N° 1804 - Rapport de M. Jean-Luc Bleunven sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n°974)




N
° 1804

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay

PAR M. Jean-Luc Bleunven

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 456 -457 (2013-213) et T.A. 133

Assemblée nationale : 974

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

LES ÉLÉMENTS DU CONTEXTE 7

I. DES RELATIONS BILATÉRALES ANCIENNES ET DENSES 7

A. LE POIDS DE L’HISTOIRE 7

B. UNE RELATION EXCELLENTE DANS SES DIVERS ASPECTS 8

1. La qualité des relations culturelles 8

2. Les relations économiques franco-uruguayennes 9

II. AUX FONDEMENTS DE L’ACCORD 9

A. LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE EN URUGUAY 10

B. LE CAS PARTICULIER DES PROFESSEURS RÉSIDENTS 10

LE CONTENU DE L’ACCORD 13

I. LES DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET LE CHAMP D’APPLICATION 13

A. LES DISPOSITIONS GÉNÉRALES DE L’ACCORD 13

B. LA LÉGISLATION APPLICABLE 14

II. LES PRESTATIONS CONCERNÉES 15

A. LES PENSIONS D’INVALIDITÉ, DE VIEILLESSE ET DE SURVIVANTS 15

B. LES AUTRES PRESTATIONS 16

III. LA COOPÉRATION ADMINISTRATIVE ET TECHNIQUE 17

CONCLUSION 19

ANNEXE 1 - AUDITIONS 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE - TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 25

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui est soumis à notre commission autorise l’approbation la convention de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République orientale de l’Uruguay. Il s’agit du 38e accord de ce type entre la France et un pays hors Union européenne.

En la matière, le réseau conventionnel de notre pays est particulièrement développé, la France apparaissant comme l’État ayant conclu le plus grand nombre de conventions de sécurité sociale et, à titre de comparaison, nos principaux partenaires européens, le Royaume Uni et l’Allemagne, ne disposaient respectivement que de 18 et 19 accords chacun en 2010. Si l’on additionne l’ensemble des divers instruments européens qui intéressent les États de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et la Suisse, la liste des accords de sécurité sociale auxquels la France est partie s’étend au total à près de 70 pays.

Nombre de ces accords ont été signés avec des États relevant de la traditionnelle sphère historique et culturelle française, et 17 sont ainsi en vigueur avec des pays d’Afrique du Nord et subsaharienne ou portent sur la coordination des régimes métropolitains avec ceux en vigueur en Nouvelle Calédonie ou en Polynésie.

Cela étant, depuis quelques années, la France diversifie les aires géographiques avec lesquelles elle conclut de tels accords. Notre commission des affaires étrangères a ainsi récemment approuvé l’autorisation de ratifier une convention signée avec l’Inde, ainsi qu’avec l’Argentine. Après un premier accord bilatéral avec le Chili entré en vigueur en 2001, l’Amérique latine est désormais une zone vers laquelle notre pays se tourne davantage : outre l’accord franco-uruguayen, une convention a été signée avec le Brésil en 2011.

L’accord de sécurité sociale signé à Montevideo en décembre 2010 ouvre une nouvelle voie de coopération entre deux pays liés depuis longtemps par des liens étroits dans beaucoup de domaines. Il est d’autant plus opportun que, pour être peu nombreuses, les personnes directement intéressées par son entrée en vigueur verront leur situation grandement améliorée.

LES ÉLÉMENTS DU CONTEXTE

La France a traditionnellement joui dans l’ensemble des pays du continent latino-américain d’une bonne, voire d’une excellente image. L’Uruguay ne fait pas exception à la règle, loin de là, et l’histoire n’est pas étrangère à cette situation.

Les relations politiques entre la France et l’Uruguay sont traditionnellement denses. Les deux pays ont maintenu jusqu’à aujourd'hui une profonde affinité, qui remonte aux débuts du XIXe siècle, lorsque la France joua un rôle considérable en apportant une aide précieuse à l’Uruguay au début du XIXe siècle, en soutenant militairement et diplomatiquement le jeune État.

Dans la région, l’Uruguay a été une terre particulière d’émigration française, au point que, entre 1830 et 1850, les immigrants français, Basques et Béarnais pour l’essentiel, étaient plus nombreux que les Espagnols et Italiens réunis ; à la fin du XIXe siècle, la communauté française représentait près du tiers de la population du pays.

L'État uruguayen s’est aussi fortement inspiré du modèle étatique français : laïcité, système scolaire et universitaire, code Napoléon, culture, en ont été des traits marquants. Il fut même un temps où le 14 juillet était férié en Uruguay et où le français, jusque dans les années 1990, était enseigné comme seule langue étrangère obligatoire.

Il n’y a guère que lors de la dictature militaire, entre 1973 et 1985, que les relations ont été mises entre parenthèses, cependant que notre pays accueillait un grand nombre de réfugiés politiques uruguayens. Depuis lors, la qualité des relations s’est rétablie, nombre d’anciens réfugiés émigrés en France occupant aujourd'hui des postes importants, notamment en politique. Les échanges ont repris et les contacts bilatéraux sont relativement fréquents et la proximité culturelle reste très forte.

L’adhésion de l’Uruguay à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2012, lors du Sommet de Kinshasa, en tant que membre observateur, témoigne à son tour de l’excellence de la relation traditionnelle, et des affinités culturelles et linguistiques entre les deux pays. L’Uruguay est le premier pays latino-américain qui ait effectué cette démarche et montre ainsi son attachement au maintien de relations étroites avec notre pays.

Si elles ont un temps fraîchi en 2011, sur fond de propos du Président de la République relatifs aux pays insuffisamment coopératifs en matière fiscale, les choses se sont depuis améliorées, Montevideo ayant depuis lors quitté la liste grise de l'OCDE. Les relations bilatérales franco-uruguayennes sont aujourd'hui considérées comme excellentes à tout point de vue.

Indépendamment de la relation politique évoquée plus haut, la qualité de la relation bilatérale se manifeste en premier lieu et de manière très forte aux niveaux culturel, scientifique et universitaire.

Le volet culturel se traduit tout d'abord par des nombreuses manifestations et opérations communes, comme celles avec la Comédie française, avec l’Opéra de Paris, ou le Musée du Louvre, parmi les événements régulièrement organisés, grâce au soutien de nombreux sponsors et des pouvoirs publics uruguayens, qui interviennent en appui de l’Institut français. De son côté, le lycée français Jules Supervielle compte plus de 1000 élèves, aux trois-quarts uruguayens, et le réseau des Alliances françaises compte dix établissements, très actifs.

La coopération scientifique franco-uruguayenne est également remarquable. Elle est en partie le fruit de l’histoire, dans la mesure où la science uruguayenne, - histoire, médecine, droit, et autres -, s’est constituée sur la base du modèle français et en quasi symbiose avec lui. Malgré l’attractivité du modèle américain aujourd'hui, elle reste forte, comme en témoignent de récents et importants partenariats.

Aujourd'hui, le principal volet de notre coopération scientifique bilatérale repose sur l’Institut Pasteur de Montevideo (IPM), le seul en terre latino-américaine, financé en partie par un accord franco-uruguayen de conversion de dette. Ce centre d’excellence a été inauguré en décembre 2006 par le président Tabaré Vázquez ; il compte aujourd'hui plus de 150 chercheurs et techniciens. Le programme Amsud-Pasteur, créé en 2002, bénéficie d'un apport financier important de l'Institut Pasteur de Paris et de la coopération française ; il réunit un réseau de 62 centres de recherche en sciences de la vie et de la santé de la région, ainsi que l'Institut Pasteur de Paris. Une coopération décentralisée a été nouée entre les villes de Saint-Etienne et de Flores, avec la mise en place en 2011 d’un processus d’échange et de coopération sur le handicap. Deux laboratoires internationaux associés (LIA), ont également été créés : le premier en 2006, en association avec l’Institut Pasteur, en virologie, le second en décembre 2009, en association avec le CNRS, avec l’Institut franco-uruguayen de mathématiques. De nombreux accords ont également été signés entre des universités françaises et uruguayennes, qui permettent de maintenir l’influence de notre pays dans la recherche et l’enseignement supérieur. La France accueille aujourd'hui une centaine d’étudiants, ce qui fait de notre pays la sixième destination d’étudiants uruguayens.

Au plan économique, les échanges également fort anciens – la chambre de commerce de Montevideo a été fondée en 1882, c’est la première à avoir été créée dans le monde entier - sont comparativement plus faibles, eu égard à la petite taille du pays, peuplé de 3,3 millions d’habitants, vivant sur 176 000 km2.

88e client de la France, l’Uruguay reste un partenaire modeste pour notre pays : c’est aujourd'hui notre onzième partenaire commercial en Amérique latine/Caraïbe et notre commerce extérieur bilatéral représente 1,2 % de nos échanges avec la zone. Néanmoins, la tendance est à la progression des échanges commerciaux bilatéraux, exportations comme importations. Ils ont atteint le montant total de 267 M€ en 2012, en hausse de 17 % par rapport à l’année précédente : nos exportations ont plus que doublé sur les trois dernières années. L’excédent français est élevé en termes relatifs, 118 M€, en augmentation de 13 % par rapport à 2011.

La France est aussi l’un des premiers investisseurs en Uruguay, avec un stock d’IDE estimé à 384 M€ en 2011, en progression régulière et forte ces dernières années. Une soixantaine d’entreprises françaises opèrent dans le pays, certaines en position dominante, et emploient quelque 8000 personnes. Les plus importantes en terme d’emplois sont en premier lieu Casino, leader sur le secteur des supermarchés, qui contrôle les deux-tiers de la distribution et emploie 7000 personnes. L’Oréal, leader des cosmétiques, Danone, principal producteur d’eau, Pernod-Ricard, premier producteur de whisky, Havas, première agence de publicité, pour n’en citer que quelques-uns, figurent parmi les principales sociétés du pays. Associé au groupe espagnol Codere, le groupe Sofitel a remporté en novembre 2009 l’appel d’offre pour la réhabilitation de l’hôtel Casino-Carasco de Montevideo, qui inclut une concession de trente ans sur l’hôtel le plus luxueux du pays. Alstom a investi dans des parcs éoliens et dans le site d’interconnexion électrique de Melo, entre l’Uruguay et le Brésil. Total a récemment remporté un appel d’offres pour l’exploration en offshore d’un bloc pétrolier. GDF-Suez est également présent et Air France a rouvert une ligne régulière en 2012.

L’accord de sécurité sociale s’inscrit dans un dispositif bilatéral déjà conséquent. Il concerne une population relativement peu nombreuse mais pour laquelle son entrée en vigueur permettra de résoudre des problèmes administratifs devenus délicats.

Si une majorité d’Uruguayens comptent encore une ascendance française, les choses ont considérablement évolué.

La communauté française résidant en Uruguay est en effet aujourd'hui relativement peu nombreuse ; elle représente néanmoins un millième de la population du pays, ce qui est considérablement supérieur à la situation dans les autres pays de la région. Selon les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur, un peu moins de 2900 personnes étaient inscrites au registre en 2013. Ces chiffres sont à comparer aux 2100 personnes inscrites en 2002. En dix ans, ce chiffre a donc augmenté de près de 34 %, très forte évolution expliquée par la croissance économique du pays. En majorité, la communauté française est composée de binationaux, au nombre de plus de 2000. L’ambassade estime que, au total, quelque 5000 Français vivent tout ou partie de l’année en Uruguay, compte tenu de ceux qui ne sont pas enregistrés.

De son côté, selon les renseignements communiqués à votre rapporteur, la communauté uruguayenne de France est difficile à évaluer, car de nombreux Uruguayens ne sont pas enregistrés auprès des consulats. Le nombre de familles enregistrées en région parisienne est de 800, ce qui peut conduire à une estimation de l’ordre de 2500 personnes pour la région parisienne. Il pourrait y avoir quelque 5000 ressortissants uruguayens au total en France, en incluant les double-nationaux.

Si les entreprises françaises sont assez nombreuses et très actives en Uruguay, elles emploient cependant peu d’expatriés. Leurs salariés sont très majoritairement des nationaux. Les enseignants sont au premier rang des ressortissants français particulièrement intéressés par la ratification de cet accord bilatéral.

En effet, le lycée français Jules Supervielle de Montevideo emploie, comme tous les établissements gérés par l’AEFE, des professeurs au statut de résidents. Payés par l'AEFE à Paris, ceux-ci cotisent, par prélèvement sur leurs salaires, à la sécurité sociale française à laquelle ils sont affiliés et ne sont pas couverts par la sécurité sociale uruguayenne.

Cependant, les employés étrangers résidents, aux termes de la législation uruguayenne, doivent attester du paiement de leurs cotisations de sécurité sociale en Uruguay du fait de leur statut de salariés, ou justifier de leur exemption. Dans le cas contraire, ils se voient refuser le bénéfice de la carte de résident qui leur permet de travailler et de résider de manière légale dans le pays. Indépendamment du fait que ces personnes se trouvent dans une réelle insécurité juridique, cette situation induit des coûts, entre autres l’obligation de payer à chaque sortie du territoire uruguayen, nonobstant le risque de refus lors de la réadmission dans le pays.

Si cet état de fait n’a semble-t-il pas particulièrement posé de problème jusqu’à une période récente, la sécurité sociale uruguayenne exige désormais le paiement des cotisations dans le pays, ou la preuve de leur exemption pour les enseignants résidents qui travaillent sur le sol uruguayen et n’ont pas, à la différence des professeurs expatriés, de statut spécial les rapprochant de celui des diplomates. Dans la mesure où, conformément au décret de 2002 sur la situation administrative et financière des personnels des établissements d’enseignement français à l’étranger, les professeurs résidents sont amenés à demander une carte de résidence permanente aux autorités locales, ils sont considérés par celles-ci comme des personnels des droit commun devant s’acquitter de leurs charges sociales.

La situation personnelle de chacun des intéressés peut parfois aider : ainsi, la nationalité uruguayenne du conjoint de certains professeurs résidents leur permet-elle d’obtenir une carte de résident à ce titre. Mais il est en revanche des cas plus délicats, dans lesquels les intéressés se sont vus délivrer des cartes provisoires, les demandes de renouvellement se heurtant ensuite aux mêmes difficultés, voire à des refus, mettant ainsi les personnes dans l’illégalité. Des solutions ont été envisagées par l’AEFE et l’ambassade pour régler la question de la légalité du séjour des professeurs résidents, via l’obtention d’un visa officiel et d’une carte de séjour de deux ans. Elles sont toutefois considérées comme peu satisfaisantes.

L’entrée en vigueur de l’accord bilatéral devrait par conséquent permettre aux professeurs résidents, tous fonctionnaires français et payés par la France, de bénéficier de l’exemption d’affiliation au régime uruguayen de sécurité sociale et pouvoir faire aboutir leur demande de statut de résident auprès des autorités locales.

LE CONTENU DE L’ACCORD

L’accord suit les grandes lignes des conventions de sécurité sociale, et se présente en cinq parties, les plus importantes portant les aspects législatifs et les prestations.

La première partie traite des dispositions générales. Les définitions d’usage sont posées à l’article 1er ; elles portent sur les termes et expressions utilisés dans l’accord et n’appellent pas de commentaire particulier de votre rapporteur.

Aux termes de l’article 2, qui précise le champ d’application matériel de l’accord, sont couverts l’ensemble des risques – « maladie, maternité et paternité assimilés, invalidité, décès, vieillesse, survivants (pensions), accidents du travail et maladies professionnelles, et famille » -, tels qu’ils figurent dans les régimes de sécurité sociale, généraux et spéciaux, obligatoires et volontaires, y compris ceux des professionnels indépendants. L’article 2 indique en outre que les amendements ou élargissements aux législations concernées seront également couverts, de même que l’extension à de nouvelles catégories de bénéficiaires, sauf objection expresse d’une des Parties. De même ne s’applique-t-il pas aux nouvelles branches de sécurité sociale qui pourraient être créées, à moins d’accord spécifique des contractants.

L’article 3 prévoit que, quelle que soit sa nationalité, toute personne qui relève, ou a relevé, d’un régime de sécurité sociale de l’une des deux parties, bénéficie des dispositions de l’accord, ainsi que ses ayants droits et survivants. L’égalité de traitement est l’objet de l’article 4 qui stipule que, résidant sur le territoire de l’autre État, les personnes mentionnées à l’article précédent ont les mêmes droits et obligations que ceux que cet État accorde ou impose à ses propres ressortissants.

Les articles 5 et 6 de la première partie rappellent les principes de consécration des droits acquis et de non-cumul. Ainsi, sauf s’agissant des prestations non contributives de solidarité nationale  (1) qui ne peuvent être servies que sur le territoire de l'État débiteur, « un État contractant ne peut suspendre, réduire ou modifier les pensions et rentes acquises en application de sa législation ou du présent Accord pour le seul motif que le bénéficiaire séjourne ou réside sur le territoire de l’autre État contractant ou d’un État tiers. » En application des règles de non-cumul, les clauses de réduction, de suspension ou de suppression de prestations, prévues dans la législation d’un État, sont opposables au bénéficiaire, même si ces prestations, « même si ces prestations sont acquises en vertu d’un régime de l’autre État contractant ou si ces revenus sont obtenus sur le territoire de l’autre État contractant. »

La deuxième partie de l’accord présente les règles relatives à la législation applicable selon la situation des intéressés. La règle générale est posée à l’article 7 : une personne qui exerce une activité professionnelle sur le territoire d’un État contractant est uniquement soumise à la législation de cet État au titre de son activité. Les articles 8 à 12 règlent les cas particuliers.

En premier lieu, des dispositions spéciales concernent les salariés détachés temporairement par leur employeur pour travailler dans l’autre État contractant : aux termes de l’article 8, ils restent affiliés au régime de leur État d’origine dès lors que le détachement est au plus de deux ans, congés compris et qu’ils ne sont pas envoyés en remplacement d’un précédent salarié parvenu à la période de son propre détachement. Parmi les dispositions également récurrentes dans les conventions de sécurité sociale, celles qui concernent les personnels navigants et les gens de mer font l’objet des articles 9 et 10.

Aux termes de l’article 9, le personnel roulant ou navigant d’une entreprise de transports internationaux de passagers ou de marchandises qui a son siège sur le territoire d’un des deux États contractants est soumis à la législation de cet État, sauf s’il s’agit de personnels employés par une succursale. Ces dispositions sont traditionnelles, de même que celles relatives aux gens de mer, objets de l’article 10, selon lequel « une personne qui exerce une activité professionnelle à bord d’un navire battant pavillon d’un État contractant est soumise à la législation de cet État contractant », sauf si l’entreprise a son siège sur le territoire de l’autre État et que la personne y réside.

A ce sujet, cet accord semble présenter deux particularités : en premier lieu, le fait que l’article 9 mentionne aux côtés des personnels navigants les « personnels roulants », dont il n’est pas certain, de l’avis de votre rapporteur, qu’ils soient très nombreux à être concernés, compte tenu de l’océan qui sépare les deux pays, même si l’hypothèse de camions circulant entre la Guyane et l’Uruguay n’est pas à exclure. C’est cependant une mention qui ne figurait pas dans l’accord de sécurité sociale conclu avec l’Argentine, qui ne distinguait que le personnel navigant des entreprises de transport aérien d’un côté et les gens de mer de l’autre. L’accord franco-uruguayen traite d’un côté du « personnel roulant ou navigant d’une entreprise de transports internationaux » de passagers ou de marchandises, sans préciser ce que l’article 8 entend ainsi. Dans la mesure où l’article 10 concerne spécifiquement les gens de mer, par « personnel navigant » seuls les employés des compagnies aériennes sont concernés. Cela a été confirmé à votre rapporteur.

Enfin, la dernière exception à la règle générale porte sur les fonctionnaires et membres des missions diplomatiques et consulaires. Aux termes de l’article 11, « les fonctionnaires et le personnel assimilé ainsi que les membres de leur famille qui n’exercent pas d’activité professionnelle demeurent soumis à la législation de l’État contractant dont dépend l’administration qui les emploie », étant entendu qu’il est précisé que les conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires ne sont pas affectées par cet accord. C’est précisément cette disposition qui permettra aux professeurs résidents de voir leur situation clarifiée en regard des dispositions légales uruguayennes en matière de cotisations sociales. En outre, l’article 12 prévoit que, dans l’intérêt de certains assurés ou de certaines catégories d’assurés soumis à la législation de l’un deux États, les autorités compétentes peuvent toujours convenir de dérogations aux dispositions des articles 7 à 11.

La situation des prestations sociales sur lesquelles porte l’accord est présentée dans les quatre chapitres qui composent la troisième partie.

L’article 13 assimile les conditions d’octroi aux prestations concernées, que ces conditions soient remplies dans un État ou dans l’autre. En d'autres termes, le fait que la personne intéressée soit soumise à la législation d’un des deux États à la survenance du fait générateur suffit à l’octroi de la prestation dans la mesure où il cotise ou perçoit une pension de même nature dans l’autre État à cette date. Dans le même esprit, si des périodes d’assurance déterminées sont exigées, le fait de pouvoir en justifier dans l’autre État suffit à l’ouverture du droit.

L’article 14 détermine les règles de totalisation des périodes d’assurance pour l’acquisition, le recouvrement ou le maintien du droit à pension dans l’autre État. Il prévoit que, si nécessaire, les autorités compétentes tiennent compte des périodes d’assurance accomplies sous la législation de l’autre État pour la détermination de l’ouverture des droits, étant entendu que la totalisation n’est possible qu’au titre de régimes équivalents ou de professions identiques. Nonobstant cet aspect, les règles de totalisation valent également pour les régimes spéciaux, sauf ceux des fonctionnaires civils et militaires de l'État, des fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers et des ouvriers des établissements industriels de l'État, lesquels prennent cependant en compte pour la détermination du taux de liquidation des pensions, les périodes de cotisations accomplies sous législation uruguayenne. Il est enfin précisé que ces règles de totalisation sont étendues aux périodes de cotisation effectuées dans des États tiers liés par des conventions de sécurité sociale avec la France ou l’Uruguay.

Le calcul des prestations obéit aux règles fixées à l’article 15 de l’accord qui reprennent des dispositions classiques. Ainsi, lorsqu’il n’est pas nécessaire de faire appel aux périodes d’assurance effectuées sous la législation de l’autre État pour liquider une pension d’invalidité, de vieillesse ou de survivant, le calcul des droits est fait par l’autorité compétente de l'État en se fondant sur les périodes accomplies en vertu de sa législation. Si les conditions ne sont ouvertes qu’en prenant en compte les périodes accomplies sous la législation de l’autre État, un calcul de proratisation est effectué après totalisation des périodes comme si elles avaient été accomplies sous une seule législation. En tout état de cause, c’est le montant le plus élevé qui est servi aux intéressés. Le cas des périodes d’assurance inférieures à un an est réglé à l’article 16 : l’autorité compétente n’est pas tenue de procéder à la totalisation mentionnée aux deux articles précédents, mais les périodes servent néanmoins de base de liquidation si elles sont suffisantes à l’ouverture des droits et elles sont également prises en compte pour l’ouverture et le calcul des droits au regard de la législation de l’autre État. Selon l’article 17, la révision des prestations exportées dans l’autre État est automatique sans nouveau calcul si elles ont fait l’objet de majoration par l’État concerné. Il en est autrement lorsque des modifications dans les modalités de calcul sont intervenues. Des dispositions spécifiques concernent les prestations d’invalidité : elles sont fixées par l’article 18 qui prévoit notamment que les évaluations destinées à déterminer la réduction de la capacité de travail sont faites par les institutions compétentes de chaque État, qui sont mises à disposition des autorités compétentes de l’État de résidence de l’intéressé.

La situation des autres prestations fait l’objet de trois chapitres distincts. Concernant en premier lieu les prestations d’accidents du travail et de maladies professionnelles, le principe retenu par l’article 19 de l’accord est celui de l’ouverture du droit à prestation dans le pays dans lequel le travailleur était soumis à la législation à la date de l’accident ou à la période d’exposition au risque professionnel. Dans l’hypothèse où l’emploi susceptible d’avoir provoqué la maladie a été exercé dans les deux pays successivement, les prestations accordées le sont sur la base de la législation du pays dans lequel l’emploi a été occupé en dernier lieu.

L’article 20 traite des prestations maladie et de maternité et de paternité assimilées. Il prévoit que pour l’ouverture et la détermination des droits dans un État, il est, si nécessaire, tenu compte des périodes d’assurance accomplies sous la législation de l’autre État, à condition que l’intéressé relève d’un régime de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle.

Enfin, en matière de prestations familiales, l’article 21 précise que les personnes maintenues à la législation de leur État d’origine par application des dérogations prévues aux articles 8 à 12, en relèvent également pour le bénéfice des prestations familiales auxquelles leur donnent droit les enfants résidant avec elles sur le territoire de l’autre État. La liste des prestations familiales concernées est énumérée à l’article 10 de l’arrangement administratif prévu par l’accord ; il s’agit des allocations familiales, de la prime à la naissance ou, à l’adoption, de la prestation d’accueil du jeune enfant.

La quatrième partie de l’accord réunit un certain nombre de « dispositions diverses », décrites aux articles 22 à 31. Elles concernent notamment les modalités de la coopération entre autorités compétentes destinée à l’application de l’accord.

En premier lieu, l’article 22 annonce un arrangement administratif entre les autorités compétentes, aux termes duquel celles-ci prennent les mesures requises par l’application de l’accord, définissent les procédures d’assistance administrative réciproque et communiquent et s’informent directement des modifications législatives, ou des mesures d’application qu’elles prennent. Le principe d’une coopération administrative entre autorités compétentes des deux pays est institué à l’article 23, qui fixe les modalités pratiques de l’entraide qu’elles s’apportent mutuellement. L’article 24 détermine les règles en matière de contestations, d’actions et de recours et l’article 25 celles relatives à la communication de données à caractère personnel, indispensable pour l’ouverture, le calcul et la gestion des droits de sécurité sociale. Il est spécifié que cette communication est autorisée aux fins exclusives de l’application de l’accord et dans le respect de la législation en vigueur en matière de protection des données à caractère personnel.

Une procédure de reconnaissance mutuelle des décisions juridictionnelles ou administratives rendues dans l’un ou l’autre État est instituée à l’article 26, concernant les cotisations ou contributions de sécurité sociale dues ainsi que la restitution de prestations indûment versées, aux termes de laquelle ces décisions sont reconnues systématiquement, et de ce fait, exécutées, sauf si elles sont contraires aux principes juridiques de l’État dans lequel elles doivent l’être.

Priorité nationale, la lutte contre la fraude en matière de sécurité sociale fait l’objet de l’article 27 de l’accord qui prévoit que les deux États s’informent mutuellement des conditions d’affiliation et d’éligibilité liées à la résidence sur leur territoire respectif. En outre, en cas de suspicion, une institution compétente d’un État peut demander à son homologue de l’autre État de vérifier la réalité de la résidence d’une personne. De même, s’agissant notamment des prestations soumises à condition de ressources, ou si cela est considéré comme nécessaire, l’autorité d’un État peut demander des informations sur les revenus et ressources de toute nature dont une personne dispose.

L’article 28 prévoit que les prestations sont logiquement versées dans la monnaie de l’État de résidence de l’intéressé ; l’article 29 détermine que le règlement des différends est, dans la mesure du possible, effectué entre autorités compétentes, via une commission mixte instituée par l’article 30, également chargée de suivre l’application de l’accord et de proposer toute modification pertinente. En outre, une coopération technique est prévue par l’article 31, aux termes duquel « Les autorités compétentes des États contractants peuvent renforcer leur coopération et développer des échanges de bonnes pratiques, d’expertise et d’assistance techniques sur un ou plusieurs aspects de leurs systèmes de sécurité sociale, ainsi que des projets communs dans ce domaine. »

Les six derniers articles, 32 à 37, qui composent la cinquième partie de l’accord portent sur les dispositions transitoires et finales. Il est ainsi rappelé que l’accord, conclu pour une durée indéterminée (article 35), ne porte atteinte à aucun des droits et obligations découlant pour la France de son appartenance à l’Union européenne et pour l’Uruguay de son appartenance au Mercosur (article 32). Il n’est pas rétroactif (article 33), étant entendu que les périodes d’assurance antérieures sont prises en compte pour la détermination des droits des personnes intéressées. Si l’accord venait à être dénoncé, les droits acquis ou en cours d’acquisition seraient garantis (article 36), étant par ailleurs entendu que les prestations non versées ou suspendues avant l’entrée en vigueur de l’accord, ainsi que celles qui ont été liquidées, peuvent être versées ou révisées ensuite à la demande des intéressés (article 34).

CONCLUSION

Ainsi que votre rapporteur l’a souligné, le nombre de bénéficiaires de cet accord est relativement modeste. Sa ratification permettra néanmoins d’apporter une solution à la situation délicate dans laquelle se trouve un certain nombre de nos compatriotes, professeurs résidents du lycée français de Montevideo en premier lieu.

Au-delà de ces premiers cas, et d’une manière plus générale, les dispositions de l’accord répondent au souhait de faciliter la mobilité internationale des travailleurs français et uruguayens. Les solutions apportées, en matière de pensions par exemple, permettront d’éviter les périodes d’interruption dans la constitution des droits pour cause de multiples affiliations à des régimes différents. Pour modeste que soit l’impact de l’accord sur la densification de nos échanges avec l’Uruguay, il ne peut que concourir à l’amélioration de la situation personnelle des intéressés.

Votre rapporteur est donc favorable à cet accord et vous recommande d’en autoriser à votre tour l’approbation ; le Parlement uruguayen ayant d'ores et déjà achevé les formalités nécessaires, l’accord entrera rapidement en vigueur.

ANNEXE 1

AUDITIONS :

Néant

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 18 février à 17 heures.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. François Rochebloine. Je souhaitais obtenir quelques précisions sur le nombre d’expatriés en Uruguay et le nombre de professeurs qui sont concernés par cet accord.

M. Jean-Luc Bleunven. En 2013, 2.900 Français étaient inscrits au registre tandis que moins de 5 professeurs résidents sont concernés par cet accord. Les autres sont soumis à la législation par la nationalité de leur conjoint Ces professeurs résidents ne sont pas soumis à la fiscalité

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 974).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, signé à Montevideo le 6 décembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n°974).

© Assemblée nationale