Edouard Rieunaud

1904 - 1982

Informations générales
  • Né le 15 décembre 1904 à Valderiès (Tarn - France)
  • Décédé le 3 mars 1982 à Albi (Tarn - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 9 octobre 1962
Département
Tarn
Groupe
Républicains populaires et centre démocratique

Biographies

Biographie de la Ve République

RIEUNAUD (Edouard, Francis, Rémy)
Né le 15 décembre 1904 à Valderiès (Tarn)
Décédé le 3 mars 1982 à Albi (Tarn)

Député du Tarn de 1958 à 1962

« Enfant du pays tarnais », comme il devait se présenter lui-même dans une profession de foi électorale, Edouard Rieunaud naît au début du XXème siècle à Valderiès, chef-lieu de canton situé à quelques kilomètres d’Albi. Il ne semble pas avoir fréquenté l’enseignement secondaire après l’obtention de son certificat d’études. Il travaille pendant huit années aux mines de Carmaux, sans qu’on sache s’il est affecté aux activités d’extraction ou, plus probablement, à l’encadrement ou aux services administratifs. Bien que non-bachelier, il fréquente ensuite les cours d’un certain « Institut des Hautes études politiques et sociales » et y décroche un certificat. Edouard Rieunaud s’affirme alors comme un homme de l’écrit, dont la carrière professionnelle a pour cadres les mondes de l’imprimerie et de la presse locale. Après la défaite française du printemps 1940, il s’engage dans la Résistance. Son comportement et son action pendant les « années sombres » devaient lui valoir d’être décoré de la Légion d’honneur, de la croix du combattant volontaire et de la médaille du combattant volontaire de la Résistance à la Libération. Entré au conseil municipal d’Albi à l’été 1944 en sa qualité d’ancien résistant, il reçoit une première fois l’onction du suffrage universel lors des élections municipales de mars 1945. Deux ans et demi plus tard, il devient 1er adjoint au maire radical-socialiste d’Albi. Ce dernier a également deux adjoints gaullistes, membres du RPF. Ses responsabilités de directeur de l’Imprimerie coopérative du Sud-ouest et de directeur du Tarn libre font d’Edouard Rieunaud une importante personnalité du département. Malgré le déclin général de la « presse engagée » en France après la Seconde Guerre mondiale, les affrontements politiques trouvent encore une traduction dans la presse tarnaise à cette époque. Au Tarn libre, réputé favorable au MRP du député François Reille-Soult, s’opposent en effet Le cri des travailleurs, que dirige le socialiste Maurice Deixonne, et Renaître, qui soutient le communiste Roger Garaudy. Edouard Rieunaud ne figure pas sur les listes présentées par le MRP pour les élections législatives du 17 juin 1951 et du 2 décembre 1956 dans le Tarn.
Il accueille favorablement le retour au pouvoir du général de Gaulle, même s’il regrette le choix du scrutin d’arrondissement pour les élections législatives de novembre 1958. Comme beaucoup de démocrates chrétiens, il craint que l’abandon de la proportionnelle ait pour conséquence d’opposer mécaniquement deux blocs ennemis lors du second tour. Il se porte néanmoins candidat au siège de député de la 1ère circonscription du Tarn, qui couvre le centre et le nord-est du département et a alors pour villes principales Albi et Carmaux. Dans ses documents électoraux, Edouard Rieunaud, qui a reçu l’investiture du MRP, dit approuver « les grandes lignes de la politique du général de Gaulle, notamment au sujet du problème algérien ». Il souhaite en effet œuvrer « pour la paix en Algérie » et « pour la construction de l’Europe », en laquelle il voit la « meilleure chance de paix et la plus sûre promesse de progrès économique et social ». Il propose en outre de créer « une véritable assurance-chômage » en France. Elu d’Albi, il a choisi pour suppléant le maire d’une petite commune, Célestin Capelle, par ailleurs administrateur de la Mutualité sociale agricole (MSA). Edouard Rieunaud affronte deux députés sortants en novembre 1958 : Maurice Deixonne porte les couleurs de la SFIO dans une circonscription qui a valeur de symbole pour les socialistes, puisqu’elle fut celle de Jean Jaurès ; Marcel Pelissou représente le Parti communiste. Edouard Rieunaud arrive en tête du 1er tour, le 23 novembre 1958. Avec 31,4% des suffrages exprimés, il devance Maurice Deixonne (28,6%) et Marcel Pelissou (21,2%). Les 3 cantons situés au nord de la circonscription –Carmaux, Monestiés, Pampelonne- accordent leur préférence à Maurice Deixonne, quand les 6 autres lui préfèrent le candidat du MRP. La popularité de son suppléant, qui y est implanté, explique qu’Edouard Rieunaud décroche son meilleur résultat au 1er tour dans le canton rural d’Alban (60,7%). Les relations entre communistes et socialistes sont particulièrement tendues dans le Tarn depuis la Libération, même si l’intensité des affrontements a décru depuis que l’ancien député Roger Garaudy a quitté le département, qu’il représenta à l’Assemblée nationale de 1945 à 1951, pour celui de la Seine. Si les candidats communistes en position de le faire se maintiennent dans la quasi-totalité des circonscriptions françaises le 30 novembre 1958, la 1ère circonscription du Tarn a ceci de particulier que le PCF Marcel Pelissou n’y perd que 227 voix par rapport au 1er tour. Le socialiste Maurice Deixonne, spécialiste des questions de laïcité à la SFIO, est nettement battu (30,5%) par le MRP Edouard Rieunaud (49%), alors que les communistes représentent 20,5% des voix.
Edouard Rieunaud s’inscrit au groupe des Républicains populaires et du Centre démocratique (RPCD) et siège à la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sous la 1ère législature de la Vème République. Le député du Tarn se distingue très vite par son goût du travail parlementaire. Il occupe les fonctions de secrétaire de l’Assemblée nationale à partir d’octobre 1960 et dépose 7 propositions de lois entre avril 1960 et octobre 1962. Trois de ces textes envisagent une modification des dispositions en vigueur s’agissant des pensions de retraire. Il s’associe ainsi à son collègue Pierre Gabelle pour déposer, le 19 mai 1960, une proposition de loi ramenant à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes l’âge à partir duquel une pension de retraite à taux plein pourrait être servie. Les deux élus MRP jugent difficilement admissible « du point de vue que la justice sociale » que des ouvriers attendent 65 ans pour avoir une retraite, « alors que les salariés des services publics, les fonctionnaires et autres personnels à statut bénéficient d’une pension de retraite à 60, parfois même à 55 ans ». L’ancien résistant envisage aussi qu’une commission soit créée dans le cadre « de la direction des personnels militaires de l’armée de terre » pour examiner les demandes d’attestation d’appartenance aux Forces françaises combattantes (FFC) n’ayant pu, « pour des raisons non imputables aux intéressés », être traitées avant la date de forclusion, fixée au 5 décembre 1949 (proposition de loi déposée le 19 mai 1961). Edouard Rieunaud est également à l’origine d’une proposition de loi visant, pour des raisons de commodité, à inscrire les déclarations de naissance « sur les registres d’état-civil de la commune du domicile des parents », « même si la naissance a eu lieu en dehors de cette commune » (dépôt le 27 juillet 1962).
L’élu tarnais prend la parole à 27 reprises en séances publiques entre juillet 1959 et juin 1962, soit 9 fois par an en moyenne. Il aborde les sujets les plus variés, mais n’oublie jamais de défendre les intérêts de son département natal au Palais-Bourbon. Le 13 novembre 1959, il se fait ainsi l’écho de l’inquiétude des viticulteurs tarnais face à l’« énorme (…) » augmentation des taxes frappant leur production et juge « nécessaire et primordial d’apporter des mesures d’assouplissement en faveur des vins des petits producteurs ainsi qu’en ce qui concerne leur imposition en alcool vinique ». Louant « ce bon vin qui est aliment, remède et reconstituant », il propose d’attribuer « un quatre de vin supplémentaire » aux soldats et de supprimer « la circulaire aux académies interdisant de donner du vin aux moins de seize ans ». Carmaux et son gisement houiller sont compris dans la circonscription d’Edouard Rieunaud : c’est pourquoi il invite le Gouvernement, lors de la séance publique du 10 décembre 1959, à ne négliger aucune des solutions qui permettraient de pérenniser l’activité minière en France, et plaide pour la création d’un ministère de l’Energie. Edouard Rieunaud met en avant sa qualité d’ « ancien employé aux mines de Carmaux » pour défendre un retour à l’indexation des salaires des mineurs (6 mai 1960). Il attire en outre l’attention de l’exécutif sur la difficile situation des industries textiles du Tarn, en particulier pour les usines fabriquant du drap cardé (séances des 17 novembre 1959 et 21 juin 1961).
Les discours d’Edouard Rieunaud dessinent le profil d’un parlementaire aux idées généreuses, très attaché à l’idée de solidarité –entre les générations ou entre les différentes parties du pays-. Il constate que l’élévation de l’espérance de vie impose d’améliorer le service des soins à domicile pour les personnes âgées et déplore que « les allocations versées aux personnes de plus de soixante ans soient insuffisantes pour permettre à de nombreux « vieux » de faire face à leurs besoins essentiels » (20 mai 1960). Il insiste à nouveau sur la nécessité de « garantir aux personnes âgées des ressources pour finir décemment leur vie » et un logement (15 juin 1962). Son « refus de l’égoïsme aveugle » le conduit à souhaiter que la « solidarité nationale » s’exerce « à plein » en faveur des rapatriés d’Algérie (11 mai 1962). Edouard Rieunaud se préoccupe aussi des conditions dans lesquelles la protection des civils serait assurée en cas de conflit atomique (28 octobre 1960).
Ses prises de position se caractérisent par leur atypisme lors des scrutins importants de la 1ère législature. Elles ne correspondent pas toujours en effet à celles d’une majorité de ses collègues MRP. Il s’abstient volontairement sur le programme du gouvernement de Michel Debré (16 janvier 1959) mais approuve les termes de la déclaration de politique générale du 15 octobre 1959. Sans doute a-t-il été rassuré entre ces deux dates sur les intentions « libérales » de l’exécutif en Algérie, qui se sont précisées lorsque de Gaulle a évoqué la perspective de l’ « autodétermination » dans son allocution du 16 septembre 1959. Il est plus difficile de comprendre l’abstention volontaire d’Edouard Rieunaud sur le projet de loi réformant le financement de l’enseignement privé (23 décembre 1959). Il accorde les pouvoirs spéciaux au Gouvernement pour rétablir l’ordre en Algérie au lendemain de la semaine des barricades (2 février 1960) mais opte de nouveau pour l’abstention volontaire lors du vote sur le programme du gouvernement Pompidou (27 avril 1962). Les MRP Pierre Pflimlin, Robert Buron, Paul Bacon, Joseph Fontanet et Maurice Schumann occupent pourtant des portefeuilles ministériels à cette date et jusqu’au 16 mai 1962. Edouard Rieunaud ne prend pas part au scrutin sur la levée de l’immunité parlementaire de Georges Bidault (5 juillet 1962) et vote la motion de censure du 4 octobre 1962.
La situation de l’ancien résistant est paradoxale à la veille des élections législatives de novembre 1962. Il bénéficie en effet du soutien implicite des gaullistes et de toute la droite, puisqu’aucun candidat ne lui est opposé par l’UNR ou le CNI. Privé de son mandat de 1er adjoint au maire d’Albi depuis 1959, il n’en réalise pas moins un bon résultat le 18 novembre 1962. 42,1% des électeurs se rassemblent sur son nom, contre 36,8% pour André Raust, qui remplace Maurice Deixonne comme candidat de la SFIO, et 21,1% pour l’ancien député PCF Marcel Pelissou. Les cantons d’Alban, de Réalmont et de Valence-d’Albigeois offrent même la majorité absolue dès le 1er tour à Edouard Rieunaud. Mais le contexte politique a changé à gauche, qui permet désormais un désistement automatique en faveur du candidat le mieux placé, qu’il soit communiste ou socialiste. Marcel Pelissou se retire donc et permet à André Raust de l’emporter facilement (55,7%) sur Edouard Rieunaud.
L’ancien élu d’Albi est correspondant de l’Agence France Presse (AFP) pour le Tarn dans les années 1960. Il prend en outre des positions courageuses en faveur d’un statut pour les objecteurs de conscience à cette époque. Edouard Rieunaud n’est pas candidat aux législatives de mars 1967, mais décide de concourir à celles de juin 1968. Investi par le Centre démocrate de Jean Lecanuet, il est concurrencé par le gaulliste Henri Bressolier. Ce dernier le devance de peu au 1er tour de scrutin -26,1% contre 28,5%- et est élu député du Tarn le 30 juin 1968.
Edouard Rieunaud semble se retirer de la vie publique au lendemain de cette défaite. Il publie un ouvrage historique sur sa région en 1973 et meurt à Albi au début des années 1980.