des pouvoirs publics (commandes, participation éventuelle au capital...).

Faisant suite au rapport Beylat-Tambourin « L’innovation, un enjeu majeur pour la France », le Premier ministre a annoncé en avril 2013 lors du séminaire de suivi du pacte de compétitivité, la préparation d’un plan innovation comprenant quatre axes : la gouvernance du système d’innovation, le développement de la culture d’innovation, l’accroissement de l’impact économique de la recherche publique, et l’accompagnement de la croissance des entreprises innovantes.

Anne Lauvergeon n’a pas tort d’affirmer qu’« en France, l’échec est stigmatisant dès l’école». La modification de ce rapport à l’échec sera nécessaire si l’on veut développer le goût du risque et de l’innovation. C’est en tendant à s’éloigner de la norme, des sentiers battus, qu’émergent bien souvent les projets innovants. Ce trait culturel de notre pays est bien renforcé par un autre bien connu, la présence dans les entreprises françaises des grands corps dont la « culture de recherche » n’est pas toujours la première qualité : il est nécessaire d’encourager le recrutement de jeunes docteurs pour pousser à l’innovation.

Enfin, l’innovation doit être perçue par les Français comme une opportunité, non seulement de générer de la croissance et de l’emploi, mais aussi d’améliorer leur vie, avec le développement de nouveaux secteurs comme la Silver économie ou encore le biomédical. Il s’agit aussi de redonner ses lettres de noblesse à l’idée de progrès.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie du 24 octobre 2013, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de MM. Christophe Borgel (Recherche industrielle) et Franck Reynier (Grands organismes de recherche), les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 24 octobre 2013, sur le site internet de l’Assemblée nationale (4)

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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Contrairement à l’avis défavorable de M. Franck Reynier, et suivant l’avis favorable de M. Christophe Borgel, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2014.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Association des Structures de Recherche sous Contrat (ASRC)

M. Philippe Demigné, vice-président

M. Jérôme Billé, délégué général

Banque publique d’investissement (BPI)

M. Paul-François Fournier, directeur « Innovation » et membre du Comex de la BPI

Capdigital

Mme Isabelle Ryl, vice-présidente valorisation de Cap Digital et directrice du centre de recherche Inria Paris – Rocquencourt

M. Philippe Roy délégué adjoint en charge de R&D

CEA LETI

M. Laurent Malier, directeur du CEA LETI et président de l’Association des Instituts Carnot

M. Éric Dupont-Nivet, responsable de la stratégie et des programmes

M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques du CEA

Centres techniques industriels

M. Christophe Mathieu, président

M. Philippe Choderlos de Laclos, vice-président 

M. Ginés Martinez, délégué général

Commission innovation 2030

Mme Anne Lauvergeon, présidente

Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS)

M. Benjamin Gallezot, directeur adjoint

M. Patrick Lelarge, adjoint au secrétaire général

Epsilon

M. Bruno Desaunettes, président

Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA)

M. Jean-Marc Bournigal, président

M. Pierre-Yves Saint, secrétaire général

M. Aliette Maillard, directrice de la communication

M. Vanessa Hendou, TBWA\Corporate pour Irstea

Pôle Européen de la Céramique

M. Rémi Noguera, président

Team² - Technologies de l’environnement appliquées aux matières et aux matériaux

M. Christian Traisnel, directeur

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