N° 1433 tome VIII - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1433

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2014 (n° 1395)

TOME VIII

SÉCURITÉS

GENDARMERIE NATIONALE

PAR M. Daniel BOISSERIE

Député

——

Voir le numéro : 1428 (annexe 43)

SOMMAIRE

___

Pages

I. L’EFFORT BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DE LA GENDARMERIE EN 2014 : DES MOYENS GLOBALEMENT PRÉSERVÉS QUI NE DOIVENT PAS MASQUER DE RÉELLES DIFFICULTÉS 7

A. UN MAINTIEN DES CRÉDITS POUR 2014 7

1. Évolution globale des crédits du programme 152 7

2. L’évolution des crédits par action 9

B. LA RÉPARTITION DES CRÉDITS PAR TITRE 9

1. Les effectifs : 2014, une deuxième année d’augmentation bienvenue après les coupes claires du quinquennat précédent 10

2. Des dépenses de fonctionnement sous tension 11

3. Des dépenses d’investissement et d’intervention qui demeurent insuffisantes 12

C. LA GESTION DE LA MISE EN RÉSERVE : UNE PROBLÉMATIQUE RÉCURRENTE AUX CONSÉQUENCES PARTICULIÈREMENT PRÉJUDICIABLES POUR LA GENDARMERIE 13

1. Une fin de gestion 2013 qui s’annonçait difficile en l’absence de mesures correctrices 13

2. L’annonce d’un dégel par le Gouvernement : une décision bienvenue 14

D. L’ACTIVITÉ DE LA GENDARMERIE NATIONALE : UNE MULTITUDE DE MISSIONS AU TITRE DU MAINTIEN DE L’ORDRE 15

1. Recentrer les gendarmes sur leur cœur de métier : la production de sécurité 16

2. La concentration des efforts sur des territoires ciblés : bilan des zones de sécurité prioritaire après un an de mise en œuvre 18

3. La lutte contre les cambriolages : axe majeur de la politique de sécurité publique 22

4. Pour une approche pragmatique dans la répartition territoriale des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) 23

5. Les opérations intérieures (OPINT) 23

6. Les opérations extérieures (OPEX) 25

II. GENDARMES ET POLICIERS : QUELQUES ÉLÉMENTS DE COMPARAISON 27

A. LES EFFECTIFS ET LES RÉMUNÉRATIONS 27

1. La gendarmerie a été davantage touchée par les déflations d’effectifs sous le précédent quinquennat 27

2. Des facteurs d’évolution de la masse salariale plus budgétivores dans la police nationale 29

B. LA GESTION DES DÉPENSES DE PERSONNEL : ENTRE DÉPASSEMENT DES CRÉDITS ET « TROUS À L’EMPLOI » 30

1. La police nationale : des abondements de crédits en gestion afin de couvrir les dépenses 30

2. La gendarmerie nationale : un écart entre le plafond d’effectifs autorisé et les effectifs réels qu’il convient de combler 30

C. LE TEMPS D’ACTIVITÉ : DES RÉGIMES SPÉCIFIQUES QUI RENDENT DIFFICILE TOUTE COMPARAISON 31

1. Les gendarmes : une obligation de disponibilité totale liée au statut militaire 31

2. Les policiers : le bénéfice de la durée annuelle légale de travail, mais des régimes d’activité multiples et spécifiques pouvant s’avérer contraignants 33

3. Entre temps de travail effectif des gendarmes et temps de travail théorique des policiers, une comparaison qui trouve ses limites 35

D. LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES ET DISCIPLINAIRES AU SEIN DES DEUX FORCES 35

1. Pour la gendarmerie 35

2. Pour la police 38

E. LE RESPECT DE LA DÉONTOLOGIE DANS LE SERVICE RENDU AUX CITOYENS : L’APPRÉCIATION DU DÉFENSEUR DES DROITS 39

1. Peu de dossiers mettent en cause des gendarmes 41

2. La police nationale : un suivi assez fidèle des recommandations du Défenseur des droits 41

TRAVAUX DE LA COMMISSION 43

I. AUDITION DU GÉNÉRAL DENIS FAVIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA GENDARMERIE NATIONALE 43

II. EXAMEN DES CRÉDITS 57

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis 59

INTRODUCTION

En 2014, les moyens consacrés à la gendarmerie nationale seront préservés, ainsi qu'en témoignent l’augmentation de 1 % des autorisations d’engagement et la croissance de 0,8 % des crédits de paiement.

Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, le rapporteur tient à saluer le maintien de l'effort financier en faveur d'un service public de proximité essentiel qui répond à la légitime demande de sécurité de nos concitoyens.

Toutefois, au-delà de ce réel motif de satisfaction, le rapporteur se doit d'évoquer deux sujets de préoccupation.

Le premier concernait les mises en réserve de crédits. En effet, la fin de gestion de l'exercice 2013 aurait pu s'avérer problématique pour la gendarmerie en l'absence de mesures correctrices. Conscient de ces difficultés annoncées, le rapporteur s’est fortement mobilisé à ce sujet. Sans remettre en cause la légitimité des gels de crédits opérés en gestion, qui peuvent s’avérer nécessaires à la maîtrise de la dépense publique, il estimait indispensable de restituer à la gendarmerie une part substantielle des crédits mis en réserve en 2013. Dans le cas contraire, le manque de moyens aurait pu conduire à une dégradation des conditions de vie des gendarmes ou à une limitation de leur capacité à remplir pleinement leurs missions.

En outre, le maintien intégral des gels de crédits se serait traduit par un report massif des charges impayées sur un budget 2014 qui n'autorise aucune dépense superflue et qui, par ailleurs, fera lui-même l'objet d'une mise en réserve initiale à hauteur de 7 % des crédits hors crédits de personnel (titre 2). Enfin, laisser inchangé le niveau des gels 2013 aurait pu produire des conséquences paradoxales. En effet, cette mesure d'économie se serait potentiellement traduite in fine par une augmentation des charges de la gendarmerie du fait du paiement d'intérêts en cas de retard trop importants dans le règlement de certaines factures (loyers par exemple).

Le rapporteur se réjouit donc des annonces du ministre de l’Intérieur lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités », le 31 octobre dernier. Celui-ci a en effet assuré aux députés réunis en commission élargie que le Premier ministre avait décidé de restituer 111 millions d’euros de crédits de paiement précédemment gelés à la gendarmerie et à la police nationales. En outre, 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement seront dégelés afin de répondre aux besoins immobiliers les plus pressants dans la gendarmerie. Le rapporteur souhaite donc exprimer sa reconnaissance au Gouvernement pour ces mesures qui permettront à nos forces de sécurité d’envisager la fin de gestion 2013 avec plus de sérénité.

Le second motif d'interrogation concerne les effectifs de la gendarmerie, laquelle aura subi de plein fouet les coupes claires opérées sous le précédent quinquennat, avec une perte de près de 6 800 postes budgétaires entre 2007 et 2012. En outre, les effectifs réels de la gendarmerie restent structurellement inférieurs au plafond d'emplois autorisé par le Parlement en loi de finances. Ainsi, en 2013, ce sont plus de 1 800 postes qui ont manqué à la gendarmerie, ces « trous à l'emploi » représentant l'équivalent de 300 brigades à organisation inchangée.

Le rapporteur juge qu'un certain nombre de ces postes non pourvus pourrait probablement être officiellement supprimé à hauteur des emplois existant dans les brigades dont le dimensionnement en hommes ne permet pas une réelle production de sécurité au service des citoyens. À cet égard, une réorganisation territoriale des brigades pourrait permettre de rationaliser la « carte gendarmerie » et, potentiellement, de diminuer les effectifs dans certaines zones. Le rapporteur estime toutefois que, eu égard à la demande croissante de sécurité publique, l’essentiel de ces emplois doit absolument être préservé. Par conséquent, ces postes doivent, à terme, faire l’objet d’une budgétisation officielle via une revalorisation à due concurrence des crédits de titre 2, afin de permettre une reprise de recrutements qui s’avèrent nécessaires à la protection de nos concitoyens les plus fragiles.

Au 10 octobre 2013, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 91,4 % des réponses étaient parvenues au rapporteur.

 

AE

Part dans le programme

CP

Part dans le programme

Mission Sécurités

18 289,99

100 %

18 122,89

100 %

176 Police nationale

9 612,33

52,56 %

9 521,84

52,54 %

152 Gendarmerie nationale

7 958,32

43,51 %

8 033,36

44,33 %

207 Sécurité et éducation routières

129,01

0,71 %

129,01

0,71 %

161 Sécurité civile

590,33

3,23 %

438,68

2,42 %

Source : projet annuel de performance « Sécurités » ; calculs du rapporteur.

Pour l’exercice 2014, la gendarmerie nationale bénéficierait de moyens préservés dans leur ensemble, l’évolution des AE et des CP témoignant d’une quasi-stabilité des dotations en valeur avec des augmentations respectives de 1 % et de 0,8 %. Toutefois, en volume, le programme enregistrerait une légère décroissance de ses moyens puisque le PLF 2014 est bâti sur une hypothèse d’inflation de 1,3 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME GENDARMERIE NATIONALE 2013-2014
HORS FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme / action

Ouverts en LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2013

Ouverts en LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2013

152 Gendarmerie nationale

7 878,99

7 958,32

+ 1,0 %

7 968,30

8 033,36

+ 0,8 %

01 Ordre et sécurité publics

3 219,55

3 351,25

+ 4,1 %

3 219,55

3 351,25

+ 4,1 %

02 Sécurité routière

817,40

811,28

– 0,7 %

817,40

811,28

– 0,7 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

1 762,85

1 797,97

+ 2,0 %

1 762,85

1 797,97

+ 2,0 %

04 Commandement, ressources humaines et logistique

1 885,79

1 823,02

– 3,3 %

1 975,10

1 898,06

– 3,9 %

05 Exercice des missions militaires

193,41

174,80

– 9,6 %

193,41

174,80

– 9,6 %

Source : projet annuel de performance « Sécurités » ; calculs du rapporteur.

En retenant, en sus des crédits budgétaires, l’ensemble des financements « annexes » que constituent les fonds de concours (FDC) et attributions de produits (APD) (1), les moyens de la gendarmerie seraient presque parfaitement reconduits en valeur (+ 0,1 % en AE et – 0,1 % en CP).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME GENDARMERIE NATIONALE 2013-2014
FONDS DE CONCOURS ET ATTRIBUTIONS DE PRODUITS COMPRIS

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme / action

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2013

LFI 2013

PLF 2014

Évolution 2014/2013

152 Gendarmerie nationale

7 987, 54

7 991,88

+ 0,1 %

8 076,86

8 066, 93

– 0,1 %

01 Ordre et sécurité publics

3 219,55

3 351, 25

+ 4,1 %

3 219,55

3 351, 25

+ 4,1 %

02 Sécurité routière

817,40

811, 28

– 0,7 %

817,40

811, 28

– 0,7 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

1 762, 85

1 797, 97

+ 2,0 %

1 762, 85

1 797, 97

+ 2,0 %

04 Commandement, ressources humaines et logistique

1 994,34

1 856,58

– 6,9 %

2 083,66

1 931,63

– 7,3 %

05 Exercice des missions militaires

193,41

174,80

– 9,6 %

193,41

174,80

– 9,6 %

Source : projet annuel de performance « Sécurités » ; calculs du rapporteur.

Si les crédits sont globalement préservés au niveau du programme 152, deux actions subissent toutefois une diminution assez substantielle de leurs moyens, diminution qui, toutefois, s’explique assez aisément.

Ainsi l’action 4 « Commandement, ressources humaines et logistique », qui recouvre le financement des moyens opérationnels (habillement, acquisition de munitions, loyers, etc.) diminuerait de près de 4 % en CP – soit plus de 75 millions d’euros. La baisse serait encore plus prononcée en tenant compte des fonds de concours et attributions de produits. Pour une analyse synthétique des évolutions à l’œuvre en 2014, on se reportera à la partie infra relative à la répartition des crédits par titre, l’action 4 étant la seule pourvue de crédits de fonctionnement et d’investissement (les autres ne comprennent que des crédits de personnel – titre 2). Cette diminution s’explique par les efforts effectués au titre de la mutualisation des fonctions de soutien, qui portent leurs fruits en termes d’économies. En outre, le processus de « civilianisation » des postes consacrés à ces missions entraîne des besoins moindres quant aux rémunérations.

L’action 5, relative à l’« Exercice des missions militaires », verrait ses moyens baisser de 9,6 % (soit 18,6 millions d’euros). Une telle décroissance est due à une prévision d’engagement moindre au titre des opérations extérieures (OPEX). Rappelons que, selon la définition qu’en fournit le projet annuel de performances, cette action regroupe l’ensemble des missions de nature militaire, accomplies par la gendarmerie en tant que force armée, sur le territoire national comme à l’étranger, notamment sur les théâtres d’opérations extérieures. Elle recouvre ainsi une grande diversité de services et d’actions relevant de la mission défense et sécurité nationale : protection des intérêts français à l’étranger, missions de prévôté, sécurité de certains points d’importance vitale utilisés par les forces armées, protection permanente des institutions assurant la continuité de l’État, participation à des opérations de gestion de crise sous commandement militaire.

 

AE

CP

Part dans le programme

AE

CP

Programme 152 (tous titres)

7 958,32

8 033,36

100 %

100 %

Titre 2

6 819,51

6 819,51

85,69 %

84,89 %

Autres titres

1 138,81

1 213,85

14,31 %

15,11 %

Source : projet annuel de performances Sécurités ; calculs du rapporteur.

En 2014, le plafond du programme sera relevé de 74 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit le solde net entre la création de 162 ETPT et la « suppression » de 88 ETPT au titre de mesures de transfert au bénéfice du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » (2). Au total, le programme comptera donc 97 167 ETPT, contre 97 093 l’an dernier. Rappelons qu’en 2013, la gendarmerie avait bénéficié d’une augmentation brute de 192 ETPT, hors transferts.

Le rapporteur tient à saluer cette augmentation des effectifs, rendue nécessaire par l’exercice de missions toujours plus nombreuses, plus complexes, et souvent plus risquées. Elle est d’autant plus indispensable pour la régénération des forces de la gendarmerie nationale qu’elle intervient après une période de suppressions d’effectifs aveugles et inconséquentes au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) conduite par la majorité précédente. En effet, entre 2007 et 2012, ce sont près de 6 800 ETPT en effectifs réalisés qui avaient été supprimés (3), alors que les attentes, légitimes, de nos concitoyens en matière de sécurité n’ont cessé de se renforcer.

Le tableau ci-dessous fournit une répartition des effectifs par service. L’item « autres » regroupe les emplois affectés aux structures et services suivants :

– unités de prévention et de gestion des crises (4) : 17 608 ETPT ;

– écoles et centres d’instruction (y compris les élèves) : 4 854 ETPT ;

– unités organiquement rattachées à la gendarmerie des transports aériens : 1 018 ETPT ;

– unités judiciaires à vocation nationale (5) : 957 ETPT ;

– centre automatisé de constatation des infractions routières et centre national d’information routière : 15 ETPT.

RÉPARTITION DES EMPLOIS PAR SERVICE

(en ETPT)

Service

LFI 2013

PLF 2014

Administration centrale

2 353

2 370

Services régionaux

5 423

5 623

Services départementaux

63 750

64 610

Opérateurs

Services à l’étranger

106

112

Autres

25 451

24 452

Total

97 093

97 167

Source : rapport annuel de performances « Sécurités ».

Les ressources consacrées aux dépenses de fonctionnement atteindraient, au titre de l’exercice 2014, 1 078,9 millions d’euros en AE et 1 082,63 millions d’euros en CP.

Les crédits afférents sont répartis en quatre grandes catégories :

– l’immobilier, enveloppe la plus importante avec 623,6 millions d’euros (AE = CP) – environ 60 % des dépenses de fonctionnement de la gendarmerie – servant notamment à couvrir les dépenses de loyers, d’énergie et de fluides (électricité, eau, gaz, etc.) ;

– le fonctionnement « lié à l’homme », à hauteur de 207,7 millions d’euros (AE = CP), qui couvrent les dépenses directement liées à l’activité quotidienne et la gestion des unités, telles que les dépenses de fonctionnement courant (fournitures de bureau, téléphonie, reprographie, etc.), de formation, ou encore les frais d’enquête et de surveillance ;

– les moyens mobiles, avec 89,6 millions d’euros (AE = CP), qui agrègent les dépenses liées à l’emploi des 31 000 véhicules de la gendarmerie ;

– l’équipement, pour 65,3 millions d’euros (AE = CP), dont les frais liés à l’achat de munitions, de moyens de contrôle de surveillance et d’analyse, ainsi que les dépenses d’habillement. Au sein de cette enveloppe, 7,6 millions d’euros devraient être consacrés au renouvellement du parc informatique, permettant l’acquisition de 10 000 ordinateurs fixes et portables après deux années « blanches » en la matière.

Comme l’a indiqué le général d’armée Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), lors de son audition devant la commission le 16 octobre dernier les moyens de fonctionnement ont été calculés au plus juste. Or, d’une part, les dépenses contraintes (loyers, énergies et fluides, etc.) risquent de connaître des hausses de prix qui seront donc difficilement absorbables et, d’autre part, il n’est pas improbable que des ajustements soient effectués en cours d’année sur certains postes comme les déplacements, le carburant ou l’entretien des véhicules, afin d’assurer la conduite des missions opérationnelles (6).

Le montant des dépenses d’investissement serait de 53,9 millions d’euros en AE et 117,7 millions d’euros en CP. Ces moyens permettront principalement de couvrir les dépenses relatives aux moyens mobiles et à l’immobilier.

Au sein de ce budget, 40 millions d’euros (AE = CP), seront consacrés à l’acquisition de 2 000 véhicules légers et motocyclettes, ce qui permettra de maintenir à un niveau opérationnel satisfaisant le parc de 27 500 véhicules d’intervention de la gendarmerie.

En outre, 11,9 millions d’euros en AE et 73,2 millions d’euros en CP seront destinés aux dépenses immobilières, notamment :

– la maintenance immobilière du parc domanial avec la rénovation de 1 000 logements environ (9,3 millions d’euros en AE et 2,3 millions d’euros en CP). Ces crédits devraient permettre de conduire les opérations les plus urgentes mais, comme l’a précisé le DGGN à la commission, la gendarmerie fait face à « des situations de rupture très préoccupantes » ;

– la couverture d’engagements réalisés avant 2013 à hauteur de 70,1 millions d’euros en CP : opérations de construction domaniale (43 millions d’euros), maintenance (20,6 millions d’euros), et AOT (7) (6,5 millions d’euros).

Précisons également que, au-delà des crédits d’investissement, six millions d’euros en AE seront dégagés au titre des crédits d’intervention afin de relancer la construction de quelques casernes via le versement de subventions aux collectivités territoriales (8), tandis que 13,6 millions d’euros en CP permettront d’honorer les engagements réalisés avant fin 2013. Toutefois, ces moyens restent manifestement inférieurs aux montants nécessaires au maintien ou à la remise à niveau du parc immobilier.

Enfin, le rapporteur souhaite évoquer le sujet des baux emphytéotiques administratifs (BEA). Au 1er janvier prochain, il ne sera en effet plus possible de recourir à la procédure des BEA pour les opérations liées aux besoins de la gendarmerie (les opérations relatives liées aux besoins de la justice, de la police, et des services départementaux d’incendie et de secours – SDIS – sont également soumises à la même limite temporelle).

Or, si cette procédure ne constitue évidemment pas une solution miracle aux problèmes immobiliers que connait la gendarmerie, elle reste un levier d’action important dont il ne faut pas se priver. Aussi le rapporteur proposera-t-il la prorogation de ce dispositif, afin de sécuriser les opérations en cours et de permettre la réalisation de nouvelles opérations immobilières à l’avenir.

Le rapporteur tient à relayer les propos tenus par le DGGN à l’occasion de son audition par la commission sur le projet de loi de finances pour 2014.

Sans remettre en cause la légitimité des gels de crédits opérés en gestion et qui s’avèrent nécessaires à un pilotage responsable de la dépense publique, force est de constater que de telles mesures produisent des effets particulièrement néfastes pour la gendarmerie et pour les gendarmes, et sont parfois perçues - souvent à juste titre - comme particulièrement vexatoires par des femmes et des hommes à l’engagement sans faille, prêts à consentir au sacrifice suprême. Il n’est pas acceptable que ces restrictions viennent obérer la capacité des forces de gendarmerie à remplir leur mission, ou dégrader leurs conditions de vie.

D’après le DGGN, en 2013, les divers gels et « surgels » ont réduit de 34 millions d’euros les crédits de titre 2 et de plus de 90 millions d’euros les crédits des autres titres (cf. infra), alors que les moyens votés en loi de finances initiale avaient déjà été calculés de manière stricte. Le dégel de ces crédits est absolument nécessaire afin de permettre le paiement de dépenses aussi concrètes et indispensables que celles liées à l’énergie, pour lesquelles la gendarmerie se trouvera dans une impasse budgétaire de 16 millions d’euros dès la fin du mois d’octobre en l’absence de levée de la réserve. À la mi-octobre, seuls 15 millions d’euros avaient été débloqués hors titre 2, ce qui était tout à fait insuffisant.

En outre, maintenir ces gels de crédits n’aurait eu pour effet que de déplacer le problème sur l’exercice 2014 car les factures impayées au titre du fonctionnement (loyers aux collectivités territoriales par exemple) auraient fait l’objet de reports de charges à hauteur de 21 millions d’euros sur un budget 2014 calculé au plus juste, et qui n’aurait donc pas pu absorber ces charges sans une dégradation supplémentaire des capacités opérationnelles ou des conditions de vie des personnels. Au surplus, il n’est pas exclu que la gendarmerie se serait vue contrainte d’acquitter des intérêts en cas de retards trop importants dans le paiement des loyers. Le maintien du gel par souci d’économie aurait donc pu produire cette conséquence paradoxale avec une augmentation des charges contraintes de la gendarmerie.

Rappelons que la loi de finances initiale pour 2013 avait fixé la réserve de précaution hors titre 2 à 6 %, soit 67 millions d’euros en AE et 72,4 millions d’euros en CP. D’autres mesures de gel étaient intervenues en gestion :

– une mise en réserve complémentaire : 14,5 millions d’euros (AE = CP) ;

– la contribution 2013 au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique : 0,6 million d’euros (AE = CP) ;

– la contribution 2012 au même fonds, ainsi que la participation au fonds « État exemplaire » (9) : 5,1 millions d’euros (AE = CP).

Au total, les gels hors titre 2 se seront donc élevés à 87,2 millions d’euros en AE et 92,6 millions d’euros en CP.

Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit, pour tous les programmes du budget général dotés de crédits limitatifs, une mise en réserve initiale de 0,5 % des crédits de personnel (AE = CP), et de 7 % des crédits hors titre 2 (AE = CP). Le rapporteur avait donc tenu à le rappeler avec force : si le maintien des gels 2013 avait dû s’ajouter à cette mesure, la situation serait devenue extrêmement complexe à gérer pour la gendarmerie avec, en outre, des conséquences potentiellement contre-productives pour les comptes publics.

Conscient des difficultés annoncées, le rapporteur s’est fortement mobilisé à ce sujet, estimant indispensable de restituer à la gendarmerie une part substantielle des crédits mis en réserve en 2013. Dans le cas contraire, comme rappelé supra, le manque de moyens aurait en effet pu conduire à une dégradation des conditions de vie des gendarmes ou à une limitation de leur capacité à remplir pleinement leurs missions.

Le rapporteur se réjouit donc des annonces du ministre de l’Intérieur lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités », le 31 octobre dernier (10). Celui-ci a en effet assuré aux députés réunis en commission élargie que le Premier ministre avait décidé de restituer 111 millions d’euros de crédits de paiement précédemment gelés à la gendarmerie et à la police nationales. En outre, 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement seront dégelés afin de répondre aux besoins immobiliers les plus pressants dans la gendarmerie. Le rapporteur souhaite donc exprimer sa reconnaissance au Gouvernement pour ces mesures qui permettront à nos forces de sécurité d’envisager la fin de gestion 2013 avec plus de sérénité.

La gendarmerie nationale est compétente sur un spectre particulièrement étendu de missions, ainsi qu’en témoignent les dispositions combinées des codes de la sécurité intérieure et de la défense reproduites dans l’encadré suivant.

LES MISSIONS DÉVOLUES À LA GENDARMERIE NATIONALE

Ÿ Article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure

« La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois.

La police judiciaire constitue l’une de ses missions essentielles.

La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l’ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.

Elle contribue à la mission de renseignement et d’information des autorités publiques, à la lutte contre le terrorisme, ainsi qu’à la protection des populations.

L’ensemble de ses missions civiles s’exécute sur toute l’étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France. »

Ÿ Article L. 3211-3 du code de défense

« La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois.

Sans préjudice des dispositions de l’article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure, elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation, notamment au contrôle et à la sécurité des armements nucléaires.

L’ensemble de ses missions militaires s’exécute sur toute l’étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu’aux armées. »

Il serait vain, dans le cadre du présent rapport, de donner une vision exhaustive de l’ensemble des missions remplies par les forces de gendarmerie. Aussi les développements qui suivent entendent-ils se concentrer sur un certain nombre de problématiques ciblées présentant un intérêt particulier eu égard à leur actualité (la question des missions « périphériques », les ZSP, la lutte contre les cambriolages) ou à leurs spécificités (opérations intérieures et extérieures).

Il est nécessaire de le rappeler : les missions variées des gendarmes sont également des missions à risque, ce dont ont parfaitement conscience les membres de ce corps prêts à aller jusqu’au sacrifice de leur vie dans l’accomplissement de celles-ci.

En 2012, la gendarmerie aura perdu trois de ses membres suite à des agressions. Deux jeunes gradées de la brigade territoriale de Pierrefeu-du-Var sont décédées en mission alors qu’elles intervenaient dans le cadre d’une affaire de vol et de voisinage. Un major a perdu la vie à Peille, après avoir été délibérément percuté par le conducteur de la voiture qu’il tentait d’intercepter.

NOMBRE DE GENDARMES DÉCÉDÉS OU BLESSÉS EN SERVICE

 

Personnels décédés
en service

Personnels blessés en service

 

2012

1er semestre 2013

2012

1er semestre 2013

Suite à des agressions

3

0

1 342

826

Suite à des circonstances accidentelles

8

4 (a)

949

1 609

– dont accidents de la circulation routière

3

1

311

170

– dont autres accidents

5

3

638

1 439

TOTAL

11

4

2 291

2 435

(a) : Au second semestre, ce bilan s’est alourdi, du décès de trois autres sous-officiers lors d’un entraînement en montagne dans le Massif du Mont Blanc (74) et d’un sous-officier lors d’un accident de la circulation routière.

Source : ministère de l’Intérieur.

La gendarmerie nationale constitue un maillage territorial de proximité fort d’environ 3 200 brigades permettant aux gendarmes d’assurer la sécurité d’un Français sur deux sur un périmètre géographique extrêmement vaste puisqu’il recouvre 95 % du territoire national.

Tendanciellement, les gendarmes consacrent plus 75 % de leur temps aux activités opérationnelles. Un tel résultat devrait encore s’améliorer à l’avenir, la DGGN conduisant depuis, juin 2013, une série d’actions qui s’inscrivent dans un processus global de réduction des missions périphériques assurées par les gendarmes. Le rapporteur salue et soutient sans réserve cette démarche qui devrait permettre de centrer encore davantage les forces de gendarmerie sur leur cœur de métier à savoir l’action opérationnelle, qui est à l’origine de la production de sécurité.

Il conviendrait notamment de régler rapidement l’épineuse question des transfèrements. En 2010, avait été actée la prise en charge par l’administration pénitentiaire (AP) de l’intégralité des missions d’extractions et de transfèrements judiciaires, ainsi que les opérations d’escorte et de garde des détenus hospitalisés en unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI). Ce transfert devait s’effectuer progressivement, par région, sur trois ans (2011-2013) (11).

La réforme devait se traduire par le reversement de 800 ETPT de la mission « Sécurités » vers la mission « Justice ». La gendarmerie nationale devait contribuer à hauteur de 65 % du volume global, soit 519 ETPT, selon la programmation suivante :

– 2011 : 25 % des effectifs, soit 130 ETPT ;

– 2012 : 31 % des effectifs, soit 162 ETPT ;

– 2013 : 44 % des effectifs, soit 227 ETPT.

L’AP a progressivement pris en charge les missions précitées dans les territoires suivants : en 2011 dans les régions Auvergne et Lorraine (septembre),  et en Basse-Normandie (décembre) ; en 2012 dans les régions de Picardie et Franche-Comté (avril), Champagne-Ardenne (octobre), et Midi-Pyrénées (novembre). En janvier 2013 elle a repris les compétences dans les départements du ressort de la Cour d’appel de Versailles : Yvelines, Hauts-de-Seine et Val d’Oise.

Cependant, face aux difficultés rencontrées par l’AP et suite à un rapport d’inspection conjoint de l’Inspection générale de l’administration, de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale des finances, un moratoire sur la réforme a été décidé. Le rapport préconisait notamment un échelonnement de la réforme jusqu’en 2017. De fait, le moratoire semble devoir être maintenu au moins en 2014. Au total, à ce stade, sept régions sur 22 et trois départements voient leurs transfèrements assurés par l’AP.

Le rapporteur ne peut que militer pour un règlement rapide de cette question qui permettra de décharger d’autant les forces de gendarmerie.

ACTIVITÉ DE LA GENDARMERIE NATIONALE

(en heures-gendarme)

 

2010

2011

2012

1er semestre 2013

Activité opérationnelle

96 490 070

95 113 781

94 554 674

46 744 745

% activité opérationnelle

75,23 %

75,27 %

75,99 %

75,07 %

Dont activité de nuit

11 760 465

11 735 260

11 379 605

5 425 761

Dont défense civile (sécurité publique/police administrative)

50 969 437

50 982 504

50 194 164

24 325 571

Dont missions militaires

6 890 726

6 263 310

5 412 512

2 595 171

Dont missions judiciaires

33 432 616

33 373 444

34 446 686

17 745 221

Dont concours aux ministères

3 167 945

2 633 978

2 832 152

836 933

Activité de soutien

31 771 026

31 241 883

29 868 305

15 525 543

% activité de soutien

24,77 %

24,73 %

24,01 %

24,93 %

Dont logistique

11 073 602

10 512 404

9 755 613

4 960 161

Dont formation et entraînement

10 983 440

11 164 362

10 504 698

5 835 448

ACTIVITÉ TOTALE

128 261 097

126 355 664

124 422 979

62 270 288

Source : ministère de l’Intérieur.

Depuis septembre 2012, 14 « zones de sécurité prioritaires » (ZSP) ont été mises en place en zone de compétence de la gendarmerie nationale (ZGN), ou au sein des zones relevant à la fois de la police et de la gendarmerie nationales (ZSP « mixte »).

Ces ZSP ont été déployées en deux vagues. La première vague a vu la mise en place, sur une durée d’un mois, de six ZSP ayant fait l’objet d’une sélection au niveau central. Les ZSP de la seconde vague se sont déployées, sur proposition des préfets, de novembre 2012 à mai 2013. Le ministre de l’Intérieur a récemment annoncé (12) la mise en place d’une ZSP mixte à Forbach/Bahren-lès-Forbach, d’autres créations étant à l’étude.

Selon la définition du ministère de l’Intérieur, une ZSP « a pour objectif d’apporter des réponses durables et concrètes aux territoires souffrant d’une insécurité quotidienne et d’une délinquance enracinée, ainsi qu’à ceux qui connaissent depuis quelques années une dégradation importante de leurs conditions de sécurité ». La ZSP repose sur une logique de concentration des efforts sur un secteur clairement identifié et sur la prise en compte des circonstances et des particularismes locaux. L’objectif à fin septembre 2013 était de couvrir 64 territoires comprenant 1,6 million d’habitants. Le tableau ci-dessous dresse la liste des communes concernées.

COMMUNES COUVERTES PAR UNE ZSP

Code ZSP

Communes

Date de mise en œuvre

60 ZGN

Méru, Chambly, Morangles, Anserville, Belle Eglise, Fosseuse, Dieudonne, Puiseux le Hauberger, Fresnoy en Thelle, Esches, Ercuis, Amblainville, Le Mesnil en Thelle, Neuilly en Thelle, Andeville, Bornel.

28/09/12

57 ZGN

Fameck, Uckange.

15/09/12

34 ZGN

Lunel, Mauguio.

01/09/12

30 ZGN

Vauvert, Saint Gilles.

01/09/12

13 mixte

Bouc bel Air, Gardanne, Meyreuil, Mimet.

01/09/12

973-1 mixte

Matoury (quartier Balata) Remire-Monjoly (secteur piste Tarzan).

10/10/12

95 (2e vague) ZGN

Fosses, Louvres.

19/03/13

84 (2e vague) ZGN

Le Pontet, Sorgues, Vedène.

01/01/13

33 (2e vague) ZGN

Libourne, Castillon la Bataille, Sainte Foy la Grande, Pineuilh.

22/02/13

31 (2e vague) mixte

Cugnaux.

16/11/12

27 (2e vague) mixte

Aubevoye, Les Andelys, Bouafles, Courceles-sur-Seine, Gaillon, Notre Dame de l’Isle, Port-Mort, Pressagny l’Orgueilleux, Saint Pierre la Garenne, Vézillon.

01/12/12

06 (2e vague) mixte

Cantaron, Drap, La Trinité, Falicon, Saint André de la Roche.

01/01/13

01 (2e vague) ZGN

Miribel, Saint Maurice de Beynost.

24/05/13

973-2 (2e vague) ZGN

Kourou.

22/02/13

Source : ministère de l’Intérieur.

En ZSP, l’action de la gendarmerie se focalise sur les missions de prévention, de renseignement et de police judiciaire. Un nombre limité d’objectifs est préalablement déterminé afin d’assurer la pleine efficacité des actions menées et d’éviter la dispersion des moyens. Sont ainsi favorisés, entre autres, la lutte contre les cambriolages, la lutte contre les violences intra-familiales ou la lutte contre les trafics de stupéfiants.

Dans ce cadre d’action spécifique, les unités territoriales voient leur action renforcée par le concours de la gendarmerie mobile et de la réserve opérationnelle afin d’augmenter le nombre de patrouilles de prévention de proximité. En outre, en fonction des circonstances locales, les services peuvent assurer l’accueil physique du public ainsi qu’un dispositif de surveillance de voie publique et d’intervention 24 heures sur 24.

La prévention de la délinquance et l’accueil des victimes étant au cœur du dispositif ZSP, la gendarmerie met en œuvre des moyens spécifiques adaptés à la diversité des missions dont elle a la charge (brigades de prévention de la délinquance juvénile, intervenants sociaux gendarmerie, référents aînés violences-intrafamiliales, etc.). Par ailleurs, l’ensemble des ressources existantes en matière de renseignement et de police judiciaire est mobilisé au profit des ZSP.

arte des ZSP

Source : ministère de l’Intérieur.

Concrètement, le dispositif ZSP en zone gendarmerie s’articule autour de deux structures locales de coordination.

La Cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure (COFSI) est co dirigée par le préfet et le procureur de la République et comprend, naturellement, le commandant de groupement de gendarmerie départementale. Elle a pour objectif de favoriser les échanges d’informations, de cibler les objectifs à atteindre, de définir puis de déployer les moyens nécessaires de façon coordonnée et d’évaluer les résultats.

La Cellule de coordination opérationnelle de partenariat (CCOP), quant à elle, conduit des actions de prévention de la délinquance en privilégiant un traitement individuel des situations, et pilote la mise en œuvre des ressources complémentaires, notamment des polices municipales.

L’aspect partenarial de l’action menée en ZSP est primordial, aussi l’ensemble des acteurs de la sécurité s’y trouvent associés : maires, conseils généraux, représentants des services déconcentrés de l’État, acteurs sociaux-professionnels, etc.

Dans les ZSP « mixtes », la coordination entre la police et la gendarmerie nationales s’opère dans le cadre des protocoles CORAT (13) établis entre le commandant de groupement de gendarmerie départementale et le directeur départemental de la sécurité publique. Celui-ci fixe notamment les modalités relatives à l’échange de renseignements au quotidien, au renfort mutuel en situation urgente et exceptionnelle et à l’emploi optimisé des moyens spéciaux.

Les résultats obtenus sont encourageants, même si le dispositif continue de monter en puissance et n’a pas encore produit son plein effet. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de la situation sur 42 communes (14) entre le premier semestre 2012 et le premier semestre 2013.

Les cinq ZSP métropolitaines de la première vague enregistrent des résultats supérieurs aux ZSP de création plus récente. Le nombre des atteintes aux biens (AAB) est en diminution sur 22 communes (– 609 faits), en hausse sur 18 communes et demeure stable sur deux communes. Les AAB sont en baisse sur l’ensemble des ZSP métropolitaines de première vague (– 553 faits).

La hausse du nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique (AVIP) est contenue (+ 163 faits au total). Les AVIP sont en baisse sur 18 communes, en hausse sur 19 communes et demeurent stables sur cinq communes. Encore une fois, les ZSP métropolitaines de première vague présentent des résultats plus flatteurs que les ZSP de création plus récente, puisque les AVIP n’augmentent que de 16 faits.

Le nombre d’escroqueries et d’infractions économiques et financières (EIEF) est en hausse sur 18 communes, en baisse sur 18 communes et demeure stable sur six communes (+ 30 faits au total).

Les infractions relevées à l’initiative de services (IRAS) sont en augmentation sur 24 communes, en diminution sur 13 communes et demeurent stables sur cinq communes. Ce nombre est en hausse de 280 faits sur les ZSP métropolitaines de première vague, ce qui témoigne de la plus grande mobilisation des services.

Le nombre de personnes mises en cause (MEC) augmente sur 29 communes, enregistre une diminution sur 11 communes et demeure stable sur deux communes (+ 563 au total). Les ZSP métropolitaines de première vague représentent à elles seules 389 MEC supplémentaires.

Face au développement de cette forme de délinquance, des cellules anti-cambriolages, structures mixtes police-gendarmerie, avaient été créées dans chaque département. Par ailleurs, différentes mesures avaient été prises afin de faire progresser le taux d’élucidation (recours systématique à la police technique et scientifique notamment), ainsi qu’en matière de prévention (extension des « opérations tranquillité vacances » (15) à toutes les vacances scolaires par exemple).

Toutefois le nombre de vols avec effraction continue d’augmenter. Même s’il convient d’analyser les données qui suivent avec prudence compte tenu de certaines mesures ayant eu un impact sur l’enregistrement des crimes et délits (16), en 2012, les services de police ont enregistré 352 600 cambriolages, dont 234 000 contre des résidences principales ou secondaires et 60 000 contre des locaux industriels, commerciaux ou financiers.

En 2012, de tels actes avaient connu une croissance de près de 6 % (+ 5,79 %). Les lieux les plus touchés sont les résidences principales (+ 8,45 %). En revanche les locaux industriels, commerciaux ou financiers y deviennent moins sujets (–5,24 %). 

Sur moyenne période, le phénomène connaît une forte croissance puisque l’augmentation cumulée entre 2008 et 2012 atteint + 18 % sur le périmètre global, et + 44 % sur le seul périmètre « résidences principales ». Depuis le début de l’année 2013, l’évolution est quasi identique en zone police et en zone gendarmerie (respectivement + 7,88 % et + 7,92 %).

Parallèlement à la progression quantitative de cette forme de délinquance, on constate une évolution qualitative de celle-ci, avec l’apparition de nouveaux modes opératoires et de la spécialisation de bandes organisées et de réseaux très mobiles.

Afin de contrer cette menace, les services du ministère de l’Intérieur se livrent à une analyse fine du phénomène (avec notamment une meilleure prise en compte de la dimension internationale d’une délinquance itinérante et souvent étrangère), et travaillent au renforcement de la coopération et de la coordination opérationnelle entre les forces de police et de gendarmerie. En outre, s’agissant du volet « préventif » de l’action des forces de l’ordre, des initiatives tendant à une plus grande sensibilisation de la population ont été menées.

Enfin, le 25 septembre dernier, le ministre de l’Intérieur a dévoilé un plan national de lutte contre les cambriolages et les vols à main armée, composé de 16 mesures. Il témoigne de la priorité accordée par les pouvoirs publics à ce fléau qui constitue une atteinte inacceptable à la sécurité des biens et des personnes et qui s’avère particulièrement traumatisant pour nos concitoyens.

Les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) sont implantés dans les zones les plus sensibles au plan de la délinquance. Rattachés à une compagnie de gendarmerie, ils ont pour missions :

– de renforcer rapidement et à tout moment, sur leur demande, les brigades appelées sur les lieux d’un crime ou d’un délit, d’un incident ou accident, ou de tout autre événement troublant l’ordre public ;

– d’assurer, en dehors de ces interventions ponctuelles, des missions de surveillance générale, de jour comme de nuit. Les PSIG viennent ainsi compléter l’action des brigades et permettent d’optimiser la couverture territoriale.

Les PSIG constituent donc un outil de renforcement de l’action des forces de gendarmerie souple et précieux qui fait quotidiennement la preuve de son efficacité. Toutefois, dans certains territoires, certaines zones peuvent se trouver hors d’atteinte des rayons d’action des différents PSIG lesquels sont, par construction, nécessairement réduits pour permettre des interventions rapides. C’est pourquoi le rapporteur estime nécessaire d’adopter une démarche résolument pragmatique quant à l’implantation des PSIG, afin d’éviter l’existence ou le maintien de « zones blanches » en termes de sécurité publique.

Les opérations intérieures (OPINT) s’inscrivent dans le dispositif dit « Matignon », créé en 1993 et qui, sur arbitrage du Premier ministre, détermine la contribution jugée « normale » de la gendarmerie au renforcement des capacités de maintien de l’ordre et de sécurité publique dans les départements et collectivités d’outre-mer (DOM et COM).

Les OPINT actuellement menées relèvent de deux catégories :

– celles qui s’inscrivent dans le renforcement permanent du dispositif Matignon, initié en 2009 ;

– celles qui prennent la forme de renforts ponctuels liés à des événements précis, qu’ils soient planifiés (visites présidentielles par exemple) ou imprévisibles (manifestations).

Les tableaux suivants retracent les surcoûts générés au titre de ces deux types d’OPINT.

SURCOÛT ENGENDRÉ PAR LES RENFORTS PERMANENTS
AU-DELÀ DU DISPOSITIF MATIGNON

(en millions d’euros)

 

Titre 2

Hors titre 2

 

IJAT (a)

Alim.

Fonct.

Transpts

Effectif jour

Observations

Guadeloupe

0,4

0,3

0,1

0,2

1/35

 

Guyane

0,2

0,1

0,1

0,1

0/14

 

1,1

0,9

0,4

0,1

5/93

Opération Harpie

Mayotte

0,2

0,2

0,1

0,1

0/7

 

Nouvelle Calédonie

0,0

0,3

0,2

0,1

1/14

Renfort Wallis

La Réunion

0,2

0,3

0,1

0,2

1/22

 

Saint Martin

0,5

0,4

0,2

0,2

2/36

 

Total

2,6

2,5

1,2

0,9

10/211

 

Total global

2,6

4,6

   

(a) : indemnité journalière d’absence temporaire.

Source : ministère de l’Intérieur.

SURCOÛT ENGENDRÉ PAR LES ÉVÉNEMENTS PARTICULIERS

(en millions d’euros)

 

Titre 2

Hors titre 2

Effectif – durée

Observations

Période

 

IJAT

Alim.

Fonct.

Transpts

Guadeloupe

0,1

0,1

0,2

0,1

48 pers – 3 j

51 pers – 11 j

Maintien de l’ordre

Mars et mai 2012

Guyane

0,2

0,2

0,3

0

374 pers – 23 j

Visite présidentielle

Janvier et juin 2012

0,2

0,1

0,1

0,1

70 pers – 60 j

Dorlin

Juillet-août 2012

Martinique

0,1

0,1

0

0,1

77 pers – 12 j

Tour des yoles

Juillet 2012

Mayotte

0,2

0,1

0,2

0,2

80 pers – 16 j

108 pers – 17 j

MO – contre la vie chère

Janvier et septembre 2012

Nouvelle Calédonie

0,2

0,1

0,1

0,1

73 pers – 30 j

MO – contre la vie chère

1er janvier 2012

0

0,2

0,2

0

30 pers – 120 j

Événements Île de Maré

1er quadrimestre 2012

Réunion

0,2

0,3

0,2

0,4

247 pers –50 j

MO – contre la vie chère

22 févier-16 avril 2012

0,2

0,2

0,2

0,4

228 pers – 23 j

Visites candidats à l’élection présidentielle

24 mars-16 avril 2012

Total

1,4

1,4

1,5

1,4

     

Total global

1,4

4,3

     

Source : ministère de l’Intérieur.

En 2013 (17) la gendarmerie a déployé 262 hommes en opérations extérieures (OPEX), soit 44 officiers et 218 sous-officiers. Cinq d’entre eux ont participé à un renfort temporaire sur différentes missions au Sahel, 19 en renfort temporaire au Mali et 99 ont été mobilisés au titre de la mission de formation de la gendarmerie malienne.

Ces effectifs sont engagés dans le cadre de missions militaires et de missions de police civile, sous l’égide de l’ONU, de l’OTAN, de l’Union européenne ou dans le cadre de mandats nationaux. Les tableaux suivants synthétisent ces divers engagements.

OPÉRATIONS SOUS COMMANDEMENT ONU

 

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

FINUL (Liban)

1

4

5

MINUSTAH (Haïti)

2

8

10

MONUSCO (République Démocratique du Congo)

2

7

9

ONUCI (République de Côte d’Ivoire)

3

9

12

TOTAL

8

28

36

Source : ministère de l’Intérieur.

OPÉRATIONS SOUS ENGAGEMENT INTERNATIONAL HORS ONU

 

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

OTAN KFOR (Kosovo)

1

5

6

OTAN FIAS / Pamir (Afghanistan)

2

4

6

UE EULEX (Kosovo)

5

34

39

UE EUPOL (Afghanistan)

0

2

2

SAHEL

4

1

5

TOTAL

12

46

58

Source : ministère de l’Intérieur.

OPÉRATIONS SOUS COMMANDEMENT NATIONAL

 

Officiers

Sous-officiers

TOTAL

Épervier (Tchad)

1

6

7

Licorne (RCI)

1

3

4

Boali (République Centrafricaine)

1

2

3

Mali – mission de garde ambassade

0

19

19

Mali – mission de formation de la gendarmerie malienne (prévision d’emploi)

19

80

99

Irak – mission de garde ambassade

2

34

36

TOTAL

24

144

168

TOTAL GLOBAL OPEX

44

218

262

Source : ministère de l’Intérieur.

Le tableau suivant fait état du coût annuel des OPEX de la gendarmerie depuis 2002.

ÉVOLUTION DES COÛTS DES ENGAGEMENTS
EN OPEX DE LA GENDARMERIE DEPUIS 2002

(en millions d’euros)

 

Masse

salariale

(titre 2)

Fonctionnement courant

et transport

(titre 3)

Alimentation (titre 3)

Investissement (titre 5)

TOTAL

TOUS TITRES

2003

18,9

3,8

1,4

0,9

25,0

2004

23

3,6

1,5

0,5

28,4

2005

20

3,4

1,3

0,3

25,2

2006

19,7

2,9

1,5

0,1

24,2

2007

17,9

2,2

1,3

0,1

21,4

2008

16,2

2,2

1,2

0

19,6

2009

18,8

2,9

1,0

0,1

22,8

2010

21,5

7,5

1,6

8,1

38,7

2011

18,1

8,7

1,3

1,8

29,9

2012

13

7,2

0,5

1,4

22,1

2013 *

11,1

4,1

0,9

0,7

16,8

Source : ministère de l’Intérieur.

* Chiffres prévisionnels

Le rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique du présent avis budgétaire à la comparaison des deux forces nationales de maintien de l’ordre – la police et la gendarmerie nationales – pour certains aspects très concrets de leur activité.

Sans évidemment prétendre à une impossible exhaustivité dans le cadre du présent rapport, enserré dans des délais très contraints, les développements qui suivent entendent faire état d’un certain nombre de constats objectifs dans la comparaison de l’action des services de la police et de la gendarmerie nationales et de leurs modes de gestion respectifs.

Le rapporteur est en outre conscient des limites d’un tel exercice, tant celui-ci s’avère complexe. En effet, si police et gendarmerie dépendent du même ministère et contribuent à des missions analogues visant les mêmes objectifs, leurs différences en termes de statut, de zone d’action et donc d’organisation sont telles qu’elles empêchent en réalité toute comparaison pure et parfaite.

En tout état de cause, il ne s’agit pas ici de porter un jugement qualitatif sur l’activité des forces de sécurité dont les personnels de chacune des composantes remplissent leurs missions avec courage et abnégation dans des conditions particulièrement difficiles.

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

évolution

Total forces de sécurité

247 952

249 395

249 691

246 717

242 338

241 007

240 934

– 2,83 %

Dont Police

147 727

148 855

148 355

146 328

144 922

144 900

144 858

– 1,94%

Part police

59,58 %

59,69 %

59,42 %

59,31 %

59,80 %

60,12 %

60,12 %

/

Dont Gendarmerie

100 225

100 540

101 336

100 389

97 416

96 107

96 076

– 4,14%

Part gendarmerie

40,42 %

40,31 %

40,58 %

40,69 %

40,20 %

39,88 %

39,88 %

/

Source : ministère de l’Intérieur et Cour des comptes ; calculs du rapporteur.

Sur longue période, on constate que la part de chaque force de maintien de l’ordre reste quasiment stable. En tenant compte des bornes les plus extrêmes, la police a représenté entre 59,31 % (2008) et 60,12 % (2010 et 2011) du total des forces de sécurité. La part de la gendarmerie a, par construction, oscillé entre 39,88 % et 40,69 %.

Toutefois sur la période du précédent quinquennat, force est de constater que la gendarmerie a comparativement davantage subi les déflations d’effectifs que la police nationale. Ainsi, entre 2007 et fin 2011, les effectifs de police auront décru de 2,36 % quand ceux de la gendarmerie diminuaient de 5,19 %, et ce, alors que les effectifs de gendarmerie sont, structurellement, inférieurs de 33 % aux effectifs de police. En effet, sur la même période, les effectifs annuels moyens de gendarmerie ont atteint 98 264,8 ETPT, contre 145 872,6 pour la police.

En somme le corps le moins doté est, contre toute logique, celui qui a vu ses forces fondre le plus en application des mesures brutales décidées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, et ce alors que les besoins de sécurité auxquels répond la gendarmerie nationale n’ont aucunement diminué. Le rapporteur n’entend évidemment pas mettre en cause la police nationale qui, pas plus que la gendarmerie, n’a été à l’initiative des tels choix. C’est en revanche l’inconséquence du précédent Gouvernement qui a conduit à cette politique incohérente.

En outre, ainsi que le relève la Cour des comptes dans un récent rapport public thématique (18), si, au cours de la période de « revue » fin 2005–fin 2011 les effectifs de la police nationale ont été réduits de 2 869 emplois (– 1,9 %) et ceux de la gendarmerie de 4 464 (– 4,1 %, soit deux fois plus), la première a partiellement contourné cette contrainte via le recrutement d’agents contractuels sous statut d’adjoint de sécurité (ADS). La gendarmerie, pour sa part, n’a pas recouru à cette technique de « vases communicants » avec le recrutement supplémentaire de gendarmes adjoints volontaires (GAV), équivalents des ADS.

Au terme des réformes menées dans chacune des composantes des forces de sécurité – réformes des « corps et carrières » dans la police, Plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) dans la gendarmerie – les structures des effectifs se sont rapprochées. Fin 2011, la part des sous-officiers de gendarmerie (75,1 %) restait toutefois plus élevée que celle des gardiens de la paix et gradés de la police (70,1 %). En revanche le taux d’encadrement supérieur reste plus important dans la police, avec 8,1 % d’officiers et de commissaires contre 6,9 % d’officiers de gendarmerie.

LES FACTEURS DE PROGRESSION DE LA MASSE SALARIALE

En dépit des baisses d’effectifs, la masse salariale peut continuer de progresser sous l’effet de trois facteurs :

– la variation des effectifs (ou impact du schéma d’emplois), laquelle dépend notamment du taux de remplacement des départs en retraite ;

– le glissement vieillesse technicité (GVT) « négatif », qui caractérise la moindre dépense liée au remplacement d’agents en fin de carrière par des agents en début de carrière et percevant à ce titre des rémunérations moins élevées ;

– l’évolution, d’une année sur l’autre, de la rémunération moyenne des personnes en place (RMPP), laquelle résulte de quatre variables :

Ÿ l’impact de mesures dites « générales », qui concernent l’ensemble des agents publics (évolution du point d’indice par exemple) ;

Ÿ l’impact des mesures dites « catégorielles », qui touchent des catégories particulières d’agents (tel ou tel corps par exemple) ;

Ÿ le GVT « positif », ou « effet de carrière », qui résulte des évolutions de carrière individuelles propres à chaque agent (avancement par exemple) ;

Ÿ l’impact de mesures diverses.

Régulièrement, des mesures dites catégorielles tendant à la revalorisation des éléments de traitement financier sont décidées au bénéfice des personnels de la fonction publique.

Les réductions d’effectifs opérées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) se sont souvent accompagnées de mesures catégorielles « renforcées » pour les personnels restant en poste. De telles mesures ont sensiblement réduit – quand elles ne les ont pas totalement effacées – les économies que devait censément permettre une RGPP menée sans discernement.

Les deux forces de sécurité, à l’image des autres corps de la fonction publique touchés par les déflations d’effectifs, ont également mis en œuvre de telles mesures. Toutefois leur gestion et leur coût n’ont pas été pilotés de la même façon au sein de la police et au sein de la gendarmerie.

Dans son rapport précité, la Cour des comptes estime à 460,1 millions d’euros le coût des mesures catégorielles prises entre 2004 et 2011 au sein de la police nationale, dont 341 millions d’euros (74 %) pour la seule période 2006-2011. Pour la période 2008-2011, le coût de ces mesures a atteint 284 millions d’euros dans la police nationale, contre 166,5 millions d’euros dans la gendarmerie dont les effectifs sont, il est vrai, singulièrement plus réduits (cf. supra).

Au total, entre 2006 et 2011, les dépenses de rémunération de la gendarmerie auront augmenté de 5,1 %, une croissance deux fois moins rapide que celle observée dans la police avec une revalorisation de 10,5 % (19).

À plusieurs reprises, la police nationale a bénéficié d’un rebasage positif de ses crédits de personnels en loi de finances initiale (LFI) : 37 millions d’euros en 2008, 150 millions d’euros en 2011. Toutefois, ainsi que le rappellent les magistrats financiers dans le rapport précité, une telle revalorisation n’a pas pour autant eu pour conséquence un pilotage efficace des dépenses de rémunération. En effet, en plusieurs occasions, la police aura vu ses crédits étoffés en gestion, ces abondements ayant en outre pu s’effectuer au détriment des moyens consacrés à la gendarmerie. C’est ainsi qu’un décret de virement de 20,9 millions d’euros en 2009 et deux décrets d’avance de 115 millions d’euros puis 34,9 millions d’euros pris respectivement en 2010 et 2012 sont venus accroître les moyens de la police nationale.

Une telle situation est notamment due au fait que le plafond d’emplois autorisé par le Parlement en LFI n’a pas toujours été intégralement respecté. Ainsi, alors que ce plafond avait été abaissé de 4 461 emplois entre 2007 et 2011, les effectifs de la police n’avaient diminué que de 3 413 emplois, soit un taux de respect du plafond déterminé par le législateur de 76,5 %.

Du fait de son rattachement au ministère de l’Intérieur en 2009, la gendarmerie a vu ses modes de gestion quelque peu bouleversés avec, d’une part, une moindre disponibilité de la réserve de précaution et, d’autre part, l’arrêt de la fongibilité des financements de titre 2 qui lui permettait d’abonder les crédits servant à la rémunération des effectifs grâce à ceux du CAS « Pensions », régulièrement excédentaires.

Ces règles, substantiellement plus contraignantes, ont obligé la gendarmerie à limiter ses recrutements à un niveau inférieur à celui du plafond d’emplois autorisé par la loi de finances. Une telle situation a créé, selon l’expression employée par la DGGN, des « trous à l’emploi » qui ont atteint 1 410 ETPT en 2012 et 1 841 ETPT en 2013. Comme le relève la Cour des comptes, « les « vacances d’emplois » représenteraient alors près de 2 % des emplois autorisés, soit l’équivalent de 300 brigades à organisation inchangée ».

Une partie de ces emplois non pourvus pourrait probablement être officiellement supprimée à hauteur des emplois existant dans les brigades dont le dimensionnement en hommes ne permet pas une réelle production de sécurité au service des citoyens, via une diminution a due concurrence du plafond d’emplois. Une réorganisation territoriale des brigades permettrait de rationaliser la « carte gendarmerie » et, potentiellement, de diminuer certains effectifs dans certaines zones. Le rapporteur estime toutefois que, eu égard à la demande croissante de sécurité publique – demande légitime compte tenu de l’évolution de la délinquance dans les zones gendarmerie – l’essentiel de ces emplois doit absolument être préservé et, par conséquent, officiellement budgétisé par une revalorisation à proportion du titre 2 permettant une reprise de recrutements qui s’avèrent nécessaires à la protection de nos concitoyens les plus fragiles.

Les militaires – dont les gendarmes – sont soumis à une obligation de disponibilité absolue en application des articles L. 4111-1 et L. 4121-5 du code de la défense.

L’obligation de disponibilité des militaires

Ÿ Article L. 4111-1 du code de la défense (extraits)

« L’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

L’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation.

Le statut énoncé au présent livre assure à ceux qui ont choisi cet état les garanties répondant aux obligations particulières imposées par la loi. Il prévoit des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées. Il offre à ceux qui quittent l'état militaire les moyens d'un retour à une activité professionnelle dans la vie civile et assure aux retraités militaires le maintien d’un lien avec l'institution. »

Ÿ Article L. 4121-5 du code de la défense

« Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu.

Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés :

1° De leur conjoint ;

2° Ou du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité, lorsqu’ils produisent la preuve qu’ils se soumettent à l’obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts ;

La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l'intérêt du service.

Lorsque les circonstances l’exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte. »

Ce principe représente l’engagement à être prêt, en permanence et sans préavis, à servir en tout temps et en tout lieu. Elle a pour contrepartie l’attribution d’un logement concédé par nécessité absolue de service.

Les gendarmes ne sont donc soumis à aucune durée minimale d’activité à accomplir. Par ailleurs les périodes d’astreinte ne sont pas compensées. Il en est de même lors du rappel au service des gendarmes bénéficiaires d’un contrat opérationnel individualisé, d’un quartier libre, d’un repos, d’une autorisation d’absence, voire d’une permission.

Un infocentre national agrège quotidiennement les périodes d’activité et de sujétion des gendarmes, de telles données permettant de calculer les temps moyens d’activité et de sujétion des militaires.

En 2012, la durée annuelle d’activité des gendarmes affectés en gendarmerie départementale était en moyenne de 1 780 heures sur le territoire national. De surcroît, à la durée quotidienne d’activité, de 8 h 36 mn en 2012, viennent s’ajouter les heures de permanence opérationnelle, d’une durée moyenne de 7 h 25 mn, qui correspondent à des temps d’astreinte immédiate.

L’instruction générale relative à l’organisation du travail dans la police nationale du 18 octobre 2002 modifiée (IGOT), dispose que les fonctionnaires actifs de la police sont soumis à l’un des deux régimes suivants :

– le régime hebdomadaire, calqué sur la semaine civile ;

– le régime cyclique, dont le déroulement, opéré de manière continue, par équipes successives, de jour et de nuit, en horaires décalés, dimanches et jours fériés compris, ne correspond pas à la semaine civile.

Certaines unités – les CRS notamment – peuvent en outre être alternativement soumises au rythme hebdomadaire et au rythme cyclique (régime mixte).

Dans un cas comme dans l’autre, la durée annuelle de travail effectif des personnels de la police nationale, conformément aux principes en vigueur dans la fonction publique de l’État, est fixée à 1 607 heures, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées.

Le régime hebdomadaire s’applique à l’ensemble des fonctionnaires du corps de conception et de direction (CCD), du corps de commandement (CC), du corps d’encadrement et d’application (CEA), ainsi qu’aux adjoints de sécurité (ADS) non soumis à un régime cyclique (cf. infra). Tous les policiers soumis à ce régime ont majoritairement une durée hebdomadaire de travail égale à 40 h 30, avec une durée moyenne de vacation de 8 h 06. Le cas des agents du corps d’encadrement est toutefois spécifique, avec une durée hebdomadaire de travail de 39 h 25, pour une vacation moyenne de 7 h 53.

Le régime hebdomadaire peut en outre être associé aux régimes de la permanence et/ou de l’astreinte.

On distingue deux catégories de régimes cycliques, elles-mêmes divisées en sous-régimes : ceux qui couvrent une période de 24 heures (cycles nycthéméraux), et ceux qui ne couvrent pas la totalité de cette période. Dans chaque cas, les périodes de travail alternent avec deux (ou trois, dans un cas) période de repos – repos légal puis repos compensateur.

Dans la première catégorie, on trouve :

– le régime 4/2 en cycle intégral ou avec une brigade de nuit fixe : quatre vacations de travail suivies du repos légal puis du repos compensateur. La durée du cycle est de 32 h 40 sur six jours pour une durée moyenne de vacation de 8 h 10 ;

– le régime 6/2 : six vacations de travail suivies du repos légal puis du repos compensateur. La durée du cycle sur huit jours est de 44 h 34 pour une durée moyenne de vacation de 7 h 25 ;

– le régime 3/2 : trois vacations de travail suivies du repos légal puis du repos compensateur. Ce régime de travail est organisé avec cinq brigades en cycle intégral. Chaque cycle se compose alternativement de trois ou quatre vacations (trois vacations avec un retour une fois sur deux). La durée du cycle sur cinq jours est de 27 h 51 pour une durée moyenne de vacation de 7 h 00.

Dans la seconde catégorie, on relève :

– le régime 4/2 avec des plages horaires de travail déterminées en fonction des besoins et de la spécificité des unités auxquelles il s’applique : quatre vacations de travail suivies du repos légal puis du repos compensateur. La durée du cycle est de 32 h 40 sur six jours pour une durée moyenne de vacation de 8 h 10 ;

– le régime 3/3 : trois vacations de travail suivies du repos légal puis de deux repos compensateurs. La durée du cycle est de 33 h 25 sur six jours pour une durée moyenne de vacation de 11 h 08 ;

– le régime 2/2 : deux vacations de travail suivies du repos légal puis du repos compensateur. La durée du cycle est de 22 h 16 sur quatre jours pour une durée moyenne de vacation de 11 h 08.

Les régimes cycliques s’appliquent, marginalement, aux membres des corps précités ainsi qu’aux adjoints de sécurité (ADS). Ils ne peuvent être associés aux régimes de la permanence et/ou de l’astreinte.

Ces modalités d’organisation du temps de travail, particulièrement complexes, visent, d’une part, à assurer le fonctionnement permanent de certains services (police-secours par exemple) et, d’autre part, à répondre aux pics d’activité observables à certaines périodes de la journée ou de la semaine.

Au total, en fonction des cycles auxquels il est astreint, le policier assure une durée annuelle théorique de travail égale à :

– 1 655 h 30 en régime hebdomadaire, soit 48 h 30 de plus que la durée légale annuelle en vigueur ;

– 1 536 h 38 pour le régime 4/2 de jour et 1 416 h 38 pour le régime 4/2 de nuit soit respectivement 70 h 22 et 190 h 22 de moins que la norme applicable dans la fonction publique de l’État.

Rappelons que les agents de la police nationale sont, en dehors des heures normales de service ou d’astreinte, soumis à une obligation de disponibilité.

La durée de travail des gendarmes est bien renseignée et objective car parfaitement documentée grâce à une confirmation ex post du temps d’activité effectif (20). En revanche, les données concernant la police présentées supra ne sont que des durées théoriques d’activité résultant de l’application des textes encadrant le temps de travail des policiers.

De fait, l’activité au sein de la police nationale est organisée de manière à minorer le temps de travail effectif en compensation de la pénibilité des horaires auxquels sont soumis les agents, notamment les gradés et les gardiens de la paix. La Cour des comptes précise à cet égard que pour ces deux catégories, des coefficients multiplicateurs oscillant de 100 % à plus de 300 % sont appliqués à la durée des services supplémentaires afin d’établir les temps de repos pris en compensation. Cela signifie qu’une heure de service supplémentaire réelle peut compter double voire quadruple en heures théoriques.

En outre, comme le relève la Haute juridiction financière, « aucune donnée statistique n’est disponible au niveau national sur la durée moyenne réelle de travail des policiers par type d’unités ou de régimes horaires ».

Au total, l’absence de statistiques objectives agrégées au niveau de la police et la nature différente des données à rapprocher – temps réel pour la gendarmerie, temps théorique pour la police – rendent tout travail de comparaison relativement vain. Il est toutefois possible de relever que le temps d’activité des gendarmes est plus élevé que celui des policiers, quel que soit leur régime (hebdomadaire ou cyclique) et que, au demeurant, ce dernier peut être minoré du fait de modalités particulières de décompte des heures, ce qui accroît encore l’écart entre les deux forces.

En application de l’article L. 4137-1 du code de la défense et sans préjudice d’éventuelles sanctions pénales dont il ne sera pas fait état dans le cadre du présent développement, les gendarmes sont susceptibles de se voir infliger deux types de sanctions : les sanctions disciplinaires et les sanctions professionnelles.

Les premières ont vocation à concerner l’ensemble des militaires tandis que les secondes peuvent uniquement être prononcées à l’encontre de militaires possédant des titres reconnaissant une qualification particulière directement liée à la conduite et aux mouvements des aéronefs, des unités navigantes maritimes, fluviales et nautiques, ainsi qu’à la mise en œuvre et à la maintenance de ces équipements.

Logiquement, puisqu’elles sanctionnent les manquements potentiellement commis par l’ensemble des personnels, les sanctions disciplinaires sont plus nombreuses. Leur nombre reste assez stable, entre 3 300 et 3 700 sanctions prononcées chaque année. Quantitativement il convient de relativiser ces données. La plupart des sanctions consiste en l’attribution de jours d’arrêts – sanctions relevant du premier groupe, les moins sévères (cf. encadré et tableaux infra) – qui sont souvent la conséquence de manquements relativement anodins : accident matériel de la circulation, détérioration involontaire ou perte de matériel par exemple. Au total, près de 99 % des sanctions prononcées relèvent du groupe I.

Aucune sanction professionnelle n’a été infligée au cours du premier semestre 2013. En 2012, seules deux sanctions professionnelles avaient été prononcées par l’attribution de points négatifs à des militaires servant au sein de formations aériennes de la gendarmerie.

LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES APPLICABLES AUX MILITAIRES

Article L. 4137-2 du code de la défense (extraits)

« Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes :

1° Les sanctions du premier groupe sont :

a) L’avertissement ;

b) La consigne ;

c) La réprimande ;

d) Le blâme ;

e) Les arrêts ;

f) Le blâme du ministre ;

2° Les sanctions du deuxième groupe sont :

a) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ;

b) L’abaissement temporaire d’échelon ;

c) La radiation du tableau d’avancement ;

3° Les sanctions du troisième groupe sont :

a) Le retrait d’emploi, défini par les dispositions de l’article L.4138-15 ;

b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat.

Les sanctions disciplinaires ne peuvent se cumuler entre elles à l’exception des arrêts qui peuvent être appliqués dans l’attente du prononcé de l'une des sanctions des deuxième et troisième groupes qu'il est envisagé d'infliger.

En cas de nécessité, les arrêts et les consignes sont prononcés avec effet immédiat. Les arrêts avec effet immédiat peuvent être assortis d'une période d’isolement. »

Précisons qu’en 2012, 61 décisions sur 3 744 ont donné lieu à des recours (21) (soit 1,6 %) aboutissant à neuf agréments totaux ou partiels. Pour le premier semestre 2013, huit décisions sur 1 832 ont fait l’objet d’un recours et un seul a été agréé.

TYPOLOGIE DES FAUTES COMMISES PAR LES GENDARMES

Fautes

2012

1er semestre 2013

Alcool

252

(6,73 %)

110

(6,00 %)

Usage de stupéfiants

7

(0,18 %)

4

(0,22 %)

Atteinte aux mœurs

27

(0,72 %)

22

(1,20 %)

Atteinte à la déontologie

38

(1,01 %)

20

(1,10 %)

Accidents matériels

1 174

(31,37 %)

561

(30,62 %)

Retard de procédures

132

(3,52 %)

62

(3,38 %)

Usage des armes et « taser »

173

(4,62 %)

95

(5,19 %)

Évasion

60

(1,60 %)

20

(1,09 %)

Violences diverses

69

(1,84 %)

29

(1,58 %)

Autres

1 812

(48,41 %)

909

(49,62 %)

TOTAL

3 744

1 832

Source : ministère de l’Intérieur.

TYPOLOGIE DES SANCTIONS PRONONCÉES À L’ENCONTRE DES GENDARMES

Type de sanctions

2012

1er semestre 2013

Groupe I

3 696

98,72 %

1 807

98,64 %

Avertissement

192

101

Consigne

124

94

Réprimande

78

45

Blâme

83

49

Arrêts

3 156

1 497

Blâme du Ministre

63

21

Groupe II

17

0,45 %

4

0,22 %

Exclusion temporaire de fonction

5

4

Abaissement temporaire d’échelon

6

0

Radiation du tableau d’avancement

6

0

Groupe III

31

0,83 %

21

1,15 %

Retrait d’emploi

13

12

Radiation des cadres

18

9

TOTAL

3 744

1 832

Source : ministère de l’Intérieur, calculs du rapporteur.

Fautes

2012

Fautes professionnelles et indiscipline

2 128

(81,88 %)

Intempérance

137

(5,27 %)

Comportements privés critiquables

123

(4,73 %)

Violences

130

(5 %)

Manquements à la probité

60

(2,69 %)

Atteintes aux mœurs

11

(0,48 %)

TOTAL

2 599

Source : ministère de l’Intérieur.

TYPOLOGIE DES SANCTIONS PRONONCÉES À L’ENCONTRE DES FONCTIONNAIRES DE POLICE

Type de sanctions

2012

Groupe I

2 230

85,8 %

Avertissement

1 279

Blâme

951

Groupe II

175

6,73 %

Radiation du tableau d’avancement

0

Abaissement temporaire d’échelon

4

Exclusion temporaire de fonction jusqu’à 15 jours

149

Déplacement d’office

22

Groupe III

131

5,04 %

Rétrogradation

2

Exclusion temporaire jusqu’à deux ans

129

Groupe IV

63

2,42 %

Retraite d’office

10

Révocation

53

TOTAL

2 599

Source : ministère de l’Intérieur ; calculs du rapporteur.

Sur les 80 162 réclamations traitées par le Défenseur des droits en 2012, seuls 9 % ont trait à la déontologie de la sécurité, soit la part la plus faible après les domaines du logement social et de la fiscalité (5 % tous les deux). Ceci témoigne, en creux, du grand professionnalisme et de l’extrême rigueur de nos forces de sécurité publique dans la conduite de leurs missions.

RÉPARTITION PAR THÈME DES RÉCLAMATIONS
PORTÉES DEVANT LE DÉFENSEUR DES DROITS EN 2012

Source : Défenseur des droits, rapport annuel 2012.

Les services de gendarmerie se révèlent substantiellement moins mis en cause que les services de police : les premiers ont fait l’objet de saisines dans 14,4 % de l’ensemble des cas relatifs aux activités de sécurité, les seconds dans 63,3 % des cas, soit près de 4,4 fois plus.

ACTIVITÉ DE SÉCURITÉ EN CAUSE DANS LES DOSSIERS
TRAITÉS PAR LE DÉFENSEUR DES DROITS EN 2012

En 2012, le Défenseur des droits a été saisi de 152 dossiers ayant fait l’objet d'investigations approfondies dans le domaine de la déontologie de la sécurité. Sur ces 152 cas, 17 ont donné lieu à des décisions concernant la gendarmerie nationale, soit 11,2 % des dossiers. Des manquements à la déontologie ont été considérés comme avérés dans six dossiers.

In fine le Défenseur des droits a recommandé l’application de sanctions disciplinaires à l’encontre de gendarmes dans trois décisions.

Les recommandations du Défenseur des droits tendant à un rappel par la hiérarchie de certaines normes juridiques aux militaires mis en cause ont systématiquement été suivies. Quant aux recommandations d’ordre général, elles font l’objet d’un dialogue entre l’autorité administrative indépendante (AAI) et le cabinet du ministère de l’Intérieur.

En outre, il n’est pas rare que la DGGN anticipe, de sa propre initiative, les affaires ultérieurement traitées par l’AAI, notamment dans le domaine de la formation en matière d’usage des moyens de force intermédiaire, ou les procédures relatives aux désincarcérations de manifestants.

En 2012, la direction générale de la police nationale (DGPN) a été destinataire de 40 décisions (22) et d’un rapport spécial du Défenseur des droits. Sur ces 40 décisions, 20 ont fait l'objet d'un classement, et 20 ont motivé des avis et recommandations.

Au sein de ce second ensemble, quatre décisions comportaient des demandes de sanctions disciplinaires et 16 des rappels d'instructions ou des demandes de changement de méthodes.

Le ministère de l’Intérieur a systématiquement répondu aux avis et recommandations du Défenseur des droits, y donnant une suite favorable dans plus de 60 % des cas, ainsi qu’en témoigne le tableau ci-dessous.

Plus particulièrement, dans toutes les affaires ayant révélé de manière incontestable des fautes individuelles ou des manquements caractérisés (11 décisions portant recommandation, soit 55 % de celles-ci), des poursuites disciplinaires ou des rappels fermes d'instructions ont été décidés.

SUITES DONNÉES PAR LE MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR AUX RECOMMANDATIONS DU DÉFENSEUR DES DROITS CONCERNANT LA POLICE EN 2012

Numéro de dossier

Faits reprochés aux policiers

Recommandations

Suites données

2010-107

Violence

Rappel d’instructions

Favorables

2010-140

Contestation de méthodes

Rappel d’instructions

Défavorables

2010-141

Refus de plainte

Rappel d’instructions

Favorables

2010-142

Usage d’arme de force intermédiaire

Poursuites disciplinaires

Favorables

2010-146

Refus de plainte

Rappel d’instructions

Favorables

2010-151

Violence

Rappel d’instructions

Défavorables

2010-155

Refus de plainte

Rappel d’instructions

Favorables

2010-167

Usage d’arme de force intermédiaire

Contestation de méthodes

Poursuites disciplinaires et rappel d’instructions

Favorables

2010-169

Contestation de méthodes

Nouvelles instructions

Favorables

2010-177

Usage de gaz lacrymogène

Rappel d’instructions

Favorables

2010-181

Comportement

Rappel d’instructions

Favorables

2010-264

Usage d’arme de force intermédiaire

Contestation de méthodes

Rappel d’instructions (x 2)

Favorables et défavorables

2010-31

Usage d’arme de force intermédiaire

Poursuites disciplinaires

En cours

2010-39

Contestation de méthodes

Instructions nouvelles

Favorables

2010-48

Contestation de méthodes

Rappel d’instructions

Défavorables

2010-52

Refus de plainte

Rappel d’instructions

Favorables

2010-79

Contestation de méthodes

Nouvelles instructions

Défavorables

2010-86

Contestation de méthodes

Nouvelles instructions

Défavorables

2011-113

Contestation de méthodes

Fin des pratiques

Défavorables

2012-199

Violences

Poursuites disciplinaires et rappel d’instructions

Favorables

Source : ministère de l’Intérieur.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2014 (n° 1395), au cours de sa réunion du mercredi 16 octobre 2013.

Mme la Présidente Patricia Adam. Nous sommes heureux d’accueillir le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2014.

Vous avez été nommé DGGN en avril dernier et c’est donc la première fois que notre commission vous entend. Comme vous le savez, la commission de la Défense reste très attachée à la gendarmerie nationale et à son statut militaire. C’est donc au nom d’une tradition bien établie et bien vivante que nous vous invitons à présenter le projet de budget 2014.

Général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je veux avant tout vous dire l’importance que revêt pour moi cette audition devant votre commission. J’ai été nommé DGGN il y a maintenant six mois et ce premier rendez-vous devant la représentation nationale est une étape essentielle.

La discussion sur le projet de loi de finances pour 2014 est l’occasion de dresser le bilan et les perspectives de la gendarmerie. Je ne veux pas, cependant, me livrer au seul inventaire de données budgétaires chiffrées. Je souhaite vous présenter le cadre général de mon action et les priorités que j’en déduis pour l’année à venir, compte tenu des perspectives budgétaires. Mais je veux, au préalable, vous livrer mon analyse de l’état de la gendarmerie.

Depuis plusieurs années, la gendarmerie connaît une profonde mutation au cours de laquelle elle a su préserver avant tout, ses valeurs de cohésion et d’esprit de corps. La gendarmerie, c’est avant tout l’ensemble des hommes et les femmes qui y servent. Elle a préservé, également, ses valeurs d’engagement et de dévouement et le sens de la mission. Les gendarmes aiment leur métier. Ils ne comptent pas leurs heures et prennent des risques, au quotidien, pour accomplir leur devoir. Ils font preuve de réactivité, de polyvalence et d’inventivité. Enfin, elle a su préserver sa proximité avec la population, j’y travaille régulièrement et les échelons locaux également.

Mais si elle a su conserver ce qui fait son essence, la gendarmerie présente aussi des fragilités qu’il faut mesurer avec lucidité. Elle vient de traverser une période de 10 ans de réformes denses et ininterrompues, comme peu d’institutions publiques en ont connu. À l’objectif, légitime, d’amélioration de la performance s’est greffé l’impératif de réduction des dépenses.

Cet exercice a ses limites et la gendarmerie a atteint un seuil. En matière de personnel, elle a été malmenée par la RGPP, avec une baisse de 6 700 effectifs entre 2008 et 2012. Cette situation a cessé. Une hausse du plafond d’emploi commence désormais à compenser ces pertes : 192 ETPT supplémentaires étaient prévus en 2013, 162 autres le sont en 2014, hors transferts.

Pour ce qui concerne les moyens, la capacité à renouveler les équipements a été réduite de moitié depuis 2007, passant, en crédits de paiement, de 570 millions d’euros en 2007 à 249 millions d’euros en 2012.

Dans le domaine du soutien, la conjonction des réformes, mutualisations, transformation de postes, notamment en personnels civils, appelle une phase de consolidation. En matière d’emploi, l’évolution rapide de notre environnement légal et réglementaire, a créé une forme « d’insécurité juridique ». Cela a nécessité, par exemple, d’importants efforts de formation et le déploiement d’outils adaptés pour la rédaction des procédures ce qui a eu un coût.

Dans ce contexte de mutation permanente, un écart se crée entre des attentes toujours plus fortes en matière de sécurité et un budget sous tension. Cet écart génère de véritables difficultés.

Ces difficultés sont amplifiées par les divers « gels » et « surgels » en cours d’année, qui remettent en cause la capacité à soutenir l’action. La gestion 2013 est, en cela, emblématique. Entre la mise en réserve de précaution et le surgel de début d’année, les crédits disponibles du programme 152 ont été réduits de 34 millions d’euros sur le titre 2 et de plus de 90 millions d’euros sur le hors titre 2. Nous sommes dans une situation difficile. La loi de finances initiale pour 2013 garantissait des moyens calculés au plus juste. Mais elle nous permettait de faire face aux principaux besoins opérationnels. Réduite de la réserve, la ressource ne permet plus d’assurer un niveau satisfaisant de fonctionnement et d’investissement : aucune commande de véhicules n’a pu être passée pour le moment alors que ces moyens sont des outils de travail quotidien, aucune commande d’ordinateurs n’a pu être réalisée pour la deuxième année consécutive. Nous sommes également en difficulté pour assurer les paiements sur des lignes incontournables, par exemple les dépenses d’énergie pour lesquelles il manque aujourd’hui 16 millions d’euros. Je ne serai plus en capacité de payer ces factures à la fin du mois d’octobre. Aussi, pour continuer d’assurer le bon fonctionnement des unités, je serai conduit à reporter le paiement des loyers aux collectivités locales. La levée de la mise en réserve est donc absolument nécessaire.

À ce jour, seuls 15 millions d’euros ont été débloqués, sur le hors titre 2, pour l’emploi de la gendarmerie mobile mais j’ai besoin d’un dégel de cinq millions d’euros supplémentaires pour continuer d’engager la gendarmerie mobile, notamment dans les zones sensibles. Sans dégel supplémentaire, nous renoncerons à ces investissements et à ces dépenses incontournables. Ainsi, les factures impayées en termes de fonctionnement induiraient un report de charge de 21 millions d’euros sur 2014, que le budget prévisible n’est pas en capacité d’absorber. Si la levée de la mise en réserve est absolument indispensable, elle ne réglera pas toutes les difficultés. Le budget « carburants », par exemple, ne pourra pas être abondé.

Ces difficultés sont bien perçues et toutes les énergies, dont celle du ministre notamment, sont mobilisées pour obtenir le dégel des crédits, car cela est urgent. Il faut un signe positif.

Dans ce contexte, les gendarmes ne baissent pas les bras. Cependant, je perçois une forme de lassitude, comme un besoin de stabilité, afin de consolider les nombreuses évolutions jusque-là conduites de front. Je sais aussi que les gendarmes ne demandent rien pour eux-mêmes. Ils veulent seulement disposer de budgets, même calculés au plus juste, mais au moins lisibles et stables sur l’année.

L’action de la gendarmerie s’insère donc dans un cadre exigeant où les objectifs légitimes et ambitieux en matière de sécurité prennent en compte les impératifs de sérieux en matière budgétaire.

Les gendarmes ont conscience des efforts nécessaires à conduire pour le redressement des comptes publics. Ils savent que chacun doit consentir sa juste part. Les difficultés économiques de notre pays contraignent nos ressources. Pour autant, elles ne diminuent pas les exigences en matière de sécurité. Au contraire, elles tendent à les renforcer.

Dans ce cadre, la gendarmerie serait dotée d’un budget 2014 responsable et cohérent. C’est un budget responsable, avec le regard que je porte, car il s’inscrit dans l’objectif de maîtrise des finances publiques. C’est un budget cohérent avec les missions qui me sont assignées. Même si nous faisons partie des « programmes prioritaires », les efforts se traduisent de manière concrète et me conduisent à fixer des priorités.

En matière de ressources humaines, ce budget permet de concrétiser la priorité gouvernementale de création de 162 postes supplémentaires. Des mesures catégorielles sont également prévues pour valoriser la condition des personnels.

La dotation prévue sur le hors titre 2 s’élève à 1 138 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 213 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 1 % en euros courants. Au sein de ce hors titre 2, le budget de fonctionnement restera globalement identique à 2013, 949 millions d’euros, contre 950 millions d’euros en 2013. Cela signifie que l’inflation et les hausses inévitables, comme celle des loyers, seront prises sous plafond par redéploiement à partir des autres lignes. La tension persistera donc. Aussi, afin de préserver la priorité accordée aux missions opérationnelles et au respect des engagements contractuels, certaines dépenses comme les déplacements, le carburant ou l’entretien des véhicules seront ajustées.

Les investissements opérationnellement prioritaires seront préservés, avec l’ouverture de 190 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 265 millions d’euros en crédits de paiement. Les crédits d’investissement ont cessé de baisser. Nous ne sommes, pour autant, pas en mesure de rattraper le retard pris ces dernières années sur les investissements. Ainsi en matière de mobilité, le vieillissement de l’âge moyen du parc automobile pèse sur sa disponibilité et sur la capacité de la gendarmerie à remplir l’éventail de ses missions. Les 40 millions d’euros en autorisations d’engagement permettraient de commander environ 2 000 véhicules, afin de maintenir à un niveau satisfaisant notre parc de 27 500 véhicules d’intervention.

Dans le domaine des systèmes d’information et de communication, les investissements ont déjà été plusieurs fois retardés, nous contraignant à prolonger la durée de vie de matériels obsolètes. À titre d’exemple, le renouvellement partiel du parc informatique est devenu indispensable, pour accompagner le déploiement des nouvelles applications métier. Environ 8 millions d’euros en autorisations d’engagement devraient permettre de commander 10 000 ordinateurs.

Quant à l’immobilier, il conditionne le maillage territorial. Après une année blanche en matière d’investissement en 2013, l’ouverture de 9 millions d’euros en autorisations d’engagement permettra de réaliser les opérations de maintenance les plus urgentes dans les casernes domaniales, pour faire face à des situations de rupture très préoccupantes. Enfin, 6 millions d’euros en autorisations d’engagement permettront de relancer la construction de quelques casernes locatives, au travers des subventions aux collectivités territoriales, alors que le triennal n’ouvrait aucune ressource. Pour autant, cela reste en deçà de nos besoins réels pour le maintien à niveau du parc immobilier.

Vous le constatez, ce budget est construit au plus juste. Cependant, géré rigoureusement, il devrait permettre de faire face à nos besoins. C’est le cadre de gestion qui pourrait créer des contraintes fortes, dont il convient d’être conscient. La mise en réserve viendra, dès le début d’année, réduire nos ressources, en pesant spécialement sur le hors titre 2. Sur la base d’un taux de 7 %, elle atteindrait 85 millions d’euros en crédits de paiement. Elle pourrait être amplifiée par d’autres mesures de gel ou de surgel de crédits.

Nos moyens, de juste dimensionnés, deviendraient clairement insuffisants. La consommation de la masse salariale sera régulée par le rythme des recrutements. Mais en décalant massivement les flux entrants sur la fin d’année, essentiellement à partir du troisième trimestre 2014, comme nous le faisons en 2013, des trous à l’emploi temporaires se créeront dans les unités durant le premier semestre. Enfin, ces hypothèses n’incluent pas, à ce stade, la question d’un éventuel report de charges des impayés de 2013.

Si j’insiste sur ce point, c’est pour rappeler que la gestion que nous vivons reste éloignée de la loi de finances que vous votez. Je ne remets pas en cause le principe de mise en réserve ni même de surgel. Ce mode de fonctionnement est assez sain et prudent. Ce qui est gênant, c’est plutôt que le taux de mise en réserve soit passé, en quelques années, de 5 à 7 %, voire 8 ou 9 % avec les surgels. Dans le même temps, avec des lois de finances initiales calculées au plus juste, les marges de pilotage de la dépense sont étroites, plus encore quand on doit renoncer aux investissements. Ce qui est gênant, c’est aussi que le dégel de ces crédits en cours d’année est devenu très aléatoire. Et quand, après de nombreux efforts, y compris ministériels, ils sont accordés, ils le sont en toute fin de gestion, trop tard pour être utilisés convenablement, car il faut alors les engager en urgence.

Au bout du compte, les responsables de programme perdent l’essentiel de leur initiative. Ils n’ont pas de visibilité, anticipent donc peu, et finalement dépensent en fin d’année ce qui leur est rendu, mais vite, parfois mal. Je ne suis pas sûr que tout cela soit gage de bonne administration.

Avec ces ressources, mes objectifs pour 2014 sont de mettre résolument en application la politique de sécurité définie par le gouvernement. Le ministre de l’Intérieur a présenté, le 30 septembre dernier, les trois grands projets qui vont structurer notre action, une meilleure organisation des missions de sécurité, la valorisation du potentiel humain au sein des forces de l’ordre, la définition et la préparation d’une « sécurité 3.0 » à l’ère du numérique et des nouvelles technologies.

Dans ce contexte j’ai, pour 2014, une ambition : promouvoir une gendarmerie dynamique et humaine, en réaffirmant le sens de l’engagement de son personnel et en la recentrant sur son cœur de métier, le service public de sécurité. J’ai engagé une feuille de route. Réaliser cette ambition nécessite d’agir simultanément sur plusieurs leviers.

Je veux tout d’abord poursuivre notre modernisation. Cette modernisation s’inscrit dans une feuille de route, appliquée avec détermination depuis juin 2013, dont les principes emportent l’adhésion du personnel et bénéficient du plein appui du ministre. Cette démarche s’inscrit totalement dans l’esprit de la modernisation de l’action publique.

L’objectif essentiel est de dégager, pour tous les gendarmes quel que soit leur niveau de responsabilité, du temps, de l’initiative et de la liberté d’action et d’insuffler, à tous les échelons de l’institution, un état d’esprit valorisant l’initiative et l’innovation.

Cette feuille de route s’appuie sur des principes simples et concrets. Avant tout le refus de l’inertie, pour renouveler les approches et les pratiques, pour redonner du souffle et du sens à notre action. Également la concertation et la participation, afin de fédérer les énergies et de recueillir les propositions constructives, d’où qu’elles émanent. Enfin la remise en question, par un vrai travail d’introspection sur les habitudes, les routines organisationnelles, pour ne pas dire les pesanteurs.

Cette feuille de route se veut réaliste car elle tient compte des impératifs budgétaires. Elle vise, tout particulièrement, à assurer, au bénéfice de la mission de sécurité, la meilleure utilisation possible des dotations du programme 152, au travers de l’emploi optimal des moyens disponibles et du temps des gendarmes.

Cela se traduit par des mesures concrètes en termes d’organisation, de synergies et de priorités opérationnelles. Ainsi, l’adaptation de notre outil opérationnel, déjà bien engagée, sera poursuivie avec résolution en 2014. L’achèvement de la réforme régionale viendra rationaliser nos structures de commandement en regroupant, dans les 15 régions non-zonales, les états-majors de la région administrative et du département chef-lieu, sous l’autorité d’un seul chef qui, à l’instar du préfet, cumulera la responsabilité des deux niveaux. L’adaptation, au cas par cas, en concertation avec les élus locaux, de la cartographie de nos unités territoriales permettra de répondre aux évolutions de la démographie, des flux et de la délinquance. S’agissant des unités spécialisées, il faudra également remettre en perspective certaines capacités avec la réalité budgétaire, je pense par exemple aux moyens aériens. L’ajustement des zones de compétence entre la gendarmerie et la police se poursuivra, là encore au cas par cas et en fonction des réalités locales. L’amélioration de nos synergies opérationnelles avec la police se traduira par des initiatives communes : le rapprochement en matière de criminalistique dans certains départements, l’emploi des moyens rares et spécialisés – cynophiles, aériens... En 2014, nous accompagnerons aussi la création de la nouvelle structure de renseignement territorial. Pour cela, nous réorganisons dès à présent, et en profondeur, notre propre chaîne de renseignement et de conduite des opérations. Nous concentrerons également nos moyens pour mieux lutter contre toutes les formes d’insécurité, avec un certain nombre d’axes prioritaires. La lutte contre les cambriolages, dans le prolongement du plan annoncé par le ministre le 25 septembre, sera une de ces priorités. Nous gardons enfin pour objectif, dans chaque département et sous l’autorité des préfets et des magistrats concernés, d’entretenir un contact étroit avec les élus et la population, d’expliquer notre action, de délivrer des messages de prévention et de rendre des comptes sur la qualité du service rendu. Là réside un puissant levier de confiance, notamment pour battre en brèche le sentiment d’insécurité.

Ces priorités, je les conduirai en conservant à l’esprit que l’homme est le cœur de notre système. Je veux donc mettre notre personnel au centre des évolutions à venir. À l’occasion de ce débat budgétaire, si je veux insister sur la prééminence de l’humain, c’est qu’il s’efface malheureusement trop souvent derrière les chiffres. Or derrière chaque ETP ou derrière les lignes de crédits, il y a avant tout des femmes et des hommes, militaires et civils, qui se dévouent à leur mission, parfois au risque de leur vie.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre attention et je suis prêt, maintenant, à répondre à vos questions.

Mme la présidente Patricia Adam. Je souhaiterais savoir qui est chargé du maintien en condition opérationnelle des hélicoptères de la gendarmerie nationale.

M. Daniel Boisserie. Nous avons bien entendu le cri d’alarme du directeur général de la gendarmerie nationale. Je veux saluer ici l’action de tous les gendarmes de France ; la gendarmerie nationale est en effet un outil extraordinaire, aujourd’hui en danger. Vous avez néanmoins la chance d’avoir un budget, sans doute un des rares, dont les crédits soient globalement maintenus l’an prochain, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement avec une croissance d’environ 1 %.

Les années 2007-2012 ont été dramatiques avec une réduction de 6 700 postes. Il faut donc se réjouir que les effectifs soient en 2014 à nouveau en progression. Je veux revenir sur la question des « gels » et « surgels » qui constituent un réel problème pour les commandements de groupement et qui, en outre, entraînent vraisemblablement des pertes de recettes pour l’État. En effet, faute de déplacements sur le terrain les recettes provenant des radars peuvent s’en trouver diminuées. Il est essentiel de sensibiliser les ministres sur ce point. S’agissant du parc domanial, je me réjouis de l’affectation d’une ressource de neuf millions d’euros et je souhaite insister sur la question du logement. Quelle est votre politique concernant les baux emphytéotiques administratifs (BEA) qui semblent menacés ? Un amendement sera probablement déposé dans le cadre du projet de loi de finances afin de maintenir ce régime au-delà du 31 décembre 2013. Ne conviendrait-il pas de confier la gestion du parc domanial aux collectivités territoriales ou à d’autres acteurs du secteur – je pense notamment, mais il n’est pas le seul, au groupe SNI, filiale de la Caisse des dépôts et consignations ? Le recours à de tels baux, s’ils sont correctement négociés, permettrait, me semble-t-il, de maintenir des niveaux de loyer acceptables. Qu’en est-il par ailleurs des missions périphériques particulièrement chronophages pour la gendarmerie nationale ? Il faut s’en féliciter, un certain nombre de mesures sont prises afin d’en réduire l’ampleur : quels sont les premiers résultats en la matière ? Enfin, les petites brigades de gendarmerie doivent-elles être maintenues, en fonction notamment de leur distance par rapport aux communautés de brigades ?

M. Alain Moyne-Bressand. Je tiens ici à rendre hommage à nos gendarmes. Depuis la loi du 3 août 2009 qui a entériné un rapprochement entre la gendarmerie et la police, les deux ministres de l’Intérieur précédents ont eu l’occasion de venir s’exprimer devant notre commission. Je souhaiterais que le ministre de l’Intérieur puisse aujourd’hui le faire à nouveau. Ce serait une occasion privilégiée de le sensibiliser sur la question de la réserve budgétaire qui affecte le moral des gendarmes. Par ailleurs, ne conviendrait-il pas de lancer une étude pour examiner les conditions de réalisation d’économies en matière de secours en montagne, par une meilleure organisation entre la gendarmerie, la police et les pompiers ?

Mme la présidente Patricia Adam. Je rappelle qu’il n’y a jamais eu autant d’auditions dans notre commission que cette année. Vous savez par ailleurs que le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 est notre priorité. Il reste loisible à tout député d’aller assister à l’audition des ministres concernés au sein d’autres commissions. Il ne sera en tout cas pas possible d’auditionner le ministre de l’Intérieur dans le cadre de la préparation de la LPM.

M. Alain Chrétien. Je souhaite vous interroger sur les relations de la gendarmerie avec la police et sur la réorganisation de leurs périmètres respectifs. Y a-t-il une stratégie nationale sur le sujet ? Quels sont les critères retenus ? Comptez-vous communiquer sur cette question, sachant que les policiers sont toujours des lecteurs attentifs de la teneur des propos échangés dans notre commission ?

M. Damien Meslot. Madame la présidente, vous devriez vous réjouir que des députés UMP demandent, de manière constructive, à auditionner le ministre de l’Intérieur.

Mme la présidente Patricia Adam. Encore faudrait-il que certains députés soient régulièrement présents à l’occasion des auditions…

M. Damien Meslot. Vous avez tracé une vision assez sombre des effectifs et du budget de la gendarmerie nationale, qui montre bien les difficultés financières qui vous touchent. Sur le terrain, on constate une explosion du nombre de cambriolages, surtout dans la région frontalière de Belfort. Les effectifs de gendarmerie sont manifestement insuffisants. Il conviendrait certainement de redéfinir les zones police et gendarmerie, sachant que certaines zones rurales sont devenues des zones urbaines dans lesquelles les gendarmes ne sont pas forcément les mieux pourvus pour intervenir. Le projet commun concernant la gendarmerie de Beaucourt a été gelé : pourra-t-il être débloqué ?

M. Nicolas Dhuicq. Je suis attaché au maintien du statut des gendarmes et tiens à souligner l’abnégation de vos hommes qui vont encore subir des températures de 12 à 16 degrés dans leurs locaux et un déficit de carburant pour assurer leurs patrouilles. Il faut saluer les efforts de la gendarmerie pour sécuriser les zones rurales et éviter notamment le vol de métaux précieux par des populations qui viennent d’au-delà de nos frontières. Les gendarmes sont souvent excédés par les décisions de justice qui relâchent immédiatement des individus qu’ils ont eu du mal à interpeller. Par ailleurs, le transfèrement des détenus coûte cher. Ne pourrait-il pas être pris en charge par le ministère de la Justice ? Les contraintes en matière de carburant vont-elles limiter le nombre de patrouilles ? Sur quels critères allez-vous répartir le budget de six millions d’euros destinés aux locaux, sachant que les logements des gendarmes sont souvent indignes ? Enfin, n’y a-t-il pas moyen de mieux mutualiser les efforts des polices municipales et intermunicipales ?

Mme Sylvie Pichot. Je salue les forces de gendarmerie qui sont très présentes sur notre territoire et bien loin des polémiques politiciennes. S’agissant des réservistes, quels sont les effectifs ? Quelle est votre politique de recrutement ?

Général Denis Favier. Je vous remercie des témoignages de reconnaissance que vous formulez à l’égard des gendarmes, qui y sont sensibles. Ne vous méprenez pas, mon propos n’est pas pessimiste. La gendarmerie s’engage et prend sa part dans le redressement de notre pays, avec ses moyens. Je crois, à entendre vos propos, que vous avez tous une perception très juste de la situation actuelle de la gendarmerie.

La question immobilière est aujourd’hui un sujet de préoccupation majeur pour nous car il touche au cœur de notre métier. L’état de certaines casernes est aujourd’hui problématique et il devient difficile d’y loger décemment des familles. On touche là à l’identité même de la gendarmerie. Nous réfléchissons à des solutions. La SNI propose d’entretenir nos logements domaniaux contre un loyer, ce qui conduit à une situation paradoxale qui nous verrait verser un loyer pour des logements dont nous sommes propriétaires. Nous avons engagé, par le passé, des constructions importantes sous le régime des BEA. Ils engendrent maintenant des loyers, qu’il nous faut supporter. Je pense que pour l’avenir, ce type de montage est à réserver à des opérations d’entretien et de gestion.

Sur la question des tâches indues, je répondrai qu’effectivement elles sont importantes pour nous, car, dans certains endroits, la gendarmerie est le seul service public qui reste.

Par ailleurs, la question des transfèrements notamment nous préoccupe. Actuellement nous vivons sous une sorte de moratoire, le dossier ne progressant pas. Nous discutons avec le ministère de la Justice concernant les transferts de postes nécessaires à l’exécution de ces missions que nous ne devrions ne plus avoir à assurer à l’horizon 2019.

Le sujet des petites brigades est un sujet compliqué. Il ne faut évidemment pas laisser s’installer des déserts de sécurité. Mais une brigade ne peut pas fonctionner avec trois personnes. Nous avons engagé des réflexions importantes, dans la Drôme, dans l’Ardèche, avec les élus locaux. C’est une question d’aménagement du territoire, et je me suis rapproché de la DATAR pour y travailler. Il faut savoir que l’implantation de ces brigades a un coût disproportionné, rapporté à leur zone d’activité.

La loi d’août 2009 a déjà été évaluée en 2011 et elle le sera bientôt à nouveau par deux parlementaires en mission. Nous sommes donc dans une démarche d’évaluation, deux ans après les travaux que M. Moyne-Bressand et Mme Escoffier avaient conduits.

Concernant les secours en montagne, il faut être attentif à la redondance des moyens de l’État. Il faut des moyens adaptés à chaque situation. En haute montagne, pour ce qui est de la gendarmerie, chaque intervention comporte notamment le volet judiciaire, c’est-à-dire l’enquête, la recherche des causes et des responsabilités d’un accident.

Le redéploiement des zones de police et de gendarmerie est un sujet très important, qui évolue dans le bon sens. Il faut prendre en compte à mon sens, une approche départementale et étudier au cas par cas, dans les différents départements les opérations qui permettent de recentrer la police sur les gros centres urbains et de redéployer des effectifs de gendarmerie dans les secteurs péri-urbains et ruraux.

Sur le partage entre zones urbaines et zones moins urbanisées, je voudrais vous dire qu’il n’y pas de zone réservée. L’action de la gendarmerie ne se limite pas au monde rural ou aux marges périurbaines. Nous intervenons aussi dans des zones urbaines « chaudes ». Nous avons cette capacité.

Le statut militaire de la gendarmerie n’est contesté par personne. Notre pays est construit avec deux forces de l’ordre aux statuts différents et il n’est pas souhaitable de revenir là-dessus. Je pense aussi que nos gendarmes sont attachés aux notions d’engagement, de service, inscrites dans leur statut militaire.

Nous sommes dans une logique de renforcement de nos partenariats avec les entreprises qui produisent de la sécurité, avec les syndicats agricoles, les sociétés d’autoroute, l’Association des maires de France (AMF), les polices municipales. Il s’agit de coproduire de la sécurité et de donner corps à toutes ces initiatives.

Les réserves sont pour nous un outil essentiel, qui complètent utilement notre manœuvre en matière de sécurité. Nous y consacrerons 35 millions d’euros en 2014, en baisse de 5 millions d’euros, par rapport à 2013. Nous recrutons chaque année beaucoup de réservistes, preuve de notre attractivité. La population est de plus en plus soucieuse de participer à sa propre sécurité et cela renforce notre lien avec elle. Dans la logique de partenariat, la SNCF, par exemple, est prête à financer l’emploi de réservistes de la gendarmerie pour sécuriser les trains dans certaines régions. Cela est très intéressant.

Mme Émilienne Poumirol. Ma question porte sur le renseignement. Vous aviez dit, au cours d’autres travaux, que vous étiez parfois mal entendu par la direction centrale du renseignement intérieure (DCRI) ou la haute administration alors que vous êtes présents sur tout le territoire : la situation a-t-elle évolué dans le bon sens ? Comment la gendarmerie pourrait-elle être mieux utilisée ?

M. Serge Grouard. Je tiens tout d’abord à saluer le professionnalisme de nos militaires, et de nos gendarmes en particulier.

Je voudrais revenir sur la question du logement : nous ne nous en sortirons pas avec cette méthode. Le Gouvernement précédent, avec l’aide des collectivités locales et des bailleurs sociaux, a affecté des milliards à la rénovation urbaine, à juste titre. Il y aurait une certaine logique à intégrer, dans un nouveau plan de rénovation urbaine, avec l’aide des bailleurs sociaux, les casernes des militaires. Il est choquant qu’on demande à nos hommes un engagement total alors que nous ne faisons rien pour leur logement. Cela serait une solution pour leur rendre justice.

M. Frédéric Lefebvre. Je m’associe aux demandes visant à entendre le ministre de l’Intérieur, y compris dans le cadre d’une audition commune avec les autres commissions intéressées. Vous avez évoqué les réserves, gels et reports budgétaires qui posent des difficultés à la gendarmerie. Or, les radars permettent chaque année 700 millions d’euros de recettes, dont 400 millions sont réinvestis au profit de ces installations. Je propose qu’une partie de ces recettes soit consacrée à trois aspects de la modernisation de la gendarmerie : les véhicules, qui me paraissent indispensables, les logements, et la sécurité 3.0. J’ai rédigé une proposition de loi et déposé un amendement en ce sens. Dans ce cadre, je souhaiterais recueillir votre avis sur les aspects qui, selon vous, ont le plus besoin d’un tel apport.

M. Jean-Paul Bacquet. Je souhaite aborder la réorganisation territoriale de la gendarmerie. En effet, celle-ci doit s’adapter à des paramètres changeants, comme le récent redécoupage des cantons et les évolutions de la démographie française. Selon le rapport de Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective, plus de 73 % de la population française vivra dans une zone urbaine à l’horizon 2020. De plus, la croissance démographique dans les 10 ans à venir se fera notamment les communes de moins de 5 000 habitants, c’est-à-dire dans les zones rurbaines. Vous avez donc raison de dire que la gendarmerie ne peut plus être assimilée à une force de sécurité rurale. Dès lors, j’estime essentiel que la gendarmerie garde une visibilité sur ces évolutions futures, afin que les investissements qu’elle réalise aujourd’hui dans l’immobilier et l’équipement ne deviennent pas inappropriés à la situation.

Certains gendarmes connaissent une suractivité inacceptable, alors que certains sont en sous-activité. Que peut-on faire face à cette situation qui pose des difficultés aux gendarmes et à leurs familles ?

J’aimerais également évoquer le thème des carrières. Aujourd’hui, les généraux dans l’armée de terre sont trois fois plus nombreux que ceux de la gendarmerie ; or, il y aura bientôt moins d’effectifs dans l’armée de terre que dans la gendarmerie. Cette disproportion mérite réflexion.

Enfin, pouvez-vous nous présenter les actions de la gendarmerie en matière de lutte contre le cambriolage à domicile, c’est-à-dire en matière de renforcement de son activité de cyber-sécurité ? Je sais que cela constitue un point d’effort crucial de la gendarmerie, et que vous travaillez sur ce sujet en partenariat avec des universitaires issus de la réserve citoyenne. Il me semble que cette question n’a été qu’effleurée dans votre présentation.

M. Yves Fromion. Mon général, je souhaite vous faire deux observations. La première concerne la sécurité dans le monde rural, étant moi-même élu d’une circonscription fortement rurale. Depuis un certain temps, la montée des atteintes aux biens inquiète. Je m’interroge sur les mesures que vous pourriez prendre avec les préfets pour trouver un palliatif, car cette situation devient difficilement supportable pour les populations.

Deuxièmement, pouvez-vous nous présenter l’aspect européen de l’activité de la gendarmerie ? J’ai le sentiment que les choses ont évolué en la matière : l’engagement de la gendarmerie française est-il toujours aussi important dans les dispositifs européens ?

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Ma question porte sur le niveau de fonctionnement et l’« état de santé » de votre logiciel de paye. Les supposées défaillances et obsolescences de ce logiciel étaient l’une des raisons qui ont amené à développer le logiciel Louvois. Votre logiciel « maison » continue-t-il à bien assurer la paye des gendarmes ?

Général Denis Favier. Oui madame la députée, le logiciel que nous avons gardé fonctionne bien. Nous avons fait le choix de le garder car nous avons bien compris que Louvois n’était pas stabilisé. Nous entretenons donc, grâce à des compétences qui reposent sur des hommes, une capacité à assurer le paiement de nos soldes sans passer par Louvois. Cet entretien est coûteux, mais j’assume ce choix : il est tout à fait inconcevable de risquer le non-paiement des soldes. À terme, l’objectif est éventuellement d’adopter directement l’opérateur national de paye (ONP).

S’agissant du renseignement, la gendarmerie bénéficie de son maillage territorial et possède incontestablement des capteurs très nombreux qui doivent apporter leur contribution à l’effort commun. La gendarmerie a vocation à assurer le suivi des assignés à résidence et des sympathisants ou activistes terroristes sur sa zone de compétence. L’enjeu est aujourd’hui de valoriser ce potentiel en enrichissant le dispositif national de renseignement. Les évolutions sont tangibles. Déjà, les rapports de la gendarmerie et de la DCRI ont été considérablement décloisonnés, comme ils le seront avec la future direction générale de la sécurité intérieure. Un officier de gendarmerie est adjoint au service central du renseignement territorial. Enfin, la création d’une sous-direction chargée de l’anticipation opérationnelle au sein de la DGGN et l’animation d’un réseau de cellules territoriales permettront d’aboutir à un dispositif encore plus efficace et cohérent.

Concernant le logement des gendarmes, les solutions aux difficultés actuelles sont à trouver dans des financements innovants : pourquoi les collectivités territoriales ne reprendraient-elles pas une part de notre patrimoine domanial ? C’est une piste de réflexion parmi d’autres.

Pour ce qui est de la levée du gel et du « surgel », je suis conscient des efforts à consentir, mais il faut bien reconnaître que sans cette levée la gendarmerie serait confrontée à de grandes difficultés.

Monsieur Lefebvre, nous devons effectivement travailler à la recherche de financements innovants, par exemple en matière de retour du produit des contraventions que nous dressons à la suite des contrôles par radar ou d’autres infractions. Il en va d’ailleurs de même pour obtenir le bénéfice des biens mobiliers confisqués : la loi et ses textes d’application ne nous ont permis jusqu’à présent de les récupérer qu’une fois le procès pénal achevé. Cela peut prendre plusieurs années, au bout desquelles certains matériels saisis, comme les automobiles, ont perdu une part importante de leur valeur. La procédure d’affectation avant jugement est une avancée mais elle comporte des difficultés et des risques financiers et juridiques. L’enjeu se monte à plusieurs millions d’euros par an.

Monsieur Bacquet, vous avez raison : tous les gendarmes n’ont pas la même charge de travail. Mais ceux qui en ont le moins ne sont pas toujours les plus satisfaits de leur situation, et nous réfléchissons aux moyens qu’il y aurait à valoriser notre implantation territoriale. Par exemple, nous envisageons une participation au projet porté par la DATAR, comme les Maisons de services au public.

S’agissant de la pyramide des grades, avec 100 000 hommes, le nombre de nos officiers généraux me semble adapté à nos effectifs. Les profils de carrière sont cohérents depuis nos efforts récents d’adaptation des grades aux responsabilités. Des corrections à la marge pourront être réalisées pour faire face au besoin et aux évolutions interministérielles au sein de la fonction publique. Mais il est à noter que notre titre 2 est bien géré et que nous ne dépassons pas notre enveloppe attribuée en LFI.

La cybersécurité est une question centrale, sur laquelle nous animons divers forums. Il nous faut en la matière travailler sur un mode interservices, comme le fait déjà très bien le ministère de la Défense. Le ministère de l’Intérieur fait des progrès en ce sens, avec une action concertée police-gendarmerie.

Monsieur Fromion, l’insécurité en zone rurale est en effet une réalité, même si l’insécurité est plus vivement ressentie en zone rurale qu’en ville. C’est pourquoi, depuis janvier, j’ai obtenu la mobilisation de quatre escadrons de gendarmerie mobile dans les dix départements les plus touchés par la croissance de l’insécurité. Notre stratégie repose sur la présence sur le terrain, et sur l’association de tous à la vigilance, complétée par la mise en œuvre d’un dispositif d’alerte par SMS.

Concernant la dimension européenne de notre action, nous rencontrons encore de grandes difficultés pour utiliser la force de gendarmerie européenne, par exemple en vue de prendre le relais de l’opération Serval au Mali, certains de nos partenaires restant réticents.

Après l’audition de M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 31 octobre 2013 à 9 heures  (23), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Sécurités » pour 2014.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

Ÿ À Paris

Ø M. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, M. Christian Rodriguez, conseiller gendarmerie, Mme Magali Alexandre, conseillère parlementaire, M. Thibaut Sartre, conseiller budgétaire ;

Ø Direction générale de la gendarmerie nationale – Général d’armée Denis Favier, directeur général, colonel Jean-Pierre Aussenac, chef du bureau de la synthèse budgétaire.

Ÿ À Guéret

Ø M. Christian Chocquet, préfet de la Creuse.

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