N° 3112 tome X - Avis de Mme Michèle Bonneton sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3112

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME X

ÉCONOMIE

POSTES

PAR Mme Michèle BONNETON

Députée

——

Voir les numéros : 3096, 3110.

SOMMAIRE

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Pages

I. LE BUDGET DU SECTEUR POSTAL EN 2016 8

A. LES DÉPENSES DE LA MISSION ÉCONOMIE 8

B. LES AUTRES DÉPENSES 10

II. LES POSTIERS 12

A. LES ACCORDS SOCIAUX DE 2015 13

B. CONSTRUIRE LA POSTE DE DEMAIN EN ACCORD AVEC LES POSTIERS 15

III. LES MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC, QUELLE PLACE POUR LA POSTE ? 18

IV. QUELLE SOLUTION POUR LA PRESSE AU TERME DES ACCORDS SCHWARTZ ? 21

EXAMEN EN COMMISSION 25

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 29

« – Tu m’as dit que plus personne n’écrivait à cause d’Internet.

– Et alors ? Y a pas que des lettres.

On n’envoie pas du pain par e-mail.

S’il n’y a plus de poste, c’en sera fini du village. »

Les nuits blanches du facteur, 2015.

Film d’Andrei Konchalovsky

7 heures du matin, comme chaque jour de tournée, l’un ou l’une des 90 000 facteurs ou factrices de France commence le tri des courriers à distribuer avant de constituer sa sacoche. Les plis sont triés, classés, organisés dans l’ordre de la tournée. Vers 9 heures, celle-ci débute réellement. À pieds, à vélo ou en voiture, les facteurs et factrices de France s’élancent sur les routes et dans les villes pour apporter une lettre attendue, un avis d’imposition, une publicité, une carte postale ou tout autre pli. Parfois, ce sont des colis qu’il faut distribuer. La sacoche est toujours lourde, et le transport du courrier provoque des problèmes musculaires et entraîne des douleurs dorsales. Pourtant, elle pèse moins lourd qu’avant, lorsque le volume annuel du courrier continuait de croître année par année. Aujourd’hui, chaque facteur transporte 200 objets en moins par jour qu’il y a cinq ans. Cet allègement du poids moyen de la sacoche illustre une vérité crue : le volume total de courrier transporté ne cesse de diminuer, de manière brutale. Ainsi, alors qu’entre 1975 et 2005, les volumes de courrier ont doublé, ceux-ci sont passés de 18,5 milliards à 13 milliards d’objets entre 2008 et 2013, et les dernières estimations confirment cette tendance. Selon La Poste, le volume du courrier diminuera encore, à hauteur de 30 % entre 2015 et 2020, et de 50 % entre 2008 et 2020.

Au-delà des facteurs et des factrices, c’est donc l’ensemble des 230 000 postiers et des postières qui sont confrontés à la mutation de leur entreprise. Cette mutation ne se fait heureusement pas au détriment de l’exercice des quatre missions de service public confiées à La Poste par le législateur : service universel postal, contribution à l’aménagement du territoire, transport et distribution de la presse, accessibilité bancaire. Le contrat d’entreprise 2013-2017, signé le 1er juillet 2013, que votre rapporteure a déjà commenté ces deux dernières années, réaffirme d’ailleurs l’attachement de l’État et de La Poste à la qualité de la mise en œuvre de ces quatre missions.

Toutefois, La Poste est tenue d’identifier et de mettre en œuvre de nouveaux services afin d’assurer son avenir et celui de ses équipes.

Pour l’heure, La Poste donne le sentiment de tâtonner. Comme l’ont indiqué à votre rapporteure des représentants syndicaux, « chaque semaine, un nouveau service apparaît et deux disparaissent ». Cette boîte à idées permanente déboussole une partie des postiers et des postières, qui de leur aveu même ne comprennent pas toujours les orientations fixées par la direction, souvent en l’absence de dialogue suffisant avec les partenaires sociaux.

Votre rapporteure s’inquiète parfois de voir La Poste s’engager dans des voies qui lui paraissent sans issue, et difficilement valorisables financièrement. Ainsi, par exemple, de la tentative de faire des postiers des auxiliaires de compagnies d’assurance pour prendre des clichés de dégâts domestiques. La chute brutale du volume de courriers ne doit pas conduire La Poste à s’égarer. À ce titre, comment comprendre la forte hausse du prix du timbre (+ 7%, soit la hausse la plus importante de l’histoire) mise en place au 1er janvier dernier, qui sera encore confortée le 1er janvier prochain : les tarifs du courrier augmenteraient de 3,6 % en moyenne, ce qui portera l’affranchissement d’une lettre prioritaire à 80 centimes et le prix de la lettre à timbre vert passera de 0,68 à 0,70 euro. Ces choix ne contribueront-ils pas à accélérer la baisse des courriers ?

Votre rapporteure en est convaincue, La Poste doit miser sur ce qui constitue ses atouts, à savoir le profond attachement que lui portent les Français, la confiance qu’ils accordent à ses équipes, le réseau des 17 000 points de contact répartis sur le territoire et ses 230 000 postiers et postières. Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le 18 mars dernier, Philippe Wahl semblait convaincu par cette approche : « Il faut donc en revenir à l’essence même du service postal : l’identité même de La Poste, c’est sa capacité à apporter un service universel humain de proximité et de confiance – le facteur humain – partout, à des millions de personnes, et tous les jours. D’après nous, dans la société de demain, une société numérique, le facteur humain doit rester le facteur commun de tous les services que nous allons développer. »

Pour que La Poste de demain ne soit pas qu’une « banque postale ayant une activité courriers », selon l’expression de l’une des personnes entendues par votre rapporteure, il faut donc qu’elle continue d’innover sur son cœur de métier – l’annonce il y a quelques jours de la possibilité d’envoyer des colis depuis sa propre boîte aux lettres va dans ce sens – et développe de nouvelles activités intimement liées à son identité. Il en va ainsi de l’implication de La Poste dans la mise en place des maisons de services au public, qui constituent une chance pour les Français de conserver des services publics à proximité de leur domicile, mais également pour La Poste de valoriser son réseau et d’agir en appui des politiques publiques. C’est en adoptant une telle stratégie que La Poste évitera de plonger dans un cercle vicieux qui, du fait de l’évolution des volumes de courriers transportés, pourrait la mettre en danger.

*

* *

Comme votre rapporteure le souligne chaque année, l’effort financier de l’État en faveur des postes ne reflète pas l’importance économique du secteur, qui représente 1 % du PIB et de la population active français. Pour l’essentiel, l’État compense, de manière partielle, les missions de service public confiées à La Poste par le législateur. Or ces compensations ne sont pas toutes reportées au sein de la mission « Économie », qui retrace aussi des crédits liés à la régulation ainsi que quelques dépenses annexes. Par ailleurs, La Poste bénéficie amplement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont le montant prévisionnel pour 2015 est estimé à environ 325 millions d’euros. Enfin, comme toutes les entreprises, La Poste bénéficie des mesures fiscales générales décidées dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité, à savoir, pour l’essentiel, la suppression d’ici 2017 de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et la baisse progressive du taux nominal de l’impôt sur les sociétés de 33 ⅓ %, actuellement à 28 % en 2020, avec une première étape dès 2017.

Cette année encore, votre rapporteure a décidé de consacrer l’essentiel de son rapport budgétaire à l’étude de plusieurs thématiques : les conditions de travail des postiers, le rôle de La Poste dans la mise en place des maisons de services au public et la suite des accords Schwartz sur l’acheminement des abonnements de presse par voie postale.

Les transferts financiers existant entre La Poste et l’État peuvent être analysés sous différents angles : achats par l’État de prestations à La Poste ; financements budgétaires ou extrabudgétaires visant à compenser les charges de service public ; prélèvements fiscaux ; contribution de La Poste au financement des retraites de ses agents fonctionnaires ; versement de dividendes à l’État actionnaire.

Le présent avis ne traite que des crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2016. Les crédits relatifs au secteur postal figurent au programme n° 134 (« Développement des entreprises et du tourisme »), action n° 4 (« Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information ») et action n° 13 (« Régulation des communications électroniques et des postes »). Ces crédits, ainsi que leur évolution par rapport au projet de loi de finances pour 2015, sont présentés de manière synthétique dans le tableau reproduit ci-dessous.

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE = CP) RELATIVES AUX POSTES DANS LE PROGRAMME 134

(en euros)

 

PLF 2015

PLF 2016

Action n° 4

173 083 402

163 985 162

Transfert aux entreprises

130 000 000

120 486 532

Transfert aux autres collectivités

9 098 240

9 563 904

Action n° 13

   

Dotation de fonctionnement de l’ARCEP

22 700 239

21 552 772

Source : projets annuels de performance 2015 et 2016.

Les « transferts aux entreprises » de l’action n° 4 correspondent pour 1,5 million d’euros  aux remboursements à La Poste des courriers des particuliers adressés en franchise postale, conformément à l’article D-73 du code des postes et des communications électroniques. En pratique, il s’agit des correspondances ordinaires reçues par le Président de la République et de l’acheminement des cécogrammes (colis ou courriers destinés aux personnes mal voyantes), qui se fait en franchise postale.

Par ailleurs, ces crédits correspondent, à hauteur de 119 millions d’euros, à la compensation par l’État des surcoûts de la mission de service public de transport postal de La Poste, selon le protocole d’accord État-presse-La Poste signé le 23 juillet 2008, qui permet aux éditeurs de presse de bénéficier de tarifs préférentiels. La contribution de l’État était de 130 millions d’euros en 2015, de 150 millions en 2014 et de 217 millions d’euros en 2013. Trois raisons expliquent cette baisse progressive, sans pour autant la justifier :

– premièrement, l’accord prévoyait une baisse tendancielle des aides, confirmée dans le contrat d’entreprise ;

– deuxièmement, le Gouvernement a souhaité faire porter une partie du financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) par les entreprises publiques qui en bénéficiaient. À ce titre, La Poste supportait une diminution de la compensation de l’ordre de 50 millions ces dernières années. À titre indicatif, le montant du CICE pour La Poste se montait à 352 millions en 2014 et pourrait s’élever en année pleine à une somme de l’ordre de 325 M€ en 2015 ;

– troisièmement, alors que les accords Schwartz arrivent à leur terme à la fin de l’année 2015, une réforme des modalités d’acheminement de la presse par La Poste est actuellement en cours d’élaboration. Se fondant sur cette « réforme en devenir », le Gouvernement propose une nouvelle réduction du montant de la compensation. Cette méthode surprend votre rapporteure, dans la mesure où il lui aurait semblé logique de définir le futur modèle avant d’arrêter son financement…

Par ailleurs, la diminution continue de la compensation pourrait fragiliser encore davantage les Français résidant en milieu rural, pour lesquels le délai d’acheminement de la presse pourrait être rallongé. Une fois encore, on distinguerait une France des villes et une France des campagnes et des montagnes, ce qui va évidemment à l’encontre des convictions de votre rapporteure et des exigences d’égalité qui doivent présider à l’élaboration de toute politique publique. Enfin, d’un point de vue symbolique, l’engagement de l’État aux côtés de La Poste apparaît fragilisé.

Les « transferts aux autres collectivités » de l’action n° 4 correspondent aux subventions attribuées par la France à divers organismes internationaux, dont l’Union postale universelle (UPU), la Conférence européenne des postes et télécommunications (CEPT). Une fraction des 9,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement prévus sur cette ligne budgétaire se rattache donc au secteur postal (1).

Enfin, l’action n° 13, consacrée à la dotation de fonctionnement de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), sert à financer conjointement la régulation des communications électroniques et du secteur postal. Néanmoins, l’essentiel de l’activité de l’ARCEP touche au secteur des télécommunications. La mission de l’ARCEP en matière postale consiste principalement en une régulation tarifaire et un contrôle de la qualité de service rendu par La Poste. Par ailleurs, le régulateur évalue le coût des missions des services publics, afin d’ajuster le montant des compensations financières versées par l’État.

Ainsi, d’après l’Autorité, la part dédiée aux activités postales dans le total de son budget est de 11 %, pour un nombre d’ETPT d’environ 17 : 8 emplois au sein de la direction des affaires postales, les autres emplois étant répartis entre la direction juridique, la direction des affaires européennes et la direction de la prospective.

Votre rapporteure regrette que le volet postal ne soit pas davantage doté au sein de l’ARCEP. À titre d’exemple, le régulateur pourrait utilement s’intéresser à la question de l’avenir du colis. La dernière étude de l’ARCEP sur le secteur postal date de plus de quatre ans, ce qui est absolument anormal. S’il est évident qu’une hausse de la dotation budgétaire permettrait de réaliser un plus grand nombre d’études, il serait également utile que le régulateur ne délaisse pas trop le secteur postal.

La Poste bénéficie également d’autres dépenses publiques non rattachées à la mission « Économie », qui concernent deux des autres missions de service public. Pour rappel, La Poste est chargée de quatre missions de service public : service universel postal, contribution à l’aménagement du territoire, transport et distribution de la presse, accessibilité bancaire. Le service universel postal n’est pas compensé, La Poste étant dans les faits en situation de monopole.

• Rémunération de la mission d’accessibilité bancaire de La Banque Postale

La rémunération du livret A est perçue par La Banque Postale au titre des produits de l’épargne centralisée auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Cette rémunération peut s’analyser comme un financement extrabudgétaire de l’État dans le cadre du fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l’État. Les modalités de rémunération de La Banque Postale ont évolué en 2009 dans le cadre de l’application des dispositions de la loi n° 2008-776 de modernisation de l’économie du 4 août 2008, qui prévoit la fin de l’exclusivité de la distribution du livret A.

ÉVOLUTION DE LA RÉMUNÉRATION DEPUIS 2010

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

PLF 2016

270

260

250

246

242

235

225

• Rémunération de la mission d’aménagement du territoire

Depuis la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, codifiée à l’article 1635 sexies du CGI, La Poste bénéficie d’un allégement de sa fiscalité locale dans le but d’abonder le fonds postal de péréquation territoriale qui finance la mission d’aménagement du territoire de l’entreprise. Cet allègement s’analyse comme une dépense fiscale consentie par l’État.

Le coût net du maillage territorial, constitutif de la mission d’aménagement du territoire de La Poste, est désormais évalué annuellement par l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP).

Le contrat tripartite de présence postale territoriale 2014-2016, signé début 2014 par La Poste, l’Association des maires de France et l’État, a fixé les ressources prévisionnelles annuelles du fonds de péréquation sur la période 2014 à 2016, à hauteur de 170 M€ par an sur la période.

Le décret n° 2014-1552 du 19 décembre 2014 a fixé pour 2014 le taux d’abattement à 85 % des bases d’imposition pour la cotisation foncière des entreprises et pour les taxes foncières et à 83 % pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ces taux d’abattement produisant une dépense fiscale estimée à 170 millions d’euros.

• Le bénéfice du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

La loi de finances rectificative pour 2012 a instauré un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), dont bénéficie La Poste en tant que société anonyme soumise à l’impôt sur les sociétés au titre des rémunérations versées à ses salariés de droit privé ou fonctionnaires au cours de l’année civile et qui n’excèdent pas 2,5 fois le SMIC. La Poste est le premier employeur de France après l’État, puisqu’elle emploie 231 347 personnes en France, dont 82 % ont une rémunération inférieure ou égale à 2,5 fois le SMIC. Au titre de 2013, La Poste SA a bénéficié d’un montant de CICE de 219  millions d’euros, soit 3 % de la masse salariale de la maison mère (6,7 Mds€). Au titre de 2014, et compte tenu de l’augmentation du taux du CICE à 6 %, le montant du CICE de La Poste SA a atteint 323 millions d’euros. Le montant prévisionnel de CICE au titre des rémunérations versées en 2015 est estimé à environ 325 M€ pour la maison-mère.

Les conditions de travail des postiers ne s’améliorent pas selon le ressenti. Le transport du courrier se fait à partir des 51 plates-formes industrielles courrier (PIC) et centres de traitement du courrier (CTC), des 239 plates-formes de préparation et de distribution du courrier (PPDC) et des 3 482 plates-formes de distribution de courrier (PDC) et centres courrier. Mais ce réseau tend à se restreindre, des centres ferment, des plates-formes aussi. En conséquence, les postiers voient leur temps de trajet augmenter. Au-delà, cette logique de rentabilité, qui peut aussi conduire les facteurs à ne plus aller jusqu’à la porte, mais à rester en bord de route, où sont les boîtes aux lettres, tend à déshumaniser le quotidien des facteurs et les rapports entre La Poste et ses usagers, trop souvent vus comme de simples « clients ».

Les facteurs passent aujourd’hui plus de temps dehors, 5 heures 20 contre 3 heures 30 auparavant. Des pénibilités disparaissent et d’autres apparaissent. Les tournées se prolongent parfois jusque dans l’après-midi, et les facteurs se voient imposer une pause méridienne de 45 minutes non rémunérée.

À cela s’ajoute la baisse continue des effectifs, près de 80 000 en dix ans, qui est en fait, comme votre rapporteure le notait déjà il y a deux ans, « un plan social qui ne dit pas son nom, une RGPP non assumée », reprenant en ce sens les remarques de représentants syndicaux. Par ailleurs, votre rapporteure souligne que la situation des personnels reclassés n’est toujours pas résolue, et qu’une partie des fonctionnaires de La Poste (2), voient toujours leurs carrières bloquées et vivent leur situation comme une injustice. À ce titre, les personnels reclassés de La Poste maintiennent leurs demandes de réparation d’un préjudice qu’ils estiment avoir subi du fait de leur choix de rester dans ces statuts.

Dans ce contexte, les trois accords sociaux signés le 5 février dernier ne doivent pas être négligés, car ils apportent des réponses aux défis auxquels La Poste est confrontée, sans pour autant être pleinement satisfaisants.

Mais plus largement, il est indispensable de travailler à la revalorisation du métier de postier. La Poste, c’est son mérite, tente de nouvelles expériences chaque semaine. Mais cette stratégie de tâtonnement déstabilise les postiers, d’autant plus déstabilisés que certains services proposés ne correspondent ni à leur formation, ni à l’identité de La Poste. Les initiatives de La Poste doivent donc être précisées. Les postiers ont encore trop souvent le sentiment d’être dépossédés de leur avenir, réduits à enchaîner les tournées sans être effectivement écoutés.

Plusieurs accords ont été signés au cours de l’année 2015 :

– le 5 février, trois accords sociaux majoritaires ont été signés : « Un avenir pour chaque postier », la création du « complément de rémunération », l’évolution des grilles indiciaires des fonctionnaires de La Poste des catégories B et C ;

– le 12 mars, l’accord salarial 2015 à l’issue de la négociation annuelle obligatoire ;

– le 26 mai, l’accord majoritaire en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap ;

– au mois de juin, l’accord sur l’intéressement des postiers pour la période 2015-2017 ;

– le 3 juillet 2015, le troisième accord sur l’égalité entre les femmes et les hommes à La Poste.

Votre rapporteure s’attachera ici à présenter les accords du 5 février dernier, et en particulier l’accord « Un avenir pour chaque postier ».

• L’accord « Un avenir pour chaque postier », signé par les organisations syndicales CFDT, FO et CFTC-CGC-UNSA

Cet accord a vocation à placer la formation et le développement professionnel au cœur des préoccupations du Groupe.

Premièrement, il s’agit d’anticiper les évolutions des métiers et des compétences par la mise en place d’une gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Au cœur de cette GPEC se trouve le nouvel observatoire des métiers, composé de représentants des organisations syndicales et de La Poste, dont la mission est d’identifier et de définir, pour toute La Poste, les métiers en évolution, les métiers « émergents » ou « nouveaux métiers », les métiers « recruteurs », les nouveaux besoins de qualifications, les parcours professionnels et parcours de formation, etc. Par ailleurs, le référentiel de tous les métiers de La Poste devra être achevé d’ici la fin de l’année 2015. Enfin, La Poste s’est engagée à développer le dialogue social avec les organisations syndicales sur la GPEC à tous les niveaux (Commissions de dialogue social de La Poste (CDSP) maison-mère, branches et niveau opérationnel déconcentré (NOD), Comité technique). Espérons que cet engagement trouve réellement une traduction effective…

Deuxièmement, l’accord instaure un socle de garanties communes à tous les postiers en cas de mobilité, ainsi que de nouvelles mesures d’accompagnement à la mobilité professionnelle et géographique choisie, en dehors de toute évolution d’organisation.

Troisièmement, l’accord prévoit un investissement important dans la formation pour garantir l’employabilité de tous les postiers. À titre d’exemple : 80 % des postiers devraient bénéficier d’au moins une action de formation par an, tandis que chaque postier aura droit à au moins une action de formation tous les deux ans. Au final, au moins 100 heures de formation en moyenne par postier seront réalisées sur la période 2015-2020 et au moins 50 000 postiers bénéficieront d’un parcours qualifiant. De plus, le parcours qualifiant étant une formation labellisée, elle donnera lieu à une validation par une certification interne et ouvrira droit à une nouvelle « prime individuelle de qualification », visant à reconnaitre l’acquisition de nouvelles compétences professionnelles.

Tout ceci s’accompagne d’un renforcement du dialogue social sur la formation, via une augmentation du nombre des réunions des CDSP nationales et de branches, qui se réuniront dorénavant au moins deux fois par an.

Quatrièmement, en cas d’évolutions d’organisation, des garanties nouvelles seront offertes aux postiers, notamment pour les postiers en reclassement.

Cinquièmement, l’accord prévoit également l’amélioration des conditions de travail et l’attention est portée sur la santé des postiers. Votre rapporteure ne peut qu’adopter une attitude prudente sur ce point, tant La Poste a des progrès à faire. Les conditions de travail des postiers ne cessent ainsi de se dégrader : les organisations syndicales ont alerté votre rapporteure sur plusieurs cas de suicides. Dans son plan stratégique, La Poste s’est fixé comme objectif de réduire fortement les accidents du travail ainsi que le nombre de postiers exposés à la pénibilité. Pour y parvenir, l’accord prévoit tout un ensemble de mesures d’amélioration des conditions de travail et de prévention des risques pour la santé. Par exemple, dans tous les services, un temps d’expression sera désormais organisé périodiquement, pour faire émerger des améliorations dans la réalisation du travail au quotidien. De même, des dispositions visent à favoriser la prise de congés des postiers. Par ailleurs, une prime de passage à temps partiel à 50 % est créée. Enfin, chaque commission nationale de la santé et de la sécurité au travail (CNSST) de branche élaborera un plan d’action annuel portant sur la prévention des premières causes d’accident du travail au sein de la branche. Un programme annuel d’amélioration de l’ergonomie des postes de travail sera en outre débattu et exposé annuellement au sein de chaque branche, en CNSST. Une formation à la prévention sera déployée sur trois ans auprès de l’ensemble des directeurs d’établissement et une formation sur les risques psycho-sociaux sera déployée d’ici à 2017. En matière de prévention de la pénibilité, les postiers de 55 ans et plus exposés à la pénibilité bénéficieront de 3 à 5 jours de repos annuels supplémentaires.

• L’accord sur la création du « complément de rémunération », signé par la CGT, la CFDT et la CFTC-CGC-UNSA

Le complément poste, créé il y a 20 ans, a notamment repris un ensemble de primes issues du statut d’administration de La Poste. L’accord procède à la création, pour les agents de classe I à III, d’un complément de rémunération identique pour tous à un même niveau de fonction et d’une indemnité de carrière antérieure personnelle qui reprend à titre individuel les éventuels éléments indemnitaires hérités de la carrière passée de chacun.

À travers ces deux nouvelles indemnités qui remplacent le complément poste, chaque postier devrait percevoir un montant au moins équivalent à son complément poste actuel. Le montant annuel du complément de rémunération est revalorisé par rapport au complément poste et tous les postiers dont le montant du complément poste est inférieur au montant du nouveau complément de rémunération bénéficieront d’une augmentation.

• L’accord sur  l’évolution des grilles indiciaires des fonctionnaires des catégories B et C de La Poste

L’accord revalorise et prolonge par de nouveaux échelons les grilles des fonctionnaires des catégories B et C pour tenir compte du gel du point d’indice de la fonction publique depuis plusieurs années et de l’allongement des carrières. L’accord organise la transposition des mesures adoptées pour la fonction publique pour les fonctionnaires de La Poste des catégories B et C, permettant ainsi le prolongement par de nouveaux échelons des grilles de rémunération de fonctionnaires de La Poste des classes I à III.

Si ces accords vont globalement dans le bon sens, votre rapporteure regrette que n’aient pas encore été pris les textes réglementaires nécessaires à l’entrée en vigueur de nombre de ces mesures. Par ailleurs, il convient de noter que ce pacte social accompagnant le plan stratégique n’a pas été approuvé dans son ensemble pour tous les syndicats. Si La Poste présente la signature de ces accords comme une grande réussite sociale, ce manque d’unanimité témoigne, dans une certaine mesure, d’un échec du dialogue social.

Pour redonner foi aux postiers et postières, il est donc impératif de travailler à une revalorisation de leur métier, en précisant les contours de La Poste de demain.

Dans son processus de modernisation, La Poste donne parfois l’impression de « partir dans tous les sens », selon les mots de l’une des personnes entendues par votre rapporteure. La Poste tâtonne, expérimente, au risque de s’égarer. Aux yeux de votre rapporteure, il est pourtant essentiel que La Poste joue sur ses forces, et agisse comme témoin de confiance. La mutation de l’entreprise doit en effet s’opérer dans le respect des valeurs qui valent à La Poste et aux postiers la confiance des citoyens et de la bonne exécution des missions de service public qui ont été confiées à l’entreprise.

Heureusement, il semble que La Poste soit sur la bonne voie.

Les nouveaux services proposés portent ainsi soit sur une extension de l’activité traditionnelle de La Poste – remise en main propre de plis ou de documents accompagnée d’un message oral délivré par le facteur, portage à domicile – soit sur des missions nouvelles de confiance ou d’intérêt général confiées au facteur : recueil d’informations sous forme de questionnaires ou d’observations, vigie de personnes et lien social, recyclage de matières premières valorisables.

C’est ainsi qu’en s’appuyant sur le réseau humain connecté de 80 000 facteurs équipés de smartphones et grâce à la confiance qu’ont les Français en leur facteur, La Poste est désormais en mesure de rendre de nouveaux services de proximité et d’accompagner la mise en œuvre des politiques publiques dans les différents territoires. Ces nouvelles missions s’exercent dans le respect du modèle social de La Poste et après une formation adaptée des agents. Quatre millions de prestations de services de ce type ont été réalisées en 2015 par les facteurs, soit près de deux prestations par semaine en moyenne pour chacun eux.

La Poste a ainsi développé des services diversifiés en appui de politiques publiques, notamment en matière :

– de numérique, avec la mise en place de Digipost, le coffre-fort numérique ;

– d’attention aux plus fragiles et d’adaptation de la société au vieillissement de la population : dans le cadre du dispositif de veille et d’accompagnement social (DIVAS) lancé par la caisse nationale d’assurance vieillesse, ce sont 60 000 bénéficiaires âgés dans quatre départements (Côte d’Or, Indre, Haute-Marne et Savoie) qui ont été rencontrés par les facteurs pour détecter les situations nécessitant l’intervention des acteurs médicaux et sociaux en vue de faciliter leur maintien à domicile ;

– d’aménagement et d’égalité des territoires : les nouveaux services rendus par La Poste sont disponibles partout en France, y compris dans les zones les plus isolées du territoire, rendant possible une prolongation du service public jusqu’au domicile. Par exemple, le portage de médicaments à domicile par les facteurs représente une solution utile pour les personnes isolées et à mobilité réduite. Comme votre rapporteure le montrera, l’implication de La Poste dans la mise en place des maisons de services au public constitue, par ailleurs, un levier de modernisation de l’action publique tout en préservant une présence de l’administration au plus près des citoyens ;

– de contribution aux objectifs de rénovation énergétique des logements : La Poste a expérimenté plusieurs opérations de sensibilisation des foyers aux économies d’énergie, de ciblage et de qualification des besoins des particuliers en matière de rénovation énergétique de leur logement ;

– de soutien à l’économie sociale et solidaire : le service de collecte du papier en vue de son recyclage (« Recy’Go ») développé par La Poste depuis trois ans permet de créer des emplois d’insertion locaux et d’alimenter la filière papetière française, tout en réduisant l’empreinte carbone de l’économie française. De même La Poste a initié des projets de recyclage de piles ;

– d’accès à la culture : le service de portage de bien culturels pour le compte de médiathèques facilite l’accès à la culture des personnes qui ne peuvent se déplacer.

LA POSTE ET LE PERMIS DE CONDUIRE

UN DISPOSITIF PRÉVU PAR LA LOI MACRON

L’article 28 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ouvre la faculté pour tout opérateur intéressé de demander à disposer d’un agrément permettant de faire passer l’épreuve théorique générale du code de la route. La Poste se prépare à solliciter cet agrément pour délivrer ce service dans une proximité territoriale au moins équivalente à celle qui existe aujourd’hui. Elle le fera en mobilisant des collaborateurs assermentés, agents du service public, en mesure de garantir le respect des principes de neutralité et d’égalité qui doivent nécessairement présider à l’exercice d’une telle mission.

Par ailleurs, des postiers pourront être mis à disposition de l’État pour concourir à la réalisation des épreuves pratiques. Le ministère de l’Intérieur a fait état de son souhait d’accueillir 50 postiers (déjà expérimenté) pour venir appuyer les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière dans les régions d’Île-de-France, de Rhône-Alpes et de Provence-Alpes Côte d’Azur. Près de 500 postiers ont manifesté leur intérêt pour s’engager dans cette nouvelle voie professionnelle. Dans le cadre d’une convention de mise à disposition, ils auront accès à une formation préalable à la prise de poste de 3 mois auprès de l’Institut national de sécurité routière et de recherches (INSERR). Après obtention de la qualification requise, ils bénéficieront d’une habilitation qui leur permettra d’exercer cette nouvelle activité dans les services de l’État au cours du 1er trimestre 2016.

Nombre de ces initiatives vont dans le bon sens. Néanmoins, elles ont tendance à désorienter les postiers et les postières, qui chaque semaine entendent leurs dirigeants proposer de nouveaux services. Bien évidemment, la mutation de La Poste est nécessaire. Mais pour autant, il ne paraît pas sage de considérer que La Poste est sauvée. En effet, ces nouveaux services sont difficilement monétisables, et ne viendront pas compenser la baisse de chiffre d’affaires générée par l’attrition du volume du courrier.

Il est donc urgent, et nécessaire, de prévoir un grand débat associant l’ensemble des parties prenantes, afin de définir ce que doit être La Poste de demain.

L’implication de La Poste dans le déploiement des maisons de services au public est une chance à saisir. Les MSAP s’inscrivent pleinement dans le cadre du plan d’amélioration de l’accessibilité des services au public, prévu par le chapitre II du titre III de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. À ce titre, La Poste est pleinement à sa place. Votre rapporteure espère néanmoins que ce processus n’entraînera pas une réduction du nombre de bureaux de poste de plein exercice, qui représentent plus que 9 800 des 17 000 points de contact de La Poste.

Suivant les propositions du rapport de M. Jean Launay sur les conditions du maintien de services publics dans les territoires et la contribution que La Poste pourrait y apporter (3), le groupe La Poste a proposé d’accueillir une maison de services au public dans 500 bureaux situés en zone de montagne ou rurale d’ici fin 2016, dont 100 d’ici fin 2015. L’engagement de La Poste fait également suite au Comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015, au cours duquel le Gouvernement a décidé que 1 000 Maisons de services au public (MSAP) seraient effectives d’ici fin 2016. Le partenariat avec La Poste, qui vise à accélérer la création des MSAP, a fait l’objet d’une communication en conseil des ministres le 24 juin 2015.

En pratique, La Poste ouvre son réseau de bureaux de poste aux opérateurs et aux collectivités publiques qui souhaitent mutualiser l’accès à leurs services, qu’il s’agisse d’opérateurs nationaux ou d’opérateurs locaux. A ce jour, Pôle emploi, les caisses d’assurance maladie, de retraite, d’allocations familiales, de mutualité sociale agricole, La Poste et GrDF se sont engagés auprès de La Poste. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, et d’autres services peuvent rejoindre les MSAP. À titre d’exemple, plus d’une vingtaine de services sont accessibles. Le partenariat avec l’État fait pleinement écho au projet de La Poste de contribuer à la modernisation de l’action publique, comme indiqué dans le plan stratégique « La Poste 2020 : conquérir l’avenir », longuement commenté par votre rapporteure l’an dernier. La démarche d’accueil des MSAP dans les bureaux de poste vient, par ailleurs, enrichir la dynamique de mutualisation portée par le contrat de présence postale territoriale 2014-2016. Dans un premier temps, les bureaux de poste éligibles à l’accueil des maisons de services au public ont été identifiés par La Poste, à partir de critères croisés entre caractéristiques postales, socio-économiques et territoriales, dans le respect d’un cahier des charges national et après consultation des commissions départementales de présence postale territoriale. L’observatoire national de la présence postale a été associé à cette démarche. Puis, les préfets ont mené un dialogue dès l’été 2015 avec La Poste afin d’identifier les bureaux de postes susceptibles d’accueillir des MSAP. À l’heure actuelle, un tiers de l’objectif est atteint. Les préfets doivent jouer un rôle d’accélérateur dans la mise en œuvre des MSAP. À l’heure actuelle, il semblerait que dans certains départements, il y ait certaines lourdeurs conduisant à un allongement des recensements.

Les services proposés au sein d’une MSAP en bureau de poste devraient comprendre l’accueil par un agent de La Poste (24 heures/semaine minimum), l’information, l’orientation, la prise de rendez-vous, l’organisation de rendez-vous à distance, l’accès à l’offre de services des opérateurs à travers les équipements connectés (ordinateur, scanner, imprimante, visioconférences), l’accompagnement des clients dans la réalisation des opérations simples (remise de documents, vérification de complétude de dossier).

L’agent du guichet bénéficiera d’un parcours de formation initiale qui s’articulera autour de la médiation et de l’accompagnement numérique. Puis, dans un second temps, cette formation sera complétée par des modules spécifiques délivrés par les opérateurs présents dans la MSAP. La professionnalisation des agents sera ainsi progressive et adaptée aux besoins locaux.

Alors qu’aujourd’hui les collectivités portent en moyenne 75 % du coût des 363 maisons existantes (4) – le reste à charge est financé par l’État –, les opérateurs nationaux partenaires participeront dorénavant au financement de ces espaces mutualisés de services à la même hauteur que l’État (soit 25 %). Dans les trois ans qui viennent, plus de 43 millions d’euros (21,5 millions de l’État et 21,5 millions des opérateurs) viendront ainsi soutenir le développement des 1 000 maisons de services. Pour l’année 2015, ce sont près de 5 millions d’euros apportés par les opérateurs au travers d’un fonds dédié qui sera géré par le Commissariat général à l’égalité des territoires. Lorsque les MSAP seront accueillies par La Poste, la moitié du financement sera apportée par le fonds postal de péréquation territoriale, soit sans aucun financement à la charge des collectivités territoriales.

Afin d’assurer la cohérence entre toutes les MSAP, le Commissariat général à l’Égalité des territoires a confié à la Caisse des dépôts et des consignations la mission d’animer un réseau national des maisons de services au public. Plusieurs actions ont d’ores et déjà été initiées pour faciliter les échanges, comme le lancement d’une enquête nationale auprès de toutes les maisons existantes et de leurs agents, l’organisation de réunions en région, avec les agents des maisons pour constituer un vrai réseau dans les six prochains mois, la conception d’une identité visuelle qui permettra à tous de les identifier, la mise en place d’un plan national de formation ouvert aux agents et animateurs des maisons de services. Par ailleurs, une plateforme collaborative permettra à tous les partenaires et aux 1 000 Maisons d’être connectés en permanence. Votre rapporteure regrette qu’il ne lui ait pas été possible de recueillir l’appréciation des associations de collectivités territoriales sur le sujet.

Votre rapporteure en est convaincue, La Poste, en raison de son maillage territorial et de la confiance que lui accordent les Français, possède les atouts pour accueillir des maisons de services au public. Par ailleurs, comme le souligne le Gouvernement, « cette initiative permet à La Poste de proposer à ses clients de nouveaux services et de développer l’attractivité de son réseau de 17 000 points de contact ». De plus, votre rapporteure entend qu’en s’associant au projet des MSAP, La Poste contribue « à la réduction de la fracture numérique par la mise à disposition d’équipements connectés, garantit un accueil et un accompagnement humain de proximité et participe au maintien des services au public dans les zones les plus fragiles ». Toutefois, votre rapporteure souhaite attirer l’attention sur le risque de voir la constitution de maisons de services au public générer de nouvelles fermetures de bureaux de poste de plein exercice. Au-delà, certaines organisations syndicales craignent de nouvelles suppressions d’emplois au sein du groupe.

Même si les bureaux ayant vocation à accueillir des MSAP sont ceux dont l’activité est la plus faible, il ne faudrait pas que l’implication de La Poste dans un projet emblématique pour le Gouvernement ne soit un prétexte justifiant l’élargissement du maillage postal.

L’une des quatre missions de service public confiée à La Poste est le transport et la distribution de la presse. Celle-ci consiste à distribuer la presse, 6 jours sur 7, sur tout le territoire, à des tarifs inférieurs à ceux pratiqués dans le cadre du service universel. Les conditions du transport et de la distribution de la presse par La Poste sont régies simultanément par les dispositions du code des postes et communications électroniques, par l’accord tripartite État-presse-La Poste (dit « accords Schwartz » signés en 2008) et par le contrat d’entreprise entre l’État et La Poste signé le 1er juillet 2013. Les accords Schwartz, qui expirent le 31 décembre 2015, prévoient notamment la trajectoire d’évolution des tarifs pour la presse aidée et l’évolution du montant de la compensation versée par l’État.

En 2014, 1,2 milliard de publications ont été transportées et distribuées par La Poste, soit environ 30 % de la diffusion totale de la presse française. Pour certains titres, le taux de postage dépasse même 75 %, voire 90 %. La distribution par La Poste est particulièrement utilisée pour la diffusion de la presse dans les zones rurales et peu denses.

L’engagement de La Poste en matière de qualité de service de la distribution de la presse se traduit en particulier par un objectif de 97 % de distribution en J + 1 pour la presse quotidienne et assimilée. Le contrat d’entreprise prévoit une indemnisation des éditeurs en cas de non-respect des objectifs contractuels de qualité de service. En 2014, les performances de la gamme presse progressent et dépassent les engagements contractuels sur la qualité de service.

Objectifs nationaux de référence

Objectifs
2009-2015

Résultats
2014

Résultats 2013

Résultats 2012

Résultats 2011

Résultats 2010

Résultats 2009

Presse quotidienne et assimilée (distribution en J/J + 1)

97 %

97,3 %

96,7 %

97,2 %

97,4 %

96,1 %

96,5 %

Autre presse urgente (distribution en J + 1)

92 %

92,6 %

90,3 %

92,7 %

92,4 %

91,6 %

93,2 %

Presse non urgente (distribution en J + 4)

95 %

96,9 %

97,6 %

99 %

98,4 %

95,2 %

97,2 %

Presse économique (distribution en J + 7)

95 %

96,7 %

95,3 %

97,9 %

96,2 %

94,5 %

98 %

Les accords Schwartz prévoient une trajectoire de hausse tarifaire différenciée en fonction des catégories de presse : presse d’information politique et générale ou « IPG », presse non-IPG et presse à faibles ressources publicitaires.

De plus, un moratoire sur l’évolution des tarifs a été instauré à la suite des États généraux de la presse écrite, organisés le 23 janvier 2009. Ce moratoire prévoyait deux dispositions : un décalage d’un an des hausses tarifaires prévues par les accords de 2008, la neutralisation de l’impact de l’inflation de l’année 2009. Le manque à gagner pour La Poste lié à ces décalages a été intégralement compensé par l’État. La fin du moratoire, décidée en 2014, a conduit à des hausses de tarifs.

Dans le même temps, la compensation versée par l’État a diminué au fil des ans, en partie justifiée par le bénéfice que La Poste retirait du CICE. Ainsi, la loi de finances initiale pour 2014 a prévu une réduction de 50 millions d’euros de la compensation de la mission presse par rapport à la trajectoire prévue dans les accords Schwartz. Celle-ci s’est élevée à 150 millions d’euros en 2014, au lieu des 200 millions d’euros prévus. La loi de finances initiale pour 2015 a également vu le montant de la compensation baisser à 130 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2016 fixe le montant de cette compensation à 119 millions d’euros.

Le Gouvernement justifie cette nouvelle baisse par la réforme à venir des modalités de mise en œuvre de la mission de transport de la presse. Pourtant, les contours de cette réforme ne sont pas encore arrêtés ! Comment, dès lors, comprendre que son financement le soit ?

Deux missions ont été lancées afin d’élaborer cette future réforme : la première, confiée à l’ARCEP, traite de la comptabilité réglementaire de La Poste appliquée au transport et à la distribution de la presse ; la seconde, confiée à M. Emmanuel Giannesini, magistrat à la Cour des comptes, porte sur la formulation de différents scénarios applicables dès 2016 sur le transport postal de la presse, les tarifs et les aides.

Votre rapporteure ne sait pas quel scénario sera finalement retenu. Toutefois, il se murmure qu’une distinction pourrait être opérée entre la presse IPG et la presse de la connaissance et du savoir d’une part, pour laquelle les tarifs demeureraient inférieurs à ceux du service universel postal, et la presse de loisir et du divertissement d’autre part, dont les tarifs rejoindraient le niveau de ceux du service universel.

Un tel scénario n’est pas sans poser quelques questions. En effet, cette nouvelle classification impliquera de trier les différents titres, ce qui devrait nécessiter au moins six mois selon les différentes estimations fournies à votre rapporteure. En conséquence, l’année 2016 devra notamment être une année de transition, au cours de laquelle les tarifs devront être les mêmes que pour l’année 2015, moyennant la prise en compte de l’inflation, ou connaître une hausse de faible ampleur s’agissant de la presse réputée de loisir et de divertissement.

Votre rapporteure accordera donc une grande attention aux choix du Gouvernement. Il lui semble avant tout essentiel de ne pas opposer l’activité courrier de La Poste aux acteurs de la presse, qui sont tous les deux confrontés à la révolution numérique, et à une baisse annuelle de 5 % de leurs flux. C’est pourquoi, afin d’assurer la sérénité des négociations entre l’État, La Poste et les éditeurs de presse, il paraît peu opportun d’inscrire dès la loi de finances une diminution de la compensation de l’État de 11 millions, qui ne repose par ailleurs sur aucune justification. Pourquoi modifier le financement d’une mission avant même que sa réforme n’ait été discutée et entérinée ? L’État, garant du pluralisme des médias, doit maintenir un engagement fort aux côtés de La Poste et des éditeurs de presse, principalement dans une période transitoire où l’équilibre économique de deux secteurs fondamentaux pour la France est en jeu. Dans tous les cas, de nouveaux accords devront être signés d’ici la fin de l’année 2015, et prévoiront probablement la mise en place effective de la réforme au début de l’année 2017. Par ailleurs, les éventuelles économies dégagées par une réduction future de la compensation de l’État devraient être utilisées pour financer le plan du Gouvernement s’agissant du soutien à la presse, et notamment la préservation des marchands de journaux, dont le nombre diminue de 1 000 par an depuis cinq ans, plutôt que de disparaître dans le budget général. Il s’agit là d’un impératif de cohérence.

C’est pourquoi votre rapporteure a déposé un amendement visant à remonter le montant de la compensation de l’État au niveau atteint l’an dernier.

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* *

Malgré les quelques réserves mentionnées sur le montant de certaines compensations, votre rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » se rattachant aux activités postales.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Lionel Tardy (Entreprises), Mme Jeanine Dubié (Commerce extérieur), Mme Corinne Erhel (Communications électroniques et économie numérique), M. Jean-Luc Laurent (Industrie) et Mme Michèle Bonneton (Postes), les crédits de la mission « Économie » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 29 octobre 2015, sur le site internet de l’Assemblée nationale (5).

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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Économie ».

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La commission examine les amendements II-CE 19 et II-CE 20.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je demande à Mme Michèle Bonneton de bien vouloir présenter ses amendements.

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis. Le premier amendement II-CE 19 propose une augmentation du budget de l’ARCEP, à hauteur d’un million d’euros, afin de permettre au régulateur des télécommunications et des postes de renforcer son département « études et prospectives ». Depuis plusieurs années, le budget de l’ARCEP ne cesse en effet d’être réduit, alors que ses missions augmentent, ce qui a été à nouveau dit aujourd’hui. À titre d’exemple, l’ARCEP est chargée de piloter le processus de libération de la bande 700 MHz, de contrôler le processus de déploiement du très haut débit fixe et de suivre l’évolution de la couverture des zones blanches. La loi dite « Macron » pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a confié de nouvelles missions au régulateur, et son budget continue de se dégrader.

Cette année, son plafond d’emplois est stabilisé, et c’est une bonne nouvelle. Toutefois, l’ARCEP a été contrainte ces dernières années de sacrifier certaines de ses activités pour remplir les missions qui lui sont confiées avec un budget en diminution. Parmi ces activités sacrifiées figurent particulièrement les études et la prospective. En matière postale par exemple, la dernière étude du régulateur date d’il y a plus de cinq ans. Ceci est anormal alors que les enjeux sont colossaux et que ce secteur postal évolue très rapidement, avec la baisse du courrier, l’augmentation des colis et les nouvelles missions. La concurrence avec Amazon devient ainsi cruciale : c’est le premier client et premier concurrent de La Poste. Cette problématique nécessiterait une étude à elle seule. En matière de télécommunications, on pourrait légitimement penser que le régulateur devrait s’intéresser davantage à la question des objets connectés. Là aussi, une étude serait nécessaire.

De plus, on reproche souvent aux parlementaires, au cours des débats sur des projets de loi, de solliciter par amendement la réalisation d’un rapport qui viendrait encore surcharger certaines autorités de l’État tels que l’ARCEP. Le présent amendement vise donc à remédier à cette situation, en donnant les moyens au régulateur de renforcer ses compétences et sa capacité d’anticipation par la réalisation d’études prospectives.

Quant à l’amendement II-CE 20, il s’agit de la compensation de l’État pour la mission de transport de la presse, évoquée précédemment dans mon intervention relative au rapport sur les postes. Cet amendement a pour objet de rehausser à 130 millions d’euros, contre 119 millions en PLF, le montant de la compensation versée par l’État à La Poste au titre de la mission de transport et d’acheminement de la presse.

Pour rappel, le montant de cette compensation a fortement chuté au cours des dernières années. Il était de 217 millions d’euros en 2013, contre 250 millions d’euros en 2012. Ceci correspond à l’engagement de l’État dans sa mission de préservation du pluralisme des médias. Ces deux dernières années, le Gouvernement justifiait la baisse du montant de la compensation par le bénéfice que tirait La Poste du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Je comprends cette justification. Toutefois, pour cette année, la situation est tout autre. Le Gouvernement met en avant la réforme à venir des modalités d’exercice de la mission de transport et d’acheminement de la presse confiée à La Poste pour justifier cette baisse de 11 millions d’euros. Lui retirer cette mission contribuerait à la baisse du volume de la sacoche du facteur, dans un contexte où la presse connaît elle-même de grandes difficultés.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous allons passer au vote des amendements. Je rappelle que le ministre, dans son expression en réponse à Mme Bonneton, a donné sa position.

L’amendement II-CE 19 n’est pas accepté.

L’amendement II-CE 20 n’est pas accepté.

Conformément aux avis favorables de Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis sur les crédits du Commerce extérieur, Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis sur les crédits Communications électroniques et économie numérique, M. Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis sur les crédits de l’Industrie, Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis sur les crédits des Postes et contrairement à l’avis défavorable de M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis sur les crédits des Entreprises, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».

La commission examine ensuite les amendements II-CE 24 et II-CE 25.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je demande à M. Jean-Luc Laurent de bien vouloir présenter ses amendements à l’article 53.

M. Jean-Luc Laurent, rapporteur pour avis. Ces amendements ont déjà été largement présentés et débattus précédemment. Ils concernent les centres techniques industriels (CTI) et les comités professionnels de développement économique (CPDE), visent à clarifier les dispositifs et s’inscrivent dans les propositions également faites par M. Jean-Louis Gagnaire dans son rapport.

Les amendements II-CE 24 et II-CE 25 sont acceptés.

La Commission, conformément à l’avis favorable de M. Jean-Luc Laurent, donne un avis favorable à l’adoption de l’article 53, ainsi modifié.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

M. Benoît Loutrel, directeur général

M. François Lions, directeur général adjoint

Mme Françoise Benhamou, membre du collège

Cabinet de M. le Ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique

M. Julien Mendez, Conseiller Participations publiques

M. Dominique Bresson (DGE), chef du bureau des activités postales, direction générale des entreprises, MINEFI

GROUPE LA POSTE *

M. Jacques Savatier, directeur général adjoint chargé du développement territorial et des instances de gouvernance

M. Nicolas Routier, directeur général adjoint chargé de la stratégie institutionnelle et de la régulation

Cabinet de Mme la Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

M. Noam Léandri, conseiller budgétaire

M. Nicolas Delaunay, conseiller égalité des territoires et Grand Paris

M. Gaspard Landel, chargé de mission territoires et Grand Paris

Cabinet de la ministre de la Culture et de la Communication

M. Jérôme Bouvier, conseiller chargé des métiers de la presse et de l’information, de l’éducation aux médias et de la diversité

Mme Marion Oechsli, conseillère en charge du budget et de la modernisation

M. Nicolas Vignolles, conseiller parlementaire

TABLE RONDE AVEC LES ORGANISATION SYNDICALES /

Fédération SUD PTT

M. Nicolas Galepides, secrétaire fédéral

M. Pascal Panozzo, secrétaire fédéral

M. Stéphane Charnacé, secrétaire fédéral

Fédération FO Communication

M. Philippe Charry, secrétaire général

M. Michel Pesnl, administrateur FO au Conseil d’administration de La Poste

M. Norbert Deme, responsable du secteur Poste

CGT-FAPT

M. Michel Lersy, administrateur La Poste CGT-FAPT

M. Michel Gérard, responsable CGT activités La Poste

M. Patrick Lasserre, secrétaire fédéral CGT-FAPT

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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