N° 829 - Rapport de Mme Annick Le Loch et M. Daniel Fasquelle sur la proposition de résolution européenne de Mme Annick Girardin et M. Didier Quentin, rapporteur de la commission des affaires européennes sur la réforme de la politique commune de la pêche (n°823)




N
° 829

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 mars 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur la réforme de la politique commune de la pêche,

PAR Mme Annick LE LOCH et M. Daniel FASQUELLE,

Députés.

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Voir le numéro : 823.

Avertissement

Un groupe de travail commun à la Commission des affaires européennes et à la Commission des affaires économiques a été constitué pour étudier la réforme de la politique commune de la pêche.

Il était composé :

- de Mmes Annick Le Loch, Corinne Erhel, Marie-Hélène Fabre, et de MM. Daniel Fasquelle, Yannick Moreau, désignés par la Commission des affaires économiques ;

- de Mmes Annick Girardin, Estelle Grelier, et de MM. Didier Quentin,  Jean-Louis Roumegas, Rudy Salles, désignés par la Commission des affaires européennes.

Les rapports publiés par les Commissions des affaires européennes et des affaires économiques sont donc identiques.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 9

PREMIÈRE PARTIE : AMÉLIORER L’EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE (PCP) POUR SAUVEGARDER UNE ÉCONOMIE FRAGILISÉE 11

I.— LA PÊCHE EN EUROPE : UN SECTEUR FRAGILISÉ 11

A.— LA RARÉFACTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES : UN PHÉNOMÈNE MONDIAL ET EUROPÉEN QUI IMPLIQUE UNE EXPLOITATION RAISONNÉE 11

1. La raréfaction des ressources halieutiques à l’échelle mondiale et européenne 11

a) La raréfaction des ressources : un phénomène mondial 11

b) La demande en produits aquatiques n’est pas entièrement satisfaite par la production européenne 14

2. La nécessaire exploitation raisonnée de la ressource : mieux exploiter la ressource pour la préserver 15

a) Facteurs de productivité des stocks et totaux admissibles de capture 15

b) Gérer de manière raisonnée la ressource 16

B.— UN SECTEUR ÉCONOMIQUE EN DIFFICULTÉ ET INSUFFISAMMENT STRUCTURÉ 17

1. Déclin de la flotte et déclin de l’emploi 17

a) Le déclin tendanciel de la flotte au niveau européen et national… 17

b) … explique le déclin de l’emploi. 18

2. Une filière en cours de structuration 19

II.— RÉFORMER UNE POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE QUI PEINE À ATTEINDRE SES OBJECTIFS 21

A.— HISTORIQUE DE LA MISE EN PLACE DE LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE 21

1. Une politique à l’origine liée à la PAC qui s’autonomise progressivement 21

a) Du traité de Rome au début des années 1990 : la mise en place progressive d’une politique de la pêche autonome 21

b) La réforme de 1992 : une « Europe bleue » qui se concentre sur la lutte contre la surcapacité de la flotte 22

2. L’incapacité de la PCP à résoudre des problèmes pourtant clairement identifiés 23

B.— L’ÉCHEC DE LA TENTATIVE DE RÉFORME DE 2002 ET LA PRÉSENTATION D’UNE NOUVELLE PCP 23

1. L’échec de la réforme de 2002 23

a) Une réforme ambitieuse… 23

b) … qui n’a pas atteint ses objectifs 24

2. À la recherche d’une nouvelle PCP ? 25

a) La vision de la Commission 25

b)… qui a amené la Commission européenne à proposer une nouvelle réforme 27

DEUXIÈME PARTIE : MALGRÉ UN RELATIF ACCORD SUR LE DIAGNOSTIC PLUSIEURS ASPECTS CLÉS DE LA RÉFORME FONT L’OBJET DE PROFONDS DÉSACCORDS INSTITUTIONNELS 31

I.— UN ACCORD PARTIEL SUR LE DIAGNOSTIC ET SUR UNE PARTIE DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION 31

A.— UN ACCORD PARTIEL SUR LE DIAGNOSTIC 31

B.— LA RÉFORME DE L’OCM, PEU AMBITIEUSE, FAIT L’OBJET D’UN CERTAIN CONSENSUS 32

1. L’OCM des produits de la pêche et de l’aquaculture 32

2. Une proposition de la Commission peu ambitieuse 34

3. Des négociations en voie d’aboutissement 35

4. Une régulation a minima 35

C.— LES CONCESSIONS DE PÊCHE TRANSFÉRABLES (CPT) ONT FAIT L’OBJET D’UN ACCORD QUASI GÉNÉRAL EN FAVEUR DE LEUR ABANDON 37

1. La proposition de la Commission visant à introduire les CPT… 37

2. …a entraîné une levée de boucliers 37

D.— LE PRINCIPE D’UNE GOUVERNANCE PLUS RÉGIONALISÉE DES PÊCHES EST LARGEMENT ACCEPTÉ 38

E.— LE VOLET EXTERNE DE LA PCP 40

II.— DES DÉSACCORDS DE FOND SUR PLUSIEURS SUJETS CLÉS 43

A.— L’INTERDICTION DES REJETS : DES MODALITÉS PRATIQUES ENCORE À DÉFINIR 43

1. La Commission pose le principe de l’interdiction des rejets comme la pierre angulaire de son projet de réforme de la PCP 43

2. Le Conseil a adopté une position équilibrée sur ce sujet, acceptant le principe de l’interdiction, mais demandant des conditions d’application praticables 44

3. La position du Parlement européen ne prend pas suffisamment en compte les possibilités réelles d’adaptation des filières 45

4. L’interdiction des rejets doit se faire dans un calendrier raisonnable et les mesures d’accompagnement nécessaires doivent pouvoir être financées 45

B.— LA QUESTION DU RENDEMENT MAXIMAL DURABLE FAIT L’OBJET D’UN DÉSACCORD INSTITUTIONNEL 48

1. La proposition de la Commission vise à atteindre le rendement maximal durable (RMD) en 2015 pour tous les stocks 48

2. Le Conseil ne remet pas en cause la proposition de la Commission mais propose un calendrier plus souple 49

3. La position du Parlement européen paraît irréaliste en matière de rythme d’atteinte du RMD 49

4. Vos rapporteurs demandent un calendrier réaliste pour l’application du RMD 49

C.— LE FEAMP, AU-DELÀ DES 4 % 51

1. La proposition de la Commission 51

2. La France doit recevoir une part du FEAMP qui soit plus en rapport avec ses besoins 53

TRAVAUX DE LA COMMISSION 55

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 75

ANNEXE I – PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 77

ANNEXE II – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 81

MESDAMES, MESSIEURS,

La réforme actuelle de la politique commune de la pêche (PCP) est, vous le savez, l’objet de débats aigus au Parlement européen et de négociations ardues entre la Commission, le Conseil et ce même Parlement.

De fait, il n’est pas simple de réformer une politique qui n’a pas, depuis sa mise en œuvre, totalement porté ses fruits, notamment parce qu’elle a souvent oublié les pêcheurs.

Si la pêche n’est pas un secteur économique dominant de l’économie européenne, elle n’en demeure pas moins un secteur important tant sur les plans de l’aménagement des territoires littoraux, de l’emploi que de la sauvegarde des terroirs. La difficulté réside dans la nécessaire adéquation entre équilibre économique et équilibre d’une ressource fragile qu’il convient de pérenniser.

Mais malgré un relatif accord sur ce diagnostic, plusieurs aspects clés de la réforme font l’objet de profonds désaccords institutionnels ; il s’agit notamment de l’interdiction des rejets, de la question du rendement maximal durable et de la question de la distribution de l’enveloppe consacrée à la pêche entre les différents États membres.

Le présent rapport a pour objet de faire le point sur les orientations de la future PCP et les négociations en cours, ainsi que de présenter le point de vue de vos rapporteurs, suite aux nombreuses auditions qui ont été menées.

Vos rapporteurs estiment qu’il est important et possible de défendre une vision de la pêche, qui prenne en compte l’aspect environnemental, mais également les aspects économiques et sociaux.

PREMIÈRE PARTIE : AMÉLIORER L’EFFICACITÉ DE LA POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE (PCP) POUR SAUVEGARDER UNE ÉCONOMIE FRAGILISÉE

I.— LA PÊCHE EN EUROPE : UN SECTEUR FRAGILISÉ

Un consensus se dégage au sein de la communauté scientifique mondiale pour estimer que la situation de la ressource en poissons au niveau mondial se caractérise par une baisse de la biomasse et des stocks disponibles, ainsi qu’une diminution de la taille des poissons, de leur âge moyen et de la complexité des interactions inter-espèces.

D’après la FAO (1), 29,9 % des stocks sont surexploités à l’échelle mondiale, 7 % des stocks sont complètement épuisés, et 57 % des stocks sont pleinement exploités (c’est-à-dire qu’ils ne permettent pas une croissance de la production et demandent une gestion extrêmement contrôlée pour éviter la surexploitation).

Alors que jusqu’à une date récente la question de la pérennité de la ressource en poisson ne se posait pas, l’abondance des grands stocks à l’échelle mondiale a été en un siècle divisée par dix, ce qui signifie que là où il y avait dix tonnes sur le fond, il n’en reste qu’une à deux en moyenne (2). En effet, depuis que les observations scientifiques sont disponibles, on enregistre une diminution de la ressource, qui s’accompagne de la disparition des vieux et gros poissons.

Les ressources halieutiques, qui fournissent chaque année environ 85 millions de tonnes de protéines pour l’alimentation humaine et dans une moindre mesure, animale (3), sont en effet menacées pour plusieurs raisons, toutes liées aux activités humaines.

La première raison provient de l’augmentation de la demande en poissons, liée à l’augmentation de la population mondiale et à la baisse des prix de produits halieutiques devenant de plus en plus accessibles au plus grand nombre. La demande en produits aquatiques, et notamment en poisson, a ainsi considérablement augmenté depuis 1950, entraînant une pêche plus productive, mais aussi plus agressive envers les écosystèmes marins. La pression de pêche a ainsi été multipliée par quatre depuis 1980. (4)

De cette pression de pêche accrue découle le problème de la durabilité d’un modèle épuisant la ressource, les quantités prélevées ne permettant pas à certaines espèces de se renouveler et de subir le même prélèvement la saison suivante.

Le thon rouge, exploité depuis l’Antiquité, est l’espèce emblématique de cette surpêche. Au cours du siècle dernier, cette espèce a subi l’intensification de son exploitation, notamment par extension des zones de pêche ; il est aujourd’hui exploité par une vingtaine de pays. Ces dernières années, l’augmentation de sa valeur marchande a été notamment liée à l’essor du marché du sushi-sashimi, marché sur lequel le thon rouge est une espèce « phare ». L’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) estime que dans l’ensemble de l’Atlantique Est et du bassin méditerranéen, le volume des captures de thon rouge se situe depuis une décennie autour de 50 000 à 60 000 tonnes/an, c’est-à-dire deux à trois fois le potentiel de production actuel du stock.

Il en est de même pour d’autres espèces, telle la morue. Il resterait moins de 100 morues matures, de 13 ans ou plus, dans toute la mer du Nord, espèce pour laquelle 95 % des captures ont de 1 à 3 ans et font moins de 39 cm.

La surpêche a ainsi pour conséquence la disparition des vieux et gros poissons et, conséquemment, la capture d’individus de plus en plus petits qui hypothèque le renouvellement des espèces.

Le second problème, lié à celui de la raréfaction des ressources, provient du développement de méthodes de pêche qui peuvent se révéler agressives, telles que chalutage de fond, les rejets, l’utilisation de poisons et explosifs, et la pêche fantôme. En effet, plus les stocks de poisson diminuent, plus les techniques de pêche deviennent extrêmes.

Le chalutage de fond, couramment utilisé par les pêcheurs professionnels qui pratiquent la pêche au large, permet une diversité des captures sur les espèces commercialisables situées près du fond et de contrôler l’effort de pêche. Mais son inconvénient majeur réside dans le manque de sélectivité, puisque, dans la majorité des pêcheries, cet engin capture simultanément plusieurs espèces de dimensions et de morphologie différentes. De nombreuses espèces sont ainsi remontées en vain et rejetées à la mer, y compris des espèces en voie de disparition.

En outre, même s’il ne pénètre pas le sédiment, le chalut de fond détériore les habitats et les organismes posés sur le fond. Or, les grands fonds marins présentent des écosystèmes à biodiversité exceptionnelle, au-delà de 400 mètres et jusqu’à plus de 2 000 mètres de profondeur. Malgré des conditions extrêmes – quasi-absence de lumière, forte pression et peu de mouvement d’eaux – ces fonds accueillent de nombreuses espèces particulièrement vulnérables aux perturbations que subit leur environnement.

De plus, la mise en péril d’écosystèmes marins par le chalutage ne concerne pas que la haute mer. Le chalutage de fonds sur les monts sous-marins et sur les pentes raides de la marge continentale, à la limite du plateau continental, provoque aussi d’importantes dégradations.

Si la pêche de grands fonds a pu occasionner des dégâts environnementaux à la fin du 20ème siècle, la prise de conscience des professionnels a depuis permis de diminuer son empreinte écologique d’un facteur 4. Les rapports scientifiques récents sur les espèces en eaux profondes ne sauraient donc être ignorés pour guider la matière.

Par ailleurs, la senne danoise, technique qui consiste à capturer les poissons en pleine eau en les encerclant à l’aide d’un filet, peut poser un problème de surpêche plus important que les techniques de chalutage traditionnellement utilisées. Or, celle-ci se développe beaucoup, notamment dans la Manche, où elle est parfois contestée pour son atteinte aux écosystèmes et à la pêche locale, du fait d’une utilisation excessive et d’un manque de contrôle.

Les rejets, c’est-à-dire tout ce qui est capturé au-delà de ce qui était visé par la pêche, constituent des prises surnuméraires, qui peuvent inclure des poissons de l’espèce recherchée dont la taille n’est pas suffisante, mais aussi d’autres espèces qui ne se mangent pas ou qui n’ont pas de marché, ou encore des espèces interdites ou à risque d’extinction.

Par nature difficile à évaluer, le volume des rejets est toutefois estimé par différentes institutions, qui aboutissent dans leurs études à des résultats comparables. Selon Greenpeace, 30 millions de tonnes de poissons seraient rejetés annuellement à l’échelle mondiale ; l’Académie des sciences, dans un rapport de 2003, a quant à elle estimé que les rejets au niveau mondial représentaient entre 20 % et 50 % des espèces débarquées.

Par ailleurs, l’utilisation des poisons pour tuer ou étourdir le poisson, très répandue par exemple aux Philippines, où se pratique la pêche au cyanure, ainsi que la pêche à l’explosif, endommagent non seulement les espèces mais aussi la flore et la faune environnante. De même, la pêche dite « fantôme », c’est-à-dire l’abandon de filets et autre matériel en mer qui continuent à capturer inutilement poissons, mollusques, ou grands mammifères marins, laboure les fonds marins et détruit toute la biodiversité.

Ceci est par ailleurs conjugué aux autres aspects de la pollution anthropique, et notamment le réchauffement climatique, dont les effets, difficilement quantifiables, sont toutefois réels sur la raréfaction de la ressource halieutique (5).

L’Europe n’échappe pas à la surexploitation des ressources halieutiques. En 2011 (6), 54 % des stocks d’Atlantique Nord-Est évalués étaient considérés comme surexploités. En Méditerranée, ce chiffre s’élevait à cette même date à 87 % des stocks. En 2012, seuls 39 stocks européens sur un total de 195 étaient exploités de manière à atteindre le rendement maximal durable, tandis que l’état des stocks de certaines espèces, pour la majorité des grands prédateurs comme les thonidés, est évalué à 10 % de leur abondance de 1950.

Ce diagnostic est parfois contesté par les pêcheurs, notamment du fait de biais liés à une vision locale, et parce que le phénomène de surpêche est masqué par les gains d’efficacité considérables des machines (engins plus puissants, électronique embarquée,…) et par des remontées de biomasses locales liées généralement à une bonne année de recrutement et non à une réelle reconstitution des stocks.

La Commission européenne, qui avait déjà, dans son livre Vert de 2009, dressé un état des lieux préoccupant, a rappelé dans les documents de présentation de la réforme de la PCP ses inquiétudes quant à la question de la ressource dans les eaux de l’Union européenne, même si elle a pu constater que certains stocks font l’objet d’une amélioration. Par exemple, ne sont plus considérés comme surexploités la baudroie en zone ibéro-atlantique, la sole en mer celtique, l’églefin en ouest-Ecosse, ou le hareng dans la mer du Nord. Toutefois, ces améliorations étant lentes et fragiles et ne concernant que quelques espèces, n’entament en rien la volonté de la Commission de mettre la durabilité au cœur de sa proposition de réforme, afin de revenir à des niveaux de pêche soutenables à long terme qui permettent, dans l’ensemble des eaux européennes, de rétablir les stocks.

Au niveau européen, la part de l’Union européenne est tombée à seulement 6 % de la pêche et 2 % de l’aquaculture mondiale, et l’Union européenne, avec 14 % de la consommation mondiale, est devenue la première zone d’importation et de consommation des produits aquatiques de haute valeur.

La consommation de produits aquatiques en France est en moyenne de 35 kg par an et par personne, soit autant que le porc et plus que la volaille. La France se place ainsi au troisième rang en Europe, même si l’augmentation des prix de détail depuis 2009 tend faire stagner la consommation. Les poissons et fruits de mer représentent aujourd’hui 5,8 % des dépenses alimentaires, contre 23,1 % des dépenses pour les viandes.

Alors que la France est le quatrième producteur européen et que la pêche et l’aquaculture française produisent 690 000 tonnes pour un chiffre d’affaires de 1,6 milliard d’euros, la production nationale ne couvre qu’un quart de la demande en produits aquatiques, et le déficit des productions aquatiques atteint 3,5 milliards d’euros par an (7).

Le hareng, la morue, le thon rouge ou les grands cétacés sont emblématiques d’une période de pêche extensive qui est aujourd’hui révolue. L’enjeu actuel, qui fait consensus, est de préserver la ressource pour la pérenniser. L’exploitation contrôlée des ressources halieutiques est une nécessité, qui passe, d’une part par l’amélioration des connaissances scientifiques sur les facteurs de productivité des stocks, et d’autre part, sur une gestion raisonnée de la ressource.

Les travaux scientifiques, dont les premiers remontent au XIXème siècle, ont montré que la productivité des stocks résulte de trois éléments : le recrutement (c’est-à-dire le nombre d’œufs émis, qui est déterminé par la masse des reproducteurs), l’environnement, et le profil d’exploitation des classes d’âge (plus on épargne les éléments juvéniles, plus la reproduction de l’espèce est facilitée).

Les travaux ont en outre montré que les populations de poissons ont une capacité à retrouver leur biomasse suite à une mortalité additionnelle, mais que cette capacité est liée à des facteurs par nature non contrôlables, telles que les conditions climatiques ou environnementales.

De ces constats est née la notion de régulation de l’effort de pêche, qui a abouti à la notion de totaux admissibles de capture (TAC), qui sont les limites de captures fixées pour la plupart des grands stocks commerciaux de poissons. Au niveau de l’Union européenne, les TAC sont proposés par la Commission, qui se fonde sur des avis scientifiques concernant l’état des stocks concernés, avant d’être adoptés par le Conseil des ministres de la pêche. Ils sont fixés une fois par an pour la plupart des stocks et tous les deux ans pour les espèces d’eau profonde, et sont de plus en plus souvent établis conformément aux plans pluriannuels.

Les TAC sont répartis entre les pays de l’Union européenne dans le cadre d’un système dit de «stabilité relative», qui maintient la stabilité des quotas nationaux les uns par rapport aux autres, même si la quantité totale de poisson pouvant être capturée varie en fonction de la productivité des stocks.

Une pêche abondante peut être perçue comme un signe de vitalité d’un stock ; or, la stabilité des captures n’est pas un indicateur de bonne santé du stock, surtout dans un contexte où les techniques de pêche gagnent en efficacité. De ce fait, une certaine incompréhension a pu parfois s’installer entre pêcheurs et scientifiques sur la question de la vitalité de la ressource. Cette incompréhension tient en outre au fait que, en raison de la diversité et de la complexité de l’univers marin, encore largement à découvrir, les connaissances scientifiques demeurent imparfaites et parfois contradictoires.

Il serait intéressant, à cet égard, de pouvoir améliorer la communication entre les scientifiques et les professionnels, l’expertise des uns ne pouvant que s’enrichir de l’expérience des autres. Les besoins en termes de recherche sont par ailleurs considérables, les connaissances étant encore lacunaires dans bien des domaines de la connaissance des écosystèmes marins. Les besoins en termes de formation, du marin-pêcheur à l’étudiant, ne le sont pas moins.

Un autre axe d’amélioration de la gestion des ressources réside dans la promotion de techniques de pêche plus sélectives, afin de réduire au maximum les captures non commercialisables ou non viables. La nécessaire gestion de la ressource est globalement comprise des pêcheurs, mais des contraintes sont d’autant plus difficilement acceptées que la fin des aides à la construction gèle la diffusion des innovations.

Par ailleurs, l’aquaculture, production animale ou végétale en milieu aquatique, qu’elle soit pratiquée en bord de mer, en rivière, ou en étang, constitue une réponse à l’accroissement de la demande en poisson et à la surpêche. Elle fournissait, en 2008, 76,4 % des poissons d’eau douce, 46,4 % des crustacés et 2,6 % des poissons d’eau de mer consommés par l’homme ; elle a constitué cette même année une production de 68,3 millions de tonnes de poisson alors qu’au début des années 1950, la production mondiale s’élevait à moins d’un million de tonnes. (8)

Enfin, à moyen terme, il est nécessaire de s’orienter vers une approche écosystémique des pêches, application du principe de développement durable au domaine de l’exploitation des ressources et des écosystèmes marins. Cela implique de dépasser la gestion traditionnelle par stock mono-spécifique, pour intégrer dans l’analyse et le diagnostic les autres espèces, (y compris les espèces non commerciales et non évaluées), mais aussi les interactions entre les espèces, les habitats et le changement global.

Soumise aux aléas climatiques et écologiques, fortement dépendante du prix de l’énergie, la pêche a été marquée ces dernières années en France et en Europe par un déclin tant de la flotte que de l’emploi, et ce dans un contexte où le coût élevé du carburant oblige les pêcheurs à rentabiliser toute sortie en mer en pêchant parfois plus que ce qui serait nécessaire Il est à cet égard urgent de renouveler les navires pour sauver la pêche européenne et la pêche française. En effet, la flotte de pêche vieillit et il ne se construit presque plus de navires neufs. Or, cette situation a des conséquences en matière de sécurité, de conditions de vie à bord, de performances économiques et de consommation d’énergie. (9)

La réduction de la flotte a constitué un objectif affiché de la politique commune de la pêche. En effet, la gestion de la capacité de la flotte a été utilisée comme outil d’exploitation durable des ressources halieutiques.

La flotte de l’Union européenne est très variée, allant de bateaux de moins de 6 mètres jusqu’à plus de 75 mètres. En vertu du droit de l’Union européenne, la capacité totale de la flotte de pêche ne peut pas augmenter, et si des fonds publics sont alloués au déclassement d’un bateau de pêche, la capacité correspondante ne peut pas être remplacée, ce qui signifie que la réduction de la capacité de la flotte avec financement public doit être permanente.

Au cours des vingt dernières années, la capacité de la flotte de pêche de l’Union européenne a diminué à un rythme annuel moyen de 2 % par an, et malgré les élargissements de 2004 et 2007, le nombre de bateaux en septembre 2011 s’élevait à 83 014, soit 23 715 de moins qu’en 1995. La France représentait à cette même date 8,7 % de la flotte, la Grande-Bretagne 7,8 %, le Portugal 10,11 %, l’Espagne 12,9 %, l’Italie 15,9 %, et la Grèce 20,7 %. (10)

Il est à noter que d’un pays à l’autre, les modalités de comptage des navires et la diversité des tailles de navires considérés ne permettent pas une analyse comparée et affinée de la situation. La grille de lecture étant biaisée, la capacité de pêche d’un État n’est donc pas systématiquement corrélée au nombre de navires recensés.

Le même type de restructuration, du fait de la mise en place annuelle des TAC et de l’intensité des plans de sortie de flotte, a eu cours au niveau national. Le nombre d’entreprises de pêche a fortement diminué depuis 2006, à hauteur de
- 15 %, après une phase de croissance entre 2001 et 2006 (+10 %). Cette réduction a principalement affecté le Golfe de Gascogne, dont le nombre d’entreprises a chuté de 12 % sur la période. De même, les effectifs de la flotte française ont diminué de 20,7 % en dix ans, là aussi principalement dans le Golfe de Gascogne (-28,9 % sur la période 2001-2010), mais aussi la Bretagne (-16,1 %) et la Manche-Mer du Nord (-18,9 %). Les navires compris entre 12 et 24 mètres et les plus de 40 mètres ont été les plus fortement touchés, tandis que les navires compris entre 10 et 12 mètres ont été touchés dans une moindre mesure. À l’heure actuelle, les petits segments restent les plus nombreux, la flotte française étant composée à 73 % de navires de moins de 12 mètres. ( 11)

En 10 ans, les débarquements ont diminué de 25 %, et les importations ont augmenté de 50 %. La situation de la pêche française s’est relativement améliorée à partir de 2009 par un regain des captures, sauf en Méditerranée, et une amélioration des prix ; mais le retour d’un prix du gazole très élevé, autour de 0,74c/l, compromet cette courte embellie.

La conchyliculture commercialise 160 000 tonnes, dont 84 000 tonnes d’huîtres et 70 000 tonnes de moules ; elle concerne 3 000 entreprises employant 9 300 équivalent temps-plein. La mortalité des naissains d’huîtres, observée depuis 2009 pour des causes multifactorielles que les scientifiques peinent à caractériser, a fait reculer la commercialisation de 40 %. Les prix ont augmenté de 40 % à la production et 30 % au détail. Les aides publiques, reconduites depuis quatre ans, ont permis de sauvegarder les structures de production.

Les 330 pisciculteurs produisent 50 000 tonnes dont 35 000 tonnes de truite. La directive cadre pour l’eau et surtout les conflits d’occupation du littoral ont bloqué depuis longtemps son développement alors que la production se développe partout ailleurs dans le monde.

En outre, les filières pêche et aquaculture françaises se plaignent d’un manque de compétitivité lié à un différentiel de contraintes réglementaires environnementales, sanitaires et sociales y compris internes à l’Union Européenne (12), alors même que les prix de vente des poissons payés aux pêcheurs ne sont pas suffisamment élevés et que la valorisation de la ressource est insuffisante.

La pêche demeure une activité économiquement importante pour certains ports et certaines régions littorales, notamment la Bretagne, le Nord-Pas-de-Calais, ou les départements et territoires d’Outre-Mer.

Bien que la filière halieutique française ait su se moderniser, elle a été confrontée aux conséquences de la surpêche mondiale (dégradation des stocks et quotas), et le nombre de marins-pêcheurs a diminué, notamment dans le secteur artisanal, sans être compensé par les créations d’emplois de la pêche industrielle. En 2007, 25 215 marins-pêcheurs français travaillaient à 87 % sur des navires immatriculés en métropole (dont 28 % immatriculés en Bretagne) pour un équivalent de 6 571 214 jours travaillés (soit 260 jours par emploi pour l’année 2007 en moyenne) ; 74 % de ces marins avaient navigué 6 mois et plus, et 15 % occasionnellement (moins de 3 mois pour l’année 2007). La répartition des emplois par région d’immatriculation a peu varié pour ceux qui ont navigué 3 mois ou plus, mais de 1999 à 2007 ce secteur a perdu environ 10 % de ses emplois (en métropole pour les postes non occasionnels) avec des différences régionales fortes (+ 42 % de 1999 à 2007 en Aquitaine, à - 31,9 % en Poitou-Charentes et presque stable en Languedoc-Roussillon (-4,2 %). (13)

La pêche conserve toutefois un poids socioéconomique fort dans certaines régions littorales. Elle a un rôle éminent dans la structuration des territoires, et demeure un élément fort de l’identité des territoires maritimes sur toutes les façades du littoral. Par exemple, en Cornouaille, dans le sud-Finistère, outre les 475 navires et les 2 000 marins, la filière des produits de la mer, avec plus de 550 entreprises et 8 000 emplois, constitue 8,5 % de l’emploi salarié.

La structuration de la profession n’est pas chose aisée, car celle-ci se caractérise par une grande diversité. Beaucoup de bateaux débarquent hors criée et n’appartiennent pas à une organisation professionnelle. En outre, les passerelles au sein de la filière sont rares et il y a peu de lien entre le marché et la pêche, contrairement à ce qui existe dans d’autres secteurs de l’agroalimentaire.

Les organisations de producteurs sont un maillon déterminant de la pêche, et l’essentiel des captures (85 %) est contrôlé par 18 organisations de producteurs (OP). Les organisations de producteurs, tournées vers la gestion des ressources, n’ont toutefois pas, sauf exception, investi l’aval comme ont su le faire les organisations de producteurs de l’industrie agroalimentaire. Un grand mouvement de fusion des OP pêches est actuellement amorcé pour un regroupement par façade maritime, avec pour objectif de mieux structurer leur offre, en offrant notamment des garanties environnementales et de qualité.

Les 38 halles à marée, gérées par des collectivités et des chambres de commerce et de l’industrie (CCI), organisent la première mise en marché. La vente à la criée, qui représente les deux tiers des ventes, induit de fortes amplitudes de volumes et de prix.

Les mareyeurs (300 PME d’importance inégale représentant 4 600 emplois) doivent être agréés et avoir déposé des cautions garantissant le paiement aux pêcheurs pour acheter en criée. Parmi eux, vingt-cinq entreprises de plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires font 50 % de l’activité.

Le secteur de la transformation compte 300 entreprises en activité principale pour 3,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en produits aquatiques ; il emploie 15 600 personnes. Parmi ces 300 entreprises, 16 % ont un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros et représentent 80 % du chiffre d’affaires du secteur.

Les grandes et moyennes surfaces représentent 60 % de la distribution ; elles se tournent d’abord vers l’importation, souvent moins chère. Les 2 900 poissonniers indépendants emploient 7 400 personnes, qui se concentrent dans les régions côtières.

La création en mars 2010 de l’association privée « France Filière Pêche », a pour objectif d’initier une structuration de la filière pour mettre en place des outils de promotion de la pêche française et améliorer la valeur ajoutée pour l’ensemble de la filière, la finalité étant de restaurer une segmentation positive de la production française sur les étals.

De même, le lancement de la « Plateforme Petite Pêche Artisanale Française » devrait être de nature à aider à structurer le secteur. Avec l’adhésion de plusieurs associations et syndicats représentatifs de la petite pêche et des pêcheurs artisans intervenant à titre individuel, la Plateforme Petite Pêche représente déjà plus de 500 armements sur les façades Méditerranée, Atlantique et Manche. Son objectif est de rassembler les professionnels soucieux de la sauvegarde de cette catégorie de flotte, qui est perçue comme souvent mise de côté. La plateforme a des revendications claires :

– un accès préférentiel aux quotas et aux droits de pêche : une part équitable des droits de pêche serait isolée au profit du segment de la petite pêche artisanale, basée sur des critères environnementaux, sociaux et territoriaux ;

– une priorité d’accès à la bande côtière : avec un renforcement des systèmes de gestion traditionnels, une application stricte des réglementations existantes et un renforcement des réglementations permettant de limiter dans la bande côtière les techniques de pêche impactant le plus l’environnement ;

– une juste représentation dans les instances professionnelles ;

– une réglementation adaptée aux spécificités de la profession ;

– une prise en compte de la polyvalence de la profession, avec un soutien de la part des politiques publiques ;

– et, enfin, la création d’un label « petite pêche ».

La démarche de la plateforme n’est pas isolée au niveau européen, comme en atteste le premier congrès de la pêche artisanale qui a réuni en novembre 2012 les organisations de neuf pays européens (Grande-Bretagne, France, Grèce, Pays-Bas, Allemagne, Croatie, Pologne, Espagne, Belgique), représentant plus de 3 000 entreprises.

II.— RÉFORMER UNE POLITIQUE COMMUNE DE LA PÊCHE QUI PEINE À ATTEINDRE SES OBJECTIFS

Inscrite aujourd’hui à l’article 38 TFUE, la politique commune sur la pêche est mentionnée dès le Traité de Rome. Elle est insérée dans le titre II relatif à la politique agricole commune (PAC), à l’article 38.1 qui énonce que « par produits agricoles, on entend les produits du sol, de l’élevage et de la pêcherie». Les objectifs sont alors les suivants : accroître la productivité, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

Une identité séparée va progressivement apparaître devant la nécessité de mener une politique sectorielle pleine et entière.

En 1970, le Conseil adopte ainsi plusieurs règlements portant sur le droit d’opérer dans les eaux d’un autre État membre, l’organisation commune des marchés (avec la mise en place d’un tarif extérieur commun et de normes communes pour la commercialisation), et l’accès aux aides financières accordées par la Communauté pour la modernisation du secteur.

Ces actes vont mettre en place une véritable politique structurelle communautaire relative à la pêche en la dissociant de la PAC et en portant création d’une Organisation commune des marchés pour les produits de la pêche.

L’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark à la Communauté européenne en 1972 va profondément bouleverser la politique communautaire sur la pêche, ces pays disposant d’une flotte de taille conséquente et d’une production importante. La conséquence la plus notable sera l’abandon du principe fondamental de la liberté d’accès à la mer, consacré par le traité de Rome, et l’extension de la zone de droits exclusifs de pêche côtière de 12 à 200 000 milles nautiques.

La nécessité pour la Communauté de traiter des problèmes spécifiques liés à la pêche, tels que l’accès aux ressources communes, la préservation des stocks, les mesures structurelles applicables à la flotte de pêche et les relations internationales, apparaît progressivement.

Les États membres étant convenus de confier la gestion de leurs ressources halieutiques à la Communauté européenne, le Conseil adopte, en 1983 et après plusieurs années de négociation, le règlement CEE n° 170/83 établissant la politique commune de la pêche (PCP).

Ce règlement consacre l’engagement à l’égard des zones économiques exclusives (ZEE) et établit le concept de stabilité relative, selon lequel les droits de pêche dans les eaux de l’Union européenne sont accordés aux États membres en fonction de l’ancienneté des activités de pêche. Il prévoit également des mesures conservatoires de gestion basées sur les totaux admissibles de captures (TAC) ; décidés chaque année par le Conseil des ministres sur proposition de la Commission, ceux-ci spécifient les quantités de poisson de chaque espèce pouvant être pris et débarqués chaque année. Ces quotas s’appliquent aux stocks de l’Atlantique Nord, de la mer du Nord et de la mer Baltique ; la Méditerranée n’est pas concernée par ces quotas, à l’exception du thon rouge, et la régulation se fait par limitation de l’effort de pêche. La PCP prévoit en outre d’autres mesures comme la réglementation des matériels de pêche, les interdictions temporelles ou géographiques de pêche, ou encore les tailles minimales de prises.

L’Europe bleue est devenue une politique à part entière. Ses objectifs affichés sont de prévenir la surpêche, de garantir aux pêcheurs des moyens d’existence pérennes, d’approvisionner les transformateurs et les consommateurs de manière régulière en volume et en niveau de prix, d’améliorer la préservation et la gestion des ressources, et d’assurer un développement équilibré des territoires.

La PCP doit s’adapter par la suite au retrait du Groenland de la Communauté en 1985, à l’adhésion de l’Espagne et du Portugal en 1986, et à la réunification de l’Allemagne en 1990, trois événements majeurs qui ont tous eu un impact sur la taille et la structure de la flotte communautaire et sa capacité de capture.

La première réforme de la PCP intervient en 1992 et vise à rechercher une meilleure adéquation entre la capacité de la flotte et la ressource halieutique.

Le réexamen prévu par le règlement de 1983 aboutit en effet, le 20 décembre 1992, à son remplacement par le nouveau règlement 3760/92 qui détermine la politique de la pêche jusqu’à 2002. Ce nouveau règlement, tout en maintenant les grands axes de la politique précédente, essaie de répondre au grave déséquilibre entre la capacité de la flotte et les possibilités de capture. En effet, la Commission a pris conscience au début des années 1990 de l’importante surcapacité de la flotte communautaire et des graves difficultés engendrées dans la méthode de gestion des stocks. Le remède préconisé est la réduction de la flotte communautaire, avec l’instauration progressive de licences pour les pêcheurs, accompagnée de mesures structurelles pour atténuer les conséquences sociales.

Mais cette politique de réduction de la flotte ne va pas produire les effets escomptés.

De fait, dès 2001, la Commission dresse un constat d’échec dans l’accomplissement des objectifs énoncés dans le règlement de 1992. Selon elle, la PCP « n’a pas permis d’atteindre l’objectif visé, à savoir une exploitation durable des ressources ». Elle pointe les « nombreux stocks dont le volume s’établit en deçà des limites biologiques raisonnables » ainsi que la « capacité bien supérieure à celle nécessaire pour pratiquer une pêche durable » des flottes communautaires.

La Commission se montre pessimiste, et souligne une « fragilité économique découlant d’un surinvestissement, d’une augmentation rapide des coûts et d’un amenuisement de la ressource, évolution que reflète la rentabilité médiocre et une régression constante de la flotte ».

Elle souligne en outre que les objectifs de la PCP peuvent se révéler contradictoires, voire incompatibles ; c’est le cas de l’objectif de modernisation des moyens de production et celui de la limitation des efforts de pêche, ou bien de celui du maintien de l’emploi et de celui de réduction de la capacité de la flotte.

De nouvelles orientations visant la modification de la politique structurelle de la pêche sont introduites dans le cadre de l’agenda 2000, avec comme objectif de préciser les priorités politiques et le cadre d’intervention de l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP) pour la période 2000-2006. La Commission souhaite que la PCP parvienne à contribuer à l’équilibre durable entre les ressources halieutiques et leur exploitation, à renforcer la compétitivité des structures d’exploitation et le développement d’entreprises viables, à valoriser les produits de la pêche et de l’aquaculture, et à revitaliser les zones dépendantes de ces secteurs.

C’est dans ce contexte qu’intervient la réforme de 2002 de la PCP, qui fait de la lutte contre la surcapacité de la flotte européenne un objectif prioritaire. Celui-ci se traduit notamment par l’introduction de la notion d’« effort de pêche », qui vise à rétablir puis à maintenir l’équilibre entre les ressources accessibles disponibles et les activités de pêche.

La réforme de 2002 prend la forme de trois règlements adoptés par le Conseil en décembre 2002 et entrés en vigueur le 1er janvier 2003 :

– le règlement-cadre (CE) n° 2371/2002 relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques (abrogeant ainsi les règlements (CEE) n° 3760/92 et n° 101/76) ;

– le règlement (CE) n° 2369/2002 définissant les modalités et conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche, modifiant le règlement (CE) n° 2792/1999 ;

– le règlement (CE) n° 2370/2002 relatif à l’établissement d’une mesure communautaire d’urgence pour la démolition des navires de pêche.

L’objectif affiché de la Commission est d’intégrer de façon équilibrée les aspects environnementaux, économiques et sociaux, comme convenu dans le cadre de la politique communautaire de développement durable. Le principe de précaution fait son entrée dans « l’Europe bleue ».

La PCP se voit en outre assigner comme objectif d’assurer durablement l’avenir du secteur de la pêche, en cherchant à garantir des revenus et des emplois stables pour les pêcheurs, tout en préservant l’équilibre fragile des écosystèmes marins et l’approvisionnement des consommateurs. Cela se traduit notamment en 2005 par une réorientation des aides publiques en faveur de la flotte, celles-ci n’étant plus affectées à la construction de nouveaux navires mais à l’amélioration de la sécurité, des conditions de travail à bord, de la qualité des produits, de la mise en place de techniques de pêche plus sélectives ou de systèmes de contrôle des navires par satellite (VMS).

Les taux admissibles de capture (TAC) sont remis à plat par espèce et par zones de pêche. Le « déchirage » des flottilles est mis en place, ce qui signifie que des aides sont octroyées afin de réduire la capacité de la flotte européenne.

La réforme de 2002 prévoit également :

– la gestion à long terme des activités de pêche et, si nécessaire, des mesures d’urgence ;

– des mesures socio-économiques pour soutenir l’industrie dans la période de transition ;

– l’accès aux eaux et aux ressources ;

– des contrôles plus efficaces, transparents et équitables ;

– une participation plus directe et accrue des pêcheurs aux prises de décision qui les concernent.

Autres changements importants, le Fonds européen pour la pêche (FEP) remplace l’Instrument Financier pour l’Orientation de la Pêche (IFOP) après avoir été adopté le 19 juin 2006 par le Conseil des ministres de l’UE pour sept ans (2007-2013), tandis qu’une Agence Communautaire de Contrôle des Pêches (ACCP) est mise en place en 2007, avec pour mission de faire appliquer la réglementation de manière plus efficace et homogène, ce qui n’est manifestement pas toujours le cas, les pratiques n’étant pas uniformes entre les pays

Dès 2003, l’Académie des sciences remarquait dans son rapport que « dans l’incapacité d’ajuster les capacités de production au potentiel de renouvellement des stocks halieutiques, les autorités européennes ont renoncé depuis une dizaine d’années à l’objectif de maximisation de la production durable pour s’en tenir, en application du principe de précaution, à une limite de sécurité en deçà de laquelle la survie des stocks serait mise en péril ». (14)

Cinq années plus tard, le rapport du sénateur M. Marcel-Pierre Cleach15 parle d’une « réforme inaboutie », notamment du fait que « malgré ces évolutions et le fait que la réforme ait sans doute empêché une évolution catastrophique des pêcheries, il est clair que la plupart des problèmes identifiés persistent en 2008 ».

De fait, si la PCP a bien abouti à faire diminuer l’emploi et le nombre de bateaux, elle n’a pas pour autant diminué la capacité de capture de la flotte européenne, laquelle a bénéficié des gains de productivité offerts par le progrès technique. L’état des stocks est donc demeuré préoccupant, ce qui signifie qu’ils sont susceptibles de ne plus pouvoir se régénérer.

La mise en place de mesures de conservation, loin de préserver parfaitement la ressource halieutique, a aussi abouti à exacerber la concurrence entre les pêcheurs, et entre les pays de l’Union européenne, et ce d’autant plus que selon le principe de la stabilité relative, les quotas de pêche sont attribués sur la base de ce qui a été pêché par le passé par zone et par espèce.

La Commission européenne a adopté, le 21 avril 2009, un livre vert sur la réforme de la politique commune de la pêche, dans lequel, reconnaissant l’échec de la réforme de 2002 de la PCP, elle mettait en exergue cinq problèmes structurels :

– la surcapacité des flottes ;

– des objectifs stratégiques flous se traduisant par un manque d’orientations pour la prise de décision et la mise en œuvre ;

– un mécanisme décisionnel qui encourage une vision à court terme ;

– un cadre qui ne responsabilise pas suffisamment le secteur ;

– un manque de volonté politique pour faire respecter la réglementation et un faible respect de cette réglementation par le secteur.

L’une des conséquences de l’échec de la PCP est que 88 % des populations de poissons seraient pêchés au-delà de leur seuil durable maximum, et 30 % sont surpêchés, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas le temps de se renouveler. De plus, les marins-pêcheurs européens connaissent une situation durable de crise.

Puis, le 13 juillet 2011, suite aux résultats de la consultation lancée en 2009 sur son livre vert, la Commission a présenté un ensemble de mesure visant à réformer la PCP, afin de mieux la préparer « à l’avenir » mais également à l’inscrire dans la Stratégie Europe 2020.

De son côté, la Cour des comptes européenne a constaté des insuffisances importantes. Dressant un constat sévère (16), elle a ainsi estimé que :

– le cadre instauré pour les mesures visant à assurer un équilibre entre la capacité de pêche et les possibilités de pêche existantes, ainsi que la conception et la mise en œuvre desdites mesures n’est pas satisfaisant ;

– les définitions existantes en ce qui concerne la capacité de pêche ne reflètent pas de manière adéquate la capacité de capture des navires ;

– les plafonds n’imposent pas de restrictions réelles concernant la capacité de pêche ;

– bien que l’adaptation de la capacité de pêche aux possibilités de pêche soit l’une des pierres angulaires de la PCP et du FEP, la surcapacité de pêche n’a été ni définie ni quantifiée ;

– enfin, les États membres n’ont pas contribué à mettre en place, dans le cadre de la PCP, des mesures efficaces pour adapter la capacité de leurs flottes de pêche aux possibilités de pêche.

De fait, la PCP s’est construite sur des bases implicites erronées, traitant de la pêche comme d’une activité productrice, avec une issue de l’exploitation de stocks. Or, plus qu’une production, il s’agit d’une activité de cueillette. Par ailleurs, les mesures ont été prises loin des acteurs de terrain, et avec une vision de court terme ou de moyen terme en contradiction avec le temps de régénération de la ressource halieutique, qui est, lui, de long terme.

En outre, la mise en commun des zones économiques exclusives (200 milles nautiques) des États membres accompagnée du principe de libre accès, et les zones les plus riches ont attiré de nombreux bateaux. Il en est résulté une exploitation dépassant largement dans ces zones le rendement maximal nécessaire à la reproduction des ressources : la logique individuelle l’a emportée sur la logique collective. Selon Greenpeace, « cette course aux poissons est un manque à gagner économique pour la collectivité (la somme des revenus individuels étant inférieure au revenu global qui pourrait être retiré si la pêche était bien gérée), et un manque à gagner social (l’activité se réduisant avec la baisse des débarquements, moins d’emplois sont créés). Mais c’est aussi un manque à gagner écologique (l’exploitation intensive diminuant la productivité biologique des écosystèmes marins et affectant leur équilibre) ». (17)

Sur la base de ces constats, la Commission européenne a présenté, le 13 juillet et le 2 décembre 2011, un ensemble de propositions de textes.

Le 13 juillet 2011, ont été présentés :

– une communication générale sur la réforme de la PCP ;

– une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la Politique commune des pêches (le « règlement de base »). Cette proposition est destinée à remplacer l’actuel règlement (CE) n° 2371/2002 du 20 décembre 2002 sur la conservation et l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la Politique commune des pêches [COM (2011) 0425 final ; E 6449] ;

– une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant organisation commune des marchés dans la pêche et l’aquaculture, destinée à remplacer l’actuel règlement (CE) n° 104 du 17 décembre 1999 portant organisation commune des marchés dans les produits halieutiques et aquacoles [COM (2011) 0416 final ; E 6448].

– une communication de la Commission au Parlement européen et du Conseil sur la dimension extérieure de la politique commune de la pêche ;

– un rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur certaines obligations en application du règlement (CE) n° 2371/2002 du 20 décembre 2002 sur la conservation et l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune des pêches ;

– des études d’impact des propositions législatives.

Les points clés de cette proposition de réforme sont l’interdiction des rejets, la fondation de la nouvelle politique sur le rendement maximal durable, la régionalisation de la politique commune de la pêche et l’instauration de concessions de pêche transférables.

Par la suite, le 2 décembre 2011, a été présentée la proposition relative au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) [COM (2011) 804 final ; E 6897]. Elle constitue le volet budgétaire du paquet sur la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) dont les autres volets ont été présentés le 14 juillet dernier, et concernera la période 2014-2020.

Cette proposition vise à regrouper dans un règlement unique les règles de financement concernant :

– le volet interne de la PCP, en gestion partagée, qui recouvre non seulement les mesures de soutien à la pêche, l’aquaculture et le développement communautaire local, mais aussi, par extension, l’organisation commune de marché, y compris la compensation pour les régions ultrapériphériques. Cela couvre également le financement d’une partie des coûts des mesures de contrôle, d’inspection et d’application ainsi que la collecte des données, tant pour les conseils scientifiques qu’à des fins de mise en œuvre et de contrôle ;

– le volet externe de la PCP, en gestion directe, c’est-à-dire les contributions volontaires aux Organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP), Conseils consultatifs régionaux (CCR) et certains coûts relatifs aux contrôles, à la collecte des données et à l’assistance technique. Le FEAMP ne traite donc pas ni des contributions obligatoires aux ORPG, ni des contreparties financières des accords de pêche durables avec des pays tiers ;

– la politique maritime intégrée (PMI), en gestion directe, qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre d’actions intersectorielles pour avoir une démarche coordonnée des différentes politiques de gestion des activités maritimes (planification de l’espace maritime et gestion intégrée des zones côtières, surveillance maritime, transports, énergie, pêche, recherche, tourisme, environnement, etc.). La PMI est notamment organisée autour d’une approche stratégique par grands bassins maritimes (espace Atlantique, mer du Nord, Méditerranée, etc…).

Le FEAMP comporte en outre les règles de programmation du fonds, avec un renvoi pour une large part au projet de règlement horizontal en cours de négociation, qui prévoit des dispositions relatives à la gestion partagée des fonds de l’Union avec les États membres ainsi que dispositions concernant les organismes accrédités et les principes budgétaires horizontaux (conditionnalité, réserve de performance, etc…).

Outre ce règlement portant cadre général, la proposition sur le FEAMP comporte des dispositions spécifiques compte tenu des particularités de la PCP et de la PMI. Le respect de certaines conditionnalités ex-ante générales est ainsi mis en avant insistant sur la capacité administrative de se conformer aux exigences de collecte de données pour la gestion des pêches et la mise en œuvre d’un système de contrôle efficace.

La proposition rappelle les objectifs du traité concernant la PCP (productivité accrue, niveau de vie équitable pour le secteur de la pêche, marchés stables, disponibilité des ressources et livraisons aux consommateurs à des prix raisonnables) mais elle insiste particulièrement sur la nécessité de mieux intégrer les préoccupations environnementales dans la PCP, qui doit réaliser les objectifs et les cibles de la politique environnementale de l’Union et la stratégie Europe 2020.

La pêche en Méditerranée

 

Couvrant une surface totale de 2.5 millions de km, la Méditerranée est une mer très diversifiée au niveau des espèces piscicoles qui s’y trouvent, avec plus d’une centaine d’espèces commerciales, et 700 000 tonnes de poissons y sont pêchées chaque année. Souvent considéré un produit de luxe, ce poisson se vend à haut prix sur les différents marchés mondiaux, du fait de la qualité des produits (réputés comme étant frais et sauvages) mais également par la diversité des espèces. De plus, les zones littorales de la Méditerranée sont tout particulièrement favorables à l’aquaculture.

 

Pourtant, si la Méditerranée est un acteur à bilan économique positif, la situation concernant son évolution peut être alarmante. La pêche sur cette zone, à cause d’un manque d’unicité juridique et d’un manque de contrôle, est quantitativement peu estimée. En outre, les problèmes halieutiques de la Méditerranée son peu connus des biologistes alors même que le bilan écologique de cette région mériterait une attention particulière.

 

• La Méditerranée sur le plan juridique : normes nationales et règles internes à l’Union européenne

 

La Méditerranée est considérée comme une mer fermée ou semi-fermée (article 122 de la convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer), sans zone économique exclusive déclarée. Les différentes législations nationales y sont appliquées ainsi que le droit de la Haute mer. Ce millefeuille législatif oblige les États à coopérer entre eux et à respecter la réglementation juridique internationale de la pêche. Les États disposent ainsi d’une totale liberté sur les 12 milles marins à partir de leurs côtes, suivie d’une zone dite contiguë (12 milles à nouveau) servant de zone-tampon. Dans les océans, des ZEE ont ensuite été définies et s’appliquent à partir des 24 milles de la côte et pendant 200 milles ; dans cette zone, l’État côtier peut réglementer l’activité de pêche, notamment fixer le volume autorisé des captures. La Méditerranée étant un petit espace maritime, les ZEE n’ont pas été définies.

De plus, la pêche en Méditerranée est réglementée par deux organisations régionales de gestion de la pêche, la Commission Générale des pêches en Méditerranée (CGPM), qui exerce une compétence générale sur la gestion des ressources halieutiques au sein de la Méditerranée, et la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (CICTA) qui s’occupe notamment de la gestion des quotas de thon rouge.

 

La conservation des ressources halieutiques en Méditerranée a été l’objet de plusieurs textes législatifs au sein de l’Union européenne, notamment en 1993 et 2006, et un nouveau règlement, le règlement 2011/0218, « exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée : alignement du règlement au TFUE », est actuellement en cours d’adoption Adopté le 16 janvier 2013 par le Parlement européen, son objectif est de recenser les compétences nécessaires à la mise en œuvre d’une exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée et de les mettre à la disposition de la Commission (18). Certaines prérogatives seront donc cédées à la Commission qui disposera désormais de la possibilité :

- d’octroyer des dérogations ;

- d’adopter les critères applicables pour la définition et l’attribution des routes maritimes empruntées par les navires de pêche dans les zones entourant Malte dans un rayon de 25 milles ;

- d’adopter des modalités d’établissement des spécifications techniques pour les « panneaux à maille carré » des filets de pêche ;

- d’adopter les précisions techniques pour les dimensions de ralingue de flotteur, les câbles de fonds, la circonférence et le périmètre des chaluts, le nombre de filets, etc.

 

Ce nouveau règlement témoigne de la volonté d’écarter les interprétations nationales pour laisser plus de place à une politique communautaire de la pêche en Méditerranée. En effet, il donne le droit à la Commission d’adopter des actes délégués si les mesures prises par les États membres ne sont pas considérées comme satisfaisantes. La délégation de tels pouvoirs devrait toutefois être limitée dans le temps à un laps de trois ans pour permettre une évaluation régulière de ce règlement.

 

• Quel avenir halieutique pour la Méditerranée : perspectives françaises et internationales

 

Les captures faites en Méditerranée sont réparties en plusieurs catégories : les ressources démersales, c’est-à-dire les espèces évoluant à proximité du fond de mer, majoritairement constituées de mollusques, représentent environ 40 à 45 % des prises. Les ressources pélagiques, petites ou grandes espèces évoluant en pleines eaux, représentent également 45 % des prises, le reste étant considéré comme des espèces non identifiées.

Le constat d’une exploitation absolument complète des ressources halieutiques et particulièrement des ressources démersales, s’explique par l’évolution des rendements, due à une amélioration des techniques de pêche, mais également par la réduction des tailles des poissons. Les stocks de petit pélagiques sont soumis à de fortes variations d’une année sur l’autre, notamment pour des raisons environnementales, et sont considérés comme pleinement exploités, particulièrement pour les anchois qui sont extrêmement demandés en Méditerranée. Les stocks de grands pélagiques, contenant notamment les thons rouges, sont de même suffisamment, voire trop, exploités (19).

Le chiffre d’affaires de la pêche en Méditerranée a été estimé à 5 150 millions d’euros en 1995. La manne économique de la pêche en Méditerranée et la surexploitation des stocks a poussé les pays méditerranéens à s’intéresser à l’aquaculture. Entre 1985 et 1995, la contribution de l’aquaculture à la production totale est passée de 7,2 % à 18,4 %, représentant alors 14 % du chiffre d’affaire total de la pêche en Méditerranée. Dans ce domaine, la France est par ailleurs leader.

DEUXIÈME PARTIE : MALGRÉ UN RELATIF ACCORD SUR LE DIAGNOSTIC PLUSIEURS ASPECTS CLÉS DE LA RÉFORME FONT L’OBJET DE PROFONDS DÉSACCORDS INSTITUTIONNELS

I.— UN ACCORD PARTIEL SUR LE DIAGNOSTIC ET SUR UNE PARTIE DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION

La surexploitation des mers constitue un phénomène mondial qui a été décrit dans la première partie du rapport. Ce problème est à la fois environnemental et économique, puisque l’accès des marins aux poissons est plus difficile. La réforme de la politique commune de la pêche proposée par la Commission européenne dans son paquet législatif du 13 juillet 2011 vise donc à inverser la tendance en inscrivant la durabilité comme objectif prioritaire.

Il faut néanmoins souligner en préambule que d’autres facteurs que la pêche ont également un impact significatif, mais difficile à mesurer, sur la variation des stocks. Cet aspect a sans doute été insuffisamment mis en avant par la Commission européenne, dont la vision a semblé mettre en accusation des « pêcheurs-pilleurs ». Or, la moindre défaillance dans la chaîne trophique, les prédateurs naturels, la compétition entre les espèces ou encore le changement climatique et les pollutions marines et estuariennes de toutes sortes peuvent avoir une réelle influence sur l’évolution des stocks.

Le paquet PCP propose une réforme d’ampleur mais le débat s’est principalement orienté sur trois des propositions de la Commission européenne :

– Atteindre le rendement maximum durable en 2015 pour tous les stocks ;

– Interdire tous les rejets selon un calendrier très rapide entre 2014 et 2016 ;

– La mise en place de concessions de pêche transférable (CPT) d’un navire à l’autre d’ici fin 2013.

À l’exception de la proposition sur les CPT, ce sont les mesures concrètes et le calendrier envisagés pour les atteindre, qui ont fait l’objet de critiques.

La Commission européenne n’a par ailleurs pas pris en compte les pêcheurs plaisanciers qui prélèvent de manière non négligeable sur certains stocks, comme le bar.

Enfin, le diagnostic de la Commission aurait pu mettre davantage en lumière l’impact néfaste de la pêche illicite non déclarée et non réglementée (INN) sur le déclin des stocks de poisson et la destruction des habitats marins. En effet, à l’échelle mondiale, la pêche INN revêt de nombreuses formes, tant dans les eaux nationales qu’en haute mer. Sans pouvoir mesurer avec précision son importance, le rapport du Conseil économique, social et environnemental estime qu’elle représente environ 30 % de l’ensemble des activités de pêche menées dans le monde entier (20).

L’organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture existe depuis 1970.

Cette OCM vise à garantir la stabilité de ce marché, à assurer aux consommateurs leur approvisionnement avec des produits de qualité à des prix raisonnables et à soutenir le revenu des pêcheurs. Pour cela, elle s’appuie sur trois outils : des normes de commercialisation et d’information du consommateur, fixant notamment des règles d’étiquetage, la possibilité, et même l’encouragement, pour les producteurs de constituer des organisations de producteurs (OP) qui aident leurs membres à planifier leur production et à élaborer un régime de soutien des prix, qui fixe un prix minimum pour certains produits et fournit une aide financière en cas de retrait de produits du marché. De plus, l’OCM comprend un volet externe qui concerne les échanges commerciaux avec les pays tiers.

Cette OCM pour les produits de la pêche est cependant moins structurante que celle qui existe dans le secteur agricole : seule 20 % de la production totale de la pêche européenne est couverte.

En outre, malgré l’importance des objectifs visés, l’Union européenne a progressivement réduit les moyens consacrés à la gestion du marché, qui ont été plus que divisés par deux entre le début des années 1990 et la décennie suivante pour passer de 30 millions d’euros par an à 13 millions d’euros environ, ce qui ne représente actuellement que 0,2 % de la valeur de la production du secteur (8 milliards d’euros)21. Plus de la moitié des dépenses de l’OCM concerne en réalité les régions ultrapériphériques (RUP).

La pêche dans les Régions Ultrapériphériques (RUP)

La situation de la pêche dans les RUP

Les Régions ultrapériphériques (RUP) sont des territoires qui appartiennent à l’Union européenne et qui se situent en dehors du continent européen. Reconnus pour la première fois dans une déclaration annexée au Traité de Maastricht (1992), elles sont définies depuis 2009 à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui y précise la façon dont le droit européen peut y être adapté, compte tenu de leur « situation économique et sociale structurelle (…) aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits. » Ces régions sont la Guadeloupe, la Guyane française, la Martinique, la Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, les Açores, Madère et les Canaries.

Dans toutes ces régions, la pêche est une activité traditionnelle et essentielle, tant pour l’équilibre socio-économique que pour l’aménagement des territoires. Elle est le plus souvent artisanale et vivrière, comme dans les départements d’outre-mer (DOM) français, mais la réglementation européenne en matière de pêche y a cours sans les adaptations qui seraient nécessaires. En effet, la PCP s’y applique alors que la situation de la pêche, que ce soit en termes de flotte ou de ressource, n’est pas identique à la situation de la pêche dans les eaux européennes. La ressource dans les RUP est en effet abondante et parfois sous-exploitée, tandis que la flotte de pêche y est ancienne et modeste (90 % des bateaux font moins de 12 mètres et la flotte est ancienne, en moyenne de 20 à 25 ans). Hormis la crevette guyanaise qui est sous quota, les espèces pêchées ne relèvent pas du dispositif des TAC et quotas. Alors que la logique de la réforme actuelle de la PCP est de restreindre l’activité de pêche, les RUP, qui ne sont pas concernées par la raréfaction de la ressource, souffrent en outre d’accords commerciaux défavorables passés entre l’Union européenne et certains pays d’Afrique ou du Pacifique, qui attribuent des subventions à ceux que les pêcheurs des RUP considèrent comme leurs concurrents directs.

Les évolutions souhaitées dans le cadre de la réforme de la PCP

Les RUP ne souhaitent pas continuer à s’aligner sur des politiques fondées sur des diagnostics reposant essentiellement sur la situation de la pêche en Europe continentale, et considèrent que ce décalage des normes empêche le développement du secteur marin dans les régions ultrapériphériques.

Fortes de leurs particularités halieutiques, et sur la base de l’article 349 du TFUE - qui prévoit que « le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l’application des traités à ces régions, […] notamment […] les politiques dans le domaine de l’agriculture et de la pêche… » - les RUP réclament l’autogestion de leurs ressources et de leurs stocks. Elles estiment que les retards de développement et de structuration de leurs filières, ainsi que les contextes géographiques, écologiques et de disponibilité des ressources nécessitent la pleine application de l’article 349 du TFUE.

Le système des quotas tel qu’il est appliqué en mer continentale n’est pas satisfaisant pour des zones aux ressources différentes ; les ultramarins souhaitent dès lors renforcer le lien entre pêcheurs et scientifiques pour développer des diagnostics locaux. Les RUP estiment en effet nécessaire de combler les retards en matière de connaissance sur les écosystèmes, les ressources et les activités de pêche. De plus certaines zones, notamment les DOM français, souhaitent la mise en place de zones économiques exclusives (ZEE) qui permettraient une jouissance complète de leur exploitation (comme c’est déjà le cas dans les Açores, aux îles Canaries et à Madère). Les RUP souhaitent en outre que soit prise en compte la différenciation territoriale et que soit donnée aux régions davantage de liberté d’adaptation des mesures et davantage de latitude pour exercer une bonne gouvernance. Cela passe notamment par la création d’un Comité Consultatif Régional spécifique (CCR RUP) qui permettrait aux professionnels de participer à la décision de gestion de la ressource et d’assurer le principe de cohérence dans la politique commune de la pêche. Les RUP souhaitent enfin la mise en place d’aides spécifiques permettant d’acquérir de nouveaux navires ainsi que le développement durable de filières de pêche régionales, notamment par le biais du renforcement des liens entre les différentes régions, afin que celles-ci puissent organiser une défense concertée de leurs intérêts respectifs, ainsi que la mise en place d’un label permettant de définir l’origine des produits et d’améliorer leur traçabilité.

La Commission européenne a donc commandité un rapport sur le bilan de l’OCM dont les conclusions ont été rendues publiques en 2008. De manière peu surprenante, ce rapport est très critique, affirmant notamment que l’OCM constitue : « un assemblage d’instruments normatifs, réglementaires et financiers pouvant apparaître complexe et peu lisible…et un dispositif financier sans grands leviers d’action reposant sur une pédagogie et quelques incitations plus symboliques que matérielles... » (22). L’actuelle OCM ne parvenait donc ni à orienter le secteur vers la durabilité de la pêche, ni à améliorer la situation des producteurs, ni à réguler les fluctuations de marché.

Cette situation résulte pour une large part de la priorité accordée par l’UE à la réduction de la surcapacité au détriment des autres volets de la PCP. L’intervention sous ses différentes formes (retraits communautaires, reports de commercialisation, retraits et reports organisés par les organisations de producteurs, stockage privé, aide spécifique pour les thonidés), ne représente plus qu’une dizaine de millions d’euros par an. Au total, entre 25 et 30 millions d’euros de crédits communautaires provenant du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), c’est-à-dire du premier pilier de la PAC sont consacrés au financement de l’OCM pêche et aquaculture.

Ces constats ont conduit la Commission à présenter une proposition de règlement, destinée à remplacer le cadre réglementaire actuel, qui repose sur des objectifs clairement identifiés : inciter à une pêche durable ; améliorer la situation des producteurs sur le marché ; réduire la volatilité des prix ; renforcer le potentiel commercial des produits européens face aux produits importés, simplifier les règles de fonctionnement de l’OCM.

La proposition de règlement de la Commission européenne vise à :

– renforcer le rôle des interprofessions mais surtout des organisations de producteurs (OP), tant dans leur rôle de gestionnaires de la ressource - répartition des quotas entre membres de l’OP - et que dans leur rôle de régulation économique - mise en place de plans de production et de commercialisation.

– réduire les possibilités d’intervention sur les marchés au seul mécanisme du stockage, qui remplace tous les autres dispositifs (aides au retrait, aide au report, indemnité compensatoire pour les thonidés etc...), qui existeraient jusqu’en 2019.

– améliorer l’information du consommateur en imposant des informations supplémentaires comme la date de pêche ou la date de récolte pour les produits de l’aquaculture.

L’OCM n’est pas le sujet qui divise le plus l’Union européenne. Preuve en est que l’orientation générale dégagée lors du Conseil Agriculture et Pêche du 12 juin 2012 a été votée à l’unanimité, et que le projet de règlement a été adopté amendé par le Parlement européen dès septembre 2012.

L’orientation générale du Conseil a apporté des éléments positifs. Elle rappelle la nécessité d’une concurrence équitable entre les produits européens et les produits importés ; ajoute la mention que les OP ont une action en faveur du meilleur usage des captures indésirées ; demande la cohérence entre les tailles minimales de commercialisation et les tailles minimales de capture fixées dans le règlement de base de la PCP ; prévoit la réduction à un mois du délai de notification à la Commission, avant de pouvoir étendre un accord d’une organisation professionnelle ; limite les conditions d’étiquetage obligatoire aux seuls produits frais et congelés (et non plus, en sus, des produits transformés) ; fournit la base juridique permettant l’instauration d’un éco-étiquetage des produits de la pêche et de l’aquaculture.

Vos rapporteurs partagent naturellement les objectifs de l’OCM, tendant à mieux informer le consommateur et à donner un rôle accru aux OP, néanmoins, ils estiment bénéfiques certaines des positions du Conseil et du Parlement :

– l’information du consommateur doit être plus lisible et plus simple : la date de débarquement devrait être privilégiée par rapport à la date de capture, en pratique impossible à imposer.

– l’Union européenne devrait aller vers un écolabel pour garantir au consommateur que le poisson qu’il consomme a été pêché en respectant des critères environnementaux stricts, comme par exemple le RMD. Il est en effet anormal que les pêcheurs européens subissent des contraintes que n’ont pas leurs concurrents de pays tiers.

Vos rapporteurs sont conscients que sur le sujet de la régulation, la France est bien isolée. Ils regrettent la disparition annoncée des aides au stockage en 2019 et demandent une forme de pérennisation du dispositif ou son évolution. Il faudrait également adapter le droit de la concurrence pour aider les organisations de producteurs à mieux s’organiser.

Les propositions du CESE (23)

Pourtant, mieux organiser et encadrer le marché afin de le rendre fluide et transparent peut générer des effets positifs dépassant largement le strict cadre économique en luttant par exemple contre la fraude. En effet, celle-ci ne peut se développer que si elle dispose de débouchés commerciaux pour écouler les produits sur ce que l’on nomme les marchés « gris ». Dans cette voie, différentes mesures peuvent être mises en œuvre.

Tout d’abord, se pose la question des mécanismes dits « de retrait » ou « de report », conçus pour assurer un revenu minimal aux pêcheurs et qui permettent aux OP de retirer les produits de la pêche du marché lorsque les prix tombent sous un niveau qu’elles fixent librement. Ainsi, lorsque les prix chutent et que les mécanismes d’intervention sont déclenchés, les membres reçoivent une indemnité de l’OP à laquelle ils sont adhérents. Celle-ci peut ensuite, à condition que le prix de retrait autonome qu’elle a retenu ne diffère pas de plus de 10 % de celui-ci qui est défini annuellement par la Commission pour chaque type de produit commercialisé (prix de retrait communautaire), obtenir une compensation financière de l’UE. Les produits ainsi retirés sont notamment destinés à des associations caritatives ou à la fabrication d’aliments pour animaux, voire à la destruction. Toutefois, dans certains cas, leur transformation et leur stockage en vue de leur remise ultérieure sur le marché, pour la consommation humaine, peuvent être autorisés par l’UE qui verse alors une indemnité intitulée « aide au report », plafonnée au montant des frais induits (congélation, stockage, frais financiers...). Or, on observe actuellement de fortes disparités quant aux prix de retrait pratiqués qui, selon les ports considérés, peuvent varier, en moyenne annuelle, du simple au double, voire au triple.

De plus, le système se complexifie encore avec l’introduction d’une distinction subtile entre les espèces « communautaires », au nombre d’environ 35, qui relèvent des mécanismes précités et celles dites « régionales », environ 12, dont l’importance est surtout locale, qui n’affectent que peu le marché européen et dont les prix sont déterminés de manière totalement autonome par les OP.

Il juge nécessaire une harmonisation vers le haut des prix de retrait fixés par les différentes OP européennes. Ensuite, il recommande de favoriser financièrement, au niveau communautaire, le régime du « report » plutôt que celui du « retrait » qui se traduit par la disparition de volumes importants de poisson pourtant tout à fait aptes à la consommation humaine. S’agissant des espèces « régionales », le CESE est favorable au maintien du régime actuel, d’un coût négligeable pour l’UE et qui, placé sous la responsabilité de petites OP souvent éloignées des grands centres de consommation, a fait la preuve qu’il permettait à la fois de gérer intelligemment la ressource et de valoriser correctement les prises grâce à un système de modulation et de garantie des prix.

Enfin, notre assemblée préconise d’adopter des mesures réglementaires destinées à ce que la totalité des captures soit déclarée auprès des criées sans nécessairement être mise en vente par celles-ci, pour réduire les marchés parallèles, parfois opaques, et toujours difficiles à réguler. Dans le même esprit, l’interconnexion des criées apparaît également souhaitable pour garantir une bonne circulation de l’information et lutter contre les effets d’aubaine générés par les trop grandes disparités entre les cours des mêmes espèces, que l’on constate actuellement.

Par ailleurs, les marchés fonctionnent sur la base de la loi de l’offre et la demande. Cette dernière découle pour une large part des comportements des consommateurs. C’est pourquoi le CESE encourage la poursuite des démarches engagées à travers les interprofessions européennes prévues dès la réforme de 2002, mais encore trop embryonnaires, afin d’améliorer l’étiquetage des produits et donc l’information des consommateurs. À ce titre, le développement d’un label certifiant des produits issus d’une pêche européenne durable apparaît comme une piste à explorer que le CESE soutient, à condition que l’UE en fasse un signe officiel de qualité, que ses critères d’attribution (sociaux et environnementaux en particulier) soient clairement définis et qu’il s’avère compréhensible pour les consommateurs.

De même, notre assemblée est favorable à l’organisation par les interprofessions, de campagnes de sensibilisation à la consommation des poissons « saisonniers » et des produits de la pêche de proximité, afin de soutenir les cours des espèces hors quotas durant les périodes où celles-ci sont abondantes, ce qui conduit à favoriser la polyvalence des navires et donc à une gestion plus équilibrée de la ressource, notamment en encourageant leur substitution dans la transformation. Des actions analogues devraient être menées en faveur des espèces à faible valeur commerciale mais à grande qualité nutritive.

Enfin, le secteur de la transformation, étroitement lié à celui de la pêche et support de nombreux emplois, connaît notamment en France d’importantes difficultés, alors que nos compatriotes consomment de plus en plus de produits de la mer transformés. Pour soutenir ces industries, y compris dans les régions ultramarines, le CESE juge souhaitable que le label européen évoqué précédemment intègre également les conditions de préparation voire de transport des productions considérées.

La mise en place d’un système de quotas individuels transférables (QIT) avait été évoquée par la Commission européenne dans le Livre vert de 2009 et figure dans sa proposition de règlement de base sous la dénomination de concession de pêche transférable (CPT).

L’objectif poursuivi par la Commission européenne avec les CPT consiste à réduire par le marché la taille de la flotte de pêche, qu’elle estime en surcapacité, plutôt que de devoir financer sur crédits européens des plans de sortie de flotte et le déchirage des navires, qui ont coûté 2,73 milliards d’euros entre 1994 et 2013, pour une réduction de capacité de seulement 3 % par an sur la période.

La proposition initiale de la Commission obligeait donc les États membres de l’Union européenne à établir un système de CPT, au plus tard au 31 décembre 2013, pour tous les navires de pêche de plus de 12 mètres ainsi que pour les navires plus petits équipés d’engins remorqués. L’attribution des possibilités de pêche restait définie pour chaque État membre dans le respect du principe de stabilité relative, mais la distribution individuelle des possibilités de pêche, à travers les CPT, pouvait être ensuite bouleversée par le jeu du marché entre chacun des opérateurs de pêche. Les CPT seraient restées valables pour au moins 15 ans.

L’obligation de gérer les droits de pêche sous la forme de concessions individuelles transférables d’un navire à un autre est sans conteste la proposition de la Commission européenne qui a été la plus critiquée par les professionnels et les ONG.

Les CPT posent en effet un problème de principe en permettant l’appropriation privée de ressources collectives. Mais en outre, ils présentent le risque d’encourager la concentration du secteur de la pêche. D’après les associations de protection de l’environnement auditionnées par vos rapporteurs, la mise en place d’un tel système dans plusieurs pays, comme par exemple le Royaume-Uni, n’a pas eu les effets positifs escomptés. Ainsi, dans ce pays où ce système est en vigueur, 96 % des quotas de pêche reviennent à 4 % des armateurs (24). Les retours d’expériences montrent que les CPT ont engendré des catastrophes sociales dans le secteur de la pêche artisanale et l’effondrement des filières avales locales qui avaient été mises en place. Les rares cas où la mise en place des CPT a fonctionné sont ceux où la réglementation a été enrichie de nombreux garde-fous. Il est nécessaire de mettre fin à la course aux poissons, mais autrement qu’en privatisant les ressources halieutiques. Celles-ci demeurent un bien commun avant tout et doivent donc être gérées collectivement dans l’intérêt de tous. La mise en place de critères sociaux et environnementaux pour l’allocation de l’accès à la ressource est une piste qu’il faut explorer afin de favoriser une activité de pêche durable d’un point de vue environnemental et créatrice d’emplois et de richesses au niveau local. La mise en œuvre d’une cogestion de la ressource au niveau territorial, intégrant tous les pêcheurs, les scientifiques et la société civile est également une manière de répondre au problème de la surcapacité.

Alors même que la réforme de la PCP vise à renforcer les organisations professionnelles, celles-ci perdraient beaucoup de leur intérêt, n’ayant plus à se préoccuper de la gestion de la ressource, alors qu’aujourd’hui, leur fonction de répartition des sous-quotas entre leurs membres est essentielle.

Tant le Conseil – accord du 12 juin 2012 - que le Parlement européen – à l’initiative de sa rapporteure, Mme Ulrike Roduste - souhaitent donc s’orienter vers une mise en place facultative de ce dispositif. Vos rapporteurs ne peuvent que soutenir ces positions.

La gestion de la PCP se caractérise par une grande centralisation des décisions à l’échelon européen. Les TAC, quotas de pêche attribués à chaque État membre, sont déterminés annuellement et sont fixés lors du Conseil de décembre dans le cadre de négociations où la dimension politique est souvent aussi importante que la dimension technique. Toutefois, pour leur assurer une relative stabilité, les variations interannuelles pour une même espèce ne doivent pas en principe dépasser plus ou moins 15 %.

Les TAC ainsi déterminés font ensuite l’objet d’une répartition entre les OP et les pêcheurs du pays considéré, selon des mécanismes qu’il appartient à l’État de définir mais qui s’inscrivent nécessairement dans un cadre strictement annuel.

Les plans pluriannuels établissent des objectifs en vue d’une gestion durable de certains stocks et précisent les moyens pour les atteindre. Au terme du règlement (CE) n° 1224/2009, sont définis comme « plans pluriannuels » : « les plans de reconstitution visés à l’article 5 du règlement (CE) n° 2371/2002, les plans de gestion visés à l’article 6 du règlement (CE) n° 2371/2002, ainsi que d’autres dispositions communautaires adoptées sur la base de l’article 37 du traité CE et établissant des mesures de gestion spécifiques applicables à des stocks de poissons particuliers pour plusieurs années».

Les espèces soumises à plan pluriannuel de reconstitution

Cabillaud (Gadus morhua - COD) en Manche orientale, en mer du Nord, dans les eaux à l’ouest de l’Ecosse et de la mer d’Irlande ;

Sole (Solea solea - SOL) en mer du Nord, en Manche occidentale et dans le golfe de Gascogne ;

Plie (Pleuronectes platessa - PLE) en mer du Nord ;

Merlu (Merluccius merluccius - HKE) du nord et austral dans les eaux occidentales de l’Atlantique nord ;

Hareng (Clupea harengus - HER) en Ouest-Ecosse ;

Thon rouge (Thunnus thynnus - BFT) en Atlantique est et en Méditerranée. Cette espèce est traitée dans la partie espèces grands migrateurs (25).

Sans parler de gestion décentralisée, de nombreux progrès ont été effectués depuis 2004 grâce à la mise en place des Comités consultatifs régionaux (CCR). Institués par une décision du Conseil du 19 juillet 2004 (décision 204/585/CE), les CCR ont pour mission de fournir des recommandations aux États membres et à la commission pour la pêche dans les zones géographiques qu’ils couvrent. Ils associent les représentants du secteur de la pêche et d’autres acteurs concernés. Les experts des États membres y ont accès. Il existe sept CCR qui couvrent la Mer Baltique, la Mer méditerranée, la Mer du Nord, les eaux occidentales septentrionales, les eaux occidentales australes, les stocks pélagiques et la pêche lointaine. Ces conseils ont permis de renforcer l’implication des professionnels dans la gouvernance de la PCP.

De même, l’expérimentation en France des Unités d’exploitation et de gestion concertées (UEGC), nées du Grenelle de la mer, constitue une initiative intéressante qui mérite d’être encouragée (26). En effet, elles permettent de réunir toutes les parties prenantes de la pêche et de la gestion des milieux halieutiques, sur une zone marine cohérente, sorte de sous-circonscription de celle couverte par un CCR, afin de définir dans le cadre d’une approche éco-systémique des modes de gestion prenant simultanément en compte les dimensions environnementales, sociales et économiques.

La Commission européenne souhaite généraliser les plans pluriannuels de gestion de la ressource à long terme, afin qu’il existe une certaine continuité dans la politique menée. Elle souhaite aussi que ces plans couvrent non plus une espèce en particulier mais puissent s’étendre à l’ensemble d’une pêcherie. Il convient notamment de prendre en compte les interactions entre stocks. La Commission souhaite donc confier aux Conseils consultatifs régionaux (CCR) un pouvoir de proposition et de pilotage, au niveau de chaque pêcherie.

Le volet externe de la PCP a fait l’objet d’une communication de la Commission européenne (27) où elle expose sa stratégie, consistant à diffuser le modèle européen de pêche durable aux autres pays où la pêche est un enjeu économique. L’objectif assigné au volet externe consiste à « contribuer à la mise en place d’un système international de gouvernance des pêches qui soit plus responsable ».

La Commission propose d’y parvenir en établissant un dialogue renforcé avec les autres pays, pour leur faire partager l’objectif d’atteinte du RMD en 2015 et renforcer l’autorité des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP). Elle souhaite aussi interdire l’accès aux grands marchés de consommation pour les produits provenant d’une pêche illicite non réglementée et non déclarée (pêche INN).

Le bilan des accords de partenariat de pêche (APP) avec les pays-tiers que conclut l’UE est nuancé, variant sensiblement d’un accord à l’autre. L’APP avec la Norvège est par exemple particulièrement critiqué par les pêcheurs. La Commission européenne commandite régulièrement des rapports d’évaluation des APP (28). Les ONG environnementalistes auditionnées par vos rapporteurs ont ainsi émis un avis critique sur le bilan environnemental et économique des APP avec le Maroc et la Mauritanie.

Un exemple d’APP concluant : la Côte d’Ivoire – rapport d’octobre 2012

Sur le plan du commerce extérieur, l’UE est un partenaire privilégié de la Côte d’Ivoire, notamment en matière de pêche. La quasi-totalité de la production ivoirienne de thon est exportée vers l’UE (55 000 t par an en moyenne au cours de la décennie passée) (…). La Communauté européenne et la Côte d’Ivoire ont signé le premier accord de pêche le 15 décembre 1990. Un nouvel accord est en vigueur le 1er juillet 2007 pour une durée de 6 ans. Les possibilités de pêche octroyées par le protocole 2007-2013 concernent uniquement les navires thoniers (senneurs et palangriers). Avec un tonnage de référence de 7 000 t, le montant de la contrepartie financière de 595 000 d’euros/an est entièrement alloué au soutien de la politique de pêche ivoirienne. (…) En d’autres termes, les possibilités de captures ne sont utilisées en moyenne qu’à hauteur de 50 %.

L’accord s’inscrit dans la logique de continuité des accords thoniers qui permet aux navires communautaires de passer d’une ZEE à une autre (Sao Tomé, Cap Vert, Mauritanie par exemple)(…)

Selon la CICTA, l’organisme de gestion régional des thonidés dans l’Atlantique, les 3 stocks de thons tropicaux (listao, albacore et patudo) exploités en Côte d’Ivoire et plus généralement dans le golfe de Guinée sont proches de la pleine exploitation. Dans un tel contexte, les pays dont les flottes ciblent ces espèces ne doivent pas accroître leurs efforts de pêche ou/et leurs captures dans la région.

Sur le plan de l’effectivité globale, l’APP avec la Côte d’Ivoire respecte les principes de la bonne gouvernance de l’UE. Le climat de confiance qui règne est propice à sa mise en œuvre. La reconduction sans discontinuité des protocoles de pêche depuis 1994 témoigne de la qualité des relations entre les deux parties. (…) Ainsi, globalement, la mise en œuvre du protocole donne des résultats plutôt satisfaisants à l’aune des principes généraux du Code de conduite pour une pêche responsable.

Sur le plan de l’effectivité technique, la mise en œuvre de l’APP se fait dans de bonnes conditions hormis en matière de contrôle et de surveillance du fait de l’absence d’un cadre légal, d’équipements en état de fonctionnement (pour le suivi par satellite des navires, par exemple) et de moyens humains et nautiques. La coopération scientifique entre la Côte d’Ivoire et l’UE est de nature continue. (…)

Sur le plan de l’efficacité économique, les APP thoniers avec les pays africains génèrent quelque 800 postes de marins européens et africains. (…) La valeur des captures réalisées dans la ZEE ivoirienne est d’un peu moins de 4 millions d’EUR/an. La valeur ajoutée générée par l’APP, de l’ordre de 2 millions d’EUR, dont 360 000 EUR pour la Côte d’Ivoire et 1,6 million pour l’UE. Ainsi chaque euro investi procure une plus-value de l’ordre de 170 %, soit 2,7 EUR.

Sur le plan de l’efficacité technique, le soutien à la gestion des pêches en Côte d’Ivoire, par le biais du Programme d’appui à la gestion durable des ressources halieutiques (PAGDRH), est probant puisque les activités prévues sont en général réalisées et les fonds décaissés.

Sur le plan de l’efficience et du développement durable, la faiblesse relative des captures dans la ZEE ivoirienne ne compromet pas le renouvellement des stocks de thonidés et n’engendre pas de concurrence aux flottes ivoiriennes. Le montant de la contrepartie financière constitue aujourd’hui la principale source de financement des activités de gestion des ressources halieutiques en Côte d’Ivoire.

(…) Le fait que les navires communautaires doivent se plier à des contraintes bien plus fortes que celles qui s’exercent sur les navires battant pavillons ghanéens, coréens ou de complaisance provoque une distorsion peu propice, à terme, à la survie des armements communautaires. Le pavillon de complaisance devient alors une option (...). À cela s’ajoute la clause d’exclusivité inscrite dans les accords, qui rend très rigide les APP et qui, en cas de difficulté de renouvellement des protocoles, bloque l’accès de la ZEE aux navires communautaires compromettant de la sorte la pérennité de la flotte communautaire. Le pavillon communautaire reste toutefois une sécurité juridique auxquels les armateurs européens restent attachés.

La Commission envisage donc de remplacer les accords de partenariat de pêche (APP) avec les pays-tiers par des accords de pêche durable (APD) davantage axés sur la conservation des ressources, en produisant un effort particulier de meilleure connaissance des stocks et de transparence de l’activité de pêche sur les zones concernées. L’exploitation des ressources halieutiques aura pour base des avis scientifiques et concernera les ressources excédentaires que le pays partenaire ne peut ou ne veut pas pêcher - clause de transparence. Les pays partenaires seront compensés pour l’octroi de l’accès à leurs ressources de pêche et l’aide financière sera fournie pour la mise en œuvre d’une politique de pêche durable.

Enfin, la Commission souhaite que le volet externe de la PCP soit en cohérence avec les autres politiques de l’Union européenne, y compris en matière de droits de l’Homme et demande qu’une clause de respect de ces droits soit systématiquement intégrée dans les APD.

S’agissant du volet externe, la lutte contre les distorsions de concurrence internationales apparaît comme un des défis majeurs de la PCP. Dans ce cadre, le label européen pourrait favoriser la traçabilité des produits de la mer. Vos rapporteurs soulignent par ailleurs l’intérêt du règlement (CE) N° 1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée qui interdit l’importation dans l’UE, de produits de la pêche issus de la pêche INN et organise un système de contrôle afférent dont il faut s’assurer qu’il soit bien effectif.

II.— DES DÉSACCORDS DE FOND SUR PLUSIEURS SUJETS CLÉS

Dans les pêcheries commerciales, le terme de « rejet » désigne tout poisson ou animal capturé qui est ensuite rejeté à la mer, le plus souvent mort, mais pas nécessairement. Les pêcheurs ont ramené en 2011 4,7 millions de tonnes de poisson à quai. La Commission européenne estime que les rejets représentent aujourd’hui 23 % des prises, soit environ 1,7 million de tonnes par an. En Mer du Nord, il s’agit d’un poisson sur deux.

Les causes principales des rejets sont de deux ordres.

Il existe d’une part des rejets que l’on pourrait appeler « réglementaires » dus à la non-sélectivité des engins de pêche. Ils représentent environ 50 % des rejets. Cela correspond aux poissons trop petits, aux poissons dont le quota est épuisé ou aux espèces protégées. La PCP actuelle interdit le maintien à bord ou le débarquement de ces prises.

D’autre part, il existe des rejets de pratique qui correspondent à une stratégie commerciale. Ce sont les poissons ayant moins de valeur que l’espèce ciblée, au sein d’une même espèce.

Plusieurs arguments plaident pour l’interdiction des rejets :

– Il s’agit d’un gâchis de ressources, alors même que de nombreux stocks de poissons n’ont pas atteint le rendement maximum durable.

– En outre, il s’agit également d’une aberration économique : les rejets ont un impact sur les coûts de pêche et sont un gâchis de poisson que d’autres pêcheurs ne pourront pas prélever ;

– Enfin, il est paradoxal de rejeter autant de poissons, alors que l’Union européenne importe plus de 62 % de sa consommation de poisson – ce chiffre s’élevant même à 75 % en France.

La Commission propose donc à l’article 15 de la proposition de règlement de base, d’instaurer une obligation de débarquement de toutes les captures, pour toutes les espèces soumises à des limitations de capture. Cette obligation s’imposerait à tous les types de pêche : pêche côtière et pêche hauturière.

Elle propose un calendrier particulièrement rapide, avec une mise en œuvre échelonnée selon les espèces concernées, entre 2014 et 2016 au plus tard. Les États membres devront veiller à imposer un système de contrôle du respect de cette nouvelle obligation par les pêcheurs.

S’il est prévu de mettre à contribution le FEAMP afin de financer les investissements nécessaires à la transformation d’espèces d’intérêt commercial limité ou nul, la proposition de la Commission précise que les opérateurs ne devront pas tirer un avantage économique de la capture de prises indésirables.

Le principe de l’interdiction des rejets est un signal politique fort, porté par la Commission européenne et tout particulièrement par Mme Maria Damanaki, la commissaire.

La France a d’abord été réticente à l’encontre de ce principe d’interdiction, préférant plaider pour une diminution progressive des rejets grâce à un accompagnement pour un équipement des navires permettant de « trier au fond plutôt que sur le pont » les poissons. Le Gouvernement français a accepté le principe de l’interdiction, tout en maintenant une position très ferme pour que soient adoptées des mesures d’application qui rendent le dispositif praticable pour les pêcheurs.

L’orientation dégagée lors du Conseil Agriculture et Pêche du 12 juin 2012 a été confirmée par l'orientation générale adoptée le 27 février 2013, venue acter le principe de l’interdiction des rejets. Cette orientation fixe désormais un calendrier précis pour la mise en œuvre de l’obligation de débarquer toutes les captures en fonction des zones de pêche et des types de pêcheries. Le règlement du Parlement Européen et du Conseil du 27 février 2013 prévoit ainsi des dates butoirs étalées dans le temps entre le 1er janvier 2014 et le 1er janvier 2019 pour atteindre l’objectif d’interdiction des rejets (29).

L’orientation générale du 12 juin s’accompagne également d’une déclaration du Conseil soulignant la nécessité d’augmenter les TAC pour les espèces visées par une obligation de débarquement, sur la base des avis scientifiques.

Elle stipule qu’une dérogation à l’obligation de débarquement pour certaines espèces (notamment celles interdites à la pêche ou celles dotées d’un fort taux de survie en cas de rejet) et qu’une tolérance de rejet (de minimis) sont indispensables.

La Commission de la pêche du Parlement puis le Parlement européen lors du vote en plénière se sont prononcés en faveur d’une interdiction progressive des rejets pour l’ensemble des espèces exploitées et des espèces réglementées, ce qui constitue une extension considérable du champ de cette mesure par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne.

Le calendrier est par ailleurs restreint et ne correspond pas aux possibilités réelles d’adaptation des filières.

De même, il n’est pas fait mention d’un nécessaire ajustement à la hausse des possibilités de pêche, dans le respect de la stabilité relative, dans le cadre de la mise en œuvre de l’obligation de débarquement.

Le Parlement européen apporte néanmoins quelques ajouts positifs par rapport à la proposition de la Commission :

– mise en place d’une étude visant à analyser au cas par cas la mise en œuvre graduelle de l’interdiction des rejets ;

– prise en compte d’exemptions sanitaires à l’obligation de débarquement ;

– le principe de la fixation de flexibilité interannuelles et d’exemptions de minimis.

Vos rapporteurs ne contestent pas que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Ils entendent et partagent les arguments contre les rejets.

Mais lors des auditions menées par vos rapporteurs, les limites d’un dispositif d’obligation de débarquement généralisé sont apparues clairement.

D’abord, la pratique des rejets en mer correspond à des réalités variées. Certains rejets sont liés, comme on l’a vu, à la réglementation.

Mais certaines prises accessoires sont cependant inévitables, notamment dans le cas de pêcheries mixtes ou multi-spécifiques. La France est particulièrement concernée par ce type de pêche. Or, avec l’interdiction des rejets, elle sera pénalisée : il faudra veiller à consommer ses quotas par espèce au même rythme, ce qui est en pratique quasiment impossible. Lorsque l’un des quotas dont dispose un navire sera épuisé, même s’il lui reste des droits de pêche pour d’autres espèces, il ne pourra plus sortir du port. C’est la raison pour laquelle il est important de prévoir la fixation de flexibilités interannuelles et d’exemptions de minimis.

Ils notent également que l’interdiction des rejets n’améliore pas directement l’état de la ressource, puisque ce qui est rejeté aujourd’hui arrive souvent mort sur le pont du bateau.

Ils veulent souligner que le problème devrait d’abord être traité à son origine. Il faut étudier et mettre en place les conditions permettant de ne faire aucune capture inutile en premier lieu ; la gestion des prises par l’obligation de débarquement n’est qu’un outil de gestion de ce qui découle du manque de sélectivité de la pêche. Les efforts doivent se concentrer sur la promotion d’outils et de pratiques qui permettent de réduire les prises non souhaitées.

De nombreux progrès ont d’ailleurs été réalisés sur ce point. Il faut donc encore promouvoir le passage à des méthodes de pêche plus sélectives, notamment grâce à des subventions européennes bien définies, accompagnées de mesures adéquates (aide à la recherche de pratiques et engins plus sélectifs…).

Pour certaines pêcheries, l’interdiction des rejets a d’ailleurs déjà été mise en place par la réglementation européenne (par exemple pour le turbot en mer Noire (30)).

Pour valoriser financièrement les rejets, la création d’une filière dédiée pourrait sembler intéressante, au regard des possibilités de les utiliser par exemple en pharmacologie et en cosmétologie. Cependant, déployer une véritable filière exige du temps et des investissements. Or, l’objectif visé est de réduire à terme au strict minimum les rejets ramenés à terre, ce qui impliquerait que les infrastructures et les entreprises dédiées au traitement de ces produits s’adaptent à une diminution progressive de leurs approvisionnements. Cette solution n’est donc envisageable que si les rejets ne constituent qu’un complément d’intrants pour des transformateurs déjà en activité.

Le principal effet pervers de centrer l’interdiction des rejets sur l’obligation de débarquement est le risque de conduire à la mise en place d’une filière de valorisation de ces prises indésirables, destinée uniquement à une transformation sous forme de farine pour l’alimentation des élevages aquacoles. Il faut noter qu’à cet égard, les ONG environnementalistes sont elles-mêmes assez inquiètes. Il faut par ailleurs éviter que des conditions particulièrement favorables de valorisation des rejets conduisent à créer des débouchés commerciaux trop attractifs car, dans cette hypothèse, certains navires, lors de campagnes de pêche infructueuses, pourraient être tentés de remplir leurs cales de poissons non directement vendables. Cela pourrait conduire à la commercialisation légale de poissons sous-taillés, ce qui va à l’encontre de l’intention initiale de la Commission européenne.

Enfin, l’interdiction totale des rejets posera d’immenses difficultés pratiques :

– en termes d’investissement dans de nouveaux moyens de surveillance (caméras installées dans les navires) ;

– et de capacité des navires car les capacités de stockage ne sont pas illimitées et les risques de surcharges réels, avec toutes les conséquences négatives en terme de sécurité que cela comporte (risque de chavirage).

Vos rapporteurs regrettent que le zéro rejet n’ait pas fait l’objet d’évaluations quantitatives et qualitatives sur la viabilité des entreprises et l’emploi salarié et non-salarié. Le changement de modèle économique qu’il implique nécessite une phase de transition dont les modalités de mise en œuvre devront être prévues et suivies.

Il ne faut pas oublier que le véritable objectif doit porter sur la réduction maximale des captures non commercialisables ou non viables.

Vos rapporteurs soutiennent le Parlement européen dans sa volonté de prendre en compte des exemptions sanitaires à l’obligation de débarquement. Tout comme le Parlement européen, ils estiment nécessaire un état des lieux, flotte par flotte.

Vos rapporteurs estiment intéressante la proposition du CESE de mise en place d’un système approprié de valorisation qui simultanément incite les professionnels à limiter les captures de rejets potentiels et permette de couvrir globalement les coûts liés à leur transport. Celui-ci pourrait être mutualisé au sein des OP en se fondant sur des références individuelles évolutives donnant lieu à des indemnisations dont les montants nominaux seraient réévalués en fonction des diminutions de volumes constatées, à l’instar par exemple de la méthode utilisée dans la production betteravière pour réduire la « tare terre » (proportion de terre acheminée inutilement vers les sucreries).

L’interdiction pure et simple des rejets sous la forme d’une obligation globale de débarquement doit donc être nuancée. Vos rapporteurs comprennent et soutiennent la position de la France de se rallier à un principe d’interdiction des rejets pour les espèces sous TAC et quotas, cela étant un préalable nécessaire à toute négociation avec la Commission européenne et le Parlement européen. Ils souhaitent que la mise en œuvre progressive de l’élimination des rejets s’accompagne d’un ajustement à la hausse des possibilités de pêche dans le respect de la stabilité relative, d’un calendrier réaliste correspondant aux possibilités réelles d’adaptation des filières, de la fixation de flexibilités permettant une mise en œuvre concrète, réaliste, pragmatique et comprise de ce processus progressif d'élimination des rejets.

En 2002, au sommet mondial pour le développement durable Johannesburg, le plan d’application, auquel l’Union européenne a souscrit, prévoyait que pour assurer la durabilité dans l’exploitation des ressources halieutiques, il faudrait « maintenir ou rétablir les stocks à un niveau permettant d’obtenir un rendement maximal constant, le but étant d’atteindre d’urgence cet objectif pour les stocks épuisés, et si possible en 2015 au plus tard ».

Le rendement maximum durable (RMD) est, selon la FAO, la plus grande quantité de biomasse que l’on peut en moyenne extraire continûment d’un stock, dans des conditions environnementales données, sans affecter le processus de reproduction de ce stock. Il se distingue donc de la sécurité biologique, qui lui est inférieure, et se définit comme la quantité de biomasse prélevée au-delà de laquelle la population de l’espèce diminue.

En 2011, sur les 90 stocks avec diagnostics et points de référence (31) :

– 43 % sont exploités au RMD

– 32 % au-delà du RMD mais dans les limites de précaution

– 24 % en dehors des limités biologiques de sécurité

Cela traduit un net progrès par rapport à la situation en 2004 où 94 % des stocks évalués étaient surexploités. En 2009, ils étaient encore 63 %.

Il faut ajouter que 75 % des stocks évalués sont bien exploités, c’est-à-dire dans les limites biologiques de sécurité au sens de la PCP 2002.

Fonder la PCP sur le RMD s’inscrit dans une logique environnementale, pour éviter que les stocks ne diminuent et dans une logique économique, puisque cela doit permettre aux pêcheurs de pêcher plus facilement grâce à l’existence d’une quantité de poissons plus importante.

La Commission européenne reprend cet objectif dans son projet de règlement et propose que la PCP vise le RMD pour tous les stocks de poisson dès 2015, ce qui aura une influence directe sur les négociations sur le niveau auquel devront être établis les TAC et quotas de pêche. La fixation d’un TAC, au niveau permettant l’atteinte du RMD, n’est pas cependant un outil suffisant pour éviter la surpêche des stocks les plus vulnérables. Pour accélérer l’atteinte du RMD, il faudrait aussi introduire des mesures techniques (sélectivité des engins de pêche, zones d’interdiction ou périodes de fermeture de la pêche) dans les plans pluriannuels.

L’orientation générale dégagée lors du Conseil Agriculture et Pêche du 12 juin 2012 a acté le principe de l’atteinte du rendement maximum durable (RMD) en 2015 quand cela est possible et au plus tard en 2020 pour tous les stocks,

Le Conseil suit en cela les orientations du plan stratégique 2011-2020 pour la biodiversité, adopté à Nagoya en 2010, qui indique que : « d’ici à 2020, tous les stocks de poissons et d’invertébrés et plantes aquatiques [seront] gérés et récoltés d’une manière durable, légale et en appliquant des approches fondées sur les écosystèmes, de telle sorte que la surpêche soit évitée, des plans et des mesures de récupération [seront] en place pour toutes les espèces épuisées, les pêcheries [n’auront] pas d’impacts négatifs marqués sur les espèces menacées et les écosystèmes vulnérables, et l’impact de la pêche sur les stocks, les espèces et les écosystèmes [restera] dans des limites écologiques sûres ».

La Commission de la pêche puis le Parlement européen ont souhaité qu’à partir de 2015, les taux de mortalité soient fixés de sorte qu’en 2020 au plus tard les niveaux des stocks soient maintenus au-dessus du RMD.

Vos rapporteurs considèrent que cette position va au-delà des engagements internationaux souscrits par l’Union Européenne à savoir que les taux de mortalité soient fixés au RMD en 2015 lorsque cela est possible, et en 2020 au plus tard.

La reconstitution de ressources halieutiques abondantes assurant une production durable est un objectif que vos rapporteurs partagent. Toutefois, cette conception de la durabilité doit également prendre en compte les aspects sociaux et économiques d’un secteur d’activités vital pour de nombreuses régions littorales françaises.

Vos rapporteurs estiment que l’atteinte du RMD pose deux types de questions.

D’abord, la question des modalités d’atteinte de l’objectif du RMD. La date butoir fixée en 2015 ne pourra pas être respectée pour toutes les espèces et dans toutes les zones. C’est la raison pour laquelle vos rapporteurs soutiennent l’approche différenciée et pragmatique adoptée par le Conseil.

Ensuite se pose la question importante de la manière de gérer au mieux une période de transition qui s’annonce délicate pour le secteur de la pêche.

Les positions de la Commission européenne et du Parlement consistant à exiger d’atteindre le RMD en 2015 pour tous les stocks constituent une approche trop brutale qui pourrait conduire la France à fermer 50 % de ses pêcheries, avec des conséquences économiques et sociales irréversibles.

D’après les informations fournies à vos rapporteurs, pour la sole du Golfe de Gascogne, atteindre le RMD en 2015 nécessiterait d’en arrêter complètement la pêche. En maintenant les TAC et quotas au niveau actuel, on atteindrait le RMD en 2017. Sur le thon rouge de Méditerranée, arrêter toute pêche permettrait d’atteindre le RMD en 2019, mais maintenir les TAC et quotas au bas niveau actuel permettrait d’y parvenir en 2022.

Ces éléments plaident également pour une application différenciée et progressive de l’objectif d’atteinte du RMD.

Mais même dans ce cas, cela entraînera probablement des difficultés importantes à court terme pour un secteur de la pêche déjà fragilisé. En effet, plusieurs études récentes ont montré que si effectivement après plusieurs années, comme l’affirme la Commission elle-même, l’atteinte du RMD pourrait accroître de manière significative le revenu des professionnels de la pêche, la période transitoire, caractérisée par une baisse significative des TAC, générera souvent une baisse importante de ces revenus (32). Cette situation pourrait se traduire par la disparition de nombreux pêcheurs et la perte importante d’emplois salariés, en particulier ceux qui sont spécialisés dans un nombre très limité d’espèces. Par conséquent, afin de faire en sorte que le RMD n’ait pas de conséquences irrémédiables sur le secteur de la pêche et que les pêcheurs soient incités à participer à sa réalisation, vos rapporteurs estiment nécessaires l’adoption de mesures actives, y compris financières, pour soutenir la transition et prévenir une dégradation de l’emploi, des conditions de vie et de travail des professionnels de la pêche.

Enfin, la définition des TAC au niveau européen doit tenir compte des discussions avec les pays tiers, lorsque ceux-ci partagent des zones de pêche avec l’Union européenne, comme par exemple en Méditerranée. L’Union européenne ne peut fixer d’objectif d’atteinte du RMD différent de celui visé par les autres flottes de pêche, qui se nourrissent du même stock, sinon cela pénaliserait les pêcheurs européens sans permettre d’atteindre le RMD.

Le RMD doit représenter une opportunité pour maintenir le secteur de la pêche. Il convient toutefois, pour que les acteurs appelés à la respecter s’approprient cette démarche et donc qu’elle s’avère efficace, qu’elle intègre les réalités économiques au premier rang desquels le maintien d’un niveau décent de rémunération pour les pêcheurs.

La proposition relative au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) a été adoptée par la Commission le 2 décembre 2011. Elle constitue le volet budgétaire du paquet sur la réforme de la PCP. Elle s’inscrit dans le contexte de la proposition de la Commission pour le cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2014-2020.

La proposition rappelle les objectifs du traité concernant la PCP (productivité accrue, niveau de vie équitable pour le secteur de la pêche, marchés stables, disponibilité des ressources et livraisons aux consommateurs à des prix raisonnables) mais elle insiste particulièrement sur la nécessité de mieux intégrer les préoccupations environnementales dans la PCP, qui doit réaliser les objectifs et les cibles de la politique environnementale de l’Union et la stratégie Europe 2020.

La Commission européenne propose de consacrer 6,5 milliards d’euros au FEAMP pour la période 2014-2020. L’enveloppe consacrée à la pêche et aux affaires maritimes sera renforcée sur la même période d’un milliard d’euros, situés en dehors du FEAMP, destiné à financer les accords de pêche durable dans le cadre du volet externe de la PCP.

Ce projet vise à regrouper dans un règlement unique les règles de financement concernant :

– le volet interne de la PCP, en gestion partagée, concerne non seulement les mesures de soutien à la pêche, l’aquaculture et le développement communautaire local, mais aussi, par extension, l’organisation commune de marché, y compris la compensation pour les régions ultrapériphériques. Cela couvre également le financement d’une partie des coûts des mesures de contrôle, d’inspection et d’application ainsi que la collecte des données (en gestion directe), tant pour les conseils scientifiques qu’à des fins de mise en œuvre et de contrôle ;

– le volet externe de la PCP, en gestion directe, s’agissant des contributions volontaires aux Organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP), conseils consultatifs régionaux (CCR) et certains coûts relatifs aux contrôles et l’assistance technique. Le FEAMP ne traite donc pas ni des contributions obligatoires aux ORPG, ni des contreparties financières des accords de pêche durables avec des pays tiers ;

– la politique maritime intégrée (PMI), en gestion directe, qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre d’actions intersectorielles (planification de l’espace maritime et gestion intégrée des zones côtières, surveillance maritime, transports, énergie, pêche, recherche ...). La PMI est notamment organisée autour d’une approche stratégique par grand bassin maritime.

Le FEAMP comporte en outre les règles de programmation du fonds, avec un renvoi pour une large part au projet de règlement horizontal en cours de négociation, qui prévoit des dispositions relatives à la gestion partagée des fonds de l’Union avec les États membres ainsi que dispositions concernant les organismes accrédités et les principes budgétaires horizontaux (conditionnalité, réserve de performance ....).

La proposition prévoit au total pour la PCP une enveloppe de 7,53 milliards d’euros sur la période 2014-2020. La Commission réserve 968 millions d’euros pour les Accords de pêche durables et la contribution obligatoire aux ORGP, actions non couvertes par le FEAMP.

Pour les 6,56 milliards d’euros alloués au FEAMP, la répartition esquissée est :

– 5,5 milliards d’euros pour les mesures en gestion partagée. La Commission procède à une répartition indicative des crédits d’engagement disponibles selon des critères objectifs. Ces critères doivent inclure les allocations historiques (33) et de la consommation historique (34). La Commission propose des mesures en faveur du développement durable des pêches, de l’aquaculture, des aires de pêche, de la commercialisation et de la transformation, de compensation des coûts additionnels dans les RUP et des mesures d’accompagnement (contrôle et collecte des données). Elle propose aussi :

– la suppression des aides à la sortie de flotte et aux arrêts temporaires et leur remplacement par des soutiens à la création et la gestion, le cas échéant par des organisations de producteurs, de systèmes de concessions de pêche transférables par ailleurs prévus dans la proposition de réforme de la PCP,

– un soutien aux investissements à bord visant à faire le meilleur usage de poissons indésirables capturés et à valoriser les composants sous-utilisés des poissons capturés, en lien avec la proposition relative à l’interdiction des rejets,

– un soutien aux producteurs face à des difficultés de santé publique, animale ou de bien-être ainsi qu’à l’assurance des producteurs afin de couvrir les pertes de production anormales résultant de catastrophes naturelles, de phénomènes climatiques défavorables, de changements soudain de qualité de l’eau, de maladies ou d’infestations de ravageurs et de destruction des installations de production.

– 1 milliard d’euros pour les mesures en gestion directe, dont 432 millions d’euros pour la PMI, qui doivent servir à financer des mesures d’accompagnement (conseil scientifique, contrôle, comités consultatifs régionaux, assistance technique). La PMI doit favoriser la promotion de la gouvernance maritime intégrée, le développement des actions intersectorielles, le soutien à l’emploi, et l’innovation dans les secteurs maritimes, la protection du milieu marin et l’exploitation durables des ressources marines et côtières.

La proposition de la Commission européenne met fin à l’aide européenne aux plans de sortie de flotte ou encore à l’aide à l’installation des marins. De même, les aides à l’investissement seront strictement limitées : seuls les investissements destinés à améliorer la sécurité à bord, à mieux protéger l’environnement, à améliorer la sélectivité ou encore à favoriser la transformation à terre des prises accessoires pourront être soutenus, cette dernière action bénéficiant d’une enveloppe de 45 millions d’euros.

Chaque État membre devra établir un programme opérationnel (PO) dans lequel il définira ses dispositifs prioritaires et les enveloppes attribuées à chacun d’eux, à partir de l’enveloppe globale réservée pour l’État membre. La répartition de l’enveloppe globale entre États membres n’est pour l’instant pas connue, et sera décidée par la Commission européenne au moyen d’un acte d’exécution.

Globalement, le maintien d’un instrument financier pour la pêche et l’aquaculture a été salué par les Européens.

Tout d’abord, la répartition de l’enveloppe entre États membres n’est pas encore connue, ce qui limite la capacité des rapporteurs à en faire l’analyse d’impact pour la pêche française. Si en matière d’enveloppe, une certaine continuité devrait être observée dans la clef de répartition, l’importance de la petite pêche devrait, aux yeux de la commission des affaires économiques, être également prise en compte. En tout état de cause, la commission souhaite que l’enveloppe soit répartie en prenant en compte l’importance des secteurs de la pêche et de l’aquaculture dans chaque État membre.

La clé de répartition des enveloppes entre les États membres constitue un enjeu majeur pour la France, qui conteste le critère historique du Fonds européen pour la pêche (FEP) sur la période 2007- 2013 ; des personnes auditionnées par vos rapporteurs ont indiqué qu’en effet, la France ne touchait que 4 % du FEP alors qu’elle dispose de l’une des flottes les plus importantes de l’UE. Il est donc nécessaire, a minima, de se fonder non sur la répartition initiale de l’enveloppe mais sur le niveau de consommation du FEP au cours de la programmation.

Les interventions du FEAMP sont par ailleurs définies de manière trop restrictive. Le fonds devrait avoir un objectif économique de modernisation de la flotte, permettre la construction de nouveaux navires, qui ne soit pas seulement cantonnée aux investissements en matière de sécurité ou d’amélioration de la sélectivité, mais également en matière de rendement énergétique de la pêche par exemple ou de continuer à financer le déchirage des navires au moment de l’arrêt des activités de pêche. Ces aides dans le cadre de plans de sortie de flotte ont permis de réduire les capacités de pêche, sortant du service les navires les plus vétustes. Le FEAMP doit aider les pêcheurs visant le respect d’exigences particulières de gestion des zones Natura 2000 en mer et dans les aires marines protégées. Les mesures en faveur des RUP doivent être améliorées, notamment en étendant le régime spécifique à tous les DOM.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné le rapport d’information et la proposition de résolution européenne relatifs à la réforme de la politique commune de la pêche de Mme Annick Le Loch et de M. Daniel Fasquelle.

M. le président François Brottes. Le rapport et la proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd'hui sont le fruit d’un travail collégial impliquant la commission des affaires économiques et celle des affaires européennes. Nos deux rapporteurs, M. Daniel Fasquelle et Mme Annick Le Loch vont présenter leurs travaux consacrés à la réforme de la politique commune de la pêche (PCP). Je demande aux deux rapporteurs, au nom de tous nos collègues moins spécialistes qu’eux du sujet important mais complexe que représente la pêche, de faire un véritable effort de pédagogie dans leurs présentations.

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Je suis d’accord avec vous Monsieur le président, il s’agit d’un secteur extrêmement réglementé. Les pêcheurs font un très beau métier dont on ne parle sans doute pas suffisamment, je me réjouis donc que nous puissions l’aborder ensemble ce matin. Je suis co-rapporteure avec Daniel Fasquelle, au nom de la Commission des affaires économique et Mme Annick Girardin et M. Didier Quentin, sont rapporteurs au nom de la Commission des affaires européennes. Les autres députés membres du groupe de travail pour la commission des affaires économiques sont Mme Marie-Hélène Fabre, M. Yannick Moreau et Mme Corinne Erhel.

Nous avons débuté nos travaux à la mi-novembre 2012 et avons procédé à un grand nombre d’auditions. Nous avons ainsi rencontré des ONG, des organisations professionnelles, des scientifiques, et nous nous sommes déplacés à Bruxelles où nous avons échangé avec un membre de la commission pêche du Parlement européen, la cheffe de cabinet adjoint de Mme Maria Damanaki, commissaire en charge des affaires maritimes et de la pêche, un représentant de la DG Mare, ainsi que deux membres de la représentation permanente de la France auprès des institutions européennes.

La difficulté de ce sujet réside dans l’équilibre à trouver entre prise en compte des réalités économiques et sociales et préservation d’une ressource fragile qu’il convient de pérenniser.

La réforme actuelle de la PCP fait, vous le savez, l’objet de vifs débats au sein du Parlement européen et de négociations ardues dans le cadre du trilogue, qui devraient néanmoins aboutir d’ici la fin du premier semestre 2013.

Si la pêche n’est pas un secteur économique dominant de l’économie européenne, elle n’en demeure pas moins un secteur important tant sur les plans de l’aménagement des territoires littoraux, de l’emploi que de la sauvegarde des terroirs. Dans le Finistère, il y a par exemple 3 000 marins, 700 bateaux, et cela génère 11 500 emplois dans la filière de la pêche, il y a 60 000 tonnes de poissons débarqués, dans 8 criées, représentant un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros.

La raréfaction des ressources halieutiques est un phénomène mondial et européen. D’après la FAO, 30% des stocks sont surexploités à l’échelle mondiale. Cette situation implique une gestion raisonnée de la ressource - notamment par la promotion de techniques de pêche plus sélectives – gestion nécessaire à la sauvegarde de l’industrie de la pêche, qui se trouve fragilisée tant en France qu’en Europe. Cela ne fait pas débat, et les pêcheurs ont fourni des efforts depuis plusieurs pour améliorer la sélectivité de leurs bateaux. Cela a d’ailleurs eu un impact positif sur les stocks.

Le déclin tendanciel de la flotte au niveau européen et national a suivi celui de l’emploi. La capacité de la flotte européenne a diminué au cours des dernières années à un rythme annuel moyen de 2% par an, le nombre d’entreprises de pêche diminuant de son côté de 15% depuis 2006. On a appelé ça pudiquement les « déchirages de bateaux ». En France, en dix ans, les débarquements ont diminué de 25% et les importations ont augmenté de 50%.

Historiquement liée à la PAC, la PCP s’est progressivement émancipée pour devenir une politique à part entière. Toutefois, il est vite apparu que celle-ci ne remplissait pas totalement ses objectifs, à savoir prévenir la surpêche, garantir aux pêcheurs des moyens d’existence pérennes, approvisionner les transformateurs et les consommateurs de manière régulière, améliorer la préservation et la gestion des ressources, et assurer un développement équilibré des territoires. La PCP a fait de la lutte contre la surcapacité de la flotte européenne un objectif prioritaire, sans la quantifier précisément, comme si elle suffisait à elle seule à résoudre tous les problèmes dont souffre la pêche européenne.

La Commission a ainsi présenté les 13 juillet et 2 décembre 2011 un ensemble de propositions de textes qui constituent la nouvelle réforme de la PCP. Malgré un relatif accord sur le diagnostic, plusieurs aspects clés de la réforme font l’objet de profonds désaccords institutionnels.

Le « paquet PCP » propose une réforme d’ampleur mais le débat s’est principalement orienté sur trois des propositions de la Commission européenne : atteindre le rendement maximum durable (RMD) en 2015 pour tous les stocks, interdire tous les rejets selon un calendrier très rapide entre 2014 et 2016, mettre en place de concessions de pêche transférables (CPT) d’un navire à l’autre d’ici fin 2013. Suite à une levée de boucliers, les CPT ont fait l’objet d’un accord quasi général en faveur de leur abandon. Le principe d’une gouvernance plus régionalisée des pêches a lui été largement accepté. Il existe déjà sous forme embryonnaire depuis la création des conseils consultatifs régionaux. La réforme de l’OCM est assez consensuelle.

Concernant l’interdiction des rejets des espèces sous totaux admissibles de capture (TAC) et quotas, la Commission a posé ce principe comme la pierre angulaire de son projet de réforme, estimant que les rejets représentent aujourd’hui 23% des prises, soit 1,7 millions de tonnes de poissons par an. La pratique des rejets en mer correspond à des réalités variées. Certains rejets sont liés à la réglementation ou à des pratiques purement commerciales. Mais certaines prises accessoires sont inévitables, notamment dans le cas de pêcheries mixtes ou multi-spécifiques. La France est particulièrement concernée par ce type de pêche. Or, avec l'interdiction des rejets, elle sera pénalisée : il faudra veiller à consommer ses quotas par espèce au même rythme, ce qui est en pratique quasiment impossible. Lorsque l'un des quotas dont dispose un navire sera épuisé, même s'il lui reste des droits de pêche pour d'autres espèces, il ne pourra plus sortir du port. C’est la raison pour laquelle il est important de prévoir la fixation de flexibilités interannuelles et d’exemptions de minimis.

Mais le principal effet pervers de centrer l’interdiction des rejets sur l’obligation de débarquement est le risque de conduire à la mise en place d'une filière de valorisation de ces prises indésirables, destinée uniquement à une transformation sous forme de farine pour l'alimentation des élevages aquacoles.

Enfin, l'interdiction totale des rejets posera d'immenses difficultés pratiques, en termes d’investissement dans de nouveaux moyens de surveillance et de capacité des navires (caméras embarquées par exemple), car les capacités de stockage ne sont pas illimitées et les risques de surcharges réels, avec toutes les conséquences négatives en terme de sécurité que cela comporte (risque de chavirage).

Le Gouvernement français s’est résolu à accepter le principe de l’interdiction, tout en maintenant une position très ferme pour que soient adoptées des mesures d’application qui rendent le dispositif praticable pour les pêcheurs. Il a souligné la nécessité d’augmenter les TAC pour les espèces visées par une obligation de débarquement, de mettre en place une obligation de débarquement pour certaines espèces et une tolérance de rejet.

La Commission de la pêche du Parlement puis le Parlement européen lors du vote en plénière, se sont prononcés en faveur d’une interdiction progressive des rejets pour l’ensemble des espèces exploitées et des espèces réglementées, ce qui constitue une extension considérable du champ de cette mesure par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne. Le calendrier est par ailleurs restreint et ne correspond pas aux possibilités réelles d'adaptation des filières. Le Parlement européen a néanmoins apporté quelques ajouts positifs par rapport à la proposition de la Commission : la mise en place d’une étude visant à analyser au cas par cas la mise en œuvre graduelle de l’interdiction des rejets, le principe de la fixation de flexibilité interannuelles et d’exemptions de minimis.

Vos rapporteurs estiment que le problème devrait être pris à la source. Il faut étudier et mettre en place les conditions permettant de ne faire aucune capture inutile en premier lieu ; la gestion des prises par l’obligation de débarquement n’est qu’un outil de gestion qui découle du manque de sélectivité de la pêche. Comme le disent les pêcheurs, « il vaut mieux trier au fond que sur le pont ». De nombreux progrès ont d’ailleurs été réalisés sur ce point, mais il faut donc encore promouvoir le passage à des méthodes de pêche plus sélectives, notamment grâce à des subventions européennes. Le principe de sélectivité doit s’appliquer à tous les types de pêche. Il n’y a pas de mauvais engins de pêche en soi, il existe aussi des pêcheurs qui n’ont pas une attitude responsable.

Le RMD est, selon la FAO, la plus grande quantité de biomasse que l’on peut en moyenne extraire continûment d’un stock, dans des conditions environnementales données, sans affecter le processus de reproduction de ce stock. La Commission souhaite atteindre le RMD en 2015 pour tous les stocks. De son côté, le Conseil ne remet pas en cause la proposition de la Commission mais propose un calendrier plus souple, actant le principe de l’atteinte RMD en 2015 quand cela est possible et au plus tard en 2020 pour tous les stocks. Le Conseil suit en cela les orientations du plan stratégique 2011-2020 pour la biodiversité, adopté à Nagoya en 2010.

La position du Parlement européen parait irréaliste : il a souhaité qu'à partir de 2015, les taux de mortalité soient fixés de sorte qu'en 2020 au plus tard les niveaux des stocks soient maintenus au-dessus du RMD. Il s’agit d’une approche trop brutale qui pourrait conduire la France à fermer 50 % de ses pêcheries, avec des conséquences économiques et sociales irréversibles. Si le principe de précaution s’applique à la ressource, il doit aussi pouvoir s’appliquer à nos territoires et à nos emplois.

Vos rapporteurs plaident pour une application différenciée et progressive de l’objectif d’atteinte du RMD, qui entraînerait néanmoins probablement des difficultés importantes à court terme pour un secteur de la pêche déjà fragilisé. Nous allons devoir accompagner nos filières et nos ports.

Enfin, la définition des TAC au niveau européen doit tenir compte des discussions avec les pays tiers, lorsque ceux-ci partagent des zones de pêche avec l’Union européenne, comme par exemple en Méditerranée. L'Union européenne ne peut fixer d'objectif d'atteinte du RMD différent de celui visé par les autres flottes de pêche, qui se nourrissent du même stock, sinon cela pénaliserait les pêcheurs européens sans permettre d’atteindre le RMD.

Il y a plusieurs possibilités qui doivent pouvoir être envisagées pour atteindre le RMD. Les professionnels estiment ainsi qu’outre la sélectivité des engins, l’interdiction de la pêche dans certaines zones et la réglementation des périodes de pêche pourraient avoir des effets positifs.

M. le président François Brottes. Je vous remercie, Madame la rapporteure, pour cet exposé très pédagogique ; j’avoue avoir notamment apprécié la phrase selon laquelle « le tri doit plutôt se faire au fond que sur le pont »… Je pense d’ailleurs qu’il faudrait, chaque fois que l’un d’entre nous a connaissance de ce type de formules particulièrement emblématiques, que celle-ci soit notée afin qu’on la retienne pour l’avenir !

Je laisse maintenant la parole à Daniel Fasquelle, co-rapporteur de cette mission, afin qu’il puisse compléter ce qui vient déjà d’être dit.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Je vous remercie, Monsieur le président, et je vous remercie tout d’abord pour avoir bien voulu inscrire le sujet de la pêche à la réunion de notre commission, ce matin. C’est un sujet important car, même si le poids de la pêche dans notre économie est relativement faible, c’est un secteur essentiel pour plusieurs de nos territoires.

La pêche est aujourd’hui un secteur en grande difficulté où nombre d’exploitations risquent de disparaître. Le secteur a perdu 30 % de ses effectifs en quinze ans : c’est considérable et cela témoigne de sa très grande fragilité.

Nous sommes arrivés aujourd’hui à un tournant dans l’équilibre économique des exploitations. La PCP a été créée en 1983, soit plus de vingt ans après la politique agricole commune qui date, elle, de 1962. Elle est actuellement en cours de révision puisque trois projets de textes sont examinés par le Parlement et le Conseil : on est donc encore en mesure de peser sur les choix qui vont être faits. Or, je tiens à le souligner, si la PCP telle qu’elle est actuellement présentée n’est pas amendée, on peut légitimement nourrir de sérieuses inquiétudes sur l’avenir de la pêche artisanale française. Le texte présenté est en l’état totalement inacceptable.

C’est une bonne chose que l’on souhaite pratiquer une politique de la pêche durable, respectueuse de l’environnement et des ressources halieutiques : il faut néanmoins que cette politique soit également favorable à l’emploi. Veiller aux stocks de poissons est une évidence puisque, faute de poissons, ce sont les pêcheurs qui disparaîtront ensuite : ils en ont conscience. Il existe actuellement une véritable défiance de la PCP à l’égard des marins-pêcheurs comme en témoigne d’ailleurs le vocabulaire utilisé (quotas, restrictions réglementation…), alors que cette politique doit au contraire être élaborée avec eux. En outre, cette politique se bâtit sur des constats scientifiques qui ne sont pas avérés, les stocks ne pouvant actuellement être précisément évalués. Encore une fois, il faut davantage écouter les marins-pêcheurs qui connaissent la mer, ce milieu et les poissons : leur expérience est plus que jamais nécessaire. Il faut également rappeler que si les stocks sont en baisse, ce n’est pas seulement à cause d’une pêche intensive : la construction d’éoliennes en mer, l’extraction de granulats, le réchauffement climatique sont autant de facteurs qui affectent le milieu dans lequel évoluent les ressources. Les marins-pêcheurs ne doivent donc pas faire office de boucs émissaires!

Par ailleurs, la pêche durable a une évidente dimension sociale. On a, par exemple, un choix objectif pour pêcher une même quantité de poissons : soit recourir à un grand nombre de petits bateaux qui mobilisent de nombreux pêcheurs, soit faire appel à de gros bateaux avec peu de personnel… On peut faire un utile parallèle avec la politique agricole commune où le choix a été d’intégrer une dimension « aménagement du territoire », qui a permis le maintien de nombreuses petites et moyennes exploitations. Ici, c’est la même chose : il faut privilégier les flottilles importantes qui permettent de faire vivre un grand nombre de pêcheurs. Le système des quotas de pêche transférables est problématique puisqu’il favorise les grandes structures, au détriment de l’emploi. Je pense qu’il est des domaines, comme celui de la pêche, où le politique et la régulation ont un rôle à jouer.

Un autre point pose difficulté, la définition des quantités de pêche par rapport au «rendement maximum durable ». Certains stocks sont en dessous du point maximum défini, et la Commission nous impose d’y revenir très rapidement. C’est une erreur : mieux vaut le faire progressivement. À Boulogne-sur-Mer, lorsque des règles ont été imposées brutalement sur la pêche au hareng, toute la filière a été détruite. Évidemment, une fois le stock reconstitué, la pêche a eu beau avoir été rouverte, les emplois d’hier n’étaient plus là, et la valorisation du hareng s’est faite ailleurs. La Commission européenne fixe 2015 comme objectif de retour au rendement maximum durable ; nous pensons qu’il faut reculer l’échéance à 2020.

L’interdiction des rejets en mer est une règle qui, elle aussi, ne nous semble pas en adéquation avec la réalité. La place pour une cargaison valorisable est diminuée d’autant. Cela signifie qu’il faut trouver une filière de valorisation de ces rejets, sinon cela reviendrait à une perte sèche pour les marins pêcheurs. Et que peut-on faire de ces rejets ? De la farine ? La Commission contribue à la création d’une filière totalement artificielle. Les navires qui ciblent une espèce en particulier peuvent encore s’accommoder de l’interdiction des rejets en mer. Mais pour les autres, c’est une catastrophe.

Enfin, je voudrais évoquer les lacunes de la PCP. En premier lieu, rien n’est fait pour soutenir l’achat de bateaux neufs. La moyenne d’âge de ces derniers est de 25 ans en France, ce qui est élevé. Il y a bien des soutiens à la modernisation, mais cela n’est pas suffisant, notamment pour les jeunes qui souhaitent se lancer dans la profession. De plus, les nouveaux navires sont moins consommateurs de carburants ; c’est un moyen de lutter contre le cercle infernal actuel, qui voit les marins obligés de pêcher toujours plus pour compenser la hausse du coût du carburant. À notre sens, la Commission raisonne à l’envers : aider au renouvellement de la flotte ne va pas détériorer les stocks mais, au contraire, contribuer à les reconstituer. Des navires neufs constitueraient également une amélioration des conditions de travail et de sécurité considérable, ce qui contribuerait grandement à rendre ce métier plus attractif pour les jeunes. Mais cela ne fait pas du tout partie des priorités de Bruxelles. Enfin, la règle des jauges, qui a été élaborée en référence aux navires de commerce, a été transposée de façon inadaptée aux navires de pêche, ce qui pose de vrais problèmes à ceux qui veulent en construire. Par exemple, dans le cas d’un navire de pêche hybride, tel que celui qui vient d’être lancé dans le port de Boulogne-sur-Mer, la machinerie prend plus de place, au détriment du poisson puisqu’on est prisonniers de la jauge. On ne peut pas non plus construire des navires plus longs, alors qu’ils sont plus économes en carburant.

Deuxième lacune de la PCP, elle ne prend pas du tout en compte la généralisation de la senne danoise – filet que l’on étend en mer puis que l’on referme pour prendre le poisson –, pratique venue des Pays-Bas. Le nombre de navires équipés de ces filets est passé de trois à vingt-quatre en dix ans. Les chalutiers boulonnais ne peuvent plus aller pêcher dans leur zone de pêche traditionnelle car elles sont envahies par ces filets. Vous imaginez bien que cela génère des tensions extrêmement fortes, que la PCP ne permettra pas d’apaiser. C’est incroyable : on construit une nouvelle politique de pêche, mais elle ne s’attaque même pas aux problèmes actuels de cohabitation entre marins, qui sont pourtant majeurs.

Enfin, le règlement OCM est faible. Le manque de valorisation des produits de la mer est l’un des trois éléments qui déstabilisent la filière.

En conclusion, le sujet que nous abordons aujourd’hui est extrêmement sérieux. Si les bonnes décisions ne sont pas prises aujourd’hui, dans quelques années il sera trop tard.

M. le président François Brottes. Je remercie les rapporteurs pour leurs exposés particulièrement intéressants, qui ont suscité la plus grande attention des députés de la Commission, y compris les non littoraux.

M. Alain Marc. Je ne suis pas d’un territoire particulièrement maritime, mais je tiens effectivement à saluer le travail qui a été fait dans le cadre de ce rapport. J’aurais plusieurs questions aux rapporteurs. La présence de caméras sur les bateaux pour vérifier que l’interdiction des rejets est bien respectée m’interpelle : est-ce bien conforme aux libertés publiques ? La Commission européenne a-t-elle prévu un encadrement du recours aux caméras ?

Quel est le montant des importations dans le secteur de la pêche ? Quels sont les rapports de l’Union européenne avec le reste du monde ? Ne va-t-on pas laver plus blanc que blanc ? Je m’explique : ne serait-on pas en train de s’imposer des règles drastiques, tout en achetant dans le même temps du poisson à des pays qui pratiquent la surpêche ?

Ce que vous avez dit, M. Fasquelle, au sujet du manque de connaissance que l’on a de l’océan, m’a interpelé. L’Europe est-elle prête à soutenir financièrement la recherche menée par l’IFREMER ou les universités ? À quelle hauteur ?

Votre rapport concerne-t-il l’Europe « continentale », ou bien l’ensemble des eaux territoriales des territoires appartenant aux pays européens, répartis sur toute la planète ?

En matière de formation professionnelle, les jeunes pêcheurs bénéficient-ils de cycles spécifiques, au même titre que l’enseignement agricole ?

Mme Marie-Hélène Fabre. Je vous remercie pour votre présentation et pour les préconisations équilibrées et courageuses que vous avancez, madame et monsieur les rapporteurs. Équilibrées, d’abord parce que vous avez su prendre en compte, et ce n’était pas le moindre de vos défis, l’ensemble des formes de pêche qui participent de cette activité. La pêche française, plus qu’aucune autre en Europe, est marquée par une immense diversité de pratiques et d’intérêts, selon les façades, selon les types de pêche. Aussi chacun se réjouit ici, et la représentante de la Méditerranée que je suis en premier lieu, que ce rapport soit celui de tous les producteurs de la mer.

Mais ce projet de résolution est surtout courageux. Car face à certaines pétitions de principes, vous avez fait le choix périlleux du pragmatisme, en intégrant autant les inquiétudes légitimes concernant le devenir de l’écosystème marin que les réalités économiques, au premier rang desquelles le maintien d’un niveau décent d’emploi et de rémunération pour les pêcheurs. À l’heure où s’élabore la réforme de la PCP, vous faites entendre la voix de la France. Si le projet européen est plutôt satisfaisant dans son ensemble, certains de ses points nous semblent amendables. Le sentiment de notre groupe épouse celui des rapporteurs, pour conclure que le système actuellement envisagé est perfectible.

Vous mettez l’accent sur une vision régionalisée, plus globale de la gouvernance de la pêche, et vous insistez pour qu’on se dote enfin des instruments appropriés afin d’apporter des réponses globales à des enjeux qui ne le sont pas moins. En effet, il est bien beau de forcer les pêcheurs européens à limiter leurs prises, mais alors, il faut savoir ce qui se pêche ailleurs pour être consommé ici. À ce titre, le remplacement des APP – les accords de partenariat de pêche – par les ADP – les accords de pêche durable – est symbolique du renouvellement de l’approche de ces enjeux.

Concernant la question des rejets, la position que vous avez adoptée nous semble particulièrement pertinente. En effet, la mise en place du principe du débarquement intégral des rejets va impacter plus fortement la pêche française que les autres armements. Et n’oublions pas que le débarquement des rejets ne signifie aucunement la fin ou l’élimination des rejets. Le véritable objectif, derrière ce principe, reste la réduction des captures non commercialisables ou non viables, et non la disparition de la flotte de pêche de notre pays. Aussi, il est souhaitable qu’un tel changement s’accompagne d’une phase de transition et d’un ajustement à la hausse des possibilités de pêche, le tout dans le respect d’un calendrier réaliste pour que la filière ait le temps de s’adapter au mieux.

La reconstitution de ressources halieutiques abondantes est aussi un objectif sur lequel nous nous accordons. Mais là encore, on doit tenir compte des réalités économiques vitales pour de nombreuses régions françaises. Atteindre le rendement maximal durable, dès 2015 pour tous les stocks, c’est prendre un risque considérable, celui de fermer jusqu’à 50 % des pêcheries, avec des conséquences économiques et sociales irréversibles. Pour éviter ce désastre, laissons le temps à la filière de s’adapter et repoussons cet accomplissement à 2020 là où c’est nécessaire.

Enfin nous nous accordons avec vous pour réclamer que la France reçoive une part du FEAMP plus importante, plus en rapport avec ses besoins et son poids réel dans la pêche européenne. La petite pêche doit enfin cesser d’être négligée et cette reconnaissance doit se traduire par une meilleure prise en compte dans les organes décisionnels.

L’Europe est aujourd’hui à un carrefour décisif concernant sa politique de la pêche. Il s’agit d’orienter le secteur vers la durabilité, ou de prendre des décisions qui condamneront à plus ou moins long terme la filière. à tous ceux qui estiment que nous n’allons pas assez loin, je rappellerai les conséquences économiques, bien réelles, de ces décisions le long des littoraux de notre pays. À l’heure où le calendrier de la PCP s’accélère, votre rapport vient apporter des solutions fécondes et respectueuses des intérêts de chacun aux nombreux défis auxquels cette filière est aujourd’hui confrontée. J’appelle donc tous les commissaires, à l’image des commissaires socialistes, à soutenir cette proposition de résolution.

M. Yannick Moreau. Permettez-moi tout d’abord de saluer le remarquable travail de nos collègues. Je ne peux que regretter que le Parlement français ne soit pas plus associé à l’élaboration de la prochaine PCP, alors que les parlementaires européens me semblent avoir trop abondé dans le sens de la Commission européenne. Si nos rapporteurs avaient pu émettre eux-mêmes un avis devant les institutions européennes, nous aurions pu davantage contrôler la Commission, dont les positions menacent à mes yeux l’avenir de la pêche française, et en particulier celui de la pêche artisanale. Je ne peux ainsi m’empêcher de ressentir un léger pincement au cœur face à cet abandon de souveraineté.

Mme Brigitte Allain. Le groupe écologiste salue l’importance du vote du Parlement européen sur la PCP, le 6 février dernier. Pour la première fois, le principe de durabilité est inscrit en déterminant majeur et la priorité est accordée au renouvellement de la ressource et aux critères de pêche permettant la restauration des stocks. Cela constitue une vraie avancée et une rupture avec le bilan désastreux de la précédente réforme de la PCP. La lourdeur du bilan se voit à travers ce chiffre : en Europe, 88 % des stocks de poissons sont exploités au maximum ou surexploités. Rappelons également que 4 millions d’euros ont été dépensés pour pêcher 25 % de poissons en moins avec 30 % de pêcheurs en moins.

Le groupe écologiste partage le constat selon lequel les logiques productivistes d’exploitation des ressources halieutiques ont entraîné le déclin de la filière et la régression des emplois : il est temps de réorienter le soutien public vers des pratiques de pêche durables, à même de concilier des objectifs économiques, sociaux, et environnementaux. Je m’associe au travail de mes collègues écologistes au Parlement européen, et des députés écologistes de la commission des affaires européennes, qui ont travaillé à faire évoluer les points de vue vers une vision à long terme, à même de favoriser la mise en place d’une politique durable de la pêche, et respectant l’esprit du consensus européen, mais également vers une vision européenne – et pas seulement française – de la gestion des stocks.

En revanche, je m’étonne que nous discutions de cette proposition sous forme brute ce matin alors qu’elle a été revue hier soir lors de son examen par la commission des affaires européennes.

M. le président François Brottes. La commission des affaires européennes a modifié son programme de travail et pris plus de temps que prévu pour examiner cette proposition de résolution. En ce qui concerne la commission des affaires économiques, son ordre du jour était fixé depuis longtemps et il aurait été difficile de le modifier. Par ailleurs, il ne me semble pas que la commission des affaires européennes ait apporté de sensibles modifications hier soir. Mais le texte que nous examinons est celui qui nous a été remis, amendé, par la commission des affaires européennes.

Mme Brigitte Allain. J’en viens à présent à nos points de désaccords. S’agissant de la réalisation du rendement maximal durable (RMD), la résolution propose une dérogation afin de repousser sa mise en œuvre de 2015 à 2020. Pourtant, la réalisation du RMD n’est pas un élément nouveau de réforme, puisque cet engagement remonte à 2002. Le nouveau règlement relatif à la PCP ne peut être moins ambitieux que les engagements pris il y a 10 ans ! En outre, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer prévoit comme objectif légal et obligatoire cette mesure dès 2015.

Concernant l’élimination des rejets, l’engagement est à nos yeux encore trop faible et trop flou. Il faut viser l’objectif de l’interdiction totale des rejets d’ici 2017 alors que l’industrie refuse depuis vingt ans d’utiliser des mesures pour diminuer les rejets. La pêche doit se concentrer sur des pratiques qualitatives plutôt que quantitatives. La question de la sélectivité des navires n’est pas seule en cause, c’est aussi une question de volonté des pêcheurs, des zones de pêche et de choix de pratiques plus ou moins destructrices.

Par ailleurs, je salue le vote de la commission des affaires européennes, qui a accepté hier soir un amendement proposé par les écologises sur le point 6 visant à ce que la clé de répartition du fonds se base sur des critères sociaux et environnementaux. Je défendrai également un amendement tout à l’heure.

Pour conclure, j’exprimerai les regrets du groupe écologiste de constater que la résolution française se positionne bien en deçà du consensus européen pourtant historique, et porteur d’une vraie politique de transition.

M. Joël Giraud. Les interventions de nos rapporteurs m’ont permis de mieux cerner le sujet, dont il faut reconnaître le caractère quelque peu abscons. Dans cet excellent rapport, il y a beaucoup de choses intéressantes et passionnantes, mais il y a un élément très peu abordé alors qu’il est fondamental aux yeux de nombreux spécialistes : la pêche illicite.

Si tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faille préserver les ressources à moyen et long terme, nous ne disposons pas d’évaluations solides sur la part de la pêche illicite, alors que le chiffre de 30 % est parfois avancé. Comme d’autres, la France est confrontée à l’enjeu de la lutte contre la pêche illicite, d’une part car elle a parfois lieu au large des côtes françaises, notamment au large de la Guyane, d’autre part car des pêcheurs français se livrent à cette pratique au large des côtes africaines. Il faudrait certainement mettre en place une meilleure gouvernance : si nous sommes prêts à installer des caméras sur les bateaux, il me semble essentiel de s’attaquer à ce sujet majeur.

À ce sujet, plusieurs universités belges, dont celle de Louvain, ont publié des études relatives au suivi de l’ADN des poissons, ce qui permet une meilleure traçabilité. À ce titre, il faudrait peut-être réfléchir à une simplification des certifications, tant le consommateur s’y perd. Il conviendrait d’ailleurs peut-être de vérifier la fiabilité des certifications.

M. André Chassaigne. Me revient en mémoire cette citation de Lamartine : « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Je ne peux en effet m’empêcher de penser en ce moment à notre ancien collègue François Liberti, pêcheur et spécialiste du thon, et plus spécifiquement du thon rouge, ce qui n’étonnera personne au regard de son engagement politique. Permettez-moi tout d’abord de rappeler à quel point la pêche artisanale doit bénéficier de dispositifs d’accompagnement spécifiques, de nombreux rapports montrant en effet que la pêche artisanale utilise des techniques moins destructrices et plus protectrice de l’environnement. Alors que ses propos liminaires me paraissaient aller dans le bon sens, Daniel Fasquelle s’est montré par la suite plus ambigu à ce propos. J’ai ainsi cru comprendre qu’il privilégiait une pêche davantage industrielle, que je qualifierais de capitalistique. Cette approche ne va-t-elle pas à l’encontre du renforcement de la pêche artisanale alors que cette dernière peut être la première victime d’une multiplication des contraintes ? Ainsi, au-delà des réserves culturelles s’agissant de l’installation de caméras embarquées, comment de petits pêcheurs pourront-ils supporter le coût afférent ? Il me semble me souvenir qu’il y a quelques années, des programmes de recherche avaient été lancés afin d’améliorer la performance des moteurs des bateaux de pêche, et ce afin de réduire la consommation de carburant. Savez-vous si ces programmes ont abouti ?

Alors que la pêche artisanale exige de la confiance, il me semble indispensable de restaurer le dialogue entre les ONG – très attachées au protocole de Nagoya – et les pêcheurs, afin de lier les enjeux écologiques et économiques. À mes yeux, il est nécessaire de se fonder sur une approche scientifique, d’autant plus que nous avons la chance de disposer de l’IFREMER. Mais encore faudrait-il lui donner les moyens de mener à bien ses travaux ! Alors rapporteur pour avis des crédits affectés à cet organisme, j’avais pu souligner les difficultés financières de l’IFREMER, notamment en vue du renouvellement de sa flotte.

De plus, ne faudrait-il pas mieux prendre en compte la diversité de l’espace marin, au regard des spécificités des différentes façades maritimes, et ainsi traiter de manière différenciée la Méditerranée et l’Océan Atlantique ?

Enfin, pensez-vous que des évolutions législatives soient souhaitables, notamment de la loi sur l’eau, afin de mieux traiter de la question des lagunes, essentielles à l’équilibre des écosystèmes ?

Mme Pascale Got. Il me semble essentiel de souligner la diversité des réglementations en vigueur dans ce domaine, génératrice de conflits entre les zones, cela a été dit, mais aussi entre les différents types de pêche. Les différentes législations ont également fortement complexifié les zonages : loi littorale, parcs marins, parcs éoliens. À mon sens, il est nécessaire de modifier la réglementation afin de trouver un équilibre entre les pêches, l’aquaculture et la gestion de l’espace littoral. À ce sujet, existe-t-il un cadre pour faciliter la résolution des conflits et améliorer les relations entre les scientifiques et les pêcheurs ? Enfin, comment, selon vous, améliorer la compétitivité des aquacultures européennes : des fonds européens sont-ils dévolus au financement de la recherche dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture ?

M. Jean-Claude Mathis. Comme l’a rappelé Daniel Fasquelle, depuis le début des années 1980, la politique de la pêche n’a que très peu évolué. Il faut donc la revisiter pour répondre aux demandes des professionnels mais également au défi environnemental. La Commission européenne a fondé son analyse sur le constat d’une surpêche en Europe et de la nécessité de réduire de moitié, voire plus, l’effort de pêche. Que peut-on préconiser pour que le secteur marin puisse s’adapter au mieux sans mettre en péril les milliers d’emplois concernés ?

Mme Annick Girardin. Je suis ravie de pouvoir m’exprimer sur ce sujet essentiel et, si monsieur le président me le permet, je souhaiterais également me faire la porte-parole de l’outre-mer. Avant toute chose, il me paraît nécessaire de rappeler que les décisions de l’Union européenne auront un impact sur près de 50% de la filière halieutique. C’est dire combien nos débats sont importants ! À ce titre, permettez-moi d’évoquer le cas particulier de Saint-Pierre et Miquelon, qui me semble pouvoir éclairer notre réflexion : le moratoire sur la pêche à la morue décidé en 1992 a entraîné une désorganisation complète de la filière et nous commençons à peine la restructurer, soit plus de vingt ans après. Il nous faut donc être vigilant, car toute décision peut avoir de lourdes conséquences sur la filière dès lors que les compétences sont perdues. Si la France est relativement isolée au sein des négociations européennes, nous devons absolument défendre la diversité qui est le propre de la pêche française. S’agissant de la question des rejets, il me semble que nous faisons fausse route et risquons d’encourager le développement de la pêche minotière, ce qui serait la pire des solutions.

Enfin, il me semble essentiel de prendre en compte les spécificités des outre-mer, et notamment dans les départements, où la PCP a vocation à s’appliquer. Pour mémoire, le premier port de pêche artisanale français se situe en Martinique. Je crains qu’il ne nous soit interdit de soutenir financièrement la structuration de la filière halieutique ultramarine alors que cela serait nécessaire pour la renforcer. Par ailleurs, le volet extérieur de la PCP m’interroge. Alors que la nouvelle réglementation s’imposera à La Réunion, l’Union européenne accompagnera le développement de la pêche artisanale à Madagascar : comment comprendre ces incohérences ?

M. Dino Cinieri. Le vote du 6 février dernier a rappelé la volonté du Parlement européen de mettre un terme au déclin des ressources halieutiques tout en freinant le phénomène de destruction des emplois dans le secteur de la pêche. Les moyennes et grandes surfaces, qui représentent aujourd’hui 60% de la distribution de poisson, privilégient aujourd’hui les poissons importés, ce qui met en péril les 30 000 emplois de la filière – mareyeurs, transformateurs, etc. Pensez-vous possible d’imposer des quotas dès 2015, sachant que Jean-Marie Zarza, armateur et président de l'Union des armateurs à la pêche de France (UAPF) reproche aux instances européennes la volonté d’avancer la mise en place du RMD de 2020 à 2015 sans tenir compte des avis de scientifiques quand ils sont favorables aux pêcheurs ? Enfin, d’après vous, nos partenaires européens vont-ils jouer le jeu, faute de quoi nos pêcheurs français subiraient une nouvelle fois une distorsion de concurrence ? L’interdiction de rejeter par-dessus bord des prises non voulues, soit parce qu’elles n’entrent pas dans les quotas, soit parce qu’elle n’entre pas dans les espèces commercialisables, est-elle une bonne idée ? N’y a-t-il pas un risque que se développe une pêche parallèle afin de fabriquer des farines de poissons à destination de l’aquaculture ou que ces espèces peu valorisées soient utilisées pour des plats cuisinés, sans aucune transparence pour le consommateur ?

M. Frédéric Roig. À l’occasion de sa visite, vendredi dernier, à Sète et sur le bassin de Thau, M. le ministre chargé de la pêche, Frédéric Cuvillier, a été sensibilisé aux enjeux évoqués dans le rapport présenté par nos rapporteurs. Au-delà du seul métier de pêcheur, il s’agit en effet de défendre tous les métiers liés à cette filière. Lors du débat sur le projet de loi de finances, nous avons adopté des dispositifs importants afin de soutenir la compétitivité des entreprises de la filière halieutique. Dans quelle mesure le Fonds européen pour la pêche (FEP) peut-il représenter un outil complémentaire afin de développer des projets sur notre territoire ? Enfin, le rapport fait mention de la « Plateforme Petite Pêche Artisanale Française». Cette dernière pourrait permettre aux petits pêcheurs un accès préférentiel aux quotas et aux droits de pêche, une priorité d’accès aux ressources de la bande côtière, une juste représentation dans les instances professionnelles et une réglementation adaptée aux spécificités des bassins et de la profession pour prendre en compte la polyvalence de ces métiers. À quelle échéance cette plateforme peut-elle être effective ?

M. Alain Suguenot. Comme vous le savez, la Côte d’Or est l’une des plus belles côtes de France ! Sans jouer les Cassandre, il me semble qu’il y a une contradiction évidente entre les visions de nos rapporteurs et ce que l’on croit comprendre des travaux de l’Union européenne. Alors que chaque pays essaye de préserver ses propres intérêts, la filière halieutique est prise entre le marteau et l’enclume : à titre d’exemple, plus les bateaux seront modernisés, plus des emplois seront détruits. Dans le même temps, le consommateur n’est pas pour autant mieux protégé : je pense évidemment au sujet des farines animales, car le souvenir de la vache folle m’amène à me demander si nous ne sommes pas en face du même problème. Au-delà, savez-vous quelle est la part de la pêche dans le produit national brut (PNB) de l’Union européenne ?

M. Hervé Pellois. En tant qu’ancien président d’un petit port de pêche dans le Morbihan, je suis inquiet de la stratégie de l’Union européenne, qui risque de fortement pénaliser les petits ports. Une nouvelle fois, les moyens seront concentrés dans les endroits les plus organisés… La question des rejets est topique : dans les petits ports de pêche, qui prendra en charge les rejets et les acheminera à l’équarrissage, et à quel coût ? Les choses seront plus difficiles à faire là où la situation est déjà difficile, à l’avantage des plus grosses structures. De même, les conditions de travail des pêcheurs seront dégradées. En ce qui me concerne, je crois davantage à la sélectivité des modes de pêche et à la modernisation des navires mais pour ce faire, il nous faudrait plus de temps. C’est pourquoi cette résolution me semble aller dans le bon sens.

M. Kléber Mesquida. Promouvoir la pêche et l’aquaculture durable ne peut qu’encourager une gestion plus avisée de notre écosystème, toutefois le sentiment général qui ressort de ce rapport est celui de l’incapacité de l’Union européenne à accomplir pleinement ce rôle. Il existe en effet des désaccords institutionnels dont pâtissent les professionnels de la pêche qui sont dans l’attente de nouvelles normes, notamment en ce qui concerne l’interdiction des rejets, la question du rendement maximal durable, la répartition de l’enveloppe consacrée à la pêche. Comme l’indique le rapport, les filières de la pêche et de l’aquaculture françaises souffrent d’un déficit de compétitivité lié à un différentiel de contraintes réglementaires, environnementales, sanitaires et sociales, y compris au sein de l’Union, alors même que le prix de vente des poissons par les pêcheurs ne permet pas de leur garantir des ressources suffisantes. Que préconisez-vous pour combattre cette concurrence déloyale ?

M. Philippe Le Ray. Je soutiendrai ce rapport très éclairant rédigé par deux spécialistes de ces questions. Je souhaite aborder une série de points. Je suis tout d’abord étonné des divergences d’appréciation de l’état de la ressource entre les pêcheurs et certains observateurs, il serait utile de disposer d’une expertise fiable sur ces questions. En ce qui concerne l’interdiction de tous les rejets, sans doute conviendrait-il d’aborder le sujet de manière moins globale en dissociant les rejets vivants et les rejets morts, ce qui est commercialisable et ce qui ne l’est pas et en procédant par étapes. Le renouvellement de la flotte de pêche qui est indispensable en raison de son ancienneté, vingt-six ans de moyenne d’âge, et de la nécessité de faire des économies d’énergie, doit aussi, dans la période d’incertitude que nous connaissons, être un signe politique fort à destination de ceux qui souhaitent investir et des jeunes qui veulent se lancer dans ce secteur d’activité. Par ailleurs, en ce qui concerne la pêche côtière, je suis très inquiet de constater chaque année une diminution du nombre d’équipages en raison de la retraite des uns et de la non-installation des autres. Je déplore également la persistance des accidents en mer, dans ma circonscription ce sont deux marins par an qui périssent, et j’insiste donc sur la nécessité de disposer d’un plan de sécurisation des bateaux. Je reviens également sur la question de la pêche concurrentielle privée, il est nécessaire de se donner les moyens de contrecarrer cette véritable économie parallèle. Je demande enfin un report de la mise en œuvre de l’écotaxe qui pénalise les pêcheurs et une meilleure visibilité pour les consommateurs de l’origine des produits de la mer transformés qui sont le plus souvent des produits d’importation.

M. Philippe Kemel. Élu du Pas de Calais et de son bassin minier j’ai également une vision claire des enjeux liés au littoral avec quelque 8 000 salariés qui travaillent pour l’essentiel dans de petites entreprises de pêche qu’il convient de garantir. La région est investie dans le sujet de l’élevage de poissons, un projet aquacole à hauteur de 11 millions d’euros est en cours dans la région de Boulogne sur mer. La nouvelle PCP comporte-t-elle des éléments de régulation de l’aquaculture ?

Comment peut-on renforcer la lisibilité de la politique des quotas à destination des pêcheurs ? Existe-t-il des négociations en cours avec la Norvège pour le partage de la ressource en mer du Nord ?

Mme Frédérique Massat. Sur ce sujet de la pêche qui ne doit pas être cantonné aux élus du littoral, tout comme les questions afférentes à la montagne ne sont pas non plus réservées à ses élus, je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour le rappel sur les évolutions de la PCP qui permettent de mettre ces sujets en perspective. Quelle analyse politique faites-vous des difficultés récurrentes rencontrées par la PCP pour atteindre ses objectifs ? Quelle ligne européenne peut-elle être construite sur ces sujets ?

M. le président François Brottes. Je constate avec satisfaction que le sujet de la pêche est désormais suivi par de nombreux députés ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. Après le sujet des farines animales et celui de la taxe « poisson » qui ont largement mobilisés cette commission, nous nous apercevons que notre territoire est attaché à la pêche. En tout état de cause, les enjeux actuels à l’échelle européenne posent la question de la survie de certains métiers et de la capacité à moderniser ou non la flotte. Toutes ces questions sont au cœur de la présente résolution.

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Nous sommes tout à fait en phase avec la volonté de maintenir cette activité économique dans sa diversité sur le littoral, la pêche est importante à la fois économiquement et en termes d’aménagement du territoire.

Oui nous importons une large part de notre consommation, de l’ordre de 75%, et c’est aussi le cas à l’échelle de l’Europe, à hauteur de 65%. Cela signifie que nous sommes très éloignés de l’autosuffisance en ce domaine et que ces importations génèrent un déficit commercial de 3 milliards d’euros par an.

La question de l’embarquement d’une caméra dans chaque bateau de pêche afin d’observer ce qui se passe lors des traits de chalut en matière de rejet est en effet en débat. Ce sujet qui pose bien évidemment des questions de financement doit encore être affiné.

Il existe effectivement des accords de pêche avec le reste du monde, ils sont d’ailleurs décrits dans le rapport. Leur mise en œuvre dépend des moyens disponibles pour les contrôles, dès lors certains fonctionnent correctement et d’autres non.

L’Union européenne affiche sa volonté de lutter contre les phénomènes de concurrence déloyale, il est notamment envisagé de créer un label européen qui garantisse la durabilité de notre pêche et la prise en compte de critères environnementaux et sociaux. L’Union veut également diffuser le modèle européen qui se caractérise par une gouvernance de qualité qu’il serait souhaitable de voir adopter par des pays tiers.

En matière de connaissance des ressources contenues dans les océans, force est de reconnaître que nos connaissances sont insuffisantes en dépit de l’existence de scientifiques spécialisés sur ces thèmes.

Il est vrai qu’il faut un certain courage pour défendre l’économie de la pêche au Parlement européen face à un discours général assez résigné. Il est pourtant nécessaire de défendre les savoir-faire des pêcheurs et la place qu’ils occupent en matière de souveraineté alimentaire.

La nouvelle PCP comporte un instrument financier, le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), qui est doté de 6,5 milliards d’euros et qui a vocation à aider à relever les défis qui sont face à nous et notamment assurer durablement l’avenir de nos entreprises de pêche.

Les attitudes des députés européens sur les questions de pêche ne sont pas uniformes et il existe heureusement des députés défendant courageusement cette activité économique, notamment, il faut le dire, des députés français.

La durabilité n’est pas un objectif nouveau de la PCP, déjà en 2002 elle posait comme principe l’équilibre entre l’état des ressources halieutiques et leur exploitation. Hélas, et c’est une des conclusions du Livre vert, la PCP a jusqu’à lors échoué sur cette question. Il est donc nécessaire d’agir différemment en associant les professionnels et en restaurant la nécessaire confiance entre les scientifiques et les pêcheurs.

En ce qui concerne l’exigence de la mise en pratique du RMD pour tous en 2015, notre position est plus nuancée : il s’agit de le mettre en pratique lorsque cela est possible, pêcherie par pêcherie et lorsque les stocks le permettent, et au plus tard en 2020. En tout état de cause il faut être vigilant sur la mise en œuvre de ce principe car les conséquences peuvent être dramatiques pour les pêcheurs.

La pêche illicite est une réalité et il est regrettable que la Commission ne prenne pas davantage en compte ce phénomène qui représente une véritable activité économique parallèle estimée à 30% de la pêche à l’échelle mondiale.

La pêche artisanale constitue un véritable sujet à elle seule, à commencer par sa définition qui n’est pas fixée entre la petite pêche, la pêche côtière ou la pêche hauturière ! Il ne faut pas opposer pêche industrielle et pêche artisanale qui peuvent aussi bien être vertueuses ou non.

Depuis le plan Barnier des recherches sont menées sur le « navire du futur », avec des aides à l’appui, des avancées ont ainsi été réalisées afin de réduire la consommation de gasoil qui représente 30% des charges d’un navire.

En ce qui concerne les moyens de l’IFREMER, il y a effectivement une diminution du nombre de spécialistes halieutes ce qui est préoccupant pour évaluer correctement l’état de la ressource.

Les espaces marins font l’objet d’une attention particulière de l’Europe qui s’est traduite par la création de sept comités consultatifs régionaux sur nos façades maritimes comprenant eux-mêmes des unités d’exploitation et de gestion concertées (UEGC). La gestion concertée de la grande vasière sur la langoustine en est une bonne illustration. Il serait souhaitable de doter ces instruments de davantage de moyens et de capacités d’initiative afin d’avancer concrètement avec le concours des marins. La PCP évolue d’ailleurs dans le sens de la régionalisation, ce qui est une bonne chose et fait consensus.

Le sujet du zonage et des éventuels conflits d’usage est également important. Il existe en effet des velléités de privatisations de certaines zones de pêche, je pense notamment à l’Angleterre qui entend agir ainsi au nom de la protection de l’environnement. Il convient d’y être particulièrement attentif car il s’agit de zones de pêche pour nos bateaux.

L’aquaculture peut effectivement recevoir des aides du FEAMP.

Je suis tout à fait d’accord avec l’idée que les pêches d’outre-mer sont très différentes de celles pratiquées en méditerranée ou dans l’atlantique et qu’il convient de traiter d’une manière spécifique les régions ultra périphériques (RUP).

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. En ce qui concerne le rendement maximal durable, les propos de notre collègue Dino Cinieri montrent que l’enjeu de repousser à 2020 l’échéance pour certaines espèces est de ne pas déstabiliser la filière. Un équilibre doit être maintenu entre la préservation de l’emploi et la sauvegarde de l’environnement. Nous ne sommes pas opposés au principe du rendement maximal durable mais soucieux de ne pas déstructurer une filière dans un contexte où la plus grande incertitude règne sur le rythme de recomposition des stocks. Il importe de lisser les efforts pour permettre les adaptations nécessaires. L’existence d’un consensus européen a été évoquée mais il ne faut pas être dupe : sur les 27 Etats membres, tous ne sont pas concernés par les questions de pêche et les intérêts économiques sont très divergents entre, d’un côté, la Grande-Bretagne qui ne souhaite pas réguler ces activités – comme le souhaite la France – et, de l’autre, les Pays-Bas qui n’ont aucun intérêt à promouvoir la pêche artisanale. Il est donc indispensable de défendre les intérêts économiques de notre pays au niveau européen.

En ce qui concerne la question des rejets, évoquée par nos collègues Brigitte Allain, Philippe Le Ray et Alain Suguenot, je tiens à souligner que des efforts considérables ont été consentis par les marins-pêcheurs pour adapter les techniques de pêche, le maillage des filets utilisés, etc., travail auquel l’IFREMER participe activement et qu’illustre le navire hybride inauguré récemment par le ministre, M. François Cuvillier, à Boulogne-sur-Mer. Ces efforts des marins-pêcheurs doivent être reconnus et une solidarité doit se manifester à leur égard.

Comme l’a souligné notre collègue André Chassaigne, le navire du futur ne doit pas être entendu uniquement comme le navire de plaisance du futur mais également comme le navire de pêche du futur.

Je rejoins notre collègue Frédéric Roig sur la petite pêche, qui constitue un sujet majeur. Compte tenu de la très grande diversité de situations que ce terme recouvre – une « petite » embarcation à Boulogne-sur-Mer peut avoir 20 mètres de longueur –, je préfère recourir à celui de « pêche artisanale ». Il fait en effet référence au modèle du marin-pêcheur embarqué, seul ou avec son équipage, qui doit être défendu ; ce qui ne signifie pas pour autant nier l’importance de la pêche industrielle. Une complémentarité doit être encouragée ; c’est la raison pour laquelle la pêche artisanale doit être défendue afin d’empêcher sa disparition.

S’agissant de la question de la traçabilité, soulevée par notre collègue Alain Suguenot, je pense qu’elle est essentielle et doit permettre de non seulement protéger les consommateurs en les informant sur le contenu des produits, mais aussi de valoriser la pêche française et l’aider à mieux se structurer. Si la pêche ne représente que 0,1 % du PNB de l’Union européenne, elle n’en constitue pas moins un secteur d’activité essentiel pour certaines régions.

Comme notre collègue Hervé Pellois, je considère que les petits ports de pêche constituent une question importante dont la PCP ne se préoccupe absolument pas et qui n’est que rarement abordée. Or, leur existence est menacée dans la mesure où ils ne disposent pas des mêmes capacités d’adaptation, aux rejets par exemple, que les grands ports.

Notre collègue Kléber Mesquida a parlé de la concurrence déloyale et il a tout à fait raison. Il ne sert à rien de réglementer la pêche de manière très stricte en Europe si c’est pour aller piller les mers ailleurs. Il y a une communication de la Commission qui vise à renégocier les accords de pêche externe. Mais il ne faut pas se faire trop d’illusions sur la capacité à contrôler ces accords.

Philippe Le Ray a raison d’estime qu’il faut associer les pêcheurs à l’estimation des ressources.

L’Europe ne veut pas aider à la construction de nouveaux navires, ce qui engendre des conséquences très négatives en termes de sécurité pour les marins pêcheurs.

On ne peut pas dissocier les questions des emplois liés à l’activité de pêche elle-même et les emplois liés à la transformation.

Enfin, je suis en total accord avec notre collègue Frédérique Massat qui a pris de la hauteur dans ce débat en s’interrogeant, à juste titre, sur les objectifs de la politique commune de la pêche. Le risque est, en effet, grand de passer beaucoup de temps dans des échanges techniques qui occultent ce questionnement indispensable : la PCP doit-elle promouvoir une pêche durable ? S’attacher à préserver les emplois ? Ces objectifs doivent impérativement être précisés pour peser efficacement dans le débat.

Monsieur le président François Brottes. Je remercie les rapporteurs pour ces précisions et en viens maintenant à la proposition de résolution européenne sur la réforme de la politique commune de la pêche sur laquelle Mme Brigitte Allain a présenté un amendement.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CE 1 de M. Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à différencier l’aquaculture des espèces herbivores et carnivores dans la mesure où ces dernières ont un effet dommageable sur la biodiversité des espaces marins et soulèvent le problème des farines animales. Elles contribuent, en effet, à augmenter la pression sur les stocks sauvages et menacent à terme l’activité de grand nombre de populations locales de fermiers et pêcheurs. Par ailleurs, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, le groupe écologique ne votera pas la proposition de résolution qui est examinée aujourd’hui.

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Nous sommes défavorables à cette position sur la proposition de résolution mais également à cet amendement dans la mesure où la majorité des poissons élevés en aquaculture sont carnivores, comme le saumon ou la daurade. Dans ces conditions, je ne suis pas sûre que cet amendement soit de nature à adresser un signal positif en faveur du développement de l’aquaculture, qui est souhaité au niveau européen. Dans la mesure où cette orientation constitue une ambition importante pour notre pays, au même titre que le développement que l’ostréiculture ou l’algoculture, nous sommes opposés à cette initiative, tout en réaffirmant la nécessité de rester vigilant quant à la qualité de l’aquaculture.

Monsieur le président François Brottes. L’amendement semblant poser la question des rejets des élevages en aquaculture dans la nature, dans quelle mesure leur « étanchéité » est assurée ?

Mme Annick Le Loch, rapporteure. Vous soulevez la question du comportement des professionnels dans ce domaine qui, dans leur grande majorité, sont très vigilants sur la nature de l’alimentation qu’ils fournissent aux poissons élevés en aquaculture.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. J’ajoute qu’un amendement similaire a été examiné par la commission des affaires européennes qui l’a rejeté.

Monsieur le président François Brottes. Si la commission des affaires économiques adopte cet amendement, le groupe Ecologiste votera-t-il en faveur de la proposition de résolution ?

Mme Brigitte Allain. Non, car il existe trop de divergences entre notre position et la proposition de résolution européenne.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte la proposition de résolution européenne.

Monsieur le président François Brottes. Je vous informe que la proposition de résolution qui vient d’être adoptée par notre commission sera adressée au Gouvernement, au Parlement européen ainsi qu’au Commissaire européen en charge de la politique de pêche commune. Je vous remercie.

La Commission autorise la publication du rapport.

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement CE 1 présenté par Mme Brigitte Allain :

Le point 9 de la résolution est complété par :

Salue la prise en compte de l’aquaculture dans la politique commune de la pêche, « mais souligne la nécessité de différencier aquaculture d’espèces herbivores et carnivores, ces dernières étant particulièrement dommageables pour la biodiversité des écosystèmes marins. »

ANNEXE I – PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE


L’Assemblée nationale,


Vu l’article 88-4 de la Constitution,


Vu les articles 3, 38 et 43 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,


Vu le livre vert de la Commission européenne, du 22 avril 2009, sur la réforme de la politique commune de la pêche (COM [2009] 163 final),


Vu la communication de la Commission européenne, du 13 juillet 2011, sur la réforme de la politique commune de la pêche (COM [2011] 0417 final),


Vu la communication de la Commission européenne, du 13 juillet 2011, relative à la dimension extérieure de la politique commune de la pêche (COM [2011] 0424 final),


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2011, relatif à la politique commune de la pêche (COM [2011] 0425 final, n° E 6449),


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2011, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture (COM [2011] 416 final, n° E 6448),


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 2 décembre 2011, relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (COM [2011] 804 final, n° E 6897),


Considérant que la politique commune de la pêche doit avoir un triple objectif : social, environnemental et économique ;


Considérant que la pêche joue un rôle majeur pour l’économie littorale française et que l’un des objectifs de la politique commune de la pêche doit être de maintenir un haut niveau d’emploi dans ce secteur, en particulier en protégeant la petite pêche et la pêche artisanale ;


Considérant qu’il est nécessaire de gérer et de préserver la ressource halieutique pour les générations futures ;


Considérant que les pêcheurs sont des acteurs responsables qui doivent être associés aux constats scientifiques et aux décisions les concernant afin de mettre en œuvre une pêche durable ;


Considérant que la France a déjà effectué des efforts pour assurer la sélectivité de ses engins de pêche et qu’elle entend poursuivre dans cette direction, qui doit être privilégiée afin de préserver la ressource ;


Considérant qu’une approche pragmatique et territorialisée est préférable à une démarche de régulation de la pêche qui ne prendrait pas en compte la grande variété des pratiques de pêche dans l’Union européenne ;


Considérant que les ressources halieutiques constituent un bien public qui doit être géré collectivement et ne sauraient faire l’objet d’une appropriation privée par le biais des concessions de pêche transférables ;


Considérant que le secteur de la pêche doit être aidé par la puissance publique pour adapter l’outil de pêche aux nouvelles contraintes environnementales, économiques et sociales, pour améliorer la sécurité et les conditions de travail sur les navires et pour assurer de meilleurs débouchés sur le marché aux produits de la mer ;


1. Réaffirme son attachement à une gestion commune et durable des ressources et des activités de pêche dans les eaux de l’Union européenne ;


2. Demande que le calendrier en matière d’atteinte du rendement maximal durable soit fixé à 2015 quand cela est possible et au plus tard en 2020 pour tous les stocks ;


3. Soutient l’opposition du Conseil et du Parlement européen à l’obligation faite aux États membres de l’Union européenne de mettre en place d’ici à la fin de l’année 2013 des concessions de pêche transférables ;


4. Souhaite que la mise en œuvre progressive de l’élimination des rejets s’accompagne d’un ajustement à la hausse des possibilités de pêche dans le respect de la stabilité relative, d’un calendrier réaliste correspondant aux possibilités réelles d’adaptation des filières, de la fixation de flexibilités permettant une mise en œuvre concrète, réaliste, pragmatique et comprise de ce processus progressif d'élimination des rejets ;


5. Regrette que les aides au stockage soient vouées à disparaître en 2019 et demande une forme de pérennisation du dispositif ou son évolution ;


6. Conteste la clé de répartition des enveloppes du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche entre les États membres sur le seul critère historique, qui désavantage la France d’une manière inacceptable et incompréhensible, demande à ce que cette répartition se fonde également sur les critères environnementaux et sociaux et regrette l’absence de soutien à la construction de navires neufs, plus sûrs, plus économes en carburant et assurant de meilleures conditions de vie à bord ;


7. Souhaite que la politique commune de la pêche reconnaisse les spécificités de la pêche artisanale, de la petite pêche et de la pêche côtière, qu’elle préserve la pêche artisanale indépendante et qu’elle assure une répartition équitable des quotas ;


8. Souhaite que la politique commune de la pêche contienne un volet social prévoyant l’harmonisation par le haut des conditions de travail des marins-pêcheurs à bord des navires et de leur protection sociale ;


9. Salue la prise en compte de l’aquaculture dans la politique commune de la pêche ;


10. Demande qu’une évaluation de la mise en œuvre de la politique commune de la pêche soit effectuée à mi-parcours ;


11. Souhaite que l’Union européenne demande à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture de limiter les effets dévastateurs de la pêche minotière (surpêche), notamment sur les stocks et sur la biodiversité.

ANNEXE II – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

22 novembre 2012

IFREMER

M. Alain Biseau, chargé de mission - Responsable de la cellule de coordination des expertises halieutiques Team Leader - Fishery Assessment and Advice

Jeudi 13 décembre 2012

AUDITION COMMUNE

WWF France

Mme Élise Petre, chargée de programme « pêche durable »

Greenpeace France

Mme Hélène Bourges, chargée de campagne « Oceans »

FISH FIGHT

M. Luc Martinon, chargé de campagne pour la France

Jeudi 20 décembre 2012

Fédération française d’aquaculture (F.F.A.)

M. Jean-Yves Colleter, président

Comité Interprofessionnel Produits Aquaculture (C.I.P.A)

Mme Yvette White, secrétaire générale CIPA/FFA

Jeudi 10 janvier 2013

AUDITION COMMUNE

Cabinet du ministre délégué chargé des transports, de la pêche et de la mer

M. Eamon Mangan, conseiller technique pêche

Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
Direction de la pêche maritime et de l’aquaculture

Mme Cécile Bigot, Directrice

Jeudi 17 janvier 2013

Fédération des Organisations de Producteurs de Pêche Artisanale (FEDOPA)

M. José Jouneau, président

Mme Julie Rigaud, secrétaire générale

Association Nationale des Organisations de Producteurs (ANOP)

M. Antoine Dhellemmes, président

M. Jacques Pichon, directeur de l’organisation de producteurs « Pêcheurs de Bretagne »

France AgriMer

M. Hervé Jeantet, président du Conseil spécialisé de la filière Mer

M. Dominique Defrance, délégué de la filière Mer à la Direction Filières et International

Lundi 28 janvier 2013

Parlement européen

M. Jean-Paul Besset, membre de la commission pêche

Commission européenne

Mme Maja Kirchner, chef de cabinet adjoint de Mme Maria Damanaki, commissaire en charge des affaires maritimes et de la pêche

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

M. Alexis Dutertre, représentant permanent adjoint

M. Jean-Noël Ladois, conseiller en charge de la politique intérieure et extérieure de la pêche

Jeudi 31 janvier 2013

Comité National des pêches (CNPEM)

M. Gérard Romiti, président

M. Antoine Dhellemmes, vice-président

M. Hubert Carré, directeur général

Association française d’halieutique (AFH)

M. Didier Gascuel, président, membre du CSTEP (Conseil scientifique technique et économique des pêches, de la Commission Européenne)

Institut de recherche pour le développement – IRD (Sète)

M. Philippe Cury, directeur

Plateforme petite pêche

M. Frédéric Reste, marin pêcheur à Port La Nouvelle, co-président de la plateforme petite pêche et président du syndicat des petits métiers du Languedoc-Roussillon (SPMLR)

M. Charles Braine, marin pêcheur à St-Quay-Portrieux, secrétaire de la Plateforme petite pêche

M. Bertrand Cazalet, secrétaire et conseiller juridique du Syndicat Professionnel des Pêcheurs Petits Métiers du Languedoc Roussillon

Jeudi 14 février 2013

Union des armateurs à la pêche de france - UAPF

M. Jean-Marie Zarza, président

M. Yvon Riva, vice-président, également Président de l’organisation professionnelle regroupant les navires thoniers senneurs tropicaux (ORTHONGEL)

Mercredi 13 mars 2013

BLOOM ASSOCIATION

Mme Claire Nouvian, directrice et fondatrice de BLOOM Association 

COALITION OCÉAN2012

M. Stéphan Beaucher, conseiller politique

© Assemblée nationale