N° 2265 tome VI - Avis de M. Christophe Guilloteau sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)



N
° 2265

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2015 (n° 2234)

TOME VI

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

AIR

PAR M. Christophe GUILLOTEAU

Député

——

Voir le numéro : 2260 (annexe 12)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : 2015, UNE ANNÉE CHARNIÈRE POUR LE BUDGET DE L’ARMÉE DE L’AIR 9

I. UN BUDGET TENDU DANS UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE TAILLÉE AU PLUS JUSTE 9

A. 2015 EST LA DEUXIÈME ANNÉE D’UNE LPM QUI REVOIT À LA BAISSE LE FORMAT ET LE CONTRAT OPÉRATIONNEL DE L’ARMÉE DE L’AIR 9

1. Le Livre blanc et la LPM 2014-2019 définissent un nouveau format pour l’armée de l’air, pour un contrat opérationnel revu à la baisse 9

2. Le plan « Unis pour faire face » vise à préserver la cohérence de l’ensemble de l’outil opérationnel de l’armée de l’air 10

B. LA DÉFLATION DES EFFECTIFS SE POURSUIT ET CONDUIT INÉLUCTABLEMENT À DES RESTRUCTURATIONS 11

1. Les effectifs sont au rendez-vous du Livre blanc 11

a. Des efforts considérables en matière de déflation des effectifs ont déjà été effectués par l’armée de l’air 11

b. La réduction des effectifs doit se poursuivre en 2015 12

c. La situation particulière de l’armée de l’air doit être prise en compte au regard des objectifs de dépyramidage 13

2. La réduction des structures est inéluctable 13

3. Il est primordial de garder la base aérienne comme « outil de combat » 14

C. LES CRÉDITS DE L’ARMÉE DE L’AIR SONT « JUSTE COHÉRENTS » AVEC LE NOUVEAU FORMAT DE L’ARMÉE DE L’AIR 14

1. Les crédits de l’armée de l’air par sous-action 15

2. Les crédits de l’armée de l’air par nature de dépenses 17

a. Les dépenses de personnels 18

b. Les dépenses de fonctionnement 18

c. Les dépenses d’investissement 19

II. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 VISE À RENFORCER L’APTITUDE DE L’ARMÉE DE L’AIR À CONTINUER SES MISSIONS DANS LES MEILLEURES CONDITIONS 21

A. UNE ARMÉE DE L’AIR ENCORE PÉNALISÉE PAR UNE DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS FRAGILE 21

1. La tenue des contrats opérationnels et l’activité de l’armée de l’air demeurent insuffisantes 21

a. Les contrats opérationnels sont aujourd’hui imparfaitement tenus 21

i. Les contrats opérationnels permettant d’assurer la fonction stratégique de protection 21

ii. La capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France 21

iii. Le taux de satisfaction des contrats opérationnels permettant de gérer les crises 22

b. L’activité opérationnelle est insuffisante 22

c. Le projet de loi de finances pour 2015 ambitionne d’augmenter l’activité opérationnelle 23

i. La préparation opérationnelle différenciée 23

ii. Une formation des pilotes de chasse rénovée : le projet « Cognac 2016 » 24

d. L’objectif d’amélioration de l’activité opérationnelle demeure à un horizon lointain 24

2. Il est nécessaire de poursuivre les efforts pour accroître la performance du maintien en condition opérationnelle 25

a. Les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels aéronautiques augmentent en 2015 26

b. Le MCO aéronautique a été rationalisé 26

i. La réforme de la gouvernance 27

ii. Le projet « CAP 16 » de la SIMMAD 27

B. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015 PRÉVOIT DES COMMANDES ET LIVRAISONS DE CAPACITÉS INDISPENSABLES À LA RÉALISATION DES MISSIONS DE L’ARMÉE DE L’AIR 28

1. Les livraisons de matériels 29

a. Les avions A400M 29

b. Les armements air-sol modulaires 29

c. Les avions Rafale 30

d. La famille de systèmes sol-air futurs 30

e. Le programme SCCOA 30

f. L’avion SDCA rénové 31

g. Les avions de transport à long rayon d’action 31

2. Les commandes de matériels 31

a. Le système d’avion léger de surveillance et de renseignement 31

b. Le système de drone MALE 32

c. Les avions MRTT 32

DEUXIÈME PARTIE : LES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR 33

I. RICHES D’UN PASSÉ ANCIEN, LES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR S’INSÈRENT DÉSORMAIS DANS UN DISPOSITIF INTERARMÉES RELEVANT D’UNE CHAÎNE DE COMMANDEMENT PROPRE 35

A. DÈS LEUR CRÉATION, LES FORCES AÉRIENNES SE SONT DOTÉES DE CAPACITÉS DITES SPÉCIALES DONT LES RÉCENTS LIVRE BLANC ET LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE CONSACRENT L’IMPORTANCE 35

1. Les forces spéciales de l’armée de l’air se sont affirmées au cours de l’histoire 35

2. Le renforcement des forces spéciales est une priorité de la stratégie française 36

a. L’importance des missions spéciales est devenue une évidence pour lesquelles l’armée de l’air est particulièrement adaptée 36

b. La France figure dans le cercle restreint des nations détenant des forces spéciales opérant sur avion 36

c. La coordination avec les services de renseignements a accompli de réels progrès 38

B. SI LE DOMAINE ORGANIQUE DES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR RELÈVE DE L’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR, LE DOMAINE OPÉRATIONNEL EST MUTUALISÉ SOUS LA RESPONSABILITÉ DU COS ET FAIT UNE LARGE PLACE À L’INTERARMISATION 38

1. Les forces spéciales de l’armée de l’air sont intégrées au sein d’un commandement des opérations spéciales fortement interarmées et relèvent d’une chaîne de commandement propre 38

a. Les forces spéciales de l’armée de l’air sont intégrées dans un commandement des opérations spéciales interarmées 38

b. Les forces spéciales de l’armée de l’air relèvent d’une chaîne de commandement propre 39

2. Le domaine organique reste de la responsabilité de l’armée de l’air 40

a. L’armée de l’air reste responsable de la préparation opérationnelle des forces spéciales air 40

b. L’armée de l’air est chargée de l’acquisition et du maintien en condition opérationnelle des équipements employés par les forces spéciales air 41

II. ENGAGÉES AVEC SUCCÈS SUR UN NOMBRE CROISSANT DE THÉÂTRES, LES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR POURRAIENT UTILEMENT BÉNÉFICIER D’ÉQUIPEMENTS SUPPLÉMENTAIRES ET METTRE À PROFIT DES SYNERGIES CONSTRUCTIVES 43

A. LES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR, DOTÉES DE MISSIONS SPÉCIFIQUES, SONT DE PLUS EN PLUS ENGAGÉES AVEC EFFICACITÉ AU PROFIT DE L’ENSEMBLE DES FORCES ARMÉES FRANÇAISES 43

1. Plusieurs unités de l’armée de l’air mises à disposition du COS effectuent des missions spécifiques 43

a. Le CPA 10 44

b. L’escadron « Poitou » 44

c. Les hélicoptères de l’armée de l’air mis à disposition du COS 46

i. Les hélicoptères Caracal de l’armée de l’air dépendant du 4e RHFS 46

ii. Les hélicoptères de l’armée de l’air mis à disposition du GIH 46

2. Les forces spéciales de l’armée de l’air sont de plus en plus engagées avec efficacité sur les théâtres d’opération 46

a. Des engagements nombreux et de plus en plus permanents 47

b. Un taux d’activité élevé 48

c. Des engagements au profit de toutes les composantes des forces armées 49

B. LES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR, QUI FONT FACE AU DÉFI DE LEUR RENFORCEMENT ET À CERTAINES TENSIONS CAPACITAIRES, POURRAIENT UTILEMENT EXPLORER DE NOUVELLES SYNERGIES 49

1. Le défi de l’augmentation programmée des effectifs des forces spéciales à hauteur de 1 000 personnels 49

2. Des lacunes à combler 50

a. Les moyens aériens et aéromobiles 50

b. Le renseignement 51

c. Les moyens de transmissions 52

d. L’harmonisation et la modernisation des équipements 53

3. Des synergies et initiatives à encourager 53

a. Explorer de nouvelles mutualisations 53

b. Créer des référents forces spéciales 55

c. Respecter la spécificité des missions spéciales 55

d. Encourager la recherche et le développement 56

e. Mettre à profit une meilleure coopération européenne ? 56

TRAVAUX DE LA COMMISSION 57

I. AUDITION DU GÉNÉRAL DENIS MERCIER, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE L’AIR 57

II. EXAMEN DES CRÉDITS 73

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis 77

INTRODUCTION

La nomenclature budgétaire, issue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, scinde la mission « Défense » en quatre programmes – le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », le programme 178 « Préparation et emploi des forces », le programme 212 « Soutien de la politique de défense » et le programme 146 « Équipement des forces ». Elle est imprégnée d’une logique d’« interarmisation », qui substitue une approche par « milieux » à une logique d’armées, qui ne permet pas d’avoir une vision globale et synthétique des crédits affectés à l’armée de l’air.

Le bureau de la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a néanmoins choisi de conserver un avis spécifique à chaque armée, au lieu de retenir des périmètres d’avis budgétaire correspondant à un programme. Ainsi, le présent avis procède à une analyse succincte des crédits budgétaires de l’action 4 « Préparation des forces aériennes », dit BOP (1) « Air » et de l’action 57 « Préparation des forces aériennes – Personnel travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces » », mais ambitionne également de donner une vision transversale de l’armée de l’air, qui permet in fine d’analyser de façon globale la situation de cette dernière.

Le rapporteur souscrit pleinement à ce choix d’un avis budgétaire consacré spécifiquement à l’armée de l’air, dans la mesure où il reste convaincu que si l’interarmisation est certes grandissante, les armées demeurent chacune très attachées à leur identité et à leurs modes de fonctionnement.

De plus, le choix retenu pour le périmètre du présent avis présente l’avantage de permettre un examen du programme 178 « Préparation et emploi des forces » (27,4 milliards d’euros en crédits de paiement en 2015) favorisant un meilleur suivi des crédits.

Le rapporteur a également souhaité, dans une seconde partie plus thématique, mettre à l’honneur les forces spéciales de l’armée de l’air (FSA) qui lui semblent trop souvent être oubliées lorsque l’on évoque la capacité de premier plan qu’elles ont prise dans les opérations récentes.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2014, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 45 réponses sur 47 lui étaient parvenues, soit un taux de 95,7 %.

PREMIÈRE PARTIE : 2015, UNE ANNÉE CHARNIÈRE POUR LE BUDGET DE L’ARMÉE DE L’AIR

Le budget de l’armée de l’air pour 2015 est en adéquation avec le nouveau format et les nouveaux contrats opérationnels définis par le Livre blanc et la loi de programmation militaire 2014-2019.

Comme l’a souligné le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, le modèle de l’armée de l’air sous tendu par le projet de loi de finances pour 2015 est la dernière étape où la pleine souveraineté est maintenue sans abandon de compétences.

Le Livre Blanc et la LPM 2014-2019 dessinent un nouveau modèle pour l’armée de l’air, le premier précisant que « Les forces aériennes continueront d’assurer, en permanence, la mise en œuvre de la composante aéroportée de la mission de dissuasion et la protection de l’espace aérien national et de ses approches. » Pour cela, « les forces aériennes comprendront notamment 225 avions de chasse (air et marine), ainsi qu’une cinquantaine d’avions de transport tactique, 7 avions de détection et de surveillance aérienne, 12 avions ravitailleurs multirôles, 12 drones de surveillance de théâtre, des avions légers de surveillance et de reconnaissance et 8 systèmes sol-air de moyenne portée ».

La France devra être capable de projeter une force interarmées de réaction immédiate (FIRI) de 2 300 hommes à 3 000 kilomètres du territoire national ou d’une implantation à l’étranger, dans un délai de sept jours. Avant ce délai, la France restera capable de mener une action immédiate par moyens aériens.

L’armée de l’air devra également être capable de remplir des missions non permanentes d’intervention à l’extérieur des frontières. À ce titre, elle pourra être engagée simultanément et dans la durée dans plusieurs opérations de gestion de crise. Elle devra pouvoir mener ce type d’opérations sur deux ou trois théâtres distincts, dont un en tant que contributeur majeur. Le total des forces engagées à ce titre sur l’ensemble des théâtres sera constitué, avec les moyens de commandement et de soutien associés, d’une douzaine d’avions de chasse, répartis sur les théâtres d’engagement.

Enfin, les forces françaises devront pouvoir être engagées dans une opération de coercition majeure, tout en conservant une partie des responsabilités exercées sur les théâtres déjà ouverts. Sous préavis suffisant (évalué aujourd’hui à environ six mois), après réarticulation du dispositif dans les opérations en cours et pour une durée limitée, les armées devront être capables de mener en coalition, sur un théâtre d’engagement unique, une opération à dominante de coercition, dans un contexte de combats de haute intensité. Elles pourront assumer tout ou partie du commandement de l’opération. La participation française à cette opération se fondera sur l’engagement d’une force interarmées, disposant d’une capacité d’appréciation autonome de situation, de la supériorité informationnelle, d’une capacité de ciblage et de frappes dans la profondeur. À ce titre, les forces françaises conserveront la capacité de participer à une opération d’entrée en premier sur un théâtre de guerre dans les trois milieux. La France pourra engager dans ce cadre, avec les moyens de commandement et de soutien associés, jusqu’à 45 avions de chasse incluant les avions de l’aéronautique navale.

Le plan stratégique de l’armée de l’air « Unis pour faire face » lancé en 2013 et repris dans l’ordre aux armées, directions et service (OADS) 2014-2016 du chef d’état-major des armées, définit les grandes orientations pour l’armée de l’air de demain : une armée de l’air opérationnelle, modernisée, partenaire et portée par ses aviateurs pour continuer à protéger, dissuader et intervenir immédiatement.

Ce plan stratégique définit quatre axes d’efforts pour que l’armée de l’air puisse, dans les meilleures conditions, réaliser son activité, préserver sa cohérence et mobiliser les énergies : il s’agit de moderniser les capacités de combat, de simplifier les structures, de développer les partenariats et de valoriser l’aviateur. Une trentaine de projets traduisent en actions concrètes ces quatre axes d’efforts et constituent ainsi la déclinaison des objectifs stratégiques de l’armée de l’air en objectifs opérationnels.

En particulier l’armée de l’air poursuit la modernisation de ses capacités de combat autour de cinq capacités socles : le commandement et contrôle (C2) – capacité unique de conduire les opérations aériennes depuis Lyon, CDAOA (2) 2014, SCCOA (3), ACCS (4) – ; le renseignement (ISR (5)) – montée en puissance des drones MALE, ALSR (6) – ; l’intervention immédiate (polyvalence du Rafale, action depuis la métropole) ; la projection (A400M, MRTT) et la formation et l’entraînement (concept de différenciation, Cognac 2016 ou FOMEDEC (7)).

Il est en effet apparu nécessaire d’adapter et simplifier les structures pour rassembler les personnels autour de la mission et de mieux intégrer les soutiens. C’est dans cet objectif que l’armée de l’air a décidé de fusionner le CFA (8) et le CSFA (9), modifié l’organisation de la base aérienne et créé le niveau escadre.

Entre 2009 et 2014, l’armée de l’air a mis en œuvre de façon volontariste les déflations d’effectifs programmées dans le cadre de la réforme globale du ministère de la Défense et des anciens combattants commencée en 2008, conformément aux objectifs fixés par le précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et la précédente loi de programmation militaire, qui ont été repris et poursuivis par la loi de programmation militaire 2014-2019.

Le rapporteur souligne que les objectifs de déflation fixés à l’armée de l’air ont été respectés et même dépassés.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, a ainsi fait valoir, lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées en date du 14 octobre 2014, que « entre 2008 et 2014, l’armée de l’air a diminué ses effectifs de 16 000 personnes, fermé douze bases aériennes et quinze unités majeures. Sur les deux dernières années, près de 5 000 postes ont été supprimés. Pour 2014, la déflation représente sur une seule année 5 % des effectifs du budget opérationnel de programme « air » ».

S’agissant du personnel militaire, l’armée de l’air a réalisé une diminution de 22 % de ses effectifs militaires entre 2009 et 2013, à raison d’une baisse annuelle de l’ordre de 2 000 aviateurs. Les suppressions d’emplois ont été principalement réalisées dans les fonctions de soutien général et dans les domaines du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, de la protection et de l’infrastructure. D’autre part, les commissaires de l’air ont été transférés au service du commissariat des armées (SCA) en 2011.

Pour ce qui concerne le personnel civil, leur nombre a été principalement affecté par les mesures prises au titre de la réforme globale du ministère, mais également par le transfert de postes vers les structures interarmées (bases de défense, agence de reconversion de la défense).

ÉVOLUTIONS DES EFFECTIFS DE L’ARMÉE DE L’AIR (TOUS BOP)
SUR LA PÉRIODE 2009 – 2014

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Officiers

7512

7 372

7 042

6 837

6 739

6 533

Sous-officiers

32 154

30 730

29 156

27 564

26 302

25 320

MDRE (10)

15 507

14 886

14 371

14 097

13 476

12 471

Volontaires

565

531

514

505

276

26

TOTAL personnel militaire (PM)

55 738

53 520

51 084

49 003

46 794

44 350

Catégorie A

461

507

472

561

539

607

Catégorie B

1 008

951

813

648

694

687

Catégorie C

2 057

1 801

1 384

802

858

1 059

Ouvriers d’État (OE)

4 582

4 225

3 830

3 440

3 168

2 788

TOTAL personnel civil (PC)

8 108

7 485

6 499

5 452

5 261

5 141

TOTAL PM+PC

63 846

61 005

5 7583

54 456

52 054

49 491

Source : ministère de la Défense.

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit, dans son rapport annexé, une diminution totale des effectifs de la mission « Défense » de 33 675 postes au cours de la période 2014-2019.

La répartition des cibles de déflation pour l’année 2015 est en cours d’arbitrage, mais le général Denis Mercier a indiqué que « ce qui nous attend en 2015, c’est le départ de plus d’un millier de personnels, dont 200 officiers » (11).

Le rapporteur considère qu’il n’y a quasiment plus de réduction d’effectifs réalisables dans le cadre des réorganisations fonctionnelles qui ont déjà été faites lors de la précédente LPM. Cette poursuite de la réduction des effectifs va donc nécessairement conduire à la mise en place de nouveaux plans de restructurations.

Les catégories d’emploi n’ont pas toutes été concernées de la même manière par la réforme. La réduction des effectifs de l’armée de l’air (par rationalisation, fermeture de sites ou externalisation) a porté essentiellement sur les emplois des militaires techniciens de l’air (MTA) et des sous-officiers, conduisant mécaniquement à accroître la proportion des officiers au sein de la pyramide air.

La réforme a en effet conduit l’armée de l’air à supprimer proportionnellement beaucoup d’emplois de militaires du rang, en particulier dans les domaines de la protection des sites, de la restauration, de l’habillement et du logement, des fonctions administratives ou encore du transport. En outre, les emplois au cœur de l’activité de l’armée de l’air (mécaniciens aéronautiques, contrôleurs aériens, spécialistes des systèmes d’information et de communication - SIC) ne peuvent être que partiellement tenus par des militaires du rang, compte tenu du niveau de compétences techniques élevé nécessitant un recrutement adapté et une formation à forte valeur ajoutée.

C’est pourquoi le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air a indiqué : « je continue à avoir besoin d’officiers en raison de la cyberdéfense et parce que nous avons des structures de commandement et de conduite. Bien sûr, nous tiendrons les objectifs de déflation de la masse salariale, mais je ne pense pas pouvoir atteindre celui de la déflation envisagé pour les officiers » (12).

L’armée de l’air a déjà réalisé une importante réorganisation de ses implantations et des adaptations capacitaires qui ont conduit, pour la période couverte par la précédente LPM, à la fermeture de huit bases aériennes en métropole et quatre dans les Outre-mer, ainsi qu’à la dissolution d’une quinzaine d’unités majeures.

BASES AÉRIENNES FERMÉES ENTRE 2009 ET 2013

2009

Base aérienne 101 de Toulouse (31)

2010

Base aérienne 132 de Colmar (68)

2011

Base aérienne 112 de Reims (51)

 

Base aérienne 921 de Taverny (95)

 

Base aérienne de Dakar-Ouakam (Sénégal)

2012

Base aérienne 217 de Brétigny-sur-Orge (91)

 

Base aérienne 103 de Cambrai (59)

 

Base aérienne 128 de Metz (57)

 

Base aérienne 943 de Nice (06)

 

Base aérienne 190 de Tahiti-Faa’a (Polynésie française)

 

Base aérienne 181 de Saint-Denis de la Réunion (La Réunion)

 

Base aérienne 365 du Lamentin (Martinique)

Source : ministère de la Défense.

S’ajoutant à ces fermetures de bases, M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a annoncé, le mercredi 15 octobre 2014, de nouvelles restructurations touchant le ministère de la Défense en 2015. S’agissant de l’armée de l’air, ont ainsi été annoncés : la transformation de la base aérienne 901 (BA 901) de Drachenbronn, dont le site continuera d’accueillir des moyens de détection et le personnel nécessaire à leur maintenance, en élément air rattaché à la base aérienne 133 (BA 133) de Nancy ; la dissolution de la base aérienne 117 (BA 117) de Balard dans le cadre de la mutualisation et de l’externalisation du soutien du site de Balard ; le début de la dissolution de la base aérienne 102 (BA 102) de Dijon avec le transfert du commandement des forces aériennes (CFA) à Bordeaux-Mérignac et son fusionnement avec le commandement du soutien des forces aériennes (CSFA) et le début du transfert des escadrons de Casa de Creil vers la base aérienne 105 (BA 105) d’Évreux en vue de la fermeture de la plateforme aéronautique de la base aérienne 110 (BA 110) de Creil en 2016.

De façon générale, le rapporteur appelle de ses vœux une information plus en amont des personnels concernés par ces restructurations, de façon à ce qu’ils puissent les anticiper dans les meilleures conditions.

L’organisation des bases aériennes, lieux de stationnement et de mise en œuvre des forces et terrains de préparation opérationnelle, en fait un véritable outil de défense et de sécurité essentiel pour notre pays.

Le rapporteur attache en conséquence une attention particulière au maintien d’un nombre suffisant de bases aériennes, sur le territoire national, mais également hors de l’Hexagone, pour préserver à l’avenir les exigences de réactivité et de souplesse d’emploi de l’arme aérienne.

Il convient de souligner que la structure des bases aériennes est en cours d’adaptation. La réorganisation prévue vise à aboutir à un nouveau modèle, dit Base aérienne XXI, ayant pour but de placer sous l’autorité du commandant de base, dès lors qu’il s’agit de missions opérationnelles, la totalité des moyens notamment ceux de soutien (infrastructures, administration, service de santé). D’après le chef d’état-major de l’armée de l’air, « trois bases aériennes sont passées dans ce format dès cet été ; la totalité des bases l’aura fait en 2015. »

Les crédits de l’armée de l’air, hors prospective des systèmes de forces et études amont, qui relèvent du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », hors soutien, qui relèvent du programme 212 « Soutien de la politique de défense », et hors équipements, relevant du programme 146 « Équipement des forces », sont regroupés, au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission « Défense » dans l’action 4 « Préparation des forces aériennes ».

Par rapport à l’année dernière, il convient de souligner que les dépenses de personnels de l’armée de l’air sont désormais regroupées au sein du programme 212 « Soutien de la politique de défense » dans l’action 57 « Préparation des forces aériennes – personnel travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces » ».

Ces deux actions ont pour objectif de maintenir l’aptitude de l’armée de l’air à assurer les missions qui lui sont confiées et doivent être additionnées pour effectuer des comparaisons à périmètre égal par rapport au PLF pour 2014.

Les autorisations d’engagement (AE) inscrites dans le projet de loi de finances pour 2015 s’élèvent ainsi à 4,63 milliards d’euros (2,17 milliards d’euros dans l’action 4 du programme 178 et 2,46 milliards d’euros dans l’action 57 du programme 212), soit une hausse significative de 4,28 % par rapport aux AE ouvertes en loi de finances initiale (LFI) pour 2014 (4,44 milliards d’euros).

Les crédits de paiements (CP) inscrites dans le projet de loi de finances pour 2015 représentent un montant global de 4,33 milliards d’euros (1,87 milliard d’euros dans l’action 4 du programme 178 et 2,46 milliards d’euros dans l’action 57 du programme 212), soit une parfaite stabilité par rapport aux CP ouverts en LFI pour 2014 (4,33 milliards d’euros).

Les crédits de l’armée de l’air représentent environ 26,3 % du montant global des crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

À part le rattachement des dépenses de personnel (titre 2) au programme 212, la maquette budgétaire n’a pas été modifiée cette année : le nombre de sous-actions reste fixé à six.

VENTILATION DES CRÉDITS DE L’ACTION 4 « PRÉPARATION DES FORCES AÉRIENNES » DU PROGRAMME 178 « PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES »

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé des sous-actions

Titre 3

Dépenses de fonctionnement

Titre 5

Dépenses d’investissement

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2

Commandement et activités centralisées des forces aériennes

16,32

16,01

   

16,32

16,1

3

Activités des forces aériennes

265,66

264,20

   

265,66

264,20

4

Activités des forces aériennes stratégiques

140,51

137,76

   

140,51

137,76

5

Ressources humaines des forces aériennes

71,65

71,12

   

71,65

71,12

6

Entretien et équipements des forces aériennes

1 616,83

1 321,50

59,83

56,01

1 676,66

1 377,51

9

Service industriel aéronautique (SIAé) (personnel et fonctionnement)

           

Total

2 110,97

1 810,59

59,83

56,01

2 161,8

1 866,69

Source : projet annuel de performances pour 2015.

La sous-action 2 couvre le périmètre des organismes du niveau d’état-major d’armée en charge de mener le commandement de l’armée de l’air et de définir la conception et les modalités de réalisation de la préparation et de l’entraînement des forces aériennes. Elle regroupe ainsi le cabinet du chef d’état-major de l’armée de l’air, l’état-major de l’armée de l’air (EMAA), le bureau enquête accident de la défense air (BEAD-air), le service d’information et de relation publique de l’armée de l’air, la direction de la sécurité aéronautique d’État, les inspections et les commandants de bases aériennes, la gendarmerie de l’air, ainsi que le personnel de l’armée de l’air employé au sein d’organismes à vocation interarmées et participations Défense.

La sous-action 3 regroupe l’ensemble des unités du commandement des forces aériennes (CFA), dont la finalité consiste à préparer les forces aériennes à remplir leur mission, et du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), qui est un commandement opérationnel disposant de moyens dédiés à la chaîne C2 (commandement et conduite) et s’appuyant sur des moyens d’action (vecteurs et capteurs) qui ne lui sont pas organiquement rattachés. Elle intègre également quelques unités du centre d’expériences aériennes militaires (CEAM), dont la MEST A400M (Multinational Entry into Service Team) sur la base aérienne d’Orléans et le centre d’expertise de l’armement embarqué (CEAE), stationné sur la base aérienne de Cazaux.

La sous-action 4 regroupe l’ensemble des unités des forces aériennes stratégiques (FAS), dont la mission est de planifier, programmer et conduire les opérations nucléaires. Elle regroupe le commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS), composé principalement d’un centre d’opération, de deux escadrons de chasse, d’un groupe de ravitaillement en vol, d’escadrons de soutien technique et d’unités de transmissions spécifiques.

La sous-action 5 regroupe les crédits nécessaires à l’ensemble des actions de formation des personnels de l’armée, ainsi que les crédits indispensables aux fonctions de recrutement, de gestion et d’administration d’une population réunissant plus de cinquante métiers différents.

La sous-action 6 regroupe les crédits qui ont pour objet d’assurer la mise en œuvre technique ainsi que le soutien et la logistique des forces de l’armée de l’air et d’optimiser la disponibilité des aéronefs et des matériels aéronautiques associés. L’organisation de l’armée de l’air en matière de soutien des forces aériennes repose notamment sur le commandement du soutien des forces aériennes (CSFA) et la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD).

La sous-action 9 concerne le service industriel de l’aéronautique (SIAé), qui est un service de soutien à vocation interarmées relevant de l’armée de l’air, dont la mission est de contribuer, en réalisant la maintenance des matériels aériens et les rénovations nécessaires, à la disponibilité des moyens aériens des forces, garantissant l’autonomie d’action de l’État en matière de MCO aéronautique. Cette sous action n’est pas dotée en construction budgétaire mais utilisée en gestion.

Les dépenses de personnel (titre 2) ont été rattachées au programme 212 « Soutien de la politique de défense ». En effet, le ministre de la Défense a, lors des comités exécutifs des 30 mai et 12 juin 2013, décidé d’une nouvelle gouvernance de la fonction « ressources humaines ». L’architecture budgétaire a été réformée à compter de 2015 par un regroupement de tous les crédits de titre 2 sur le seul programme 212. Les BOP de ce programme sont les principaux services et directions gestionnaires de personnel, l’objectif étant de faire coïncider la gestion des personnels (avancement, promotion, etc.) et la gestion de la masse salariale.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE TITRE 2
ENTRE LA LFI 2014 ET LE PLF 2015

(en millions d’euros)

 

LFI 2014

PLF 2015

 

AE

CP

AE

CP

Titre 2 (personnel)

2509,3

2509,3

2461,98

2461,98

Source : ministère de la Défense.

Pour l’ensemble de l’action 4 du programme 178, la répartition entre les différents titres et son évolution par rapport à 2014 s’établit de la manière suivante.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 4 DU PROGRAMME 178
ENTRE LA LFI 2014 ET LE PLF 2015

(en millions d’euros)

 

LFI 2014

PLF 2015

 

AE

CP

AE

CP

Titre 3 (fonctionnement)

1876,56

1783,35

2110,99

1810,59

Titre 5 (investissement)

58,16

39,34

59,83

56,01

Total

1934,72

1822,69

2170,82

1866,6

Source : ministère de la Défense.

On constate ainsi qu’en ce qui concerne les CP les crédits de titre 2 sont en diminution de 1,88 %, les crédits de titre 3 augmentent très légèrement de 1,53 % tandis que les crédits de titre 5 enregistrent une hausse très marquée de 42,37 %.

Il convient d’analyser plus finement la répartition par nature des crédits de l’armée de l’air.

Les crédits de titre 2 représentent 2,46 milliards d’euros en AE et en CP (soit une diminution de 1,88 % par rapport à 2014).

Cette diminution des dépenses de personnel s’explique à la fois par un effet de périmètre dû à la poursuite de la suppression d’emplois et par la réduction de mesures catégorielles.

Les crédits de titre 3 représentent 2,11 milliards d’euros en AE (soit une augmentation de 12,24 % par rapport à 2014) et 1,81 milliard d’euros en CP (soit une augmentation de 1,53 % par rapport à 2014).

Parmi ces dépenses de fonctionnement, figurent principalement :

– les crédits des activités opérationnelles qui s’élèvent à 412,05 millions d’euros en AE et 409,23 millions d’euros en CP. L’évaluation des ressources nécessaires à l’activité opérationnelle tient compte de la réduction du volume de personnel de l’armée de l’air (dont l’impact est direct sur les coûts d’alimentation et sur les activités d’entraînement) et de l’évolution des heures de vol pour 2015. En ce qui concerne les carburants opérationnels, les besoins sont estimés à partir de la prévision d’activité. En cohérence avec la réduction du format de l’armée de l’air et l’activité aérienne prévisionnelle, le volume de carburéacteur nécessaire est de 378 300 m³ (contre 370 100 m3 en 2014). La ressource consacrée à l’ensemble des besoins en carburants opérationnels est ainsi fixée pour le PLF 2015 à 295,6 millions d’euros ;

– les crédits du fonctionnement et des activités spécifiques qui s’élèvent à 24,76 millions d’euros en AE et 24,1 millions d’euros en CP, soit une diminution de 29 % entre 2014 et 2015, en lien direct avec la baisse du nombre de personnels de l’armée de l’air ;

– les crédits d’entretien programmé des matériels (EPM) et dissuasion, qui s’élèvent à 1,64 milliards d’euros en AE (+19 %) et 1,34 milliard d’euros en CP (+6 %). Ces crédits recouvrent les crédits d’EPM des flottes aériennes y compris celles chargées de la dissuasion (1,49 milliard d’euros d’AE et 1,24 milliard d’euros de CP). Ils englobent également les crédits d’EPM des munitions et missiles (134,37 millions d’euros d’AE et 87,04 millions d’euros de CP) qui concernent l’entretien des missiles et systèmes sol-air ainsi que les crédits d’EPM des matériels terrestres (21,22 millions d’euros en AE et 20,68 millions d’euros en CP) ;

– les crédits des équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC) qui s’élèvent à 31,60 millions d’euros en AE et 32,03 millions d’euros en CP. Cette opération stratégique regroupe trois activités : les armements et munitions aéronautiques (23,91 millions d’euros d’AE et 20,68 millions d’euros de CP), les armements et munitions non aéronautiques (5,49 millions d’euros d’AE et 8,01 millions d’euros de CP) et l’entraînement des forces pour ce qui concerne les prestations des centres d’essais et de lancement des missiles dans le cadre des campagnes de tir air-air, air-sol et sol-air (2,2 millions d’euros d’AE et 3,35 millions d’euros de CP).

Les crédits de titre 5 représentent 59,83 millions d’euros en AE et 56,01 millions d’euros en CP, soit une stabilité des AE par rapport à 2014 et une augmentation des CP (+42,4 %). Ces crédits correspondent principalement à :

– des crédits d’entretien programmé des matériels qui concernent le démantèlement des matériels terrestres et aéronautiques, ainsi que le démantèlement des munitions et missiles (3,84 millions d’euros d’AE et 2,58 millions d’euros de CP) ;

– des crédits des équipements d’accompagnement, parmi lesquels figurent des matériels aéronautiques d’environnement (14,39 millions d’euros d’AE et 10,87 millions d’euros de CP) destinés aux opérations relatives aux matériels terrestres concourant directement à l’activité aérienne tels que les moyens de mise en œuvre (groupes électrogènes, véhicules spécifiques, tracteurs d’aéronefs), moyens de maintenance (groupes hydrauliques, passerelles) et matériels dotés (remorques, outillages spécifiques) ; des matériels informatiques air, destinés notamment à l’intranet sécurisé des bases aériennes (6,34 millions d’euros d’AE et 4,68 millions d’euros de CP) ; des crédits associés à l’acquisition et au renouvellement de produits dans le domaine NRBC (1,55 million d’euros d’AE et 6,07 millions d’euros de CP) ; des crédits liés à l’acquisition de matériels terrestres, hors matériels aéronautiques (22,39 millions d’euros d’AE et 18,69 millions d’euros de CP) et des crédits concernant l’acquisition et le renouvellement de matériels de télécommunications, radio et hertziens (5,29 millions d’euros en AE et 4,89 millions d’euros en CP).

Les statistiques fournies par le projet annuel de performances (PAP) mettent en évidence que plusieurs contrats opérationnels de l’armée de l’air ne sont pas remplis dans des conditions satisfaisantes.

TAUX DE SATISFACTION DES CONTRATS OPÉRATIONNELS PERMETTANT D’ASSURER LA FONCTION STRATÉGIQUE DE PROTECTION

(en %)

 

2013

Réalisation

2014

Prévision

Actualisée

(PAP 2015)

2015

Prévision

Niveau de réalisation des contrats (alertes)

99,4

100

100

Niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance aérienne

75

75

75

Niveau de réalisation des interceptions

100

100

100

Source : ministère de la Défense.

Le niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance aérienne apparaît ainsi tout spécialement insuffisant.

CAPACITÉ DES ARMÉES À INTERVENIR DANS UNE SITUATION
METTANT EN JEU LA SÉCURITÉ DE LA FRANCE

(en %)

 

2013

Réalisation

2014

Prévision actualisée

(PAP 2015)

2015

Prévision

Chasse

70

80

82

Transport

68

80

82

Soutien

64

80

82

Hélicoptères

83

80

82

Source : ministère de la Défense.

Ces données mettent en évidence un fort déficit actuel en matière de transport et de soutien.

TAUX DE SATISFACTION DES CONTRATS OPÉRATIONNELS
PERMETTANT DE CIRCONSCRIRE LES CRISES

(en %)

 

2013

Réalisation

2014

Prévision actualisée

(PAP 2015)

2015

Prévision

Chasse

65

90

95

Transport

54

90

95

Soutien

62

90

95

Hélicoptères

73

90

95

Source : ministère de la Défense.

Ces données illustrent le fait que la projection de forces par l’aviation de transport nécessite aujourd’hui un large recours à l’affrètement.

L’activité opérationnelle des forces revêt une importance prioritaire, car elle est une dimension de la crédibilité du modèle de l’armée de l’air et l’une des clefs de son efficacité. Elle comprend à la fois l’activité conduite en opérations et la préparation opérationnelle nécessaire à la qualification des forces.

Depuis plusieurs années, l’activité opérationnelle connaît une évolution à la baisse et s’inscrit désormais très en deçà des normes de qualification nationale et de certification de l’OTAN.

NIVEAU DE RÉALISATION DES ACTIVITÉS ET DE L’ENTRAÎNEMENT
(HEURES DE VOL, HORS SIMULATEURS)

 

Norme LPM 2009-2014

2011

Réalisation

% 2011 Libye

2012

Réalisation

2013

Réalisation

% 2013 Mali

2014

(Prévision actualisée)

(PAP 2015)

2015

(prévision)

Objectifs OTAN

Heures de vol par pilote de chasse

180

170

42 %

190

157

5 %

150

150

180

Heures de vol par pilote de transport

400

287

35 %

265

276

11 %

260

230

400

Heures de vol par pilote d’hélicoptère

200

170

9 %

199

191

0 %

170

160

200

Source : ministère de la Défense.

En raison d’une disponibilité insuffisante des aéronefs, l’activité des pilotes reste donc très inférieure aux normes et fragilise encore l’équilibre entre la préservation des compétences et la formation des jeunes équipages.

Le projet annuel de performances pour 2014 souligne ainsi que « l’armée de l’air a consenti à une réduction d’activité pour la période 2014-2015, avec pour objectif une remontée significative à compter de 2016-2017 notamment pour la chasse. Cette situation ne permet plus d’entretenir pour tous les compétences requises. Les conséquences sont minimisées grâce à un recours accru aux moyens de simulation et en priorisant l’activité, afin de conserver les capacités jugées essentielles. Le décalage avec les normes d’activité est aujourd’hui partiellement compensé pour les équipages les plus anciens par l’expérience acquise en particulier en opérations. Toutefois, le maintien de ce déficit d’entraînement allonge les délais nécessaires à l’acquisition de compétences, notamment par les plus jeunes équipages ».

Le projet de loi de finances pour 2015 se donne pour objectif de faire du niveau d’activité opérationnelle une priorité, en mettant en œuvre un concept de préparation opérationnelle différenciée et en modernisant la formation des pilotes.

Le concept de préparation opérationnelle différenciée a été introduit, à l’initiative du chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Denis Mercier, dans le Livre blanc de 2013. Ce dernier prévoit que « la préparation opérationnelle sera différenciée, un effort particulier étant réalisé pour disposer d’un premier cercle de forces employables avec un très haut niveau de réactivité dans tout le spectre des opérations ».

Il se traduit en pratique par la création de deux catégories de pilotes :

– les pilotes du premier cercle, qui regrouperont à terme environ 240 pilotes de chasse d’après les éléments d’information fournis par l’état-major de l’armée de l’air, effectueront une activité aérienne normale en unité de combat (180 heures de vol annuelles, complétées par une activité d’environ 60 heures sur simulateur). Ils seront très bien entraînés pour tout le spectre des opérations ;

– les pilotes du deuxième cercle, englobant environ 50 pilotes de chasse, seront issus de ce premier cercle et regrouperont des pilotes chevronnés affectés momentanément hors d’un escadron de combat comme moniteur en école de formation. Ils effectueront une activité sur chasseurs limitée à 40 heures de vol annuelles, complétée par une activité de 140 heures de vol sur des avions dont la configuration interne sera représentative des avions d’armes modernes et proche de celle du Rafale. Ce deuxième cercle de pilote est destiné à assurer la relève en opérations des équipages du premier cercle.

Le concept de préparation opérationnelle est étroitement lié à la mise en œuvre du projet « Cognac 2016 » visant à moderniser la formation des pilotes.

Le principe retenu consiste en effet à utiliser les pilotes du deuxième cercle, destinés à assurer la relève en opération des équipages du premier cercle pour des missions moins exigeantes que celles du premier jour, comme instructeurs sur des « avions de complément ».

Ces avions de compléments, qui pourront être configurés comme des avions de combat, coûteront beaucoup moins cher à l’heure de vol. Le type d’avion, qui n’a pas encore été explicitement évoqué, pourrait être le PC-21 de la firme suisse Pilatus, qui a le coût d’exploitation d’un monoturbine avec une avionique moderne qui s’approche de celle des jets.

La réalisation de ce projet est une condition nécessaire à la mise en œuvre de la préparation opérationnelle différenciée.

Le rapporteur constate que l’objectif d’amélioration de l’activité opérationnelle demeure très limité dans ses ambitions.

Le point 3.2 du rapport annexé au projet de loi de programmation militaire indique en effet que les efforts engagés au cours de la période 2014-2015 ne permettront que « d’obtenir une stabilisation globale de l’activité à un niveau comparable à celui de 2013 (quinze pour cent environ en deçà des normes) ».

Ce résultat semble d’ailleurs largement sous-estimé, dans la mesure où l’activité se situera en 2015, d’après les données du projet annuel de performances pour 2015, à 16,67 % en dessous des normes pour les pilotes de chasse, 42,5 % en dessous des normes pour les pilotes de transport et 20 % en dessous des normes pour les pilotes d’hélicoptères.

Le même rapport annexé indique que la mise en œuvre de ces réformes ne permettra de tendre vers les normes de référence qu’« à partir de 2016 » seulement, ce qui reste très optimiste puisque l’acquisition d’avions turbopropulsés de dernière génération ne devrait pas intervenir avant 2017.

Le rapporteur estime en conséquence que ces objectifs, qui restent particulièrement optimistes, demeurent en tout état de cause insatisfaisants pour disposer de capacités d’entraînement essentielles pour des équipages prêts à intervenir sans délai.

Ils ne permettront pas à l’armée de l’air de réaliser une activité aérienne conforme aux normes. Ainsi, d’après le général Guy Girier, directeur central de la SIMMAD, « l’armée de l’air a dû, faute de financement, faire l’impasse sur un volume de 33 000 heures de vol » (13) en 2014.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) du matériel de l’armée de l’air désigne l’ensemble des moyens et interventions qui permettent à celui-ci, durant toute sa durée d’utilisation, de rester à tout moment apte à l’emploi qui lui est assigné, en corrigeant les effets du vieillissement (corrosion, obsolescences techniques), les défauts constatés ainsi que les effets liés à l’emploi (pannes, remplacement des produits consommables).

Le coût global du MCO est essentiellement constitué des dépenses d’entretien programmé des matériels (EPM) et des rémunérations et charges sociales (RCS) du personnel affecté à la maintenance. Le reste correspond à des dépenses de fonctionnement et de soutien initial qui sont financées par le programme 146. Dans le milieu aéronautique, l’EPM représente environ 60 % du coût total de la maintenance et les RCS 36 % (14).

Les crédits destinés à l’EPM conditionnent la bonne réalisation de la préparation et de l’activité opérationnelle et contribuent à la disponibilité technique des matériels.

Depuis plusieurs années, ces crédits d’EPM ont été sous-évalués par rapport aux crédits d’équipement. Cette insuffisance initiale de ressources a de plus été aggravée par un décalage entre les niveaux d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement alloués, qui a entraîné un report de charge élevé. Elle a progressivement conduit à une incapacité à réaliser l’activité garantissant la formation ou le maintien de savoir-faire de tous les équipages opérationnels et à une érosion de la disponibilité des flottes.

DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS PAR RAPPORT
AUX EXIGENCES DES CONTRATS OPÉRATIONNELS

(en %)

 

2013

Réalisation

2014

Prévision

actualisée

2015

Prévision

Avions de combat

61,8

88

90

Avions de transport tactique

49,7

70

75

Avions d’appui opérationnel

NC

87

87

Avions à usage gouvernemental

90,8

103

104

Hélicoptères de manœuvre et de combat

NC

88

86

Source : Projet annuel de performances.

Les crédits de l’armée de l’air inscrits pour 2015 sur l’action « Préparation des forces aériennes » au titre de l’EPM et de la dissuasion s’élèvent à 1,35 milliard d’euros en crédits de paiement.

Ils sont ainsi en augmentation de 5,96 % par rapport à 2014, ce qui démontre un effort louable pour augmenter l’EPM aéronautique.

CRÉDITS D’EPM DES ÉQUIPEMENTS DE L’ARMÉE DE L’AIR

(en millions d’euros courants)

S/Action

Titre

Rubrique

AE LFI 2013

AE LFI

2014

AE PLF

2015

 

CP LFI 2013

CP LFI 2014

CP PLF 2015

70

3

EPM flottes aéronautiques – dissuasion

102,6

101,6

112,7

 

100,6

100,0

110,0

70

3

EPM flottes aéronautiques - hors dissuasion

1 419,1

1 078,5

1 374,2

 

1 002,8

966,5

1 030,2

73

3

EPM SIC

88,2

83,0

 

59,4

113,9

97,2

70

3

EPM munitions et missiles

24,8

96,4

134,4

 

62,6

67,0

87,0

73

3

EPM matériels terrestres

16,9

19,9

21,2

 

16,6

23,52

20,6

70

5

Démantèlement milieu aérien

1,7

3,1

3,8

 

3,8

0,9

2,5

70

5

Démantèlement milieu terrestre

0

0,1

0,1

 

0

0,1

0,1

     

1 653,3

1 382,6

1 646,4

 

1 245,9

1 272,0

1 347,8

Source : ministère de la Défense

Le rapporteur constate cette augmentation de 5,96 % de l’EPM de l’armée de l’air par rapport à 2014 est en concordance avec les ambitions de la LPM 2014-2019, qui prévoit que les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3 % par an en valeur.

La performance du MCO aéronautique continue d’être améliorée grâce à une réforme de la gouvernance et au projet « CAP 16 » de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD). Cette démarche doit permettre à l’armée de l’air de regagner les marges de manœuvre qui lui sont nécessaires pour garantir les compétences et les capacités d’engagement à la hauteur des nouveaux contrats opérationnels.

Le ministre de la Défense a confié au chef d’état-major de l’armée de l’air, par délégation du chef d’état-major des armées, la performance du MCO aéronautique pour l’ensemble des armées. À cet effet, un secrétariat permanent interarmées a été créé, auquel participent les trois armées ainsi que la DGA.

La SIMMAD a mis en place un projet global en coordination avec l’ensemble des acteurs du MCO aéronautique pour améliorer la performance de ce MCO selon quatre axes :

– une remise en cohérence des contrats avec les nouvelles hypothèses d’activité de la LPM 2014-2019. Il s’agit d’optimiser la transition entre le soutien initial et le soutien en service afin de pouvoir mettre en œuvre, pour les nouveaux matériels en cours de déploiement, l’ensemble des leviers porteurs d’efficience pour le MCO aéronautique : la mise en concurrence, la transversalité, la performance (associer l’industriel à la performance par la mise en place de contrats à l’heure de vol ou de disponibilité, et non pas au temps de réparation) et l’optimisation de la durée des contrats ;

– un renforcement de l’expertise sur le MCO aéronautique, avec la mise en place d’un nouveau « collège du MCO aéronautique », coprésidé par la SIMMAD et la DGA ;

– l’amélioration de la performance de l’outil industriel étatique. Un groupe de travail permanent de planification de la maintenance étatique, lancé début 2014 et associant les états-majors, le service industriel de l’aéronautique (SIAé), la DGA et la SIMMAD, a pour but d’établir la programmation du plan de charge qui sera confié aux ateliers industriels de l’aéronautique (AIA du SIAé) sur la période de la prochaine loi de programmation militaire ;

– l’optimisation de l’organisation de la SIMMAD, avec notamment, la mise en place du système d’information COMP@s-ATAMS (interarmisation du MCO aéronautique par le partage des données et des procédures).

Le rapporteur constate avec satisfaction que ces mesures se sont traduites en 2014 par une hausse sensible du taux de disponibilité par rapport aux deux dernières années (il atteint 44,5 %, soit +1,5 % par rapport à l’année 2013). De même, le taux de disponibilité en OPEX est orienté à la hausse, avec près de 80 % en moyenne, soit plus de 2,5 % par rapport à 2013. Néanmoins, la disponibilité reste en deçà de l’attente des forces et est très contrastée d’un parc à l’autre. Si l’aviation de combat bénéficie d’une convergence de facteurs favorables (nouveaux contrats, nouvelles organisations logistiques), les flottes de soutien et de transport sont quant à elles sous forte tension. Le rapporteur estime en conséquence que les efforts devront être poursuivis pour confirmer l’amélioration.

L’armée de l’air est dotée d’équipements qui doivent lui permettre d’assurer dans les meilleures conditions ses missions de protection, de dissuasion, d’intervention, de connaissance et d’anticipation et de prévention.

PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DE L’ARMÉE DE L’AIR

Source : SIRPA air.

En prévoyant l’acquisition ou le renouvellement de certains de ses équipements, le PLF 2015 poursuit la modernisation de l’armée de l’air.

La structuration du budget par système de forces retenue par la LOLF ne permet pas de distinguer, au sein des 7,79 milliards d’euros de crédits du programme 146 « Équipement des forces » de la mission Défense, la part spécifique de ces crédits alloués à l’armée de l’air. Le rapporteur a néanmoins souhaité analyser succinctement les principales livraisons et commandes de matériels pour l’armée de l’air en 2015.

PRINCIPALES LIVRAISONS ET COMMANDES DE MATÉRIELS
POUR L’ARMÉE DE L’AIR EN 2015



Source : DGA.

L’A400M est un avion de transport quadrimoteur destiné à réaliser l’aérotransport et l’aérolargage de troupes et de matériels (aérotransport logistique inter-théâtres, aérotransport tactique). Il remplacera progressivement la flotte de transport tactique de C160 Transall.

Les quatre A400M qui seront livrés en 2015 viennent s’ajouter aux quatre avions livrés en 2014 et aux deux avions livrés avant 2014, et doivent contribuer à atteindre la cible de 15 A400M en 2019.

L’objectif du programme armement air-sol modulaire (AASM) est d’équiper le Rafale d’une bombe propulsée capable de détruire ou de neutraliser les cibles terrestres du champ de bataille. Complémentaire des missiles du type Scalp/Apache, l’AASM permet le tir à distance de sécurité de bombes de 250 kg, dans toutes les conditions météorologiques, avec une précision d’impact décamétrique ou métrique, sur cible fixe ou mobile.

Le rapporteur déplore que le projet de LPM 2014-2019 ait réduit la cible d’acquisition des AASM, qui ont pourtant montré toutes leur utilité lors de l’opération Serval, mais note avec satisfaction que le PLF 2015 prévoit la livraison à l’armée de l’air de 220 armements AASM contre 140 en 2014.

Appareil polyvalent susceptible d’effectuer de nombreuses missions (dissuasion nucléaire, pénétration et attaque au sol par tous les temps, attaque à la mer, défense et supériorité aérienne, intervention à long rayon d’action avec ravitaillement en vol, reconnaissance tactique et stratégique), le Rafale a été, après l’opération Harmattan, largement employé dans le cadre de l’opération Serval, qui a confirmé la pertinence des choix de conception effectués à la genèse du programme.

Sur les 11 Rafale livrés en 2015, sept seulement seront destinés à l’armée de l’air, les quatre autres revenant à la marine. Ils seront équipés du nouveau radar à antenne active, ainsi que d’une nouvelle version du système SPECTRA de guerre électronique. En outre, un nouveau standard F3R sera développé pour le Rafale, ce qui contribuera au maintien de l’activité des bureaux d’études.

La famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) a pour vocation d’assurer, outre l’autodéfense des bâtiments de la marine et la défense antiaérienne du corps de bataille, la défense des bases aériennes (SAMP/T). Le système SAMP/T peut intercepter des cibles conventionnelles et des cibles balistiques rustiques.

La livraison, en 2015, de six missiles ASTER 30 s’inscrit dans l’avancement des activités de livraisons du SAMP/T.

La fin de l’année 2014 et l’année 2015 verront la livraison de cinq radars HMA rénovés (de type 2215 et 22XX), l’installation d’un radar GM 403 transportable sur le site de Nice (dans l’attente de la livraison du radar définitif GM 406 en 2016) et la mise en service du radar GM 406 de Guyane.

Ces livraisons permettront de maintenir la capacité de détection sur la France métropolitaine et en Guyane.

Concernant la fusion des données de détection, trois centres STRIDA sur quatre (Mont-de-Marsan, Drachenbronn et Cinq-Mars-la-Pile) ont été mis à niveau en version C3 en 2013 et en 2014. Ces mises à niveau permettront d’assurer la surveillance sur l’ensemble du territoire national durant les prochaines années, dans l’attente de l’arrivée de l’ACCS, dont la mise en service du premier centre à Lyon est actuellement prévue au printemps 2016. Le retard de mise en service de ce premier centre n’est pas lié à des décalages du programme SCCOA, mais aux retards du programme ACCS de l’OTAN en raison de sa complexité de mise au point.

Les opérations en Libye et au Mali ont démontré le rôle crucial que les avions SDCA (15), dénomination française des AWACS (16), occupent en matière de traitement, de diffusion des informations opérationnelles et de prise des décisions. Ces matériels étant d’une conception datant des années 1970, il était en effet impératif de faire évoluer les capacités de la flotte de quatre appareils de ce type dont dispose la France.

La rénovation (radar, communications, etc.) de deux avions SDCA en 2015 constitue donc une étape nécessaire dans l’objectif de les conserver jusqu’en 2035, compte tenu des insuffisances du système actuel et de la nécessité de garantir l’interopérabilité avec les alliés et avec les avions de combat français.

Après le retrait du service des DC8, la location de deux avions de transport à long rayon d’action (TLRA) de type A340 a été retenue en 2004 comme solution transitoire pour répondre, dans l’attente de l’acquisition de MRTT, au besoin de transport à long rayon d’action (transport de personnels lors des opérations de projection et vers les lieux de pré-positionnement).

La location de ces deux TLRA se terminant en 2015, il convenait de conserver une capacité d’assurer les missions de transport jusqu’à la mise en service opérationnelle des premiers MRTT, prévue seulement au second semestre 2019 d’après le projet de LPM 2014-2019.

La levée de l’option d’achat, prévue dans le contrat TLRA et exercée en avril 2014, permet à cet égard de satisfaire ce besoin en évitant une rupture capacitaire en attendant l’arrivée des deux premiers MRTT.

La crise sahélienne et l’opération Serval au Mali ont confirmé le besoin de disposer d’une capacité SA2R (surveillance, acquisition, reconnaissance et renseignement) sur des avions légers, afin de réaliser des missions de renseignement avec une empreinte très réduite. La commande en 2015 d’un avion léger de surveillance et de renseignement (ALSA 2R) se justifie donc pleinement.

Cette capacité, complémentaire des autres moyens mis en œuvre par les armées (drones, Atlantique 2), permet, grâce aux capteurs optroniques et électromagnétiques, de détecter des signaux faibles d’activité et d’identifier des menaces potentielles. Elle peut également appuyer les opérations conduites par les forces au sol en fournissant un renseignement en temps réel.

L’armée de l’air a acquis en 2013, en urgence opérationnelle, un système de drone MALE (17) de type Reaper selon la procédure FMS (18). Équipé d’une motorisation turbopropulsée, le Reaper permet des vols plus haut et plus rapide que le Harfang. Plus endurant, il permet d’accroître de 30 % le temps de présence sur zone. Doté de capacités radar et optronique de qualités très supérieures, le Reaper améliore sensiblement le renseignement d’origine image (ROIM). L’appui aux troupes au sol sera par ailleurs plus performant grâce à une capacité d’identification ou de pointage qui n’était pas possible en toutes circonstances sur Harfang.

Le PLF 2015 prévoit l’acquisition d’un nouveau système de drone Reaper.

Le MRTT (Multi-Role Transport Tanker – avion multi-rôles de ravitaillement en vol et de transport) est destiné à remplacer les composantes actuelles de ravitaillement en vol (C-135 FR et KC-135 R) et de transport stratégique de personnel et de fret (flotte Airbus de l’armée de l’air) par un parc unique d’avions gros porteurs polyvalents.

Les MRTT doivent permettre d’assurer les missions permanentes confiées aux armées : dissuasion nucléaire, posture permanente de sûreté aérienne, force interarmées de réaction immédiate (FIRI) ; de remplir les missions non permanentes d’intervention à l’extérieur de nos frontières (opérations de gestion de crise) et de soutenir les opérations extérieures (y compris au travers du transport aérien médicalisé).

En particulier, le MRTT doit être capable d’assurer le ravitaillement en vol des avions d’armes de type Rafale ou Mirage 2000, ainsi que des avions lourds (SDCA, par exemple). De plus, il offre des capacités importantes de transport, qui sont nécessaires au nouvel équilibre capacitaire sur le segment projection stratégique/ravitaillement en vol.

Le PLF 2015 prévoit la commande de huit MRTT en 2015, après la commande d’un MRTT réalisée en 2014. Trois MRTT devront encore être commandés après 2015 pour atteindre la cible finale de 12 MRTT fixée par la LPM.

DEUXIÈME PARTIE : LES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR

« Il est plus facile à un oiseau de marcher qu’à un serpent de voler »

Général Alain de Maricourt

Le 12 juin 2014, les deux unités des forces spéciales « air », l’escadron de transport 3/61 « Poitou » et le commando parachutiste de l’air n° 10 (CPA 10), ont célébré leur vingtième anniversaire au sein du commandement des opérations spéciales (COS) à l’occasion d’une cérémonie dirigée par le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur la base aérienne 123 d’Orléans. À cette occasion, l’escadron « Poitou » et le CPA 10 ont reçu une nouvelle croix de la valeur militaire à titre collectif, récompensant ainsi les aviateurs, quels que soient leur grade ou leur spécialité (pilote, commando, mécanicien-naviguant, officier renseignement) œuvrant au sein des unités des forces spéciales « air ».

Les opérations spéciales sont des activités militaires menées par des unités des forces armées, appelées forces spéciales, spécialement désignées, organisées, entraînées et équipées pour atteindre des objectifs militaires ou d’intérêt militaire présentant un caractère stratégique et s’effectuant sous un contrôle politico-militaire étroit et permanent. Ces opérations, qui utilisent des techniques opérationnelles et des modes d’action inhabituels aux forces conventionnelles, sont conduites en temps de paix, crise, ou guerre, indépendamment des opérations conventionnelles ou en coopération avec celles-ci. Elles diffèrent des actions militaires classiques par les faibles effectifs engagés, les délais de mise en œuvre, les effets attendus, la durée, le lieu ou le domaine d’application. Même si elles opèrent régulièrement sous faible empreinte, les opérations spéciales sont nettement différenciées des opérations clandestines. Ce sont en effet des opérations militaires, conduites par des militaires, sur ordre du chef d’état-major des armées, dans le cadre général du droit des conflits armés.

Lorsque l’on évoque les forces spéciales françaises, ce sont bien souvent immédiatement les forces spéciales de l’armée de terre qui viennent à l’esprit, voire éventuellement les forces spéciales de la marine nationale, notamment depuis que les commémorations du débarquement du 6 juin 1944 ont permis de remettre à l’honneur les exploits réalisés par les hommes du commando Kieffer.

Force est de constater que le CPA 10, qui est certes l’entité la plus petite mise pour emploi auprès du commandement des opérations spéciales (COS), ainsi que l’escadron de transport « Poitou », ne sont guère connus du grand public. Pourtant, ils sont, comme l’a souligné le général de Saint Quentin, commandant des forces spéciales (GCOS), « une composante à part entière des forces spéciales » (19) et aucune opération spéciale impliquant des moyens aériens ne peut être réalisée sans ces aviateurs.

Le rapporteur a tenu à réparer cette injustice. Il tient tout spécialement à rendre hommage aux hommes et aux femmes des forces spéciales de l’armée de l’air qu’il a eu l’occasion de rencontrer directement à l’occasion d’un déplacement récent sur l’une de leur base de la bande sahélo-saharienne. Leur implication, leur dévouement et leur abnégation forcent l’admiration.

Que ces militaires qui accomplissent leur devoir au péril de leur vie trouvent ici le modeste témoignage de reconnaissance la Nation à l’égard de leurs actions souvent cachées et pourtant si décisives pour le succès des armes de la France.

Comme le souligne le dossier de presse (20) réalisé à l’occasion des quatre-vingt ans de l’armée de l’air, l’année 2014 coïncide avec le centième anniversaire de la première mission aérienne spéciale, « consistant à infiltrer, par les airs, les lignes ennemies pour en exfiltrer du personnel détenteur de renseignements ». Dès 1914, des escadrilles ont d’autre part été affectées aux missions de bombardements de nuit.

En 1937, des groupements d’infanterie de l’air ont été créés pour combattre l’ennemi dans la profondeur. Il convient de souligner que le Special Air Service (SAS), créé sur l’idée du lieutenant David Stirling, est considéré aujourd’hui comme la matrice des forces spéciales occidentales, consacrant le rôle crucial de l’armée de l’air au sein des forces spéciales. « Recréées en septembre 1940, les unités d’infanterie de l’air, devenues les 3e et 4e régiments SAS, participèrent aux côtés de leurs camarades britanniques aux opérations en Libye, en Crète, en Tunisie, en Bretagne, en Franche-Comté, dans les Ardennes et en Hollande » (21).

Des commandos parachutistes de l’air ont par la suite été créés en 1956 pour réaliser des missions dans la profondeur ennemie en liaison avec les moyens aériens. Il s’agissait alors de répondre au souhait du général Alain de Maricourt, commandant de l’Air en Algérie, d’une participation plus significative des aviateurs dans la lutte contre la rébellion, en armant des hélicoptères destinés à transporter des aviateurs capables d’intervenir immédiatement.

Néanmoins, il manquait à ces forces spéciales de l’armée de l’air une cohérence d’action avec les forces spéciales de l’armée de terre et de la marine nationale. C’est pourquoi le COS, commandement interarmées opérationnel placé directement sous les ordres du chef d’état-major des armées, a été créé en 1992. Dès 1993, des unités de l’armée de l’air étaient identifiées et placées pour emploi sous contrôle opérationnel du général commandant les opérations spéciales.

Le renforcement des moyens des forces spéciales est une priorité affirmée tant par le Livre blanc de 2013 que par la LPM pour les années 2014-2019. Les forces spéciales de l’armée de l’air sont spécifiquement concernées puisqu’il est indiqué dans la loi de programmation militaire que « les moyens aériens et aéromobiles feront l’objet d’un effort particulier ».

Le général de Saint Quentin, commandant des forces spéciales, a indiqué lors de son audition en date du 9 octobre 2014 que le recours aux forces spéciales en cas de conflit était devenu aujourd’hui naturel.

Le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air estime quant à lui que « la puissance aérienne et les actions spéciales partagent un même environnement géographique, temporel et politique. Capables d’agir partout et dans la profondeur, sous très faible préavis, leurs spécialistes combinent tactiques innovantes et effets stratégiques. Le tout placé sous contrôle politique fort. Les opérations aériennes et les opérations spéciales sont complémentaires, comme en témoignent nos récentes missions en Afrique. La synergie est telle que chaque unité de l’armée de l’air peut se targuer d’œuvrer pour les forces spéciales et que ces dernières disposent d’un vivier remarquable de spécialistes parmi les aviateurs » (22).

Les opérations spéciales partagent bon nombre des principes qui fondent l’emploi de l’arme aérienne, comme la portée stratégique, la réactivité, la fulgurance, la haute technologie et l’excellence des opérateurs, ce qui fait que l’armée de l’air est par nature particulièrement compatible avec les modes d’actions spéciaux.

La France est, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, une des rares nations à posséder son propre escadron d’avions de transport consacrés aux opérations spéciales.

LES FORCES SPÉCIALES DE L’ARMÉE DE L’AIR ÉTRANGÈRES

• États-Unis

Les forces spéciales air américaines sont réunies au sein de l’Air Force Spécial Operations Command (AFSOC) dont l’état-major est stationné à Hulburt Field en Floride. Elles représentent les forces spéciales air les plus conséquentes avec près de 12 000 hommes, dont 15 % de la National Guard. Elles sont systématiquement employées sur toutes les opérations et œuvrent régulièrement avec des agents issus de sociétés militaires privées. Elles sont composées d’unités aériennes comprenant plus de 150 appareils aux capacités très diversifiées (transport, appui, renseignement) et comprenant plusieurs types d’aéronefs pilotés ou non y compris d’origine étrangère, et d’unités commando Special Tactics Squadron aux missions relativement similaires à celles du CPA 10.

• Royaume-Uni

Les forces spéciales britanniques sont assez semblables aux forces spéciales françaises en termes de volumes, de missions, de doctrines d’emploi (à la différence notable de leur utilisation en opérations clandestines pour les Britanniques) et du niveau d’entraînement.

Elles sont regroupées au sein de l’United Kingdom Special Forces Group (UKSFG), à la tête duquel on trouve un échelon de direction et de commandement unique, le Directorate of Special Forces (DSF). Le commandant du DSF est le conseiller du chef d’état-major et du gouvernement pour les opérations spéciales, il assure le commandement opérationnel de certaines opérations, la coordination organique (entraînement, équipement) entre les armées contributrices et définit les options concernant la doctrine d’emploi.

Il n’existe pas à proprement parler de forces spéciales air chez les Britanniques qui disposent toutefois d’une unité de soutien interarmées, l’UK Special Forces Air Support chargée de l’aéromobilité pour les forces spéciales et mettant entre autres en œuvre des avions de transport type Hercules C-130. Pour pallier l’absence de capacités spécifiques, les Britanniques font régulièrement appel à des capacités civiles.

• Autres nations

Certaines nations disposent de forces dites spéciales au sein de leur armée de l’air sans toutefois que ces forces aient atteint un niveau d’excellence. En revanche, plusieurs nations cherchent aujourd’hui à se doter de véritables capacités spéciales air. C’est le cas notamment des Néerlandais, des Suédois, des Allemands et des Saoudiens. Des actions d’assistance militaire sont d’ailleurs organisées actuellement avec les Saoudiens. À titre d’exemple, contrairement aux forces spéciales françaises, la Luftwaffe ne dispose pas d’une politique dédiée aux forces spéciales de l’air, mais simplement des unités spécialisées, y compris une unité RESCO (recherche sauvetage en conditions de combat). De plus, ses vecteurs aériens sont soit anciens (C-160, CH-53) soit obsolètes (UH1-H). Enfin ses équipages ne sont pas rompus aux procédures propres aux opérations spéciales.

Des nations comme l’Italie ou encore la Jordanie s’équipent aujourd’hui d’appareils spéciaux pour des missions d’appui (C27 J ou CASA gunship).

Source : ministère de la Défense.

Le Livre blanc de 2013 mentionne à juste titre la nécessité de renforcer la capacité des forces spéciales « à se coordonner avec les services de renseignement ».

Lors de son déplacement récent dans une des bases de la Task Force Sabre dans la bande sahélo-saharienne, le rapporteur a pu constater avec satisfaction que la coopération avec l’ensemble des services de renseignements, nationaux ou étrangers, semblait se dérouler dans les meilleures conditions.

Il a par exemple pu s’entretenir avec leurs représentants au sein du centre opérationnel de la Task Force Sabre et le commandant de cette dernière, qui lui ont tous assuré que les échanges d’information entre forces spéciales et services de renseignement s’effectuaient désormais sans aucune difficulté.

Les forces spéciales sont constituées d’unités et de moyens désignés par les trois armées, parmi lesquelles les forces aériennes fournissent environ 15 % des effectifs, mis à disposition du COS, et même 25 % pour l’état-major du COS.

Cette dimension fortement interarmées des forces mises à disposition du COS a pu conduire le général de Saint Quentin, général commandant les opérations spéciales, lors de son audition en date du 9 octobre 2014 sur la base aérienne de Villacoublay, à aller jusqu’à estimer qu’en matière opérationnelle, une grille de lecture par armée n’était pas adaptée à l’emploi des forces spéciales.

Le commandant de la Task Force Sabre a également insisté sur la dimension interarmées d’une opération spéciale. Il n’en demeure pas moins que le rapporteur a pu constater, en rencontrant les aviateurs des forces spéciales sur le terrain, que ceux-ci restaient, comme leurs homologues, très attachés à leur armée d’appartenance, l’un d’entre eux n’hésitant pas à déclarer : « on a toujours une attirance naturelle vers un camarade qui porte un calot ».

Il n’existe pas pour les forces spéciales de l’armée de l’air de commandement organique propre de type brigade. Celles-ci relèvent d’une coordination particulière gérant l’ensemble du domaine de la préparation opérationnelle des forces spéciales.

En opération, quel que soit le cadre de leur engagement (multinational ou national) et la nature de l’opération (autonome ou en coopération avec les forces conventionnelles), les forces spéciales relèvent d’une chaîne de commandement ad hoc :

– le chef d’état-major des armées conserve le « commandement opérationnel des forces spéciales engagées » (c’est-à-dire qu’il leur assigne leurs missions, leur affecte leurs moyens et ordonne le déploiement des unités). S’il en délègue le « contrôle opérationnel » (c’est-à-dire l’autorité de planification de l’engagement et de déploiement des moyens), il a la capacité de le reprendre très rapidement de manière directe, ou via le COS. À cet effet, le COS conserve systématiquement une liaison fonctionnelle avec les unités engagées sans distinction d’armées ;

– les ordres d’opération des détachements ou groupements interarmées de forces spéciales sont systématiquement validés par le chef d’état-major des armées sur proposition du général commandant les opérations spéciales (GCOS) ;

– les mesures de coordination ainsi que la vérification de la compatibilité des opérations spéciales avec les autres opérations en cours et les forces conventionnelles ou étrangères sur le même théâtre sont définies en concertation avec le sous-chef « opérations » de l’état-major des armées.

LA CHAÎNE DE COMMANDEMENT DES FORCES SPÉCIALES

Source : ministère de la Défense.

Dans une opération multinationale, des représentants français sont mis en place aux différents niveaux pour garantir la conformité d’emploi des forces aux directives nationales.

Les forces spéciales air appliquent cette règle, à l’instar des autres forces spéciales. Une coordination étroite est menée tout particulièrement avec les structures air de coordination des moyens aériens (JFACC) sur théâtre d’opération.

Les entretiens réalisés avec les membres du commandement des forces spéciales de la Task Force Sabre rencontrés lors du déplacement réalisé sur une de leur base dans la bande sahélo-saharienne ont mis en évidence l’avantage pour la France de disposer d’une chaîne de commandement spécifique et d’une boucle de décision courte entre le décideur politique, les chefs militaires à Paris et les opérateurs sur place.

Si le COS est chargé de la conception, de la planification et de la conduite des opérations spéciales, l’armée de l’air reste responsable de l’entraînement, de la préparation opérationnelle ainsi que de l’acquisition des équipements et du maintien en condition opérationnelle des forces spéciales air (FSA).

En 2006, le bureau des forces spéciales (BFS) a été créé au sein du commandement des forces aériennes (CFA) afin de mieux asseoir les forces spéciales au sein de l’armée de l’air. Par ailleurs, un poste « forces spéciales » a été créé en 2014 au sein de l’état-major de l’armée de l’air.

Au niveau organique, le BFS du CFA est en charge de la tutelle des unités FSA. Il assure en outre l’interface avec le commandement des opérations spéciales en s’appuyant sur le CFA et plus particulièrement sur la brigade aérienne d’appui projection (BAAP) et la brigade aérienne des forces de sécurité et d’intervention (BAFSI) pour la préparation des forces.

Le BFS du CFA est en charge du suivi du niveau de compétence et des activités d’entraînement des unités FSA. Au-delà du simple suivi des entraînements réalisés par les unités FSA, il organise en outre des évaluations périodiques sous forme d’exercices.

Le COS s’assure néanmoins de la parfaite interopérabilité entre unités spéciales en établissant un référentiel d’entraînement du niveau collectif et un programme d’exercices communs. Les unités spéciales air s’entraînent donc très régulièrement avec les autres unités des forces spéciales.

L’armée de l’air reste chargée de l’acquisition et du maintien en condition opérationnelle (MCO) de la large gamme d’équipements employés (aéronefs : C130/C160/DHC-6 avec équipement de bord spécifiques -  véhicules terrestres : VPS (23), P4, VLRA (24), VTA (25) - équipements de saut - équipements renseignement - transmissions – optronique - armement - protections balistiques, habillement - équipements spécifiques - etc.).

Les équipements majeurs, dont l’acquisition est du ressort du programme budgétaire 146 « Équipement des forces », sont intégrés dans les programmations militaires et font l’objet de programmes d’armement conduits par la direction générale de l’armement (DGA).

Les équipements spécifiques individuels et collectifs sont achetés sur les crédits de l’armée de l’air. Ils font l’objet d’un plan d’équipement et sont acquis par des services de soutien propres à chaque composante ou type de matériel.

Toutefois, la responsabilité de la cohérence organique des forces spéciales des trois armées est exercée depuis 2009 par le COS qui est « l’autorité unique chargée d’harmoniser, en liaison avec chacune des armées, l’expression des besoins en matière d’équipements pour les forces spéciales ». Pour cela, l’état-major des armées (EMA) et le COS ont réalisé un schéma directeur de l’équipement des forces spéciales, approuvé en comité des capacités en septembre 2011 et mis en œuvre par des réunions semestrielles réunissant l’EMA, le COS et les représentants des trois armées.

S’agissant du MCO, le général de corps aérien Guy Girier, directeur central de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD), a indiqué, lors de son audition en date du 16 octobre 2016, tout l’intérêt pour l’État d’avoir conservé le service industriel de l’aéronautique (SIAé), entité interarmées et étatique placée sous tutelle du chef d’état-major de l’armée de l’air, de façon à ce que l’État reste entièrement maître du MCO des forces spéciales.

L’apport spécifique des forces spéciales air aux opérations spéciales se traduit par :

– des moyens aériens pour fournir des appuis (renseignement, transport…) ou délivrer des effets spécifiques dans la profondeur et notamment des capacités aériennes de reconnaissance, d’infiltration et de parachutage, renseignement et commandement (avions de transport tactique avec capacité C3ISTAR (26)) ;

– des capacités de gestion de l’ensemble des effecteurs aériens (« Air Land Integration ») pour garantir notamment des appuis dans la profondeur ;

– des capacités de prise en compte de terrains sommaires ou de zones aéroportuaires.

Deux unités de l’armée de l’air ont été mises à disposition du COS : le commando parachutiste de l’air n° 10 (CPA 10) et l’escadron de transport 3/61 « Poitou » (ET 3/61).

Véritable pôle d’excellence des forces spéciales air, la base aérienne 123 d’Orléans rassemble l’escadron de transport « Poitou » et le CPA 10 dont elle assure le soutien avec le groupement de soutien de la base de défense d’Orléans-Bricy.

Par ailleurs, une composante hélicoptères de l’armée de l’air a rejoint, en 2011, le 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales (4e RHFS) à Pau, qui dépend de l’armée de terre, tandis que l’armée de l’air met à disposition deux de ses hélicoptères au profit du Groupement interarmées d’hélicoptères de Villacoublay dépendant du même 4e RHFS de l’armée de terre.

Le CPA 10 est stationné sur la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy. Il se compose actuellement de 238 personnels, auquel il faut rajouter une vingtaine en sélection.

Il dispose d’équipements similaires aux autres unités des forces spéciales et notamment des véhicules type VPS, P4 et VLRA, d’armement de tous types et de matériel de transmission mais également d’équipements plus spécialisés pour ses missions particulières. Unité parachutiste, elle dispose de spécialistes de la chute à grande voire très grande hauteur. Elle est par ailleurs la seule entité de l’armée de l’air à disposer d’un centre médical spécifique.

Maîtrisant le socle d’actions commandos commun à toutes les unités du COS (sabotage, destruction, renseignement, assaut commando), le CPA 10 est néanmoins spécialisé dans l’Air Land Integration (ALI) et donc plus particulièrement chargé de faciliter l’engagement des moyens aériens dans la profondeur.

Le CPA 10 possède une expertise spécifique dans la 3e dimension, avec, par exemple : la désignation d’objectifs aux aéronefs ; la prise par la force d’une zone aéroportuaire pour l’accueil de forces conventionnelles ou l’évacuation de ressortissants ; le renseignement image satellitaire et la reconnaissance, la préparation et le marquage de pistes sommaires à l’aide de balises infrarouges pour le poser d’avions de transport tactique récupérant des commandos infiltrés sous voile, tout particulièrement dans des configurations spéciales. Les aviateurs du CPA 10 disposent notamment de la capacité unique de pouvoir faire poser un avion de transport n’importe où, même s’il n’existe aucune piste délimitée, grâce à des techniques spécifiques leur permettant de créer un terrain en le sondant et de marquer la piste d’atterrissage, de jour comme de nuit.

Les aviateurs du CPA 10 allient ainsi un savoir-faire commando commun aux autres unités des forces spéciales à une culture aéronautique qui leur est propre.

L’escadron « Poitou » est également basé sur la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy. Il dispose actuellement de 132 personnels.

Il met en œuvre habituellement :

– trois C160 (escadrille F119). Le C160 Transall, d’une capacité moyenne de transport de six tonnes à 3 000 kilomètres, reste le fer de lance des capacités de projection aérienne tactique des armées. Entré en service en 1967, son retrait a débuté en 2005 du fait d’une certaine vétusté, mais certains des plus récents sont toutefois prolongés pour faire face au décalage des livraisons de l’A400M. Il offre d’excellentes performances de navigation à basse altitude, de posé sur un terrain sommairement préparé et de largage de personnel et de matériel. Il permet le vol de nuit sous jumelles de vision nocturne (JVN) et peut être équipé d’un système d’autoprotection. Les C160 des forces spéciales sont équipés spécifiquement pour ce qui concerne le commandement, la reconnaissance et les moyens de transmission ;

– deux C130 (escadrille F118). Le C130 Hercules, dont la flotte a un âge moyen de 27 ans, présente également des capacités tactiques appréciables, une charge et un rayon d’action supérieurs à celui du Transall (12 tonnes à 3 600 kilomètres). Ses performances en posé sur un terrain sommairement préparé ainsi que sa précision de navigation sont toutefois plus limitées que celles du Transall, et le niveau d’autoprotection n’est pas homogène sur la flotte. Moyennant l’utilisation d’un kit sommaire, il peut réaliser des vols de nuit sous JVN dans des conditions correctes. Paradoxalement moins bien équipé que le Transall alors que plus récent, il est plus limité en matière d’emploi. Seule l’opération de rénovation tactique longtemps repoussée permettra d’éviter un déficit capacitaire à la fin de vie du Transall ;

– deux DHC-6 (Twin Otter). Le DHC-6 est un avion de petite taille très polyvalent, qui se pose sur des pistes ouvertes par le CPA 10 inaccessibles pour les C160. Il est également utilisé par le groupe aérien mixte (GAM 56) de la DGSE pour l’entraînement et le largage de ses parachutistes. Intégrés dans la troisième escadrille F121 nouvellement recréée, ces Twin Otter illustrent la montée en puissance de l’armée de l’air au sein des opérations spéciales.

Contrairement à la majorité des unités aériennes de l’armée de l’air, l’unité dispose de ses propres mécaniciens, ce qui lui confère une plus grande réactivité, garantit la confidentialité des préparatifs avant projection et favorise la confiance.

L’escadron « Poitou » offre un moyen privilégié d’infiltration ou d’exfiltration des commandos par largage ou par poser d’assaut en plein cœur du territoire ennemi. Maîtrisant parfaitement les techniques de vol sous JVN, le largage de parachutistes à très basse altitude, les atterrissages sur terrains sommaires de nuit sans balisage et parfois créés pour la circonstance par le CPA10, l’escadron « Poitou » offre au COS une mobilité stratégique et tactique indispensable à la conduite des opérations spéciales. Pouvant effectuer des largages d’armements ou de vivres à très basse altitude, il dispose également de moyens de renseignement et d’observation particuliers (capteurs optroniques et électroniques embarqués et outils de transmissions à haut débit permettant de délivrer des informations en temps réel aux autorités sur la situation tactique au sol).

Le général Jean-Paul Paloméros, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, surnommait ainsi l’escadron « Poitou » « la pointe de diamant du transport tactique ».

La Task Force Sabre recourt par ailleurs à un contrat de location d’un appareil Beechcraft pour le fret et le transport de passagers hors action militaire. La société louant ce service emploie des pilotes anciens membres des forces spéciales ou de la DGSE.

Sans appartenir à des unités des forces spéciales de l’armée de l’air, des hélicoptères de l’armée de l’air sont intégrés au sein d’une unité des forces spéciales de l’armée de terre : le 4e RHFS.

Jusqu’en 2011, l’armée de l’air mettait en œuvre une composante héliportée consacrée aux forces spéciales avec l’escadrille spéciale hélicoptères (ESH) de l’escadron d’hélicoptères (EH) 1/67 « Pyrénées » de Cazaux.

Suite à la dissolution de l’escadrille spéciale d’hélicoptères de Cazaux, l’armée de l’air a mis à la disposition du COS deux hélicoptères Caracal et trois équipages qui évoluent au côté de ceux de l’armée de terre au sein du 4régiment d’hélicoptères des forces spéciales (4e RHFS) basé à Pau.

Intégrés aux effectifs de l’armée de terre, ces aviateurs œuvrent en équipages mixtes au profit de tous les commandos du COS. Ils ont été engagés au même rythme que leurs camarades de l’armée de terre.

Deux hélicoptères PUMA SA330 de l’armée de l’air sont mis à disposition du groupe interarmées d’hélicoptères (GIH), escadrille dépendant du 4RHFS basée à Villacoublay. Le GIH est soutenu par l’escadron de maintenance hélicoptère de l’armée de l’air et monte des alertes au profit du groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et du RAID (recherche, assistance, intervention, dissuasion) de la police nationale.

Sur l’ensemble des théâtres d’opération, les forces spéciales air ont su démontrer leur haut niveau de performance et leur rôle incontournable pour « l’entrée en premier » en territoire ennemi ainsi que pour des actions de reconnaissance dans la profondeur du dispositif adverse, facilitant ainsi la projection de force et de puissance. À maintes reprises, le couple escadron de transport « Poitou » – CPA 10 a démontré la pertinence d’unités spécialisées. Leur colocalisation à Orléans a renforcé les synergies entre ces unités, en favorisant la connaissance mutuelle, la complémentarité et surtout le haut niveau de confiance, qui est un facteur fondamental dans les opérations spéciales.

Depuis une vingtaine d’années, les unités des forces spéciales air se sont illustrées sur la quasi-totalité des théâtres d’opération.

Auparavant ponctuels (dits « hit and run » (27)), les engagements des forces spéciales de l’armée de l’air sont devenus plus permanents et donc plus difficiles à tenir dans la durée. D’après les informations recueillies par le rapporteur, ce sont aujourd’hui en moyenne près de quatre-vingts spécialistes des forces spéciales air qui sont engagés en permanence dans des opérations du COS.

OPÉRATIONS EFFECTUÉES PAR DES UNITÉS DES FORCES SPÉCIALES AIR

– « TURQUOISE » en 1994 au Rwanda ;

– Arrestation du mercenaire Bob Denard aux Comores ;

– « CRECERELLE », « BALBUZARD NOIR », « SALAMANDRE », « ALBA », « GRAKANICO » 3 et 5, « VULCAIN » entre 1994 et 2003 dans plusieurs pays issus de l’ex-Yougoslavie ;

– « PEROQUET » en 1996 et « BENGA » en 2006 au Congo ;

– « ARTEMIS / MAMBA » en République Centre africaine en 2003 ;

– « LICORNE » en République de Côte d’Ivoire de 2003 à 2011 ;

– la CSAR dans le cadre de l’opération « EPERVIER » au Tchad et en RCA en 2001 ;

– « BOALI » 1 et 2 au Tchad-RCA en 2006 et 2007 ;

– « EUFOR-Tchad-RCA » en 2008 ;

– « DIEDRE » et « MIKADO » au Tchad ;

– l’Afghanistan de 2001 à 2012 avec les opérations « HERACLES PORTE SUD » en 2002, « PAMIR », « ARES » de 2003 à 2007, « JEHOL » de 2009 à 2011, « TF32 » de 2011 à décembre 2012. Sur ce théâtre emblématique, les forces spéciales air y mèneront des actions majeures, souvent en entrée de porte et dans des conditions extrêmes et y acquièrent une solide réputation auprès des alliés. C’est aussi sur ce théâtre qu’elles perdront leur premier homme, Sébastien Planelles ;

– la RESAL à partir du Tadjikistan dès 2002 afin de secourir les équipages de l’armée de l’air en haute montagne en cas de besoin ;

– « BALISTE » en 2006 et « DAMAN » en 2009 au Liban ;

– la participation directe aux opérations « PONANT » en 2008, « CARRE D’AS », « TANIT » en 2009 dans le cadre de la lutte contre la piraterie maritime dans le golfe d’Aden ;

– « SABRE » en Mauritanie dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne dès 2009, puis au Mali, au Niger et au Burkina-Faso. En 2013, dès le déclenchement de l’opération « SERVAL », elles participeront aux actions décisives des toutes premières heures ainsi qu’à toutes les actions permettant la reprise du nord du territoire, toujours en entrée de porte ;

– « KHALID SURT » en Libye en 2011 dans le cadre de l’opération « HARMATTAN » ;

– « AURIGA » dans le cadre de l’opération « SANGARIS » en RCA depuis fin 2013.

Source : ministère de la Défense.

Très récemment, l’opération Serval au Mali (devenu l’opération Barkhane depuis le 1er août 2014) a mis en évidence l’importance de la dimension aérienne pour déployer des forces spéciales dans la profondeur en toute discrétion.

De même, les actions menées récemment dans la bande sahélo-saharienne démontrent la nécessité et la pertinence de l’emploi de la composante air des forces spéciales. Comme le souligne le général de brigade aérienne Pierre-Jean Dupont, adjoint au général commandant les opérations spéciales, « nous ne pourrions pas mener nos opérations sans l’apport de cette composante aérienne. (…) Avec le « Poitou » et le CPA 10, nous détenons un atout majeur qui nous assure une efficacité reconnue par tous » (28).

Dans un communiqué du 10 octobre 2014, la présidence de la République a indiqué qu’ « en coopération avec les autorités nigériennes, les forces armées françaises ont de nouveau intercepté et détruit, la nuit dernière, au nord du Niger, un convoi de véhicules armés d’AQMI qui transportait des armes de la Libye vers le Mali », le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air précisant au cours de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées que cette opération avait été réalisée en étroite coopération avec les forces spéciales.

Le rapporteur se félicite en conséquence que les forces spéciales françaises obtiennent actuellement des résultats très positifs dans la lutte antiterroriste au Sahel.

Une partie du personnel de l’escadron de transport « Poitou », seule unité de transport tactique des forces spéciales, est en permanence déployée, que ce soit pour des opérations extérieures ou pour de l’entraînement spécialisé tant des équipages que des commandos des unités forces spéciales. Actuellement, tout membre d’équipage participe au moins une fois par an à un détachement en opération spéciale. Certains équipages dépassent les 600 heures de vol par an, sachant que la majorité des missions et entraînements s’effectuent de nuit et dans des conditions physiologiquement très exigeantes. Par ailleurs, la contrainte du maintien des compétences est accrue au sein de l’ET 3/61 « Poitou » car les équipages sont souvent qualifiés sur plusieurs types d’appareils (C160 Transall, C 130 Hercules et DHC6 Twin Otter).

S’agissant du CPA 10, l’engagement en opération est permanent depuis 2003, avec des pics d’activité selon les opérations du COS ou l’engagement de personnel isolé dans des structures de commandement. Actuellement, trois groupes actions (GRA) sont engagés en permanence au profit du COS sur un total de 11 GRA (dont un en formation). Un tiers des effectifs est ainsi en permanence en opération, entraînant un fonctionnement particulier de l’unité et une fatigue physiologique du personnel.

De leur côté, les aviateurs insérés au sein du 4e RHFS ont été engagés au même rythme que leurs camarades de l’armée de terre.

Les transporteurs de l’escadron « Poitou » ont pour mission d’aller dans la profondeur, vite et sans être vu, au profit des commandos des trois armées opérant sous la responsabilité du COS. Ainsi infiltrés au cœur du territoire ennemi, ces commandos permettent la conduite d’actions ciblées de la part d’autres vecteurs aériens (chasseurs, drones). L’escadron « Poitou » permet ainsi à l’ensemble des forces spéciales d’être imprévisibles.

De la même façon, les hommes du CPA 10 sont bien souvent les précurseurs de l’entrée des forces conventionnelles sur un théâtre, comme ce fut le cas lors de l’opération Serval visant à libérer le Nord Mali de l’emprise des groupes armés djihadistes (GAD).

Si le rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les armées 2014-2019 dispose que les effectifs des forces spéciales « seront renforcés d’environ 1 000 hommes, de façon progressive, adaptée à la spécificité de leurs actions et de leur recrutement et formation », le rapporteur constate que ses interlocuteurs, qu’il s’agisse du GCOS ou du commandant la Task Force Sabre, ont insisté sur le fait qu’ils préféraient très clairement un sous-effectif plutôt qu’un recrutement ne correspondant pas à des critères s’appuyant sur un haut niveau de sélection. En aucun cas, la quantité ne saurait en effet prévaloir sur la qualité.

À cet égard, le général de Saint-Quentin a indiqué qu’il lui semblait préférable de « densifier l’existant » plutôt que d’intégrer en totalité une unité conventionnelle venant d’une des trois armées. S’agissant des forces spéciales de l’armée de l’air, il a évoqué l’idée de renforcer le CPA 10 avec des groupes action supplémentaires. L’effort principal doit porter sur l’augmentation des équipages de l’escadron « Poitou » pour lui permettre de mettre en œuvre dans des conditions satisfaisantes pour la mission l’éventail (en nombre et en qualité) des aéronefs dont il dispose.

Dans cet objectif du renforcement des effectifs des forces spéciales de l’armée de l’air, le rapporteur a été particulièrement intéressé de constater sur le terrain que l’escadron de transport « Poitou » faisait appel à un « pool de réservistes », lui assurant des aviateurs de qualité maîtrisant parfaitement les exigences des opérations spéciales. Le rapporteur encourage en conséquence la poursuite de cet apport fructueux.

Dans le même esprit, il estime que le renforcement des effectifs des forces spéciales ne passe pas nécessairement par un accroissement des effectifs des unités rattachées au COS mais pourrait utilement se faire par la collaboration d’aviateurs spécialistes, non automatiquement intégrés aux forces spéciales de l’armée de l’air, mais indispensables à la réalisation de leurs missions. Il constate ainsi que des liens privilégiés se sont déjà établis entre les unités spéciales air et certaines unités conventionnelles de l’armée de l’air pour fournir les appuis spécialisés ne pouvant être obtenus au sein même des forces spéciales : le renseignement (escadron drone), le soutien des systèmes d’information et de communications – SIC – (GT SIC aéro d’Évreux), le soutien infra opérations (GAAO, groupe aérien d’appui aux opérations de Bordeaux), le génie de l’air (25e RGA d’Istres) et la cynophilie (CPA 20 de Dijon), qu’il conviendrait de développer.

Le rapporteur se montre particulièrement préoccupé par les éléments d’information qui lui ont été fournis selon lesquels les forces spéciales de l’armée de l’air peinent de plus en plus à recruter les effectifs dont elles ont besoin (29), du fait d’un surengagement de ces derniers, de l’attachement des jeunes recrues à préserver une vie familiale stable et surtout d’un manque de reconnaissance qui lui a été à maintes reprises rapporté sur le terrain.

Le rapporteur appelle donc de ses vœux une réflexion sur une meilleure prise en compte des contraintes particulières propres aux forces spéciales qui tiennent certes à l’éloignement, mais également à des prises de risques spécifiques.

Les moyens aériens et aéromobiles apparaissent clairement comme une limite à l’engagement optimum des forces spéciales sur le terrain, le COS ayant tout spécialement besoin de moyens de transport intra-théâtres qui lui font parfois défaut. Comme l’a indiqué le général de Saint Quentin, « sans aéromobilité terre-air, il n’y a pas de forces spéciales » (30).

Le commandant de la Task Force Sabre rencontré sur le terrain a par exemple estimé que les conditions de sa mission, où les élongations sont particulièrement grandes, seraient facilitées par la mise à disposition d’un second appareil.

Par ailleurs, le vieillissement de la flotte des C-160 de l’escadron « Poitou » est un motif d’inquiétude pour le rapporteur, d’autant plus que l’entrée en service de l’A400M, dont l’ensemble des spécifications ne sont pas encore validées, ne semble pas pouvoir, aux dires des aviateurs rencontrés, répondre aux mêmes missions que celles assurées aujourd’hui par le C-160. Certains ont émis des doutes sur ses capacités actuelles de largage (turbulences aérodynamiques et obligation de sortir le train d’atterrissage) et ont souligné que ses hélices en matière composite étaient moins robustes que celles du C160. Les aviateurs rencontrés sur place ont néanmoins souligné que la capacité d’emport et l’allonge de l’A400M seraient des atouts pour les opérations spéciales, avec une rapidité d’exécution, une capacité à mener des opérations directement depuis la métropole et une « empreinte » minimale sur le terrain. Mais plusieurs interlocuteurs n’ont pas hésité à parler de « trou capacitaire » pour le transport tactique à compter de 2016-2017, ce qui ne manque pas de susciter l’inquiétude.

S’agissant du C-130 Hercules, les forces spéciales appellent de leurs vœux l’équipement d’un C-130 « gunship ». Il pourrait s’agir d’un canon de 30 mm, de missiles lancés verticalement depuis l’avion ou intégrés sur des points d’emport ou encore de bombes guidées. Le rapporteur considère que cet équipement, qui ne nécessiterait qu’un investissement limité par rapport à la plus-value apportée, devrait être rapidement mis à l’étude. Le rapporteur attend surtout que le programme à effet majeur (PEM) de la loi de programmation militaire 2014-2019 concernant la rénovation avionique du C130 soit rapidement mis en œuvre pour améliorer les capacités tactiques des avions du COS.

Enfin, l’expression de besoins en hélicoptères lourds (comme le Chinook américain, en service dans de nombreuses armées européennes comme le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas) a été formulée à plusieurs reprises. Le concept X3 d’Airbus hélicoptères mérite d’être suivi avec attention si le constructeur décide de le développer dans le segment hélicoptère lourd, car en plus des capacités d’emport importantes, il associerait la vitesse de déplacement.

Les forces spéciales restent encore largement dépendantes en matière de renseignements autre que le renseignement humain où la France excelle.

La surveillance large et continue de la bande sahélo-saharienne nécessite pourtant de disposer par exemple de drones performants de façon à bénéficier de l’autonomie la plus large possible.

Actuellement, outre les drones Harfang qui sont trop bruyants pour être utilisés au cours d’opérations spéciales, les forces spéciales de l’armée de l’air ne disposent que d’un système de Reaper Block 1 avec deux vecteurs. Il apparaît primordial que les discussions avec les Américains pour obtenir un troisième vecteur et un deuxième cockpit aboutissent rapidement pour obtenir une meilleure disponibilité des drones et une plus grande efficacité opérationnelle.

De même, une livraison rapide et anticipée d’un deuxième système avec trois autres vecteurs permettrait utilement de renforcer le dispositif de renseignement en Afrique et remédier à une sous-capacité patente.

En l’absence de francisation de ces drones, le rapporteur estime qu’il serait opportun de relancer les discussions avec l’Allemagne et, le cas échéant, l’Italie, sur la conception d’un drone MALE (31) européen comme solution à long terme.

Actuellement, les moyens de transmissions utilisés par les forces spéciales transitent par les satellites américains et leurs liaisons tactiques passent bien souvent par des matériels d’origine américaine.

Les forces spéciales de la Task Force Sabre ont ainsi fait part au rapporteur de difficultés dans les capacités de transmission entre les hélicoptères, les avions et le commandement, liées à l’utilisation d’une seule fréquence reposant sur les satellites américains.

Le besoin des forces spéciales est en effet de disposer de terminaux de communication par satellites du type portable et portatif. Pour répondre aux contraintes de compacité, ce besoin est actuellement satisfait par des terminaux radio, en général de fabrication américaine, fonctionnant dans la bande de fréquence satellite faible débit. Les équipements portables actuels, sur les fréquences à plus haut débit, compatibles avec des satellites français, sont considérés comme trop lourds.

Pour des raisons historiques, sur la bande UHF la France ne dispose pas de ressources fréquentielles et fait appel à ses partenaires pour en disposer. Des solutions apparaissent sur les véhicules de commandement des détachements, au travers de stations de communication par satellite en mouvement dites « on the move ».

En cohérence avec la préparation du programme COMSAT NG, les études amont sont en cours pour développer les technologies de futures stations SATCOM « on the move », pouvant être installées sur des véhicules et pouvant répondre aux besoins de communications tactiques depuis nos satellites souverains en bandes de fréquence. Par ailleurs, des pistes technologiques sur des stations portables dites « de l’avant », qui pourraient répondre aux besoins de compacité, commencent à apparaître.

Le rapporteur considère toutefois qu’il est de la plus haute importance pour l’autonomie stratégique de la France de se doter dans les meilleurs délais de moyens de communication militaires sécurisés et de renforcer les capacités de transmission entre les avions de chasse et le commandement.

Dans l’ensemble, l’équipement individuel des forces spéciales de l’armée de l’air semble satisfaisant. Néanmoins, plusieurs problèmes ont été évoqués devant le rapporteur en la matière.

Ainsi, celui-ci a pu constater l’insuffisance, voire l’obsolescence, d’une partie des équipements optroniques, en particulier des jumelles de vision nocturne (JVN) que certains opérateurs sont obligés de réparer avec de la bande adhésive ! Le rapporteur a également été frappé de constater que certains aviateurs s’équipent sur leurs propres deniers de matériels performants (casque écouteur limitateur de bruit par exemple) qui ne sont pas en dotation dans l’escadron « Poitou ».

Plusieurs interlocuteurs se sont par ailleurs plaints des circuits longs, parfois de plusieurs années, des procédures de validation de la DGA pour du matériel déjà validé par d’autres nations, comme par exemple l’arrimage d’une mitrailleuse en sabord pour équiper les hélicoptères de combat, alors que celle-ci est déjà utilisée par les États-Unis et la Belgique dans une configuration similaire. Le rapporteur estime qu’il est urgent de réfléchir aux voies et moyens pour raccourcir ces circuits de validations.

Alors que les forces spéciales évoluent dans un milieu de plus en plus interarmées, des difficultés liées à une absence d’harmonisation des équipements ont également parfois été relatées au rapporteur. Dans ce domaine, il importe que les états-majors des armées se concertent, au-delà de leurs légitimes spécificités, et que le COS poursuive sa mission de coordination.

Enfin, le PEM concernant le véhicule forces spéciales (VFS) tarde à se mettre en place. Les forces spéciales rencontrées ont fait état de difficultés de plus en plus grandes à trouver des pièces de rechange pour un matériel particulièrement mis à l’épreuve sur le terrain africain. L’idéal, d’après M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement (32), serait un achat sur étagère mais les forces spéciales font remonter des spécifications particulières qui nécessitent des compléments de développement lourds à mettre en œuvre.

Il n’y a pas d’opération spéciale qui n’intègre des forces complémentaires venant des autres armées.

Des mutualisations pourraient donc utilement être envisagées. Ainsi, lors de son audition en date du 8 octobre 2013 devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, a déclaré que « l’escadron « Pyrénées » qui mène des actions de combat search and rescue et qui pourrait être davantage mis à disposition des opérations spéciales car son savoir-faire – y compris dans le haut du spectre – est à mon sens sous-utilisé ».

Lors de la même audition, le général Denis Mercier indiquait réfléchir « à l’évolution de l’organisation et l’emploi de nos trois commandos parachutistes de l’air afin de les impliquer davantage aux opérations spéciales ».

Dans le même esprit, le général de brigade aérienne Pierre-Jean Dupont, adjoint au général commandant les opérations spéciales, indique que « l’utilisation des capacités de l’escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées » est envisagée pour les opérations spéciales. En effet, son expertise en matière de Resco (recherche et sauvetage au combat) et de Personnel Recovery (récupération de personnel) serait un plus pour les opérations spéciales. De même, la capacité de ravitaillement en vol qu’ils mettent en œuvre nous conférerait une élongation et une autonomie indispensable pour les actions dans la profondeur » (33).

En juillet 2014, le chef d’état-major de l’armée de l’air a proposé de mettre à disposition du COS les Caracal de l’escadron « Pyrénées », sous réserve du maintien de la mission Resco. D’après les éléments d’informations recueillis par le rapporteur, une partie du « Pyrénées » serait ainsi en formation pour avoir une participation plus importante au sein des forces spéciales.

Indépendamment même de la question du rattachement de tout ou partie de l’escadron « Pyrénées » au sein d’une unité forces spéciales, la loi de programmation dispose dans son rapport annexé que « l’ensemble de la flotte de Caracal des armées sera regroupé sur un seul site, sous l’autorité du commandement des opérations spéciales ».

Le rapporteur partage sur ce sujet l’opinion du général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, qui a indiqué, lors d’une audition en date du 8 octobre 2013 devant la commission de la Défense et des forces armées : « l’armée de terre souhaiterait les baser à Pau. Personnellement, je préférerais les implanter à Cazaux, qui abrite déjà un escadron interarmées multi-missions. En outre, Eurocopter y est présent et mène des actions de maintenance de niveau soutien industriel. Or même si nos Caracal se retrouvent à Pau, ils devront revenir à Cazaux pour ce type de maintenance. Même si nous avons des points de vue divergents, nous abordons le sujet de façon dépassionnée avec mon homologue de l’armée de terre. La question sera tranchée, mais on peut évoquer au crédit de Cazaux la proximité d’un champ de tir qui permet de décoller et de tirer immédiatement, ou encore une base aérienne avec d’excellentes infrastructures pour les hélicoptères. Toutefois le vrai sujet n’est pas la localisation, mais la manière dont on fait travailler toutes ces unités ensemble. Nous avons des commandants remarquables à la tête de toutes les unités concernées ».

Une culture aéronautique commune et une collaboration importante existent entre l’armée de l’air et les forces spéciales air, qu’il conviendrait certainement de renforcer.

Ainsi, le GTSICAéro (groupement tactique des systèmes d’information et de communication aéronautiques), le GAAO (groupement aérien d’appui aux opérations) et le 25e régiment du génie de l’air (25e RGA) s’entraînent ou opèrent déjà avec le CPA 10.

De même, il existe des escadrons référents forces spéciales comme l’escadron de chasse 2/30 de Rafale « Normandie-Niemen » de Mont-de-Marsan pour l’aviation de combat et l’escadron de drones 1/33 « Belfort » pour la reconnaissance.

Le rapporteur appelle de ses vœux un approfondissement de ses relations privilégiées destinées à créer des référents forces spéciales.

Le commandant de la Task Force Sabre a indiqué que le général Jean-Pierre Palasset, commandant de l’opération Barkhane, comptait au nombre de ses missions explicites celles de soutenir prioritairement la Task Force Sabre.

Cette dernière peut ainsi demander ponctuellement un renforcement de ses moyens aériens, qui peut parfois interférer avec des missions de Barkhane prévues de longue date, obligeant d’annuler ces dernières au dernier moment.

Si la mutualisation des moyens se comprend parfaitement dans le cadre de l’articulation entre les forces spéciales et les forces conventionnelles, le rapporteur a été sensible à une remarque du chef d’état-major de l’armée de l’air selon laquelle il est essentiel d’éviter toute « banalisation » de l’emploi des forces spéciales et de n’utiliser ces dernières que pour des opérations qui relèvent par nature de leur créneau de compétence.

Il semble néanmoins que l’articulation entre les forces spéciales et les forces conventionnelles soit de plus en plus fluide, notamment en matière de renseignement. Les forces spéciales transmettent ainsi les renseignements nécessaires à la mission de Barkhane, qui dispose d’ailleurs d’un conseiller « opérations spéciales ».

Le domaine de la recherche et du développement tient une place importante pour les unités du COS. Ainsi des cellules étude et prospective (CEP), qui s’appuient sur des retours d’expérience et une veille technologique systématique, existent dans chacune des unités du COS.

Le rapporteur a été particulièrement impressionné par une innovation des mécaniciens de l’escadron « Poitou » qui lui ont présenté, sur une des bases de la Task Force Sabre de la bande sahélo-saharienne, un véhicule tactique d’avitaillement. Ce véhicule permet d’avitailler des hélicoptères ou des avions des forces spéciales, n’importe où dans le monde, à partir d’un Transall ou d’un Hercules de l’escadron « Poitou », en un temps record et en toute discrétion (miniaturisation du système de camion-citerne de la taille d’une jeep avec la capacité « Hot refueling », c’est-à-dire sans couper les moteurs).

Il encourage donc de ses vœux la poursuite par le BFS d’une attention particulière au domaine « étude et prospective », en lien avec les CEP des unités « air » et les différents acteurs du domaine (direction générale de l’armement, centre d’expériences aériennes militaires, industriels), de façon à ce que le COS puisse disposer d’un large éventail de propositions d’achats validées par le terrain.

Le rapporteur ne cache pas sa préoccupation vis-à-vis de l’extinction progressive de la flotte de C-160 Transall, qui jouit pourtant auprès des forces spéciales de l’armée de l’air d’une forte adhésion.

Il a donc été d’autant plus séduit par la suggestion de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, formulée lors de son audition en date du 15 octobre 2014, d’explorer les voies et moyens de se rapprocher de l’Allemagne, qui dispose encore de nombreux C-160 qui ne sont qu’à mi-vie, pour examiner la possibilité d’une coopération européenne au profit des forces spéciales de l’armée de l’air française.

Si le général Guy Girier a, lors de son audition en date du 16 octobre 2014, appelé l’attention sur le fait que les C-160 allemands ne disposaient pas tout à fait des mêmes spécifications techniques que le C-160 français, le rapporteur estime néanmoins qu’il conviendrait d’explorer cette piste susceptible de renforcer la coopération européenne en matière de défense au profit des forces spéciales de l’armée de l’air. Au regard de l’outil d’autonomie stratégique que constituent les forces spéciales, le rapporteur considère que seule la formule de l’achat pourrait être envisagée. Ces appareils étant toutefois dépourvus des équipements tactiques indispensables aux opérations spéciales, le surcoût doit être finement évalué au regard du désintérêt progressif des industriels pour la maintenance des turbopropulseurs C160.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2015 (n° 2234), au cours de sa réunion du mardi 14 octobre 2014.

M. Nicolas Bays, président. Je suis heureux d’accueillir le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, pour une audition sur le projet de loi de finances pour 2015. Par-delà les aspects purement budgétaires, il est nécessaire de souligner que l’armée de l’air reste fortement mobilisée dans le cadre des opérations extérieures (OPEX), comme en témoignent les frappes récentes en Irak et le renforcement de la base d’Al-Dhafra.

Général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air. Je suis heureux, en tant que chef d’état-major de l’armée de l’air, de pouvoir partager devant la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, une nouvelle fois, mais toujours avec la même fierté, une vision du travail accompli par les aviateurs et des enjeux auxquels ils devront faire face, particulièrement pour l’année 2015, année charnière pour l’armée de l’air sur de nombreux aspects.

L’armée de l’air est engagée en permanence dans les trois missions qui lui sont assignées dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale : dissuader, protéger, intervenir. Nous venons de fêter, à Istres, les cinquante ans des forces aériennes stratégiques. Nous devons protéger les espaces souverains au-dessus du territoire national.

Ce qui caractérise nos interventions, c’est la réactivité. Elle se mesure en minutes pour la permanence opérationnelle ; elle se compte en heures pour intervenir n’importe où, n’importe quand, sur un large spectre d’opérations allant de la mission humanitaire à la haute intensité.

Dans une période contrainte, pour pouvoir maintenir à la fois l’adhésion des aviateurs et préparer l’avenir, nous avons développé le plan « Unis pour faire face » qui s’inscrit dans la vision CAP 2020 du chef d’état-major des armées. Cette vision s’appuie sur quatre piliers : la modernisation des capacités de combat, la simplification des structures, le développement des partenariats et la valorisation de l’aviateur.

La démarche est capacitaire. Il ne peut y avoir de modernisation avec un nouvel appareil sans revoir l’organisation, sans voir comment on peut élargir les compétences de nos aviateurs et à quel partenariat européen cela peut ouvrir. C’est à travers cette cohérence d’ensemble que nous avons construite que je vais vous présenter les points clés pour l’armée de l’air en 2015.

L’armée de l’air assure des missions intérieures et extérieures qui sont déclenchées, la plupart du temps, sous très faible préavis. La zone d’opérations extérieures s’étend sur des surfaces considérables puisqu’elles vont du Mali à l’Irak en passant par la République centrafricaine (RCA), alors que de nombreux aviateurs continuent d’assurer des fonctions essentielles sur la base aérienne de Kaboul, en Afghanistan.

Le spectre d’actions est toujours plus large. Le 10 août dernier, seulement vingt-quatre heures après l’ordre présidentiel, le premier avion transportant de l’aide humanitaire se posait à Erbil, en Irak. Le 15 septembre, nos Rafale basés au Moyen-Orient débutaient les missions de reconnaissance au-dessus de l’Irak et, le 19 septembre, sur ordre présidentiel, les frappes sur les troupes de Daech débutaient. Depuis, notre mission en Irak se poursuit.

On me demande souvent pourquoi nos avions ne frappent pas plus en Irak. Nous sommes là-bas pour pouvoir assurer, au sein d’une coalition, la liberté de mouvement, sur leurs espaces terrestres, des forces irakiennes qui se reconstruisent et essaient de s’entraîner pour repartir à l’attaque et garantir la souveraineté de l’État. Le fait d’avoir en permanence, sur un grand pays comme l’Irak, un ou plusieurs appareils capables de détecter et de frapper des troupes de Daech a un effet militaire plus important que l’attaque d’un pick-up. Il est nécessaire pour cela de multiplier le nombre d’appareils et d’assurer une présence jour et nuit.

Dans la nuit du 9 au 10 octobre dernier, une opération interarmées, combinée avec les forces spéciales mettant en œuvre nos drones Reaper et des avions Rafale, a permis de détruire un convoi de véhicules armés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui transportait des armes de la Libye vers le Mali. De la mission humanitaire comme à Erbil, à l’opération de renseignement comme en Irak, en passant par l’opération plus coercitive comme dans le nord du Mali, on voit que nos aviateurs sont engagés fortement aux côtés de leurs camarades des autres armées et sous l’autorité du chef d’état-major des armées.

En parallèle, l’armée de l’air assure la sûreté aérienne. En 2014, l’activité de sûreté aérienne a été augmentée de 80 % par rapport à 2013, en raison en partie de l’implication de l’armée de l’air dans les nombreux dispositifs particuliers de sûreté aérienne qui ont jalonné les commémorations du débarquement, sur les plages de Normandie et ailleurs. Nos aviateurs qui sont engagés dans les missions de protection effectuent aussi des missions de sauvegarde. Depuis le début de l’année 2014, quarante-deux opérations héliportées ont été conduites qui ont permis de sauver trente-neuf victimes. C’est, par exemple, le triplé du 27 mars avec une évacuation sanitaire et deux sauvetages en mer par nos hélicoptères de Solenzara. Et je vous rappelle que l’alerte de sûreté aérienne concerne aujourd’hui huit avions de chasse répartis sur quatre plots, cinq hélicoptères, quatre centres de détection et de contrôle et neuf bases aériennes, un AWACS, un avion ravitailleur, sans oublier les systèmes de défense sol-air et les systèmes de détection.

Je porte une grande admiration à l’égard de la dissuasion qui existe sans discontinuer depuis maintenant cinquante ans. Des exercices de montée en puissance mettent en œuvre quatre fois par an l’ensemble des forces aériennes stratégiques, des moyens offensifs et défensifs de l’armée de l’air dans un contexte de haute intensité atteignant un niveau de réalisme unique au monde dans un environnement simulé extrêmement non permissif. Cette mission nous tire également vers le haut pour les missions conventionnelles.

Aujourd’hui, dans un souci d’optimisation, les moyens des forces aériennes stratégiques sont intégrés dans les contrats conventionnels. C’est la raison pour laquelle des ravitailleurs et des Rafale sont engagés en Afrique et dans le Golfe. Sans ces moyens, nous ne pourrions plus assurer nos contrats opérationnels.

Mais les aviateurs sont également en alerte pour d’autres missions, comme les évacuations sanitaires. Cette nuit encore, un avion a décollé de Villacoublay pour aller chercher en Afrique un soldat français gravement malade. Chaque militaire a l’assurance qu’il sera rapatrié dans les meilleurs délais, où qu’il soit, dans un hôpital parisien.

Ces missions permanentes ont structuré les compétences de nos aviateurs et nos capacités. L’arme aérienne, partout, sur le territoire national comme à l’extérieur, est toujours engagée avec une grande réactivité.

La clé de voûte du succès des engagements, c’est la capacité de commandement et de conduite. Nous assurons en permanence, à Lyon, la veille et la détection des menaces potentielles au-dessus de l’espace aérien national. C’est à partir de Lyon également que sont commandés nos moyens qui opèrent actuellement en Afrique : la structure air est placée sous le commandement de l’opération Barkhane pour la bande sahélo-saharienne (BSS), de l’opération Sangaris pour la RCA, de l’opération Sabre pour la partie opérations spéciales et de la mission européenne installée en Grèce, à Larissa, pour la partie transport.

Ce regroupement nous a permis d’optimiser les moyens matériels déployés sur le théâtre et les moyens humains qui concourent à ce centre de commandement, puisque l’on trouve dans la même salle des officiers qui participent à toutes ces missions et assurent également la défense aérienne sur le territoire. Par exemple, le 5 août dernier, les Rafale déployés dans le cadre de l’opération Barkhane sont intervenus en RCA pour dégager nos troupes qui étaient prises sous le feu d’ex-Seleka. Grâce à ce commandement unifié, nous sommes capables d’optimiser les moyens, ce qui nous a permis de retirer quelques avions du théâtre des opérations. L’optimisation concerne aussi nos avions de transport, qui peuvent être envoyés sur tous ces théâtres à partir de leur base de déploiement. Aujourd’hui, les personnels sont très engagés. Pour économiser les moyens humains, il fallait leur permettre d’évoluer, c’est-à-dire de travailler sur plusieurs théâtres à la fois.

La base aérienne représente la deuxième clé du succès des opérations aériennes. C’est le système élémentaire de combat de l’armée de l’air. De plus en plus, nos appareils sont dotés d’une allonge stratégique importante. Grâce aux A400M, aux avions de combat ou aux ravitailleurs, nous pouvons aujourd’hui intervenir, au moins au début d’une opération, depuis nos bases aériennes en métropole ou prépositionnées. Ainsi, la base aérienne prépositionnée dans le Golfe nous a permis d’intervenir très rapidement en Irak. Les opérations les plus récentes ont permis de démontrer que, grâce au système de bases aériennes associées au centre permanent de Lyon, nous pouvons réagir en quelques heures.

Quand tous les aéroports civils ferment une partie de la nuit, nos bases aériennes sont toujours ouvertes, et la quasi-totalité est activable ou activée 24 heures sur 24, 365 jours par an. Aussi sont-elles utilisées pour d’autres missions, par exemple pour les dons d’organes.

La structure des bases aériennes est en cours d’adaptation. Cette réorganisation doit aboutir à un nouveau modèle, dit Base aérienne XXI, ayant pour but de placer sous l’autorité du commandant de base, dès lors qu’il s’agit de missions opérationnelles, la totalité des moyens, notamment ceux de soutien – infrastructures, administration, service de santé –, sans lesquels le niveau de réactivité ne serait pas atteint. Trois bases aériennes sont passées dans ce format dès cet été ; la totalité des bases l’aura fait en 2015.

L’activité, c’est-à-dire par exemple les heures de vol, est le moteur de notre performance. Elle est essentielle pour que nos équipages puissent être entraînés à réagir dans la totalité du spectre avec le niveau de réactivité dont je viens de vous parler. Les efforts financiers consentis sur l’entretien programmé des matériels (EPM) par la loi de programmation militaire (LPM), avec une augmentation en volume de 4,3 % en moyenne par an sur 2013-2015, participeront à l’arrêt de la chute de l’activité constatée depuis 2012, et causée en grande partie par la sous-dotation chronique du maintien en condition opérationnelle (MCO).

Dans l’enveloppe qui a été fixée et qui permet de stopper cette chute, nous avons déterminé trois leviers permettant de remonter l’activité au niveau requis – elle avait baissé de 15 à 20 %, ce qui, dans la durée, n’est pas tenable. Le premier est prévu par le Livre blanc, avec la réduction des formats. Nous consacrerons donc davantage de moyens aux heures de vol qui restent.

Le deuxième levier concerne l’amélioration des performances du MCO aéronautique. À cet égard, je tiens à saluer ici le remarquable travail de la SIMMAD dans la mise en œuvre du projet CAP 16 visant à restructurer les contrats du MCO autour de l’activité en lieu et place de la notion de disponibilité. Nous recentrons tout le MCO aéronautique avec les industriels autour de plateaux, notamment dans la région de Bordeaux et sur nos bases aériennes. Ainsi, en 2015, nous paierons les heures de vol du Rafale 14 % de moins qu’auparavant. Mais nous pouvons faire encore mieux. Ainsi, nous avons commencé à renégocier les contrats de MCO pour tous nos équipements. Cela nous a permis d’avoir une certaine crédibilité. Le ministre m’a confié, par délégation du chef d’état-major des armées, la performance du MCO aéronautique pour l’ensemble des armées. Pour ce faire, un secrétariat permanent interarmées a été créé, auquel participent les autres armées et la DGA qui viennent travailler sous mon autorité pour assurer cette mission. Nous avons également engagé une démarche volontariste dans le cadre de la réorganisation de la supply chain.

Le troisième levier, c’est l’entraînement différencié avec le fameux projet « Cognac 2016 ». Pour assurer le niveau de réactivité sur toutes les missions, nous avons besoin d’un entraînement fort, c’est-à-dire de 250 heures, dont 70 sur simulateur, ce que nous ne sommes pas capables de faire aujourd’hui. Parallèlement, la réalisation des contrats de l’aviation de chasse fixés par le Livre blanc requiert 290 équipages. Pour diminuer le poids financier, nous avons choisi d’en entraîner cinquante différemment à travers la mise en place d’un avion d’entraînement dont le système d’arme peut être configuré comme celui d’un Rafale. Ces équipages n’effectueront que quarante heures sur Rafale, mais leurs compétences seront réactivées sous très court préavis pour assurer la continuité des opérations. Cela nous fait gagner beaucoup d’argent et de MCO, mais c’est aussi un moyen d’avoir des unités de première ligne parfaitement entraînées et un réservoir d’équipages capables d’assurer la capacité à durer. Je viens de passer deux week-ends sur les théâtres d’opérations et j’ai été frappé par la multiplication des engagements de nos aviateurs.

Ces différents leviers devraient nous permettre de remonter le niveau d’activité à compter de 2016 vers le niveau souhaité. Pour ce faire, il nous faut impérativement respecter le projet « Cognac 2016 », alors que sa mise en œuvre a déjà été reportée à 2017, et la LPM dans sa partie entretien programmé du matériel (EPM). Par ailleurs, les surcoûts OPEX doivent bénéficier d’une couverture budgétaire complète.

L’autre point qui me tient à cœur concerne les aviateurs. Ils sont notre richesse, mais aussi notre vulnérabilité, moins en raison du volume de déflation que l’on nous demande que du rythme de la déflation. Entre 2008 et 2014, l’armée de l’air a diminué ses effectifs de 16 000 personnes, fermé douze bases aériennes et quinze unités majeures. Sur les deux dernières années, près de 5 000 postes ont été supprimés. Pour 2014, la déflation représente sur une seule année 5 % des effectifs du budget opérationnel de programme « air ». Ce rythme très fort risque de poser des problèmes de maintien de certaines compétences et de préparation de l’avenir. Ce qui nous attend en 2015, c’est le départ de plus d’un millier de personnels, dont 200 officiers.

Les réorganisations fonctionnelles ont déjà été faites lors de la précédente loi de programmation militaire. Nous ne pourrons pas baisser les effectifs sans procéder à des restructurations. Celles-ci s’articulent autour de la fermeture de bases aériennes ou de plates-formes aéronautiques, ce qui nous permet de densifier d’autres pôles sur le territoire national.

Nous sommes très vigilants sur la population des officiers. Autant les aviateurs comprennent la nécessité de diminuer les effectifs, puisque c’est la condition pour continuer à moderniser les capacités – encore doivent-ils voir la modernisation arriver vraiment sur nos parkings –, autant les efforts demandés sur les officiers sont très compliqués. En effet, il est très difficile d’aligner le taux d’officiers sur celui de la période précédant la révision générale des politiques publiques (RGPP). Je continue à avoir besoin d’officiers en raison de la cyberdéfense et parce que nous avons des structures de commandement et de conduite. Bien sûr, nous tiendrons les objectifs de déflation de masse salariale, mais je ne pense pas pouvoir atteindre celui de déflation envisagé pour les officiers.

Nous valorisons le personnel par une gestion des compétences plus dynamique et plus personnalisée. De nombreux projets sont mis en œuvre et une refonte totale de la mobilité vient d’être terminée. Nous le valorisons aussi par un travail sur l’identité, sur la reconnaissance des militaires engagés en opération ainsi que sur le territoire national. Ceux qui travaillent à Lyon, par exemple, méritent la même reconnaissance que ceux déployés en Afrique. Enfin, cela passe aussi par le dialogue entre toutes les catégories de personnel en dynamisant les structures de concertation. Même si nous continuons de diminuer nos effectifs, nous avons besoin de maintenir un recrutement en nombre et de qualité. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé une grande campagne de recrutement sur les chaînes de télévision à la fin du mois de septembre.

Les capacités sont indispensables pour moderniser notre aptitude à réaliser les missions. La démarche capacitaire menée par l’armée de l’air est tout sauf une liste adressée au père Noël : elle repose sur la modernisation de nos structures, la valorisation de nos aviateurs qui s’inscrivent dans un plan de déflation d’effectifs et dans la réalisation de nos contrats opérationnels. Nous devons être plus particulièrement vigilants en 2015 sur la poursuite du programme SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales) conformément au calendrier prévu. Il intègre l’acquisition de radars de nouvelle génération – la couverture aérienne est aujourd’hui affaiblie dans certains endroits –, la commande du troisième centre ACCS (Air Command and Control System), c’est-à-dire la rénovation de notre système de commandement et de conduite des opérations, la rénovation du système de surveillance spatial des satellites en orbite basse (GRAVES), enfin la rénovation de la composante C2 mobile, qui sera l’un des piliers de la Nato Response Force, cette composante de l’OTAN que l’armée de l’air française assurera à partir du 1er janvier 2015. Enfin, nous attendons aussi la livraison de deux AWACS. Ces programmes s’inscrivent dans une démarche d’avenir et de réflexion sur le système de combat aérien du futur.

En matière de capacité de renseignement et de surveillance, un troisième vecteur Reaper sera commandé, venant ainsi compléter le système existant. Je précise qu’ils sont extrêmement utilisés aujourd’hui en Afrique. Un système de trois Reaper supplémentaires devrait être acquis au plus tôt, peut-être en 2015, ainsi que des avions ISR légers. Ces petits avions nous permettront de compléter les drones. Ces programmes s’inscrivent dans une démarche plus globale de fusion des capteurs.

Nous continuons de recevoir des Rafale destinés au deuxième escadron nucléaire, qui sera opérationnel en 2018. Ils remplaceront les Mirage 2000N qui sont à bout de course. Avec le Rafale, on entretient une dynamique de modernisation permanente, car on voit que les théâtres d’opérations ne cessent d’évoluer. C’est tout l’objet du standard F3R qui a été signé par le ministre de la Défense à la fin de l’année dernière et qui nous permettra de moderniser le pod de désignation laser, qui est l’un de nos points faibles sur les théâtres d’opérations.

L’année 2015 verra aussi la modernisation des Mirage M2000D. Comme nous avons étalé les commandes du Rafale, nous avons besoin de prolonger les Mirage 2000. Il s’agit d’un simple traitement d’obsolescences pour que nous puissions les utiliser jusqu’en 2025, de manière à maintenir les volumes prévus par le Livre blanc et déclinés dans la LPM.

J’appelle tout particulièrement votre attention sur les armements, notamment la poursuite de la production d’armements air-sol modulaire (A2SM), bombes parfaitement adaptées aux Rafale, qui font partie d’une famille que nous pourrons continuer à moderniser.

En matière de projection, je veux souligner deux enjeux majeurs. Le premier est la poursuite de la livraison des A400M : le sixième arrivera le mois prochain et quatre autres sont prévus en 2015. Utilisés en capacité opérationnelle, ils sillonnent tous les théâtres d’opérations et nous ouvrent des voies nouvelles.

Le deuxième est la commande d’avions ravitailleurs de type MRTT (Multi Role Tanker Transport), qui est notre grande priorité. La commande du premier appareil est attendue d’ici à la fin de l’année et celle des huit suivants pour 2015. Notre but est d’affermir la commande des trois derniers au plus tôt. L’âge de nos ravitailleurs l’impose : qui aimerait voyager aujourd’hui dans un Boeing contemporain de la Caravelle ?

La formation et l’entraînement passent surtout par le projet « Cognac 2016 », dont la réalisation a déjà été décalée à 2017. Sa vertu première est de nous faire gagner beaucoup d’argent en matière d’EPM et de carburants : 110 millions d’euros d’économies par an au titre du programme 178. Autrement dit, chaque année de report nous fait perdre cette possibilité d’économiser et obère nos capacités d’entraînement. Vous comprendrez pourquoi je suis si attaché à ce projet qui nous permet de faire mieux à l’intérieur d’un budget contraint.

Ainsi, 2015 est une année majeure pour la construction du plan stratégique de l’armée de l’air. Modernisation, ressources humaines, organisation : toutes les dimensions sont imbriquées les unes dans les autres. Prenons l’exemple du système de commandement et de conduite des opérations : si nous pouvons avancer la fermeture d’un centre de radars en 2015, alors nous serons en mesure de dégager du personnel, lequel viendra soutenir les restructurations. Cette cohérence nous rend forts : la LPM nous assure de continuer à progresser, sous réserve de son plein et entier respect.

L’optimisation portée par ce plan présente toutefois une fragilité : si l’une de ses composantes était mise à mal, les conséquences se feraient ressentir sur toutes les autres. Si nos aviateurs sont prêts à accepter les efforts qu’on leur demande, c’est à condition que la cohérence de ce plan soit préservée.

Pour finir, je dirai la très grande admiration que m’inspirent les aviateurs que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors des deux week-ends que j’ai passés auprès d’eux, dans le Golfe puis en Afrique : auprès de leurs camarades des autres armées, ils exercent des missions difficiles dans des conditions ardues, et même si certains ont, au cours de cette année 2014, participé à plusieurs opérations, leur motivation reste intacte. La LPM nous permettra de leur assurer de meilleures conditions de vie et de travail, sous réserve qu’elle soit pleinement respectée.

M. Gwendal Rouillard. Ma première question porte sur les opérations sur le théâtre irakien : pouvez-vous porter une appréciation sur la nature de nos interventions ?

Sans revenir sur les discussions qui ont eu lieu au sein de notre commission sur la dissuasion nucléaire, j’aimerais savoir quelle est, à vos yeux, la pertinence des forces aériennes stratégiques, au cinquantième anniversaire desquelles j’ai eu le plaisir de participer avec quelques-uns de mes collègues.

M. Philippe Vitel. Je tiens à dire toute la fierté que nous éprouvons pour notre armée de l’air. Nous espérons qu’elle recevra les moyens et les capacités nécessaires pour nous inspirer ce sentiment longtemps encore.

Ma première question concerne la participation de nos forces aux missions d’entraînement international. Nous avons dû en ralentir le rythme, du fait, bien sûr, de nos engagements, mais aussi de la diminution de nos moyens. Nous n’avons ainsi pas pu participer à ce grand événement international qu’est le Red Flag. Quelles sont vos intentions en matière d’entraînements internationaux pour 2015 ?

Ma deuxième question porte sur les commandes de MRTT – un en 2014, huit en 2015. La Royal Air Force a reçu la livraison de dix des quatorze MRTT qu’elle a commandés, mais envisage, devant les difficultés à occuper leur planning opérationnel, de les louer à d’autres États confrontés à des manques de moyens de ravitaillement. Vous parliez tout à l’heure, mon général, d’ouvrir des partenariats. Ne serait-ce pas possible dans ce cadre-là ? Ne devrait-on pas avoir une vision communautaire plutôt que d’additionner les moyens de chaque État ? Ce serait d’autant plus intéressant que ce type d’avion, comme son nom l’indique, remplit de multiples rôles : il ne sert pas uniquement au ravitaillement, mais peut aussi transporter 380 personnes et, en cas d’urgence, 130 civières.

Général Denis Mercier. En Irak, monsieur Rouillard, nous menons deux types de missions au sein de la coalition guidée par les Américains. D’une part, nous poursuivons des missions de reconnaissance, (intelligence, surveillance, reconnaissance ou ISR), car les Américains ont d’emblée accepté que nous ayons notre propre appréciation de la situation pour ensuite la partager avec eux. D’autre part, nous effectuons des missions d’appui-feu rapproché – Close Air Support – mais avec la contrainte d’éviter tout dommage collatéral lorsque des troupes de Daech sont détectées. L’information est plus souvent fournie par des Irakiens, qui préviennent ensuite des centres d’opération, lesquels entrent en contact avec le centre de commandement des opérations aériennes basé à Al Udeid au Qatar. Là, des officiers français ayant accès à tous les drones américains s’assurent que les mouvements détectés sont bien hostiles et qu’ils se situent dans un rayon où les dommages collatéraux peuvent être évités. Ces derniers temps, nos appareils ont été engagés, mais n’ont pas tiré car les mouvements avaient lieu dans des zones périurbaines où les risques de dommages collatéraux étaient importants.

Il faut souligner ici que c’est parce que nous exerçons ces missions que les forces de Daech sont privées d’initiative : elles n’ont plus la possibilité de sortir de ces zones où elles se retrouvent coincées. Certes, il y a toujours une satisfaction à tirer sur des pick-up ou des chars, mais notre mission la plus importante est d’assurer jour et nuit cette permanence afin d’empêcher ces forces de se déplacer et de permettre aux Irakiens la liberté d’action sur leur territoire. C’est un effet militaire qui se mesure peut-être moins facilement que d’autres, mais il est réel et nécessite de déployer le nombre d’avions que la coalition a mobilisé.

S’agissant des forces aériennes stratégiques, la question qui provoque le débat est bien évidemment : pour ou contre le nucléaire ? J’ai mes convictions, mais je comprends que l’on puisse s’interroger. Une fois que l’on s’est prononcé en faveur de la dissuasion, il faut entrer dans une analyse militaire. Nous le savons, l’une ou l’autre composante pourra être fragilisée face à des défenses adverses toujours évolutives, alors même que nous savons déjà intercepter des missiles arrivant par le haut ou des missiles de croisière. Pour être optimal, l’effet militaire doit combiner ces deux composantes ; si nous n’en gardons qu’une, notre crédibilité sera atteinte. Les deux composantes se nourrissent de manière dynamique et se complètent dans la modernisation qui est prévue pour le futur. Pour des questions de confidentialité, je ne peux vous en dire plus.

Monsieur Vitel, je vous remercie d’avoir exprimé toute la fierté que vous inspirent nos aviateurs et ne manquerai pas de leur en faire part.

L’année dernière, si nous avons été amenés à revoir nos participations aux entraînements internationaux – en particulier au Red Flag, ce qui n’a pas été facile, car il s’agit d’un exercice important –, c’est en raison de contraintes budgétaires liées à des arbitrages internes. Nous avons voulu privilégier l’activité, car la baisse qu’elle subit risque d’aboutir à des pertes de compétences. Les trois leviers que j’ai évoqués nous permettront demain de reprendre les heures de vol – nous visons 180 heures par an pour les équipages chasse contre 150 heures actuellement –, mais aussi les exercices. Toutefois, en 2015, nous pouvons être amenés à en annuler quelques-uns en raison de l’engagement de nos équipages. Nous mettrons l’accent sur l’exercice conjoint que les Américains nous proposent de mener avec les Britanniques.

M. Philippe Vitel. Sans compter nos responsabilités particulières dans la force de réaction rapide de l’OTAN – NATO Response Force (NRF).

Général Denis Mercier. En effet ! Notre structure de commandement et de conduite sera engagée dans la réussite de la NRF, sous notre commandement pour 2015.

S’agissant des MRTT, après la commande d’un appareil en 2014 et de huit autres en 2015, viendra une dernière tranche de trois, dont nous voulons affermir la commande le plus rapidement possible car, grâce aux multiples rôles qu’ils remplissent, ces douze MRTT permettront de remplacer non seulement quatorze C135, mais aussi deux A340 et trois A310.

Il faut souligner que la Royal Air Force a choisi le cadre de l’initiative de financement privé – Private Finance Initiative (PFI). Sur les quatorze A330 dont elle dispose, quatre sont destinés à produire des revenus tiers. Elle envisage de les retransformer en MRTT pour pouvoir louer des heures de vol aux armées de l’air d’autres pays. Le problème est que ce n’est pas la RAF elle-même qui négocie les contrats, mais un consortium, qui nous propose des prix très élevés. Nous ne pouvons donc pas y avoir recours, sauf dans le cadre d’un engagement opérationnel. Nous avons renoncé pour notre contrat à entrer dans la logique de partenariat public-privé envisagée à un moment pour les MRTT.

Aujourd’hui, en Irak, nos avions se ravitaillent sur des tankers américains, et même récemment sur un tanker australien. En Afrique, les Américains ont placé sous notre contrôle opérationnel direct deux tankers qui décollent de la base de Morón en Espagne.

Je suis particulièrement attaché à ce que les commandes de MRTT soient réalisées le plus rapidement possible, car, en attendant, nous sommes obligés de nous livrer à de la surmaintenance, ce qui nous pose beaucoup de problèmes. Ces nouveaux appareils nous permettront non seulement d’assurer le ravitaillement en vol, mais aussi de transporter jusqu’à 40 tonnes de fret sur de longues distances et de nombreux passagers.

M. Christophe Guilloteau. Vous avez évoqué le respect de la LPM. Il est évident que, si elle était malmenée, ce serait toute l’ossature établie dans le Livre blanc lui-même qu’il nous faudrait revoir.

S’agissant des MRTT, les auditions ont fait apparaître des différences entre le langage tenu par le ministre et celui du délégué général pour l’armement. J’espère que vous verrez aboutir le programme qui vous a été promis dans la LPM. Nos Boeing ont quelque quarante-huit ans, il n’est plus possible de continuer ainsi.

J’espère aussi que le programme SCCOA sera respecté. Sa poursuite est indispensable pour l’armée de l’air, pour la Nation.

Quant au projet « Cognac 2016 », nous ne voudrions pas le voir devenir le projet « Cognac 2018 ». Êtes-vous toujours en phase avec la DGA pour l’achat de turbopropulseurs de type Pilatus PC-21 ? J’ai cru comprendre qu’il y avait là aussi quelques divergences entre votre vision de ce que peut être notre défense et la conception qu’a la DGA de l’utilisation de l’argent du contribuable. C’est une vraie difficulté de fonctionnement intellectuel.

Les C160 constituent un outil indispensable pour nos forces spéciales, mais est-il possible de conserver une capacité de maintenance suffisante jusqu’à l’arrivée de l’A400M, qui ne saurait toutefois remplacer ce type d’appareil pour certaines opérations ?

Dernière question : pensez-vous possible d’intégrer l’escadron d’hélicoptères « Pyrénées » aux missions des forces spéciales ? L’escadron « Poitou » ne peut tout faire. Ses hommes, mis à rude épreuve sur la durée, ont besoin d’être relevés.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Vous avez indiqué, général, que la réalisation du projet « Cognac 2016 » avait été décalée à 2017. Pour quelles raisons ? Sont-elles de nature financière ou technologique ? À partir de quand les pilotes pourront-ils s’entraîner sur le simulateur ?

M. Jean-Jacques Candelier. Où en est la vente des sites de l’armée de l’air ?

Quel est l’avenir de la base de Taverny, la BA 921 ?

Quelle est la cadence de production de l’A400M ?

S’agissant des actions menées contre les forces de Daech, je salue fortement le travail des aviateurs. Je constate toutefois que les résultats obtenus sont plutôt moyens. Les troupes djihadistes continuent d’avancer. Je ne suis pas général, mais je pense qu’en fournissant un peu plus d’armes aux Kurdes et en maîtrisant mieux les troupes irakiennes, qui sont en déroute, nous obtiendrions des résultats plus satisfaisants. Qu’en pensez-vous ?

M. Philippe Folliot. Mon général, vous avez à juste titre rendu hommage à nos aviateurs, qui font un travail exceptionnel dans des conditions souvent difficiles. J’aimerais rendre également hommage aux hommes de l’ombre de l’armée de l’air, comme ceux de la station radar du Montalet, dans ma circonscription, que j’ai rencontrés il y a quelques jours. On ne parle pas beaucoup d’eux, car ils sont isolés et peu nombreux, mais ils jouent un rôle important dans la défense de notre espace aérien. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour les mettre en lumière. Ils le méritent aussi.

J’aimerais revenir sur la question des équipements. Le Transall a mon âge, autrement dit : il n’est pas jeune. Les premiers sont entrés en service en 1963, les derniers en 1981. Le problème du taux de disponibilité se posera de plus en plus : ces appareils sont lourdement mis à contribution dans les OPEX, comme nous l’avons constaté en RCA et au Mali. N’y aura-t-il pas un problème de jointure avec le plan d’équipement en A400M ? Le croisement des courbes du rythme d’engagement des Transall et de la montée en puissance des A400M laisse, me semble-t-il, apparaître un risque réel.

M. Yves Fromion. Avec Gwendal Rouillard, nous nous sommes rendus en Afrique : nous avons vu vos aviateurs en action, mon général, et nous pouvons témoigner de la qualité de leur engagement. On ne rendra jamais assez hommage à leur capacité à remplir les missions difficiles qui leur sont confiées.

Est-il envisageable de remettre en état la piste de Gao au Mali ? Le dispositif actuel souffre d’un problème d’équilibrage : d’une part, l’élongation entre la base de N’Djamena et le Nord du Mali rend les missions très lourdes ; d’autre part, il n’existe pas de piste pour secourir un aéronef en difficulté dans cette région. Pour diminuer l’usure de nos équipements, n’y aurait-il pas moyen d’agir en ce sens, éventuellement avec l’aide de l’Union européenne ?

Dans le même ordre d’idées, avez-vous réglé le problème des turbines des Caracal ?

Enfin, pour quelle raison pensez-vous que, sans prélèvement sur les aéronefs des forces aériennes stratégiques, vous ne pourrez pas respecter le contrat opérationnel ?

Général Denis Mercier. Monsieur Guilloteau, certes, les programmes sont taillés au plus juste et leur exécution complète est nécessaire, mais il faut bien voir que nous avons été partie prenante dans l’élaboration du Livre blanc et de la LPM : nous avons apporté des idées nouvelles, comme la différenciation de l’entraînement, et participé à la construction d’un ensemble cohérent à même de nous faire progresser.

S’agissant du système de commandement et de conduite des opérations, sachez que je suis très vigilant. Il existe des failles de détection. Nos radars vieillissants nous coûtent cher en MCO. C’est la raison pour laquelle nous avons engagé un programme de rénovation : de nouveaux radars seront mis en place, d’abord à Nice et à Lyon, puis sur d’autres points du territoire.

Pour le projet « Cognac 2016 », un avion répond véritablement à nos besoins, mais, comme il s’agit d’un appel d’offres, nous ne pouvons pas envisager qu’une seule piste. Le décalage de la mise en œuvre du projet est lié à une sous-dotation dans la loi de programmation que nous n’avions pas identifiée. Il a fallu trouver un mode de financement innovant. Le ministère des Finances a bien compris l’économie du projet, qui nous permet d’économiser en EPM 110 millions d’euros par an, en rationalisant par ailleurs nos infrastructures – il est ainsi prévu de fermer une plateforme aéronautique grâce à ce projet. Il nous a donc permis de recourir à un leasing de courte durée, de quatre à cinq ans, avec option d’achat. Nous avons dû aussi motiver les acteurs concernés et, en cela aussi, l’appui du ministre a été extrêmement utile. Voilà pourquoi le lancement du projet a pris plus de temps que prévu. Aujourd’hui, je me bats pour qu’il puisse intervenir en 2017, et non en 2018.

S’agissant des C130, je préciserai que ces appareils ont encore du potentiel. Un plan de rénovation est prévu à partir de 2016 de manière à disposer des premiers avions modernisés en 2018 ou 2019. Cette rénovation est d’une double nature : d’une part, elle sera opérationnelle ; d’autre part, elle reposera sur une mise aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) afin de leur permettre de continuer à naviguer dans les espaces aériens, ce qui exige l’installation de certains équipements.

Pour les C160, il faut rappeler que, en construisant la LPM, nous avons fait des choix, que j’assume. Notre impératif a été de maintenir une cohérence qui nous garantisse d’agir en toute souveraineté. Cela nous a conduits à étaler certains programmes, comme la livraison des Rafale – c’est la raison pour laquelle je suis si attaché au maintien des Mirage 2000D – ou la livraison des A400M. Ce tuilage implique de conserver jusqu’en 2023 certains avions de la flotte de C160 : les quatorze plus récents, qui pourront être maintenus en service pour un coût maîtrisé. Nous menons actuellement des études sur les moteurs et les grandes visites. Nous comptons aussi maintenir plus longtemps que prévu d’autres flottes, comme les Mirage 2000-5.

Ce n’est certes pas une panacée, mais si nous avions concentré tous nos efforts sur les A400M, nous aurions peut-être mis en péril les commandes de MRTT, la modernisation des radars ou le projet « Cognac 2016 ». Nous avons fait le choix de la cohérence : il comporte des risques, mais il tient la route, sous réserve que la LPM soit respectée.

Pour répondre à votre question sur les forces spéciales, monsieur Guilloteau, je dois préciser que l’escadron « Poitou » va continuer d’opérer, notamment avec quelques C160 et des C130. À l’heure actuelle, l’escadron « Pyrénées » remplit des missions de combat pour le sauvetage des équipages éjectés. J’ai demandé au chef d’état-major des armées qu’il puisse être mis à disposition des opérations spéciales pour leur offrir une capacité supérieure grâce à l’apport essentiel des hélicoptères Caracal. Nous travaillons ensemble pour définir le niveau d’entraînement afin que, à l’été 2015, cet escadron soit intégré aux opérations spéciales, comme l’est déjà le quatrième régiment d’hélicoptères de combat de Pau.

S’agissant des moteurs de Caracal, monsieur Fromion, des solutions sont en cours d’examen. J’en ai discuté lors de mon déplacement à N’Djamena. Certains filtres fonctionnent mieux dans certains endroits que dans d’autres. Nous envisageons également d’installer des tapis pour empêcher la poussière de s’infiltrer, là où les hélicoptères sont appelés à se poser le plus souvent, comme à Madama, où la terre est particulièrement corrosive. Il ne faut pas seulement se pencher sur les turbines elles-mêmes, mais faire en sorte que les appareils puissent se poser dans des endroits où ils souffrent moins. Le constructeur est aussi mobilisé. En vérité, nous avons réagi trop tard. Nous avons attendu que je ne sais combien de moteurs soient atteints pour agir, je le déplore. Il arrive parfois que nous n’ayons pas le réflexe, face à un problème, d’investir tout de suite pour générer des gains plus tard. Nous devrons veiller à davantage anticiper.

Vous m’avez aussi interrogé sur la piste de Gao. Là encore, une question de priorités se pose. Et je ferai une parenthèse en revenant sur l’hommage rendu par M. Folliot aux hommes de l’ombre des stations de radars, hommage que j’ai beaucoup apprécié. Nous pourrions y associer d’autres hommes de l’ombre, fortement engagés dans les opérations : je pense aux militaires du 25e régiment du génie de l’air, qui construisent et maintiennent en état les pistes, à ceux du groupement aérien d’appui aux opérations (GAAO), qui installent des villages de tentes autour des pistes, ainsi qu’à ceux du groupement tactique des systèmes d’information et de communication. Je me réjouis d’avoir récemment réussi à obtenir des citations pour ces unités. Il se trouve que les hommes du 25e RGA sont aujourd’hui mobilisés par l’extension du terrain de Niamey, afin notamment de permettre à un ravitailleur de s’y poser, et qu’ils devront se consacrer à la piste de Madama, aujourd’hui trop courte pour recevoir des Transall et des Hercules. Nous menons des études sur la possibilité d’effectuer quelques travaux à Gao pour permettre aux avions de chasse de s’y dérouter. La présence d’un terrain de secours pour les chasseurs serait un atout. Nous avons perdu récemment un Mirage 2000D dont l’équipage, à la suite d’une panne d’huile, a dû s’éjecter, car il n’avait pas le temps de rejoindre Niamey.

Monsieur Candelier, je dois vous dire que la vente des sites de l’armée de l’air nous échappe complètement. Ces terrains sont gérés par la mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI). Je constate seulement que, à Metz, Cambrai, Reims ou Francazal, la situation n’a pas beaucoup avancé.

À Taverny, la base aérienne a fermé lors de la précédente RGPP. Nous avons uniquement conservé l’emprise souterraine pour le centre d’opérations des forces aériennes stratégiques, rattaché à la base de Creil.

S’agissant des cadences de livraison de l’A400M, comme je vous l’ai indiqué, un sixième appareil arrivera au mois de novembre et quatre autres sont prévus en 2015 . Quinze sont prévus sur la LPM. Après une ou deux années blanches, les livraisons reprendront ensuite pour atteindre la cible définie dans le Livre Blanc. Même si ces cadences ont été revues, nous avons vraiment besoin de ces avions pour moderniser notre capacité de transport. Je donnerai un exemple éclairant : au début des opérations en Irak, un seul A400M a permis de transporter le matériel et les hommes nécessaires au renforcement de la base aérienne que nous avons dans le Golfe, quand trois Transall avec une escale chacun auraient été nécessaires auparavant.

J’adhère à vos propos sur l’Irak, monsieur Candelier. Nos avions sont là pour redonner l’avantage aux forces irakiennes et aux forces kurdes. Notre accompagnement permet de leur assurer une liberté d’action. Reste que tout cela va prendre du temps : nous avons pu constater, avec l’avance rapide des forces de Daech, que les troupes irakiennes n’étaient pas très bien formées.

Pour conclure, je tiens à souligner que cette LPM nous a permis de construire un plan cohérent au centre duquel nous avons placé l’humain. Il nous permet d’avancer en donnant des objectifs à nos aviateurs. L’annonce des restructurations, élément qui leur manquait, aura lieu demain, mercredi 15 octobre. L’année 2015 sera une année charnière, qui leur donnera de la visibilité. Je vous remercie, mesdames, messieurs les députés, de l’hommage que vous leur avez rendu, hommage pleinement justifié au regard du travail remarquable qu’ils effectuent sur notre territoire et dans le cadre des opérations extérieures.

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2014 à 9 heures (34)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2015.

Article 32 : État B – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN21 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Le présent amendement a pour but, d’une part, de transférer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, à hauteur de 230 millions d’euros, au profit de la dotation annuelle destinée au financement des OPEX.

Les dépenses effectives au titre de ces dernières sont en effet significativement supérieures à la dotation initiale, et même si j’ai bien entendu l’argumentation du ministre sur l’intérêt d’une mutualisation des surcoûts entre ministères, force est de constater que l’exercice n’est pas aisé en période de forte contrainte budgétaire.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Cet amendement, récurrent, propose de supprimer la majeure partie des dépenses consacrées à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, alors même que les forces aériennes stratégiques (FAS) fêtent leur cinquantième anniversaire. Le cycle d’auditions sur la dissuasion nucléaire nous a permis d’entendre beaucoup d’interlocuteurs mais je n’en ai pas tiré les mêmes conclusions que vous, et il me semble qu’un large consensus existe en faveur du maintien des deux composantes.

Je retiens notamment les propos du général Mercier, qui nous a rappelé que la dissuasion, au lieu d’avoir un effet d’éviction sur les capacités conventionnelles, les alimente et les tire vers le haut grâce au niveau d’exigence qu’elle impose à ses hommes. Les FAS contribuent en outre aux missions conventionnelles. Ravitaillement en vol, planification des missions, niveau d’entraînement de très haute intensité, réactivité : toutes ces qualités et atouts de la composante aéroportée méritent d’être conservées.

C’est pour ces raisons que j’émets un avis défavorable.

M. Christophe Guilloteau. Cet amendement menace la philosophie même de notre défense, ce que les gaullistes au sein de mon groupe ne peuvent admettre. En outre, il est presque impossible d’estimer la réalité de l’économie ; n’oublions pas non plus que la composante aéroportée repose en partie sur la marine nationale et que sa remise en question conduirait à menacer également notre porte-avions.

M. François de Rugy. Il n’y a aucun lien entre la suppression progressive de la composante aéroportée et celle du porte-avions. Celui-ci a potentiellement d’autres utilités, même s’il peut être en soi un autre sujet de débat. Lors des auditions précitées de notre commission, l’ambassadeur du Royaume-Uni a bien indiqué que la suppression de la composante aéroportée britannique avait permis d’importantes économies.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN21. Elle examine ensuite l’amendement DN22 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous proposons d’identifier les pistes d’économies possibles sans pour autant supprimer la dissuasion nucléaire. Le présent amendement prévoit donc de diviser par deux la dotation allouée aux études amont « nucléaires » afin d’abonder très concrètement les crédits d’équipement pour le combat en milieu hostile. En effet, ces crédits de recherche associés à la dissuasion connaissent une forte argumentation en 2015 par comparaison à celle des crédits d’équipement.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je vous ferai la même réponse que pour la composante aéroportée. Ces crédits d’études amont se situent au niveau juste suffisant et toute diminution entraînerait une perte de compétence technologique, et par voie de conséquence de crédibilité de la dissuasion.

Avis défavorable, donc.

M. Christophe Guilloteau. Il s’agit d’un amendement de repli, auquel je suis défavorable.

M. Philippe Nauche. Nous nous situons dans le cadre de l’exécution d’une loi de programmation militaire, qui fait elle-même suite à un Livre blanc ayant effectué des choix en matière de dissuasion. Il importe donc de demeurer cohérent avec ceux-ci. J’ajoute par ailleurs que ces crédits d’études amont présentent une forte nature duale, contribuant ainsi au niveau technologique d’ensemble de l’industrie nationale. Le groupe SRC ne peut donc approuver cet amendement.

M. François de Rugy. Il ne s’agit pas pour nous de tactiques parlementaires, mais de faire apparaître à nos concitoyens que des choix sont possibles dans le cadre de ce budget – dont je reconnais qu’ils s’opposent à ceux effectués dans le cadre de la LPM. Nous pouvons dépenser moins pour la dissuasion et davantage pour les équipements conventionnels ou les OPEX.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN22.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense ».

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Après avoir entendu les conclusions du rapporteur pour avis s’en remettant à la sagesse de la commission, celle-ci émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Préparation et emploi des forces : Air » de la mission « Défense ».

ANNEXE

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

Ø M. le général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air, M. le colonel Marc Surville, chef du bureau finances à l’état-major de l’armée de l’air, et M. le lieutenant-colonel Pierre Gaudillière, assistant militaire du général Mercier ;

Ø MPatrick Dufour, directeur central du SIAé, ingénieur général HC de l’armement ;

Ø Mle général Grégoire de Saint-Quentin, commandant des opérations spéciales ;

Ø MM. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, Christophe Fournier, directeur des plans, des programmes et du budget, et Guillaume Vega, cabinet du délégué général pour l’armement  ;

Ø M. le général Guy Girier, directeur central de la SIMMAD, M. Patrick Armando, directeur adjoint industrie, M. le colonel Yves Malinowski, M. le colonel Jean-Denis Berthon, sous-directeur de la comptabilité et du budget, et M. le capitaine de vaisseau Eric Plaire, chef du bureau division, stratégie, méthode, réglementation.

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