N° 4648
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2017.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. René DOSIÈRE,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La République française s’est édifiée sur un socle de valeurs et de pratiques issues de la Révolution et qu’exprime parfaitement la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Or, notre République est fragilisée, voire menacée, par la défiance accrue entre les citoyens et leurs représentants, locaux et nationaux, qui s’exprime par la montée de l’abstention lors des élections et par l’importance des votes en faveur des extrêmes.
Comme le constatait déjà, en 2012, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par l’ancien Premier ministre M. Lionel Jospin, « les citoyens attendent de leurs responsables publics qu’ils se consacrent pleinement à leur mission […]. Ils exigent en outre qu’ils ne bénéficient d’aucune protection indue […]. Ils veulent enfin qu’ils soient désintéressés et impartiaux et que l’intérêt général soit leur seul guide. »
L’importance accordée durant la dernière campagne présidentielle aux dérives financières de deux des principaux candidats témoigne de la sensibilité extrême de l’opinion publique vis-à-vis du rôle de l’argent public dans la vie politique.
Sous cet aspect, la France s’est dotée d’une législation qui n’a cessé d’être complétée et améliorée au gré des événements et des évolutions de la société et de la technologie. De ce point de vue, des progrès significatifs ont été réalisés durant le quinquennat du président François Hollande, conformément à la volonté du chef de l’État de bâtir une République exemplaire.
Rappelons, pour mémoire, la mise en place d’une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), chargée de prévenir et de vérifier tout enrichissement indu pendant l’exercice des fonctions publiques ; l’institution d’un Procureur de la République financier spécialisé dans l’instruction des dossiers de corruption et de fraude fiscale, qui s’est auto-saisi durant la dernière campagne présidentielle ; la création d’une Agence française anticorruption, aux compétences accrues par rapport à l’ancien service central de lutte contre la corruption, dont la mission consiste à « prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme » ; l’institution d’un registre des groupes d’intérêts (lobbies) qui encadre et rend transparentes leurs interventions ; l’approfondissement des règles de déontologie concernant les agents publics ; la reconnaissance des lanceurs d’alerte et des associations citoyennes de lutte contre la corruption.
N’oublions pas, enfin, cette réforme fondamentale consistant à mettre un terme au cumul des fonctions parlementaires avec des fonctions exécutives locales, qui entrera en vigueur dans quelques semaines et qui ne manquera pas de modifier très sensiblement le rôle et le comportement des responsables politiques.
Le prochain Parlement sera, dans notre histoire politique récente, le premier Parlement du non-cumul, ce qui ne sera pas sans conséquence sur son fonctionnement, en particulier pour les collaborateurs parlementaires.
Enfin, de nombreuses dispositions, plus ponctuelles, ont été adoptées pour mettre un terme à des pratiques et à des traditions désuètes ou inappropriées : suppression de l’écrêtement des indemnités électives ; fiscalisation totale des indemnités présidentielles, ministérielles, parlementaires et locales ; transparence sur le budget de l’Assemblée nationale désormais mis en ligne ; transparence accrue, également, dans le financement public de la vie politique, etc.
Tous ces progrès ont d’ailleurs été salués par la section française de l’ONG Transparency International.
Pour autant, on ne peut se satisfaire de la situation actuelle.
Les progrès réalisés ne sont ni perçus, ni compris par la majorité des citoyens car ils sont disséminés dans divers textes, ce qui limite leur visibilité.
En outre, il apparaît que certains domaines n’ont pas été approfondis, malgré les alertes et les recommandations. Ainsi en est-il du financement public des partis politiques qui permet encore de nombreuses dérives, liées au fait qu’il n’existe aucun contrôle sur l’utilisation de l’argent public qui correspond, aujourd’hui, à 50 % des ressources totales des partis.
Dans ces conditions, tout manquement individuel renforce la défiance des citoyens envers les élus, alors même que ce sont la transparence accrue et l’indépendance – nouvelle – des magistrats qui ont permis de le mettre en évidence.
Pour que les citoyens retrouvent confiance dans leurs élus, il importe donc de créer un « choc » politique.
L’annonce, par le nouveau Président de la République, d’une grande loi de « moralisation de la vie politique » représente l’opportunité de rétablir, sur des bases nouvelles, une relation de confiance entre les élus et les citoyens. Tel est aussi l’objet des quatre textes déposés aujourd’hui – trois propositions de loi dont une constitutionnelle, une proposition de résolution –, qui s’analysent comme une contribution parlementaire à la mise en œuvre de cet engagement présidentiel.
Les propositions qui sont faites peuvent être regroupées en douze rubriques.
1 – Mieux encadrer le financement public de la vie politique
Faute d’une définition du parti politique, la jurisprudence du Conseil d’État conduit à une tautologie : tout groupement soumis à la loi sur le financement des partis politiques est un parti politique ! C’est ainsi que s’explique l’explosion du nombre des partis politiques (451 en 2016 contre 20 en 1990 et 250 en 2000).
La proposition de loi ordinaire conditionne le financement public aux partis et groupements satisfaisant à trois conditions : avoir un objet politique, rassembler des militants et soutenir des candidats aux élections locales et nationales. Ainsi sera évitée la multiplication des « micro-partis ».
Pour éviter la création de pseudo-partis à l’occasion des élections législatives, il conviendra désormais de présenter en métropole 100 candidats ayant obtenu chacun 2,5 % des suffrages exprimés et dans les outre-mer des candidats dans l’ensemble des circonscriptions de la collectivité ayant obtenu chacun 2,5 % des suffrages exprimés.
Pour éviter le détournement en matière de financement, la proposition de loi interdit aux partis politiques de consentir aux candidats des prêts et des prestations de services à des conditions inférieures au marché. Mais les dons et subventions demeurent licites.
De même, tout prêt d’une personne physique ou morale (à l’exception des établissements de crédit) aux partis politiques est désormais interdit. Cette disposition empêchera de contourner la législation sur le plafonnement des dons.
Enfin, la liste des personnes physiques dont les dons sont supérieurs à 2 500 euros sera rendue publique.
Les compétences de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont accrues. Elle s’assurera que les comptes des partis comprennent également tous ceux de leurs instances locales. Elle rendra publique l’intégralité de ces comptes selon une nomenclature définie par décret. La certification (et non le contrôle) des comptes des partis politiques dont les ressources dépassent 1 million d’euros sera assurée par la Cour des comptes.
Enfin, tout refus de répondre à une demande d’informations de la Commission nationale sera sanctionné d’une peine d’emprisonnement d’un an et de 15 000 euros d’amende (75 000 euros quand il s’agit d’une personne morale).
2 – Obligation d’un casier judiciaire vierge pour être candidat et d’un quitus fiscal pour être élu
Les propositions de loi organique et ordinaire reprennent les dispositions qui figuraient dans les textes déposés par les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain et votés le 1er février 2017 à l’unanimité par l’Assemblée nationale, sans que le processus législatif puisse aller à son terme.
Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire mentionne certaines condamnations ne pourront être candidates à une élection nationale ou locale. Ces infractions sont les suivantes : crime, manquement à la probité (concussion, corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt, favoritisme, détournement de biens publics) et recel ou blanchiment du produit de ces délits, faux en écriture publique, fraude électorale et fraude fiscale.
En outre, les personnes élues (parlementaires et titulaires de fonctions exécutives locales) qui ne pourront produire un bordereau de situation fiscale indiquant qu’ils ont satisfait à leurs obligations, dans le mois qui suit leur élection, seront déclarées démissionnaires d’office.
3 – Limitation du cumul des mandats dans le temps
La durée parfois excessive dans l’exercice des mandats constitue un obstacle au renouvellement et à la diversité du personnel politique. Elle entraîne la constitution de « fiefs » locaux qui favorisent les pratiques clientélistes. Il est donc proposé de limiter à trois le nombre des mandats parlementaires successifs, soit une durée suffisamment longue pour que les intéressés exercent leurs fonctions tant dans la majorité que dans l’opposition.
Concernant les élus locaux, la proposition limite à deux le nombre de fonctions exécutives exercées successivement dans une même collectivité.
4 – Moralisation du cumul des indemnités
Aujourd’hui, les indemnités cumulées d’un élu sont plafonnées à 1,5 fois l’indemnité parlementaire de base, soit 8 400 euros. Il est proposé d’abaisser ce plafond au niveau de l’indemnité parlementaire, soit 5 600 euros. Il en résulte que les parlementaires qui continueraient à siéger dans les conseils départementaux ou régionaux ne percevront aucune indemnité locale. De même, lorsqu’ils siégeront dans des conseils d’administration et de surveillance d’établissement autorisés, ils ne recevront aucune rémunération.
5 – Encadrement des fonctions de conseil pour un parlementaire
Aujourd’hui, un parlementaire peut continuer à exercer des activités de conseil, à condition que celles-ci aient débuté avant l’élection. Il est proposé que ce ne soit plus possible sauf si ces activités étaient exercées dans le cadre d’une profession soumise à un statut réglementé.
6 – Suppression de la réserve parlementaire
La pratique consistant pour les parlementaires à attribuer à des associations et à des collectivités des subventions prélevées sur les budgets ministériels, plus connue sous le nom de « réserve parlementaire », est supprimée.
7 – Président de la République
La proposition de loi organique impose aux candidats à la présidence de la République de fournir une déclaration d’intérêts et d’activités les concernant ainsi que leur conjoint. La déclaration de situation patrimoniale, déjà prévue, est étendue au conjoint.
Concernant le Président élu, la déclaration de situation patrimoniale qu’il doit fournir à la fin de son mandat (ou du deuxième en cas de réélection) fera l’objet d’une appréciation par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Actuellement cette déclaration, publiée au Journal officiel, ne fait l’objet d’aucune appréciation.
8 – Anciens Présidents de la République
La proposition de loi constitutionnelle met fin à la présence de droit (et à vie) des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel, dont la justification est de plus en plus contestée compte tenu du rôle qu’exerce désormais le Conseil, notamment à travers les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Par suite, il est proposé de fixer leur rémunération d’ancien Président à 75 % de celle du Président en exercice, la dotation d’ancien Président datant de 1955 étant supprimée. Il en résulte une baisse de rémunération de 40 % par rapport à la situation actuelle.
9 – Interdiction des emplois familiaux
Afin de respecter l’indépendance des assemblées parlementaires, la proposition de loi leur laisse le soin de définir les conditions de recrutement, de rémunération et d’exercice des fonctions de collaborateurs parlementaires par le biais d’une négociation sociale. Il est cependant prévu d’interdire tout emploi familial lié à l’un des membres de l’assemblée concernée.
La même interdiction de recrutement familial est étendue aux cabinets et groupes politiques des collectivités territoriales.
10 – Des ministres à temps plein
Si le Président de la République François Hollande a imposé à ses ministres le non-cumul avec une fonction exécutive locale (mais pas à un mandat local), cette interdiction ne reposait sur aucune base légale, la Constitution prévoyant seulement l’interdiction de cumul avec un mandat parlementaire. La proposition de loi constitutionnelle étend cette interdiction à tout mandat « électoral ».
11 – Renforcement de la déontologie à l’Assemblée nationale
Dans le respect de l’indépendance de l’Assemblée nationale, il est proposé d’inscrire dans le Règlement de l’Assemblée nationale que les fonctions de déontologue sont exercées à plein-temps.
De même les pouvoirs du déontologue seraient renforcés, notamment en matière de contrôle de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) et des indemnités de fonction complémentaires attribuées à certaines autorités de l’Assemblée nationale. Ainsi, le déontologue pourrait consulter le compte bancaire dédié à l’usage de l’IRFM sans que le secret bancaire puisse lui être opposé. S’il constate une utilisation inadaptée, le montant des sommes dépensées serait retenu sur la prochaine indemnité du parlementaire fautif par décision du Bureau, après audition de l’intéressé. Ainsi, dans le respect de l’indépendance de l’Assemblée nationale, serait garantie une utilisation de l’IRFM conforme à son objet. Par ailleurs, les dons et cadeaux supérieurs à 150 euros ainsi que les voyages à l’initiative de tiers, qui sont aujourd’hui signalés au déontologue, seraient rendus publics.
12 – Responsabilité financière des gestionnaires publics
La proposition de loi reprend les dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières, adopté en septembre 2010 par la commission des Lois de l’Assemblée nationale mais qui est resté inabouti.
Ces dispositions rendent passibles de la Cour des comptes les membres du gouvernement et les titulaires de fonctions exécutives locales ainsi que les membres de leurs cabinets qui bénéficient aujourd’hui d’un régime d’irresponsabilité (contrairement aux comptables). De ce fait, la cour de discipline budgétaire et financière serait supprimée. Il s’agit, en cas d’engagement d’une dépense en dehors des règles applicables, de prévoir une amende financière dont le montant maximal pourrait atteindre, selon la gravité de l’infraction, entre la moitié et la totalité de la rémunération annuelle allouée à l’intéressé.
La réforme proposée se décline en quatre volets : la présente proposition de loi constitutionnelle, dont les dispositions sont exposées ci-après, une proposition de loi ordinaire, une proposition de loi organique et une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale.
L’article premier de la proposition de loi constitutionnelle affirme le caractère exclusif des fonctions ministérielles en mettant fin à la possibilité de les cumuler avec un mandat local.
L’article 2 supprime les dispositions relatives à la présence des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel en tant que membres de droit. Si elle pouvait se justifier en 1958, cette disposition est désormais considérée comme un anachronisme, au surplus incompatible avec le caractère de plus en plus juridictionnel du Conseil constitutionnel. Dès lors, il convient d’y mettre un terme et de moderniser, par ailleurs, le statut des anciens chefs de l’État.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Au premier alinéa de l’article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électoral ».
Le deuxième alinéa de l’article 56 de la Constitution est supprimé.
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