N° 879 - Avis de M. Frédéric Barbier sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable (n°775)




N
° 879

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable,

PAR M. Frédéric BARBIER

Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 775 et 913.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 7

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 7

II.— EXAMEN DES ARTICLES 13

Article 9 (articles L. 203-1, L. 241-1, L. 241-2, L. 241-3, L. 241-14, L. 214-17 [nouveau], L. 214-18 [nouveau], L. 242-1, L. 242-2 à 242-7 du code rural et de la pêche maritime) : Ouverture de l’exercice de la profession vétérinaire à toutes les formes de société 13

Article 27 : Ratification de l’ordonnance de transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE dans le domaine des énergies renouvelables et des biocarburants 15

Article 28 (articles L. 111-8, L. 111-26, L. 111-30, L. 111-40, L. 111-43, L. 111-48, L. 111-68, L. 111-72, L. 111-82, L. 111-101, L. 111-106, L. 121-8, L. 121-14, L. 121-34, L. 121-46, L. 131-1, L. 131-2, L. 132-5, L. 134-9, L. 134-19, L. 134-26, L. 134-31, L. 135-4, L. 135-12, L. 135-13, L. 142-3, L. 142-6, L. 142-14, L. 142-22, L. 144-3 à L. 144-6, L. 211-3, L. 321-6, L. 335-7, L. 335-8, L. 341-5, L. 342-11, L. 433-8, L. 446-2, L. 452-5, L. 521-18 à L. 521-23 du code de l’énergie) : Ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code de l’énergie. 17

Article 29 (articles L. 232-1 à L. 232-4 [nouveaux] du code de l’énergie) : Obligation de réaliser des audits énergétiques dans les grandes entreprises 20

Article 30 (articles L. 642-1-1 [nouveau] et L. 642-6 du code de l’énergie) : Transposition de la directive 2009/119/CE du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers 23

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 25

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 27

MESDAMES, MESSIEURS,

Le droit de l’Union européenne est à l’origine d’une part croissante des lois et des décrets qui s’appliquent sur le territoire français. Nombre de dispositions, considérées comme techniques, étaient passées relativement inaperçues lors de leur élaboration à Bruxelles puis de leur intégration dans le droit national et ont, en réalité, produit des effets considérables sur les citoyens français.

C’est pourquoi la Représentation nationale a le devoir de suivre les travaux des institutions de l’Union européenne, afin de peser en amont sur l’élaboration des règlements et des directives, puis d’être attentive à tout exercice de transposition.

Sur le fondement de ses compétences dans les domaines de l’agriculture et de l’énergie, la Commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de cinq des articles du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable : l’article 9, sur l’exercice de la profession vétérinaire, et les articles 27 à 30, relatifs à divers sujets dans le domaine de l’énergie – biocarburants, certificats verts, fonctionnement des entreprises verticalement intégrées, réalisation d’audits énergétiques dans les grandes entreprises et stocks pétroliers stratégiques.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 2 avril 2013, la commission a examiné pour avis, après engagement de la procédure accélérée, les articles 9 et 27 à 30 du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable (n° 775) sur le rapport de M. Frédéric Barbier.

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* *

M. le président François Brottes. J’ai souhaité que nous soyons saisis pour avis des cinq articles du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable (DDADUE) qui concernent directement l’activité de notre Commission. Je précise que la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie au fond de ce texte.

M. Frédéric Barbier, rapporteur pour avis. Sur le fondement de ses compétences en matière d’agriculture et d’énergie, la Commission s’est saisie pour avis de cinq articles du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable. Ces articles procèdent à la transposition de dispositions de plusieurs directives, directement – pour les articles 9, 29 et 30 – ou indirectement, via la ratification d’ordonnances, pour les articles 27 et 28.

Comme il est bien difficile, en tant que rapporteur, de dégager une cohérence entre ces cinq articles, je vais vous les présenter successivement.

L’article 9 porte sur l’exercice de la profession de vétérinaire. Il a pour vocation de parachever la transposition de la directive « services » 2006/123/CE dans le domaine de cette profession ; les dispositions qui y sont inscrites répondent à des demandes de la Commission européenne.

Je rappelle que cette directive vise à faciliter la liberté d’établissement des prestataires de services dans d’autres États membres que celui dont ils sont issus, ainsi que la liberté de prestation de services, c’est-à-dire la réalisation de prestations de courte durée, qui ne nécessitent pas d’établissement préalable.

Pour la profession de vétérinaire, la Commission européenne a détecté deux barrières au respect de ces principes sur le territoire français ; le législateur se trouve donc dans l’obligation de les lever. La première découle du fait que seules les personnes physiques bénéficient de la libre prestation de service dans notre pays. L’article 29 ouvre cette possibilité aux personnes morales, c’est-à-dire aux sociétés. La seconde barrière touche à l’exercice de la profession de vétérinaire qui n’est accessible qu’à deux formes de sociétés : les sociétés civiles professionnelles (SCP) et les sociétés d’exercice libéral (SEL). L’article 29 octroie ce droit à toutes les formes de sociétés. En contrepartie, la France a obtenu la possibilité de fixer des règles contraignantes pour éviter les dérives déontologiques : la forme juridique de la société ne doit pas conférer à ses associés le statut de commerçant ; la majorité du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant la profession de vétérinaire au sein de la société ; la participation de personnes physiques ou morales exerçant une activité dans l’élevage, les produits animaux ou la fourniture de services vétérinaires est interdite. Parallèlement, les pouvoirs de contrôle de l’ordre des vétérinaires sont renforcés et l’ensemble des sociétés d’exercice doivent y être inscrites.

Cet article pose en réalité une question de fond : si certains États membres voient la profession vétérinaire comme une activité commerciale, la France la considère comme un maillon essentiel de la santé publique. Les vétérinaires jouent un rôle primordial dans la détection des épizooties, dont certaines peuvent se transmettre à l’homme. Par leur pouvoir de prescription de médicaments, notamment antibiotiques, ils ont également un impact direct sur la santé des consommateurs de produits de l’élevage. Malheureusement, ce n’est pas l’orientation suivie par la Commission européenne, qui considère au contraire qu’ils rendent un service, et sont donc soumis aux exigences de la directive « services ».

J’aborde maintenant les dispositions relatives à l’énergie, traitées par les articles 27 à 30. Sans lien entre elles, elles couvrent la quasi-totalité du secteur : la production de biocarburants, l’électricité d’origine renouvelable, l’organisation du marché de l’électricité et du gaz, l’efficacité énergétique et les stocks pétroliers stratégiques.

L’article 27 procède à la ratification de l’ordonnance de transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE sur les énergies renouvelables et sur les biocarburants. Le contenu de l’ordonnance de transposition peut être résumé en trois points.

Tout d’abord, cette dernière détaille l’un des trois objectifs du paquet « Energie-climat ». La France doit atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie d’ici à 2020 et l’ordonnance précise que 10 % seront réalisés dans le domaine des transports.

Ensuite, elle encadre le marché des certificats verts, octroyés aux producteurs d’électricité d’origine renouvelable. Jusqu’à présent, deux entités délivraient ce type de certificats : Réseau de transport d’électricité (RTE) et Observ’ER. L’ordonnance de transposition confie le droit de garantir l’origine de l’électricité verte à un opérateur unique, qui a été désigné à la suite d’un appel d’offres le 21 février 2012. Ce sera Powernext, à partir du 1er mai 2013.

Enfin, l’ordonnance comporte un volet important sur les biocarburants. Il est fixé un objectif de diminution de 10 % des émissions de gaz à effet de serre produites sur l’ensemble du cycle de vie des carburants en 2020. Pour atteindre cette cible, seuls les biocarburants répondant à des critères de durabilité pourront être comptabilisés. Ces critères sont de nature quantitative – un biocarburant ne peut être considéré comme durable que s’il engendre une baisse d’émission d’au moins 35 % par rapport aux équivalents fossiles – et qualitative, leur production devant respecter les terres riches en biodiversité et les puits de carbone. En pratique, la mise en œuvre des dispositions issues de la directive 2009/30/CE aura pour conséquence de limiter le développement des carburants de première génération – dont la production de masse accentue la déforestation et les tensions sur les marchés des matières premières alimentaires – au profit de ceux de deuxième génération, fabriqués à partir de résidus.

L’article 28 porte ratification de l’ordonnance de codification du code de l’énergie, codification qui s’est effectuée à droit constant. L’article 28 opère pour l’essentiel des modifications rédactionnelles. Seule exception, l’introduction d’une échelle de sanctions en cas de non-respect, par un fournisseur d’énergie, de ses obligations de capacité. Alors que le coût annuel d’un mégawatt de capacité est estimé à 60 000 euros, un fournisseur pourrait se voir appliquer une amende allant jusqu’à 120 000 euros. Un tel ajout était nécessaire, car la Commission de régulation de l’énergie (CRE) étant une autorité administrative indépendante, son pouvoir de sanction doit être encadré par la loi.

La principale évolution apportée par l’ordonnance de codification du code de l’énergie est la transposition, en droit français, des exigences des directives 2009/72/CE et 2009/73/CE, communément appelées « troisième paquet » de libéralisation du marché de l’énergie. L’enjeu était lourd, car le projet initial de la Commission européenne consistait à imposer le démembrement des entreprises verticalement intégrées, c’est-à-dire celles qui possèdent une activité sur l’ensemble de la chaîne énergétique – production, transport, distribution et commercialisation. Suite, notamment, aux réflexions d’un groupe de travail de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale et à une prise de position forte de la France, la Commission européenne a accepté de ne pas imposer la séparation patrimoniale entre l’activité de gestionnaire de réseau de transport, et celle de producteur et de fournisseur des entreprises verticalement intégrées. La France a ainsi pu conserver son propre modèle, dit « ITO » – Independent Transmission Operator –, inspiré de l’organisation de RTE.

Le « troisième paquet » n’est cependant pas sans effets sur l’organisation des secteurs électrique et gazier, car, en contrepartie du maintien du modèle ITO, il contient des dispositions renforçant la séparation entre RTE et EDF ; désormais, les deux entités sont totalement hermétiques. La France a tout de même obtenu quelques aménagements sur la définition du périmètre de l’entreprise verticalement intégrée – l’activité de distribution en est exclue, ce qui rend possible les transferts de salariés entre RTE et ERDF – et sur la détention d’actions de la maison mère par des salariés du gestionnaire de réseau.

Par ailleurs, le « troisième paquet » étend le rôle du régulateur, en imposant notamment que celui-ci fixe le niveau des tarifs du réseau. Là encore, la France s’est efforcée d’aller aux limites de ce qui était possible. Considérant que les décisions en matière d’investissement dans les réseaux constituent des choix de politique énergétique, le code de l’énergie prévoit désormais que le ministre en charge de l’énergie donne des orientations, à partir desquelles la CRE fixera les tarifs. S’il considère que la décision du régulateur ne les respecte pas, il pourra demander une seconde délibération.

L’article 29 rend obligatoire la réalisation d’un audit énergétique dans les grandes entreprises.

La très récente directive 2012/27/UE impose à toutes les entreprises, à l’exception des PME, de réaliser un audit énergétique avant le 5 décembre 2015, puis tous les quatre ans. Le délai sera très difficile à tenir, car il faudra d’abord faire paraître les textes d’application – qui fixeront les modalités précises de l’audit obligatoire –, puis disposer de bureaux d’étude et d’auditeurs en nombre suffisant pour répondre aux sollicitations des 5 000 entreprises concernées. J’ai donc déposé un amendement pour repousser la date limite d’un an. Je suis conscient qu’une telle disposition serait contraire à la directive « efficacité énergétique », mais il me semble indispensable d’attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre les textes d’application rapidement, sans quoi les entreprises se retrouveront dans une situation difficile. Sont concernées celles qui emploient plus de 250 salariés, et dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions d’euros ou dont le bilan est supérieur à 43 millions d’euros.

Les audits énergétiques ont pour but d’analyser les principaux postes de dépenses d’énergie dans les entreprises. Ils coûteront, selon les estimations de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), entre 15 000 et 20 000 euros. Une entreprise qui met en place un dispositif de management de l’énergie certifié – ISO 50 001 – en sera dispensée, car les critères à remplir pour bénéficier de cette certification sont plus contraignants que la simple réalisation d’un audit.

L’article 29 constitue une première étape décisive. Toute action de maîtrise de la demande d’énergie a comme préalable un diagnostic bien réalisé. Mais comment pousser les entreprises à suivre les préconisations de l’audit ? Selon l’ADEME, 73 % d’entre elles « passent à l’acte », pour un montant moyen de 52 000 euros. Ce chiffre est une source d’optimisme, qu’il convient néanmoins de relativiser. Les actions mises en place ne couvrent en effet que 20 à 25 % des préconisations et ne concernent que celles dont le retour sur investissement est rapide.

Je vous propose donc un amendement visant à obliger les entreprises à transmettre à l’administration un rapport sur le suivi des préconisations de l’audit, dans un délai de deux ans après la réalisation de celui-ci.

Les audits énergétiques étant désormais obligatoires, l’ADEME ne les subventionnera plus, et il est question de réorienter les aides vers la réalisation de travaux d’économies d’énergie.

Enfin, l’article 30 adapte le droit français à la directive 2009/119/CE sur les stocks stratégiques pétroliers. Le dispositif de stockage stratégique des produits pétroliers a servi deux fois depuis 2010 : lors des grèves contre la réforme des retraites dans les raffineries en 2010, et durant la crise libyenne, en 2011. Il est donc faux de penser qu’il n’est réservé qu’à des cas extrêmement rares.

L’obligation de stockage repose sur les opérateurs du secteur, qui, via le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), en délèguent la gestion à la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (SAGESS). Cette société, composée d’une quinzaine de personnes, loue des capacités de stockage dans les dépôts existants en France et gère un actif de 12 millions de tonnes de produits pétroliers. Le coût total de ce système s’élève à 350 millions d’euros, répercuté sur le consommateur à hauteur de 0,5 centime d’euro par litre de carburant.

Le code de l’énergie dispose que le CPSSP peut recourir à la SAGESS. La directive est plus contraignante, car elle impose la désignation d’une entité centrale de stockage (ECS) unique. En rendant obligatoire le recours à la SAGESS comme ECS, l’article 30 met donc les dispositions du code de l’énergie en conformité avec le droit européen.

M. Yves Blein. M. le rapporteur a bien résumé les enjeux essentiels de ce texte transposant des directives européennes. Je me suis entretenu avec lui des initiatives prises pour vérifier la qualité de vétérinaire des professionnels transfrontaliers et, par là, la nature et la licéité des produits importés.

S’agissant de l’article 27, l’Union européenne réaffirme l’objectif – que nous partageons – d’une vraie mixité des sources de production d’énergie.

Nous ne voyons pas de difficultés particulières dans les dispositions cherchant à favoriser les biocarburants de nouvelle génération, dont la fabrication ne contribue pas à la déforestation.

Il est heureux que le code de l’énergie prévoie enfin des sanctions dans les domaines évoqués par M. le rapporteur. L’UE a estimé recevables les arguments français sur les problèmes posés par la séparation patrimoniale entre les différentes entités d’une entreprise verticalement intégrée.

Le groupe socialiste, républicain et citoyen souscrit aux deux amendements présentés par le rapporteur pour avis sur l’article 29, sous la réserve qu’ils ne rendent pas le droit français contraire à la directive 2012/27/UE. Octroyer un délai supplémentaire pour la réalisation de l’audit énergétique est une excellente chose, car si la contrainte de temps est trop forte, le faible nombre d’ingénieurs capables d’opérer de tels audits entraînera une flambée des prix. Nous sommes également favorables à ce que les entreprises dressent un rapport retraçant la façon dont elles ont mis en œuvre les recommandations de l’audit.

M. le rapporteur pour avis. Je me suis interrogé sur l’opportunité de déposer un amendement sur l’article 9. Certains vétérinaires viendront en effet dans notre pays, en provenance notamment de pays frontaliers, ce qui pourrait soulever des questions en termes de réglementation des élevages ou de risque d’épizootie. Toutes les informations qu’ils collectent doivent remonter à nos services : ainsi, un vétérinaire exerçant en France et procédant à des analyses dans un laboratoire situé en Belgique ou au Luxembourg doit déclarer aux pouvoirs publics les risques qu’il a identifiés sur son territoire d’exercice. Les textes prévoyant déjà cette obligation, le dépôt d’un amendement devenait inutile.

II.— EXAMEN DES ARTICLES

Article 9

(articles L. 203-1, L. 241-1, L. 241-2, L. 241-3, L. 241-14, L. 214-17 [nouveau], L. 214-18 [nouveau], L. 242-1, L. 242-2 à 242-7 du code rural et de la pêche maritime)

Ouverture de l’exercice de la profession vétérinaire
à toutes les formes de société

Contrairement aux pratiques d’autres États membres, la profession de vétérinaire est considérée, en France, comme un maillon essentiel de la santé publique. Les vétérinaires jouent un rôle primordial dans la détection des épizooties, dont certaines peuvent se transmettre à l’homme. Par leur pouvoir de prescription de médicaments, notamment antibiotiques, ils ont également un impact direct sur la santé des consommateurs de produits de l’élevage. C’est pourquoi il existe un débat sur la qualification de cette profession en tant que profession médicale. Si l’Ordre des vétérinaires français y est favorable, ce n’est pas l’orientation suivie par la Commission européenne, qui considère au contraire qu’il s’agit d’un service.

Par conséquent, la profession de vétérinaire est soumise aux exigences de la directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur dite « directive services », qui vise à faciliter la liberté d’établissement des prestataires de services dans d’autres États membres et la liberté de prestation de services entre les États membres. La Commission européenne est particulièrement vigilante à la suppression de l’ensemble des barrières qui empêcherait un vétérinaire de s’installer dans le pays de l’Union européenne de son choix. À ce titre, elle a considéré, dans un rapport accompagnant une communication sur la mise en œuvre de la « directive services » (1), qu’il devait être mis fin à la limitation aux seules sociétés civiles professionnelles et sociétés d’exercice libéral de la possibilité d’exercer sur le territoire français.

Le présent article a pour objet de répondre aux observations de la Commission européenne, en ouvrant l’exercice de la profession vétérinaire à toutes les formes de société. En contrepartie, il introduit le plus de garanties possibles pour éviter que cette ouverture ne se traduise par une commercialisation de la profession et un détricotage des règles de déontologie.

Tout d’abord, le projet de loi permet aux personnes morales exerçant la profession de vétérinaire d’exercer en libre prestation de services, c’est-à-dire à titre occasionnel et temporaire, sur le territoire français (alinéa 6), ce que ne permet pas la réglementation actuellement en vigueur, qui n’ouvre cette possibilité qu’aux personnes physiques. Ces personnes exerçant en libre prestation de service, qu’elles soient physiques ou morales, seront toutefois susceptibles de relever d’un régime de sanction disciplinaire (alinéas 47 à 51).

Dans le droit actuel, seules les sociétés civiles professionnelles et les sociétés d’exercice libéral peuvent exercer sur le territoire français (alinéas 10 et 11). Le projet ouvre cette possibilité à toutes les formes de société, y compris de droit étranger (alinéa 12). Toutefois, plusieurs conditions sont posées :

– la forme juridique de la société ne doit pas conférer à ses associés le statut de commerçant (alinéa 12) ;

– la majorité du capital et des droits de vote doit être détenue par des personnes exerçant légalement la profession de vétérinaire au sein de la société (alinéa 15) ;

– la participation de personnes physiques ou morales qui exercent une activité dans l’élevage, les produits animaux ou la fourniture de services vétérinaires est interdite (alinéas 16 à 18).

Parallèlement, les pouvoirs de contrôle de l’ordre vétérinaire sont renforcés : l’ensemble des sociétés d’exercice doivent être inscrites auprès de lui et ses pouvoirs de contrôle sont étendus (alinéas 21 et 22).

Enfin, le projet insère un chapitre relatif aux sociétés de participations financières de la profession vétérinaire, créées par l’article 31 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990. Ces sociétés, compte tenu des prises de participations qu’elles opèrent dans les sociétés d’exercice, doivent également faire l’objet d’un contrôle par l’ordre des vétérinaires (alinéas 23 à 37), afin de garantir le respect de l’indépendance des vétérinaires et des règles inhérentes à leur profession au sein de ces sociétés.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

Article 27

Ratification de l’ordonnance de transposition des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE dans le domaine des énergies renouvelables et des biocarburants

Le présent article ratifie l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011 portant transposition de deux directives :

– la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.

– la directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre modifiant la directive 1999/32/CE du Conseil en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12/CEE ;

Le contenu des dispositions de l’ordonnance de transposition peut être scindé en trois volets distincts.

Premier volet, le renforcement des objectifs de réduction de gaz à effet de serre et de promotion des énergies renouvelables inscrits dans le droit interne. Les articles 2 et 3 de l’ordonnance modifient la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique. La France se fixe ainsi un objectif d’utilisation d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de 23 %, dont 10 % dans le secteur des transports, et un objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre produites sur l’ensemble du cycle de vie des carburants de 10 % en 2020.

Deuxième volet, un encadrement plus strict du marché des certificats verts. Un certificat vert est une attestation attachée à une quantité d’électricité et délivrée au producteur, certifiant que cette électricité est issue d’un mode de production renouvelable. À l’heure actuelle, deux organismes en délivrent : Observ’ER émet des « certificats verts », et RTE des « garanties d’origine », pour la même énergie produite. L’ordonnance prévoit qu’à compter du 1er janvier 2012, seules les garanties d’origines ont valeur de certification de l’électricité renouvelable. Le traitement de ces garanties est confié à un opérateur unique qui bénéficiera d’un droit exclusif. Le décret n° 2012-62 du 20 janvier 2012 relatif aux garanties d’origine de l’électricité produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération a renvoyé la désignation de cet organisme à une procédure de mise en concurrence. Lancée le 21 février 2012, elle a été remportée par Powernext, entreprise qui sera désormais chargée de l’émission des garanties d’origine à compter du 1er mai 2013.

Outre l’exclusivité confiée, figure également dans l’ordonnance le principe de reconnaissance des garanties émises dans d’autres États membres.

Troisième volet, la promotion et l’encadrement des biocarburants (combustibles liquides ou gazeux produits à partir de biomasse et utilisés pour le transport) et bioliquides (combustibles liquides produits à partir de biomasse et destinés à des usages énergétiques autres que le transport, y compris la production d’électricité, le chauffage et le refroidissement) répondant à des critères de durabilité. Seuls ces carburants pourront être pris en compte pour mesure l’atteinte des objectifs nationaux en ce qui concerne les énergies renouvelables et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et pour déterminer l’admissibilité à une aide financière pour la consommation.

La durabilité se vérifie sur l’ensemble du cycle de vie des biocarburants ou bioliquides. Elle s’estime en fonction de deux critères :

– un critère quantitatif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (-35 % par rapport aux équivalents fossiles) ;

– des critères qualitatifs : respect des terres riches en biodiversité et des puits de carbone.

La mise en œuvre des dispositions de la directive 2009/30/CE aura pour conséquence pratique de limiter le développement des biocarburants de première génération, dont la production de masse accentue les problèmes de la déforestation et de la rareté des matières premières alimentaires, pour favoriser ceux de deuxième génération, élaborés à partir de résidus (paille, etc.).

L’ordonnance met également en place trois systèmes de preuve :

– les systèmes de preuve organisés par les professionnels ; validés par la Commission européenne, ils ont vocation à s’appliquer à des produits commercialisés dans plusieurs États membres ;

– les systèmes nationaux, mis en place par les États membres, dont la validité est limitée au territoire respectif de ceux-ci ;

– les accords avec des pays tiers, qui n’ont pas encore été utilisés jusqu’à présent.

Seront concernés les organismes de collecte et de stockage des matières premières et leurs fournisseurs (agriculteurs et coopératives agricoles), les producteurs de biocarburants et de bioliquides, ceux qui incorporent les biocarburants et les bioliquides dans les carburants (dépôts pétroliers) ainsi que les distributeurs. L’attestation de durabilité est délivrée à chaque étape : lors de la livraison de matières premières, de produits semi-finis ou de biocarburants et de bioliquides. Chaque acteur est responsable à son niveau des opérations qui le concernent et le distributeur, en bout de chaîne, doit déclarer à l’administration que tous les critères sont respectés.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 sans modification.

Article 28 

(articles L. 111-8, L. 111-26, L. 111-30, L. 111-40, L. 111-43, L. 111-48, L. 111-68, L. 111-72, L. 111-82, L. 111-101, L. 111-106, L. 121-8, L. 121-14, L. 121-34, L. 121-46, L. 131-1, L. 131-2, L. 132-5, L. 134-9, L. 134-19, L. 134-26, L. 134-31, L. 135-4, L. 135-12, L. 135-13, L. 142-3, L. 142-6, L. 142-14, L. 142-22, L. 144-3 à L. 144-6, L. 211-3, L. 321-6, L. 335-7, L. 335-8, L. 341-5, L. 342-11, L. 433-8, L. 446-2, L. 452-5, L. 521-18 à L. 521-23 du code de l’énergie)

Ratification de l’ordonnance portant codification de la partie législative du code de l’énergie.

L’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011, ratifiée par le présent article, comporte deux volets.

Le premier est la codification du code de l’énergie, qui a fait l’objet d’une habilitation par la loi n° 2009-526 de simplification et de clarification du droit. La durée de l’habilitation a été prorogée de six mois par l’article 28 de la loi NOME, afin d’intégrer directement cette dernière dans le nouveau code.

Si la codification devait s’effectuer à droit constant, elle a toutefois fait l’objet d’un travail approfondi par la Commission supérieure de codification et de l’administration. Deux questions principales ont émergé de la discussion :

– le périmètre du code de l’énergie : les dispositions issues des deux lois nucléaires de 2006 (la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs et la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite loi « TSN ») ont été insérées dans le code de l’environnement ;

– le plan retenu : le choix a été fait de traiter chaque secteur puis chaque énergie, pour des raisons de clarté et de lisibilité.

Les II. et III. de l’article 28 comportent quasi exclusivement des modifications rédactionnelles destinées à corriger ou à améliorer la rédaction du code de l’énergie.

La seule exception au principe de codification à droit constant concerne les alinéas 47 et 48, qui prévoient une échelle de sanction en cas de non-respect par le fournisseur des règles du marché de capacité. La Commission de régulation de l’énergie peut désormais prononcer des peines d’amendes allant jusqu’à 120 000 euros par mégawatt de capacité certifiée manquant. Par comparaison, le coût de la capacité est estimé à environ 60 000 euros par mégawatt et par an (2). L’ajout d’une telle disposition est nécessaire, dans la mesure où le pouvoir de sanction d’une autorité administrative indépendante doit être encadré par la loi.

Le second volet n’est pas apparent dans le corps du texte, mais est tout aussi important : il s’agit de la transposition des directives 2009/72/CE et 2009/73/CE sur les marchés intérieurs de l’électricité et du gaz, communément appelées « troisième paquet énergie » ; cette transposition utilise le vecteur de l’ordonnance portant codification du code de l’énergie car, comme pour la loi NOME, il a été décidé, pour des raisons de délais, d’insérer les dispositions nouvelles directement dans le nouveau code.

Le « troisième paquet » de libéralisation du marché de l’énergie organise, au sein de toute entreprise du secteur de l’énergie verticalement intégrée (3), une séparation stricte entre son activité de gestion de réseau de transport et son activité de production d’énergie. À l’origine, deux options étaient ouvertes : soit la séparation patrimoniale, soit une solution alternative dite « ISO » (opérateur indépendant de système), dans laquelle l’entité propriétaire des infrastructures de réseau de transport et celle chargée de la gestion de ces mêmes infrastructures sont distinctes.

La France s’est opposée, dans une position constante, à l’obligation de séparation patrimoniale, au motif qu’une telle séparation serait :

– injustifiée, ainsi que l’illustre l’exemple de RTE qui, bien que détenue à 100 % par EDF, présente toutes les garanties d’indépendance vis-à-vis des producteurs d’électricité ;

– disproportionnée, car elle s’apparente à une expropriation ;

– industriellement risquée ; un opérateur de gaz auquel on enlèverait l’ensemble de ses réseaux de transport ne détiendrait plus d’actifs.

La Commission des affaires économiques a contribué activement à faire entendre la voix de la France, par l’intermédiaire d’un groupe de travail puis par l’adoption de la résolution européenne du 3 juin 2008 sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie. Dans cette résolution, l’Assemblée nationale :

« Juge disproportionné d’imposer aux entreprises énergétiques intégrées la séparation patrimoniale de leur réseau de transport alors que la séparation juridique et fonctionnelle peut donner satisfaction, comme c’est le cas en France, et que les propositions de la Commission européenne s’appuient sur une étude d’impact controversée ; souligne, de plus, que la solution dite « ISO » (désignation d’un gestionnaire de réseau de transport indépendant du propriétaire) comporte des inconvénients unanimement dénoncés du fait de sa complexité ; ».

La France a souhaité, avec sept autres États membres, défendre une troisième voie, dite « ITO » (gestionnaire de réseau de transport indépendant), qui se caractérise par une séparation effective et efficace sans pour autant aller jusqu’à la scission patrimoniale. Les dispositions législatives introduites dans le droit français par l’ordonnance du 9 mai 2011 peuvent être considérées comme une transposition « a minima » : elles utilisent les rares souplesses permises par les textes européens dans le cadre contraignant fixé par le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie.

En premier lieu, la définition du périmètre de l’entreprise verticalement intégrée a été limitée aux seules activités de transport, de production et de fourniture. Par exemple, les cadres dirigeants ne peuvent pas intégrer RTE s’ils ont travaillé depuis moins de trois ans chez EDF, ou retourner chez EDF moins de trois après avoir quitté RTE ; mais cette clause de déontologie ne s’applique pas aux transferts entre RTE et ERDF, bien que cette dernière soit une filiale sous contrôle d’EDF.

En deuxième lieu, l’interdiction de toute détention d’intérêt financier dans la société mère par les personnels du gestionnaire de réseau s’applique de façon pragmatique. Les cadres dirigeants détenant des valeurs dans une entreprise de production peuvent les faire gérer par un mandataire. Pour les autres salariés, l’interdiction ne vaut que pour les nouvelles attributions d’actions, ce qui ne les empêche pas de conserver celles qu’ils avaient acquises auparavant, par exemple via des distributions gratuites d’actions.

Enfin, si l’autorité de régulation dispose désormais du pouvoir de fixer le tarif d’utilisation du réseau, la France a souhaité maintenir le rôle du ministre dans les décisions d’investissement. Les nouvelles compétences de la Commission de régulation de l’énergie s’exercent dans le respect des orientations de la politique énergétique déterminées par le gouvernement ; ce dernier peut demander une nouvelle délibération s’il estime que la décision de la CRE ne respecte pas ses orientations.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 sans modification.

Article 29

(articles L. 232-1 à L. 232-4 [nouveaux] du code de l’énergie)

Obligation de réaliser des audits énergétiques dans les grandes entreprises

Le troisième objectif des « Triple Vingt » (4), améliorer l’efficacité énergétique de 20 %, est le seul qui ne soit pas contraignant. Néanmoins, la Commission européenne a souhaité mettre en œuvre des mesures obligatoires, afin d’accélérer les efforts de réduction de la consommation énergétique des États membres.

L’article 8 de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique impose à toutes les entreprises qui ne sont pas des PME de réaliser des audits énergétiques réguliers.

« 4. Les États membres veillent à ce que les entreprises qui ne sont pas des PME fassent l’objet d’un audit énergétique effectué de manière indépendante et rentable par des experts qualifiés et/ou agréés ou mis en œuvre et supervisé par des autorités indépendantes en vertu de la législation nationale, au plus tard le 5 décembre 2015, puis tous les quatre ans au minimum à partir du dernier audit énergétique. »

Les États membres doivent mettre en place les règles applicables avant juin 2014. Afin de faciliter la préparation des entreprises à cette mesure et la formation des auditeurs, la transposition de cet article de la directive devait intervenir sans délai. C’est pourquoi il a été inscrit dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable. Votre rapporteur attire l’attention du gouvernement sur la nécessité de prendre les décrets d’application très rapidement une fois que la loi serra entrée en vigueur. Les entreprises bénéficieront ainsi de toute la visibilité nécessaire et pourront respecter le délai fixé par la directive, du 5 décembre 2015.

Point important, les PME seront exclues du dispositif. Le décret d’application prévu à l’alinéa 10 devrait préciser les seuils à partir duquel une entreprise est soumise à l’obligation de réaliser un audit : lorsqu’elle compte plus de 250 employés et que son chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros ou que son bilan excède 43 millions d’euros. L’audit devra couvrir l’ensemble des sites de l’entreprise, ce qui peut poser problème dans un certain nombre de cas : une société bancaire ayant un réseau de petites agences disséminées sur le territoire, etc. Comme il serait bien trop coûteux de leur imposer un audit spécifique par site, des discussions sont en cours pour déterminer une méthode adaptée.

Les audits énergétiques sont définis par la directive comme « une procédure systématique visant à acquérir une connaissance adéquate des caractéristiques de consommation énergétique d’un bâtiment ou d’un groupe de bâtiments, d’une activité ou d’une installation industrielle ou commerciale ou de services privés ou publics, de déterminer et de quantifier les économies d’énergie qui peuvent être réalisées d’une façon rentable, et de rendre compte des résultats » (article 2.25). Il s’agit donc d’audits généralistes ayant vocation à être réalisés en 10 à 15 jours. Ils donneront à l’entreprise une vision globale des grands postes de ses dépenses d’énergie, et devront contenir :

– des données opérationnelles actualisées, mesurées et traçables concernant la consommation d’énergie ; elles ont vocation à être conservées à des fins d’analyse historique et de suivi de la performance ;

– un examen détaillé du profil de consommation énergétique des bâtiments, des process industriels et du transport ;

– des calculs détaillés et validés concernant les mesures proposées.

Sur la base de ces éléments, l’ADEME estime que le coût moyen d’un audit pour l’entreprise sera de l’ordre de 15 000 à 20 000 euros.

Les alinéas 12 et 13, introduisant l’article L. 232-2, prévoient par ailleurs que les entreprises qui se doteraient d’un système de management de l’énergie certifié conforme à la norme ISO 50 001 par un organisme accrédité soient exemptées de l’obligation d’audit. Cette exemption est logique, dans la mesure où les critères requis pour obtenir une telle certification sont bien plus exigeants que la réalisation d’un audit énergétique.

Afin d’assurer le contrôle de l’application du dispositif et d’être en mesure d’assurer un compte rendu à la Commission européenne sur le respect des exigences de la directive, la loi impose une obligation d’information qui sera précisée par décret (alinéa 11). Les entreprises qui n’auraient pas respecté cette obligation sont passibles de sanctions administratives (alinéas 15 à 22) : mise en demeure de se conformer à la réglementation, amende allant jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires hors taxes, et 4 % en cas de récidive.

L’article 29 représente une avancée importante dans le domaine de l’efficacité énergétique des entreprises. Néanmoins, il ne prévoit aucune mesure de suivi du dispositif, ce qui est susceptible d’en diminuer les retombées positives.

Selon l’ADEME, le taux de passage à l’acte des entreprises après la réalisation d’un audit énergétique s’élève à 73 %, pour un montant moyen d’investissements réalisés de 52 000 euros en moyenne. Dans la grande majorité des cas, l’audit énergétique fait apparaître des mesures d’économie qui ont un temps de retour sur investissement très court, que les entreprises ont un intérêt économique immédiat à réaliser. Mais il faudrait créer les conditions favorables pour que le taux de réalisation des préconisations de l’audit énergétique dépasse le taux actuel, qui est de 20 à 25 %. Pour cela, votre rapporteur propose d’inscrire dans la loi l’obligation pour les entreprises de transmettre un rapport de suivi des préconisations de l’audit, au plus tard deux ans après la réalisation de celui-ci. Une telle disposition doterait par ailleurs l’État d’un instrument de suivi particulièrement utile pour adapter les aides apportées aux entreprises en matière d’efficacité énergétique.

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La Commission examine l’amendement CE 1 du rapporteur

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à allonger d’un an le délai laissé aux entreprises pour se conformer à l’obligation de réaliser un audit énergétique. Celui prévu dans le projet de loi est trop bref, puisqu’il ne court que jusqu’au 5 décembre 2015, alors que toutes les dispositions législatives et réglementaires ne doivent pas être prises avant juin 2014.

Accorder une année supplémentaire ouvre, il est vrai, le risque d’une condamnation de l’UE. Néanmoins, je souhaite par cette démarche attirer l’attention du Gouvernement sur le fait qu’un délai aussi contraint pose plusieurs problèmes. En effet, les entreprises auront-elles le temps de former les auditeurs en interne ? Les bureaux d’étude auxquels elles pourront s’adresser seront-ils assez nombreux ? La filière se sera-t-elle structurée pour répondre à une telle demande ? En outre, parmi les 5 000 entreprises, certaines opèrent sur plusieurs sites : quelles règles appliquer dans le cas d’une entreprise qui comporte de nombreux petits sites répartis sur le territoire ?

Si l’on veut que le travail soit bien fait, que la filière puisse s’organiser et que les prix ne flambent pas – comme vous l’avez noté, monsieur Blein –, il serait souhaitable d’accorder un délai supplémentaire d’une année.

M. le président François Brottes. Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que les entreprises inscrites dans une démarche ISO étaient dispensées d’audit. Est-ce bien le cas ? En outre, comme cette certification obéit à un long processus – qui ne sera probablement pas achevé avant décembre 2015 –, une telle démarche pourrait libérer ces entreprises de toute contrainte de temps, ce qui renforce la pertinence de votre amendement.

M. le rapporteur pour avis. L’entreprise doit avoir reçu la certification ISO 50 001 pour être dispensée d’audit ; et là nous aurons très probablement dépassé 2015.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CE 2 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’obliger les entreprises à remettre à l’administration un rapport de suivi des préconisations de l’audit.

M. le président François Brottes. Je pressens que le Gouvernement ne sera pas favorable à cet amendement – surtout si ce rapport constitue une tâche supplémentaire qui ne se substitue à aucune autre.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 29 modifié.

Article 30 

(articles L. 642-1-1 [nouveau] et L. 642-6 du code de l’énergie)

Transposition de la directive 2009/119/CE du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers

Le dispositif des stocks stratégiques de produits pétroliers est essentiel pour assurer la sécurité de l’approvisionnement de l’économie française. Il s’agit d’un dispositif qui sert plus souvent qu’on ne le pense. Aux cours des trois dernières années, il a été mobilisé deux fois : suite à la grève dans les raffineries en 2010 et lors de la crise libyenne en 2011.

Il repose sur les opérateurs du secteur qui, regroupés dans le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP), en ont confié la gestion à la SAGESS (Société anonyme de gestion des stocks de sécurité). La SAGESS loue des capacités de stockage dans les dépôts existants en France et gère un stock de 12 millions de tonnes de produits pétroliers. Le coût total de ce système s’élève à 350 millions d’euros par an, répercuté sur le consommateur par une hausse du prix à la pompe de 0,5 centime par litre.

La directive 2009/119/CE du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers apporte des évolutions à la réglementation sur les stocks stratégiques pétroliers. Certaines de ses dispositions, qui ont un impact économique, ont déjà été transposées en droit interne en 2011. Elles portent notamment l’obligation de stockage stratégique de 27 % à 29,5 % de la consommation intérieure.

Toutefois, le second volet de la transposition, essentiellement des modifications d’ordre administratif, n’est pas achevé. L’article L. 642-6 du code de l’énergie dispose que :

« [Le CPSSP] peut recourir aux services de la société anonyme de gestion de stocks de sécurité mentionnée à l’article 1655 quater du code général des impôts, dans le cadre d’une convention approuvée par l’autorité administrative ».

Or, la directive 2009/119/CE impose la désignation d’une entité centrale de stockage (ECS) et le recours obligatoire à celle-ci par le CPSSP. Le droit français actuel ne répond donc pas tout à fait aux exigences de la directive, car il fait de ce recours une simple faculté.

Le présent article a pour objet de mettre le code de l’énergie en conformité avec le droit européen. Il introduit un article L. 642-1-1, qui définit les notions d’entité centrale de stockage et de stocks stratégiques, en référence aux définitions inscrites dans la directive. Il modifie également l’article L. 642-6 en faisant de la SAGESS l’ECS française, c’est-à-dire la seule entité à pouvoir acquérir et vendre des stocks stratégiques pétroliers au sens de la directive.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 sans modification.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CE 1 présenté par M. Frédéric Barbier, rapporteur :

Article 29

À l’alinéa 11, substituer à l’année : « 2015 », l’année : « 2016 ».

Amendement CE 2 présenté par M. Frédéric Barbier, rapporteur :

Article 29

Compléter l’alinéa 11 par la phrase suivante :

« Les personnes mentionnées au précédent alinéa transmettent à l’autorité administrative, dans un délai de deux ans après la réalisation de chaque audit réalisé, un rapport de suivi de cet audit. ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

ADEME

Mme Sylvie Padilla, chef de services entreprises et écotechnologie

M. Damien Siess, directeur-adjoint productions et énergies durables

Direction générale de l’énergie

M. Pierre-Marie Abadie, directeur

M. Yann Ménager, chef de bureau

M. Jean Giraud, adjoint au chef du bureau des réseaux électriques et de la réglementation de l’énergie

Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

M. Olivier Debaere, chef du bureau des intrants et de la santé publique en élevage

Mme Julie Assemat, chargée d’études juridiques au bureau du droit financier, des contrats publics et de la concurrence / service des affaires juridiques

Mme Caroline Cornuau, chargée d’étude sur l’exercice de la profession vétérinaire et sur la pharmacie vétérinaire / direction générale de l’alimentation

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