N° 1435 tome III - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1435

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1395)
de
finances pour 2014

TOME III

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
ET DES RESSOURCES HUMAINES

FONCTION PUBLIQUE

PAR M. Alain TOURRET

Député

——

Voir le numéro : 1428-III-29.

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2012.

À cette date, 96 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis. Lors de l’examen des crédits en Commission, la quasi-totalité des réponses était disponible.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : UNE FONCTION PUBLIQUE EN MOUVEMENT PAR-DELÀ LES DIFFICULTÉS INHÉRENTES À L’ÉTAT DES FINANCES PUBLIQUES 7

I. DES DÉPENSES PRENANT EN CONSIDÉRATION LE POIDS DES RÉALITÉS FINANCIÈRES 7

A. LA FORMATION DES FONCTIONNAIRES 7

B. L’ACTION SOCIALE INTERMINISTÉRIELLE 8

II. DES MESURES INSPIRÉES PAR LE SOUCI DE JUSTICE SOCIALE ET D’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE PUBLIQUE 9

A. LA SUPPRESSION DU JOUR DE CARENCE  9

B. LA RECHERCHE D’OUTILS DE FORMATION ET DE RECRUTEMENT PLUS PERFORMANTS 11

1. La poursuite de la réforme des écoles de service public 11

a. De nouveaux défis pour l’ÉNA 11

b. L’approfondissement de la réforme des IRA 12

c. Un rapprochement confirmé entre l’INET et l’ÉNA 13

2. L’affirmation d’une politique de formation professionnelle continue 14

SECONDE PARTIE : UNE MOBILISATION À AMPLIFIER DANS LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS AU SEIN DES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES 15

I. DES ENGAGEMENTS TÉMOINS DE L’IMPORTANCE NOUVELLE ACCORDÉE À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 15

A. DES ACCORDS FAVORISANT UNE DÉMARCHE INTÉGRÉE ET DÉCLOISONNÉE 15

1. Le protocole sur l’égalité relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes 16

2. Le protocole entre la ministre des Droits des femmes et les associations d’élus 18

3. L’accord-cadre pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique territoriale 18

4. La rénovation en cours de la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique 19

B. DES INSTRUMENTS DE SUIVI ET DE PROMOTION DES BONNES PRATIQUES CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L’ÉGALITÉ 19

1. Les instances de suivi 20

2. Le Label diversité 21

3. Des guides de bonne pratique et des référentiels 21

II. UNE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS EXIGEANT CONSOLIDATIONS ET RECHERCHE DE MOYENS D’ACTION NOUVEAUX 22

A. CONFIRMER L’EFFORT ENTREPRIS 23

1. Pour l’accueil des agents handicapés 23

2. Aux fins de promotion de la diversité dans les fonctions publiques 24

a. Les classes préparatoires intégrées et les allocations pour la diversité 24

b. Le PACTE 25

3. Contre le harcèlement moral et le harcèlement sexuel 26

B. DE NOUVELLES PISTES À EXPLORER DANS LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION 27

1. Mieux connaître et rendre publiques les discriminations par la création d’un observatoire des discriminations 27

2. Lutter contre les écarts salariaux injustifiés 29

a. La création d’un comité des rémunérations auprès de chaque employeur 30

b. L’institution d’une action de groupe ? 31

3. Garantir des nominations équilibrées entre les hommes et les femmes 32

a. Amplifier les premiers résultats encourageants dans la mise en œuvre de la loi du 12 mars 2012 32

b. Conforter ces progrès par des instruments plus incitatifs 33

4. Faire de la lutte contre les discriminations un enjeu du dialogue social 35

a. Une méthode ouvrant de nouvelles perspectives 35

b. De nouveaux chantiers à ouvrir 36

EXAMEN EN COMMISSION 39

ANNEXE N° 1 : LES CRÉDITS DU PROGRAMME « FONCTION PUBLIQUE » POUR 2014 75

ANNEXE N° 2 : CONSOLIDATION DES EMPLOIS DES OPÉRATEURS DE L’ACTION « FORMATION DES FONCTIONNAIRES » 76

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 77

LISTE DES PROPOSITIONS 79

MESDAMES, MESSIEURS,

Suivant la même démarche que celle adoptée pour l’exercice budgétaire 2013, le présent rapport pour avis de la commission des Lois sur les crédits du programme n° 148 « Fonction publique » poursuit deux objectifs.

Le premier consiste à donner un aperçu de l’emploi des crédits alloués à ce programme de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » du projet de loi de finances pour 2014.

Cette présentation ne peut revêtir qu’un caractère synthétique dans la mesure même où, avec 200,85 millions d’euros (en autorisations d’engagement), le programme n° 148 ne rassemble pas la plupart des ressources nécessaires à la mise en œuvre de la politique appliquée dans les trois versants de la fonction publique. Pour autant, l’importance du programme « fonction publique » ne se mesure pas à l’aune du volume des crédits qu’il rassemble. Les deux actions qui le constituent contribuent en effet au renforcement des savoir-faire et à la cohésion des trois fonctions publiques, donc à leur efficacité : il s’agit, d’une part, de la formation des fonctionnaires (action n° 1) et, d’autre part, de l’action sociale interministérielle (action n° 2). C’est la raison pour laquelle le présent rapport pour avis rend compte de quelques évolutions observées en 2013 en matière de formation et d’action sociales.

Le second objectif découle du choix affirmé par votre rapporteur pour avis au commencement de la législature : traiter la question des discriminations dans les trois versants de la fonction publique.

À l’évidence, cette problématique dépasse sans doute le strict cadre de l’examen d’un projet de loi de finances. Toutefois, elle se révèle d’autant plus essentielle qu’elle met en lumière des défis qu’à l’instar de la société française, la fonction publique doit relever, qu’il s’agisse du renouvellement des rapports et conditions de travail, de l’égalité professionnelle entre les sexes, de l’intégration de la diversité. C’est pourquoi le présent avis s’attache à établir en la matière un premier bilan et à proposer de nouvelles pistes afin de conforter la mobilisation dont les personnes publiques ont fait preuve en 2013.

PREMIÈRE PARTIE : UNE FONCTION PUBLIQUE EN MOUVEMENT PAR-DELÀ LES DIFFICULTÉS INHÉRENTES À L’ÉTAT DES FINANCES PUBLIQUES

Le rapport pour avis de la commission des Lois n’a pas pour objet de fournir une analyse détaillée des crédits du programme n° 148 qui relève de la commission des Finances. Néanmoins, de leur mise en perspective, se dégage l’idée d’une politique de gestion active dans un contexte budgétaire contraint.

Le montant global des dépenses du programme n° 148 inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 s’élève à 200 849 459 euros en autorisation d’engagement (AE) et à 206 290 265 euros en crédits de paiement (CP). La loi de finances initiale (LFI) pour 2013 prévoyait, pour sa part, 213 192 194 euros en AE et 217 057 983 euros en CP.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2014 (PLF 2014) propose au Parlement le maintien d’un effort substantiel – même si les crédits accusent une baisse de – 5,79 % en AE et – 4,96 % en CP. De fait, cette évolution participe de la stratégie adoptée par le Gouvernement en vue d’un retour à l’équilibre budgétaire, laquelle doit se traduire par une diminution des crédits de 4 % dès 2013, puis de 3 % les années suivantes. Elle tient également compte de la consommation des crédits disponibles du programme n° 148 aux cours des précédents exercices : 94 % des crédits en 2010 (208 millions d’euros) ; 98 % des crédits en 2012 (211 millions d’euros à périmètre constant).

Ces chiffres globaux ne rendent toutefois pas compte de la dynamique propre aux deux actions du programme « Fonction publique » (1).

Représentant 40,33 % des crédits du programme « Fonction publique » dans le PLF 2014, l’action « Formation des fonctionnaires » se voit allouer 81 016 987 euros (en AE et CP), contre 78 678 749 euros (en AE et CP) dans la loi de finances initiales pour 2013. Le montant des crédits s’accroît donc de 2,97 % entre ces deux exercices.

Cette évolution procède fondamentalement de la nature des dépenses que regroupe l’action « formation des fonctionnaires ».

Ces dépenses consistent en effet pour l’essentiel en des subventions pour charges de services publics versées à deux opérateurs : l’École nationale d’administration (ÉNA), chargée de la formation initiale et continue des cadres supérieurs de l’État ; les instituts régionaux d’administration (IRA), qui assurent la formation des attachés d’administration centrale. En AE et en CP, la subvention versée à l’ÉNA devrait passer de 33,1 millions d’euros en 2013 à 32,48 millions d’euros en 2014, soit une baisse de 1,87 %. La subvention des IRA devrait enregistrer une légère diminution en passant de 40,4 millions d’euros de crédits votés en 2013 à 40,18 millions d’euros inscrits en 2014. D’un montant global de 72, 66 millions euros, les subventions représentent 89,68 % des crédits de l’action n° 1 et diminuent d’environ 2 % dans le projet de loi de finances pour 2014.  

L’ÉNA et les IRA apportent une contribution depuis plusieurs années à la maîtrise des plafonds d’emplois. Dans le projet de loi de finances pour 2014, ces deux opérateurs enregistrent ainsi respectivement une réduction de 40 équivalents temps plein (18 pour l’ÉNA, 22 pour les IRA), dont 6 sur les emplois permanents (4 pour l’ÉNA, 2 pour les IRA) et 34 sur les stagiaires et les élèves (2).

Outre les subventions pour charge de service public, l’action n° 1 du programme « Fonction publique » recouvre également des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’intervention. Appartiennent à la seconde catégorie les crédits alloués au financement des allocations pour la diversité dans la fonction publique, pour un montant de 3, 42 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014.

Représentant 59,7 % des crédits du programme n° 148, l’action sociale interministérielle fait l’objet, dans le projet de loi de finances pour 2014, d’une enveloppe budgétaire d’un montant total de 119, 83 millions d’euros en AE (contre 134, 51 millions d’euros en loi de finances initiales pour 2013) et de 125 273 278 en CP (contre 138 379 234 euros en loi de finances initiale de l’exercice 2013).

D’une part, ces crédits ont pour objet le financement de prestations interministérielles individuelles, pour un montant total qui atteint, dans le projet de loi de finances pour 2014, la somme de 87 976 426 euros (en AE et en CP). Il s’agit : des chèques vacances ; des chèques service universel (CESU) pour la garde des jeunes enfants de moins de six ans ; des sections régionales interministérielles d’action sociale ; du logement d’urgence.

D’autre part, l’action sociale interministérielle repose sur des prestations d’action sociale collective, auxquelles sont consacrés, dans le PLF 2014, 20 385 795 euros en AE et 21 610 125 euros en CP. Entrent dans ce champ : les réservations de places en crèches ; les réservations de logements sociaux ; la rénovation des restaurants inter-administratifs (RIA) ; les aides aux retraités et l’aide au maintien à domicile.

Le 21 février 2013, la ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique affirmait aux organisations syndicales la volonté du Gouvernement de procéder à la suppression dans les trois versants de la fonction publique de ce dispositif appliqué depuis 2012 (4). L’article 67 du projet de loi de finances pour 2014 concrétise cet engagement qui porte abrogation de l’article 105 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (5). Afin de renforcer le contrôle des congés maladies, le projet de loi de finances établit un nouveau cadre reposant sur deux instruments : d’une part, l’obligation pour les agents de transmettre, sous peine de sanction, l’avis d’arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé maladie dans les quarante-huit heures à compter de la date du premier jour d’arrêt ; d’autre part, la généralisation, après le 31 décembre 2015, du transfert des médecins agréés aux caisses primaires d’assurance maladie du contrôle des arrêts pour congés maladie.

Aux yeux de votre rapporteur pour avis, cette mesure se justifie dans la mesure où, contrairement aux arguments avancés au moment de sa création, l’efficacité et la pertinence du jour de carence dans les trois fonctions publiques demeurent sujettes à caution.

Ainsi, les données disponibles tendent à montrer l’absence d’un recul significatif et général des arrêts de courte durée sur la période 2011-2012. Selon l’enquête emploi 2011-2012 de l’INSEE, la proportion d’agents en arrêt de courte durée est passée de 1,2 % à 1 % dans la fonction publique de l’État, de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière ; elle demeure stable dans la fonction publique territoriale, à 1,1 %. Dans la fonction publique d’État, en 2012, dans deux tiers des cas, un seul jour de carence a été retenu. En revanche, en cas de baisse du nombre d’arrêts de courte durée, on peut constater un allongement de la durée moyenne des arrêts ou une hausse des accidents du travail.

Sur un plan financier, l’application du jour de carence ne génère pas d’économies aussi substantielles qu’attendues au moment de la création de ce dispositif. Alors que la mesure devait permettre d’économiser 120 millions d’euros en année pleine, l’exposé des motifs de l’article 67 du projet de loi de finances pour 2014 évalue à 60,8 millions d’euros pour l’État le coût de la suppression du dispositif ; dans la fonction publique territoriale, ce montant s’élèverait à 40 millions d’euros, la mesure atteignant 63,5 millions d’euros dans la fonction publique hospitalière. Il convient ici de rapprocher ces chiffres de celui de la masse salariale de l’État : celle-ci s’élevant à 81,4 milliards d’euros (à périmètre courant) suivant les prévisions du projet de loi de finances pour 2014, le coût de la suppression du jour de carence représente, pour la fonction publique de l’État, une dépense égale à 0,075 % de la masse salariale de l’État.

Enfin, il reste à démontrer que la création en 2012 d’un jour de carence aurait remédié à une inégalité entre secteur privé et secteur public. D’après un rapport de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES), évoqué par l’exposé des motifs de l’article 67 du projet de loi de finances pour 2014, 64 % des salariés et 75 % de ceux employés par des entreprises de plus de 250 salariés bénéficieraient d’une couverture complémentaire aux prestations du régime de base obligatoire favorisant une couverture de la perte de revenu causée par l’application du jour de carence. Outre cette couverture conventionnelle, il apparaît qu’en matière d’arrêts de travail, les comportements ne diffèrent pas fondamentalement entre agents publics et salariés disposant d’un contrat à durée indéterminée.

Cela étant, le constat de l’impact très relatif de l’application du jour de carence ne saurait détourner les pouvoirs publics d’une véritable réflexion sur les moyens de prévenir les situations d’absentéisme dans les fonctions publiques. D’après les réponses au questionnaire budgétaire commun adressé au ministère de la Fonction publique, l’exploitation des fichiers mensuels de paye des agents de l’État montre qu’en 2012, près de 500 000 agents ont fait l’objet d’une retenue pour journée de carence et 755 000 journées de carence ont été comptabilisées. Ces chiffres ne peuvent laisser indifférents car ils révèlent potentiellement des conditions de travail parfois difficiles, en tous cas peu propices au bon fonctionnement des services publics.

Aussi, tout en prenant acte du renforcement du contrôle des arrêts maladie que promeut le projet de loi de finances, votre rapporteur pour avis juge nécessaire d’organiser une évaluation sur le moyen terme de l’efficacité du dispositif alternatif au jour de carence mis en place dans les trois fonctions publiques.

Proposition n° 1 : Évaluer sur le moyen terme l’efficacité du dispositif alternatif au jour de carence dans les trois fonctions publiques dans le cadre d’une politique de prévention active de l’absentéisme.

Cette préoccupation, déjà exprimée dans l’avis de la commission des Lois sur les crédits du programme n° 148 du projet de loi de finances pour 2013, demeure d’actualité même si l’examen des actions engagées ou poursuivies en 2013 peut donner satisfaction, du point de vue tant de la formation initiale que continue.

Plusieurs faits peuvent retenir l’attention qui démontrent la volonté des pouvoirs publics de rationaliser l’offre de formation et d’assurer son adaptation à l’évolution des besoins de l’État et des collectivités locales.

En juillet 2013, a été signé le nouveau contrat d’objectif et de performance (COP) de l’École nationale d’administration (ÉNA). Portant sur la période 2013-2015, ce contrat décline les six actions prioritaires fixées par le Premier ministre à la directrice de l’ÉNA dans la lettre de mission qu’il lui a adressée le 29 janvier 2013.

Aux yeux de votre rapporteur pour avis, moderniser les concours d’entrée de sorte de mettre en adéquation les épreuves et les programmes avec les connaissances, les compétences et les aptitudes nécessaires aux cadres supérieurs de l’État constitue, avec la diversité du recrutement, l’enjeu prioritaire. Dans cette optique, il apparaît nécessaire que la réflexion sur le contenu des trois concours d’accès à l’École, lancée à la suite des conclusions du groupe de travail sur la réforme des concours d’entrée de 2011, aboutisse à des résultats tangibles dans les meilleurs délais. Ainsi que la lettre de mission du Premier ministre y invitait, il s’agit notamment de diversifier le profil des élèves et de renforcer l’attractivité du concours interne.

Dans cette attente, il importe également de donner toute sa portée à la réforme de la procédure d’affectation des élèves instituée par le décret n° 2012-667 du 4 mai 2012 (6).

Appliquée pour la première fois aux élèves de la promotion « Marie Curie » sortis en décembre 2012 de l’École, la procédure de nomination s’ordonne entre les phases suivantes : publication des postes offerts ; transmission à la commission de suivi chargée du bon déroulement de la procédure des dossiers établis par les employeurs sur les caractéristiques (7) des emplois proposés ; publication du classement général ; indication par les élèves, en fonction de leur rang, de leur intérêt entre les postes offerts ; entretiens sollicités par les élèves auprès des employeurs, lesquels doivent les recevoir, rendre à l’issue des entretiens un avis informatif (« favorable » ou « réservé ») sur l’adéquation entre le profil de l’élève et le poste ; choix par les élèves de leur affectation.

Dans le rapport établi à l’attention du Premier ministre conformément au décret du 4 mai 2012, la commission de suivi a relevé quelques critiques à l’encontre de cette nouvelle procédure d’affectation. On peut notamment citer : des entretiens représentant un lourd investissement pour les élèves et les employeurs ; le sentiment exprimé par des élèves d’une procédure demeurant hybride, marquée par une certaine iniquité entre le premier tiers du classement (ayant le pouvoir de choisir) et les autres (passant beaucoup d’entretiens et recevant des avis réservés des administrations) ; quelques comportements non acceptables, notamment de la part de certains employeurs, l’expression d’une préférence pour des élèves issus du concours externe.

Du point de vue de votre rapporteur pour avis, il conviendra de tirer toutes les leçons de la prochaine mise en œuvre de la procédure d’affectation si de telles critiques persistaient.

Au début du mois d’octobre 2013, les cinq instituts régionaux d’administration (IRA) ont signé avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) une convention d’objectifs et de performance pour la période 2013-2015.

Cette convention énonce trois axes stratégiques : en premier lieu, consolider le positionnement interministériel des IRA en tant qu’opérateurs de formation efficients et reconnus, avec notamment l’objectif (n° 1) de bien former en poursuivant la professionnalisation de la formation et en approfondissant son individualisation ; en deuxième lieu, renforcer la place des IRA en tant qu’acteurs exemplaires de l’action administrative en matière de politiques de recrutement et de formation au sein de la fonction publique, notamment avec l’objectif (n° 2) de promouvoir la diversité et l’égalité des chances ; en dernier lieu, conforter et approfondir la performance des IRA, avec notamment pour objectif (n° 3) d’optimiser l’organisation et la gestion des instituts.

Ce faisant, la convention d’objectif conforte la réforme engagée avec le décret n° 2007-1247 du 20 août 2007 (8) qui prévoyait de nouvelles modalités d’organisation du concours. En l’occurrence, depuis lors, les candidats choisissent, lors de leur inscription, l’institut dans lequel ils souhaitent être recrutés et formés. Ils subissent les mêmes épreuves mais sont classés par un jury d’entrée propre à chaque IRA. D’après les éléments disponibles, ceci a permis de réduire les délais du processus de recrutement et d’améliorer l’attractivité du concours dans la mesure où les candidats disposent ainsi de plus de garanties quant à la localisation de leur institut de formation et leur affectation géographique à l’issue de leur scolarité. De fait, depuis la session 2008/2009, le nombre des candidats augmente de même que le taux de présence effective aux épreuves, notamment à celles du concours interne et du troisième concours.

Outre ces nouvelles modalités d’organisation des concours, il convient de mettre en exergue la réduction du nombre des épreuves de sélection et la simplification de leur contenu afin de donner plus de place aux problématiques générales de la fonction publique. Depuis la rentrée de septembre 2007, la formation s’articule autour d’un tronc commun et d’une période d’approfondissement par univers professionnel (administration centrale, services déconcentrés de l’État, administration scolaire et universitaire).

Aux yeux de votre rapporteur pour avis, ce mode de formation contribue efficacement à l’affirmation de la vocation interministérielle des IRA et à la professionnalisation des cadres qui en sont issus.

Établissement du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), l’Institut national des études territoriales a pour mission de former les cadres de direction des grandes collectivités territoriales.

La collaboration entre cette école de service public et l’ÉNA constitue désormais un fait acquis, objectif que l’avis budgétaire sur les crédits du programme n° 148 du projet de loi de finances pour 2003 mettait en exergue.

Ainsi, l’ÉNA et l’INET mettent fréquemment en commun certains de leurs enseignements, plus particulièrement ceux inscrits dans un module intitulé « Territoire ». On peut ainsi citer les enseignements relatifs à la gestion de crise, à la communication et dialogue social suivis par les promotions Jean Zay (ÉNA, 2012-2013) et Paul Éluard (INET, 2012-2013). En 2013, la mise en commun des enseignements a conduit ces deux promotions à suivre ensemble des cours en administration territoriale, droit et légistique, ainsi qu’en finances publiques pendant la période d’approfondissement du module « Territoire » (du 28 janvier au 14 mars 2013). En juillet de cette même année, les élèves des promotions Jean de la Fontaine (ÉNA 2013-2014) et Simone de Beauvoir (INET 2013-2014) ont également suivi des cours communs en matière de gestion de crise et de communication.

Le rapprochement entre l’INET et l’ÉNA se traduit aussi aujourd’hui par l’organisation conjointe de formations à la demande. D’après les réponses au questionnaire budgétaire, à la demande de Paris Métropole, les deux écoles finaliseraient la création d’un cycle des hautes études métropolitaines qui se déroulera en 2014.

Depuis de nombreuses années, la DGAFP s’attache à développer une offre interministérielle de formation de nature à permettre aux agents de l’État d’acquérir, tout au long de leur carrière, les compétences nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. Par-delà la mise en place, en 2007, du droit individuel à la formation (DIF), cette politique trouve sa traduction dans un certain nombre d’instruments et de réseaux à l’échelon central et déconcentré : les plates-formes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines (PFRH) (9; l’« École de la GRH », réseau de responsable RH (10) ; les plans régionaux de formation interministériels (PRIF), constitués des offres de formation mises en commun par les opérateurs publics de formation d’une même région.

En 2013, cette politique tendant au développement d’un appareil de formation, fondé sur la mutualisation et l’enracinement d’une culture des ressources humaines, a franchi de nouvelles étapes.

Depuis janvier, a été mis en service le système d’information pour l’animation de la formation interministérielle en région (SAFIRE). Accessible sur le portail « Fonction publique », SAFIRE permet l’inscription directe des agents de la fonction publique aux actions de formation continue interministérielle transverse, la création d’offres de formation par les acteurs régionaux de la formation ainsi que la gestion et le suivi des PRIF par les plates-formes d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines et la DGAFP.

Dans le cadre d’une expérimentation lancée également au début de l’année 2013, est proposée une offre commune de formation entre les PFRH et les IRA, avec la signature d’une charte de collaboration destinée à favoriser une meilleure visibilité de l’offre interministérielle de formation dans les régions.

Par une circulaire en date du 13 septembre 2013(11), le Gouvernement a enfin fixé les priorités de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État. Parmi les huit axes ainsi affirmés, votre rapporteur pour avis retient : la formation à la démarche d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux ; la formation de l’encadrement aux dimensions santé au travail, prévention des risques et amélioration des conditions de vie au travail ; la connaissance de l’organisation administrative et de l’environnement professionnel ; la formation des gestionnaires des ressources humaines à la gestion statutaire.

SECONDE PARTIE : UNE MOBILISATION À AMPLIFIER
DANS LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
AU SEIN DES TROIS FONCTIONS PUBLIQUES

Axe de la politique du Gouvernement affirmée dès son installation en 2012, la lutte contre les discriminations dans les trois fonctions publiques a donné lieu en 2013 à un certain nombre d’initiatives exprimant une réelle prise de conscience des enjeux de ce phénomène.

Cela étant, du point de vue de votre rapporteur pour avis, d’autres outils doivent être à ce jour mobilisés afin d’obtenir des succès plus profonds et durables dans la lutte contre les discriminations.

La mobilisation des pouvoirs publics contre les discriminations au sein des trois versants de la fonction publique s’est ainsi traduite en 2013 par la conclusion d’engagements et de partenariats et la mise en place d’instruments de suivi.

Par démarche intégrée et décloisonnée, il faut entendre la volonté, qui sous-tend l’ensemble des accords conclus en 2013, d’une démarche associant tous les acteurs concernés et mettant en œuvre tous les instruments nécessaires à la lutte contre les discriminations dans tous ses facteurs. Il s’agit notamment de mettre en place des plans touchant tous les niveaux de la société et intégrant la lutte contre les discriminations dans l’ensemble des politiques publiques.

Signé le 8 mars 2013 par l’ensemble des organisations syndicales et les représentants des employeurs des trois fonctions publiques, le protocole participe de cette démarche car il s’applique à l’ensemble des employeurs publics dans les trois versants de la fonction publique. Il comporte quinze mesures articulées autour de quatre axes : le dialogue social en tant qu’élément structurant pour parvenir à l’égalité professionnelle ; une action rendant effective l’égalité entre les femmes et les hommes dans les rémunérations et les parcours professionnels de la fonction publique ; une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle ; la prévention de toutes les violences faites aux agents sur leur lieu de travail et la lutte contre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral.

Parmi ces diverses mesures, plusieurs peuvent retenir l’attention car elles visent à donner des moyens de connaissance des discriminations dont sont victimes les femmes et à agir sur les modalités de leur représentation aux différents échelons de la fonction publique ainsi que dans les instances du dialogue social.

Il en va ainsi des mesures projetées en application de l’axe n° 1 du protocole d'accord du 8 mars 2013 : rendre obligatoire, à chaque niveau pertinent, l’élaboration d’un rapport de situation comparée de l’égalité professionnelle et élaborer des plans d’actions visant à promouvoir l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; engager une réflexion partagée entre les employeurs publics et les organisations syndicales, de même qu’avec les employeurs territoriaux, afin d’atteindre une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des collèges de représentants des personnels dans les instances de dialogue social.

Le protocole comporte également des objectifs relatifs à :

– la lutte contre les inégalités salariales, les discriminations et les stéréotypes ainsi qu’à l’accès aux formations (axe n° 2) ;

– la définition de dispositifs d’organisation du travail visant à une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et la promotion, dans le cadre de toutes les concertations à venir, des dispositifs et des actions visant à une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle (axe n° 3) ;

– la prévention et la prise en charge des violences faites aux agents sur leur lieu de travail (axe n° 4).

Du point de vue de votre rapporteur pour avis, l’établissement d’un rapport de situation comparée constitue une mesure bien venue : elle doit permettre de disposer d’éléments de connaissance sur les conditions d’application du principe d’égalité dans la fonction publique et d’objectiviser les situations de discrimination. Dans cette même optique, il conviendra de veiller à la mise en place effective de la démarche de vérification du caractère non discriminatoire des processus de recrutement, mesure prévue à l’appui de l’axe n° 2.

D’ores et déjà, il convient de remarquer que le protocole a inspiré, depuis sa signature, la prise d’un certain nombre de dispositions de la part des pouvoirs publics.

En premier lieu, la circulaire du 8 juillet 2013 (12) est venue préciser les modalités de mise en œuvre des quinze mesures du protocole d’accord du 8 mars. Elle prévoit notamment :

– la présentation annuelle, par chaque département ministériel, collectivité territoriale et établissement public relevant de la fonction publique hospitalière, d’une communication sur les actions menées dans le cadre du bilan social ;

– une communication annuelle des actions menées au niveau national, dans le cadre du rapport annuel sur l’égalité professionnelle présenté devant le Conseil commun de la fonction publique, communication transmise au Parlement ;

– l’élaboration par les employeurs publics d’un rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des hommes et des femmes : partie intégrante du bilan social mais figurant dans un chapitre distinct, le bilan devra examiner les 27 indicateurs prévus par l’annexe n°1 du protocole d’accord du 8 mars 2013 (13) ;

– l’élaboration dès 2013 de référentiels de formation destinés aux employeurs publics afin de lutter contre les stéréotypes et prévenir les discriminations.

– la réalisation d’un bilan sexué portant sur les candidats (inscrits, présents, admissibles et admis) à l’issue des procédures de recrutement par concours, examens professionnels ou tableau d’avancement et la présentation, devant les commissions administratives paritaires (CAP) et les commissions consultatives paritaires (CCP)

En second lieu, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (14) traduit également les engagements du protocole : en l’occurrence, son article 31 modifie les règles applicables au congé pour maternité ou pour adoption ainsi qu’au congé de paternité et d’accueil de l’enfant de sorte de favoriser l’exercice conjoint de la parentalité au moment de la naissance ou de l’adoption d’un enfant.

Signé le 17 juin 2013 avec le ministère des Droits des femmes, ce protocole porte l’engagement de plusieurs grandes associations d’élus locaux (15) à promouvoir auprès des collectivités adhérentes un certain nombre de principes et d’objectifs relatifs à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Considérant l’égalité entre les deux sexes comme un objectif transversal des politiques publiques locales, le protocole préconise l’établissement de plan d’action pour l’égalité sur le territoire des collectivités ; il les invite à mettre en place des formations à l’égalité entre les hommes et les femmes afin de lutter contre les stéréotypes sexistes. Quoique de portée générale, ces préconisations ont vocation à s’appliquer aux agents publics territoriaux eux-mêmes.

Signé le 2 juillet 2013 entre le ministère des Droits de la femme et le Centre national de la fonction publique territoriale, cet accord-cadre a pour objet l’établissement d’une coopération devant permettre la conception et la mise en œuvre de dispositifs d’information et de formation de nature à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique territoriale.

À cette fin, il prévoit les axes de collaboration suivants :

– organiser le partage d’information sur la thématique de l’égalité entre les hommes et les femmes : le CNFPT s’engage à exploiter les rapports sur l’état des collectivités afin de mesurer statistiquement l’impact des politiques et réformes mises en place ; il publiera tous les deux ans une étude sur la question de l’égalité professionnelle dans la fonction publique territoriale, en apportant un éclairage particulier sur les taux de féminisation dans l’encadrement supérieur et les emplois fonctionnels mais aussi sur la répartition sexuée par métiers, filières et catégories de manière à rendre visible les surreprésentations ; il formalisera le travail de valorisation des initiatives locales en publiant un recueil des bonnes pratiques et en mettant en place des forums spécifiques ou des espaces d’échanges dédiés ;

– développer des actions visant à l’information des employeurs et des agents territoriaux : dans le cadre de ses actions événementielles, le CNFPT s’engage à organiser un temps d’information sur les dispositions des nouveaux textes législatifs ou réglementaires portant sur l’égalité homme-femme et concernant la fonction publique territoriale ;

– désigner les membres des jurys de concours des cadres d’emplois A+ en respectant le principe d’égalité entre les hommes et les femmes : anticipant la mise en œuvre des prescriptions de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (16), le CNPFT s’engage à tout mettre en œuvre afin d’atteindre, dès le 1er janvier 2014, une proportion de 40 % de personnes de chaque sexe dans la composition des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement ou la promotion des fonctionnaires territoriaux ;

– concevoir une offre de formation intégrant la thématique de l’égalité entre les hommes et les femmes : le CNFPT s’engage à élaborer, pour la fin de l’année 2013, une séquence de sensibilisation sur l’égalité homme-femme dans la formation d’intégration des agents territoriaux ; il doit également accompagner le volet formation des plans d’action des employeurs territoriaux et proposer une offre de formation favorisant l’accès et le soutien des femmes dans l’encadrement supérieur.

Signée le 2 décembre 2008 par les ministres chargés de la fonction publique et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE)(17), la Charte constitue encore aujourd’hui un cadre global dans lequel s’inscrit un grand nombre d’actions contribuant à la lutte contre les discriminations.

D’après les éléments recueillis par votre rapporteur pour avis, le texte ainsi rénové de la Charte sera présenté d’ici la fin 2013 dans le cadre de la formation spécialisée « Égalité, mobilité et parcours professionnels » du Conseil commun de la fonction publique, avant d’être signé par la ministre de la Fonction publique, ainsi que par le Défenseur des droits, puis d’être diffusé dans les fonctions publiques. Son application fera l’objet d’un document annuel de suivi et donnera lieu à des plans d’action propres à chaque employeur public. Il est enfin prévu la mise en place d’un espace internet dédié à la Charte sur le portail www.fonction-publique.gouv.fr. Des outils y seront à la disposition des collectivités territoriales.

Ces instruments servent de manière générale à l’évaluation des pratiques et au respect des engagements pris dans la lutte contre les discriminations. Ils contribuent également à une application concrète, sur le terrain, des principes et des objectifs portés par les politiques publiques.

Ces instances procèdent soit des conventions et mesures exposées précédemment relatives à la promotion de l’égalité et à la lutte contre les discriminations, notamment entre les femmes et les hommes, soit de dispositions législatives plus générales. L’année 2013 a vu leur mise en place ou l’intensification de leurs travaux. Il s’agit :

Du Conseil commun de la Fonction publique

Instituée par le décret n° 2012- 148 du 30 janvier 2012, cette instance dispose en son sein d’une formation spécialisée « Égalité, mobilité et parcours professionnels » chargée d’examiner l’ensemble des questions de discrimination. Conformément au protocole d’accord du 8 mars 2013, le rapport annuel sur l’égalité professionnelle est présenté devant le Conseil, lequel devrait examiner le projet de rénovation de la Charte pour la promotion de l’égalité dans la fonction publique.

Du Comité de suivi du protocole sur l’égalité relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes

Le protocole d’accord du 8 mars 2013 prévoit la mise en place d’un comité de suivi composé des signataires de l’accord. Ce comité doit examiner au moins une fois par an la mise en œuvre des mesures prévues par cette convention et le respect du calendrier de leur application. Les premières réunions ont eu lieu en avril et juillet 2013. Ces rendez-vous permettent d’évaluer régulièrement les progrès réalisés depuis la signature de l’accord et de présenter aux signataires les textes découlant du protocole. Ainsi, la circulaire d’application du 8 juillet 2013 a été présentée en comité, ainsi que le projet de décret afférent au rapport annuel « égalité » et le projet de référentiels de formation portant sur l’égalité professionnelle.

Des hauts fonctionnaires à l’égalité des droits auprès de chaque ministre

Mis en place en application de la circulaire du Premier ministre du 23 août 2012, les hauts fonctionnaires à l’égalité ont pour mission d’assurer, auprès de chaque ministre, avec le secrétariat général et les services chargés des ressources humaines de chaque ministère, le suivi des nominations de femmes aux emplois supérieurs. D’après les éléments recueillis par votre rapporteur pour avis, depuis la création de ce réseau, des réunions ont été organisées afin d’identifier les progrès accomplis, d’échanger les bonnes pratiques et de repérer les éventuelles difficultés. Leurs conclusions ne semblent pas devoir conduire à une remise en cause de ces postes mais plutôt à leur intégration à la politique d’égalité entre les hommes et les femmes, par exemple dans le cadre de la formalisation d’un guide méthodologique pour l’élaboration des études d’impact qui accompagnent les projets de loi.

Créé par décret en décembre 2008, le Label Diversité, propriété de l’État, vise à prévenir les discriminations et à promouvoir la diversité, tant dans le secteur public que dans le privé. Cette certification, délivrée par l’association française de normalisation (AFNOR), reconnaît et fait connaître les bonnes pratiques de recrutement et d’évolution professionnelle valorisant la diversité dans la sphère du travail. Elle procède d’une évaluation des dispositifs de gestion des ressources humaines, en examinant l’ensemble des critères de discrimination définis par la loi (18).

Au 1er janvier 2013, 381 entités juridiques avaient reçu ce label parmi lesquelles on trouve de grandes entreprises, des très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), des ministères (ministères économiques et financiers en 2010, ministères sociaux en 2012) des villes et des établissements publics. Les effectifs de ces structures varient de 12 à 279 000 personnes. Au total, 817 000 salariés ou agents sont concernés.

Du point de vue de votre Rapporteur pour avis, cette labellisation apparaît comme une mesure qu’il convient d’encourager au regard de son pouvoir d’incitatif. Ainsi que l’a relevé le rapport remis par notre collègue Vincent Feltesse à la ministre des Droits des femmes (19), les territoires se livrent de manière croissante à une démarche de marketing territorial, laquelle consiste à se distinguer par la valorisation de pratiques plus vertueuses.

Depuis quelques années, on peut observer dans l’ensemble de la fonction publique la multiplication de supports ayant pour objet le recueil des initiatives et des bonnes pratiques en matière de gestion des ressources humaines. Certains de ses documents traitent des questions touchant à l’égalité des droits, à la diversité et à la prévention des discriminations.

Pour la fonction publique de l’État, il existe ainsi un guide des bonnes pratiques qui formalise les éléments recueillis à l’occasion des conférences de gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) organisées par la DGAFP. L’édition 2013 de ce guide met ainsi l’accent sur quelques démarches qui méritent d’être signalées. Il s’agit, par exemple, du guide du recrutement des travailleurs handicapés conçu par le ministère des Affaires sociales, avec l’objectif d’augmenter leur taux d’emploi et de professionnaliser leur recrutement.

Pour la fonction publique territoriale, les initiatives apparaissent assez diverses. D’après les éléments recueillis auprès de la DGCL, les collectivités territoriales tendent à inscrire leurs engagements dans des chartes internes (charte de déontologie, charte des relations au travail, code du recrutement, charte de la mobilité interne, etc.). Ainsi, la Région Bretagne a conçu et adopté une charte d’engagements en interne relative aux discriminations liées au handicap, à l’état de santé, au sexe et à l’orientation sexuelle.

En 2013, le Défenseur des droits a réactualisé le guide « Gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales : prévenir les discriminations et garantir l’égalité ». On citera également la réalisation cette année, à l’attention des cadres territoriaux et équipes de direction des collectivités, d’un guide de bonnes pratiques réalisé par les élèves de l’Institut national des études territoriales (INET) et publié par le CNFPT : « L’égalité professionnelle hommes-femmes : des clés pour agir » (20).

Selon le baromètre 2013 sur la perception des discriminations dans le travail, établi par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail, 29 % des agents de la fonction publique (32 % des femmes et 24 % des hommes) déclarent avoir été victimes de discriminations dans le travail. Les motifs de discriminations invoqués par les agents publics interrogés sont le sexe (26%), la grossesse/maternité (24 %), l’âge (20 %), l’état de santé et le handicap (15 %), l’origine ethnique (14 %) et l’activité syndicale (11 %). Ces chiffres semblent relativement stables par rapport aux statistiques dont faisait votre rapporteur dans le cadre de l’avis budgétaire portant sur le projet de loi de finances pour 2013.

Dès lors, la poursuite de la lutte contre les discriminations dans les trois fonctions publiques exige en effet, non seulement la confirmation de l’effort entrepris mais, au-delà, l’exploration de nouvelles pistes tendant à la mise en œuvre d’instruments de connaissance et d’action informatifs et plus incitatifs, dans la logique des dix propositions déjà formulées par votre rapporteur pour avis en 2012.

D’après les réponses au questionnaire budgétaire, adressé par votre rapporteur pour avis à la ministre de la Fonction publique, au 1er janvier 2011, les employeurs publics comptaient 186 320 agents handicapés dans leurs effectifs (41 % dans la fonction publique territoriale, 33 % dans la fonction publique de l’État, 25 % dans la fonction publique hospitalière). Le taux d’emploi à cette date s’élevait à 4,41 % des pour l’ensemble de la fonction publique, dont 3,34 % pour l’État et 5,10 % pour la fonction publique hospitalière et 5,32 % pour la fonction publique territoriale.

Ces taux demeurent inférieurs à l’obligation d’emploi de personnes handicapées fixée à 6 % de l’effectif total des établissements publics ou privés d’au moins vingt agents (21) alors qu’en vertu de la loi, le handicap ne doit pas être considéré comme un motif permettant d’écarter une personne d’un concours ou d’un emploi de la fonction publique (22). De fait, d’après les réponses au questionnaire budgétaire pour 2014, seul quatre ministères remplissaient ou dépassaient cette prescription en 2012 : les ministères du Travail, de la Défense, des Affaires étrangères et de l’Écologie. Cependant, quelques points positifs peuvent être relevés.

Le premier tient à la poursuite de l’effort des ministères en faveur de l’emploi des personnes atteintes d’un handicap. Cette action ministérielle s’ordonne dans le cadre de plans triennaux de développement et d’insertion (23). Afin de financer ces programmes, la plupart des ministères ont conclu une convention pluriannuelle avec le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) (24). Ainsi, en 2013, les ministères économiques et financiers ont signé une convention complémentaire avec le fonds pour un budget total de 8,9 millions d’euros et le ministère de l’Éducation nationale a signé sa convention pour les années 2013-2016, pour un montant de 44 millions d’euros.

On soulignera cependant que les plans d’action pluriannuel des ministères, qui énoncent des objectifs chiffrés de recrutement de travailleurs handicapés, courent jusqu’en 2013.

Le second fait encourageant réside dans l’action et les modalités de fonctionnement du FIPHFP.

Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2013( 25), votre rapporteur avait mis en lumière les obstacles auxquels pouvaient se heurter les personnes handicapées dans la saisine du Fonds afin de bénéficier de ses financements dans leur poste de travail. La saisine directe de cet organisme, prévue par l’article 13 de loi n° 2011-901 du 28 juillet 2011, n’était pas possible en l’absence d’un décret modifiant le décret n° 2006-501 du 3 mai 2006.

D’après les éléments recueillis par votre rapporteur pour avis, ce décret modificatif serait en cours de rédaction à la DGAFP. Accélérer sa publication constitue d’autant plus une nécessité qu’elle conditionne la réponse à de nombreux besoins encore non satisfaits, malgré la croissance des interventions du FIPHFP. Ainsi, d’après les réponses au questionnaire budgétaire, le montant des dépenses d’intervention de cet organisme en 2012 (hors provision) a connu une augmentation de 47 % par rapport à 2011, atteignant le montant de 126,9 millions d’euros alors que le chiffre des recettes s’élevait à 158,12 millions d’euros.

La création de classes préparatoires intégrées (CPI) répond à l’objectif d’apporter un soutien pédagogique renforcé dans la préparation d’un ou de plusieurs concours externes de la fonction publique à des étudiants de condition modestes, notamment ceux issus des quartiers populaires, ainsi qu’à des demandeurs d’emplois (26). Dans ce dispositif, les élèves reçoivent notamment l’appui d’un tuteur, une aide financière via les allocations pour la diversité dans la fonction publique et des facilités d’hébergement et de restauration, lorsque cela est possible. Depuis 2005, les CPI ont progressivement été rattachées à la majorité des écoles de service public. En 2013, une 28e classe a été ouverte au sein de l’École nationale des techniciens de l’Équipement. Les CPI scolarisent ainsi environ 550 élèves par an.

Même s’il ne remet pas en cause leur bien-fondé, le bilan des CPI appelle à une consolidation de ce dispositif.

D’après les réponses au questionnaire budgétaire, on peut observer :

– une augmentation du nombre de dossiers réceptionnés : 1876 dossiers en 2011/2012 (contre 1752 pour 2010/2011) dont 1624 recevables (contre 1515 en 2010/2011) ;

– la confirmation de l’apparition d’une nouvelle catégorie de bénéficiaires, les élèves CPI sous contrat précaire à hauteur environ de 7 % (8 % en 2011 et 6 % en 2010) ;

– un accroissement sensible de la part des demandeurs d’emploi : environ 47 % (contre 38 % en 2010/2011), celle des étudiants diminuant en conséquence à environ 47 % (contre 54 %), le solde, plus de 6 % correspondant à la part des contrats précaires.

En revanche, on peut déplorer :

– une difficulté croissante, exprimée par les écoles, à cibler les candidats issus des zones urbaines sensibles / contrats urbains de cohésion sociale (ZUS/CUCS), notamment au regard du niveau de la formation initiale des candidats se présentant à la sélection des CPI ;

– une baisse sensible du taux de réussite (56 % en 2010/2011 mais 41 % en 2011/2012) ;

– la relative faiblesse de la prise en charge financière des élèves, eu regard à leur niveau de revenus et à leur origine géographique éloignée le plus souvent du lieu de l’école : 35 % de prise en charge totale (restauration et hébergement) pour 40 % d’élèves des CPI issus d’une région extérieure à celle de l’école.

Dans ces conditions, le versement des allocations diversité joue un rôle essentiel. Attribuées à des étudiants et à des demandeurs d’emplois afin de les aider à préparer les concours de la fonction publique, les allocations représentent 2 000 euros par an et par allocataire. 29 % des allocations sont versées aux élèves des CPI. En 2012/2013, ce sont 1650 bourses qui ont été accordées, pour un coût total de 3,3 millions d’euros. Du point de vue de votre rapporteur pour avis, la stabilisation, sur la période 2013-2015, du nombre de bourses et des crédits de financement de ce dispositif (3,2 millions d’euros assurant l’octroi de 1 600 bourses) apparaît comme relevant d’une exigence minimale.

Ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ni diplôme ou sans avoir obtenu le baccalauréat, le Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État (PACTE) permet un recrutement dans les corps et cadres d’emplois de la catégorie C de la fonction publique, via un contrat de droit public donnant vocation à être titularisé.

Ce dispositif apparaît aujourd’hui en déclin, avec 375 offres de recrutement en 2011 contre 572 offres de recrutement en 2009. Cette évolution tient sans doute aux restrictions de postes qui conduisent les administrations à recourir de manière moindre à des dispositifs d’ouverture sociale. Par ailleurs, le PACTE est concurrencé au même titre que l’apprentissage par le recrutement sans concours en catégorie C. Enfin, l’attractivité du contrat se trouve réduite par le non-renouvellement d’exonérations de cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales.

Rappelons que d’après l’enquête SUMER publiée en 2010, 1,1 % des agents publics interrogés ont déclaré avoir été confrontés, dans leur environnement professionnel, à des propositions à caractère sexuel exprimées de manière insistante (27). D’après les réponses au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur pour avis, pour l’année 2012, trois affaires relatives à des faits de harcèlement sexuel ont été examinées devant la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (contre deux dossiers examinés pour les années 2010 et 2011). On ne recense en revanche aucun dossier de harcèlement moral.

Tirant les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel(28), la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 (29) a rétabli le délit de harcèlement sexuel sur la base d’une nouvelle définition identique dans le code pénal, le code du travail et la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Elle a confirmé l’obligation pour les employeurs de protéger également ses travailleurs contre les agissements constitutifs d’un harcèlement moral.

D’après les informations disponibles, une circulaire doit préciser le cadre juridique propre aux agents publics. Du point de vue de votre rapporteur pour avis, il importe que ce cadre soit explicité le plus rapidement possible de sorte que les agents s’approprient pleinement les dispositions protectrices de la loi et que puissent être déployées les actions de prévention nécessaires à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique de l’État.

À cet égard, on peut relever quelques initiatives prises par les collectivités locales qui pourraient les inspirer :

– la possibilité offerte aux agents du Grand Lyon de saisir le Comité Actions visant à l’égalité sans distinction de race, de religion ou d’origine dans l’emploi et les services (AVERROES), lequel peut déclencher des enquêtes et formuler des préconisations (rappel à l’ordre, sanctions disciplinaires) ;

– la mise en place, par le conseil général du Gard, d’une procédure d’alerte au harcèlement, suivi par une cellule santé, sécurité, souffrances au travail et discriminations.

Ces orientations sous-tendent notamment les propositions formulées par votre rapporteur dans le cadre de l’avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2013 et qui demeurent aujourd’hui tout à fait d’actualité.

Dans son avis sur les crédits du programme n° 148 du projet de loi de finances pour 2013 (30), votre rapporteur avait préconisé d’une part, l’institution d’un observatoire des discriminations dans la fonction publique. Cette proposition garde aujourd’hui toute sa pertinence dans la mesure où l’identification des discriminations demeure imparfaite.

Certes, il apparaît que cette problématique fait l’objet d’un nombre croissant d’études et de travaux statistiques, signe d’une attention nouvelle pour ces enjeux. Outre les outils d’évaluation prévus par les différents protocoles d’accord précités sur l’égalité professionnelle ou les développements des bilans sociaux et des rapports de situation comparée entre les hommes et les femmes (31), il convient également de citer les travaux réalisés par les ministères, les écoles de service public et par le Défenseur des droits.

Ainsi, le Centre d’expertise et de recherche administrative (CERA) de l’ÉNA mène depuis quelques années une étude sur les origines socioprofessionnelles des élèves issus des trois concours d’entrée. Une analyse statistique est notamment conduite en ce qui concerne l’entrée dans cette école des femmes et leurs résultats à l’issue de la scolarité. En janvier 2013, le Défenseur des droits a publié le 6e baromètre de l’organisation international du travail et du Défenseur des droits sur la perception des discriminations au travail par les salariés et les agents publics. En 2012, en collaboration avec le Département des études et des statistiques de la DGAFP, le Défenseur a lancé un appel à projets de recherche sur l’analyse des écarts de rémunérations entre hommes et femmes dans la fonction publique, initiative appuyée par le ministère des Droits des femmes. De même, le ministère travaille au lancement d’un appel à projet en vue de la réalisation d’une étude sur les différences de genre.

Les collectivités territoriales tendent également à développer des instruments de mesure, notamment dans le champ de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que le relève le rapport de notre collègue Vincent Feltesse (32). Ainsi, la Ville de Strasbourg a complété son bilan social en introduisant un critère sexué pour chacune des données produites. Par ailleurs, la Ville travaille à la création d’un observatoire de la situation entre les hommes et les femmes, qui permettra le cas échéant d’identifier des dispositifs susceptibles de favoriser les inégalités.

Cet état des lieux révèle un foisonnement d’initiatives prises mais ne conduit pas à remettre en cause l’idée suivant laquelle les phénomènes de discriminations demeurent assez mal appréhendés ou de manière trop fragmentée. La multiplication des accords et des engagements sur la production de données et d’indicateurs tend en effet à prouver le manque de connaissance globale et précise en certains domaines tels que les discriminations liées au handicap, le harcèlement (sexuel ou moral) ou encore les écarts salariaux.

Or, il faut connaître le mal pour le combattre. C’est pourquoi votre rapporteur pour avis renouvelle sa proposition tendant à instituer un observatoire des discriminations dans la fonction publique. Dans son esprit, cet organisme doit permettre aux pouvoirs publics de disposer d’une expertise globale qui aborde l’ensemble des phénomènes de discrimination de manière aussi précise et approfondi. Il s’agit également d’assurer la production régulière de statistiques accessibles à tous et permettant une évaluation des politiques menées au sein des trois fonctions publiques. Par-delà les éléments de connaissance scientifique, l’observatoire pourrait rassembler les bonnes pratiques dans la même logique que celle du portail internet national des bonnes pratiques prôné par le rapport de Vincent Feltesse (33).

Proposition n° 2 : instituer un observatoire des discriminations dans la fonction publique.

D’autre part, votre rapporteur pour avis estime que la sensibilisation à la problématique des discriminations devrait donner lieu à un volume horaire déterminé dans l’ensemble des formations dispensées aux agents publics.

En réitérant la proposition n° 3 présentée dans son avis budgétaire sur les crédits du projet de loi de finances pour 2013 (34), il n’entend pas ignorer les progrès accomplis marqués cette année par des engagements en matière de formation qui méritent d’être signalés. Ainsi, on relèvera notamment que depuis le comité interministériel de février 2013, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme est chargée de concevoir et de mettre en œuvre, en collaboration avec la DGAFP, des formations pour les agents de la fonction publique de l’État. Par ailleurs, dans le cadre du comité interministériel du handicap, le Gouvernement s’est engagé à la généralisation des formations de sensibilisation au handicap dans la fonction publique. Enfin, dans le cadre de la mise en œuvre de la responsabilité sociale de l’État, les formations organisées par les ministères et les plateformes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines ont pour objet de sensibiliser les personnes jouant un rôle clé dans le recrutement et la carrière des agents : l’encadrement, les membres des jurys, les membres des commissions administratives paritaires (CAP), les gestionnaires des ressources humaines.

Pour donner tout son sens à cette orientation, il importe que soit sanctuarisé un horaire d’enseignement permettant aux agents et aux cadres de la fonction publique de mesurer les enjeux de la lutte contre les discriminations et, si possible, d’acquérir rapidement quelques bonnes pratiques dans le cadre de la formation initiale ou continue. C’est pourquoi votre rapporteur pour avis réaffirme la nécessité de consacrer une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discriminations dans les trois versants de la fonction publique.

Proposition n° 3 : consacrer une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discriminations dans les trois versants de la fonction publique.

Quoique la détermination des modalités de rémunération obéisse à des règles statutaires destinées à garantir l’égalité entre agents publics, on ne peut que constater la persistance d’écarts salariaux qui ne paraissent pas toujours compréhensibles.

Il peut en être ainsi évidemment entre les hommes et les femmes. D’après les données transmises à votre rapporteur pour avis dans le cadre des questionnaires budgétaires, en 2011, la rémunération des agents de sexe masculin était supérieure de 12,1 % à celle des agents de sexe féminin dans la fonction publique territoriale. Dans la fonction publique d’État, cet écart en faveur des hommes atteignait 15,6 % et s’élevait à 28 % dans la fonction publique hospitalière. Certes, on peut voir dans ces chiffres le poids de facteurs aussi essentiels que les postes occupés et le déroulement des carrières dont découle la rémunération perçue.

Les écarts salariaux peuvent aussi naître de la part d’éléments variables dans la rémunération tels que les primes et de la manière dont elles sont réparties. S’agissant par exemple de la prime de fonctions et de résultats (PFR), on notera que parmi les 60 277 agents bénéficiaires en 2012, on compte : plus de femmes que d’hommes (68 % et 32 %) ; plus d’agents de catégorie B (53,5 %) que de catégorie A (46,5 %) ; plus de fonctionnaires âgés de 55 ans et plus (30,5 %).

Dans ces conditions, il importe d’envisager des procédures devant permettre de résorber ou de sanctionner les écarts salariaux injustifiés.

Votre rapporteur pour avis renouvelle ici sa proposition tendant à instituer auprès de chaque employeur public un comité des rémunérations compétent pour engager, le cas échéant une procédure tendant à résorber les écarts salariaux injustifiés (35).

Si la jurisprudence administrative tend à en effet à interdire les pratiques contraires au principe d’égalité entre fonctionnaires, elle n’en laisse pas moins aux employeurs publics une certaine latitude d’appréciation, notamment dans l’attribution de primes.

Ainsi, d’après la jurisprudence du Conseil d’État, le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle à ce que les agents d’un même corps soient traités différemment lorsque cette distinction se fonde sur l’existence de conditions différentes d’exercice de leurs fonctions ou sur un motif d’intérêt général (36). Une prime peut légalement donner lieu à une modulation des montants individuels en fonction de critères tels que les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés aux agents ou à la nature des postes occupés (37). En revanche, l’affection à tel ou tel ministère ne constitue pas un critère suffisant pour justifier d’une différence de barème applicable au sein d’un corps interministériel (38). De même, la seule affectation ne peut justifier une différence de traitement des fonctionnaires appartenant à un même corps (39, sauf s’il en va de l’intérêt général (40)

C’est pour dissiper les incertitudes qui peuvent entourer l’application de cette jurisprudence que votre rapporteur pour avis préconise la création auprès de chaque employeur public de comités des rémunérations. Formés à la fois de fonctionnaires des corps concernés et de personnalités qualifiées extérieures, spécialisés par filières de métiers, ils examineraient annuellement la situation de chaque agent. Si un traitement discriminatoire était caractérisé, ces instances pourraient adresser à l’autorité hiérarchique de référence des propositions de nature à respecter le principe d’égalité de traitement entre les agents.

Cette proposition revient à prendre exemple sur le dispositif des comités des rémunérations mis en place pour l’attribution de l’indemnité de performance en faveur des secrétaires généraux et des directeurs d’administrations centrales, en application du décret n° 2006-1019 du 11 août 2006 (41).

Proposition n° 4 : instituer auprès de chaque employeur public un comité des rémunérations compétent pour engager, le cas échéant, une procédure tendant à résorber les écarts salariaux injustifiés.

L’action de groupe se définit comme une voie ouverte par la procédure civile, permettant à un ou plusieurs requérant(s) d’exercer, au nom d’une catégorie de personnes une action en justice.

Après de nombreuses hésitations, liées aux inquiétudes quant aux modalités de rémunération des avocats et le risque d’une judiciarisation de la vie économique et sociale, la France s’apprête à adopter ce mode de règlement contentieux dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la consommation (42). Ce texte ouvre la possibilité d’une action de groupe, intentée par des actions de consommateurs, en réparation du préjudice matériel, subi par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire.

La détermination d’un préjudice commun liée à des discriminations et des parties à l’action peut paraître problématique dans le cadre statutaire de la fonction publique, encore qu’existent des séries de contentieux traités comme telles par les juridictions administratives. L’intérêt d’une action de groupe dans ce domaine réside, du point de vue de votre rapporteur pour avis, dans la possibilité donnée aux agents publics de mieux défendre leurs droits de manière collective.

Ainsi que l’ont relevé certains représentants des organisations syndicales qu’il a auditionnés dans le cadre de l’élaboration du présent avis, certains agents peuvent éprouver des réticences à intenter, seuls, une action devant la justice administrative (43). Il en va notamment ainsi dans les cas de discrimination. Par ailleurs, la perspective de lourds dommages et intérêts pourrait également inciter à la prévention des discriminations.

Proposition n° 5 : instituer une procédure d’action de groupe pour la réparation des préjudices causés par des faits de discrimination au bénéfice des agents de la fonction publique.

Outre les écarts salariaux, les discriminations dont peuvent être victimes les femmes au sein des trois fonctions publiques se perçoivent au travers de leur place parmi les agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements de santé. Ainsi, d’après les statistiques au 31 décembre 2011, la part des postes d’encadrement occupés par des femmes s’élevait à seulement 25 % au sein de la fonction publique d’État, contre 34 % au sein de la fonction publique territoriale et 45 % dans la fonction publique hospitalière. Ces taux ne correspondent en rien à la place majoritaire qu’occupaient les femmes : 60,6 % du total des agents des trois fonctions publiques ; 77,3 % des agents de la fonction publique hospitalière, 61 % de la fonction publique territoriale et 53,6 % de la fonction publique de l’État.

Or, l’accès des femmes à des postes de direction peut, en effet, favoriser une évolution des représentations et des attentes au terme de laquelle, par exemplarité, les fonctionnaires ne se trouveraient plus cantonnées à certaines responsabilités ou à certaines tâches.

Dans cette optique, il importe d’amplifier les premiers résultats enregistrés dans la mise en œuvre de la loi du 12 mars 2012 et de mettre en place des instruments plus incitatifs.

L’article 56 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (44) fixe l’obligation de réaliser, suivant un calendrier courant jusqu’en 2017, la nomination d’un pourcentage déterminé (20 % en 2013, 30 % en 2015 et 40 % en 2017) de personnes de chaque sexe dans des emplois d’encadrement supérieur des trois fonctions publiques. Il s’agit en l’espèce : des emplois supérieurs à la disposition du Gouvernement et des autres emplois de direction de l'État ; des emplois de direction des régions, des départements ainsi que des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de plus de 80 000 habitants ; des emplois de direction de la fonction publique hospitalière. Le respect de cette obligation s’apprécie au titre de chaque année civile ou, en l’absence de nomination devant intervenir dans cette période, sur un cycle de cinq nominations. La loi prévoit des sanctions financières si les objectifs n’étaient pas respectés, soit une contribution de : 30 000 euros par nomination manquante en 2013 et 2014, 60 000 euros pour les nominations prononcées au titre des années 2015 à 2017, 90 000 euros au-delà.

D’après les éléments recueillis auprès du ministère des Droits de la femme (45), les premières données disponibles sur les conditions d’entrée en vigueur de la loi se révèlent très encourageantes : on recenserait en effet 33 % de primo nominations de personnes de chaque sexe aux postes de cadres dirigeants et aux emplois de direction de l’État contre 27 % avant l’entrée en vigueur de la loi. Entre janvier et août 2013, 17 ambassadeurs ont été nommés dont 7 femmes (soit 44 % des nominations) ; sur les 21 nominations de préfets en poste territorial, on compte 5 femmes (soit 22 % des nominations) ; sur 6 recteurs nommés, 3 sont des femmes. On rappellera pour mémoire qu’en 2002, on recensait 4 rectrices pour 26 recteurs, 7 préfètes pour 117 préfets, 11 ambassadrices pour 152 ambassadeurs et 21 directrices d’administration centrale pour 161 directeurs. (46)

Dans cette perspective, il peut être relevé que le Gouvernement a décidé de proposer au Parlement une accélération de la mise en œuvre de l’obligation consacrée par la loi du 12 mars 2012. En l’occurrence, l’article 29 du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (47) avance d’une année, pour les employeurs des trois fonctions publiques, l’échéance prévue par ce texte.

Du point de vue de votre Rapporteur pour avis, l’accélération du calendrier d’entrée en vigueur de la loi du 12 mars 2012 ne doit pas conduire à un relâchement de la mobilisation engagée. Au contraire, il importe de maintenir la vigilance des pouvoirs publics et de dissuader les nominations contraires à l’objectif de parité.

Maintenir la vigilance des pouvoirs publics

Dans son rapport pour avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur avait souligné la nécessité de garantir la plus grande publicité aux résultats obtenus dans la mise en œuvre de la loi du 12 mars 2012 (48).

Certes, en application de l’article 50 de ce texte, le Gouvernement doit présenter annuellement, devant le Conseil commun de la fonction publique, un rapport sur les mesures prises aux fins d’assurer l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes qui est transmis au Parlement.

Cependant, par principe, il convient que Parlement soit en mesure d’assurer pleinement sa mission d’évaluation des politiques publiques et de contrôle de l’application de la loi en étant saisi directement d’un état des lieux des mesures adoptées et des résultats obtenus. Or, la politique conduite dans les trois fonctions publiques importe tout particulièrement alors qu’en application de l’article 34 de la Constitution, le Parlement fixe les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ». Aussi votre rapporteur pour avis renouvelle-t-il la proposition n° 4 du rapport pour avis établi en 2012 sur les crédits du projet de loi de finances pour 2013.

Proposition n° 6 : transmettre chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat le bilan détaillé de la mise en œuvre du dispositif de nomination d’un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques.

Dissuader les nominations contraires à l’objectif de représentation équilibrée de chaque sexe

La remise en cause de la régularité d’une nomination représente à l’évidence un instrument coercitif à manier avec précaution mais qui porte en lui-même une incitation puissante à respecter la loi.

Tel que modifié par la loi précitée du 12 mars 2012, l’article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983 (49) ne prévoit pas la nullité des nominations prononcées en violation des prescriptions relatives aux nominations équilibrées de personnes de chaque sexe. Dans le rapport pour avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2013 (50), votre rapporteur pour avis s’était demandé dans quelle mesure un principe général du droit pourrait habiliter le juge administratif, en l’absence d’une disposition législative expresse, de prononcer l’annulation d’une nomination ne permettant pas de respecter la proportion fixée par la loi entre personnes de chaque sexe.

Cette question demeure aujourd’hui sans véritable réponse. D’une part, on ne saurait totalement négliger l’importance du principe d’égalité de traitement entre les agents publics et l’interprétation du principe d’égal accès aux emplois publics. Mais, d’autre part, il pourrait être déduit de l’absence de disposition relative à la nullité des nominations intervenues en violation de l’article 6 quater de la loi précitée du 13 du 13 juillet 1983 que le législateur n’entendait pas conférer un tel pouvoir au juge administratif. On notera, en revanche, que d’autres dispositifs destinés à promouvoir des nominations équilibrées entre personnes de chaque sexe prévoient la nullité des nominations irrégulières. Tel est le cas de l’article 6 de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011, dite « loi Copé-Zimmerman » (51) qui porte sur la présence des femmes dans les conseils d’administration des sociétés privées ;

Avant d’envisager la modification de l’article 6 quater de la loi du 13 juillet 1983 afin de prévoir expressément la nullité des nominations intervenues en violation de ces prescriptions – modification à laquelle il se déclare favorable en l’absence de tout autre moyen – votre rapporteur pour avis estime qu’il conviendrait de consulter la plus haute juridiction administrative. Cette consultation permettrait de déterminer si une modification de la loi est nécessaire et concevable dans le cadre de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Proposition n° 7 : Saisir le Conseil d’État à la demande du Premier ministre afin d’obtenir un avis sur la possibilité pour le juge administratif, en dehors de toute disposition législative expresse, de prononcer l’annulation de nominations ne respectant pas l’objectif d’une représentation équilibrée de chaque sexe.

À l’occasion de la table ronde organisée le 17 septembre 2013, les représentants des organisations syndicales entendues par votre Rapporteur se sont félicités de la reprise d’un véritable dialogue social au sein des trois fonctions publiques.

De fait, dans le cadre de l’Agenda 2012/2013, la politique de concertation menée par le Gouvernement a permis de lancer des concertations sur de nombreux thèmes. Pour sa part, votre rapporteur pour avis tient à mettre en exergue les concertations ayant pour objet :

– les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations : entre octobre et décembre 2012, une dizaine de réunions a permis de dresser avec les organisations syndicales un bilan de l’évolution globale des rémunérations, rémunérations indiciaires, du régime indemnitaire et des politiques catégorielles mais également des sujets statutaires liés à la mobilité et aux parcours de carrière (fusion de corps, mobilité) ; ces concertations ont également permis de dresser un constat partagé quant à la nécessité d’engager une réforme structurelle de l’architecture statutaire de la fonction publique ; ce constat a conduit le Premier ministre, en mai 2013, à confier à M. Bernard Pêcheur, conseiller d’État, la rédaction d’un rapport sur ces sujets dont la publication était prévue pour le mois d’octobre 2013 ;

– l’action sociale : préparé par plusieurs réunions tenues en 2012, ce cycle a été lancé le 25 avril 2013 ; deux groupes de travail devraient se tenir d’ici à la fin de l’année pour présenter le cadrage général d’évolution de l’organisation et du budget de l’action sociale ;

– la formation professionnelle tout au long de la vie : deux réunions se sont tenues en février et avril 2013 avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs publics ; elles ont permis de dresser le bilan qualitatif et quantitatif des réformes intervenues en 2007 et d’étudier trois propositions : faire de la formation professionnelle un sujet de dialogue social, en améliorer l’accès pour les agents et développer leurs qualifications.

Le 26 septembre 2013, la ministre de la Fonction publique a exposé le contenu des concertations devant être engagées dans le cadre de l’Agenda 2013/2014.

Parmi ces thèmes, peut évidemment retenir l’attention l’annonce d’une concertation sur la diversité dans la fonction publique. Cette concertation se déroulerait sur trois axes : la diversité des recrutements ; la prise en compte du handicap, tant au stade des recrutements que dans le cadre du déroulement des carrières ; le rôle de l’apprentissage, afin de contribuer à l’insertion des jeunes sur le marché du travail.

Du point de vue de votre rapporteur pour avis, il convient de mettre l’accent par le dialogue social sur d’autres sujets qui, directement ou indirectement, touchent à la lutte contre les discriminations.

Le développement du télétravail 

Le développement de cette modalité d’organisation du travail à distance peut en effet favoriser une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, conciliation difficile à organiser et qui peut être la cause de discriminations pour certaines catégories d’agents et, notamment les femmes. Le télétravail peut également être source d’augmentation du pouvoir d’achat en permettant de dégager des économies sur le trajet domicile-travail et en constituant une alternative au recours au temps partiel.

Le télétravail s’organise dans un cadre fixé, s’agissant de la fonction publique, par la loi précitée n° 2012-347 du 12 mars 2012. Le recours à ce procédé exige le respect des principes de volontariat de l’agent, de réversibilité (possibilité de revenir à son ancienne organisation du travail) et d’égalité de traitement entre télétravailleurs et agents exerçant leurs fonctions sur site.

Aujourd’hui, le télétravail ne concerne que 1 % de l’effectif de la fonction publique, bien que certaines collectivités territoriales développent cette modalité d’organisation du travail, à l’exemple du département du Lot. Le Gouvernement a exprimé le souhait de conduire une concertation avec les organisations syndicales représentatives avant publication d’un décret en Conseil d’État qui déterminera les conditions et les modalités de mise en œuvre du télétravail. Votre rapporteur pour avis soutient cette initiative.

La prise en charge de la pénibilité, notamment en fin de carrière

Au début de l’année 2014, devrait s’engager la négociation d’un protocole d’accord sur la gestion des âges. Cette négociation vise à la prise en compte des différentes étapes de la vie professionnelle, de développement des compétences et de l’accompagnement jusqu’à la fin de la carrière.

Cette dernière question prend d’autant plus d’acuité que la réforme des retraites entreprise en octobre 2013 (52) prévoit l’augmentation de la durée de cotisation nécessaire à l’obtention d’une pension à taux plein dans les trois fonctions publiques. En revanche, en l’état de son examen, le texte ne prévoit de compte de prévention de la pénibilité pour les agents publics.

Aussi votre rapporteur pour avis a accueilli avec d’autant plus d’intérêt la proposition formulée par Mme Nadine Barbier, responsable du pôle Ressources humaines hospitalières de la Fédération hospitalière de France (53). Cette proposition consiste à permettre aux personnels particulièrement exposés aux risques de pénibilité (par exemple, les catégories actives dans la fonction publique hospitalière) à utiliser les comptes-épargne temps afin de permettre une transition vers des postes « allégés » (tutorat ou cadre). Du point de vue de votre rapporteur pour avis, cette proposition devrait être examinée devant le Conseil commun de la fonction publique et contribuer à prévenir les cas de discriminations dont peuvent souffrir les agents publics âgés.

De manière plus générale, il apparaît pertinent que la lutte contre les discriminations, dans les trois fonctions publiques, devienne l’un des thèmes abordés de manière systématique dans le cadre des concertations menées annuellement avec les organisations syndicales représentatives, ainsi que le prévoit le protocole d’accord précité du 8 mars 2013.

Proposition n° 8 : Consacrer la lutte contre les discriminations comme l’un des thèmes systématiquement abordés au cours des concertations annuelles organisées entre le Gouvernement et les organisations représentatives.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 4 novembre 2013, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances et de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Nous sommes heureux d’accueillir M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, et Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, pour l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Provisions », « Régimes sociaux et de retraite », et des comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et « Pensions ».

M. Jean-Frédéric Poisson, président. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Urvoas, retenu par ailleurs.

Madame la ministre, nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir, puisque c’est aujourd’hui que M. Bernard Pêcheur, président de la section de l’administration au Conseil d’État, remet au Gouvernement son rapport sur l’évolution de la fonction publique.

Mme Karine Berger, rapporteure spéciale pour les crédits de la stratégie des finances publiques et de la modernisation de l’État, ainsi que pour la conduite et le pilotage des politiques économique et financière. Je me suis particulièrement penchée cette année sur la capacité de pilotage des finances publiques par les administrations qui en ont la charge, dont les budgets sont établis par les programmes 218 et 221. Ces administrations seront garantes du résultat de l’effort de 15 milliards d’euros sur la trajectoire de dépenses publiques inscrit dans le projet de loi de finances initiale pour 2014.

L’emballement de la dette publique française depuis 2009, et les nouvelles contraintes juridiques découlant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, notamment le Six-Pack et le Two-Pack, bouleversent l’exigence de pilotage des dépenses publiques et de stratégie du solde des administrations publiques. De fait, la stratégie des finances publiques et de modernisation de l’État revêt une dimension politique nouvelle. La représentation nationale est désormais amenée à voter sur des grandeurs macro-économiques dites « toutes administrations publiques » – toutes APU –, que ce soit lors du projet de loi de finances initiale (PLF) ou lors de l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle. Elle se prononce également sur des notions nouvelles, comme celle de « solde structurel » qui fait l’objet de l’article liminaire du PLF pour 2014.

Le pilotage des dépenses publiques « sous norme » donne des résultats probants même si certaines questions se posent.

Depuis 2011, les objectifs de dépense « toutes APU » sont globalement respectés.

La capacité de l’État à réguler la dépense est réelle s’agissant de la dépense du budget général et de celle de l’assurance maladie, notamment en raison des moyens juridiques dont il dispose pour agir. Cette capacité s’est réalisée essentiellement dans une logique de pilotage « sous norme ».

La capacité de l’État à piloter la dépense des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale gérés par les partenaires sociaux est limitée. Il s’ensuit qu’une dépense représentant de l’ordre de 30 % du total de la dépense publique – soit environ 360 milliards d’euros en 2014 – échappe au contrôle des pouvoirs publics qui doivent néanmoins en rendre compte dans le cadre de nos engagements européens « toutes APU ».

Le pilotage se réalise « sous norme ». Ces normes sont construites en référence à une évolution tendancielle de la dépense publique dont l’évaluation doit être rendue plus transparente, notamment à l’égard de la représentation nationale. Monsieur le ministre, pourrons-nous disposer à l’avenir d’éléments relatifs au chiffrage de cette évolution tendancielle ?

Il est vrai que le respect des engagements pris par le Gouvernement devant la représentation nationale et devant ses partenaires européens ne tient pas uniquement à l’efficacité de l’action de l’exécutif, mais également à des éléments qui lui échappent. Comment les intégrer alors qu’ils ne sont pas pilotés « sous norme » ?

J’ai également constaté que le pilotage de la dépense de l’État « sous norme » provoque certains effets pervers, notamment des tentatives répétées de contournement de la norme – dont le rapport de l’inspection générale des finances de 2012 fait largement état –, et la relégation partielle de la démarche de performance. Comment réconcilier à l’avenir pilotage « sous norme » et performance des politiques publiques ?

Le pilotage du solde structurel « toutes APU », sur lequel la représentation nationale a pour la première fois été amenée à voter, est essentiel. L’évolution du solde structurel ne dépend que partiellement des décisions prises par les pouvoirs publics. Le calcul du solde structurel est, en effet, fondé sur une hypothèse conventionnelle d’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance, qui, si elle n’est pas vérifiée, conduit à des variations importantes du solde structurel. Il serait souhaitable de disposer d’éléments précis sur ces hypothèses conventionnelles d’élasticité des recettes.

Les moyens traditionnels de pilotage des finances publiques ne sont pas adaptés aux caractéristiques du solde structurel. Il a été impossible d’évaluer le pilotage des dépenses structurelles qui ne se recoupent pas avec les dépenses tendancielles. Pourra-t-on nous fournir à l’avenir des éléments détaillés sur les « dépenses structurelles » ? Monsieur le président de la commission des finances, ne pourrions-nous pas réfléchir à la création d’une mission parlementaire sur cette notion ?

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial pour les crédits de la politique immobilière de l’État et le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». La politique immobilière de l’État, instaurée en 2005, a permis d’effectuer des progrès considérables dans la gestion du patrimoine immobilier de l’État et de ses opérateurs. Cependant, depuis quelques années, le mouvement semble s’être interrompu.

Au printemps 2013, le Conseil immobilier de l’État (CIE) que je préside a formulé cinquante propositions pour relancer cette indispensable politique immobilière et rationaliser en la matière la gestion des biens de l’État et des opérateurs. Nous avons notamment insisté sur la nécessaire professionnalisation des services chargés de l’immobilier, notamment de France Domaine, qui se heurtent trop souvent à des ministères ayant des réflexes de quasi-propriétaires. Nous avons aussi proposé la création d’un établissement public de gestion et d’une société foncière, capables de gérer des actifs dans un marché immobilier devenu complexe. L’État doit impérativement se doter d’instruments nouveaux pour gagner en performance et en réactivité.

En mai 2013, lors de la venue de M. de ministre délégué chargé du budget, et donc du domaine, devant le CIE, la nécessité de donner un nouvel élan à la politique immobilière de l’État a été soulignée, notamment à travers la mutualisation des dépenses. Le CIE invoquait quant à lui la mutualisation des recettes du compte d’affectation spéciale. Il manque des ministères pour contribuer à l’abondement des fonds et à une mutualisation qui permettrait de réduire le déficit de l’État. Monsieur le ministre, qu’en est-il aujourd’hui ? Pensez-vous que les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR), placés sous la responsabilité du préfet de région, pourront enfin permettre d’assurer une cohérence régionale entre les différents schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) départementaux ?

Par ailleurs, la mutualisation des dépenses de gros entretien, à travers le programme 309, semble connaître une baisse de ses crédits en 2014 alors même que les besoins demeurent immenses et qu’un entretien régulier des bâtiments constituerait une source d’économies à long terme – grâce, par exemple, à des économies d’énergie. Pouvez-vous commenter l’évolution de ce programme ?

Après de multiples appels d’historiens et d’associations de sauvegarde du patrimoine, il y a urgence à légiférer sur la protection du patrimoine historique pour éviter un appauvrissement culturel et symbolique de l’État. En 2011, le rapport de la commission de la culture du Sénat avait préconisé d’appliquer à ce patrimoine monumental un « principe de précaution », idée qui avait donné lieu au dépôt d’une proposition de loi. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, elle prévoyait notamment l’instauration d’un Haut Conseil du patrimoine monumental, chargé d’émettre un avis sur les cessions des biens classés. Ces épisodes n’ont pas été suivis d’effets. Quelle sera sur ce sujet la position du ministre délégué chargé du budget dont l’administration a la tutelle de France Domaine et gère la politique de cession ?

Monsieur le ministre, je me permets de vous suggérer d’apporter une réponse rapide au problème de la future utilisation de l’Hôtel de la Marine après le départ de l’état-major de la marine. Des fonds avaient, semble-t-il, été réservés, et de grands projets étaient à l’étude, mais, aujourd’hui, c’est le silence radio. Que deviendront le 36 quai des Orfèvres et l’immeuble qui abrite le tribunal de grande instance de Paris après le départ de leurs occupants actuels vers les Batignolles ? Une partie des bâtiments continuerait d’être occupée par la hiérarchie, dit la rumeur. Si un nouveau site est ouvert, il serait logique que l’ensemble des personnels y soit transféré.

Nous connaissons d’ores et déjà des contre-exemples en matière de cohérence et de bonne gestion. Ainsi le ministère de l’agriculture a abandonné la recentralisation des services qui devait concerner ses terrains à Picpus. Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, annonce qu’elle compte y installer Censier-Sorbonne nouvelle. Je n’ai rien contre l’idée de maintenir une université au cœur de Paris, mais est-il bien raisonnable de lancer un tel projet alors qu’aucun « bleu de Matignon » n’en fait état, que le terrain en question a un propriétaire et qu’il est occupé par l’Office national des forêts ? Si nous voulons faire des économies, la gestion de l’immobilier de l’État nécessite plus de rigueur et de cohérence !

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial pour les crédits de la fonction publique et de la mission « Provisions ». Le contenu du programme « Fonction publique » est, en fait, limité à deux actions à dimension interministérielle : l’une relative à la formation des fonctionnaires de l’État – avec en particulier l’École nationale d’administration (ENA) et les cinq instituts régionaux d’administration (IRA) –, et l’autre à l’action sociale.

La dotation de la mission « Provisions » vise à couvrir les surcoûts exceptionnels liés à la survenance d’aléas qui peuvent être, par exemple, climatiques ou sanitaires.

Le programme 148 « Fonction publique » prend sa part de l’effort consenti en faveur du redressement des finances publiques : 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement représentent une baisse de 6 % par rapport aux crédits de 2013, et 206 millions d’euros en crédits de paiement marquent un recul de 5,2 %. L’essentiel de cet effort repose sur l’action « Action sociale interministérielle » et non sur l’action « Formation des fonctionnaires ». Les dotations aux écoles interministérielles de service public s’élèvent en effet à près de 79 millions d’euros en 2014, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à 2013, alors que les crédits pour l’action sociale interministérielle diminuent de plus de 11 % pour les autorisations d’engagements d’un montant de 119,8 millions d’euros, et de 9,7 % pour les crédits de paiement d’un montant de 125,2 millions.

Les prestations servies dans le cadre de l’action sociale interministérielle sont individuelles ou collectives. La baisse des crédits concerne principalement deux actions individuelles : la première tranche de l’aide versée pour la garde d’enfant sous forme de chèque emploi service universel (CESU) est supprimée pour les cadres supérieurs ; les 4,8 millions d’euros de crédits consacrés en 2013 à l’aide à l’installation des personnels de l’État sont supprimés. Je m’interroge sur l’opportunité de ce dernier choix : or on sait que les postes de fonctionnaires de catégorie C sont particulièrement difficiles à pourvoir dans les grandes villes ; or cette aide se montait à environ 1 500 euros pour ces agents.

Au-delà de l’étude des crédits, je constate que le Gouvernement mène, dans la concertation, une ambitieuse politique pour la fonction publique malgré l’étroitesse des marges de manœuvre budgétaires. J’ai reçu l’ensemble des organisations syndicales : elles m’ont toutes confirmé que le dialogue social s’améliore par rapport aux cinq années de révision générale des politiques publiques (RGPP). L’agenda social s’est concrétisé par de nombreuses réunions thématiques de concertation et de négociation avec les partenaires sociaux. Les thèmes abordés couvrent l’essentiel des sujets concernant la fonction publique, comme l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes – un protocole d’accord a été signé sur le sujet –, les parcours professionnels, la déontologie, les conditions de vie au travail, les droits syndicaux, la déprécarisation de l’emploi public ou encore la mobilité ou la formation professionnelle.

Dans le cadre de la stratégie de redressement des comptes publics, l’objectif de stabilisation de la masse salariale passe par la stabilisation des effectifs et par l’encadrement des rémunérations. En 2014, 13 158 postes seront supprimés en compensation des postes créés dans les administrations dites « prioritaires ». Le point d’indice sera à nouveau gelé, mais une revalorisation indiciaire permettra aux agents de catégorie C de bénéficier d’un gain mensuel moyen brut sur la période 2014-2016 de 46 euros pour ceux qui sont le moins bien payés, et de 22 euros pour ceux qui sont le mieux rémunérés.

Madame la ministre, quel est le sort des personnels de l’État mis à disposition des collectivités locales et qui reviennent dans le giron de l’État ? Combien sont-ils précisément ? Il n’existe aucune donnée sur le devenir des fonctionnaires d’État réintégrés à l’État, par exemple ceux qui géraient les permis de construire. Le risque de doublons existe ; il serait absurde qu’une réforme coûte plus cher à la fois aux collectivités locales et à l’État !

Malgré votre volonté manifeste, pourquoi l’apprentissage est-il si peu développé dans la fonction publique où l’on ne compte que 9 200 apprentis pour 5,2 millions d’agents ?

Dans le cadre de mes auditions, j’ai rencontré la directrice de l’ENA qui est confrontée à d’énormes difficultés pour féminiser les promotions d’élèves de son école. Le taux de féminisation est actuellement équivalent à celui des années quatre-vingt ! Comptez-vous inclure cette dimension dans le contrat d’objectifs de l’ENA ?

La réforme des retraites, dont j’étais le rapporteur pour l’Assemblée, a mis en œuvre des avancées sociales considérables, notamment en matière de pénibilité. Comment le Gouvernement compte-t-il transposer, pour les fonctionnaires, les dispositions applicables aux salariés du privé ?

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial pour les crédits de la gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local, ainsi que pour la facilitation et la sécurisation des échanges. Le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local », qui comprend les crédits consacrés à la direction générale des finances publiques (DGFiP), et le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », qui comprend les crédits dédiés à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), représentent environ 87 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Ces programmes ne sont pas prioritaires pour le Gouvernement. Ils doivent donc consentir des efforts, notamment en ce qui concerne les réductions des effectifs, afin de contribuer à la stabilisation du nombre des agents de l’État, et de participer à la stabilisation en valeur des dépenses. Ainsi, le plafond d’autorisation d’emplois pour la DGFiP s’élèvera, en 2014, à 111 990 équivalents temps plein travaillé (ETPT) : le présent projet de loi de finances pour 2014 est construit, pour la DGFiP, sur un volume de suppression de 1 988 équivalents temps plein. Le plafond d’autorisation d’emplois de la DGDDI s’élèvera en 2014 à 16 662 ETPT, soit une baisse de 208 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Pour 2014, l’enveloppe de crédits de personnels accordée aux deux directions s’inscrit en conséquence dans une logique similaire à celle qui prévalait avec la RGPP, soit un objectif de maîtrise des dépenses publiques. La sémantique change, mais les objectifs restent bien les mêmes !

J’appelle votre attention sur les « projets stratégiques » en cours d’élaboration dans ces deux importantes directions en réseau du ministère de l’économie et des finances. En effet, l’une et l’autre travaillent actuellement sur des feuilles de route pour la période 2014-2018, qui devraient permettre de dessiner l’avenir de ces deux administrations. Néanmoins, les premiers retours de la « démarche stratégique » entreprise par la DGFiP m’ont laissé quelque peu sceptique, si ce n’est inquiet, ce processus n’ayant de stratégique que le nom. J’espère que les premiers résultats de la démarche similaire entamée par la DGDDI, qui devraient être présentés très prochainement, seront plus probants.

En effet, à l’heure où les réductions de moyens humains et financiers se poursuivent pour la DGDDI et la DGFiP – ils apparaissent comme indispensables dans le contexte budgétaire contraint actuel –, cette dernière entend, à la suite de sa « démarche stratégique », maintenir en l’état son réseau et l’ensemble du spectre de ses missions : elle affirme même vouloir les conforter, voire en renforcer certaines, notamment celles ayant trait à la lutte contre la fraude fiscale. Or, il me semble particulièrement difficile, voire illusoire, de vouloir maintenir l’ensemble des missions, ainsi que le réseau de ces deux administrations, sans engager de véritables et courageuses réformes structurelles.

Monsieur le ministre, ces « projets stratégiques » étant mis en œuvre sous votre autorité, pourriez-vous m’indiquer de quelle manière des programmes non prioritaires peuvent maintenir en l’état leurs réseaux et leurs missions, voire en renforcer certaines ? N’est-il pas temps de lancer les réformes structurelles qui s’imposent et qui permettraient de repenser et de sanctuariser le cœur de métier de ces deux administrations régaliennes ?

Concernant plus spécifiquement la DGDDI, comment peut-on être assuré du maintien des capacités opérationnelles des services douaniers alors même que les crédits liés à l’investissement sont d’année en année sous-exécutés comme le relevait dernièrement la Cour des comptes ? La douane a d’ailleurs dû renoncer récemment au renouvellement de deux vedettes garde-côtes.

La lutte contre les contrefaçons a connu une baisse importante de ses résultats en raison d’une jurisprudence européenne empêchant les services douaniers d’intervenir sur les flux en transit : l’arrêt Nokia-Philips de la Cour de justice de l’Union européenne du 1er décembre 2011.La contrefaçon portant une atteinte grave au droit de propriété intellectuelle et constituant une menace pour les consommateurs, il paraît indispensable de faire évoluer le cadre juridique européen. De quelle manière les autorités françaises comptent-elles agir au niveau européen pour débloquer cette situation ?

Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaitais vous interroger sur l’impact de la suspension de l’écotaxe poids lourds pour les services des douanes. Cent trente agents de la DGDDI ont été affectés par vagues successives depuis le 4 mars dernier à la gestion de cette écotaxe. L’évaluation du budget nécessaire au bon fonctionnement des services concernés a nécessité en 2013 des crédits de paiement pour un montant total de 22,19 millions d’euros. Le Gouvernement ayant repoussé la mise en œuvre effective de ce dispositif, ces agents se trouvent actuellement dans la plus grande incertitude. Que vont-ils devenir ? À quelles missions vont-ils être affectés dans l’attente d’une éventuelle mise en place de l’écotaxe ?

Par ailleurs, pouvez-vous indiquer avec précision le niveau des pénalités qui pourraient être supportées par l’État au profit du prestataire privé Écomouv’ en raison du retard dans la mise en œuvre effective de l’écotaxe ? Quelles pénalités seraient dues en cas d’abandon de l’écotaxe ? Le dispositif avait pris du retard, notamment en octobre dernier, du fait du prestataire privé qui n’était pas « techniquement » prêt ; ce dernier a-t-il dédommagé l’État ? À quelle hauteur ? Si tel n’a pas été le cas, pourriez-vous nous en préciser les raisons, ainsi que le montant des pénalités qui auraient pu être effectivement versées à l’État ?

Pour conclure, je remercie vos services, pour leur disponibilité et l’ensemble des réponses qu’ils ont pu m’apporter au cours de mes travaux.

M. Yves Censi, rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d’affectation spéciale « Pensions ». En 2014, les crédits demandés pour le financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux s’élèvent à 62,8 milliards d’euros, soit près de 22 % des dépenses inscrites au budget général. Il s’agit donc d’un enjeu considérable pour les finances publiques, à rapprocher du montant de la masse salariale de l’État – 81 milliards. Au 31 décembre 2012, les engagements de retraite des fonctionnaires civils de l’État et des militaires se situaient à environ 1 498 milliards d’euros – près de 74 % du PIB.

Ni le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires ni les régimes spéciaux n’échappent à la réforme des retraites en cours d’examen au Parlement. Ces catégories seront donc touchées par les mesures générales destinées à garantir l’avenir des retraites – hausse de cotisations et augmentation progressive de la durée d’assurance. En outre, la date de revalorisation des pensions en fonction de l’inflation sera décalée du 1er avril au 1er octobre 2014.

Un compte d’affectation spéciale (CAS) a pour objet d’isoler certaines recettes et dépenses du budget de l’État qui, en raison de leur nature, doivent faire l’objet d’une comptabilisation particulière. Il constitue donc une exception au principe de non-affectation qui interdit d’assigner une recette à une dépense. Le CAS « Pensions » permet de centraliser et de présenter de façon synthétique l’ensemble des crédits que l’État consacre au service des pensions et des allocations viagères. Les autorisations d’engagement et crédits de paiement demandés pour 2014 s’élèvent à 57,25 milliards d’euros, en progression de 0,87 % par rapport à 2013.

Le compte se compose de trois programmes : le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité », le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l’État » et le programme 743 « Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».

En 2014, les dépenses au titre du programme 741 – qui regroupe à lui seul 92 % des dépenses inscrites dans le CAS – représenteront 52,3 milliards d’euros, en hausse de 1,7 % par rapport à 2013. Fait notable, les taux de contribution employeurs n’ont pas augmenté cette année, pour la première fois depuis la création du CAS en 2006. Ils seront donc identiques à ceux de l’an dernier : 74,28 % pour les fonctionnaires civils et 126,07 % pour les militaires. Enfin, le taux de cotisation salariale passe de 8,66 % en 2012 à 8,76 % pour 2013, conformément aux dispositions de la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010. L’augmentation du taux de la retenue pour pension des fonctionnaires de 0,06 point, qui fait suite à l’actuelle réforme des retraites, a été prise en compte dans l’équilibre du CAS « Pensions » pour 2014. D’ici 2017, il est prévu que le taux de cotisation salariale augmente de 0,3 point, comme pour le régime des salariés de droit privé. Notons que les économies générées par la réforme de 2010, estimées à 1,32 milliard d’euros en 2014, seront considérables.

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » – qui regroupe des crédits concourant à financer des régimes spéciaux de retraite structurellement déficitaires ou des dispositifs de cessation d’activité – s’élèvent à 6,53 milliards d’euros pour 2014, un montant équivalent à celui de la loi de finances pour 2013. Notons que l’inflation, surestimée à 1,75 %, s’est en réalité élevée à 0,8 % seulement, ce qui représente une économie de 400 millions d’euros.

La mission comporte trois programmes de volume inégal. Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » – essentiellement constitué des subventions d’équilibre aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP – est doté de 4,1 milliards d’euros, montant pour le moins considérable. Comme l’an dernier, lors de la présentation de cette mission en tant que rapporteur spécial, je reprends le rapport de la Cour des comptes de septembre 2012 sur les réformes des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, qui déplore que les différentes réformes de ces régimes se caractérisent davantage par leur aspect symbolique – quelle qu’en soit l’importance pour l’avenir – que par leur contribution à l’équilibre des finances publiques. Espérons qu’il n’en sera pas de même pour les réformes à venir.

Le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » – qui retrace principalement la subvention d’équilibre de l’État pour les charges de retraite – est doté de 829 millions d’euros pour 2014, montant en baisse de 1,2 % par rapport à 2013. Il convient de noter que l’Établissement national des invalides de la marine – ENIM – a fait l’objet d’une profonde réorganisation qui a conduit à une réelle maîtrise des frais de gestion.

Enfin, le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », qui bénéficie de 1 514 millions d’euros, regroupe les participations de l’État à différents régimes de retraite en voie d’extinction. La plus importante d’entre elles s’adresse à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), ce régime se caractérisant par un déséquilibre extrême entre cotisants et pensionnés. Les autres régimes concernés sont ceux de la Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), de l’imprimerie nationale, des régies ferroviaires d’outre-mer et de l’Office de radiodiffusion et de télévision française (ORTF).

Dans son rapport de l’an dernier relatif aux deux réformes de la RATP et de la SNCF, la Cour des comptes affirmait que l’impact des mesures de compensation accordées à la suite de l’augmentation de la durée de cotisation sur la structure d’emploi de ces entreprises amenait à anticiper un bilan financier global négatif pour la présente décennie et très légèrement positif pour les vingt ans à venir. En effet, ces mesures se sont traduites par une accélération très forte des carrières et des fins de carrière. Comment se fait-il que le contribuable dont l’âge de départ et la durée de cotisation ont été augmentés sans compensations subventionne des régimes de retraite pour lesquels des efforts moins importants ont été demandés ? On pouvait penser que, à la SNCF, la pénibilité du travail justifiait de telles compensations ; or l’espérance de vie des cheminots est identique, sinon supérieure, à celle de la population générale.

Les taux de contribution de l’État employeur n’ont pas augmenté cette année, pour la première fois depuis 2006. Comment expliquer cette stabilité, alors que les dépenses de pensions civiles et militaires continuent de progresser ?

Qu’en est-il du projet d’infliger des pénalités aux ministères qui ne verseraient pas à temps leurs subventions, comme cela se pratique dans le secteur privé vis-à-vis des employeurs retardataires ?

La mission « Régimes sociaux et de retraite » n’intègre pas l’ensemble des crédits engagés par l’État pour le financement des régimes de retraite, ignorant ceux de l’Opéra ou de la Comédie française. Pourquoi le périmètre de la mission ne représente-t-il pas l’ensemble des régimes spéciaux ?

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les crédits relatifs à la fonction publique. Les crédits du programme 148 « Fonction publique » – 200,85 millions d’euros en autorisation d’engagement et 206,29 millions en crédits de paiement –, destinés à la formation des fonctionnaires et à l’action sociale interministérielle, correspondent aux priorités définies par les pouvoirs publics, participant d’une politique de gestion active de la fonction publique dans un contexte budgétaire contraint.

Tous les acteurs sociaux se sont félicités de la qualité du dialogue désormais établi avec le ministère. Mais la politique conduite au sein des trois fonctions publiques ne saurait se réduire à des considérations strictement financières ; aussi faut-il se pencher sur le problème des discriminations. L’État et la fonction publique se doivent d’être exemplaires ; or, d’après le baromètre 2013 sur la perception des discriminations dans le travail, établi par le Défenseur des droits, 29 % des agents de la fonction publique déclarent en avoir été victimes. Les motifs de discriminations invoqués par les agents interrogés sont le sexe – 26 % –, la grossesse et la maternité – 24 % –, l’âge – 20 % –, l’état de santé et le handicap – 15 % –, l’origine ethnique – 14 % – et l’activité syndicale – 11 %. Ces chiffres, relativement stables année après année, ne peuvent que nous interpeller. L’enjeu apparaît d’autant plus essentiel qu’il met en lumière les défis que, à l’instar de la société française, la fonction publique doit relever : le renouvellement des rapports et des conditions de travail, l’égalité professionnelle entre les sexes et l’intégration de la diversité.

Dans l’avis que je soumettrai à l’approbation de la commission des lois, je me suis attaché à établir un premier bilan. Celui-ci met en lumière la mobilisation dont les personnes publiques ont fait preuve en 2013, notamment dans l’application des dispositions de la loi du 12 mars 2012 en matière de nominations équilibrées entre les sexes. Les engagements prometteurs – tels que le protocole d’accord du 8 mars 2013 relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique – doivent également être salués. En 2000, onze ambassadeurs sur 152 – soit 7 % seulement – étaient des femmes ; en 2013, sur les treize conseillers des affaires étrangères promus ministres plénipotentiaires, six – soit 40 % – sont des femmes. Passer de 7 % à 40 % représente un beau succès, dont je félicite le Gouvernement. Néanmoins, il me semble que nous pourrions amplifier cet effort en envisageant la mise en place de nouveaux instruments et de nouvelles politiques. Je souhaiterais donc connaître votre avis sur plusieurs propositions, dont certaines ont déjà été formulées dans l’avis budgétaire de la commission des lois relatif aux crédits du projet de loi de finances pour 2013.

Pour commencer, il est indispensable d’instituer un observatoire des discriminations dans la fonction publique, car nous manquons d’un audit de la situation.

Une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires devrait être consacrée à l’apprentissage de la gestion des situations de discrimination dans les trois versants de la fonction publique.

Il faut instituer auprès de chaque employeur public un comité des rémunérations compétent pour engager, le cas échéant, une procédure tendant à résorber les écarts salariaux injustifiés, sur le modèle de ce qui existe dans de nombreuses grandes entreprises.

Prévoir une procédure d’action de groupe pour la réparation des préjudices causés par des faits de discrimination au bénéfice des agents de la fonction publique serait également un progrès. En effet, à parcours égal, la différence de rémunération entre un homme et une femme en fin de carrière atteint 18,6 %.

Chaque année, l’Assemblée nationale et le Sénat doivent recevoir le bilan détaillé de la mise en œuvre du dispositif de nomination d’un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques.

Les hauts responsables du Conseil d’État m’ont suggéré d’instaurer le droit de saisir cette institution à la demande du Premier ministre afin d’obtenir un avis sur la possibilité, pour le juge administratif, en dehors de toute disposition législative expresse, de prononcer l’annulation des nominations qui ne respecteraient pas l’objectif d’une représentation équilibrée de chaque sexe. Cette proposition me semble indispensable, et j’en ai fait part à Mme la ministre des droits des femmes. Dans les cas où le Conseil d’État ne rendrait pas d’avis favorable, il faudrait modifier la loi.

Enfin, la lutte contre les discriminations doit être consacrée comme l’un des thèmes à aborder systématiquement au cours des concertations annuelles entre le Gouvernement et les organisations représentatives.

De grands efforts ont été accomplis ; mais nous devons en faire bien d’autres. Il est notamment indispensable d’atteindre d’abord le seuil des 40 % des femmes, puis la véritable parité, dans la haute fonction publique. Malgré les progrès réalisés, beaucoup d’obstacles restent à franchir avant d’arriver à cette égalité qui représente le fondement même de l’action politique que la gauche mène au sein du Gouvernement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Tourret, la longue négociation en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes a abouti, le 8 mars dernier, à la signature – à l’unanimité des organisations syndicales – d’un deuxième accord. De grands progrès ont été accomplis : ainsi, nous avons réussi cette année à dépasser le pourcentage de nominations féminines fixé par la réforme Sauvadet. Cependant, beaucoup reste à faire, notamment en matière de différences de rémunération que vous avez évoquées. Nous avons également signé un accord sur l’amélioration de la qualité de vie au travail, qui aborde, entre autres, le problème du harcèlement. Ces deux accords devraient nous permettre de progresser beaucoup plus vite. Les pénalités prévues par la loi en cas de non-respect des quotas constituent toujours un échec ; aussi l’ensemble des ministres doivent-ils travailler à la constitution de viviers de recrutement qui devraient faciliter les nominations féminines.

La possibilité de saisir le Conseil d’État afin d’annuler une nomination en cas de non-respect des quotas – question que je porterai à l’arbitrage – me paraît difficile, mais non exclue. Il n’est pas certain que les organisations syndicales assument ce type de recours. Nous pourrions transmettre à la fois aux syndicats et aux parlementaires notre rapport annuel, d’ores et déjà arrêté, afin de partager les éléments d’analyse exposés lors du conseil commun de la fonction publique.

En revanche, le respect de l’autonomie des collectivités locales faisant désormais partie de la loi fondamentale, toutes les propositions doivent être soumises au collège des employeurs publics. Néanmoins, cette difficulté ne nous empêchera pas de prendre en compte votre recommandation.

S’agissant des nominations dans la haute fonction publique, le Président de la République et le Premier ministre ont formulé une exigence de féminisation ; le cap est ainsi maintenu.

Dans les collectivités publiques – comme dans le privé ou dans la fonction publique hospitalière –, beaucoup de femmes ne se sentent pas autorisées à entrer dans les carrières techniques. En conséquence, les postes les plus intéressants se retrouvent occupés à 99, voire à 100 % par des hommes. C’est au niveau de la formation et de l’apprentissage qu’il faut agir ; en effet, à l’échelle de l’État comme à celle des collectivités territoriales, la volonté de réformes se heurte au problème du respect du statut de la fonction publique, donc du principe de recrutement par concours ou par jury. Dans ce dernier cas – qui concerne les catégories C –, les jurys doivent considérer l’ensemble des candidatures ; mais le fait de bénéficier de l’apprentissage place bien souvent la personne en position privilégiée pour être embauchée. À l’inverse, si l’on n’est pas pris en apprentissage, on a peu de chances d’être recruté, et l’on subit ainsi une double peine. Cette situation – que déplorent les syndicats – constitue un problème majeur qu’il nous faudra régler. Nous avons commencé à y travailler avec l’Association des maires de France (AMF), et quelques collectivités se déclarent prêtes à faire l’expérimentation de l’apprentissage sans embauche assurée. En effet, il faut absolument sauvegarder le principe soit du jury, soit du concours pour tout recrutement dans la fonction publique. En revanche, nous avons réglé l’essentiel des questions relatives aux maîtres de stage.

Monsieur Terrasse, en matière de suppression des missions d’ingénierie publique – en particulier pour les permis de construire –, les transferts toucheront 5 000 agents du ministère de l’écologie, dont le pourcentage de féminisation mérite d’ailleurs d’être salué. Nous devons gérer ces sureffectifs avec les ministres concernés. Parmi les solutions possibles, on envisage des mutations vers d’autres services où des postes sont disponibles. Cette option pose cependant le problème de la gestion interministérielle des départements, tâche qui devrait revenir aux directions départementales interministérielles (DDI) ; mais ce type de lecture globale de la situation dans chaque territoire – que le rapport Pêcheur devrait nous aider à concevoir – fait encore défaut. Lors du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) de juillet 2013, le Premier ministre a proposé de doter les préfets de région d’un véritable rôle interministériel leur permettant notamment de réguler les effectifs des différents ministères. À côté de la mutation vers d’autres services, on peut imaginer le détachement dans la fonction publique territoriale, qui permettrait d’éviter les doublons. En effet, afin d’éviter à l’agent de perdre les avantages acquis durant sa carrière, l’État s’engage à compenser la différence d’indemnités, si celle-ci est en sa faveur, et de cotisations de pension. À condition de ne plus recruter, par la suite, de fonctionnaires chargés de ces questions, cette solution représente une voie d’extinction positive sous tous rapports, y compris du point de vue du budget de l’État.

S’agissant des retraites et du problème de la pénibilité, le Premier ministre a dès le départ choisi d’emprunter des chemins différents pour le privé et pour le public, car ce dernier présente déjà une partition en catégories actives – la police, la gendarmerie, les militaires, les agents de services hospitaliers, les éboueurs et les égoutiers – et les catégories sédentaires. La pénibilité y était donc dès l’origine prise en compte. Nous ne comptons pas y revenir ; en revanche, il nous faudra mener un travail avec les organisations syndicales, dans le cadre du dialogue social, pour affiner ces catégories. En effet, dans des secteurs considérés comme pénibles, certains agents ont la chance d’effectuer un travail administratif – fait qui nous est souvent reproché. Au contraire, certains personnels aujourd’hui inscrits dans la catégorie sédentaire, par exemple au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui relèvent des conseils généraux, exercent en réalité des métiers aussi pénibles que ceux qui, dans le secteur privé, ouvriront désormais droit au compte pénibilité. Les recoupements entre les catégories active et sédentaire doivent nous conduire à documenter cette question très finement.

Grâce au renforcement du suivi des agents, nous avons tenu à construire une cartographie plus précise des professions pénibles qui ont fait fuir les femmes. Les horaires décalés, comme ceux des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) employés au sein des haltes-garderies, constituent un réel motif de pénibilité. Ces problèmes doivent être traités davantage en termes de prévention qu’en termes de droit à réparation immédiate. Comme dans le secteur privé, nous souffrons de la faiblesse de la médecine de prévention – particulièrement cruciale lorsqu’il s’agit de penser les reconversions. Nous devrons travailler avec Marisol Touraine à mettre en place des passerelles avec la médecine publique, y compris hospitalière, qui permettraient de développer ce domaine d’action.

Je vous fournirai les chiffres concernant les apprentis.

Le contrat d’objectifs et de performance de l’ENA signé en 2013 pour la période 2013-2015 prévoit d’accroître la féminisation des élèves grâce à des partenariats avec les instituts d’études politiques et les universités. Quant aux crédits de l’ENA, ils couvrent tant la scolarité des élèves français que l’accueil des élèves étrangers. Malgré les demandes de réduction des effectifs de ces derniers, nous tenons à maintenir, voire à développer cette action extérieure, car les personnes auxquelles nous offrons des stages ou des formations à l’ENA font aussi la force de la France. Nous avons récemment signé des accords avec l’Algérie et la Tunisie ; d’autres existent depuis longtemps avec le Maroc et plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, ainsi que la Palestine. Nous devrons également faciliter les déplacements internationaux de nos propres élèves.

Enfin, en matière d’action de groupe, les syndicats – comme tout un chacun – peuvent déjà saisir le juge ; mais, s’il faut travailler plus avant sur cette question, nous le ferons avec enthousiasme.

M. Jean-Frédéric Poisson, président. Nous regrettons que Mme la ministre chargée de la fonction publique ne puisse assister jusqu’au bout à nos travaux – d’autant qu’elle quitte le vice-président Poisson pour se faire remettre un rapport par M. Pêcheur ! (Sourires.)

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Permettez-moi de commencer par féliciter tous les rapporteurs pour la qualité de leur travail et la précision de leurs observations.

Mme Berger a constaté les évolutions profondes de la gouvernance des finances publiques introduites par le Gouvernement : l’article liminaire « toutes administrations publiques », le vote sur un solde structurel, la validation de l’ensemble par le nouveau Haut Conseil des finances publiques. Celui-ci a noté que nos hypothèses de croissance étaient plausibles. La prévision de l’INSEE pour 2013, plus proche de 0,2 % que de 0,1 %, montre qu’elles ont été à tout le moins prudentes et, si un acquis de croissance devait se confirmer, elles le seraient également pour 2014. Je ne serais pas fâché d’être le premier ministre des finances à faire des prévisions de croissance plus prudentes que les réalisations, rompant ainsi avec les attitudes inconséquentes du passé. Il est vrai, cependant, que tout repose sur les performances de l’économie française.

Monsieur Censi, je ne serais aucunement gêné qu’on établisse un palmarès des dépenses « sous norme » : compte tenu du solde structurel initial très dégradé, la gestion des finances publiques s’avère une rude tâche. Ces dépenses « sous norme » concernent les dépenses de l’État, comme l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, soit environ 700 milliards d’euros. Nous veillerons à éviter tout détournement de la norme, notamment en tenant compte des observations de la Cour des comptes.

Les dépenses locales ne font pas, aujourd’hui, l’objet d’une norme, ce qui constitue un « trou dans la raquette », pour parler comme un de mes collègues de Bercy. Le Président de la République vient de confier une mission sur ce sujet à Alain Lambert et à Martin Malvy. Nous devons progresser en concertation avec les collectivités territoriales, tout en respectant le principe de libre administration.

Les dépenses tendancielles désignent l’évolution spontanée de la dépense, comme l’effet des indexations prévues dans les marchés publics ou le glissement vieillesse-technicité (GVT) pour la masse salariale. Sans être une notion comptable, elles fournissent un repère pour calculer les efforts budgétaires réalisés. Je ne vois aucune objection à vous fournir des précisions sur les méthodes de calcul de la direction du budget.

Je tiens à rassurer M. Dumont : Bernard Cazeneuve et moi-même sommes très attachés à la modernisation de la politique immobilière de l’État. Le rapport de très grande qualité du Conseil de l’immobilier de l’État a fort utilement alimenté la réflexion à cet égard. L’essentiel de ses propositions forme un ensemble qui pourrait constituer une politique immobilière mature. Bernard Cazeneuve s’est d’ailleurs largement appuyé sur ces propositions pour exposer les priorités de la politique immobilière de l’État devant le CIE, le 15 mai dernier.

Dorénavant, l’immobilier sera un véritable vecteur de politique publique, notamment avec le chantier prioritaire de la mobilisation du foncier public en faveur du logement, qui était une demande très forte du Président de la République. La refondation des outils de la stratégie immobilière sera assurée grâce à la nouvelle génération de schémas directeurs immobiliers à l’échelon régional, dits SDIR, qui assureront une cohérence entre les schémas départementaux. L’amélioration du système d’information de la politique immobilière de l’État est également un chantier de modernisation auquel M. Dumont est très attaché. Des décisions ont d’ores et déjà été prises en partenariat avec l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) pour la mise à disposition d’un outil de programmation immobilière.

Enfin, il faut élargir la politique immobilière de l’État, notamment aux opérateurs. La mise en place des SDIR y contribuera. Une trentaine d’opérateurs à fort enjeu immobilier feront l’objet d’un accompagnement renforcé, en partenariat avec les tutelles techniques et budgétaires, pour suivre l’évolution des schémas et la prise en compte des réserves formulées par France Domaine et le CIE.

Le Gouvernement n’approuve pas toutes les propositions du CIE. Il considère notamment que les limites actuelles de la politique immobilière de l’État incitent à maintenir France Domaine sous l’autorité claire et directe du ministère des finances plutôt qu’à lancer le service dans une autonomisation qui risquerait d’être coûteuse et exigerait la création d’un réseau distinct de celui de la DGFiP. En outre, elle serait périlleuse sur les plans politique et administratif puisque le service nouveau ne pourrait compter que sur sa propre légitimité et non plus sur celle du ministre qui a l’habitude de faire valoir les intérêts de l’État propriétaire face aux occupants. C’est là un débat que nous poursuivrons. En revanche, la nécessité de professionnaliser la fonction immobilière est une évidence.

Comme l’ensemble des programmes du budget de l’État, hors missions prioritaires, le programme 309 participe à l’effort de rétablissement des comptes publics. La baisse du niveau des crédits proposée dans le PLF pour 2014 est toutefois soutenable et affectera peu le niveau de ressources disponibles. Par ailleurs, le responsable de programme a pris des dispositions pour favoriser une optimisation des crédits. Je confirme que, conformément à vos recommandations, priorité est donnée à l’entretien régulier des bâtiments, qui est une source d’économies à long terme.

S’agissant du patrimoine culturel, en écho à une proposition de loi de 2011, un texte, déposé en février 2013 par les sénateurs Férat, Legendre et Morin-Desailly, vise à favoriser le transfert du patrimoine culturel de l’État aux collectivités territoriales et à créer un Haut Conseil du patrimoine monumental pour sécuriser la procédure. Mon ministère ne peut qu’être attentif à toute proposition renforçant la protection des intérêts patrimoniaux de l’État. Toutefois, là encore, la création d’un Haut Conseil du patrimoine monumental ne va pas de soi. Il n’est pas certain que l’attribution de compétences à un troisième acteur, en plus des deux ministères du budget et de la culture, soit la piste la plus opportune du point de vue de l’affirmation de l’État propriétaire unique. De cela aussi, nous aurons l’occasion de reparler. Par ailleurs, le ministère de la culture travaille actuellement, en lien avec France Domaine, à un projet de loi sur les patrimoines.

L’Hôtel de la Marine est un lieu singulier à la fois par son emplacement et par son histoire. Propriété de l’État depuis 1789, il accueille le ministère de la marine et l’état-major de la marine. En septembre 2013, la commission sur l’avenir de l’Hôtel de la Marine, présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing, a recommandé le maintien du bâtiment dans la sphère publique et l’ouverture au public d’une partie des espaces du monument historique. Pour dessiner le projet de reconversion, le Gouvernement est guidé par les grands principes suivants : veiller à la garantie de la qualité patrimoniale et culturelle de cet ensemble immobilier exceptionnel ; respecter l’équilibre économique de l’opération en veillant à la préservation des intérêts patrimoniaux et financiers de l’État. La décision sur l’avenir du site doit intervenir dans les délais compatibles avec le calendrier d’installation de l’état-major de la marine à Balard en 2015. Le ministère du budget et celui de la culture, en lien avec la défense, travaillent actuellement à la finalisation d’un projet de reconversion qui impliquera très vraisemblablement la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci travaille sur le sujet depuis dix-huit mois. Le Gouvernement sera très attentif à la position du Parlement sur ce dossier emblématique.

Ce sont des motifs budgétaires qui ont incité le Gouvernement à ne pas poursuivre l’opération dite « Picpus » de regroupement immobilier des services centraux du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Ce regroupement avait été lancé par le précédent gouvernement et se trouvait dans une impasse de financement de l’ordre de 27 millions d’euros. Il reposait, de surcroît, sur une contribution de l’Office national des forêts représentant le tiers du coût du projet. Or ce prélèvement était incompatible avec l’équilibre d’exploitation de l’office. D’ailleurs, le CIE avait émis des réserves expresses sur l’équilibre financier de l’opération. Plutôt que d’analyser son arrêt comme une perte de 28 millions d’euros, voyons surtout qu’il permet de ne pas placer l’État devant une impasse de financement à court terme, donc de préserver l’intérêt des finances publiques. Diverses options de reconversion du site de Picpus sont envisagées : poursuite du projet par le maître d’ouvrage délégué pour y reloger une autre administration ; vente du terrain avec permis de construire purgé, en raison du caractère irréaliste que présentaient les incertitudes juridiques et l’opportunité de vendre un permis de construire pour des bureaux au regard de la priorité accordée au logement et aux emprises universitaires ; transfert du site à la SOVAFIM ; relogement de l’université Paris III-Sorbonne nouvelle, option qui permet de maintenir le site dans le patrimoine de l’État. C’est cette dernière option qui a été retenue, car le site de Picpus permet de réunir la totalité des implantations universitaires de Paris III sur un campus urbain de 36 000 mètres carrés dans Paris intra-muros. En outre, elle est apparue comme une solution opérationnelle et rapide, après des années de statu quo, au problème du bâtiment très dégradé sur le site de Censier, dont les matériaux amiantés rendent l’entretien difficile et coûteux.

Le principe de la conservation dans le patrimoine de l’État du 36 quai des Orfèvres est acquis parce qu’il est indissociable du reste de l’île de la Cité. Aucune affectation n’est aujourd’hui arrêtée, le déménagement aux Batignolles n’étant prévu qu’au printemps 2017. Notre réflexion intègre différents aspects, tels que le relogement, le regroupement prioritaire des services de la préfecture de police aujourd’hui dispersés, la recherche de synergies et d’économies d’échelle avec les services judiciaires qui, eux, demeurent logés sur l’île de la Cité dans des conditions onéreuses, notamment la Cour de cassation.

Permettez-moi de vous contredire, monsieur de Rocca Serra : le programme de modernisation de la DGFiP comme de la DGDDI est une priorité, et le Gouvernement entend bien le mener avec ambition. C’est bien parce qu’il y a des économies qu’il y a des projets stratégiques, eux-mêmes porteurs des réformes structurelles que vous appelez. Ceux qui réclament toujours plus d’économies ne peuvent pas, au moment où nous les faisons, nous reprocher de les accompagner d’une modernisation très ambitieuse. J’ai récemment réuni le comité technique ministériel, je connais le climat au sein du ministère des finances qui fait des efforts exceptionnels, avec 2 564 emplois rendus cette année. Il estime devoir être exemplaire, ni plus ni moins que les autres, à sa place. Dans ce contexte, nous tenons à ce que les missions soient effectuées dans des conditions optimales, ce qui doit s’accompagner d’un vigoureux effort de modernisation. C’est la seule façon de faire accepter l’effort par les agents et de le rendre perceptible par le public.

Le très ambitieux projet stratégique de la DGFiP a été approuvé définitivement au cours du mois de septembre dernier, à l’issue d’une réflexion de plus de neuf mois, encadrée par une démarche très structurée et largement concertée, pilotée par le directeur général. Il s’inscrit dans le cadre général de la modernisation de l’action publique, dont j’ai souhaité qu’elle se traduise par une réflexion stratégique dans chacune des directions du ministère – DGFiP, douanes, réseau international du Trésor, DGCCRF, INSEE. Une fois achevée la fusion des réseaux de la DGI et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) en 2012, un nouveau cap devait être fixé à cette grande administration.

Une nouvelle phase consiste aujourd’hui à conforter la DGFiP dans un périmètre stabilisé en maintenant toutes ses missions, avec l’objectif majeur d’en faire une administration numérique de référence au service de l’ensemble des usagers, mais aussi de réaliser les gains de productivité indispensables dans un contexte budgétaire exigeant. Cela nécessite d’amplifier la dimension « ressources humaines », tant il est vrai que les quelque 115 000 agents de la DGFiP, dont la compétence et le dévouement sont très largement reconnus, représentent un capital formidable. Cela passe par un effort marqué d’amélioration des conditions de travail, de formation, d’accompagnement, d’évolution des modes de management. Enfin, la DGFiP restera une grande administration territoriale, avec un réseau dense. Les directions départementales constitueront, comme aujourd’hui, l’ossature de son organisation ; les implantations locales connaîtront des évolutions modérées, il y aura quelques créations et les procédures de concertation locales mises en place de longue date seront maintenues.

Pour ce qui est du projet stratégique de la direction générale des douanes, les principes sont les mêmes, mais avec un calendrier très légèrement décalé. Un premier document d’orientation a été présenté avant l’été. Le projet définitif sera finalisé dans le mois qui vient, après une nouvelle consultation des organisations syndicales prévue le 15 novembre prochain. C’est, là aussi, le résultat d’un travail de longue haleine qui a été engagé au mois de décembre dernier.

La douane exerce ses missions dans un contexte très évolutif. D’abord, en matière de droit communautaire, le nouveau code des douanes de l’Union entrera progressivement en vigueur d’ici à 2016. Ensuite, les opérateurs du commerce international jouent de plus en plus de la concurrence entre les différentes plates-formes portuaires et aéroportuaires européennes. Les trafics et les formes de fraude évoluent également, tant géographiquement que technologiquement. À chacun de mes déplacements sur le terrain, je rends hommage aux agents confrontés à des fraudeurs dont l’imagination est de plus en plus pernicieuse et les compétences de plus en plus technologiques. Il faut donner à nos services les moyens de se maintenir dans cette course à l’armement. Cet ensemble de facteurs impose des évolutions d’organisation profondes, notamment dans le métier du dédouanement de la fiscalité et, dans une moindre mesure, pour les unités de surveillance de la douane.

Le projet vise à donner de la visibilité sur cinq ans à l’ensemble des agents des douanes, en confortant l’ensemble de leurs missions. Il intègre leur administration dans des chantiers incontournables, largement partagés par la DGFiP : simplification ; dématérialisation des procédures ; développement de mesures en faveur de l’attractivité de nos ports et aéroports, et de la compétitivité des entreprises ; adaptation de l’organisation ; développement de nouveaux outils de contrôle avec, là encore, un très important volet de ressources humaines, prioritaire à mes yeux. Nos agents de ces administrations financières sont très attachés à leur administration et à leur mission, et leur excellence fait la fierté du ministère des finances. Le réseau territorial de la douane devra évoluer, mais de façon progressive, concertée au niveau local, en tenant compte des particularités du territoire.

En matière de lutte contre la contrefaçon, l’arrêt Nokia-Philips du 1er décembre 2011 réduit considérablement les possibilités d’interception par les douanes européennes de marchandises tierces en transit. De ce fait, les interceptions ont chuté en France de 48 %, moins toutefois que dans l’ensemble de l’Union européenne où elles ont diminué de 65 % – c’est dire si la douane française est mobilisée. Nous œuvrons à la modification du droit européen en faisant un travail de soutien de nos priorités auprès de la Commission. Dans un premier temps, au mois de juin 2013, le règlement n° 1383/2003 de procédure a été modifié dans un sens satisfaisant pour nous parce qu’il préserve les capacités d’intervention des douanes et ouvre la voie à la modification du droit matériel de la propriété intellectuelle. Dans un second temps, nous agissons, dans le cadre de la négociation en cours, sur le paquet Marques, afin que l’interprétation restrictive de l’arrêt Nokia-Philips soit effacée ou rectifiée.

Le traitement de la taxe poids lourds a été confié à la direction générale des douanes, certaines tâches entièrement nouvelles étant déléguées au prestataire Écomouv’. La DGDI a bénéficié de 350 emplois dédiés – 300 en 2013, 50 en 2014 –, qui se répartissent en deux catégories. Cent quarante agents sont affectés au centre national de gestion de la taxe poids lourds implanté à Metz, en compensation de la restructuration de la carte militaire. J’en profite pour rappeler que j’ai annoncé, il y a deux semaines, la création d’un centre statistique de l’INSEE employant 400 personnes à Metz. À l’heure actuelle, 130 agents sont présents sur le site et mobilisés jusqu’à la fin de l’année par les tâches de préparation de l’entrée en vigueur de la taxe. Compte tenu du report annoncé par le Gouvernement et en fonction de sa durée – qui n’est pas encore connue –, la direction des douanes va engager une réflexion pour confier à ces agents, à titre temporaire, des tâches de soutien au profit d’autres unités de la douane. Par ailleurs, 210 agents seront affectés en renfort dans les unités de surveillance pour effectuer le contrôle des redevables de la taxe. Ces agents ne sont pas spécialisés, ce sont des polyvalents qui peuvent être redéployés sur d’autres missions de lutte contre la fraude. Le report de l’entrée en vigueur de la taxe aura donc peu de conséquences concrètes. Les représentants des personnels m’ont déjà interpellé ; ils seront tenus informés de l’évolution de la situation dans les jours qui viennent.

Écomouv’ est un sujet passionnant. Je note que ce contrat a été critiqué avec force par certains membres de l’ancienne majorité, notamment M. Xavier Bertrand et Mme Rachida Dati. Pour ma part, je m’en garderai, ne serait-ce que pour observer le devoir d’objectivité que m’impose ma fonction. J’observe aussi que le groupe majoritaire au Sénat a demandé la création d’une commission d’enquête sur le sujet. Pour l’heure, je peux donner les éléments factuels suivants : c’est Écomouv’ qui est en retard et qui n’a pas respecté ses obligations depuis le 20 juillet 2013 : sa responsabilité pourrait théoriquement être engagée à ce titre ; l’État ne doit rien, il a même une créance. Le système de recouvrement devrait être finalisé à la fin du mois de novembre. Sur cette base, et dans l’attente d’autres événements que je ne veux pas ici anticiper, nous mènerons des négociations serrées avec Écomouv’, et nous vérifierons de manière très précise le contrat en vigueur et ses conditions d’attribution, d’abord pour savoir ce qu’il en est vraiment, ensuite pour assurer un coût net minimal.

Monsieur Censi, la réforme des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP de 2008 a permis une plus grande convergence avec les autres régimes de retraite. La mise à la retraite d’office, dès l’ouverture des droits, a été supprimée. Un système de surcote-décote a été mis en place et les règles d’âge et de durée de service ont été modifiées. Ces évolutions se sont accompagnées d’une hausse des taux de cotisation et de l’indexation des pensions sur l’inflation, et non plus sur les rémunérations des deux entreprises. Cette réforme s’est traduite par une modification du comportement des agents, qui partent désormais plus tard à la retraite. À compter de 2020, les effets de la réforme devraient se traduire par un gain net sur le coût des pensions pour les deux entreprises, et donc pour le budget de l’État.

La Cour des comptes a recommandé la mise en place d’un système de pénalités pour les employeurs de fonctionnaires en cas de retard de versement des contributions au compte d’affectation spéciale « Pensions ». Il s’agit d’un dispositif très complexe techniquement, qui s’épure sur deux décrets, dont l’un en Conseil d’État, actuellement en projet. Pour réduire le décalage de trésorerie entre le paiement des pensions et la collecte des recettes, ces projets de décret, en cours d’examen au niveau interministériel, prévoient des majorations de retard afin de contraindre les employeurs à effectuer leurs versements au plus tard à la fin du mois auquel ils se rapportent. En pratique, il est à noter que le retard de paiement des contributions dues au titre des personnels militaires constaté en 2011 ne s’est pas reproduit en 2012 ni sur le début de 2013, grâce à des contacts bilatéraux avec le ministère de la défense et l’attention particulière portée par celui-ci au rythme des versements.

Enfin, le taux de cotisation employeur du régime de la fonction publique d’État est stable entre 2013 et 2014, alors qu’il a fortement augmenté entre 2012 et 2013, passant de 68,59 % à 74,28 %. D’une part, le niveau atteint en 2013 a permis au compte d’affectation spéciale « Pensions » de reconstituer le solde à un niveau optimal, au-dessus de 1 milliard d’euros ; d’autre part, en 2014, les départs en retraite seraient plus faibles qu’en 2013 –  52 500 contre 54 500 en 2013 – , ce qui justifie la stabilité du taux de contribution et devrait permettre de maintenir le solde cumulé du CAS « Pensions » au-dessus de 1 milliard d’euros également.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu sur la partie financière de l’écotaxe. Le Journal du dimanche fait état de sommes importantes que l’État devrait verser : qu’en est-il vraiment ?

M. le président Gilles Carrez. Nous serions très intéressés par les précisions que vous pourriez apporter sur les différents aspects de ce dossier.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Aujourd’hui, l’État ne doit rien à Écomouv’ et pourrait même, je le redis, mettre en cause la responsabilité de cet organisme. Nous en saurons plus à la fin du mois.

Des questions demeurent, notamment sur la responsabilité d’Écomouv’, sur les conditions d’attribution du contrat et sur le loyer trimestriel de 55 millions d’euros. Nous mènerons donc une négociation très serrée pour que le coût net de l’opération soit minimal, voire nul.

M. le président Gilles Carrez. Quand pourrons-nous en savoir plus sur les conséquences financières de la suspension de l’écotaxe pour l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui perd ainsi des ressources sans que ses engagements disparaissent ? J’ai, pour ma part, vraiment regretté la décision du Gouvernement : cette taxe est légitime, et présente un intérêt certain.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. La décision est toute récente : nous y verrons beaucoup plus clair d’ici à la fin de l’année.

Mme Karine Berger, rapporteure spéciale. Vous avez évoqué le déplacement de 400 agents de l’INSEE à Metz. Quels sont les services concernés ? Ces agents apprécieraient certainement que vous leur donniez des informations précises.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Il n’y a aucune personne déplacée, mais seulement des volontaires. Je me suis rendu à Metz très récemment, et j’ai pu vérifier sur place que ce déménagement s’effectuait à la satisfaction générale.

C’est le gouvernement précédent qui, en 2009, dans le contexte des restructurations militaires, s’était engagé à déménager une partie des services de l’INSEE à Metz. Mais, à mon arrivée, rien n’avait encore été prévu, et j’ai dû reprendre le dossier à zéro ou à peu près… Nous avons mené une large concertation et fait en sorte de bien calibrer le mouvement – de 625 agents prévus, nous sommes descendus à 400, dont 350 de l’INSEE et 50 relevant des statistiques sociales. Aujourd’hui, ce projet est très bien accueilli, tout se déroule dans d’excellentes conditions : c’est un exemple de déconcentration bien menée.

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. Au début des années 1990 avait été lancé un mouvement de déconcentration des administrations. Aujourd’hui, pour nombre de fonctionnaires parisiens, déménager en province peut présenter de grands avantages, en termes de transports, de pouvoir d’achat, de qualité de vie. Alors que l’administration est de plus en plus dématérialisée, la déconcentration est un bon moyen d’aménager notre territoire : envisagez-vous de continuer ce mouvement, hors du contexte des restructurations militaires ?

Quant aux actifs dormants, quelle est votre politique ? Envisagez-vous de les réaliser ? Ils pourraient en effet apporter des ressources importantes à l’État, tandis qu’un patrimoine qui se dégrade perd de sa valeur.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, vous avez répondu sur la réforme des régimes de la RATP et de la SNCF de 2008, mais vous n’avez guère évoqué ce que vous ferez en 2014. Je souligne que les mesures de compensation mises en œuvre étaient liées, à l’origine, à l’espérance de vie écourtée des cheminots par rapport à celle de la population française ; or, c’est plutôt l’inverse aujourd’hui. Vous avez parlé de « modalités propres » : y aura-t-il une convergence avec le régime général ? Sinon, que prévoyez-vous ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. La déconcentration ne saurait devenir un dogme, mais elle demeure bien sûr une option toujours possible : l’expérience, à Nantes ou à Metz, montre que les agents peuvent y trouver largement leur compte. L’essentiel, c’est la concertation, et le volontariat. Je note aussi que mon administration est déjà extrêmement déconcentrée.

Nous menons une politique très volontaire de recensement des actifs dormants. Nous prévoyons de dégager 470 millions d’euros par des cessions l’an prochain.

Les régimes spéciaux seront bien concernés par la nouvelle réforme. Il n’y a pas de rapprochement supplémentaire, mais nous ne creusons pas l’écart.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Au nom du groupe SRC, je veux souligner que la mission budgétaire « Gestion des finances publiques et ressources humaines » est éminemment stratégique, puisqu’il s’agit du pilotage de l’État. Les crédits de cette mission diminuent de 1,5 % – signe que le redressement des comptes publics est l’une des priorités du Gouvernement.

Cette mission traduit surtout les profondes mutations actuellement engagées ou en voie de l’être pour l’ingénierie d’État. Elle met notamment en œuvre plusieurs mesures qui découlent du « choc de simplification » voulu par le Président de la République, et déjà mis en musique par différents projets et propositions de loi ainsi que par le CIMAP. Souvent annoncée, la simplification n’avait jamais été menée de façon aussi globale.

S’agissant notamment des entreprises, le projet de loi de finances donne corps aux décisions déjà prises – comme le programme « Dites-le-nous en une seule fois » – et prépare le terrain aux futures mesures qui devraient découler du projet de loi d’habilitation, déjà voté en première lecture par l’Assemblée nationale et qui permettra au Gouvernement de prendre par ordonnance diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Pour que ces réformes aboutissent, il convient qu’aussi bien le public concerné – les entreprises en l’occurrence – que les agents des services publics, qui les mettront en œuvre, se les approprient. Thierry Mandon a rendu, le 2 juillet dernier, un rapport sur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises. Comment prévoyez-vous de mettre en place les recommandations très concrètes de ce rapport ?

Dans un environnement économique difficile, où la santé de nos entreprises dépend souvent des délais de paiement plus ou moins longs des institutions publiques, vous engagez à travers le déploiement du projet Chorus une amélioration des procédures de mise en paiement de factures, qui devront être plus simples et plus rapides – c’est là un enjeu capital, notamment pour les PME. Quelle est la nature des conventions de contrôle allégé conclues entre communes et comptable public ? Le délai de vingt jours vous semble-t-il pouvoir être atteint, compte tenu des moyens humains réduits dont disposent certaines collectivités territoriales ? Le délai de paiement prévisionnel par les comptables publics en 2013 était de 6,8 jours grâce au déploiement de l’application Hélios, mais il demeure des disparités significatives entre territoires ruraux et urbains : comment y remédier ?

À l’heure où le poujadisme ambiant imprime sa marque sur le débat public, ce budget, notamment le programme 148 « Fonction publique », montre que l’administration et les agents publics sont au service du plus grand nombre et qu’ils s’efforcent d’utiliser les deniers de l’État de la façon à la fois la plus sobre et la plus efficace possible. L’État employeur doit lui-même se montrer exemplaire et se moderniser. Des accords – sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sur la rénovation du dialogue social, sur la sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels – ont déjà été signés. En 2014, la modernisation de l’action publique continuera, grâce à la réaffirmation des valeurs et des principes du service public, à la consolidation et le développement d’un dialogue social et la modernisation de l’exercice du mandat syndical, à la simplification des rémunérations et l’amélioration des carrières…

La modernisation de la gestion des ressources humaines est donc en marche. Je m’étais inquiétée lors du débat budgétaire de l’an dernier de voir les agents de catégorie C devenir la variable d’ajustement de l’optimisation de la rémunération par la prime de fonction et de résultats (PFR). Mme la ministre vient d’indiquer que cette prime serait supprimée et remplacée : pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

Enfin, il semblerait souhaitable que la présentation normée du budget et de ses composantes permette à la représentation nationale de le comprendre non pas de façon seulement comptable, comme c’est encore trop le cas actuellement, mais bien comme un outil de modernisation de l’action publique. Certaines dépenses d’aujourd’hui apporteront un jour des économies, tandis que certaines diminutions de budget nous coûteront cher demain.

Mme Virginie Duby-Muller. Je me concentrerai ici sur certains chiffres ou mesures qui ne peuvent laisser le groupe UMP indifférent.

À la lecture des crédits de cette mission, tout semble raisonnable dans le meilleur des mondes de la fonction publique ! Ses crédits sont en effet en légère diminution, de même que le nombre d’emplois équivalent temps plein. Pourtant, un hebdomadaire titrait récemment : « Mais où se cachent les fonctionnaires ? » La France détient en effet un record mondial, avec quatre-vingt-dix fonctionnaires pour 1000 habitants.

Si l’on observe une baisse des effectifs au niveau de la fonction publique d’État, on observe en effet un comportement inverse dans la fonction publique territoriale ! La Cour des comptes, dans son premier rapport sur les finances locales, publié le 14 octobre, pointe ainsi l’augmentation constante de la masse salariale des collectivités territoriales – particulièrement du bloc communal – et invite l’État à limiter les mesures susceptibles d’entraîner une hausse de la masse salariale du secteur local : 40 % de cette hausse en 2012 résultent de mesures législatives et réglementaires. Mais ces mesures nationales vont au contraire se multiplier en 2014 avec l’abrogation du jour de carence, la réforme des rythmes scolaires ou l’augmentation salariale des agents de catégorie C en janvier 2014.

Attention, monsieur le ministre, à l’effet d’affichage de chiffres rassurants au sommet de l’État quand vos collègues du Gouvernement ont la main lourde sur les créations de postes de fonctionnaires, ou qu’ils prennent des mesures coûteuses et peu efficientes ! Ainsi, à la surprise générale, votre ministre de la fonction publique a annoncé en début d’année la suppression du jour de carence dans la fonction publique : il s’agissait d’un hochet, offert en contrepartie du maintien du gel du point d’indice. L’instauration en 2012 de ce jour de carence avait permis d’économiser 164 millions d’euros dans les trois fonctions publiques. Sa suppression coûtera 157 millions, selon vos prévisions – on peut penser que ce sera davantage !

Cette mesure répondait à un impératif de justice et d’équité, et avait fait ses preuves en réduisant l’absentéisme. Dans un souci de convergence entre la fonction publique et les emplois du secteur privé, le groupe UMP demandera donc, par amendement, le rétablissement du jour de carence, et même davantage.

La hausse sensible de la mission « Régimes sociaux et de retraite » a bien entendu retenu notre attention. Elle était inéluctable, puisque, avec sa réformette, votre gouvernement a refusé toutes les mesures de convergence entre les retraites du public et du privé ! Vous n’avez rien proposé non plus pour financer les 7 milliards d’euros qu’il faudra trouver d’ici à 2020 pour financer les retraites du public.

S’agissant de la mission « Immobilier de l’État », alors que le ministère des finances table, pour les trois ans à venir, sur un produit de cession annuel de 500 millions d’euros – dont 30 % iront directement renflouer les caisses de l’État –, les réserves du rapporteur spécial Jean-Louis Dumont sur les capacités de gestionnaire de l’État bailleur m’ont inquiétée. France Domaine ne posséderait pas une autorité suffisante pour imposer son point de vue à « des administrations qui agissent trop en électrons libres ».

Devant tant de désillusions et d’inquiétudes, devant votre absence de volonté de respecter la trajectoire de redressement des finances publiques, le groupe UMP ne votera pas les crédits de ces missions.

M. François Sauvadet. Cette mission est essentielle, puisqu’elle concerne les politiques publiques relevant du ministère de l’économie et des finances, mais aussi la modernisation de l’État, la formation et l’action sociale. Près de 20 % de nos concitoyens sont employés dans l’une des trois fonctions publiques ; or, toutes les décisions prises pour la fonction publique d’État ont des conséquences pour les autres fonctionnaires.

Je regrette vraiment que la ministre de la fonction publique n’ait pas pu rester parmi nous : il faudrait un minimum de considération pour la représentation nationale ! Et, si elle n’est pas là, c’est parce que les calendriers s’entrechoquent : on discute du budget qui dessine les futurs contours de la fonction publique, au moment même où est rendu un rapport sur son avenir... Il y a là un problème de méthode et de visibilité. Nous aimerions mieux savoir quelles sont vos attentes, quels sont vos projets pour la fonction publique et je demande l’organisation d’un vrai débat sur ce que l’on attend de la modernisation de l’État.

Vous avez beaucoup critiqué la RGPP. Elle n’a certes pas fait de miracles, mais elle a permis de diminuer les effectifs et de faire des économies : ainsi, on a pu retrouver des marges de manœuvre et offrir aux fonctionnaires de nouvelles perspectives de carrière. Aujourd’hui, en ajoutant 65 000 postes dans l’éducation nationale, vous augmentez les effectifs de la fonction publique – aucun autre pays occidental ne l’a fait ! C’est d’autant moins tenable que l’on n’embauche pas pour quelques années, mais pour une carrière, et qu’après cette carrière il faudra payer une pension. Et il faudra supprimer ailleurs les postes que vous créez là, ce qui obligera à des coupes drastiques dans de nombreux ministères, que vous qualifiez pourtant de prioritaires, comme celui de l’écologie. Ayez le courage de le dire ! Je crains que, faute d’aborder les problèmes de front, nous n’en arrivions à un délitement de la présence de l’État. Ainsi, malgré les assurances que m’avait données M. le ministre de l’intérieur, vous supprimez la mission ATESAT (Assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire).

La modernisation de l’État doit faire l’objet d’un pilotage interministériel. Vous avez fait des efforts considérables, je ne l’ignore pas, pour moderniser votre ministère, notamment pour simplifier et pour dématérialiser. Mais qu’en est-il pour l’appareil d’État dans son ensemble ? Comment le moderniser, et surtout comment en réduire le périmètre ?

Quant aux régimes de retraite, en vrai républicain, j’apprécie votre usage subtil de la langue française : vous n’avez pas creusé l’écart, dites-vous. Mais les Français attendaient que vous le réduisiez pour de bon !

Enfin, la suppression du jour de carence est un scandale pur et simple, que vous justifiez fort mal : dans mon conseil général, l’absentéisme d’une journée a diminué de 7 %, et la Fédération hospitalière de France constate la même chose. Je ne parle bien sûr pas des maladies, du risque social, tous problèmes auxquels il faut porter la plus grande attention, surtout en période de réforme. Mais dire que l’instauration d’une journée de carence était inutile, c’est faux. Vous dites que la mesure n’a pas rapporté beaucoup, mais c’est parce qu’elle a fonctionné, et que les gens sont venus travailler ! Vous parlez de couverture complémentaire dans les grandes entreprises, mais c’est oublier tous les salariés qui ne disposent d’aucune couverture complémentaire, et qui ont trois journées de carence ! Vous envoyez là un très mauvais signal, pour la fonction publique et pour le peuple français dans son ensemble.

M. Éric Alauzet. Lors de l’examen du PLF pour 2013, mon intervention était centrée sur la lutte contre la fraude, les trafics et les contrefaçons, action essentielle qui ouvre une troisième voie entre l’austérité et l’endettement pour redresser les comptes publics. Le Gouvernement et la majorité ont agi sur ce sujet avec détermination, comme le prouve la stabilité des crédits affectés aux programmes 156 – consacré notamment à garantir le recouvrement des recettes publiques – et 302 – qui concerne la lutte contre la fraude menée par les services des douanes. Pourriez-vous, monsieur le ministre, dresser la liste des fonctions qui seront affectées par la baisse des effectifs de la DGFiP et de la direction générale des douanes et droits indirects ? La précédente majorité avait décidé de supprimer entre 2 000 et 4 000 postes, soit un manque à gagner de plusieurs centaines de millions, voire de quelques milliards d’euros pour les recettes de l’État, puisqu’un agent effectuant des contrôles fiscaux rapporte en moyenne 1,5 million d’euros par an. La priorité donnée à la détection de la fraude doit mieux apparaître dans nos indicateurs, et un moyen objectif de la mesurer consisterait à évaluer la part des effectifs dédiés à cette mission.

La perte de recettes liée à la suspension de l’écotaxe sera alourdie par le versement des salaires de la cinquantaine de personnes recrutées pour assurer la gestion de cette taxe, et qui seront affectés à d’autres missions.

Nous partageons l’objectif du Gouvernement, affiché dans le programme 122, de maîtriser les crédits alloués aux fonctions support, et notamment aux achats. Nous ne pouvons pas nous contenter de l’estimation des gains financiers pour évaluer la politique d’achat de l’État ; il est essentiel de créer un indicateur appréciant la qualité des achats en termes social et environnemental et un autre portant sur l’impact de nos achats sur la balance commerciale.

Nous devons rester vigilants sur le risque de fracture numérique résultant d’une mauvaise connexion de certains territoires ruraux ou d’une méconnaissance de l’internet par une partie de la population. Ainsi, il s’avère important que les indicateurs évaluant la politique de dématérialisation prennent en compte l’accessibilité à internet et la satisfaction des usagers ; il faudra accompagner la dématérialisation pour assurer sa réussite.

Enfin, le programme 309, consacré à l’entretien des bâtiments de l’État, subit la plus importante baisse de crédits de cette mission. La rénovation thermique des bâtiments de l’État permettrait de dégager des économies en réduisant les dépenses de fonctionnement et créerait des emplois. Où en sommes-nous dans l’affichage des performances énergétiques de ces bâtiments – il s’agit du programme « Display » pour lequel un indicateur sur le taux de couverture devrait être élaboré ? Par ailleurs, il conviendrait de mettre en place un nouvel indicateur portant sur le taux de réhabilitation des bâtiments. Où en est l’application de la directive européenne sur l’énergie qui prévoit la rénovation de 3 % du patrimoine de l’État ?

Mme Valérie Rabault. La notion de croissance potentielle est fondamentale dans le pilotage du déficit structurel que nous devons mener dans le cadre européen. Comment les parlementaires pourront-ils contrôler l’action du ministère de l’économie et des finances en la matière ? Madame la rapporteure spéciale a avancé l’idée d’une mission à laquelle je souscris et qui devrait s’appuyer notamment sur des comparaisons avec des pays européens. Il s’agit d’un nouveau chantier auquel nous devons nous atteler, vingt ans après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht le 1er novembre 1993.

Monsieur le ministre, vous appelez de vos vœux l’émergence d’une confiance entre les entreprises et l’administration ; à mes yeux, celle-ci n’exclut pas le contrôle : la DGFiP conserve-t-elle bien l’ensemble des missions de contrôle qu’elle assume aujourd’hui ?

M. le président Gilles Carrez. Les aides au logement représentent 17 milliards d’euros, cette dépense connaissant une croissance spontanée de 540 millions par an. Ce type d’évolution concerne-t-il les dépenses structurelles ou renvoie-t-il à la progression spontanée des charges de l’État ? Cette question s’avère importante, car nous évaluons l’intensité des économies réalisées à l’aune d’une tendance qu’il convient donc de définir précisément.

Mme Virginie Duby-Muller. Le rapport sur l’avenir de la fonction publique, remis aujourd’hui par M. Bernard Pêcheur au Premier ministre, servira de support à la négociation qui doit refondre les grilles salariales et le déroulement des carrières. Comme François Sauvadet, je regrette la parution tardive – encore repoussée d’une semaine du fait des manifestations contre l’écotaxe – de ce travail sur lequel ce budget aurait dû reposer. Ce rapport doit, aux dires de Mme Lebranchu, constituer le point de départ d’un processus qui devrait durer un ou deux ans ; ainsi, des discussions avec les organisations syndicales débuteront le 5 décembre afin qu’une méthode de travail soit adoptée dans le courant du mois de février 2014 et que la négociation sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations puisse s’ouvrir en mai prochain.

Ce rapport traite de la mobilité des fonctionnaires, qui suppose l’égale attractivité de toutes les régions. Or, dans certaines d’entre elles, le coût du foncier et de la vie s’avère élevé : en Île-de-France, les fonctionnaires bénéficient d’une indemnité de résidence – équivalant à 3 % du traitement brut –, ce qui n’est pas le cas en Haute-Savoie alors que le logement y est cher : j’espère donc que cette injustice sera réparée.

Les douaniers ressentent un malaise profond : alors que les indicateurs de leurs performances sont bons, les restructurations continuent et les effectifs diminuent à mesure que s’applique le projet stratégique « Douane 2018 ». L’action des douaniers alimente les recettes de l’État et le Gouvernement prend le risque de voir celles-ci diminuer si les effectifs se trouvent trop réduits. Comment entendez-vous assurer l’avenir de cette administration et quel sens souhaitez-vous donner au métier de douanier ?

M. Jean-Luc Reitzer. La commune de Ferrette a vu sa première ressource humaine et fiscale disparaître avec le déménagement d’un escadron de gendarmerie mobile et le départ de 120 militaires qui, avec leur famille, représentaient un quart des 874 habitants du village ; l’État a abandonné six hectares de terrain et 140 logements, dont 58 en excellent état. Tous les ministres auxquels j’avais fait part des conséquences de cette décision m’avaient assuré de leur soutien, mais le Gouvernement n’a formulé aucune proposition de revitalisation de la commune. Monsieur le ministre, une cession à titre gratuit des bâtiments et du terrain est-elle envisagée ? Pourrait-on compenser la perte de recettes fiscales – évaluée à 50 000 euros par an – dont souffre Ferrette ? La commune et le bassin de vie éprouvent un besoin urgent d’obtenir une réponse claire et précise du Gouvernement.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. J’attache une grande importance au rapport de Thierry Mandon, largement issu d’une concertation avec les entreprises et qui se traduit d’ores et déjà par des mesures législatives – en l’occurrence, un projet de loi d’habilitation, adopté en octobre par l’Assemblée nationale, et qui donnera lieu à la publication d’ordonnances au début de l’année 2014 et au printemps prochain sur la simplification et la sécurisation de la vie des entreprises. Le Président de la République installera une structure de gouvernance de la simplification, à laquelle le monde économique et M. Mandon seront parties prenantes.

Le pacte de compétitivité fixe comme objectif de limiter à vingt jours les délais de paiement en 2017, grâce à la dématérialisation des factures qui deviendra progressivement obligatoire. Priorité pour la DGFiP, ce but est déjà atteint dans certaines régions. La DGFiP met à la disposition des collectivités locales des outils – notamment le logiciel Hélios – qui devraient réduire leurs délais de paiement ; elle a également signé avec le Premier président de la Cour des comptes, en avril dernier, un protocole permettant aux collectivités locales de dématérialiser les pièces justificatives.

L’instauration d’une prime remplaçant la PFR et les 1 700 régimes indemnitaires de l’État répond, là encore, à une volonté de simplification ; de nature interministérielle, elle prendra en compte les fonctions exercées, l’expérience et l’engagement professionnels des agents, et elle assurera la convergence entre les agents des ministères, et d’abord ceux de catégorie C.

L’abrogation du jour de carence constitue une mesure d’équité : 77 % des salariés du privé bénéficient d’une prise en charge des jours de carence dans le cadre d’une convention collective ; l’absentéisme dans la fonction publique équivaut à celui du secteur privé – 3,7 % contre 3,8 % en 2011 et 3,8 % contre 3,6 % en 2012 –, la création du jour de carence n’a pas modifié les comportements et elle a rapporté deux fois moins qu’anticipé par le précédent gouvernement.

Nous avons mené, avec l’aide d’un prestataire extérieur, une renégociation des baux de l’État en Île-de-France qui a généré une économie de plus de 25 %, et nous étendons cette action à la région Rhône-Alpes. Certaines autorités administratives acquittant un loyer coûteux seront relogées dans le site de Ségur-Fontenoy en cours de restructuration.

S’agissant de la fonction publique, le Gouvernement prend le temps du dialogue pour conduire une réforme structurelle et pluriannuelle – d’une période de cinq à sept ans –, dont les conséquences seront examinées dans le cadre du prochain budget triennal.

Les effectifs de l’État restent stables, la réparation nécessaire des dégâts commis par le précédent gouvernement dans l’éducation nationale étant compensée par les efforts consentis dans d’autres ministères, dont celui que je dirige. Le Gouvernement conduit une démarche cohérente et globale de l’action publique qui s’inscrit dans le cadre du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ; elle suppose un processus inédit d’évaluation, de concertation, de décision et de modernisation qui doit déboucher sur des réformes de structure et des économies intelligentes – c’est en cela qu’elle se démarque de la RGPP qui comportait de nombreux défauts.

Les effectifs consacrés à la lutte contre la fraude à la DGFiP et à la direction générale des douanes et droits indirects ne bénéficient d’aucune sanctuarisation, mais les capacités des services à assurer cette mission seront maintenues, car cette action constitue une priorité stratégique de rendement des finances publiques et de moralisation dans un cadre national, européen et international. La lutte contre la fraude est un sujet global qui ne se résume pas au contrôle fiscal, mais qui s’étend à la détection et au recouvrement ; à cet égard, nous venons de doter la DGFiP de nouveaux instruments juridiques puissants.

Le réseau territorial de ces deux directions très déconcentrées constitue un atout pour la cohésion sociale et pour l’efficacité du travail administratif. Quelques postes pourront être fusionnés, mais je n’exclus pas d’en créer à la DGFiP, lorsque les besoins des populations le commandent.

Les efforts de performance énergétique seront pleinement intégrés dans les SDIR ; les cellules régionales de suivi de l’immobilier de l’État (CRSIE) s’appuieront sur les compétences techniques du ministère de l’écologie en matière de développement durable, afin de procéder aux adaptations les moins coûteuses.

La dématérialisation sera accompagnée, car le service public doit se préoccuper du public fragile ou n’ayant pas accès à internet.

La croissance potentielle est un concept important, puisqu’il sert à calculer le déficit structurel. Un chantier théorique et politique s’ouvre à l’échelle européenne – je discute ainsi actuellement avec la Commission européenne qui fera connaître ses prévisions économiques demain et ses évaluations sur la réduction des déficits le 22 novembre. Je suis très favorable à l’information du Parlement, mais le Haut Conseil des finances publiques exerce déjà la mission d’évaluation du déficit structurel.

La démarche de confiance que nous développons envers les entreprises – qui doit permettre d’alléger le contrôle pesant sur celles dont le comportement est le plus vertueux, cette orientation pouvant trouver une traduction législative d’ici à 2015 – vise à éliminer leur défiance vis-à-vis de l’administration. Nous devons donc faire en sorte que le contrôle fiscal soit juste et qu’il ne soit pas perçu comme une défiance, une persécution ou une entrave à l’exercice de la fonction d’investissement, qui est à la source de la croissance.

S’agissant du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), on m’attribue parfois des déclarations selon lesquelles ils ne devraient pas faire l’objet de contrôles. Or cela ne correspond ni à ma pensée ni à mes propos. Lorsqu’une entreprise bénéficiaire du CICE fait l’objet d’un contrôle fiscal, il est évident que ce crédit d’impôt est intégré au contrôle. En revanche, j’ai souhaité que ce ne soit pas du simple fait qu’une entreprise en bénéficie qu’on la contrôle. Car si l’administration fiscale se doit de remplir ses missions, les entreprises doivent aussi se sentir en relation de confiance avec les pouvoirs publics…

M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial. Oui, car l’entreprise, ce n’est pas l’ennemi !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. …surtout lorsqu’il s’agit de mesures d’encouragement à l’innovation telles que le CIR ou d’encouragement à l’emploi telles que le CICE. Il importe donc de trouver un équilibre et il ne s’agit ni de poser un « postulat de confiance » qui aboutirait au démantèlement du contrôle fiscal ni à tomber dans un excès de contrôle qui alimenterait la défiance. C’est pourquoi, dans la pratique, la DGFiP conserve plus que jamais toutes ses missions de contrôle sur les entreprises. Mais elle essaye de l’exercer de façon plus efficace en traitant différemment les fraudeurs de mauvaise foi et ceux qui, de bonne foi, se sont égarés dans une fiscalité complexe.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Il en est d’ailleurs parfois aussi au Gouvernement qui s’égarent…

M. le président Gilles Carrez. Ne vous laissez pas interrompre !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je ne me laisserai ni interrompre ni distraire. Mais certains gagneraient parfois à se retenir.

La relation de confiance que nous cherchons à instaurer devrait permettre, en contrepartie d’une plus grande transparence, de renforcer la sécurité juridique, conformément à notre objectif de compétitivité.

Enfin, M. Reitzer m’a interrogé sur la reconversion des anciennes casernes Moreigne et Robelin, situées dans la commune de Ferrette. Dans le cadre de la précédente loi de programmation militaire, les communes les plus fragiles affectées par des fermetures de bases militaires ont pu bénéficier d’une cession à l’euro symbolique du site concerné, à charge pour elles de mener à bien le projet de reconversion du site. Or nos prédécesseurs ont limité ce dispositif aux seules bases militaires, à l’exclusion des casernes de gendarmerie, sachant que les exigences constitutionnelles de protection de la propriété interdisent, en l’absence d’habilitation législative reposant sur une motivation d’intérêt général, de céder les biens domaniaux en dessous de leur valeur vénale. Je suis au fait des difficultés que peuvent rencontrer certaines petites communes souhaitant porter seules un projet d’acquisition et de reconversion d’un site de l’État devenu inutile. L’une des solutions possibles consiste à élaborer un projet partagé entre la commune et d’autres collectivités, ainsi que, le cas échéant, des partenaires privés désireux d’investir dans la redynamisation du site. Il me semble d’ailleurs que c’est précisément la démarche que vous avez adoptée, monsieur le député, dans le cadre d’un projet de reconversion à Altkirch – pour lequel plusieurs niveaux de collectivités et la chambre des métiers se sont fortement impliqués. Nous serons donc à vos côtés pour l’examiner et déterminer sur cette base le prix de cession du site.

M. le président Gilles Carrez. M. Reitzer ne pourrait-il pas déposer un amendement au prochain projet de loi de programmation militaire afin d’ajouter les casernes de gendarmerie à la liste des emprises concernées ?

M. Jean-Luc Reitzer. Ce serait logique, en effet, car il s’agit de sites comparables, comprenant eux aussi des logements et des locaux techniques.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je me suis pour ma part contenté de vous rappeler ce que n’ont pas prévu les textes adoptés par nos prédécesseurs.

M. Jean-Luc Reitzer. Sauf que la majorité précédente avait, elle, renoncé à la dissolution et au déménagement de cet escadron de gendarmerie mobile – décision que j’avais alors arrachée au ministre de l’intérieur sous la dernière législature. Cette ancienne majorité n’a donc pas le moindre complexe à avoir sur ce sujet !

M. le président Gilles Carrez. Cela signifie-t-il, monsieur le ministre, que, dans la dernière loi de programmation militaire, le législateur a expressément exclu les gendarmeries du champ des emprises pouvant faire l’objet d’une cession à l’euro symbolique ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je vous confirme que les possibilités ont été limitées aux seules bases militaires, à l’exclusion des casernes de gendarmerie.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, nous vous remercions pour la précision de vos réponses.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des Finances et de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique (voir le compte rendu de la commission élargie du 4 novembre 2013), la Commission examine, sur le rapport de M. Alain Tourret, rapporteur pour avis « Fonction publique », les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Article 67

La Commission examine l’amendement n° II-CL22 de M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Cet amendement vise à revenir sur la suppression du jour de carence dans les trois fonctions publiques telle qu’elle est proposée aujourd’hui.

Je suis très étonné des indications de la ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique sur les taux d’absentéisme observés dans la fonction publique. Je ne sais pas quelle en est la source. Il faut regarder les chiffres récents de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP) : il y a deux fois plus d’absentéisme dans la fonction publique – je parle notamment d’absentéisme de courte durée.

Je l’ai indiqué tout à l’heure, lors de la commission élargie, il s’agit de mener une politique de lutte contre l’absentéisme sur deux fronts : d’un côté, la prévention du risque social, c’est-à-dire l’accompagnement dans les mutations qui affectent tout particulièrement la fonction publique ; de l’autre, revenir sur cette décision de suspension du jour de carence, décision qui a été prise sans la moindre concertation avec les collectivités territoriales et sans concertation avec la Fédération hospitalière de France – qui d’ailleurs a regretté et dénoncé cette mesure. J’ai bien entendu la proposition de notre collègue Pascal Terrasse de réaliser une évaluation. J’aurais préféré que l’on donnât le temps à cette mesure d’être appliquée. Quand vous parlez d’une prise en charge du jour de carence dans les entreprises, vous parlez des grandes entreprises. Dans la plupart des autres, s’appliquent trois jours de carence. Le jour de carence dans la fonction publique constituait donc une mesure de justice et d’équité à l’égard de nos compatriotes. Il a conduit un certain nombre de fonctionnaires à ne pas prendre cette journée dans la mesure où – comme vous le savez – le jour de carence a une incidence sur le traitement et la pension.

Je le redis une nouvelle fois devant vous : cette mesure a eu des effets positifs. Si sa suppression coûte moins cher qu’attendu, c’est précisément parce qu’elle a eu des effets positifs. On les a ressentis dans nos collectivités territoriales, dans la fonction publique hospitalière et dans la fonction publique d’État.

Sa suppression est injuste car elle creuse les inégalités entre le secteur public et le secteur privé. Elle ne prend pas en compte les problématiques de l’absentéisme. Cette décision est absurde sur le plan économique et je regrette vraiment qu’elle ait été prise sans concertation.

Je propose que l’on y revienne et que, sereinement, nous établissions un bilan d’ici à un an, à la lumière du rapport que va remettre M. Bernard Pêcheur, dans le cadre d’un dialogue social qui doit se poursuivre autour de cette question. Cela vaut mieux qu’une décision brutale prise comme une contrepartie à une situation – que nous avions d’ailleurs annoncée – qui conduit à ce qu’il n’y ait plus d’évolution de carrière possible faute de moyens financiers.

C’est un cadeau empoisonné qui a été fait à la fonction publique. Un certain nombre de nos compatriotes ne comprennent ni cette décision ni le fait qu’une absence soit indemnisée totalement le premier jour.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis. Je m’oppose à cet amendement présenté par M. Sauvadet. La question qui se pose est la suivante : doit-on être sanctionné quand on est malade ? Le problème posé au fond est : l’arrêt maladie est-il ou non justifié ? Doit-on sanctionner l’agent public dans cette situation ? À l’évidence, non et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, on établit des comparaisons entre le secteur public et le secteur privé. La question ne tient pas à l’effectif des entreprises mais aux conventions collectives qui trouvent à s’appliquer et aux protections qu’elles accordent ou pas aux salariés. Les conventions sont extrêmement nombreuses. Certaines ne traitent pas de la question du jour de carence et certains secteurs ne sont pas couverts par des conventions collectives. Mais pour l’essentiel, les conventions collectives dans le secteur privé assurent le maintien de la rémunération pour les premiers jours d’arrêt de travail.

Deuxièmement, je me suis procuré les chiffres établis par l’INSEE sur la proportion d’agents qui ont eu des arrêts de travail de courte durée dans les trois fonctions publiques. Globalement, ces chiffres sont restés stables. La proportion d’agents en arrêt est passée de 1,2 % à 1 % dans la fonction publique de l’État, de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière ; elle demeure stable dans la fonction publique territoriale, à 1,1 %.

Cela étant, il y a un véritable problème d’absentéisme en France, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Il ne faut pas stigmatiser les agents publics par rapport aux salariés du privé. Ce problème dépasse très largement la question de la journée de carence dans les trois fonctions publiques.

Ce que je propose, c’est qu’il y ait une évaluation réalisée sur les années à venir. Cette évaluation permettra de repenser ce problème si l’on constatait, du seul fait de la suppression de la journée de carence, une augmentation significative de l’absentéisme – ce à quoi je ne crois pas. Voilà pourquoi je ne crois pas utile de faire droit à votre amendement.

M. François Sauvadet. Je souhaiterais simplement demander à M. Tourret d’où il tient ses chiffres. J’ai devant les yeux les chiffres de l’iFRAP. Ce ne sont pas les mêmes ! J’ai des chiffres de mon conseil général. Ce ne sont pas les mêmes !

Mme Karine Berger. On en est à comparer l’INSEE et l’iFRAP…

M. François Sauvadet. Les chiffres fournis par la Fédération hospitalière de France ne sont pas les mêmes !

M. Jean-Frédéric Poisson, président. Si ma fonction de président de séance me conduit à ne pas intervenir dans ce vote, je ne peux qu’exprimer une forme de sympathie à l’égard de cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

ANNEXE N° 1 : LES CRÉDITS DU PROGRAMME
« FONCTION PUBLIQUE » POUR 2014

autorisations D’ENGAGEMENT

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Titre 2 Dépenses de personnel

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

Titre 5

Dépenses d’investissement

Titre 6

Dépenses d’intervention

Total pour 2014

FCD ET ADP attendues en 2014

01

Formation des fonctionnaires

250 000

74 830 750

 

5 936 237

81 016 987

 

02

Action sociale interministérielle

 

108 362 221

9 341 070

2 129 181

119 832 472

1 024 000

Total

250 000

183 192 971

9 341 070

8 065 418

200 849 459

1 024 000

CRÉdits de paiement

Numéro et intitulé de l’action/sous action

Titre 2 Dépenses de personnel

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

Titre 5

Dépenses d’investissement

Titre 6

Dépenses d’intervention

Total pour 2014

FCD ET ADP attendues en 2014

01

Formation des fonctionnaires

250 000

74 830 750

 

5 936 237

81 016 987

 

02

Action sociale interministérielle

 

109 586 551

13 557 546

2 129 181

125 273 278

1 024 000

Total

250 000

184 417 301

13 557 546

8 065 418

206 290 265

1 024 000

ANNEXE N° 2 : CONSOLIDATION DES EMPLOIS DES OPÉRATEURS DE L’ACTION « FORMATION DES FONCTIONNAIRES »

EMPLOIS DES OPÉRATEURS Y COMPRIS OPÉRATEURS MULTI-IMPUTÉS
SI PROGRAMME CHEF DE FILE

 

Réalisation 2012

LFI 2013

PLF 2014

Intitulé de l’opérateur

ETPT rémunérés par ce programme

ETP/ETPT rémunérés par les opérateurs

ETPT rémunérés par ce programme

ETP/ETPT rémunérés par les opérateurs

ETPT rémunérés par ce programme

ETP/ETPT rémunérés par les opérateurs

ETP

ETPT

Sous plafond

Hors plafond

Dont contrats aidés

Sous plafond

Hors plafond

Dont contrats aidés

Sous plafond

Hors plafond

Dont contrats aidés

ENA – École d’administration

 

508

4

2

 

532

8

4

 

514

8

4

                   

8

4

Instituts régionaux d’administration

 

777

     

867

     

845

   
                 

858

   

Total ETP

 

1 285

4

2

 

1 399

8

4

 

1 359

8

4

Total ETPT

                 

1 373

8

4

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

● Ministère de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique (5 septembre 2013)

– Mme Marylise LEBRANCHU, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique

● Ministère des Droits des femmes (9 septembre 2013)

– Mme Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre des Droits des femmes

● Ministère de l’Intérieur (20 septembre 2013)

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

– M. Pascal CHIRON, sous-directeur adjoint des élus locaux et de la fonction publique territoriale

● Table ronde des organisations syndicales (17 septembre 2013)

Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

–  M. Frédéric LE BRUCHEC, conseiller politique confédéral

Fédération générale des fonctionnaires Force ouvrière (FGF-FO)

–  M. Philippe SOUBIROUS, secrétaire fédéral

Union syndicale Solidaires Fonctions publiques et assimilés

–  Mme Dorine PASQUALINI, déléguée adjoint

–  M. Denis TURBET-DELOF, délégué adjoint

Union fédérale des cadres des fonctions publiques CGC (UFCFP-CGC)

–  M. Marc BENASSY, délégué fédéral

–  Mme Christine DREYFUS-ARIZA, inspecteur auditeur de la DRFIP

Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT (UGFF-CGT)

–  Mme Sylvie BRUNOL, responsable de l'activité revendicative femmes-mixité à la fédération CGT santé action sociale et membre de la Commission confédérale femmes-mixité

–  Mme Céline VERZELETTI, responsable de l'activité contre les discriminations LGBT pour l'UGFF et pilote de la commission confédérale femmes-mixité

UNSA Fonction publique

–  M. Alain PARISOT, secrétaire national

–  Mme Françoise DUCROQUET, conseillère nationale UNSA Éducation

Fédération syndicale unitaire (FSU)

–  Mme Luce DESSEAUX, secrétaire nationale

–  Mme Sylvie DEBORD, secrétaire nationale

Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF)

–  M. François PORTZER, secrétaire général

Fédération autonome de la fonction publique territoriale (FAFPT)

–  M. Bruno COLLIGNON, président fédéral

–  Mme Martine GRETENER, vice-présidente en charge de l'administration générale, membre du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale et de la formation spécialisée numéro 3 du conseil commun de la fonction publique

● Table ronde avec les représentants des employeurs (17 septembre 2013)

Fédération hospitalière de France

– Mme Nadine BARBIER, responsable du pôle Ressources humaines hospitalières

Fédération nationale des centres de gestion

– M. Olivier AYMARD, directeur

Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

– Mme Lyna SRUN, directrice générale adjointe, chargée du développement de la formation

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : évaluer sur le moyen terme l’efficacité du dispositif alternatif au jour de carence dans les trois fonctions publiques dans le cadre d’une politique de prévention active de l’absentéisme.

Proposition n° 2 : instituer un observatoire des discriminations dans la fonction publique.

Proposition n° 3 : consacrer une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discriminations dans les trois versants de la fonction publique.

Proposition n° 4 : instituer auprès de chaque employeur public un comité des rémunérations compétent pour engager, le cas échéant, une procédure tendant à résorber les écarts salariaux injustifiés.

Proposition n° 5 : instituer une procédure d’action de groupe pour la réparation des préjudices causés par des faits de discrimination au bénéfice des agents de la fonction publique.

Proposition n° 6 : transmettre chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat le bilan détaillé de la mise en œuvre du dispositif de nomination d’un pourcentage minimal de personnes de chaque sexe dans l’encadrement supérieur des collectivités publiques.

Proposition n° 7 : Saisir le Conseil d’État à la demande du Premier ministre afin d’obtenir un avis sur la possibilité pour le juge administratif, en dehors de toute disposition législative expresse, de prononcer l’annulation de nominations ne respectant pas l’objectif d’une représentation équilibrée de chaque sexe.

Proposition n° 8 : Consacrer la lutte contre les discriminations comme l’un des thèmes systématiquement abordés au cours des concertations annuelles organisées entre le Gouvernement et les organisations représentatives.

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