N° 337 - Rapport d'information de M. Thomas Thévenoud déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire relatif aux conséquences de la baisse du taux de TVA dans la restauration




N° 337

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE relatif aux conséquences de la baisse du taux de TVA dans la restauration

ET PRÉSENTÉ

PAR M. THOMAS THÉVENOUD,

Député

——

INTRODUCTION 5

I.– LA TVA DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION : UNE OCCASION MALHEUREUSEMENT MANQUÉE D’ORIENTER LE CONSOMMATEUR VERS LA QUALITÉ 7

A.– LE TAUX RÉDUIT DE TVA : UNE VIEILLE REVENDICATION PERMETTANT D’EFFACER LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE 7

1.– L’harmonisation des taux : une vieille revendication des restaurateurs 7

2.– Le passage du taux de TVA dans la restauration à 7 % : dissociation de l’alimentation et du service 7

B.– UNE PARTIE DU COÛT DE LA MESURE ACCAPARÉE PAR LE COMPORTEMENT DE MARGE NOTAMMENT DES GRAND GROUPES 8

II.– ÉVALUATION DES ENGAGEMENTS DU CONTRAT D’AVENIR AU REGARD DU MONTANT DE LA DÉPENSE FISCALE : UNE SUBVENTION OCTROYÉE SANS CONTRÔLE 9

A.– UNE BAISSE DE TAUX DE TVA NON RÉPERCUTÉE SUR LES PRIX : UNE SUBVENTION DÉGUISÉE 9

1.– Un « péché originel » : une baisse de taux de TVA ne concernant que marginalement les prix 9

2.– Une baisse de prix limitée 9

a) L’enquête de l’association UFC Que choisir de janvier 2010 : des baisses de prix inégalement pratiquées 9

b) L’étude de l’INSEE : une baisse globale située entre 2,2 % et 2,5 % 10

3.– La baisse du taux de TVA : une subvention déguisée 11

a) La baisse du taux de TVA et son utilisation dans une période de crise a tiré l’ensemble du secteur vers le bas 11

b) La création d’emploi et l’investissement ont été directement subventionnés par l’État 12

B.– LA MODERNISATION D’UN SECTEUR NON SOUMIS À LA CONCURRENCE INTERNATIONALE SUPPORTÉE PAR LA COLLECTIVITÉ 12

1.– L’aide à l’investissement dans un secteur non soumis à la concurrence internationale : une hérésie économique 12

2.– Des mesures de modernisation marginales et non évaluées 13

a) La mise en place du fonds de modernisation de la restauration (FMR) : un outil non utilisé 13

b) L’augmentation du nombre de maîtres restaurateurs : un résultat en deçà des engagements 14

C.– UN VOLET EMPLOI ET CONDITIONS DE TRAVAIL AU BILAN MITIGÉ 14

1.– Des avancées sociales non négligeables mais soumises au maintien du taux réduit de TVA 14

a) la baisse du taux de TVA et la mise en œuvre du contrat d’avenir ont permis la relance d’un dialogue social en panne 14

b) 817 millions d’euros ont été reversés aux salariés au titre de la revalorisation de la grille salariale et de la prime TVA  14

2.– Le reliquat – soit un peu plus d’un milliard d’euros par an – a directement subventionné une création d’emploi trois fois moins importante que prévue et a permis des reconstitutions de marge 15

3.– La lutte contre le travail illégal : un engagement non vérifié 17

III.– REDRESSER LES COMPTES PUBLICS ET CRÉER LES CONDITIONS DE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DU SECTEUR DE LA RESTAURATION 17

A.– AUGMENTER LE TAUX DE TVA : UNE NÉCESSITÉ AU VU DES ENGAGEMENTS PARTIELLEMENT TENUS DU CONTRAT D’AVENIR ET DE L’OBLIGATION DE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS 17

1.– Maintien du taux de TVA réduit : un choix non soutenable pour les finances publiques 17

2.– Les normes communautaires interdisent la création d’un troisième taux réduit 18

3.– Deux hypothèses de travail : restaurer un taux de TVA normal ou augmenter le taux de TVA réduit. 19

a) Restaurer un taux de TVA normal 19

b) Augmenter le taux de TVA réduit 20

B.– ACCOMPAGNER L’AUGMENTATION DE LA TVA PAR LA CRÉATION D’UN « PLAN QUALITÉ RESTAURATION » 22

1.– La qualité de l’accueil 22

a) La qualité de l’accueil passe par des bâtiments rénovés 22

b) La qualité de l’accueil passe par des personnels mieux formés et mieux rémunérés 23

2.– La qualité de l’assiette 23

C.– ASSURER LE SUIVI DES EFFETS 24

EXAMEN EN COMMISSION 25

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 39

ANNEXE 2 : CONTRAT D’AVENIR DU 28 MARS 2009 ET AVENANT AU CONTRAT D’AVENIR DU 28 AVRIL 2001 45

INTRODUCTION

La directive 2006/112/CE dite directive TVA rassemble les dispositions communautaires en matière de TVA depuis le 1er janvier 2007. Elle prévoit que les États membres peuvent être autorisés par le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, à appliquer un taux réduit aux services à forte intensité de mains d’œuvre.

Promise par M. Jacques Chirac lors de la campagne électorale précédant l’élection présidentielle de 2002, la baisse du taux de TVA dans la restauration n’a pas pu être mise en œuvre faute d’accord au sein du Conseil de l’Union européenne.

Son successeur, M. Nicolas Sarkozy, s’est engagé à tenir cette promesse de campagne et a réussi à obtenir l’accord de ses collègues européens, lors du Conseil Écofin du 10 mars 2009, en présentant cette mesure comme un élément supplémentaire de la politique de relance.

Par conséquent, depuis le 1er juillet 2009, le taux de la TVA sur la restauration est passé à 5,5 % en métropole et à 2,1 % dans les départements d'outre-mer. Depuis 2011, le taux de la TVA a été augmenté en métropole à 7 %.

Une fois le principe de la baisse arrêté, des négociations avec les organisations professionnelles ont été conduites directement par le cabinet du Ministre chargé du commerce et de l’artisanat. Négociation étant d’ailleurs un terme impropre puisque la baisse du taux de TVA était actée dans son principe et dans ses modalités avant la moindre rencontre avec les professionnels. 14 cycles de « négociations » ont tout de même été menés en un temps record pour aboutir à la signature du contrat d’avenir (1) le 28 mars 2009 dans lequel le secteur de la restauration s’est engagé sur trois volets :

– les prix : répercuter intégralement la baisse de la TVA sur au moins 7 produits d’une liste de 10 produits (hors boissons alcoolisées – et, en cas de carte restreinte, sur une liste de produits représentant 30 % de leur chiffre d’affaires) permettant au consommateur de bénéficier d’un repas complet en profitant d’une baisse de 11,8 % ;

– l’emploi et les salaires : le contrat d’avenir prévoyait la création de 40 000 emplois supplémentaires sur 2 ans par rapport à la tendance naturelle, estimée alors à 15 000 emplois par an, pour les années 2010 et 2011 et à améliorer les conditions de travail des salariés et revaloriser leur salaire ;

– l’investissement : 1 milliard d’euros par an devait être consacré aux investissements de rénovation, de développement et de création.

Un avenant au contrat d’avenir signé en juillet 2011 a prorogé les engagements en terme de prix, de création d’emploi et d’investissement pour quatre années supplémentaires jusqu’en 2015.

Or, l’abandon de recettes pour l’État est important. Le coût brut de cette dépense fiscale a atteint 3,3 milliards d’euros en 2010 et 2011, 3 milliards d’euros à la suite du passage du taux de TVA à 7 % en 2012, et enfin 3,08 milliards d’euros en 2013. Montant duquel il faut déduire une économie de 0,6 milliard résultant de la suppression des aides directes sous forme d’allègements de charges qui avaient été mises en place en 2004.

Le coût net moyen pour les finances publiques est en conséquence de l’ordre de 2,6 milliards d’euros.

*

Au regard de l’importance de cette dépense fiscale – la cinquième plus importante en montant, le présent rapport a pour objet d’évaluer dans quelle mesure les engagements du contrat d’avenir ont été respectés et à quel coût pour les finances publiques. En effet, le Président de la République, M. François Hollande, s’est engagé à faire précéder toute modification de la fiscalité d’une évaluation approfondie du dispositif.

La multiplicité des objectifs assignés à cette baisse de TVA complique l’analyse. En effet, à celui de l’emploi, sont venus s’ajouter des objectifs complémentaires comme la modernisation du secteur, des revalorisations salariales ou la lutte contre le travail illégal.

Par ailleurs, la multiplicité des acteurs – restauration traditionnelle, restauration rapide, restauration à thèmes, représentants des boulangers, parcs à thèmes – aux intérêts souvent divergents et l’hétérogénéité du secteur compliquent encore un peu plus l’évaluation de ce dispositif.

Le comité de suivi du contrat d’avenir a d’ailleurs été peu réuni. Néanmoins, sous l’impulsion de la ministre de l’Artisanat, du commerce et du tourisme, Mme Sylvia Pinel, a enfin été engagé un travail d’évaluation.

Le présent rapport souhaite tout de même présenter des éléments quantitatifs et d’analyse afin d’éclairer la Représentation nationale en vue d’une prise de décision.

I.– LA TVA DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION : UNE OCCASION MALHEUREUSEMENT MANQUÉE D’ORIENTER LE CONSOMMATEUR VERS LA QUALITÉ

A.– LE TAUX RÉDUIT DE TVA : UNE VIEILLE REVENDICATION PERMETTANT D’EFFACER LES DISTORSIONS DE CONCURRENCE

1.– L’harmonisation des taux : une vieille revendication des restaurateurs

L’application du taux réduit de TVA aux ventes à consommer sur place a été historiquement (1995) une revendication portée principalement par les représentants de la restauration traditionnelle afin de bénéficier de taux harmonisés avec la restauration dite « à emporter » concernant essentiellement la restauration rapide qui bénéficiait d’un taux de TVA réduit.

En effet, si le taux de TVA réduit est ciblé sur un secteur – ici la vente à emporter –, des mécanismes de substitution entre les différents services s’enclenchent avec une déformation du panier de consommation au profit des biens et services concernés par un plus faible taux de TVA. Le secteur non concerné par le taux réduit de TVA adapte alors son offre par une politique de modération salariale et par une descente en gamme concernant la qualité afin de demeurer compétitif vis-à-vis de la branche du secteur bénéficiant du taux de TVA réduit.

Le Gouvernement dirigé par M. Lionel Jospin entre 1997 et 2002 a constamment repoussé cette revendication tandis que le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin (2002-2005) a privilégié les allégements de charges avec la création d’un dispositif spécifique pour la restauration, en 2004.

Enfin, l’application du taux réduit de TVA à tout le secteur de la restauration a été mise en œuvre le 1er juillet 2009.

La baisse du taux de TVA dans la restauration a eu le mérite d’harmoniser les taux de TVA pour l’ensemble du secteur en gommant l’avantage comparatif dont bénéficiait la restauration rapide afin de permettre une concurrence plus saine entre établissements.

2.– Le passage du taux de TVA dans la restauration à 7 % : dissociation de l’alimentation et du service

L’article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a créé un second taux de TVA à 7 % à la suite de l’annonce du second plan dit Fillon de réduction des déficits publics. Aucune distinction n’a été faite entre restauration sur place et restauration à emporter.

En revanche, les produits alimentaires ont continué à bénéficier d’un taux de TVA à 5,5 %. Il a donc été établi une distinction entre la vente d’un produit alimentaire brut continuant à être assujetti à un taux de TVA à 5,5 % et la vente d’un produit alimentaire accompagné d’un service (mise à disposition d’une table, d’une chaise ou de couverts…).

L’administration fiscale a dû rédiger une instruction fiscale d’une complexité rare (2) afin de déterminer le taux de TVA applicable. La mise en œuvre de cette instruction serait rendue plus complexe encore en cas de relèvement du taux de TVA et pourrait donner lieu à de nombreux contentieux.

B.– UNE PARTIE DU COÛT DE LA MESURE ACCAPARÉE PAR LE COMPORTEMENT DE MARGE NOTAMMENT DES GRAND GROUPES

L’harmonisation du taux de TVA aurait dû permettre une concurrence plus juste et un accent mis sur la compétitivité – qualité.

Or, en cas de concurrence imparfaite, une partie plus ou moins importante de la baisse de TVA est captée par les comportements de marge des entreprises du secteur limitant ainsi les effets de la mesure. Ce qui est typiquement le cas du secteur de la restauration.

En effet, ce secteur est par essence très divers allant de la restauration gastronomique à la restauration ouvrière, de la restauration rapide aux produits de boulangerie, de la restauration thématique à la restauration proposée par la grande distribution. La concurrence n’est donc pas principalement une question de prix mais également de qualité et de positionnement sur un segment de marché.

De plus, le mark-up (3) qui mesure la tarification par rapport au coût marginal de production était de 1,37 (4) dans la restauration avant la crise contre 1,04 dans le secteur de la construction et 1,26 pour l’ensemble de l’économie. Ce chiffre montre bien que le secteur n’est pas excessivement concurrentiel sinon les marges seraient beaucoup plus faibles.

La baisse du taux de TVA aurait dû permettre d’engager le secteur vers une montée en gamme. Malheureusement, en ne mettant pas plus vigoureusement l’accent sur la baisse des prix et sur l’amélioration de la qualité des produits et d’accueil du client, la mesure a grandement manqué son effet.

L’analyse qui suit tend à le démontrer.

II.– ÉVALUATION DES ENGAGEMENTS DU CONTRAT D’AVENIR AU REGARD DU MONTANT DE LA DÉPENSE FISCALE : UNE SUBVENTION OCTROYÉE SANS CONTRÔLE

A.– UNE BAISSE DE TAUX DE TVA NON RÉPERCUTÉE SUR LES PRIX : UNE SUBVENTION DÉGUISÉE

1.– Un « péché originel » : une baisse de taux de TVA ne concernant que marginalement les prix

La TVA étant un impôt indirect sur la consommation, une baisse de taux aurait dû être intégralement répercutée sur les prix. En effet, les baisses ciblées de TVA permettent de stimuler l’emploi principalement par le canal de la demande en induisant classiquement une baisse de prix donc une augmentation de la fréquentation et du chiffre d’affaire et in fine des créations d’emplois.

Une partie du secteur n’étant pas concernée – principalement les boissons alcoolisées – la baisse théorique attendue aurait dû être de 9,7 % (5).

Or le « péché originel » de la baisse de TVA dans la restauration a été de ne pas avoir été affectée plus massivement à une baisse des prix. Le volet prix n’a été introduit dans le contrat d’avenir qu’à la fin des négociations.

De plus, les engagements du contrat d’avenir en termes de prix étaient si compliqués qu’il a été très difficile d’en mesurer la réalité.

2.– Une baisse de prix limitée

Les professionnels se sont engagés sur une baisse des prix d’au moins 7 produits pouvant constituer la base d’un repas complet pour la restauration traditionnelle, une répercussion intégrale de la baisse de TVA sur le prix du café, du thé et d’une boisson fraîche, une baisse de 5 % des menus phares dans la restauration rapide.

a) L’enquête de l’association UFC Que choisir de janvier 2010 : des baisses de prix inégalement pratiquées

Une étude de l’association UFC Que choisir fondée sur des relevés de prix entre juin 2009 – soit avant la baisse du taux de TVA – et janvier 2010 – soit 6 mois après – sur 1 544 restaurants de toute gamme situés dans 62 départements montre que seulement un restaurateur sur quatre a effectivement baissé ses prix dans les proportions définies par le contrat d’avenir. Pour plus de la moitié des restaurateurs, les prix n’ont pas évolué alors qu’un peu plus d’un restaurateur sur dix a augmenté ses prix probablement suite aux investissements réalisés.

En définitive, il est tout à fait logique qu’un secteur aussi atomisé n’ait pas répercuté uniformément une mesure unique prise au niveau national.

b) L’étude de l’INSEE : une baisse globale située entre 2,2 % et 2,5 %

La baisse des prix telle que l’a mesuré l’INSEE a été de – 1,2 % en juillet 2009, – 0,2 % en août 2009 puis – 0,05 % en septembre 2009. Depuis cette date, les prix dans la restauration ont recommencé à croître sans toutefois retrouver leur évolution moyenne de + 0,2 % avant le mois mars 2011.

On peut également constater une forte augmentation de 0,75 % en janvier 2012 liée au passage du taux de TVA à 7 %. Si l’élasticité – prix à une variation à la baisse du taux de TVA est très incomplète, elle est de près de 75 % lors d’une hausse de taux (6).

Source : Insee

Le graphique suivant permet de comparer l’évolution des prix dans le secteur restauration avec celle de l’ensemble des services (indice base 100 en juin 2009, juste avant la mise en place de la mesure de baisse de TVA). En juin 2010, l’écart entre les deux indices est de 2,2 % alors que les deux indices étaient comparables avant la baisse de taux de TVA.

On constate tout de même que depuis janvier 2012, l’indice des prix dans le secteur de la restauration se rattrape celui de l’ensemble des services. Cette hausse représente la répercussion sur les prix finaux de la flambée des prix des céréales, de la viande et de l’énergie mais aussi le passage du taux de TVA de 5,5 % à 7 %.

Source : INSEE

En définitive, l’impact de la baisse de TVA sur les prix dans le secteur de la restauration serait de l’ordre de 2,2 – 2,5 %. La répercussion se situerait donc entre 23 % et 26 % de la baisse théorique au lieu de 33 % de la baisse devant être affectée à la baisse de prix.

Les montants directement restitués aux consommateurs qui auraient dû être de 860 millions d’euros par an, ont été en moyenne de 590 millions par an jusqu’en décembre 2011 et plutôt de l’ordre de 400 millions depuis le 1er janvier 2012, soit un écart de l’ordre 270 millions d’euros.

3.– La baisse du taux de TVA : une subvention déguisée

a) La baisse du taux de TVA et son utilisation dans une période de crise a tiré l’ensemble du secteur vers le bas

La baisse du taux de TVA dans la restauration est la première baisse de taux à ne pas être répercutée intégralement sur les prix comme explicité plus haut.

Les personnes qui vont régulièrement au restaurant ne sont pas sensibles à une baisse des prix marginale (élasticité faible). Par ailleurs, toutes les personnes auditionnées ont évoqué la notion de « prix psychologique ». Le consommateur s’adapte à la variation de prix afin de contenir l’addition dans des proportions qu’il juge décentes.

Des prix qui ne baissent pas dans une période de pouvoir d’achat stagnant et de baisse de TVA amènent le consommateur à ne pas prendre d’apéritif ou de dessert. Le client de la restauration traditionnelle passe à la restauration rapide, celui de la restauration rapide au sandwich à la boulangerie et celui du sandwich à la préparation de son repas chez lui.

En définitive, la baisse de la TVA dans la restauration telle qu’elle a été mise en œuvre a tiré l’ensemble du secteur vers le bas et a été une occasion manquée de ramener les clients vers la restauration traditionnelle française en baissant plus significativement les prix et en améliorant la qualité.

b) La création d’emploi et l’investissement ont été directement subventionnés par l’État

La création d’emploi et l’augmentation de l’investissement sont corrélées avec le regain d’activité induit par l’augmentation du chiffre d’affaires.

Pour générer 1 million d’euros de chiffre d’affaires, 8 salariés sont nécessaires dans le secteur des travaux d’entretien et d’amélioration du logement, 11 dans l’hôtellerie et 14 dans la restauration contre 4 en moyenne dans l’ensemble de l’économie. Une hausse du chiffre d’affaire aurait dû s’accompagner d’une forte demande de travail.

Or, le chiffre d’affaires du secteur a plutôt diminué depuis la baisse du taux de TVA compte tenu de l’impact de la crise (– 4,2 % pour l’année 2009, dernière année dont le Rapporteur a pu avoir les chiffres).

De ce fait, l’ensemble des créations d’emploi peut être considéré comme directement subventionné et non pas induit par une plus forte activité. On peut estimer cette subvention à 75 % de la baisse théorique non affectée à la baisse des prix, à savoir près de 2 milliards d’euros, constitue cette subvention.

La suite du rapport retrace l’utilisation de cette subvention.

B.– LA MODERNISATION D’UN SECTEUR NON SOUMIS À LA CONCURRENCE INTERNATIONALE SUPPORTÉE PAR LA COLLECTIVITÉ

1.– L’aide à l’investissement dans un secteur non soumis à la concurrence internationale : une hérésie économique

L’application de taux réduits de TVA à certains biens et services est rendue possible par la directive européenne 2009/47/CE du 5 mai 2009, qui autorise à titre permanent l’application facultative de taux réduits de TVA pour certains services à forte intensité de main-d’œuvre, pour lesquels il n’existe pas de risque de concurrence déloyale entre les prestataires de services. Cette dernière précision prouve bien que le secteur n’est pas soumis à la concurrence internationale car dans le cas contraire, une baisse de TVA aurait été assimilée par la Commission européenne à une aide d’État contraire au marché intérieur. Il est de ce fait légitime de se poser la question de la pertinence économique et de la nécessité pour les finances publiques d’accorder une « subvention déguisée » à un secteur abrité de la concurrence internationale.

Le Rapporteur estime que la TVA est outil essentiel dans la perspective de la mise en place d’un plus juste échange notamment avec les nations émergentes. Il convient donc de réserver les baisses ciblées de taux aux secteurs fortement soumis à la concurrence internationale et contribuer ainsi au redressement productif du pays.

2.– Des mesures de modernisation marginales et non évaluées

a) La mise en place du fonds de modernisation de la restauration (FMR) : un outil non utilisé

Le contrat d’avenir prévoyait des cotisations à hauteur de 61 millions d’euros par les restaurateurs afin d’abonder un fonds de modernisation de la restauration permettant de financer avec Oséo 1 milliard d’euros de prêts destinés à la modernisation des établissements prévu par l’avenant du contrat d’avenir de 2011.

À ce jour, les cotisations ont représenté 54,4 millions d’euros mais n’ont pas permis de financer de prêts du fait de la difficulté à accéder aux prêts bancaires, préalable nécessaire à l’octroi d’un prêt Oséo.

L’État s’était engagé à mettre en place un observatoire de l’investissement afin de recueillir les informations des professionnels par les organisations patronales sur l’utilisation des marges apportées par la TVA pour l’investissement, pour la modernisation et mises en conformité aux normes.

Outre que ce n’est nullement à l’État de financer les investissements dans le secteur privé mais au secteur lui-même, aucun moyen de suivi n’a vu le jour.

Le Rapporteur dispose néanmoins des études de l’INSEE qui ne montrent pas d’augmentation significative de l’investissement dans la restauration et même une légère diminution.

En effet, dans le secteur de la restauration traditionnelle – prenant en compte 92 099 entreprises – l’investissement s’est élevé en 2009 à 1 527,51 millions d’euros pour un chiffre d’affaires global de 26 139,2 millions d’euros. En 2010, l’investissement a décru – à 1 428,36 millions d’euros – alors même que le chiffre d’affaires global a lui, augmenté de 500 millions d’euros, à 26 697,3 millions d’euros ainsi que le nombre d’entreprises qui s’est élevé à 95 481 unités.

Le secteur de la restauration rapide a en revanche augmenté de 53 % les montants consacrés aux investissements qui sont passés de 593,69 millions d’euros en 2009 à 911,91 millions d’euros en 2010 pour un chiffre d’affaires stable d’un peu plus de 10 milliards d’euros. Il semble donc que les finances publiques aient subventionné principalement les investissements dans la restauration rapide.

b) L’augmentation du nombre de maîtres restaurateurs : un résultat en deçà des engagements

Le contrat d’avenir prévoyait de porter à 3 000 le nombre de maîtres restaurateurs et l’avenant au contrat à 7 500. À ce jour, 1 800 maîtres restaurateurs nouveaux ont été formés. Le résultat est donc nettement insuffisant.

Les montants réellement retraçables ayant été consacrés à l’investissement s’élèvent donc à 150 millions d’euros. 1,85 milliard d’euros reste donc à retracer.

C.– UN VOLET EMPLOI ET CONDITIONS DE TRAVAIL AU BILAN MITIGÉ

1.– Des avancées sociales non négligeables mais soumises au maintien du taux réduit de TVA

a) la baisse du taux de TVA et la mise en œuvre du contrat d’avenir ont permis la relance d’un dialogue social en panne

Malgré un taux de syndicalisation très faible – moins de 2 % de syndicalisation dû à l’absence des organisations syndicales dans les très petites entreprises – le Rapporteur a rencontré trois organisations syndicales parmi les plus représentatives du secteur : la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et Force ouvrière (FO). Les trois centrales ont souligné que la baisse du taux de TVA et la nécessité de mettre en œuvre les engagements du contrat d’avenir ont amené les partenaires sociaux à renouer avec un dialogue social sinistré dans le secteur. La convention collective a permis de vraies avances sociales à la suite des accords sociaux du 15 décembre 2009, du 6 octobre 2010 et de janvier 2011.

b) 817 millions d’euros ont été reversés aux salariés au titre de la revalorisation de la grille salariale et de la prime TVA (7)

Le contrat d’avenir prévoyait un engagement de réévaluation des minimas conventionnels, un étirement de la grille des salaires, une prise en compte des formations qualifiantes et diplômantes dans les grilles.

L’accord social du 15 décembre 2009 a prévu la mise en place d’une prime TVA d’un montant de 2 % du salaire brut annuel, plafonnée à 500 euros pour les restaurants, à 250 euros pour les hôtels/restaurants et à 125 euros pour les hôtels. En outre, cette prime n’est pas versée à l’ensemble des salariés mais seulement à ceux présents dans l’entreprise depuis plus de 1 an. Elle est donc loin de concerner l’ensemble des salariés du secteur. Elle représente tout de même un coût annuel de 160 millions d’euros.

L’accord a conditionné l’octroi de la prime TVA au maintien du taux de TVA à 5,5 %. La prime a tout de même été maintenue après le passage du taux de TVA à 7 %. Cependant, l’ensemble des organisations professionnelles ont affirmé vouloir remettre en cause cette prime en cas de changement du taux de TVA. Le Rapporteur regrette le fait de lier le versement d’une prime à la fiscalité qui ne dépend pas – par définition – des partenaires sociaux.

L’accord du 6 octobre 2010 a prévu la mise en place d’une mutuelle « frais de santé ». Cet accord a été étendu et s’applique désormais à toute la profession. Le coût annuel est de 167 millions d’euros.

À la suite de l’accord social de janvier 2011, la grille des salaires a été revalorisée de 5 % pour un coût de 507 millions d’euros et 2 jours fériés supplémentaires ont été prévus représentant 83 millions d’euros. La grille des salaires n’avait pas évolué depuis la première convention collective datant de 1997 et les salaires étaient encore libellés en francs.

En définitive, 817 millions d’euros de la subvention octroyée au secteur ont été redistribués aux salariés. Le Rapporteur souligne que toute modification de fiscalité devra impérativement préserver les avancées sociales dans un secteur employant de nombreux jeunes.

2.– Le reliquat – soit un peu plus d’un milliard d’euros par an – a directement subventionné une création d’emploi trois fois moins importante que prévue et a permis des reconstitutions de marge

Dans le contrat d’avenir les organisations professionnelles s’étaient engagées à créer « 40 000 emplois additionnels » par rapport à la tendance naturelle qui est de l’ordre de 15 000 par an.

Le graphique ci-dessous représente la part de l’emploi de la restauration dans l’emploi des services marchands. Une baisse du taux de TVA aurait dû faire passer ce taux de 6 % à 6,7 % entre 2009 et 2012. Or, le taux observé représente trois ans après la baisse du taux de TVA, 6,2 % de l’emploi total des services marchands. L’augmentation suit la tendance générale observée depuis 2000. La baisse du taux de TVA a en revanche permis de pallier un début de décrochage observé dès la fin de l’année 2007.

On peut donc constater que la baisse du taux de TVA a tout de même permis une certaine création d’emplois mais dans des proportions moindres que celles prévues par le contrat d’avenir.

Source : Insee

L’évolution de l’emploi dans le secteur de la restauration depuis 1999 permis de corroborer cette observation empirique et de chiffrer plus précisément la création d’emploi due à la seule mesure fiscale de baisse de TVA.

ÉVOLUTION DE L’EMPLOI DANS LE SECTEUR DE LA RESTAURATION DEPUIS 1999

Année

Nombre d’emplois au 30 juin

Évolution par rapport à l’année précédente

Juin 1999

524 418

 

Juin 2000

555 645

+ 31 227

Juin 2001

584 904

+ 29 259

Juin 2002

603 715

+ 18 811

Juin 2003

609 095

+ 5 980

Juin 2004

621 462

+ 12 367

Juin 2005

635 823

+ 14 361

Juin 2006

656 719

+ 20 896

Juin 2007

677 815

+ 21 096

Juin 2008

692 897

+ 15 082

Juin 2009

690 979

– 1 918

Juin 2010

717 505

+ 26 526

Juin 2011

748 584

+ 31 079

Juin 2012

760 639

+ 12 055

Source : ACOSS

La création d’emploi dans le secteur de la restauration se situait en moyenne à 16 716 avant la baisse du taux de TVA avec un taux de croissance moyen de l’économie de 1,75 % sur la période 1999–2009. Entre juin 2009 et juin 2012, avec un taux de croissance général du PIB similaire, soit 1,7 %, la création d’emploi net a été de 69 660 soit 19 512 de plus que la tendance naturelle sur trois ans. In fine, 6 504 emplois annuels supplémentaires seraient dus à la baisse du taux de TVA.

On peut considérer que les 6 504 emplois ont « coûté » à la collectivité publique 1 milliard d’euros soit une subvention de plus de 153 000 euros par emploi.

Les personnes embauchées n’ont évidemment pas coûté autant aux entreprises. Selon les chiffres de l’INSEE, le coût global moyen – salaires et charges patronales – d’un salarié du secteur de l’ordre de 20 800 euros. 6 504 emplois représentent donc une dépense de personnels de 135,7 millions d’euros.

Ce sont donc plus de 850 millions d’euros qui sont dépensés par l’État chaque année sans aucun contrôle.

3.– La lutte contre le travail illégal : un engagement non vérifié

Le contrat d’avenir prévoyait une diminution substantielle du pourcentage de fraude constatée – travail dissimulé – en comparaison avec les autres secteurs.

En 2010, avec une augmentation de 6 % des contrôles dans le secteur, les fraudes ont augmenté de 60 % alors qu’elles augmentaient de 40 % dans les autres secteurs (8). L’augmentation du nombre de contrôle a donc eu pour effet mécanique non pas de faire diminuer le pourcentage mais au contraire d’augmenter le nombre de fraudes constatées. Il serait logique qu’à plus long terme, l’augmentation de la fréquence des contrôles permette d’atteindre l’objectif fixé. Rien ne peut être conclu à ce stade.

III.– REDRESSER LES COMPTES PUBLICS ET CRÉER LES CONDITIONS DE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DU SECTEUR DE LA RESTAURATION

A.– AUGMENTER LE TAUX DE TVA : UNE NÉCESSITÉ AU VU DES ENGAGEMENTS PARTIELLEMENT TENUS DU CONTRAT D’AVENIR ET DE L’OBLIGATION DE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS

1.– Maintien du taux de TVA réduit : un choix non soutenable pour les finances publiques

À la suite de l’analyse ci-dessus, le Rapporteur estime rigoureusement impossible un retour à un taux de TVA à 5,5 % qui coûterait aux finances publiques près de 300 millions d’euros supplémentaires par an.

Il considère le maintien d’un statu quo à 7 % trop coûteux pour la collectivité en période de redressement des comptes publics, et injustifiable au regard des engagements non tenus par la profession en matière d’emploi et d’investissement.

Le Rapporteur estime toutefois indispensable de ne pas créer une nouvelle distorsion de concurrence. Un taux de TVA unique – quel qu’il soit – permettra de maintenir une concurrence saine entre les différents modes de restauration, ce qui est une revendication ancienne de la restauration traditionnelle.

2.– Les normes communautaires interdisent la création d’un troisième taux réduit

Aux termes des règles communautaires(9), les opérations imposables sont soumises à la TVA aux taux et conditions de l’État membre où elles ont lieu. Le taux normal est fixé à un pourcentage de la base d’imposition qui ne peut pas être inférieur à 15 % jusqu’au 31 décembre 2015.

Les États membres peuvent introduire un ou deux taux réduits à un pourcentage qui ne peut pas être inférieur à 5 %. Les taux réduits peuvent uniquement être appliqués aux livraisons de biens et prestations de services des catégories figurant en annexe III (alimentation, livre…) de la directive TVA.

La France n’a jamais utilisé le second taux réduit jusqu’en 2011 alors que les normes communautaires le lui permettaient. En 2011, un certain nombre de secteurs – dont la restauration – qui étaient soumis à un taux de TVA à 5,5 % ont vu leur taux être réévalué à 7 %, créant de ce fait un second taux réduit.

Cette décision emporte plusieurs conséquences :

– elle enlève toute marge de manœuvre quant à la création d’un nouveau taux réduit de TVA alors que les deux taux réduits sont très proches l’un de l’autre ;

– toute augmentation du taux de TVA dans la restauration – excepté un retour au taux normal – s’avère contraire au droit communautaire sans une redéfinition plus large des secteurs actuellement assujettis à une TVA à 7 % en distinguant entre ceux qui seraient soumis à une TVA à 5,5 % et ceux soumis au nouveau taux réduit de TVA.

Toute réflexion concernant le taux de TVA dans la restauration doit de ce fait concerner l’ensemble des secteurs concernés par les taux réduits de TVA ou utiliser une des trois taux existants.

3.– Deux hypothèses de travail : restaurer un taux de TVA normal ou augmenter le taux de TVA réduit.

a) Restaurer un taux de TVA normal

15 pays de l’Union européenne sur 27 appliques un taux de TVA normal au secteur de la restauration dont des pays comparables à la France comme l’Allemagne et le Royaume-Uni.

TAUX DE TVA APPLICABLES À LA RESTAURATION DANS L’UNION EUROPÉENNE
AU 1ER JUILLET2012

Taux super réduit : Luxembourg : 3 %

Taux réduit : Pays-Bas : 6 % – Espagne : 8 % – Irlande : 9 % – Italie : 10 % – Autriche : 10 % – Suède : 12 %

Taux intermédiaire : France : 7 % – Chypre : 8 % – Pologne : 8 % – Belgique : 12 % –
Finlande : 13 %

Taux normal : Malte : 18 % – Slovaquie : 19 % – Allemagne : 19 % – Slovénie : 20 % – 
Rép Tchèque : 20 % – Bulgarie : 20 % – Royaume-Uni : 20 % – Estonie : 20 % – Lituanie : 21 % –
Lettonie : 21 % – Portugal : 23 % – Grèce : 23 % – Roumanie : 24 % – Hongrie : 24 % – Danemark : 25 %

En définitive, 15 pays appliquent un taux de TVA normal, 5 pays dont la France un taux de TVA intermédiaire – il est à noter que parmi ces pays, la France est celui qui a le taux intermédiaire le plus faible, 6 pays un taux de TVA réduit et 1 pays un taux super réduit.

Le taux moyen de TVA applicable dans la restauration est de 14,77 % au sein de l’Union européenne.

Source : Commission européenne, DG Taxud, situation au 1er juillet 2012.

Un retour à un taux de TVA normal rapporterait une recette de 3,08 milliards d’euros en 2013. Toutefois, eu égard à la situation difficile des entreprises et de l’emploi en France, une augmentation sèche du taux de TVA dans le secteur pourrait s’accompagner d’une hausse des prix et en définitive d’une baisse de la consommation, moteur principal de la croissance française.

Les chiffres fournis par l’Union professionnelle artisanale montrent une baisse du chiffre d’affaire de l’ordre de 3 ?5 % pour le troisième trimestre 2012 dans le secteur des Hôtels-Cafés-Restaurants (HCR), et les défaillances d’entreprises, selon l’étude ALTARES, continuent d’augmenter dans le secteur de la restauration (+ 2,2 % en 2011).

Compte tenu du contexte économique actuel, le Rapporteur estime donc que tout relèvement du taux de TVA dans la restauration, qu’il soit à taux normal ou à taux réduit, nécessitera au préalable une étude d’impact précise menée en concertation par le ministère et les professionnels concernés.

En cas de relèvement au taux normal, le Rapporteur propose de substituer la dépense fiscale par une dépense budgétaire ciblée au profit des établissements de moins de 20 salariés dans le cadre d’un « plan qualité restauration » dont on retrouvera les éléments dans la suite de ce rapport.

Le Rapporteur ne privilégie donc pas l’outil de baisses des charges patronales. En effet, la réduction substantielle du coût travail rémunéré autour du SMIC initiée à partir de 1993 a largement produit ses effets dans le secteur de la restauration où une majorité de salariés est concernée par ces dispositifs.

Le crédit d’impôt peut être un outil intéressant. Le Rapporteur ne souhaite cependant pas créer une nouvelle dépense fiscale qui participe à l’évaporation de la base fiscale à l’œuvre depuis 10 ans.

b) Augmenter le taux de TVA réduit

Une seconde voie est possible : porter le second taux de TVA réduit au-delà de 7 %, en précisant qu’une augmentation d’un point du taux de TVA réduit dans la restauration pourrait rapporter à l’État une recette supplémentaire de l’ordre de 300 millions d’euros.

Néanmoins, le relèvement du taux réduit de TVA dans le secteur de la restauration devra nécessairement être accompagné d’une réflexion plus large sur l’ensemble de taux réduits de TVA.

L’augmentation d’un point de TVA dans l’ensemble des secteurs soumis à la TVA à 7 % représente un produit immédiat de 1,1 milliard d’euros (en cas de non-contraction d’assiette).

TAUX DE TVA DE 7 %

Le taux réduit de 7 %, créé par l’article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, s’applique à certains produits ou biens et prestations de services, limitativement désignés par la loi. Le tableau récapitulatif ci-dessous en donne la liste :

1.– Produits

– médicaments non remboursables ;

– produits d’origine agricole, de la pêche, de la pisciculture et de l’aviculture ;

– bois de chauffage ;

– certains produits destinés à l’alimentation animale ;

2.– Prestations de services

– soins dispensés par les établissements thermaux autorisés ;

– transports de voyageurs ;

– fourniture de logement en hôtel ou en meublé et dans les terrains de camping classés ;

– location d’emplacements sur les terrains de camping classés ;

– location d’aires d’accueil ou de terrains de passage des gens du voyage ;

– vente à consommer sur place de produits alimentaires ou de boissons ;

– vente à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate ;

– fourniture de logement et de nourriture dans les lieux de vie et d’accueil ;

– prestations relatives à la fourniture et à l’évacuation d’eau ;

– prestations de balayage des caniveaux et voies publiques et prestations de déneigement des voies publiques ;

– collecte et tri sélectifs ainsi que traitement des déchets ménagers ;

– travaux forestiers réalisés au profit d’exploitants agricoles ;

– service d’aide à la personne ;

– travaux portant sur des locaux d’habitation ;

– commission courtages et façons sur produits au taux réduit de 7 % ;

– presse : cessions d’informations entre les entreprises de presse, fourniture d’éléments d’information par les agences de presse, spectacles ;

– jeux et divertissements (cinéma, théâtre, concerts…) ;

– abonnements télévisions privées ;

– cessions de droits par les auteurs des œuvres de l’esprit et artistes – interprètes ;

– cessions de droits portant sur les livres et sur les œuvres cinématographiques.

B.– ACCOMPAGNER L’AUGMENTATION DE LA TVA PAR LA CRÉATION D’UN « PLAN QUALITÉ RESTAURATION »

Les questions qui sont posées au secteur de la restauration ne concernent pas seulement la fiscalité et la TVA. Le secteur a besoin d’être soutenu pour améliorer la qualité de l’accueil, de l’emploi et de l’assiette.

Le maintien d’une fiscalité harmonisée entre la restauration sur place et la restauration à emporter permettra une concurrence non plus sur les prix mais sur la qualité.

Toute augmentation du taux de TVA devra donc être accompagnée d’un « plan qualité restauration » permettant une montée en gamme du secteur. Ce plan devra être élaboré en concertation étroite avec les professionnels du secteur afin de nourrir le dialogue social et de prendre les bonnes décisions.

Le Rapporteur propose ainsi de revoir le contrat d’avenir de 2009 et l’avenant de 2011 afin d’y faire figurer des engagements portant sur la qualité de l’assiette, sur la qualité de l’accueil ainsi que sur la formation et la qualification des personnels.

Pour cela, il propose de mettre en place un « plan qualité restauration » financé à travers le FMR et le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce.

Afin de soutenir les acteurs économiques les plus fragiles de ce secteur, ne seraient éligibles au « plan qualité restauration » que les établissements de moins de vingt salariés, quelque soit le type de restauration.

La compétitivité-qualité passe essentiellement par deux vecteurs :

1.– La qualité de l’accueil

a) La qualité de l’accueil passe par des bâtiments rénovés

– une mise aux normes ;

– une amélioration de l’accessibilité notamment au bénéfice des handicapées :

– des efforts supplémentaires faits en matière d’hygiène et de sécurité.

Plus de 3 ans après la baisse du taux de TVA, le Rapporteur estime que s’il y avait un réel besoin de mise aux normes et de modernisation de nombreux établissements, les investissements les plus lourds ont largement eu le temps d’être réalisés.

L’État doit cependant continuer à accompagner les établissements à travers des aides ciblées sur les établissements de moins de 20 salariés, notamment en milieu rural à travers le FISAC.

b) La qualité de l’accueil passe par des personnels mieux formés et mieux rémunérés

Plus que la qualité des bâtiments, les déterminants de la fidélisation de la clientèle reste la qualité et le professionnalisme de l’accueil par les personnels. Cette qualité passe par :

– des personnels motivés : la baisse du taux de TVA a permis de relancer un dialogue social sinistré. Le Rapporteur estime de la plus haute importance le maintien des avancées sociales et notamment de la prime TVA. Il semble évident pour le Rapporteur que la mise en œuvre du « plan qualité restauration » sera conditionnée au maintien de la prime TVA.

– des personnels mieux formés : alors que la durée moyenne d’occupation d’un emploi est de moins de 2 ans (10), le Rapporteur estime indispensable de fidéliser le personnel et de permettre au secteur de la restauration d’offrir de véritables carrières. Aujourd’hui, on estime selon les professionnels de la restauration qu’il y aurait plus de 50 000 emplois demeurant non pourvus dans le secteur. Les chambres des métiers doivent mettre en place des programmes de formation plus ambitieux et l’État doit accompagner cet effort à travers la dotation au FISAC.

L’avenant au contrat d’avenir stipule que : « les organisations professionnelles convaincues de la nécessité de développer le titre de maître-restaurateur délivré par l’État, s’engagent à en augmenter le nombre de 1 500 par an, pour atteindre 7 500 d’ici au 1er juillet 2015. Ces engagements sont pris sous réserve du maintien du crédit d’impôt relatif au titre de maître restaurateur ». Le Rapporteur réitère l’importance de l’objectif même s’il n’est pas lié à la baisse du taux de TVA.

2.– La qualité de l’assiette

La qualité de l’assiette passe par :

– la transparence de la carte : quantité, produits frais ou surgelés, le consommateur doit savoir afin d’exercer son choix en toute liberté. Dans le secteur de la restauration, le pourcentage de masse salariale est directement corrélé avec le pourcentage de produits frais transformés sur place. Indiquer sur les cartes des menus la provenance, mais surtout la nature des produits (frais ou surgelés) aurait un impact positif sur le consommateur mais aussi sur l’emploi.

– la traçabilité des produits favorisant les filières courtes : la restauration joue un rôle essentiel dans l’équilibre économique des territoires. En privilégiant les achats directs aux producteurs locaux, elle contribue à maintenir la diversité, les traditions gastronomiques et les terroirs locaux vivants. Elle garantit enfin des prix accessibles pour le consommateur et le respect de l’environnement.

Le Rapporteur propose donc de privilégier dans la mise en œuvre du « plan qualité restauration » les dossiers s’inscrivant dans cette démarche.

C.– ASSURER LE SUIVI DES EFFETS

L’avenant au contrat d’avenir stipule que : « l’État instaurera avant le 1er juillet 2011 un baromètre statistique concernant l’investissement spécifique du secteur de la restauration. Ce baromètre permettra un suivi régulier, fiable et précis de la réalisation des engagements de la profession en matière d’investissement dans le cadre du contrat d’avenir. ».

Le Rapporteur déplore le manque de suivi des engagements du contrat d’avenir. À titre d’exemple, l’engagement portant sur la formation ou la valorisation des acquis de l’expérience pour les salariés peu qualifiés lorsqu’ils n’ont pas eu de formation dans les 5 ans a été oublié. De même, les conclusions du rapport Marcon (11) portant sur la mise en place de dispositif de tutorat et d’apprentissage n’ont toujours pas trouvé de traduction concrète.

Le comité de suivi du contrat prévu en 2009 et jamais mis en place s’assurera de la traduction concrète de ces objectifs.

*

* *

Le présent rapport montre bien que la baisse de TVA dans la restauration a été très coûteuse pour les finances publiques de notre pays et n’a entraîné que peu d’effets positifs en matière d’emplois et de diminution des prix.

Par ailleurs, la subvention directe à l’investissement dans un secteur privé non soumis à la concurrence internationale n’est pas justifiable d’un point de vue économique.

Le relèvement du taux de TVA est donc inévitable.

La question qui se pose est celle de savoir à quel niveau doit se situer le taux de TVA dans la restauration et à quel rythme ce relèvement doit avoir lieu, compte tenu du contexte de crise économique que traverse notre pays.

En définitive, il s’agit de transformer une dépense fiscale très coûteuse en un plan de soutien budgétaire aux établissements de petite taille qui participent à l’attractivité touristique de la France et qui maintiennent l’emploi dans nos territoires ruraux. C’est donc un plan « made in France ».

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le rapport d’information de M. Thomas Thévenoud sur les conséquences de la baisse du taux de TVA dans la restauration.

Gilles Carrez, président. Nous en venons à l’examen d’un rapport d’information sur les conséquences de la baisse du taux de TVA dans la restauration, présenté par notre collègue Thomas Thévenoud, Rapporteur spécial du programme Développement des entreprises de la mission Économie.

Avant de lui donner la parole, je souhaiterais faire deux observations : l’une de forme et l’autre de fond. L’observation de forme, c’est que la presse s’est abondamment fait l’écho de ce rapport qu’elle a eu le bonheur d’avoir en main au cours des précédents jours. Notre Commission n’a donc pas bénéficié de la primeur. J’espère que cela ne va pas altérer la qualité de nos débats, M. Thévenoud, mais il est d’usage que lorsqu’on fait un rapport pour la Commission, on lui en réserve la primeur. Je tenais à le rappeler pour nos collègues qui auront pour l’avenir un rapport.

Venons-en au fond : lorsque nous avons discuté de la TVA réduite pour la restauration, au cours de notre réunion de Bureau à la fin du mois de juillet, le Rapporteur général et moi-même avions indiqué que les travaux à engager devraient avoir une vocation large, sur la question plus générale des différents taux de TVA, sauf à avoir une vision quelque peu réductrice du sujet. Dans l’excellent rapport de notre collègue Thévenoud, j’ai noté avec une grande satisfaction qu’il était le premier à reconnaître que nous n’avons le droit, du fait des normes communautaires, qu’à deux taux réduits de TVA outre le taux normal. Or, nous avons utilisé, dans le cadre du collectif budgétaire 2011, le deuxième taux réduit en créant un taux à 7 %. La question qui peut se poser, celle de la création d’un nouveau taux réduit, ne peut donc être développée que par substitution, a priori plutôt au taux de 7 %. Mais lorsque l’on se réfère au coût des dépenses fiscales portant sur la TVA, celle qui vient en premier lieu n’est pas la restauration mais le dispositif adopté en septembre 1999 portant taux réduit de TVA pour l’ensemble des travaux dans le domaine du logement. Le moment est venu d’ouvrir cette réflexion. Or, le rapport de notre collègue, qui est de grande qualité, n’aborde pas véritablement cette question. Nous réfléchirons donc, avec le Rapporteur général, à la possibilité de mettre en place une mission d’information à visée plus large sur ce sujet. Je donne la parole à notre collègue Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud, Rapporteur spécial. Merci M. le Président de me permettre de vous présenter le résultat du travail que j’ai mené depuis la fin du mois de juillet. Je me suis inspiré des paroles du Président de la République qui a souhaité que le dispositif de taux réduit de TVA soit évalué ; ainsi que des paroles du Rapporteur général qui avait indiqué, le 17 juillet dernier, qu’il fallait remettre ce dossier sur la table. Je vais vous présenter rapidement les résultats de ce rapport.

En introduction, je rappelle l’historique de la mise en œuvre de ce taux réduit de TVA. C’est une revendication qui date de 1995 et qui a été obtenue après un accord du Conseil ECOFIN du 10 mars 2009, puis mise en œuvre par la loi du 22 juillet 2009 de modernisation et de développement des services touristiques, dite loi LME. Les négociations qui ont suivi ont débouché sur un contrat d’avenir, signé le 28 mars 2009, par le Gouvernement et les organisations professionnelles. Le secteur de la restauration s’est engagé sur trois volets : une baisse des prix, une hausse de l’emploi et des salaires et un soutien à l’investissement. Un avenant au contrat d’avenir signé en juillet 2011 a prorogé les engagements en termes de prix, de création d’emploi et d’investissement pour quatre années supplémentaires jusqu’en 2015. Je rappelle également le coût de cette dépense fiscale, la cinquième dépense la plus importante pour l’État, qui s’élève à 3,3 milliards d’euros en 2010 et 2011, 3 milliards d’euros en 2012 et 3,08 milliards d’euros estimés en 2013. Compte tenu de l’économie de 0,6 milliard résultant de la suppression des aides directes sous forme d’allègements de charges mises en place en 2004 par le Gouvernement de M. Raffarin, le coût net pour les finances publiques est donc de l’ordre de 2,6 milliards d’euros. C’est une dépense fiscale importante qui mérite examen, évaluation et contrôle.

Dans ce rapport, j’essaie donc de démontrer que la baisse de la TVA dans la restauration a été une occasion manquée pour orienter le consommateur et le secteur de la restauration vers plus de qualité. Je rappelle néanmoins la demande légitime des restaurateurs qui considéraient, dès 1995, qu’il ne pouvait pas y avoir deux taux de TVA différents dans ce secteur, à savoir un taux pour la restauration rapide et un taux pour la restauration traditionnelle. Dans les hypothèses de travail formulées à la fin du rapport, je précise d’ailleurs que je souhaite que l’on conserve l’uniformité des taux entre les deux types de restauration. Je note toutefois que le passage de 5,5 % à 7 % a créé une dissociation entre l’alimentation et le service. En effet, il faut comprendre que les modes de consommation de nos citoyens sont en train de changer, notamment dans les grandes zones urbaines dans lesquelles le choix d’un repas se fait entre restauration traditionnelle et restauration rapide, mais peut aussi se faire dans les boulangeries. Or, l’instruction fiscale qui accompagne le passage à 7 % fait plus d’une quarantaine de pages et complexifie les situations, au point que la présence ou non d’un gobelet sur une cannette de soda peut conduire à des taux de TVA différents. Ce qui signifie qu’un éventuel relèvement du taux de TVA pourrait s’avérer complexe sur le plan juridique et fiscal entre ce qui ressort de la restauration ambulante ou nomade et ce qui dépend de la restauration rapide ou traditionnelle. Je rappelle aussi qu’il n’est pas impossible qu’une partie du coût de cette mesure ait été accaparée par le comportement de marge dans un secteur par essence très divers, hétérogène et atomisé. Et ceci a profité tout aussi bien aux petits restaurateurs et aux grandes chaînes de la restauration rapide et de la restauration traditionnelle.

La seconde partie de mon rapport concerne l’évaluation des engagements pris dans le cadre du contrat d’avenir. Je commence par ce que j’appelle le « péché originel » de cette mesure. Ce sont les termes de la direction de la législation fiscale, la DLF, qui affirme que pour la première fois, une baisse de taux de TVA n’a pas été entièrement affectée à la baisse des prix. Le contrat d’avenir est assez complexe sur la baisse des prix. La baisse théorique attendue aurait dû être de l’ordre de 9,7 %, si on enlève la partie relative aux boissons alcoolisées. Or, une enquête de l’INSEE a démontré que la baisse des prix se situait en réalité entre 2,2 et 2,5 %. La répercussion de la baisse de la TVA se situerait donc entre 23 % et 26 % de la baisse théorique, alors qu’un tiers de la réduction du taux devait être affectée à la baisse des prix. Le principe du contrat d’avenir était que, le coût de la mesure étant de trois milliards d’euros, on pouvait en répartir les effets en trois tiers : un tiers sur les prix, un tiers sur l’emploi et l’amélioration des salaires et un tiers sur l’investissement.

Si l’on considère les prix, les montants directement restitués aux consommateurs, qui auraient dû être de l’ordre de 860 millions d’euros, sont en réalité de 590 millions. La baisse de la TVA a donc été une sorte de subvention déguisée à un secteur privé pourtant abrité de la concurrence internationale. Il est important de le rappeler car l’on sait aujourd’hui que les destructions d’emplois touchent prioritairement le secteur industriel qui est pour sa part fortement soumis à la concurrence internationale.

Si l’on considère l’aide à l’investissement, la mise en place d’un Fonds de modernisation de la restauration, le FMR, au nom peut-être prédestiné, qui a nécessité une contribution sous forme de cotisations de la part des restaurateurs, n’a pas été suivie d’une utilisation réelle de cet outil. Les chiffres de l’investissement sont au mieux stables, au pire négatifs comme ce fut le cas en 2010, en partie sous l’effet de la crise. À l’inverse, le secteur de la restauration rapide a fortement augmenté ses investissements grâce à cette baisse de TVA. Cela leur a permis d’investir dans des projets comme la rénovation des mâts signalétiques, des enseignes lumineuses ou des façades de leurs restaurants. Ces projets sont effectivement louables mais est-ce aux contribuables de les financer ?

Enfin, sur le volet emploi et conditions de travail, il y a eu quelques avancées sociales qu’il convient de mentionner. Ainsi, il n’y avait pas eu de revalorisation de salaires dans le secteur depuis 1997. L’accord social du 15 décembre 2009 a permis la mise en place d’une prime TVA d’un montant de 2 % du salaire brut annuel, plafonnée à 500 euros pour les restaurants, à 250 euros pour les hôtels/restaurants et à 125 euros pour les hôtels. C’est donc une prime annuelle plafonnée à 500 euros, réservée aux salariés qui gagnent au moins 2 500 euros bruts par mois et qui ont au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise. Je rappelle à ce titre que le pourcentage de salariés payés au SMIC dans la restauration est de 60 % et que le turn-over est très important dans ce secteur dans lequel rares sont les salariés qui restent plus d’un an dans la même entreprise. Cette mesure représente tout de même 160 millions d’euros par an. Il y a eu d’autres avancées telles que la mise en place d’une mutuelle « frais de santé », la revalorisation de la grille des salaires de 5 % pour un coût de 507 millions d’euros et 2 jours fériés supplémentaires représentant un coût de 83 millions d’euros. Au total, ce sont 817 millions d’euros qui représentent les gains en matière d’avancées sociales. Reste le reliquat, soit un peu plus d’un milliard d’euros, qui concerne la création d’emplois. Les engagements des restaurateurs étaient relativement précis sur ce point. La restauration française crée, c’est la tendance depuis près de quinze ans, près de 15 000 emplois par an. À travers le contrat d’avenir, les restaurateurs s’étaient engagés à créer 20 000 emplois supplémentaires par rapport à cette tendance naturelle et 20 000 contrats d’apprentissage. La vérité est que nous n’avons pas eu beaucoup de données sur les chiffres des contrats d’apprentissage mais que ceux-ci semblent très limités. En matière de création d’emplois, on est loin des 20 000. On est plus exactement à 6 504 emplois annuels au-dessus de la tendance qui seraient dus à la baisse de TVA restauration.

Si l’on considère que le reliquat de l’ordre d’un milliard d’euros a financé la création de 6 504 emplois, on obtient un coût par emploi de 153 000 euros. Évidemment les salariés ne sont pas payés à ce prix-là... Cela signifie que, si l’on prend comme base le coût d’un salarié du secteur qui est de l’ordre 20 800 euros, il y a 850 millions d’euros qui ont été dépensés par l’État chaque année sans aucun contrôle.

Le dernier point concerne, Monsieur le Président, la lutte contre le travail illégal. Sur ce point, l’État s’était engagé à exercer un certain nombre de contrôles et une vigilance renforcée. Malheureusement je constate que les contrôles ont été défaillants. Les moyens n’étaient peut-être pas au rendez-vous mais un rapport de l’ACOSS diffusé en juillet dernier a montré que le secteur de l’hôtellerie et de la restauration est aujourd’hui un secteur où il y a beaucoup trop de travail illégal. Il faudra retravailler ce point.

Je fais donc deux propositions, plus exactement deux hypothèses de travail.

D’une part, le relèvement au taux normal de 19,6 % : il est possible et il ne nécessite que l’accord du Parlement et du Gouvernement. Nous n’avons pas besoin d’autorisation européenne. D’autre part, vous l’avez évoqué, la question du relèvement du taux intermédiaire. Or, l’Europe nous interdit d’avoir trois taux de TVA réduits. Il est donc impossible à ce stade de proposer une nouvelle création en plus du taux à 5,5 % et du taux à 7 %. Il faut soit prendre tous ceux qui sont à 7 % – leur liste est dans le rapport et concerne beaucoup de secteurs économiques –et leur appliquer l’augmentation du taux, soit en prendre quelques-uns pour les augmenter tout en en diminuant d’autres… L’impact sur les finances publiques serait alors moins important. Si l’on s’orientait vers l’hypothèse d’un relèvement du taux de TVA réduit, il conviendrait de retravailler, comme vous l’avez dit Monsieur le Président, sur une architecture plus globale des taux de TVA en France.

Quelle que soit l’hypothèse retenue, je l’accompagne de ce que j’ai appelé un plan qualité-restauration parce que le problème de la restauration française n’est pas qu’un problème fiscal. J’insiste sur ce point. Je pense que nous pourrions substituer, à cette dépense fiscale très coûteuse, une dépense budgétaire plus ciblée, notamment sur les petits établissements. J’évoque ainsi trois pistes dans mon rapport.

Premièrement la mise aux normes, l’accessibilité des établissements de petite catégorie, de petite taille, parce que l’on sait qu’ils vont être obligés de se rénover, de se moderniser.

Deuxième piste, la question de la qualification, de la formation parce que trop de jeunes rentrent sur le marché du travail via le secteur de la restauration mais ne restent pas dans ce métier. Il faut donc les former, les qualifier. Je pense qu’un effort pourrait être entrepris en direction notamment des lycées hôteliers, des centres de formation et de l’apprentissage.

Troisième point, c’est une idée qui avait d’ailleurs été évoquée par le précédent gouvernement, c’est ce que j’appelle la transparence de l’assiette. En quoi cela consiste-t-il ? Il s’agit tout simplement de dire au consommateur français ce qu’il mange, en indiquant notamment le pourcentage de produits frais sur les cartes. Le pourcentage de masse salariale dans un restaurant est directement proportionnel au pourcentage de produits frais travaillés et transformés sur place. Donc, au-delà du fait que cela permettrait au consommateur d’avoir toute la connaissance des produits qu’il consomme, cela favoriserait une démarche qualitative en matière d’emplois avec les producteurs locaux.

Voila Monsieur le Président, je ne veux pas être plus long. Je considère que cette mesure est trop coûteuse et qu’il faudra revenir dessus.

M. Gilles Carrez, président. Merci, Monsieur le Rapporteur, de cette présentation très synthétique et très intéressante.

M. Jean-François Lamour. La baisse de la TVA dans la restauration visait à maintenir la compétitivité de ce secteur. On peut vouloir modifier ce dispositif après son évaluation. Mais il faut bien constater qu’il a porté ses fruits. À cet égard, il y a des manques dans le projet de rapport. La crise économique de 2008 n’est pas évoquée alors que la baisse de la TVA a permis à ce moment-là de maintenir l’activité dans le secteur grâce aux investissements qu’elle a rendu possibles financièrement et j’en ai des exemples dans ma circonscription. Ce que vous proposez en matière de formation – une filière plus identifiée – ne devrait pas porter ses fruits, car les emplois à pourvoir sont souvent peu qualifiés et à durée variable, ce qui correspond aux besoins de la profession. Vous ouvrez la réflexion sur les marges de manœuvre à identifier mais sans proposer de pistes permettant de dynamiser ce secteur porteur d’emplois.

M. Charles de Courson. J’ai toujours dit que j’étais hostile à la baisse de la TVA dans la restauration car le problème du coût du travail doit être traité globalement. Je trouve cependant le rapport trop partial sur les effets de cette mesure. En se référant aux chiffres que nous a donnés le Rapporteur, on constate en effet que les 2/3 des objectifs ont été atteints : on est à 60-70 % pour le critère des baisses de prix, on est à 80-90 % des objectifs en ce qui concerne l’amélioration de la situation des personnels et au moins 300 millions d'euros ont été investis par la profession.

Le projet de rapport est aussi très faible sur les pistes de réforme. Il n’envisage pas les conséquences sur la rémunération des personnels concernés de la clause permettant la dénonciation de la convention collective en cas de remise en cause de l’avantage fiscal. Il ne tient pas compte du caractère déjà peu attractif car difficile du secteur en termes d’emploi et n’envisage pas une chute des investissements. On a sans doute fait une erreur avec la baisse de la TVA, mais il ne faut pas faire une nouvelle erreur en la supprimant, car les conséquences seraient bien pires maintenant que la mesure est appliquée.

Mme Sandrine Mazetier. Je salue la qualité du travail du Rapporteur. Il montre bien que la décision de baisser la TVA dans la restauration a été prise alors que la crise économique pesait déjà lourdement sur nos finances publiques. Elle n’a pas eu d’effet de baisse de prix significatif pour les consommateurs. Les créations d’emploi n’ont pas non plus été à la hauteur de ce qui avait été promis par le secteur. Il y a certes eu des investissements, mais ils ont surtout profité aux grands groupes, dont on sait qu’ils sont ceux qui recèlent le plus du travail dissimulé ou des sous-déclarations et dont on a pu constater, avec la campagne de presse lancée avant même la réunion de notre commission, qu’ils ont encore des marges significatives.

Les pistes de réflexion avancées par le Rapporteur sont intelligentes. Il faut pouvoir fidéliser les salariés de la restauration par une montée en gamme au niveau tant des qualifications que des salaires. Le métier sera plus attractif si la formation est améliorée.

M. Christian Eckert, Rapporteur général. Ce rapport de qualité fournit une démonstration implacable que le compte n’y est pas. Était-il vraiment nécessaire de mettre en place une telle mesure si coûteuse alors que la crise économique était déjà là ? Il manque 1 milliard d'euros, financé par l’emprunt. Il s’agit d’une mauvaise mesure qui n’a pas permis d’atteindre les objectifs escomptés.

Que faire maintenant ? Compte tenu de la forte élasticité des prix à la hausse dans le secteur, dont on peut d’ailleurs s’étonner qu’elle soit beaucoup plus forte que l’élasticité à la baisse, il n’est pas envisageable pour les consommateurs de repasser le secteur à 19,6 %. Envisager d’augmenter à 10 ou 12 % l’ensemble des secteurs qui sont aujourd’hui à 7 % poserait aussi de redoutables problèmes pour les secteurs concernés, je pense aux travaux de restauration immobiliers mais aussi aux transports de voyageurs. Il me semble donc qu’il faut poursuivre la réflexion vers une refonte globale de nos taux de TVA : parmi les secteurs à 7 %, certains devraient revenir à 5,5 %, d’autres devaient passer à 12 %. En menant ce travail ligne à ligne, on doit pouvoir atteindre un équilibre budgétaire.

M. Gilles Carrez, président. Je ne crois pas que ce soit l’équilibre budgétaire qui devrait être recherché, mais des recettes supplémentaires pour financer les mesures en faveur de la compétitivité qui seront proposées par le rapport Gallois !

M. Daniel Fasquelle. Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre Commission. Je regrette que la commission des Affaires Économiques n’ait pas été associée à ce débat, alors que c’est dans le cadre de la modernisation des services touristiques que cette disposition a été votée ; à l’époque, j’étais porte-parole du groupe. Je pense que sur ces sujets à la fois fiscaux et économiques, nos deux commissions devraient travailler de concert.

Ce rapport repose sur des bases erronées, l’ensemble des professionnels du secteur et les syndicats réunis aujourd’hui pour une conférence de presse commune l’ont répété. En particulier, ils ont dénoncé les chiffres de ce rapport. S’agissant de l’augmentation des prix, elle a été de 2,9 %. Quant aux emplois créés, il y en a eu 53 000 en deux ans – à ce sujet, le rapport a oublié de prendre en compte les emplois créés dans les hôtels qui ont des restaurants. L’augmentation des salaires a été de 5,7 %, et elle ne prend pas en compte les avantages sociaux et salariaux qui ont été négociés. Enfin, les investissements ont augmenté de 15 %.

En réalité, ce rapport est empreint d’une méconnaissance de la crise. Sans la TVA réduite, 30 000 emplois auraient été détruits, et des restaurants auraient été forcés à fermer. Il n’est pas exact de dire que le secteur de la restauration n’est pas exposé à la concurrence internationale : si les restaurants ne sont pas délocalisables, les clients eux le sont, car les touristes peuvent choisir de venir en France ou ailleurs. Je suis maire d’une commune touristique et je connais ces problématiques.

Par ailleurs, ce n’est pas le problème des produits frais qui doit être pris en compte, comme il en était question tout à l’heure, mais des produits bruts. J’ai fait une proposition de loi pour réglementer l’appellation de restaurant, peut-être allons-nous nous accorder sur ce point. En tout cas le débat est utile.

Somme toute, les préconisations de ce rapport sont dangereuses dans un contexte extrêmement difficile. Les restaurateurs vont diront qu’ils souffrent, parce que le panier moyen stagne : les consommateurs ne sont plus là ou dépensent moins. La baisse de la TVA emportera une baisse des salaires associée à la remise en cause des avantages sociaux et fiscaux, une baisse des investissements et surtout une destruction d’emplois, 10 000 par point de TVA supplémentaire selon les syndicats. Avec ces propositions, vous préparez le plus grand plan social que la restauration ait jamais connu.

M. Xavier Bertrand. Il s’agit là d’un rapport à charge, qui sert de prétexte au Gouvernement, et lui permet de donner l’impression de s’aligner sur la volonté des députés en n’ayant ainsi pas à assumer ses choix. J’ai même l’impression que les conclusions étaient écrites dès le départ, et qu’ensuite vous avez rédigé le reste du rapport.

Revenir sur le taux réduit de TVA aura des conséquences graves sur l’emploi. Il faut bien garder à l’esprit que l’objectif du taux réduit, au moment où il a été voté, n’a jamais été en priorité la baisse des prix de la restauration, mais la création et la préservation des emplois, l’amélioration des emplois sous les aspects formation et salaire et le soutien aux investissements. J’ai toujours défendu cette position. Si l’on revient sur le taux réduit, les conséquences sur l’emploi seront inévitables : dans un contexte de crise, les premiers arbitrages des ménages se font en effet sur ce qui n’est pas indispensable, donc notamment sur la restauration.

Par ailleurs, comment la majorité va-t-elle expliquer le fait que la restauration à emporter, qui a besoin de moins d’emplois, sera moins taxée que la restauration sur place ?

Au total, vous cherchez par tous les moyens à faire des économies, mais dans la situation de crise actuelle, vous allez détruire des emplois. En outre, vous ciblez les grands groupes alors que ce sont eux les premiers recruteurs de jeunes, et que leur politique de recrutement – celle de MacDonald par exemple – est beaucoup plus efficace que celle des emplois d’avenir.

M. Thierry Mandon. Je voudrais tout d’abord féliciter notre Rapporteur pour la qualité de ce rapport et observer que les pages de promotion qui lui sont consacrées aujourd’hui dans la presse quotidienne sont amplement méritées...

Je voudrais faire une lecture de ce rapport à la lumière du débat sur la compétitivité, rejoignant par là, d’une certaine manière, ce que disait le Président de la Commission. Le taux réduit de TVA coûte 2,6 milliards d’euros par an, soit plus de 5 fois l’argent consacré aux pôles de compétitivité, plus de la moitié du coût du crédit impôt-recherche, et plus de 3 fois le manque à gagner après l’amendement « pigeons ». Supprimer le taux réduit permettrait de dégager des ressources considérables, pour le moment affectées à un secteur non exposé à la concurrence internationale, pour améliorer la compétitivité de notre pays. Vous ne pouvez pas dire que les clients de la restauration soient délocalisables : quand on visite la tour Eiffel, on ne va pas manger son bifteck en Belgique !

Enfin, j’aimerais demander à notre Rapporteur ce qu’il en est à l’étranger. J’ai l’impression que les grands pays européens souvent cités ici comme exemples ont compris depuis longtemps que le taux de TVA réduit sur ces secteurs non exposés n’était pas une idée intelligente.

M. Olivier Carré. C’était une idée saine que d’évaluer cette mesure au regard des objectifs qui lui avaient été assignés, mais ce n’était pas rendre hommage à votre travail de parlementaire que d’en parler dans la presse avant même qu’il ne soit écrit.

La crise a commencé en 2009 et s’est amplifiée ensuite ; cette année-là, elle a entraîné une baisse de 4,2 % du chiffre d’affaires dans le secteur de la restauration, comme cela est écrit dans votre rapport. Vous dites que le taux réduit aurait dû permettre de créer 15 000 emplois par an, mais cela n’est pas vrai lorsque l’on tient compte de l’élasticité du nombre d’emplois créés par rapport à l’activité. En effet, cette moyenne ne peut se vérifier dans un contexte de crise. Avec la baisse du chiffre d’affaires mentionnée, 60 000 emplois auraient été détruits en 2009 sans le taux réduit de TVA. Or, il y a eu des créations d’emplois, ce qui prouve son efficacité. Il a permis de stabiliser et même de légèrement dynamiser l’emploi, alors que la conjoncture générale, associée à un problème spécifique d’emploi sur ce secteur, aurait dû entraîner un effondrement.

Par ailleurs, je rejoins tout à fait ce que notre Rapporteur général a dit à propos de l’élasticité du passage au taux normal. La décision du consommateur s’effectue en effet en fonction du prix total, et pas du prix hors taxes, comme c’est par exemple le cas pour les travaux.

Enfin, il existait avant 2009 un problème de distorsion entre les produits de première nécessité taxés à 5,5 % et les produits avec ajout de valeur ajoutée, taxés au taux normal. En revenant sur le taux réduit, on va donc réintroduire une distorsion au détriment de ceux qui produisent de la valeur ajoutée par l’emploi. D’ailleurs je voulais dire au président et au Rapporteur que, pour avoir rencontré les professionnels du bâtiment, 12 %, ce n’est pas la même chose que 9 % ; et ce dernier taux n’était valable qu’associé à des mesures permettant de libérer une partie des charges salariales.

Mme Valérie Rabault. Je remercie notre Rapporteur d’avoir proposé une évaluation du taux de TVA réduit dans la restauration. Le Gouvernement précédent s’y était d’ailleurs engagé au moment où il l’a instauré.

J’ai deux questions à poser au Rapporteur. Vous évaluez à 6 000 le nombre d’emplois créés grâce aux taux réduit, et une étude à laquelle j’ai contribué il y a quelques années donnait le chiffre de 10 000 emplois, quand certains nous en annonçaient 40 000. Il serait intéressant de connaître le coût par emploi de l’ensemble des aides dont bénéficie la restauration, taux de TVA réduit et exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires inclus.

D’autre part, il me semble que, en Allemagne et au Royaume-Uni, pays qui ont gardé un taux de TVA à 19 %, le secteur ne se porte pas particulièrement mal, si l’on considère son chiffre d’affaires et la valeur ajoutée produite.

Mme Karine Berger. Je salue le travail de Thomas Thévenoud ; notre rôle est bien d’évaluer les décisions du Gouvernement.

M. Gilles Carrez, président. Mais c’est bien aussi quand la commission des Finances découvre les rapports !

Mme Karine Berger. Je vous rappelle qu’en 2009, la majorité était déchirée sur le sujet du taux de TVA réduit dans la restauration. D’ailleurs, la commission des Finances du Sénat avait, lors de l’examen du texte, rétabli le taux de TVA normal. M. de Courson dit que c’était une erreur : ce sujet vous divise.

L’excellent rapport de notre collègue montre que le taux de TVA réduit n’a pas fonctionné : la subvention par emploi créé avoisine les 150 000 euros ! La voie de la raison économique doit donc s’appliquer. Ce taux réduit a été créé pour des raisons électoralistes. On ne peut pas tout changer du jour au lendemain, cela va prendre du temps, mais il faut le faire dans la concertation… et la bonne humeur.

M. Yves Censi. Ce rapport est un procès à charge, dont les conclusions littéraires sont extrêmement violentes par rapport à – et malgré – la réalité des chiffres qui nous sont présentés.

La position de nos collègues socialistes sur la TVA sur la restauration est complètement contradictoire avec celle qu’ils ont défendue au mois de juillet sur la TVA anti-délocalisations. Je rappelle que c’était une augmentation de la TVA sur la consommation en général, et pas sur les produits de première nécessité, avec un impact sur les prix estimé à 0,3 %, et un effet positif de taxation des importations. Nos collègues voulaient à tout prix la supprimer, sous prétexte que le pouvoir d’achat des Français était en danger. Mais à propos du taux de TVA réduit sur la restauration, le catéchisme du parti socialiste dit qu’il faut le supprimer parce que ce n’est pas soutenable pour les finances publiques.

Les remarques de la page 17 du rapport sont le comble de la démarche kafkaïenne. Le calcul des 6 000 emplois créés pour un coût de 1 milliard d’euros est d’un simplisme inouï. Le mode de calcul, qui repose sur une comparaison avec ce qui serait la croissance naturelle de l’emploi du secteur, est d’ailleurs faux : il existe en effet des phénomènes de seuil et de rupture et des effets exponentiels. L’objectif de ce rapport était en fait de trouver des arguments à charge contre le taux réduit de TVA.

Enfin, il faut arrêter de stigmatiser la profession de restaurateur. Il y a d’ailleurs lieu de se demander si cette stigmatisation ne vient pas du fait qu’ils ont massivement voté contre votre majorité ; il s’agirait alors d’une punition que vous leur infligez. Madame Mazetier, vous avez suffisamment de brasseurs et de restaurateurs aveyronnais dans le 12ème arrondissement pour avoir à cœur de les respecter un minimum. Vos raisonnements sont purement théoriques ; vous n’êtes pas des acteurs économiques, et, malheureusement, cela se voit. Comment pouvez-vous imaginer que les restaurateurs n’ont pas à cœur de développer leur activité, qu’ils ne recherchent pas des salariés à fidéliser, des apprentis à accompagner pour leur permettre de monter ensuite leur affaire ? Pour vous, le taux de TVA réduit a seulement permis aux patrons de la restauration de s’en mettre plein les poches. Ce n’est pas la peine de faire un rapport pour aboutir à des conclusions aussi indignes.

M. Marc Le Fur. Je constate que la restauration a moins de prix à vos yeux que les œuvres d’art. Augmenter le taux de TVA applicable à la restauration me paraît néfaste pour six raisons.

Un, l’emploi. Comment un restaurateur peut-il envisager de transformer un CDD en CDI avec une telle épée de Damoclès ? Ce secteur est l’un des plus pénalisés par la suppression des exonérations fiscales et sociales sur la rémunération des heures supplémentaires.

Deux, les prix. Leur baisse n’était que l’un des trois objectifs de la réforme, avec l’amélioration des salaires et la modernisation des établissements.

Trois, la concurrence internationale : elle existe, jusque sur les côtes bretonnes. L’arbitrage entre les Antilles, la Tunisie ou la Bretagne se fait d’année en année, cette réalité est une évidence. Le taux de TVA applicable en Espagne et en Italie, nos principaux concurrents, est respectivement de 8 et 10 %.

Quatre, la restauration bon marché. Elle entrera en concurrence frontale avec la gamelle du midi, qui se développera si le taux de TVA augmente.

Cinq, l’équité. Vous pénalisez ceux qui ont joué le jeu du contrat d’avenir, et donnez une prime à ceux qui n’ont rien fait. Il aurait plutôt fallu réfléchir à des sanctions pour ces derniers.

Six, la Commission européenne. Pendant des années, la France a porté cette question au niveau européen. Quelle crédibilité aurons-nous désormais dans les négociations si nous revenons sur cette mesure ?

M. Olivier Faure. Il faut savoir faire marche arrière quand les effets d’une mesure adoptée dans la précipitation et l’improvisation deviennent évidents. Quant au travail d’évaluation, c’est le rôle normal du Parlement, d’autant que la crise budgétaire nous impose une vigilance particulière. Un point de TVA à 7 %, c’est 1,1 milliard d’euros. Quelle autre mesure fiscale rapporterait autant ? Enfin, le chiffre avancé de 100 000 emplois menacés paraît très surévalué.

M. Gilles Carrez, président. Je reconnais que le rapport n’est pas complètement à charge. Monsieur le Rapporteur spécial, de vos deux conclusions, laquelle privilégiez-vous ? le retour au taux de 19,6 % ou une hausse de taux réduit ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je suis frappée du contraste entre le corps du rapport, et les conclusions, que rien au préalable ne justifie. Vous dites que le coût résiduel de la TVA restauration serait de un milliard d’euros. Mais sa suppression entraînerait une vraie casse pour l’emploi !

M. Jean-Pierre Gorges. On cherche la cohérence entre les propositions du Rapporteur et la suppression de la TVA sociale… Cela dit, le taux réduit de TVA ne correspondait pas aux demandes réelles des restaurateurs, à savoir l’harmonisation des taux applicables à la restauration rapide et à la restauration classique, et la baisse du coût du travail. On a utilisé un mauvais instrument. Trois millions de touristes visitent Chartres chaque année, et l’évolution du taux de TVA n’y changera rien. On conteste trop souvent les rapports parlementaires dont on désapprouve les conclusions, et celui-ci est très bon. Il faut revenir au taux normal de TVA à 19,6 %, mais il faut aussi traiter le problème du coût du travail. Il aurait fallu ne pas tenir cet engagement.

M. Alain Fauré. Convenons de la précipitation avec laquelle la baisse du taux de TVA a été décidée. Une décision s’impose désormais, et quelle qu’elle soit, elle sera difficile.

M. Olivier Faure. Le rapport indique bien que 1,1 milliard d’euros, ce n’est pas le montant qui serait prélevé sur le secteur, mais la valeur du point de TVA pour l’ensemble du champ soumis actuellement au taux de 7 %. Par ailleurs la restauration bénéficie déjà de mesures d’allègement du coût du travail. Le Rapporteur est très prudent puisqu’il recommande de procéder à une étude d’impact avant toute nouvelle évolution de taux de TVA. Personne ne doit s’affoler, ce rapport constitue simplement une sorte de baromètre.

M. Thomas Thévenoud, Rapporteur spécial. Effectivement, je souhaite qu’il n’y ait pas de hausse de taux sans étude d’impact. Je remercie le président de ses remarques sur l’intérêt du rapport. Croyez-moi, les conclusions n’en étaient pas écrites d’avance : j’ai mené trente-cinq auditions à l’Assemblée nationale, j’ai effectué de nombreux déplacements, dans des congrès syndicaux comme dans des établissements, plus ou moins renommés. Le rapport en témoigne, j’ai essayé d’être le plus objectif possible. Tous les chiffres proviennent, soit des restaurateurs, soit des services de l’État, de Bercy ou de l’INSEE pour les prix. Je rappelle que l’article 24 de la Constitution place l’évaluation au cœur de la mission des parlementaires.

Charles de Courson a souligné que les engagements sur les prix avaient été tenus aux deux tiers, notamment sur les prix. Mais un tiers, ce n’est pas rien, surtout quand il s’agit de 850 millions d’euros ! D’autant que ces montants profitent à un secteur protégé de la concurrence internationale, c’est même cette raison qui a permis d’obtenir une dérogation à Bruxelles. L’importance du tourisme doit bien sûr être prise en compte. Mais tout le secteur de la restauration ne dépend pas du tourisme d’une part, et d’autre part, la TVA permet de faire contribuer les visiteurs étrangers.

J’insiste dans le rapport, vous pourrez le faire savoir à Xavier Bertrand, sur la nécessité de ne pas recréer de distorsion de concurrence entre la restauration rapide et les autres formes de restauration. Mais une hausse de taux augmentera l’écart avec celui applicable aux produits alimentaires.

Un point de TVA équivaut, pour le taux à 7 % à 1,1 milliard d’euros, mais parmi les services soumis à ce taux, il y a les transports de voyageurs ou les abonnements à des chaînes de télévision payantes. Le point de TVA s’élève, pour la restauration, à 300 millions d’euros. Une hausse de ce taux de TVA devrait être coordonnée avec un engagement du Président de la République, la modulation du taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille de l’entreprise.

Il faut bien sûr renforcer les contrôles contre le travail dissimulé, et sur ce point les engagements de l’État n’ont pas été tenus ces dernières années.

Je termine en rappelant qu’il faut d’abord soutenir les secteurs industriels et productifs exposés à la concurrence internationale, ce qui n’est pas le cas de la restauration, que j’ai tenu compte du contexte de la crise que nous traversons, en intégrant au rapport les données sur les défaillances d’entreprises par exemple, obtenues lors du récent congrès de l’UPA, et que si je présente deux hypothèses de travail, je ne tranche pas.

M. Gilles Carrez, président. Nous ne connaîtrons pas votre préférence entre les taux de 19,6 % et de 12 % ?

M. Thomas Thévenoud, Rapporteur spécial. Je l’ai dit, je ne tranche pas.

M. Gilles Carrez, président. J’invite la Commission à autoriser la publication de ce rapport et à prévoir d’élargir ses travaux à l’ensemble des taux réduits de TVA.

La Commission autorise la publication du rapport.

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

À Paris,

Ministère de l’Économie et des finances

Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) :

M. Pierre BRUNHES, Chef du service du tourisme, du commerce, de l’artisanat et des services

Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) :

M. Jean-Luc TAVERNIER, Directeur général de l’INSEE

M. Éric DUBOIS, Directeur des études économiques

Direction de la législation fiscale (DLF) :

Mme Véronique BIED-CHARRETON, Directrice de la DLF

M. Antoine MAGNANT, Sous-directeur à la DLF

Cour des comptes/ Conseil des prélèvements obligatoires

Mme Catherine DEMIER, Secrétaire générale du CPO et Conseillère maître à la Cour des comptes

Organisations professionnelles

Union des métiers et des industries hôtelières (UMIH), Syndicat national de restauration publique organisée (SNRPO) et Groupement national des chaînes hôtelières (GNC) :

M. Roland HEGUY, Président de l’UMIH

M. Hervé BECAM, Vice-Président de l’UMIH

M. Philippe DELTERME, Directeur général de l’UMIH

M. Gérard PLOMION, membre de l’UMIH et Président du SNRPO

Mme Anne CLERC, membre de l’UMIH et Vice-Présidente du GNC

Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide (SNAAR) :

M. Hubert VILMER, Président du SNAAR

M. Dominique-Philippe BENEZET, délégué général du SNAAR

Mme Mélanie FARCOT-GIGON, membre du SNAAR et Présidente de « Domino’s Pizza »

M. Jean-Denis MOUROT, membre du SNARR et Responsable de « Speed Burger »

Syndicat national de restauration thématique et commerciale (SNRTC) :

M. Laurent CARAUX, Président du SNRTC

Mme Anne SAINT-JULIEN, Présidente de la commission juridique et fiscale du SNRTC

Mme Claire MORENVILLEZ, Consultante

Fédération des Entreprises de Boulangerie et Pâtisserie Françaises (FEBPF) :

M. Pascal CANTENOT, Président de la FEBPF

M. Robert OSTERMANN, membre de la FEBPF et Directeur général de la société PAUL

M. Philippe GODARD, Directeur de la communication de la FEBPF

Syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers traiteurs (SYNHORCAT) :

M. Didier CHENET, Président du SYNHORCAT

M. Jean pierre CHEDAL, Président des restaurateurs

M. Franck TROUET, Directeur général du SYNHORCAT

Syndicat national de la restauration collective (SNRC) :

M. Michel FRANCESCHI, Administrateur du SNRC

M. Bruno WISSE, Membre de la commission juridique et fiscale du SNRC

M. Dominique DARDEL, Responsable des relations institutionnelles du SNRC

Syndicat national des espaces de loisirs, d’attractions et culturels (SNELAC) :

M. Thierry LELEU, membre de la commission juridique et fiscale et Vice-président de Disneyland Paris,

Mme Sophie HUBERSON déléguée générale du SNELAC

Confédération des professionnels indépendants de l'hôtellerie (CPIH) :

M. Gérard GUY, Président de la CPIH

M. Philippe LEFEVRE, Vice-président de la CPIH,

M. Robert TOUCHET, Président des restaurateurs de la CPIH

M. Martine CROHARE, Directrice générale de la CPIH

Fédération autonome générale de l'industrie hôtelière touristique (FAGIHT) :

M. Claude DAUMAS, Président de la FAGIHT

Mme Catherine DE BRUYNE, Déléguée Générale de la FAGIHT

Organisations syndicales :

Confédération générale du travail (CGT) Commerce et services :

M. Ange ROMITI, secrétaire fédéral en charge de l’hôtellerie restauration

M. Stéphane FUSTEC, secrétaire fédéral en charge de l’hôtellerie restauration

Fédération Générale des Travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes Force Ouvrière (FGTA-FO) :

M. Denis RAGUET, Secrétaire fédéral à la FGTA-FO

M. Dalila MADAOUI, Juriste Assistante-Fédérale à la FGTA-FO

Confédération française démocratique du travail des salariés de l'hôtellerie du tourisme et de la restauration (CFDT restauration) :

M. Olivier GIVARCH, Secrétaire national de la CFDT restauration

Associations :

Association UFC Que Choisir :

M. Cédric MUSSO, directeur des relations institutionnelles

Association « Alimentation et tendance » :

Mme Sophie DUPREZ, Présidente de l’association « Alimentation et tendance »

M. Jean-Michel BOQUET, membre de l’association Alimentation et tendance, Directeur des ressources humaines de la « Brioche dorée »

M. Franck GUEGUAN membre de l’association Alimentation et tendance, Président directeur général de « Pizza Sprint »

Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

Mme Catherine CHAPALAIN, Directeur général de l’ANIA

M. Alexander LAW, Directeur du service économie de l’ANIA

Mme Armelle DARDAINE, Relations institutionnelles

Entreprises

M. Xavier DENAMUR, restaurateur « Les Philosophes » (Paris)

M. Marc CORRIGER, restaurateur « Hôtel des Vosges » (Lutzelbourg)

M. Claude GUITTARD, restaurateur brasserie « LIPP » (Paris)

M. Laurent SAVARY, restaurateur « Mémère Paulette » (Paris)

M. Gérard TAFANEL, restaurateur « La Rotonde » (Paris)

McDonald’s France

M. Vincent QUANDALE, Directeur général délégué de McDonald's France

M. Alexis BOURBON, Directeur financier France et Europe du Sud

M. HUBERT MONGON, Vice-Président des ressources humaines France et Europe du Sud

Société METRO France

M. Pascal GAYRARD, Directeur Général METRO France

M. Cyril CAPLIEZ, Directeur des relations institutionnelles METRO France

À Macon (71)

UMIH Saône-et-Loire

M. Philippe VILLALON, président des restaurateurs de l’UMIH

M. Patrick REVOYRE, président de l’UMIH 71,

M. Pierre DHOTEL, président des restaurateurs de l’UMIH 71,

M. Jean-Philippe ANCIAUX, Vice-président de l’UMIH Bourgogne

À La Rochelle (17)

UMIH Charente-Maritime

M. Thierry MAITRE, responsable départementale de l’UMIH

ANNEXE 2 : CONTRAT D’AVENIR DU 28 MARS 2009 ET
AVENANT AU CONTRAT D’AVENIR DU 28 AVRIL 2001

Ces documents sont consultables au format pdf.

1 () cf. Annexe 2.

2 () À titre d’exemple, une part de pizza est assujettie à un taux de TVA à 7 % car susceptible d’être consommée immédiatement alors qu’une pizza entière bénéficie d’un taux à 5 % car le client a plus de chance de la consommer chez lui.

3 () Un mark-up de 1,37 signifie que l’entreprise tarifie 37 % au-dessus de son coût marginal de production.

4 () Source : Conseil des prélèvements obligatoires : Entreprises et niches fiscales et sociales-octobre 2010. Il s’agit de moyenne sur la période 1995-2002.

5 () Il s’agit d’un taux de baisse moyen en prenant en compte le fait que la vente de boissons alcoolisées demeure assujettie à un taux de TVA à 19,6 %.

6 () La hausse théorique aurait due être de 1,02 % en excluant du champ de la hausse de TVA les boissons alcoolisées.

7 () Source : Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services.

8 () Bilan de la lutte contre le travail illégal en 2010, Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss).

9 () La directive 2006/112/CE rassemble les dispositions communautaires en matière de TVA depuis le 1er janvier 2007modifié en dernier lieu par la directive 2009/47/CE.

10 () Selon les syndicats de salariés auditionnés.

11 () Rapport Marcon. Développer l’alternance dans le secteur de la restauration pour une stratégie nationale. 17 février 2010.


© Assemblée nationale