Mai 68 s'invite dans l'hémicycle : les séances du 14 et 22 mai 1968

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Onglet actif : Mai 68 s'invite dans l'hémicycle : les séances du 14 et 22 mai 1968

Onglet actif : La motion de censure des 21 et 22 mai 1968

Pour l’Assemblée nationale, mai 1968 ne se résume pas à sa dissolution, le 30, et à la  « chambre introuvable » issue des élections législatives des 23 et 30 juin.

Les 21 et 22 mai, deux jours de débats sont consacrés à la motion de censure conjointement déposée par François Mitterrand, au titre du groupe de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), et Robert Ballanger, pour le groupe communiste.

L’objectif est de renverser le Gouvernement de Georges Pompidou. Les deux groupes qui le soutiennent, l’Union démocratique pour la Ve République -  gaulliste -, et les Républicains indépendants, autour de Valéry Giscard d’Estaing, ne comptent ensemble que 242 membres et apparentés, à raison de 200 et 42 respectivement. Or, le seuil de la majorité est à 244.

Ce rapport de force se traduit dans les votes. Le 24 avril, une motion de censure sur la situation de l’audiovisuel recueille 236 votes : ceux du groupe de la FGDS (121 membres et apparentés) et du groupe communiste (73 membres et apparentés), mais aussi d’une large part du groupe Progrès et démocratie moderne (PDM) présidé par Jacques Duhamel (41 membres et apparentés). Le 7 mai, par 241 voix contre 240 et par 246 voix contre 237, l’Assemblée décide la création de deux commissions spéciales, sur l’audiovisuel, contre l’avis de la présidente de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Marie-Madeleine Dienesch, qui sera nommée Secrétaire d'État à l’éducation nationale le 31 mai suivant.

D’ailleurs, deux débats en séance publique sont déjà intervenus sur les manifestations étudiantes et les « événements » : le premier, le mercredi 8 mai, deux jours après le début des violences au Quartier latin, lors de la séance des questions orales avec débat ; le second, le mardi 14 mai, avec une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, mais sans vote, contrairement à ce que souhaitaient les groupes d’opposition.

L’objectif de la motion de censure est d’obtenir ce vote. Les motifs invoqués pour demander la censure du Gouvernement sont le refus du dialogue, qui  conduit les étudiants, les enseignants, les paysans, les ouvriers et les jeunes sans emploi à exprimer leur angoisse en manifestant, et la sanction de la politique menée depuis dix ans, qui en est la cause.

Les débats des mardi 21 et mercredi 22 mai sont particulièrement denses : quatre séances publiques d’une durée cumulée de plus de 12 heures ; vingt-et-un orateurs. Le Gouvernement s’exprime par la voix non seulement de Georges Pompidou, Premier ministre, mais aussi de son prédécesseur Michel Debré, alors ministre de l’économie et des finances.

Défendue par Réné Billères - qui a connu Georges Pompidou à l’Ecole normale supérieure, rue d’Ulm -, la motion est notamment soutenue par Guy Mollet,  Waldeck Rochet, Gaston Deferre, Pierre Cot et François Mitterrand, ainsi que Jacques Duhamel. Les thèmes abordés sont pour l’essentiel l’inadaptation de l’université à l’afflux des étudiants, dont le nombre a triplé en dix ans, l’insuffisante visibilité des bénéfices et du partage des fruits d’une croissance économique pourtant exceptionnelle, les méthodes du Gouvernement, mais aussi les violences, étudiantes et policières.

La motion de censure  est combattue par Robert Poujade, Valéry Giscard d’Estaing, entre autres. Jean Royer, l’un des  députés n’appartenant à aucun groupe, se prononce également contre.

Le mercredi 22 mai en début de soirée, le résultat du vote par scrutin public tombe : la motion de censure n’est pas adoptée ; seuls 233 députés ont voté pour, 3 de moins que le 24 avril.

Un membre du groupe de l’union de démocratique pour la Ve République a fait défection : Edgard Pisani, qui a expliqué peu avant le scrutin les raisons pour lesquelles il voterait la censure. En outre, René Capitant, alors président de la commission des lois, vient de démissionner de son mandat de député et n’a donc pas pris part au vote. À l’opposé, quelques députés du groupe Progrès et démocratie moderne, n’ont pas voté la censure, de même qu’une partie des « non-inscrits ».

Contrairement à celle de 1962, la dissolution du 30 mai intervient ainsi non pour arbitrer un conflit entre l’Assemblée et le Gouvernement, mais pour solliciter directement l’arbitrage des électeurs dans une situation de très grande tension politique et sociale.